LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
OTTAWA, le mercredi 10 juin 2009
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, auquel a été renvoyé le Projet de loi C-24, Loi portant sur la mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou, de l'Accord sur l'environnement entre le Canada et la République du Pérou et de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République du Pérou, se réunit aujourd’hui à 16 heures pour étudier ce projet de loi.
Le sénateur Consiglio Di Nino (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite à tous la bienvenue à cette réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Nous allons nous consacrer aujourd’hui à l’étude du projet de loi C-24, Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada-Pérou.
Nous allons entendre monsieur Stockwell Day, ministre du Commerce international. Il est accompagné de madame Carol Nelder-Corvari, directrice, Politique commerciale internationale et négociatrice en chef, Accords de libre-échange avec le Pérou et la Colombie, Finances Canada. Nous accueillerons aussi sous peu monsieur Matthew Kronby, directeur général, Droit commercial international, et madame Heidi Kutz, directrice, Relations inter-américaines et politique régionale, tous deux d’Affaires étrangères et Commerce international Canada, ainsi que monsieur Dean Beyea, chef principal, Politique commerciale internationale, Finances Canada.
Je crois savoir, monsieur le ministre, que vous allez commencer par nous faire part de quelques brefs commentaires et que vous vous proposez ensuite de répondre aux questions que nous ne manquerons pas de vous poser.
[Français]
L'honorable Stockwell Day, C.P., député, ministre des Affaires étrangères et du commerce international : Merci bien monsieur le président. C'est un honneur de comparaître devant votre comité. J'apprécie le fait que vous êtes intéressés au sujet du libre-échange, surtout dans un climat mondial de crise fiscale. À notre avis, il est très important d'ouvrir les opportunités pour nos travailleurs, nos investisseurs et nos entreprises. C’est une des raisons pour laquelle nous allons poursuivre les accords avec les pays ouverts à ce sujet.
[Traduction]
Bien évidemment, nous sommes toujours des partisans de l’Organisation mondiale du commerce. Nous souhaitons vivement que les négociations du cycle de Doha aboutissent. Nous y comptons beaucoup.
Dans l’intervalle, il nous paraît également très important de tenter de parvenir à des accords de libre-échange bilatéraux. Nous sommes d’avis que celui-ci, que nous venons de conclure avec le Pérou, est un excellent accord. Il a été très bien accueilli par la plupart des parties, aussi bien au Canada qu’au Pérou.
En 2008, les échanges commerciaux bilatéraux entre nos deux pays étaient d’environ 2,3 milliards de dollars, et le montant total des flux bilatéraux des investissements directs étrangers était à peu près comparable. Cet accord avec le Pérou est le premier que nous signions avec un autre pays des Amériques depuis 2001. Nous sommes convaincus qu’il permettra aux travailleurs, aux producteurs et aux investisseurs des deux pays de profiter de quantité de possibilités.
Le fait que nous éliminions immédiatement environ 97 p. 100 de tous les tarifs douaniers qui frappaient jusqu’ici les marchandises péruviennes entrant au Canada est une excellente chose. Dans une économie comme celle du Pérou, l’élimination de ces tarifs douaniers contribue aux efforts de tous, aussi bien les travailleurs que les manufacturiers, pour parvenir à une plus grande prospérité. Ils deviennent ainsi plus concurrentiels.
Nous ne continuerons donc à appliquer pour l’instant qu’environ 3. p. 100 de tarifs douaniers actuels, et ils seront éliminés progressivement au cours des trois à sept ans à venir. Ce sera une excellente chose. D’un point de vue canadien, ces mesures permettront à nos producteurs, nos investisseurs et nos travailleurs d’être plus concurrentiels pour vendre leurs produits au Pérou.
C’est pour toutes ces raisons que nous estimons, en particulier pendant une période de repli budgétaire, qu’un accord de libre-échange comme celui-ci est en soi une bonne chose. C’est aussi une façon de prêcher par l’exemple en montrant à nos concitoyens, et au reste du monde, que pour protéger réellement les travailleurs et les industries, il faut ouvrir et non fermer la voie à de nouvelles possibilités. C’est là l’objectif fondamental de ce type d’accord.
Je suis ravi que vous vous intéressiez à ces accords et j’attends avec intérêt vos questions, et même peut-être vos conseils. Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Bienvenue monsieur le ministre, cela nous fait toujours plaisir de vous recevoir à notre comité.
Monsieur le ministre, le 8 juin 2009, une trentaine de manifestants membres des tribus amazoniennes ont été tués lors d'affrontements avec la police, et 22 agents de police ont également perdu la vie. Des dizaines de milliers d’amérindiens s’opposent à l’octroi de concessions aux compagnies minières et aux travaux de recherche de pétrole dans la forêt tropicale.
Monsieur le ministre, les gains des accords parallèles entre le Canada et la république du Pérou sur l'environnement et le travail ne seront-ils pas défaits par le chapitre 8 sur l'investissement de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la république du Pérou? Car en effet, ce chapitre reproduit sensiblement le même modèle controversé du chapitre 11 de l'Accord de libre-échange nord-américain. Vous savez quelle opposition le chapitre 11 de l'ALÉNA suscite dans les milieux environnementalistes et les milieux du travail.
M. Day : Permettez-moi de dire une chose. Premièrement, c'est avez beaucoup de regret que nous avons vu la situation de violence au Pérou et, à mon avis les solutions aux problèmes seront déterminés par le peuple péruvien et par leurs députés. C'est dommage de voir une situation de violence. Vous avez raison, 22 officiers de la police ont été tués et, selon les nouvelles, je pense, environ 28 autres personnes ont été tuées aussi et c'est tragique.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Est-ce que cela peut nuire à l'accord?
M. Day : Oui, mais la situation n'est pas le résultat de notre accord.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Non, je sais.
M. Day : Partout dans le monde, il y a de temps en temps, malheureusement, des situations de violence. Je comprends que les législateurs au Pérou vont changer quelques articles de leurs lois relativement aux questions qui vont avoir des effets pour le secteur minier. Mais c'est à eux de le décider.
Nous avons, dans notre accord avec le Pérou, des articles qui vont régir les lois concernant les domaines du travail et de l’environnement. Ce n’est pas juste un guide, ce sont des règlements qui vont forcer le Pérou, et le Canada également, à respecter les normes des organisations du travail internationales. Aussi, avec les règlements environnementaux, il faut que nous respections, de même que le Pérou, les règlements des Nations Unies sur la diversité biologique. Ce sont des règlements très forts qui comprennent des sanctions en cas d’infraction d’une partie ou de l’autre.
C'est pourquoi, j'ai confiance en l'accord parce qu'il va forcer les deux parties à suivre des règlements qui sont très clairs.
