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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

OTTAWA, le mercredi 11 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 26, pour étudier les relations étrangères et le commerce international en général (sujet : évolution récente en République bolivarienne du Venezuela).

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a été autorisé à étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement en lien avec les relations étrangères et le commerce international en général. Dans le cadre de ce mandat, le comité entendra aujourd'hui des témoignages sur divers sujets d'intérêt.

Pour la séance d'aujourd'hui, les membres du comité bénéficieront d'un point sur la situation au Venezuela et pourront en apprendre davantage sur l'évolution récente de la situation dans ce pays.

Afin de rafraîchir la mémoire des sénateurs et de toute personne qui suivrait nos audiences aujourd'hui, je rappelle que nous bénéficions occasionnellement d'une mise à jour de la situation au Venezuela et de l'incidence que celle-ci pourrait avoir sur le Canada et sur notre politique étrangère, de même que sur la question des droits de la personne pour les Vénézuéliens.

Je dois préciser que nous allons travailler en trois langues aujourd'hui. Sur le canal anglais, vous aurez l'anglais, sur le français, vous aurez le français, et s'il y a des problèmes, n'hésitez pas à nous les signaler.

Nous avons accueilli des témoins avant les élections et nous en accueillons d'autres aujourd'hui, puisqu'un nouveau Parlement est en place au Venezuela. Je suis heureuse d'accueillir de l'Assemblée nationale du Venezuela, Luis Florido, président du Comité permanent des affaires étrangères; Williams Dávila et Luis Emilio Rondón Hernández, tous deux membres du Comité permanent des affaires étrangères, ainsi que Freddy Guevara, président du Comité permanent de surveillance des opérations gouvernementales et des comptes publics.

Nous vous avons fait distribuer leurs biographies et, comme nous débutons notre séance un peu tard, je vais tout de suite demander à ces messieurs de nous livrer leurs remarques liminaires. J'ai demandé à nos témoins de nous réserver un peu de temps à la fin pour que nous puissions leur poser des questions.

J'espère que ça fonctionne bien du côté de l'interprétation et je vais maintenant céder la parole à Luis Florido. Bienvenue au comité.

[Note de la rédaction : Une partie des témoignages a été donnée en espagnol et a été interprétée.]

[Traduction de l'interprétation]

Luis Florido, président, Comité permanent des affaires étrangères, Assemblée nationale du Venezuela, à titre personnel : Merci beaucoup, sénatrice. Merci de nous avoir invités au Parlement démocratique du Canada. Nous siégeons au Parlement vénézuélien et, l'année dernière, nous avons remporté une grande victoire porteuse d'espoirs pour le peuple vénézuélien qui aspirait au changement. Nous avons en effet remporté les deux tiers des sièges à la faveur d'un vote populaire, et cela dans le cadre d'une élection asymétrique qui avait tout d'une partie de hockey. Vous aviez, d'un côté, les gros joueurs et, du nôtre, une toute petite équipe, un peu comme une équipe de quartier, ce qui ne nous a pas empêchés de remporter une écrasante victoire le 6 décembre. Le 23 décembre, quelques jours à peine après cette victoire, l'Assemblée nationale a assermenté trois juges de la Cour suprême. L'un d'eux s'est même auto-élu.

Le premier procès contre des parlementaires a débuté le 30 décembre et quatre députés de l'État d'Amazonas se sont trouvés plongés dans des limbes juridiques et écartés du Parlement.

La Cour suprême du Venezuela, qui à toutes fins utiles est sous le joug du président, a prononcé 17 condamnations contre des parlementaires et continue d'en prononcer régulièrement tous les mois depuis lors.

Avant 2015, aucun parlementaire vénézuélien n'avait jamais été condamné, ce qui montre à quel point nous avons des problèmes avec le pouvoir dans notre pays. Résultat : les Vénézuéliens, qui traversent une crise catastrophique, comme vous l'avez vu, sont d'autant plus frustrés en voyant ce qui se produit. Ils réclament le changement, mais, depuis le 6 décembre, leurs vœux ne sont pas exaucés.

