22 septembre 2015
La perte d’emplois fédéraux dans l’Atlantique profite à Ottawa
De 2008 à 2014, plus de 1 784 emplois au gouvernement fédéral ont été éliminés au Canada atlantique. Au cours de la même période, 1 835 nouveaux emplois fédéraux ont vu le jour dans la région d’Ottawa.
Ces chiffres de la Commission de la fonction publique sont inquiétants. Le Canada atlantique souffre déjà d’un taux de chômage élevé et d’une pénurie d’emplois stables, et voilà que ses citoyens perdent des postes fédéraux au profit d’Ottawa, qui en a gagné.
Si on avait annoncé l’arrivée au Canada atlantique de 1784 emplois permanents à temps plein bien rémunérés et assortis d’un régime de pension, de soins de santé et dentaires totalisant une masse salariale annuelle de plus de 100 millions de dollars, la nouvelle aurait fait la une de tous les médias de la région. Malheureusement, c’est ce que la région a perdu depuis six ans.
La perte de plus de 600 millions de dollars de masse salariale fédérale depuis 2008 signifie que cet argent n’est pas injecté dans l’économie régionale pour acheter des voitures, des maisons ou des vêtements, favorisant ainsi notre croissance économique et créant ou maintenant des emplois dans le secteur des services.
Les ministères et organismes touchés par les pertes d’emplois fédéraux au Canada atlantique sont les suivants : Agriculture et Agroalimentaire Canada, Service correctionnel Canada, l’Agence de promotion économique du Canada atlantique, la Défense nationale, Anciens Combattants Canada, Santé Canada, Industrie Canada, Transports Canada; la liste est longue.
En ces temps difficiles, chaque emploi est précieux, à la fois pour les travailleurs qui doivent subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, et pour l’économie en général. Et c’est encore plus vrai au Canada atlantique, où l’économie actuelle a forcé des milliers de citoyens à quitter leur région.
Évidemment, le gouvernement ne peut à lui seul résoudre le défi de l’emploi. La clé du véritable développement économique réside dans une économie saine et équilibrée qui respecte et voit d’un bon œil le dynamisme du secteur privé ainsi que ses investissements de temps et d’argent qui feront naître des emplois qui maintiendront les Canadiens de l’Atlantique chez eux pour y bâtir leur avenir.
Or, pour parvenir à une économie équilibrée, le gouvernement fédéral a un important rôle à jouer. Certes, il a mis en place une variété de programmes allant des politiques fiscales à l’approvisionnement, mais le gouvernement fédéral reste le plus grand employeur au Canada : même en excluant les forces armées et la GRC, le gouvernement du Canada emploie plus d’un quart de millions de personnes. Il est donc un moteur important de l’économie canadienne en raison du pouvoir d’achat qu’il représente; la répartition de ces emplois au Canada influence grandement l’économie des régions.
Dans le passé, la décentralisation des emplois vers les régions servait justement à répartir ces emplois et les retombées de ceux-ci à l’échelle du Canada. Les emplois fédéraux peuvent clairement jouer un rôle important dans l’économie d’une région comme le Canada atlantique; le meilleur exemple en est le déménagement d’Anciens Combattants Canada vers Charlottetown, la seule Administration centrale établie à l’extérieur de la région de la capitale nationale.
Malheureusement, cette saine tendance vers la décentralisation s’inverse depuis quelques années. Les hauts fonctionnaires d’Ottawa tentent de conserver, d’augmenter et de protéger les emplois fédéraux à Ottawa au détriment des régions, en particulier au vu du nombre des postes « EX » (les mieux rémunérés) dans la région d’Ottawa. Ce n’est pas simplement une question de nombre d’emplois perdus; c’en est aussi une de niveau de rémunération.
Dans un rapport, le directeur parlementaire du budget a constaté que les compressions récentes dans la fonction publique fédérale « ont eu un impact disproportionné chez les employés à l’extérieur de la région de la capitale nationale ». D’autres études en viennent à la même conclusion. Selon les statistiques du Conseil du Trésor, la concentration élevée des emplois fédéraux dans la région de la capitale nationale est une tendance constatée depuis plusieurs années, mais qui s’est accentuée au cours des dernières années. En 2000, 35,5 % des fonctionnaires fédéraux travaillaient dans la région d’Ottawa; cette année, cette proportion s’établit à 41,7 %. Résultat : une centralisation de plus en plus disproportionnée d’emplois fédéraux et de la masse salariale qui les accompagnent, et ce, au détriment du reste du Canada.
Le gouvernement doit être conscient de sa responsabilité envers l’ensemble du Canada. Le Canada atlantique ne devrait pas subir cette perte disproportionnée pendant qu’Ottawa augmente sa part d’emplois fédéraux; c’est une question d’équité.
Si le gouvernement fédéral répartissait également les suppressions d’emplois partout au Canada, les insulaires comprendraient que nous devons absorber notre part des compressions. Or, ce n’est pas ce que nous montrent les chiffres de la Commission de la fonction publique : le nombre d’emplois augmente de 1 800 emplois à Ottawa pendant que le Canada atlantique perd 1 784 emplois.
Dans la présente campagne électorale, les chefs et les candidats des partis fédéraux doivent afficher clairement leur position sur un certain nombre de questions prioritaires; l’une d’elles devrait être le retour de ces emplois et salaires au Canada atlantique.
Percy Downe est un sénateur de Charlottetown.
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