Pour notre part, nous allons continuer en ce sens et j'espère que le gouvernement du Pérou va trouver une solution à ses problèmes avec les indigènes.
[Traduction]
Le sénateur Segal : Merci, monsieur le ministre, d’avoir pris le temps de nous venir en aide aujourd’hui. Je veux maintenant en vernir aux accords sur la main-d’œuvre et sur l’environnement qui font partie intégrante de cette législation en vous posant cette question. Le gouvernement fédéral a-t-il dorénavant pour politique d’inclure de tels documents dans les accords commerciaux que nous négocions avec d’autres pays? Est-ce là la position que nous adoptons dès le départ, par exemple dans les négociations que nous entamons tout juste avec l’Union européenne en vue de parvenir à un accord de libre-échange Canada-Europe?
Si c’est bien le cas, estimez-vous que les documents traitant du domaine du travail suffisent à garantir la libre circulation des personnes, des capitaux et des biens entre le Canada et le pays visé, le Pérou dans ce cas-ci?
M. Day : Je peux répondre très brièvement à toutes les questions que vous m’avez posées. Les réponses sont oui, oui et oui.
Le sénateur Segal : Êtes-vous convaincu que cet accord va éliminer les difficultés auxquelles peuvent se heurter maintenant des professionnels canadiens qui cherchent des débouchés sur le marché péruvien? Êtes-vous convaincu qu’il n’y aura plus d’entraves importantes à la libre circulation des biens, des capitaux et des personnes lorsque cet accord aura été approuvé et ratifié?
M. Day : Il va certainement améliorer la situation. Même avec des accords aussi ouverts que celui que nous avons conclu avec les États-Unis, il arrive que des professionnels et des entreprises n’aient pas la liberté d’action voulue et que des titres professionnels ne soient pas reconnus. Cet accord va nettement améliorer la situation.
Le sénateur Segal : Votre collègue, le ministre du Développement international, a indiqué récemment que nous allons redéfinir nos priorités en matière d’aide étrangère pour accorder plus d’importance à notre propre hémisphère. C’est une politique qui a été énoncée par le premier ministre et que nous devons porter à son crédit.
Faites-vous un lien implicite entre cet accord de libre-échange avec le Pérou et nos activités de développement dans ce pays? Je fais allusion ici aux investissements destinés au développement. Les deux vous paraissent-ils indépendants l’un de l’autre?
M. Day : L’histoire nous enseigne, monsieur le sénateur, que lorsque vous vous adonnez au commerce et que vous le faites de façon dynamique et en libéralisant les échanges, vous ne vous contentez pas simplement d’ouvrir les portes. Vous ouvrez aussi les yeux de tous dans chacun des pays. Dans la mesure où nous percevrons des besoins, et si nous trouvons des moyens d’apporter de l’aide, nous continuerons à accorder beaucoup d’importance au développement.
L’an dernier, l’aide consacrée au Pérou par l’ACDI a été d’environ 11 millions de dollars et nous allons continuer à aider ce pays. Les moyens que nous choisissons pour cela nous permettent, dans une certaine mesure, de mesurer les résultats de cette aide. C’est ainsi que l’aide de l’ACDI dans certaines des zones urbaines les plus pauvres, où nous nous sommes attaqués, par exemple, à des problèmes d’eau potable et d’égouts, donne des résultats mesurables. Nous savons, par un simple décompte, que 760 000 personnes ont bénéficié d’un accès plus facile à une eau de meilleure qualité.
Nous pouvons aussi mesurer l’efficacité des sommes investies par l’ACDI pour permettre à un pourcentage plus élevé d’enfants de terminer leurs études primaires. Alors qu’ils étaient un peu plus de 60 p. 100 en 2003, ils dépassaient les 80 p. 100 l’an dernier.
Le sénateur nous a fait part de certaines de ses préoccupations concernant le secteur de l’extraction. Nous avons, par l’intermédiaire de l’ACDI, versé des fonds au gouvernement péruvien pour l’aider à réglementer ce secteur. Nous l’avons aidé à assurer le contrôle et la protection de l’environnement. Nous sommes très satisfaits des investissements que nous avons faits jusqu’à maintenant au Pérou. Nous pouvons en mesurer les résultats, et nous allons continuer.
Avec le temps, un accord de libre-échange améliore la prospérité. Il reste cependant des défis à résoudre et nous avons toujours l’intention, dans la mesure où cela conviendra au gouvernement péruvien, de collaborer avec lui.
Le sénateur Downe : L’Accord de promotion du commerce États-Unis—Pérou contient un chapitre distinct consacré aux droits de propriété intellectuelle. Il impose aux deux pays de ratifier un certain nombre d’ententes internationales et contient des dispositions détaillées concernant des produits numériques, comme les logiciels, la musique, les noms de domaine sur Internet, les droits d’auteur, les brevets, les marques de commerce et l’application de la loi et de la réglementation. Aucune de ces mesures de protection n’a été négociée dans ce cas-ci. Je me demande si cela signifie que nous ne sommes pas parvenus à obtenir les mêmes avantages pour notre pays que les États-Unis.
M. Day : Là aussi, c’est un jeu qui se joue à deux. Le Pérou voulait favoriser le développement dans ces domaines particuliers. Vous savez probablement que nous avions déposé auparavant le projet de loi C-61, qui traite de nombreux aspects des droits de propriété intellectuelle. Ce projet de loi va être présenté à nouveau, mais je ne saurais vous dire exactement quand. C’est le leader du gouvernement à la Chambre des communes qui décide du calendrier.
Pour être honnête, la collectivité internationale nous a dit que nous avions des progrès à faire dans ce domaine. Nous avons adopté un certain nombre de mesures pour bien montrer que nous prenons ces questions au sérieux. Comme vous le savez, l’an dernier, nous avons consacré des fonds à l’adoption de règlements pour lutter contre la contrefaçon et le piratage, en particulier dans le domaine du cinéma et de la musique. C’est ce que nous avons fait.
Nous allons poursuivre sur cette voie, mais nous ne pouvions pas inscrire de telles mesures dans cet accord alors que nous n’avions pas encore fini d’élaborer les nôtres et que notre législation en la matière n’avait pas encore été adoptée par notre propre Parlement.
Nous avons toutefois indiqué clairement que c’est la voie que nous suivons. Il est intéressant que vous abordiez cette question parce qu’elle l’a été aujourd’hui lors d’une réunion avec l’un des commissaires de Bruxelles dans le cadre de nos efforts pour parvenir à un accord économique plus large avec l’Union européenne. Les Européens souhaitent obtenir des garanties que nous allons continuer à nous attaquer à ces questions, et c’est bien ce que nous faisons. Il se peut que cela nous amène par la suite à vouloir ajouter des dispositions en la matière au texte de l’accord conclu avec le Pérou, ou avec n’importe quel autre pays. Voilà où nous en sommes pour l’instant.