Au Venezuela, nous avons des prisonniers politiques. Or, on ne peut parler de démocratie s'il y a des prisonniers politiques. Cent seize personnes ont été emprisonnées et trois d'entre elles sont des députés récemment élus.

L'un de ces prisonniers est le chef du parti que représente Rondón Hernández. Il était candidat à la présidentielle de 2016.

Un autre prisonnier est le maire de San Cristóbal, une ville dans l'est du pays.

Un autre encore est le maire de Caracas, le plus important maire au Venezuela.

Un autre est le chef du parti de Freddy Guevara et de mon parti, Leopoldo López. Il est en isolement depuis 27 mois. Quand un député est jeté en prison pour 27 mois, autant dire qu'il va y rester 27 ans.

Comme cela constitue une énorme violation des droits de la personne, nous avons déposé une loi d'amnistie qui a récemment été approuvée. Mais voilà que celle-ci a été déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême du Venezuela. Nous voulions notamment obtenir l'amnistie, mais la Cour suprême du Venezuela nous l'a interdit.

De plus, les Vénézuéliens sont en train de traverser une très grave crise humanitaire. Voici ce qui se produit : Au Venezuela, on ne peut trouver qu'un produit et un médicament normalement disponibles sur dix.

Récemment, nous avons visité un hôpital à Carora, une ville de l'État de Lara, et avons demandé au personnel soignant ce qu'il administre à un patient souffrant de convulsions? On nous a répondu que le personnel reste à son chevet pour lui tenir la main et le regarder mourir parce qu'il n'y a pas de médicament. Il n'y a pas de médicament anticonvulsif qui permettrait de maintenir la personne en vie. C'est le sort qui attend les patients souffrant d'hémophilie, du VIH/sida, du diabète, du cancer et d'autres maladies qui, normalement, sont assez simples à traiter. Dans un pays comme le Canada, vous donnez simplement les médicaments nécessaires et c'est tout, mais il n'y a pas de médicaments au Venezuela et les gens meurent.

Le pays est donc aux prises avec une crise humanitaire et une inflation de 400 p. 100. On pense que celle-ci atteindra 2 300 p. 100 l'année prochaine. Cela selon le FMI.

Au cours des 17 dernières années, nous avons reçu 1,5 billion de dollars, une somme qui est inconcevable pour moi. C'est un nombre incroyable de zéros, c'est tellement d'argent. Sur cette somme, 400 milliards de dollars ont été volés. M. Guevara et son comité sont en train d'étudier ce détournement.

Le Venezuela a de plus importantes réserves de pétrole que le Canada. En fait, nous avons les plus importantes réserves de pétrole au monde. Comment se fait-il que nous soyons à la fois un pays riche et pauvre? Eh bien, c'est parce que les comptes bancaires de certains de nos dirigeants sont bien garnis. Je parle de leurs comptes bancaires en Suisse et en Andorre.

Cette incroyable crise institutionnelle que connaît le Venezuela se répercute sur les droits de la personne. Nous avons des problèmes à cet égard et les parlementaires ont estimé qu'il fallait les régler. Il nous fallait prendre une décision.

La Constitution vénézuélienne prévoit un certain nombre de mécanismes permettant des changements politiques. Le premier est un référendum de révocation que nous essayons de mettre en place. Avec 20 p. 100 de signatures d'électeurs, nous pouvons organiser un référendum de révocation du président. Cependant, l'institut électoral, qui est à la botte du président, a ralenti le processus d'approbation de ce référendum. Il a recours à tous les moyens administratifs possibles pour freiner le processus.

De quels autres mécanismes disposons-nous? Il nous serait possible de modifier la Constitution si le voulions.

En conclusion, le Venezuela est une véritable cocotte-minute dépourvue de valve de sécurité. Si nous n'en trouvons pas une, malheureusement, la cocotte va exploser. Cela aura pour effet non seulement de déstabiliser le Venezuela, mais aussi les Antilles, l'Amérique centrale et la partie nord de l'Amérique du Sud. C'est extrêmement grave.

