La priorité dans la fonction publique bientôt accordée aux veuves et veufs
Kathryn May, Ottawa Citizen
19 avril 2010
Le chien de garde de la bureaucratie blâme le ministère de la Justice pour le retard pris par les Conservateurs à tenir leur promesse à l’égard des conjoints des membres des Forces canadiennes, réservistes et agents de la GRC tués dans l’exercice de leurs fonctions
À un an de son retrait de l’Afghanistan, le gouvernement Harper n’a toujours pas tenu sa promesse à l’effet que les emplois dans la fonction publique seront accordés en priorité aux conjoints des membres des Forces canadiennes, réservistes, agents de la GRC et bureaucrates canadiens tués dans l’exercice de leurs fonctions.
Le sénateur libéral Percy Downe s’est déclaré surpris que la réglementation, annoncée en 2008, ne soit pas encore appliquée et se demande si les conjoints du personnel mort en service en Afghanistan ou lors d’une autre mission déployée avant 2008 pourront toujours présenter une demande.
Lors des débats du Sénat de la semaine dernière, Downe a insisté auprès de la présidente de la Commission de la fonction publique, Maria Barrados, qui a procédé à l’annonce de l’embauche préférentielle, afin qu’elle lui explique les raisons de ce retard et qu’elle en identifie les responsables. Madame Barrados s’est dite frustrée, elle aussi, de cette situation et en a rejeté la responsabilité sur le ministère de la Justice, lequel, a-t-elle dit, a fait preuve d’un manque de volonté et d’empressement dans ce dossier.
« Pour apporter quelque modification que ce soit à la réglementation, je dois suivre un long processus. Il ne s’agit pas d’un manque de volonté de notre part à procéder aux changements, mais la priorité n’a pas été accordée à ce dossier par les personnes responsables de l’examen de la réglementation au ministère de la Justice », a-t-elle déclaré devant le comité sénatorial des finances.
Elle a dit avoir été assurée que l’amendement des règlements sur les conditions d’emploi dans la fonction publique allait bientôt être publié dans la Gazette du Canada, ce qui signifiera son entrée en vigueur.
Les responsables de la commission croient qu’il pourrait être publié dès le mois de mai.
Lors de l’annonce, les conjoints étaient censés présenter une demande afin de figurer sur la « liste de priorité », ou l’inventaire, de la fonction publique dans les deux années suivant le décès de la personne tuée en service. Mais madame Barrados a mentionné que les époux et les conjoints de fait des personnes tuées depuis que le Canada avait commencé à envoyer des troupes en Afghanistan à la fin de 2001 pourront également présenter une demande une fois que la réglementation entrera en vigueur. Les demandes seront rétroactives au 7 octobre 2001.
Le sénateur Downe a demandé combien de personnes allaient pouvoir bénéficier de l’embauche préférentielle, qui entrera en vigueur juste au moment où le gouvernement procède au gel des budgets et met un frein aux dépenses et où on s’attend à un ralentissement marqué de l’embauche de nouveaux effectifs.
La CFP tient un inventaire de tous les travailleurs susceptibles d’obtenir un poste dès qu’il devient vacant. On l’appelle la « liste de priorité », laquelle contient les noms des employés qui sont revenus d’un congé, qui sont touchés par la mutation du conjoint ou qui ont été déclarées invalides ou employés excédentaires.
En vertu de la nouvelle réglementation, le nom des conjoints qui présentent une demande afin de figurer sur la liste de priorité aux fins de l’obtention d’un emploi dans la fonction publique figureront sur cette liste pour une période de deux ans. La priorité expire une fois que le conjoint obtient un emploi dans la fonction publique ou qu’il refuse un poste sans raison valable.
Indépendamment de la priorité accordée aux conjoints, les membres des Forces canadiennes et de la GRC libérés pour des raisons de santé peuvent également bénéficier de l’embauche préférentielle.