Nous réalisons des progrès et nous devons appliquer notre propre législation intérieure avant de tenter d’insérer des dispositions de ce genre qui aient force de loi dans un accord de libre-échange.
Le sénateur Downe : Un article de l’accord conclu avec le Pérou permet-il d’ajouter par la suite ce type de disposition?
M. Day : Comme dans tout accord, il faut que les deux parties s’entendent pour apporter des modifications ou des améliorations à un accord de libre-échange. C’est un domaine dans lequel cela pourrait se faire.
Le sénateur Downe : En faisant l’hypothèse que le Pérou soit d’accord.
M. Day : C’est exact.
Le sénateur Downe : Monsieur le ministre, en ce qui concerne le secteur de la pomme de terre, l’Accord conclu entre le Pérou et les États-Unis élimine immédiatement les tarifs douaniers sur les produits américains. Si ce n’est des pommes de terre de semence, les Canadiens devront attendre dix ans pour obtenir le même avantage. Pourquoi n’avons-nous pu obtenir les mêmes avantages que ceux dont ont bénéficié les États-Unis?
M. Day : Nous nous tenons informés de ce que font les autres pays, mais nous négocions toujours nos accords en fonction de nos propres intérêts.
Comme je l’ai indiqué précédemment, dans certains domaines, vous pouvez éliminer immédiatement la totalité des tarifs douaniers. C’est ce qui se produira pour 97 p. 100 d’entre eux. Dans d’autres, vous devez accepter d’étaler les réductions dans le temps pour parvenir à une entente.
Vous vous souviendrez qu’avant l’entrée en vigueur de ALENA, sous le régime de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, l’élimination des tarifs douaniers a pris jusqu’à 17 ans dans certains secteurs. Lors de l’entrée en vigueur de cet accord, même les Canadiens affirmaient que 17 ans équivalaient à une éternité. Bien évidemment, les 17 ans se sont écoulés et les tarifs douaniers ne sont plus qu’un souvenir. Cela dépend tout simplement du résultat que vous voulez obtenir, de ce qui est réaliste. Il faut parfois du temps pour qu’un secteur particulier ou une industrie précise se fasse à l’idée. Cela peut tenir à ses sensibilités et à la perception qu’elle a de sa vulnérabilité.
On peut donner comme autre exemple de ce type de disposition celles qui figurent dans l’Accord de libre-échange signé par le Canada et les pays membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE), soit la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein. L’élimination des tarifs douaniers pour certains volets de l’industrie du transport prendra 15 ans, et il faudra trois ans avant que le décompte ne commence.
Vous faites ce qui est réaliste. Dans l’ensemble, comme je l’ai dit, la majorité des tarifs douaniers sont éliminés rapidement. La négociation donne lieu à des échanges et c’est ainsi que vous obtenez le meilleur accord possible. Voilà comment nous y sommes parvenus dans ce cas-ci.
Le sénateur Downe : Dans le cadre de l’Accord de promotion du commerce États-Unis—Pérou, l’élimination des tarifs douaniers pour les producteurs de porc est étalée sur cinq ans. Dans l’accord conclu avec le Canada, cette période est de 17 ans. Pourquoi ne sommes-nous pas parvenus à négocier une meilleure entente pour le Canada?
M. Day : Une fois encore, il arrive que nous soyons confrontés à certaines sensibilités. Nous pouvons parler du porc en particulier, mais on peut aussi dire qu’il arrive, lors de la négociation d’un accord commercial, qu’un secteur donné de production ou de fabrication de l’un des deux pays soit beaucoup plus développé que dans l’autre pays, dans lequel il ne fait qu’émerger. Ce dernier peut alors craindre d’être complètement noyé sous les produits de l’autre pays du fait de son manque de maturité et de la puissance concurrentielle de l’autre. Les pays déclarent les secteurs qu’ils jugent délicats de ce point de vue.
Vous négociez de votre mieux et vous allez finir par accepter que les produits de certains secteurs ne bénéficient pas immédiatement de l’élimination de 97 p. 100 de tous les tarifs douaniers. Vous obtenez la meilleure entente possible. Vous consultez les représentants de vos secteurs d’activités pour vous assurer que l’accord à l’étude ne pose pas de problèmes majeurs, et puis vous allez de l’avant. C’est ainsi que nous avons procédé.
Le sénateur Downe : J’ai cité ce qu’a dit le sénateur LeBreton hier en chambre « Pas de ministre, pas de projet de loi. » Je remercie le ministre d’être là aujourd’hui après un préavis si bref.
Monsieur le ministre, les négociateurs canadiens ne sont pas non plus parvenus à obtenir une disposition comparable à celle figurant dans l’entente conclue avec les États-Unis. Celle-ci permettra aux exportateurs américains de produits agricoles vers le Pérou de bénéficier des dispositions qui figureront dans tout autre accord conclu par la suite avec le Pérou. En d’autres termes, si un autre pays négocie une meilleure entente avec le Pérou, les producteurs américains en profiteront automatiquement. Il n’y a pas de disposition de ce genre dans l’accord que nous avons conclu avec le Mexique. Pourquoi?
M. Day : C’est une disposition qui figure dans certains de nos accords commerciaux, mais pas dans tous. Une personne voit un verre à moitié plein alors qu’une autre le voit à moitié vide. Je vous concède que vous avez le droit de le voir à moitié vide.
Nous sommes parvenus à une entente parce que nous étions prêts à faire preuve de souplesse. Vous avez pris l’exemple du porc. Cet accord de libre-échange permet à la plupart de nos produits du porc d’accéder librement au marché péruvien. Cependant, lorsque ces exportations atteindront un seuil donné, et nous ignorons quand cela se produira parce que nous n’avons pas l’expérience de ce marché, cela déclenchera l’application d’un tarif douanier. Nous devons donc comptabiliser nos exportations de produits du porc sur ce marché parce que, à partir d’un certain niveau, elles devront acquitter des droits de douane au Pérou.
Je peux vous dire que, dans les négociations que nous menons actuellement avec divers pays, il arrive que nous parvenions à les amener à nous consentir les mêmes dispositions que celles qu’obtiennent les États-Unis. Il est également arrivé que ce soit les États-Unis qui déclarent vouloir obtenir tout ce que le Canada a obtenu ou obtiendra. Ils ne l’obtiennent pas toujours. Vous étalez alors vos cartes sur la table, vous cherchez ce qui est le plus important pour vous et le plus avantageux pour votre pays, pour ses travailleurs et ses producteurs, et il arrive que vous obteniez l’accord de l’autre partie pour vous consentir ce que les États-Unis obtiendront. Il arrive aussi que vous n’y arriviez pas. Cela leur arrive également.