Le gouvernement s'en est systématiquement pris à tous ceux qui osent dénoncer ce qui se passe au Venezuela. Cela étant, tout le monde se tait par peur de rentrer dans la ligne de mire du gouvernement, car elle est là la stratégie du gouvernement : s'en prendre aux gens.

Nous vous invitons donc à vous exprimer à propos de ce qui se passe au Venezuela et à trouver des mécanismes pour montrer votre solidarité, du moins en ce qui concerne les médicaments.

Au simple motif que, la semaine dernière, des députés de l'Assemblée nationale sont allés rencontrer le secrétaire général de l'OAS à Washington, Luis Almagro Lemes, ceux-ci ont été traduits en justice pour un acte de trahison envers notre pays, tandis qu'ils étaient allés à l'OAS pour défendre notre peuple et le Venezuela. Nous avions demandé que notre démocratie soit défendue au Venezuela, mais on nous a répondu par des poursuites en justice.

Nous allons tout de même poursuivre notre lutte parce que le combat mené par nos prisonniers politiques en vaut la peine. Nos compatriotes n'ont pas à manger et ils n'ont pas de médicaments, et il vaut la peine de se battre pour eux. Il y a un prix à payer pour protéger les intérêts de nos citoyens.

Merci.

[Traduction]

La présidente : Merci. D'autres députés vont-ils s'exprimer ou vont-ils simplement répondre à nos questions? Vous allez répondre à nos questions. Merci.

Sénatrice Johnson.

La sénatrice Johnson : Merci et bienvenue à notre comité.

Ma question s'adresse à M. Dávila. Vous faites de la politique depuis longtemps, vous êtes un homme d'affaires au Venezuela et vous avez donc un point de vue tout à fait unique de l'histoire socioéconomique de votre pays. Diriez- vous que la majorité des Vénézuéliens ont perdu confiance dans les Chavistes ou plutôt qu'ils sont une majorité à appuyer ce parti? Est-ce que l'homme ou la femme de la rue reconnaît que le gouvernement a mal géré le pays ou continue-t-il de blâmer le monde extérieur pour ses souffrances?

[Traduction de l'interprétation]

Williams Dávila, député, Comité permanent des affaires étrangères, Assemblée nationale du Venezuela, à titre personnel : Dans 85 p. 100 de tous les sondages réalisés, les répondants ont rejeté le président Maduro. Le 6 décembre, beaucoup de Chavistes ont voté pour les candidats de la table ronde. C'est pour cela que les gens se battent, c'est parce qu'ils sont insatisfaits du système socioéconomique. Ils sont mécontents parce que le modèle actuel ne s'attaque pas aux causes profondes du mal au Venezuela; cela étant, tout le monde au Venezuela adhère à des discours simples invoquant la démocratie, les libertés et les droits de la personne pour tous. C'est ce que le peuple a exprimé le 6 décembre, en votant comme il l'a fait, il a montré qu'il était mécontent.

Il y a 15 jours, nous avons de nouveau constaté cet état de fait quand près de 2 millions de Vénézuéliens ont signé une pétition pour réclamer la tenue d'un référendum de révocation. Cela s'est fait à la faveur d'un processus quasiment spontané plutôt que d'une démarche entreprise par une organisation politique. La pétition a été l'expression du mécontentement populaire.

Le gouvernement contrôle tout le système de production : les marchés, les transports et la distribution alimentaire au pays. On dénombre quelque 300 entreprises dans les mains de l'État et celui-ci contrôle la totalité de la chaîne de distribution alimentaire. Quand il y a des pénuries, elles surviennent toujours dans les secteurs contrôlés par l'État. Avec ses réseaux de distribution, de transport et de commercialisation des produits, l'État a beaucoup plus de poids que le réseau de la plus importante entreprise privée au Venezuela et même que les plus importantes entreprises du même genre en Amérique latine.

Voilà pourquoi, dans nos discours, nous associons cette situation à une guerre économique. La majorité blâme l'opposition pour cela, affirmant qu'il s'agit d'une conspiration, mais il ne fait preuve en cela que d'une idéologie retors. Voilà ce qui se passe dans mon pays.

[Traduction]

La sénatrice Johnson : Merci.