La commission a introduit la « préférence obligatoire aux anciens combattants » en 1949 en vue d’aider quelque 50 000 anciens combattants qui revenaient de mission à se trouver un emploi dans la fonction publique après la Deuxième guerre mondiale.
En 2005, la CFP a étendu la liste de priorité aux membres des Forces canadiennes et de la GRC et aux réservistes qui sont libérés pour des raisons de santé afin que leur soit accordée la priorité d’embauche dans la fonction publique à des postes pour lesquels ils sont qualifiés.
La demande relative à l’embauche préférentielle s’est accrue considérablement avec le retour d’Afghanistan de nombreux jeunes vétérans. L’an dernier, les noms de 260 de ces vétérans figuraient sur la liste de priorité et 205 d’entre eux ont trouvé un emploi dans la fonction publique. La proportion de demandeurs qui ont effectivement été affectés à des postes a varié au fil des ans et le sénateur Downe a voulu savoir ce qui empêchait l’embauche d’un plus grand nombre de ces jeunes vétérans.
Le sénateur Downe a mentionné qu’à part les ministères de la Défense nationale et des Anciens combattants, très peu nombreux étaient les ministères qui embauchaient ces travailleurs. Il a demandé si l’obstacle résidait dans le fait que l’embauche relevait maintenant des sous-ministres plutôt que de la Commission de la fonction publique.
Mais madame Barrados a répondu que la liste de priorité est toujours gérée par la commission et que les ministères doivent consulter ladite liste quand vient le temps de combler des postes afin de vérifier si elle contient les noms de personnes qualifiées pour cet emploi avant de recruter ailleurs.
Elle a ajouté que certains ministères avaient déclaré que les membres des Forces canadiennes et de la GRC ne possédaient pas les compétences requises.
Mais Wolfgang Zimmermann, de l’Institut national de recherche et de gestion de l’incapacité au travail, n’en croit rien. Il soutient qu’un obstacle majeur serait plutôt que la plupart des emplois exigent un diplôme universitaire, ce qui élimine plusieurs des anciens combattants qui ont été libérés pour des raisons de santé. Il est également d’avis que le gouvernement devrait faire preuve de plus de flexibilité et considérer la formation et l’expérience comme des équivalents d’un diplôme universitaire.
« La majorité des emplois gouvernementaux exigent un baccalauréat et c’est là l’essentiel du problème », a dit monsieur Zimmermann. « Nous nous sommes demandés pourquoi diable le gouvernement ne procède-t-il pas à une évaluation des équivalences plutôt que d’imposer ce qui constitue, sans l’ombre d’un doute, un obstacle artificiel. »
Monsieur Zimmermann a ajouté qu’il incombe au gouvernement d’aider ces employés à effectuer un retour sur le marché du travail. De plus, en tant que l’employeur le plus important au pays, le gouvernement possède un large éventail d’emplois et de possibilités que nulle autre institution ne peut offrir. Ces personnes sont habituellement libérées parce qu’elles souffrent d’un handicap intellectuel ou physique, et le plus longtemps elles ne travailleront pas, le moins de chances elles auront de réintégrer le marché de l’emploi. Monsieur Zimmerman a de plus déclaré que cette situation risque d’entraîner la dépression et d’autres problèmes sociaux et économiques.
« Le taux de retour au travail de ces personnes est très bas lorsqu’elles en ont été écartées pendant trop longtemps. Elles manquent de confiance en elles et leur handicap devient une béquille », a-t-il ajouté. « La participation au marché du travail revêt une importance significative pour la personne handicapée; elle donne un sens à sa vie et lui procure un sentiment de contribution. Un trop grand nombre de ces personnes sont exclues et vivent en marge de la société. »
Anciens combattants Canada verse des prestations d’invalidité et offre de l’aide à quelque 4100 vétérans qui ont été libérés pour des raisons de santé ou qui ont été blessés, mais qui sont encore capables de servir au sein des Forces canadiennes. Environ 2200 de ces vétérans ont servi en Afghanistan.
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