Le sénateur Downe : Cette fois-ci, nous n’y sommes pas parvenus.
Le président : Est-ce une question?
Le sénateur Downe : Non, un commentaire.
Le sénateur Andreychuk : Je cède mon tour de parole au sénateur Downe.
Le sénateur Dawson : Est-ce moi que vous appelez sénateur Downe?
Le sénateur Andreychuk : Je suis préoccupée.
[Français]
Le sénateur Dawson : Je vais reprendre les commentaires mon collègue. Je sais qu’à cette étape des négociations d'une entente de libre échange, la possibilité qu’un comité du Sénat y apporte des modifications est assez limitée. J'aimerais quand même dire qu’il me semble évident que les commentaires de mon collègue concernant la mise à niveau de nos ententes, au fur et à mesure que le Pérou négocie des ententes avec d’autres pays, devrait être la même que celles avec les États-Unis. Quand ceux-ci signent une entente, ils disent : si jamais le Pérou signe une bonne entente avec un autre pays, on veut profiter du même privilège.
Je veux juste indiquer que c'est une clause que je vais appuyer. Ce serait plus facile de dire : ce qui est bon pour les États-Unis est bon pour le Canada.
Mon collègue de l’Île-du-Prince-Édouard parlait des patates, je vais parler du porc. Dans le cas du porc, l'entente entre les États-Unis et le Pérou concernant le porc et le bœuf est nécessairement plus avantageuse pour les producteurs de porc américain et les producteurs de bœuf américain. J'aurais espéré avoir le même niveau de collaboration de la part de notre partenaire du Pérou que les Américains ont pu obtenir.
Il me semble évident que la tendance dans les négociations est de mettre de la pression. Je crois savoir que dans les prochaines semaines, nous risquons d’avoir une autre entente concernant la Colombie. Je voudrais être certain qu'on est capable de mettre de la pression sur le gouvernement pour nous assurer de ratifier ces ententes. Nous aimerions que le gouvernement soit un peu plus au même niveau que les États-Unis concernant les négociations avec les autres pays. Je ne vois pas pourquoi on devrait obtenir moins qu’eux.
Ce sont plus des commentaires que des questions. Je voulais quand même vous assurer, monsieur le ministre, que je comprends très bien le processus par lequel vous êtes arrivés à l'entente qui n'est pas simple. Il est important pour nous de dire que même si nous allons comme comité l’approuver, cela ne veut pas dire que nous avons atteint les niveaux de négociations qu'on aurait pu atteindre.
M. Day : Je suis intéressé toujours quand j'entends un commentaire qui vise les Américains. C’est une approche intéressante, surtout si on considère nos secteurs agricoles, nous avons une position unique dans le monde avec les secteurs où nous avons indiqué « doit rester protégé ».
Comme vous le savez, on dit en anglais, « the supply managed areas ». Les Américains n'ont pas de considérations comme cela. Je pense qu'il y a des gens aux États-Unis qui envient beaucoup le Canada parce que nous avons maintenu notre position avec les secteurs protégés. C'est pourquoi il est difficile d'avoir une comparaison exactement équitable. Nous avons atteint quelque chose d'impossible pour les Américains. Il ne faut pas comparer des pommes et des oranges.
Le sénateur Dawson : Je me situe comme mon collègue dans la catégorie du verre à moitié plein. Je pense qu'on pourrait faire mieux. Je vous ai dit dès le départ que je comprends les contraintes que vous avez. Je comprends que le contrôle des marchés a été à l'avantage du Canada. Mais j'aimerais qu'on soit capable de vous dire, en tant que ministre, que nous attendons beaucoup de vous, que nous allons avoir l'occasion de le débattre dans l'avenir. D’après moi le verre est à moitié vide et pour vous, le verre est à moitié plein. On aura toujours un désaccord. Ça prendrait un plus grand verre peut-être, je ne sais pas.
M. Day : Si le verre est plus petit, on peut déterminer qu’il y a beaucoup d'eau. J'apprécie votre avis mais je suis convaincu que nous avons un accord qui contient beaucoup de bénéfices pour les travailleurs, les producteurs, les investisseurs du Canada et qui aura des bénéfices pour les gens du Pérou aussi.
Si on considère un autre secteur où, à mon avis, nous sommes plus avancés que les Américains, c'est dans le secteur minier. Nous avons aussi une autre position, une autre politique. Nous avons produit des guides pour les secteurs miniers au sujet de la responsabilité des entreprises. Nous avons mis sur pied un centre d'excellence. Nous avons un conseiller maintenant pour le secteur minier. C'est un avantage pour nous mais aussi et surtout pour les gens du Pérou.
Nous pouvons rester ici quelques jours et faire les comparaisons avec les États-Unis et encore, à mon avis, nous avons maintenant un accord avec beaucoup de bénéfices pour les Canadiens et Canadiennes. Ces bénéfices n'étaient pas là il y a un an, mais qui vont rester pour longtemps à l'avenir.
Surtout, nous aurons des avis qui ne sont pas exactement les mêmes mais nous avons une situation, un accord qui améliorera nos positions d'échange. J'apprécie votre point de vue.
[Traduction]
Le président : Sénateur Andreychuk, c’est vous qui poserez la dernière question au ministre. Les fonctionnaires, eux, vont rester. En vérité, les deux messieurs qui se trouvent à l’arrière sont très désireux de nous en apprendre un peu plus.
Le sénateur Andreychuk : Je crois que le ministre a traité des sujets qui m’intéressaient. J’ai trouvé fort intéressant d’entendre mes collègues indiquer qu’ils voulaient que nous obtenions la même chose que les Américains alors que, à l’époque où je siégeais dans l’opposition, ils nous expliquaient en quoi nous étions différents des Américains. Je trouve que c’est là un débat intéressant.
J’ai lu le texte de l’accord et il sera avantageux dans certains des secteurs de l’agriculture dans lesquels j’ai travaillé. Il est certain que les cultures de blé, d’orge et de légumineuses posent d’énormes problèmes et que le Pérou constituera un marché énorme pour nous. Par contre, je me demande pourquoi des restrictions continuent à s’appliquer aux fèves. Ce n’est toutefois pas une question très importante pour nous. L’accord semble couvrir les produits agricoles qui sont importants pour nous.
