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11 octobre 2012

Au Canada, les fraudeurs fiscaux sont moins sévèrement punis qu’en Australie et en Europe

Ces dernières années, les histoires de riches qui cachent des fortunes dans les paradis fiscaux ont poussé partout dans le monde les États à tenter de récupérer l’argent dû au fisc et à traduire en justice les tricheurs. En 2006, un employé de la LGT Bank du Liechtenstein a volé une liste de clients de ce paradis fiscal bien connu et l’a mise en vente. Le gouvernement allemand la lui a achetée pour plus de quatre millions d’euros (plus de cinq millions de dollars canadiens), puis a averti les pays dont des citoyens étaient titulaires de comptes dans cette banque.

Au reçu de cette information, des pays partout dans le monde sont passés à l’action : audiences au Congrès américain; descentes de police en Europe; six mois après, rafale d’accusations au Royaume-Uni; récupération de millions de dollars en impôts impayés en Australie et en Allemagne.

Par comparaison, le gouvernement canadien a réagi bien timidement : cinq ans après la communication à l’Agence du revenu du Canada (ARC) du nom des 106 Canadiens titulaires de comptes secrets au Liechtenstein – et deux ans après la communication au gouvernement du nom de plus de 1 785 Canadiens titulaires de comptes en Suisse – l’ARC n’a guère progressé dans la lutte contre ce grave problème. Personne n’a été accusé ou mis à l’amende pour évasion fiscale à l’étranger.

Les événements récents offrent l’occasion de récapituler la problème de l’évasion fiscale et ce qui s’est fait – ou ne s’est pas fait – pour y mettre le holà. Plus tôt cette année, Elizabeth Thompson a publié dans iPolitics un article sur les incohérences dans les données sur les comptes liechtensteinois. Elle a appris de l’ARC que « 51 des 106 noms de titulaires de comptes à la LGT Bank du paradis fiscal du Liechtenstein qui lui ont été communiqués n’étaient pas ceux des titulaires bénéficiaires ». Or il s’avère que les comptes se transmettent de génération en génération. Selon un document interne de l’ARC :

Il semble que le transfert de fonds au Liechtenstein soit une affaire de famille dans la mesure où, si les parents ou les grands-parents (sic) mettent sur pied une entité à l’étranger, ils la transmettent aux enfants ou aux petits-enfants.

Le fait que ces comptes se transmettent de génération en génération montre à quel point le problème est enraciné. Comme ces pratiques remontent à des années, il se peut que le manque à gagner du gouvernement canadien soit encore plus grand qu’on ne le pensait.
Rappelons que si l’ARC a eu vent de ces comptes, c’est qu’un autre gouvernement en a généreusement révélé l’existence au gouvernement canadien. Autrement dit, ce n’est pas le résultat d’une enquête rigoureuse de l’ARC. Ce manque de diligence s’explique à la lecture d’un rapport d’octobre 2010 de la Direction générale de la vérification et de l'évaluation de l’ARC, suivant lequel les fonctionnaires de l’ARC évitent des cas potentiellement graves d’évasion fiscale pour cause de ressources insuffisantes ou de charge de travail trop lourde.

Si c’est une question de ressources, pourquoi la ministre du Revenu national Gail Shea ne demande-t-elle pas l’argent nécessaire pour rectifier la situation? L’expérience suggère que ce serait de l’argent bien dépensé : des documents internes de l’ARC obtenus par mon bureau révèlent que l’affectation dans le budget de février 2005 de 30 millions de dollars à la lutte contre la planification fiscale agressive à l'échelle internationale a rapporté plus de 2,5 milliards de dollars en quatre ans seulement.

L’Australie montre bien ce qu’un gouvernement peut faire quand il prend au sérieux l’évasion fiscale à l’étranger. Lorsque le gouvernement australien a reçu la même information que le Canada sur ses citoyens, il a aussitôt réagi en lançant le projet Wickenby pour « protéger l’intégrité des régimes financier et réglementaire de l’Australie » en sévissant contre l’évasion fiscale à l’étranger.
Le projet était censé récupérer avant l’été 2012 autour de 500 millions de dollars australiens en impôts impayés. Or, le 30 juin 2012, le gouvernement australien en avait récupéré un peu plus de 660 millions, soit près de 675 millions de dollars canadiens. Qui plus est, 65 personnes ont été accusées et 26 reconnues coupables. Et ce n’est pas fini…
La réaction canadienne aux comptes liechtensteinois est beaucoup moins exemplaire. En avril dernier – cinq ans après l’éclatement de l’affaire – l’Agence du revenu du Canada avait établi que les titulaires de ces comptes devaient au fisc un peu plus de 16,5 millions en impôts, pénalités et intérêts. Le montant effectivement perçu, a-t-on appris après, est encore plus modeste : seulement quelque 5 millions – moins du tiers des sommes dues.

Le Canada ferait bien de noter que la prise de mesures énergiques semble bien exercer un effet dissuasif. En Australie, l’agence fiscale note :

Suivant un rapport récent du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières de l’Australie (AUSTRAC), les mouvements d’argent vers les pays prioritaires du projet Wickenby ont, entre 2007-2008 et 2010-2011, diminué de 12 milliards de dollars…

C’est par la prévention qu’un pays profite vraiment d’une mise en application rigoureuse des lois fiscales, mais le seul moyen de décourager la fraude fiscale, c’est de s’employer sérieusement à dépister et à poursuivre les tricheurs. Les Australiens ont appris cette leçon et en touchent les dividendes. Il est temps que le Canada leur emboîte le pas.

 
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