A-t-on donné le bénéfice du doute à Mme Guergis?
Daniel Leblanc et John Ibbitson, Globe and Mail
16 avril 2010
Plus on en apprend sur le départ d’Helena Guergis du Cabinet, plus on s'interroge sur la façon
dont Stephen Harper gère les allégations de deuxième main sur la conduite de son ancienne ministre
Dans une ville gouvernementale qui lance des rumeurs à tout propos, le bureau du premier ministre est continuellement confronté à des ragots sur les ministres et les députés.
Mais au fur et à mesure qu'émergent de nouveaux détails sur le départ de Mme Guergis du Cabinet, la semaine dernière, on se demande aussi comment le premier ministre, Stephen Harper, gère les allégations de deuxième main sur la conduite de l’ex‑ministre.
En particulier, on se demande si l'on a donné à Mme Guergis le bénéfice du doute qui aurait été accordé à un autre ministre ou si M. Harper a simplement profité de la première occasion pour se débarrasser de sa ministre d'État à la Condition féminine, de plus en plus dérangeante.
L'administration Harper a insisté sur la crédibilité et le sérieux de l'information renvoyée à la GRC et à la commissaire à l'éthique, ainsi que sur la rapidité avec laquelle le premier ministre a réagi après avoir reçu cette information.
« Il a agi de manière responsable, il a agi rapidement et selon des normes éthiques élevées, a déclaré John Baird, ministre des Transports, durant la période des questions de jeudi. »
Mais il semble aujourd’hui que le bureau du premier ministre se soit fié à des ouï-dire colportés par un détective privé du nom de Derrick Snowdy, en ne laissant toutefois guère de chance à Mme Guergis de les démentir. En effet, les informations originales sont arrivées jeudi dernier et dès le lendemain, Mme Guergis était déjà hors du Cabinet et du caucus avant midi. Le gouvernement a alors refusé de fournir une explication au public.
Plusieurs représentants du gouvernement ont affirmé que Mme Guergis était déjà vulnérable en raison de controverses antérieures, comme la scène qu'elle avait faite à l'aéroport de l'Île‑du‑Prince‑Édouard, et que l'on aurait donné plus de temps à une ministre plus chevronnée de se défendre.
Un ancien chef de Cabinet du gouvernement libéral de Jean Chrétien, le sénateur Percy Downe, a ajouté que le bureau du premier ministre était continuellement confronté à des insinuations et à des ouï-dire sur les membres de son Cabinet et qu'il devait s'efforcer de séparer « rumeur et réalité ».
« Si l’on s’empresse de colporter la moindre rumeur au premier ministre, il n’aura plus grand temps pour faire autre chose de sa journée, a-t-il déclaré en entrevue. »
M. Downe a dit que lorsque des problèmes sérieux survenaient, il vérifiait toujours la source de l'information et donnait aux ministres ou aux députés concernés la chance de s'expliquer.
« J'appelais toujours la personne moi-même, je lui faisais part des allégations puis j'écoutais sa version des faits, a-t-il précisé. À ce moment-là, j'avais une certaine confirmation indépendante des allégations. »
Hier, l'avocat de Mme Guergis a déclaré qu'elle niait les allégations rapportées par M. Snowdy, qui prétend avoir obtenu l'information en faisant enquête sur l’un des partenaires d'affaires de son mari, l’ex-député conservateur Rahim Jaffer.
« Mme Guergis nie catégoriquement toutes les allégations étranges de cet homme et a hâte d'aider la GRC à faire la preuve qu'elles sont complètement fausses, a dit l'avocat, Howard Rubel. »
Pour l'instant, ce sont les activités de lobbying irrégulier qu’aurait commises M. Jaffer qui inquiètent le plus le gouvernement conservateur, surtout si ce lobbying s’est traduit par de l’aide financière publique. Un haut représentant gouvernemental, qui préfère demeurer anonyme, insiste pour dire que rien de tel ne s'est produit.
M. Jaffer a bel et bien envoyé trois dossiers au gouvernement pour promouvoir des initiatives liées à Green Power Generation Corp., dont il est partenaire. Cela ne constitue pas, à première vue, une forme de lobbying pour promouvoir son entreprise. Quoi qu’il en soit, le geste ne s’est pas traduit par une aide financière du gouvernement.
Un comité parlementaire se penchera la semaine prochaine sur les allégations de lobbying non enregistré concernant les activités commerciales de M. Jaffer depuis qu'il a perdu son siège de député aux élections de 2008. Le comité entendra aussi, le 28 avril, Nazim Gillani, l'homme d'affaires avec qui M. Jaffer a eu des discussions préliminaires et qui était visé par l'enquête de M. Snowdy.
« Il a très hâte de raconter sa version de l'histoire, a conclu Brian Kilgore, porte-parole de M. Gillani. » |