Cela m’amène au point qui m’intéresse. Les intervenants désireux de faire du commerce et de travailler au Pérou ont été consultés. Comme nous le savons, dans l’accord précédent, une part importante des chantiers de construction navale éprouvait des inquiétudes, et nous avons dû étaler le processus sur plus de 10 ans pour eux et conserver quelques barrières commerciales pour les protéger.
L’accord commercial que nous avons conclu avec le Pérou a manifestement donné lieu à des consultations. Dans quels domaines a-t-on fait face à des difficultés importantes, et avec qui? Pour formuler les choses autrement, les parties concernées ont-elles pu résoudre les problèmes qui se sont présentés dans le cadre de leurs relations et par la consultation?
M. Day : Nous avons essayé de faire les deux simultanément. Je peux ici reconnaître le mérite des secteurs de l’agriculture et des producteurs agricoles. Quand nous participons à des discussions sur le libre-échange, et le Pérou ne fait pas exception à la règle, leurs représentants surveillent très attentivement ce qui se passe pour veiller à la protection de leurs intérêts. Quand nous négocions ces types d’accord, il ne fait aucun doute que tout ce qui touche à l’agriculture est très délicat et impose de procéder à davantage de consultations avant d’aller de l’avant et de définir notre position, pour nous assurer que nous tenons compte des intérêts de nos producteurs agricoles. C’est un domaine qui suscite énormément d’intérêt.
Dans le cas d’autres secteurs, comme celui de la machinerie, nos producteurs et nous tenons à nous assurer de bien défendre leurs intérêts car le volet main-d’œuvre de l’accord est important pour eux. C’est ainsi que les fabricants de machinerie lourde au Canada sont très spécialisés et que les emplois dans ce secteur, comme on peut s’y attendre, sont fort bien rémunérés. Vous ne voulez pas subir la concurrence d’un pays qui n’est pas soumis à la même réglementation, en particulier sur la main-d’œuvre.
Le volet main-d’œuvre de l’accord touchait à toute une série de questions délicates qui soulevaient des inquiétudes et que le texte final de l’accord a permis d’apaiser. Nous savons fort bien qu’un travailleur péruvien ne sera pas nécessairement rémunéré au même niveau qu’un travailleur canadien. Toutefois, la législation péruvienne du travail comporte quantité de dispositions assez proches de celles en vigueur chez nous, qu’il s’agisse de la main-d’œuvre enfantine, du nombre d’heures travaillées ou des questions touchant à la sécurité et aux professions. C’est un autre domaine dans lequel nous avons veillé très attentivement à disposer de moyens pour obliger l’autre pays à respecter les règles en vigueur.
Il en va de même pour la partie de l’accord traitant de l’environnement. Si le processus de production d’une industrie donnée entraîne des émissions polluantes et que nous avons des règles concernant certains types d’émissions au Canada, nous voulons nous assurer que nos industries ne seront pas nettement désavantagées parce que les Péruviens n’accordent pas la même importance à ces questions ou ne partagent pas les mêmes préoccupations. C’est pourquoi ils ont signé le volet environnemental de l’accord, qui les oblige à respecter la réglementation sur la diversité biologique des Nations Unies. Nous avons abordé toutes les questions délicates dans ce domaine et nous sommes d’avis que nous les avons résolues dans une très large mesure. C’est pourquoi nous avons pu aller de l’avant avec l’accord.
Vous avez fait état de la construction navale. Vous avez tout à fait raison. Il est vrai que, dans certains pays, si certaines industries avaient eu leur mot à dire, il n’y aurait pas eu d’accord. Elles aiment bénéficier de protection. Nous leur expliquons que nous ne pourrons pas les protéger pour l'éternité, mais que nous prendrons le temps de les aider à s’adapter. Vous avez tout à fait raison, dans la partie consacrée à la construction navale de l’accord que nous avons conclu avec les pays européens, il y avait deux catégories de navires, une pour laquelle tous les tarifs douaniers seraient éliminés en une dizaine d’années et l’autre pour laquelle il faudrait une quinzaine d’années. Même au sein d’une catégorie, il faut prévoir quelques exceptions. Tout cela débouche sur des progrès et sur une amélioration de la situation. Nous avons observé une amélioration de la prospérité dans nos deux pays parce que l’entente a permis de procéder plus librement aux échanges, et c’était notre objectif. Je crois que nous l’avons largement atteint.
Le sénateur Andreychuk : Il y a quelques années, ce comité a étudié tout ce qui concerne l’OMC. Nous avons alors dit que, pour nous, c’était la solution privilégiée, si nous pouvions nous doter d’une structure internationale. C’était la voie que nous recommandions d’emprunter. Nous nous sommes manifestement heurtés aux Européens et aux Américains dans le domaine de l’agriculture, avec des points de vue nettement différents, et les négociations ont échoué.
Nous avons dit dans notre rapport que s’il n’était pas possible de parvenir à une entente au niveau international, nous devrions essayer de conclure des ententes au niveau régional ou bilatéral. Si j’ai bonne mémoire, le principe sous-jacent était que notre stratégie de négociation devrait toutefois rester sensiblement la même, que nous ne changerions pas de philosophie d’une négociation à l’autre.
Dans ce cas, l’OMC n’a pas évolué aussi rapidement que nous le souhaitions et nous avons négocié une entente bilatérale. Nous nous en remettons toujours au même type de principes, sans avoir à changer d’attitude en ce qui concerne les négociations que nous menons à l’OMC? En d’autres termes, suivons-nous toujours la même voie?
M. Day : Dans une large mesure, oui. Vous pouvez être rassurés dans une certaine mesure parce que les recommandations auxquelles vous avez fait allusion, formulées il y a quelques années par cette institution vénérable qu’est le Sénat, réaffirmaient l’importance de l’OMC. S’il n’est pas possible de parvenir à des accords dans le cadre de l’OMC, il faut alors entamer des négociations bilatérales. C’est là un autre exemple de l’attention que nous prêtons aux recommandations du Sénat, parce que c’est en vérité ce que nous avons fait.
Nous tenons à ce que l’on appelle le cycle de Doha de l’OMC aboutisse. Nous sommes un peu plus optimistes maintenant. Récemment, nous avons été informés des dates auxquelles tous les ministres vont se réunir.
Par égard pour eux, comme je sais que ces questions intéressent le sénateur Dawson et Downe, en ce qui concerne les Américains, leur nouvelle administration a encore un peu de travail à faire pour bien maîtriser les questions abordées à l’OMC. C’est une des raisons pour lesquelles les choses ont ralenti. Nous savons que l’Inde a eu des sujets d’inquiétude. À la suite de l’élection récente dans ce pays, il faudra aussi que les nouveaux responsables du commerce maîtrisent bien leurs dossiers, et cela pourrait entraîner quelques retards.
Nous avons des attentes importantes avec le cycle de Doha. Nous tenons à ce que celui-ci aboutisse. Vous avez raison, nous ne pouvons pas attendre. Les producteurs, les travailleurs et les investisseurs du Canada ne peuvent pas attendre. S’il s’avère possible de négocier des accords bilatéraux avec d’autres pays, ou même des accords multilatéraux avec un petit groupe de pays, nous entamons les négociations avec eux. Nous nous inspirons toutefois des mêmes principes afin que, lorsqu’il y aura eu entente à l’OMC, nous n’ayons pas à réviser en profondeur tous ces accords après tout le travail qu’il aura fallu pour les conclure.
Le président : Nous allons maintenant poursuivre avec les fonctionnaires. Je tiens à remercier le ministre Day d’avoir comparu devant nous, surtout avec un préavis aussi bref. Nous l’en remercions. Vous avez toujours été disponible pour nous et nous nous ferons un plaisir de vous revoir à la prochaine occasion.
M. Day : Je vous remercie de l’intérêt que vous portez toujours à ces questions et, comme à l’habitude, de la pertinence de vos questions.
Le président : M. Kronby, M. Beyea et Mme Kutz, se sont maintenant joints à nous et sont prêts à répondre à toutes nos questions.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci beaucoup, monsieur le président. J’aurais aimé poser ma question au ministre, mais je suis certaine que les témoins pourront tout aussi bien y répondre.
Tout comme le sénateur Downe, j'étais préoccupée par la propriété intellectuelle. Les dispositions des Américains en matière de propriété intellectuelle contenues dans l'Accord États-Unis—Pérou sont très sévères.
Même si le projet de loi n'est pas ratifié — je ne sais pas si on en a présenté un nouveau, je sais qu'il est mort au Feuilleton quand le gouvernement a failli être renversé —, est-ce qu’en raison de ces dispositions, on peut craindre, au Canada, que les investisseurs américains aient un avantage sur les investisseurs canadiens au Pérou?
[Traduction]
Carol Nelder-Corvari, directrice, Politique commerciale internationale et négociatrice en chef, Accords de libre-échange avec le Pérou et la Colombie, Finances Canada : Cet accord donne encore plus de poids à nos obligations de nous conformer aux règles de l’OMC. Nous nous en tenons au même principe, mais dans un cadre multilatéral dans ce contexte. Comme l’a dit le ministre, nous restons toutefois ouverts à la possibilité de préciser davantage les règles qui s’appliqueront dans le domaine de la propriété intellectuelle.
Je ne crois pas que cela nous mette en situation désavantageuse parce que les règles de l’OMC continuent à s’appliquer. Il n’y a pas non plus que notre législation nationale qui évolue. Pour le Pérou également, la propriété intellectuelle et les connaissances traditionnelles, dans le domaine de la biodiversité, étaient des questions importantes. Le Canada et le Pérou collaborent dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique. C’est pourquoi l’accord traitant de l’environnement insiste sur cet aspect.
Nous avons eu des discussions intenses au sujet de la propriété intellectuelle, aussi bien dans les domaines qui intéressent le Pérou que dans ceux qui intéressent le Canada. Il nous a alors semblé que la meilleure solution était de renforcer les règles auxquelles nous sommes soumises dans le cadre de l’OMC comme notre législation évolue, mais tout en laissant place à des révisions ultérieures, comme nous l’avons fait avec le Chili en ajoutant par la suite des dispositions sur les approvisionnements et les services financiers.
C’est là une entente globale dans sa forme actuelle, sans pour autant être statique. Les deux parties ont convenu de dispositions leur permettant de mener d’autres négociations ou discussions par la suite.
Le sénateur Downe : À ce sujet, c’est un accord statique à moins que les Péruviens ne consentent à reprendre les négociations. Dans l’Accord de libre-échange Canada-Pérou, nous n’avons fait qu’affirmer à nouveau notre engagement à respecter le volet commercial de l’Entente sur les droits de propriété intellectuelle conclue dans le cadre de l’OMC, qui fixe des normes minimales de protection, à la différence de ce que les États-Unis ont pu négocier, qui est nettement mieux. Je ne veux pas qu’il y ait de confusion dans ce domaine. Nous nous sommes contentés du minimum dans le cadre de l’OMC. Les Américains ont obtenu une meilleure entente en la matière.
Mme Nelder-Corvari : Je crois que le ministre a indiqué clairement que nous sommes en train de réviser notre législation pour y apporter des précisions. En réalité, le Canada n’aurait pu donner son accord à certains aspects de l’entente conclue entre les États-Unis et le Pérou dans ce domaine.
Le sénateur Mahovlich : Le Canada est réputé à travers le monde pour son industrie minière. À ma connaissance, il n’y avait pas de problème de sécurité au Pérou. Comment cet accord va-t-il stabiliser la situation des sociétés minières canadiennes?
Mme Nelder-Corvari : Les responsabilités sociales des entreprises ont été un sujet important de discussions. Nous allons avoir, pour la première fois avec cette entente, des dispositions sur la responsabilité sociale des entreprises. Elle se manifeste dans les engagements de nature générale pris au début de l’Accord, puis dans les chapitres sur les investissements et sur l’environnement.
Ces discussions ont eu lieu à l’initiative du Canada pour tenir compte du fait que nous travaillons actuellement dans le domaine de la coopération au Pérou. Nous avons lancé ces discussions parce que nous voulions approfondir la coopération et la promotion dans ce domaine. Au Pérou, le secteur minier en est un qui est important pour les investissements canadiens. Nous avons investi au-delà de 2,3 milliards de dollars au Pérou, contre environ 800 millions de dollars en Inde.
Le sénateur Mahovlich : Combien de nos sociétés minières sont présentes au Pérou?
Mme Nelder-Corvari : J’aurais du mal à vous le dire à brûle-pourpoint. Nous avons plusieurs entreprises qui s’adonnent à l’exploration pétrolière et gazière et d’autres sociétés qui sont en exploitation. Les entreprises importantes sont Barrick Gold Corp., Teck Cominco Ltd. et Talisman (Pérou) Ltd.
Les protestations actuelles ne datent pas d’hier. Des protestataires ont bloqué les routes, et le gouvernement a pris des mesures. C’est ainsi qu’il a décidé de faire appel à l’Église et à l’ombudsman péruvien comme médiateurs dans ce différend. Le Canada, ainsi que quelques autres pays, a joué un rôle dans la mise sur pied du bureau de l’ombudsman péruvien, et nous assurons en permanence le financement de ce bureau pour faciliter la médiation de ce problème.
Vous avez parlé de la responsabilité sociale des entreprises, et c’en est là un cas concret. C’est leur réputation qui est en jeu. Nombre de nos entreprises sont des leaders dans ce domaine et ont appliqué dans ce pays leurs pratiques canadiennes. En vérité, Ressources naturelles Canada, notre ambassade au Pérou et le gouvernement du Pérou ont élaboré ce qu’on appelle la trousse à outils du secteur minier. Celle-ci s’inspire de certaines des leçons que nous avons tirées de notre expérience chez nous. Elle vise à partager ces leçons avec les Péruviens en ce qui concerne la transparence et les consultations avec les collectivités locales pour nous assurer que ces dernières peuvent exercer un certain contrôle de la prise de décision afin de maximiser les retombées de ces activités.
Le sénateur Mahovlich : Nos sociétés minières coopèrent avec ces collectivités et leur apportent leur appui.
Mme Nelder-Corvari : Tout à fait. Pour certaines de nos activités, nous sommes des leaders dans ce domaine.
Le sénateur Downe : Je partage votre analyse de ce que font les sociétés minières au Pérou. Elles se sont dotées d’un excellent programme. Le problème est ce qui s’est passé il y a 20 et 25 ans. À cette époque, c’était les villages, dont beaucoup étaient isolés, qui devaient s’efforcer de procéder au nettoyage des déchets et de la pollution.
Je trouve surprenant que l’ACDI ne puisse pas apporter d’aide dans ce domaine à cause de la réaffectation de ces fonds. Si elle investissait dans ce secteur au Pérou, cela aiderait à trouver des solutions au gâchis laissé par des entreprises canadiennes il y a de nombreuses années.
Ma question porte sur les accords annexes que nous avons signés, et j’aurais aimé que le ministre puisse rester plus longtemps pour lui permettre d’aborder cette question, soit l’Accord Canada—Pérou de coopération dans le domaine du travail et l’Accord Canada—Pérou sur l’environnement. Leurs dispositions ne sont pas intégrées aux dispositions connexes de l’accord principal pour garantir qu’elles soient soumises aux modalités de résolution des différends de ce dernier.
Quand il a comparu devant le Comité permanent du commerce international, M. Mark Rowlinson, représentant les Syndicats des métallos, a déclaré :
Pour ce qui est des droits des travailleurs, à mon avis, le Canada a sans aucun doute signé un accord inférieur à celui conclu avec les États-Unis.
C’est là le cinquième ou sixième exemple venant de sources très nombreuses indiquant que les États-Unis sont parvenus à négocier une meilleure entente dans de nombreux domaines qui sont importants pour les Canadiens.
Je conviens, comme nous l’a dit le ministre, qu’il y a beaucoup de bons éléments dans le projet de loi, mais je suis très préoccupé par le fait que ce soit là la meilleure entente que nous ayons pu négocier avec un pays en développement.
Que va-t-il se passer quand le Canada va négocier avec l’Union européenne? Si c’est là un exemple de nos capacités de négociation, nous pourrions faire face à de sérieuses difficultés.
J’aimerais proposer qu’en travaillant avec les sénateurs Dawson et Mahovlich, nous rédigions quelques recommandations sur ce projet de loi. Nous pourrions y travailler ce soir et les faire traduire, puis les remettre aux membres de ce comité vendredi ou lundi pour qu’ils puissent les étudier lors de notre prochaine réunion, probablement mardi.
Le président : Je crois que nous devrions d’abord donner à nos témoins l’occasion de répondre à vos commentaires.
Le sénateur Downe : La question s’adresse au ministre. En son absence, je ne veux pas mettre les fonctionnaires sur la sellette.
Le président : Il est important qu’ils nous donnent la position du gouvernement sur cette question pour qu’elle figure dans le compte rendu, en particulier après que le ministre nous ait dit que nous étions manifestement parvenus dans un certain nombre de domaines à négocier des dispositions plus avantageuses que les Américains. C’est une question d’équilibre. L’un de nos témoins aimerait-il faire des commentaires dans ce domaine?
Le sénateur Segal : J’aimerais également que les fonctionnaires nous disent ce qu’ils pensent du principe général voulant que, dans nos négociations avec d’autres pays, nous devrions nous attendre à ce qu’un pays dont l’économie est 10 fois plus importante que la nôtre ne dispose pas de moyens de pression plus efficaces que les nôtres dans la négociation?
Si la proposition qui nous est faite est intéressante, je ne suis pas pour autant convaincu qu’elle tienne compte des dures réalités économiques des relations commerciales, mais je laisse la réponse aux spécialistes.
Le sénateur Downe : Le point soulevé par le sénateur Segal est excellent, parce que l’économie américaine est beaucoup plus puissante que la nôtre. Cela dit, le Pérou tente de négocier des accords commerciaux avec tous les pays qui y sont ouverts, comme Singapour, la Chine, l’Union européenne, le Chili et le Canada. Ils sont désireux de conclure des ententes. Si c’est là la meilleure entente que nous pouvons obtenir avec un pays en développement, nous pouvons alors sérieusement nous inquiéter de ce que nous parviendrons à négocier avec l’Union européenne.
Le sénateur Segal : Je ne vois pas de raison pour qu’il y ait un phénomène de contagion entre les deux négociations.
Le président : Évitons de nous lancer dans un débat.
Mme Nelder-Corvari : Les caractéristiques du meilleur modèle en la matière suscitent beaucoup de débats. Cela traduit l’approche du Canada à un certain nombre de questions de politique étrangère, et pas uniquement des questions commerciales. Nous avons adopté une approche de coopération.
Dans le cas du Pérou, il est vrai que les obligations ne sont pas intégrées directement aux modalités de règlement des différends. Il faut recourir à un processus de règlement des différends inscrit dans un accord parallèle sur le travail, qui met l’accent sur la coopération. En cas de différend, celui-ci peut être soumis à un groupe d’experts indépendants. Des amendes pouvant atteindre 15 millions de dollars par année peuvent être imposées, qui seront alors versées dans un fonds de coopération devant permettre de régler le problème en question.
L’approche américaine en la matière est de recourir à des mesures commerciales de rétorsion. Le Canada a adopté une attitude pragmatique en la matière. Lorsque vous dépassez les frontières de l’Amérique du Nord, notre influence commerciale diminue de façon très importante. En dehors de l’Amérique du Nord, les relations commerciales que nous entretenons avec de nombreux pays ne sont que marginales. C’est ainsi que nous n’exportons que 2 à 3 p. 100 de notre production vers le Royaume-Uni. Celles à destination du Pérou sont nettement plus faibles.
Quand vous envisagez d’exercer une influence et de faire appel à des mesures commerciales de rétorsion pour exercer des pressions sur des pays en matière de droit du travail, il nous paraît plus efficace de recourir à des amendes plutôt que de prendre d’autres types de mesures sur le marché, qui ont pour effet de rendre l’évolution de la situation imprévisible aussi bien pour nos exportateurs que pour les leurs. De telles mesures n’exerceraient probablement également que peu d’influence sur le résultat final.
Le modèle que nous utilisons est plus efficace en ce qui concerne les objectifs que nous voulons atteindre. Mon négociateur dans le domaine de la main-d’œuvre n’est pas ici, mais d’autres prétendent que l’accord que nous avons conclu dans ce domaine est plus efficace que celui conclu par les Américains. Il oblige le Pérou à adopter les principes de l’Organisation internationale du travail (OIT), non seulement pour renforcer sa propre législation mais aussi pour s’assurer que celle-ci respecte les principes énoncés par l’OIT. L’accord définit également les modalités de règlement des différends pour faire face à ce type de situation.
On peut sans doute affirmer que ce qui importe est la façon dont cela est mis en œuvre. Le Canada a adopté une approche différente. Celle-ci est également respectueuse des pouvoirs des provinces qui, en matière d’environnement et de droit du travail, sont différents au Canada de ceux des États américains.
Le président : Je dois vous signaler que le timbre du Sénat sonne et qu’un vote va avoir lieu à 17 h 48. Nous disposons encore de cinq minutes.
Pour que cela figure au compte rendu, estimez-vous que nous devrions revenir après le vote?
Le sénateur Dawson : Je dois siéger à une réunion du Comité des transports, qui doit adopter un projet de loi ce soir. Il y a également d’autres réunions. Nous avons déjà indiqué que nous aimerions joindre quelques commentaires au projet de loi. Je crois que le comité directeur pourrait organiser une conférence téléphonique afin de convoquer une réunion mardi prochain pour adopter ce rapport.
Le président : Parlez-vous des amendements?
Le sénateur Dawson : Non, je fais référence aux commentaires à prendre en compte.
Le président : Seriez-vous prêt à adopter ce projet de loi maintenant, étant entendu que nous formulerons des observations.
Le sénateur Dawson : Je ne le crois pas. Nous ne sommes pas en mesure de le faire en anglais et en français pour l’instant. Nous pourrons tenir une réunion du comité directeur et l’adopter mardi ou mercredi prochain, si nous sommes d’accord. Si nous voulons l’adopter, nous devrons lever la séance de toute façon. Je ne pourrais pas revenir plus tard. Nous ignorons si nous allons voter dans une heure ou dans une heure et demie.
Le président : Si tout le monde convient que ce projet de loi peut être adopté sans amendement, nous pouvons voter très rapidement étant entendu que des commentaires seront joints au texte du projet de loi et qu’ils seront soumis à la discussion et à l’approbation du comité directeur.
Le sénateur Downe : L’objectif est ici de les soumettre à l’étude du comité pour que, dans sa grande sagesse, il décide s’il veut les adopter. Ce que me préoccupe pour l’instant est que le vice-président de ce comité ne pouvait être parmi nous aujourd’hui. Cette réunion n’était pas prévue au départ. Je crois que nous devrions attendre la semaine prochaine, lorsque le vice-président sera parmi nous.
Le président : Je dois apporter une correction à votre commentaire. Nous avions précisément prévu sur notre calendrier de nous réunir au sujet de ce projet de loi hier et aujourd’hui. Nous avions prévu de nous réunir. Nous n’étions par contre pas sûrs de recevoir le projet de loi à temps. Toutefois, le comité directeur a décidé que les réunions d’hier et d’aujourd’hui pouvaient être consacrées à ce projet de loi. Il est bien évident que nous ne pouvons laisser de côté les questions dont ce comité doit traiter parce que l’un de nos membres est absent.
Les choses seraient plus simples si nous pouvions convenir que nous allons adopter le projet de loi sans amendement, sous réserve que le comité approuve les commentaires que trois de nos membres voudraient faire, je crois. En procédant ainsi, nous pourrions tout faire.
Le sénateur Dawson : Cela ne me dérange pas.
Nous reconnaissons la grande sagesse du comité directeur, dont je suis membre, avec vous et le vice-président. Il est bien évident que je me fais confiance et que je vous fais confiance. Je crois que nous pouvons aussi faire confiance à notre vice-président qui adoptera les commentaires dont nous avons discuté au nom du comité.
Le président : Nous allons faire part des commentaires aux autres membres pour qu’ils les étudient également.
Le sénateur Downe : Il ne sera pas transmis au Sénat tant que les commentaires n’y seront pas joints. Est-ce exact?
Le sénateur Andreychuk : Je crois que c’est exactement cela. Je m’en remets au comité directeur. Adoptons le projet de loi. Je suis sûre qu’il fera tout en son pouvoir au sujet de ces commentaires pour qu’ils nous représentent bien tous.
Le président : Pouvons-nous convenir que nous étudierons les commentaires mardi matin en organisant une conférence téléphonique et que nous accorderons au comité directeur le pouvoir de les approuver?
Le sénateur Segal : Quand allons-nous passer à l’étude article par article?
Le président : Maintenant.
Le sénateur Downe : Il faut que je les fasse traduire.
Le président : Vous pourriez le faire faire aujourd’hui et demain. Ce sera fait.
Le sénateur Segal : Le vote se tient bien à 17 h 50?
Le président : Il est 17 h 48. Nous disposons de cinq minutes pour procéder à l’étude article par article.
Nous avons un consensus.
L’adoption du titre est-elle reportée?
Des voix : D’accord.
Le président : L’adoption de l’article 1, le titre abrégé, est-elle reportée?
Des voix : D’accord.
Le président : Les articles 2 à 57 sont-ils adoptés?
Des voix : D’accord.
Le président : Les annexes 1 à 7 sont-elles adoptées?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 1, le titre abrégé, est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Nous convenons donc d’adopter le projet de loi en l’état.
Des voix : D’accord.
Le président : Convenons-nous que je fasse, mardi prochain, rapport du projet de loi sans amendement, mais en y joignant des observations?
Des voix : D’accord.
Le président : Je vous remercie. Nous attendrons vos commentaires qui, comme vous le savez, figureront dans notre rapport. Toutefois, ils ne seront pas obligatoirement intégrés au texte de ce projet de loi. Nous pouvons procéder de cette façon.
Le sénateur Downe : Ils prendront la forme de conseils donnés au gouvernement. Nous espérons qu’ils seront retenus pour permettre de négocier de meilleurs accords à l’avenir.
Le président : Mesdames et messieurs les témoins et chers collègues, je vous remercie de votre coopération.
(La séance est levée.)
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