Monsieur Guevara, vous dirigez la commission permanente de contrôle de l'Assemblée nationale et vous avez notamment pour mandat de récupérer les actifs qui ont été soustraits au Trésor national à cause d'actes de corruption.

Dans les cinq mois que vous avez passés à la tête de cette commission, qu'avez-vous découvert, après 16 années de régime Chaviste? J'ai entendu dire que de nombreux apparatchiks du parti roulent en Hummer, tandis que la majorité des Vénézuéliens doit s'accommoder des pénuries alimentaires, d'électricité et de médicaments et que la classe moyenne a quasiment disparu. Quelles mesures ont été prises pour récupérer les avoirs du peuple vénézuéliens, puisque la plus grande partie de l'argent se trouve maintenant à l'extérieur du pays?

Freddy Guevara, président, Comité permanent de surveillance sur les opérations gouvernementales et sur les comptes publics, Assemblée nationale du Venezuela, à titre personnel : Merci.

Après 16 ans de régime Chaviste, nous avons constaté un énorme pillage, un saqueo comme on dit en espagnol. À en croire certains calculs d'experts, le Trésor vénézuélien aurait été vidé de quelque 300 milliards de dollars. Ma commission étudie actuellement 72 dossiers, autant d'enquêtes ouvertes, qui portent sur un montant total de 43 milliards de dollars... et cela juste en 72 dossiers.

Le plus important de ces dossiers illustre deux façons dont le gouvernement a volé l'argent du peuple. D'abord, par le truchement de notre pétrolière nationale, PDVSA. J'ai la preuve, à la commission, sous la forme de contrats signés, que des commissions ont été versées à titre de pots-de-vin, qu'il y a eu surfacturation et bien d'autres choses, à hauteur de 7 milliards de dollars. Tout cela concerne uniquement les affaires sur lesquelles j'ai enquêtées avec l'aide de la communauté internationale, et non à partir des dossiers transmis par le gouvernement. Vous pourrez trouver cela un peu fou au Canada, mais quand notre commission réclame des documents contractuels concernant les entreprises de l'État, elle ne reçoit jamais de réponse. Quand nous demandons au procureur général ou à d'autres hauts responsables au Venezuela de nous remettre des documents, tout le monde refuse et nous ne recevons rien.

Nous comptons maintenant sur la collaboration des lanceurs d'alerte au sein du gouvernement et de personnes à l'extérieur qui nous font parvenir les documents voulus et c'est d'ailleurs ainsi que nous devons procéder.

L'autre façon dont la corruption est exercée contre le peuple vénézuélien consiste à jouer sur le contrôle des taux de change. Comme vous le savez, nous avons actuellement trois types de taux en vigueur au Venezuela. Le premier correspond à 1 $ pour 10 bolivars. Le deuxième est de 1 $ pour 400 bolivars et le troisième, celui du marché noir, mais qui est en fait utilisé dans la réalité, est de 1 $ pour 1 100 bolivars.

D'où la question : Qui autorise l'application de tel ou tel taux? Eh bien, c'est le gouvernement. Les dignitaires du gouvernement, avec leurs petits copains du milieu des affaires et les gens de leur parti fixent le taux officiel à 1 $ pour 10 bolivars. Puis, ils vendent sur le marché noir et, en deux coups de cuillère à pot, ils empochent 1 million de dollars. Le calcul est simple : vous échangez 1 000 bolivars et vous obtenez 10 000 $. Vous vendez ces dollars sur le marché noir et, au cours officiel du bolivar, vous obtenez 1 million de dollars.

Les produits alimentaires et les médicaments sont actuellement deux grands problèmes. Notre peuple est victime d'une incroyable corruption. Par exemple, nous avons constaté que les médicaments du dernier containeur livré portaient des dates d'expiration imminentes. Autrement dit, on a importé des médicaments qui devaient expirer dans les six mois suivant leur livraison, selon les autorisations internationales, tout cela pour les obtenir moins cher. Cependant, les documents officiels indiquent qu'il s'agit de fournitures régulières. Voilà ce qu'on nous fait. Ces médicaments sont bien arrivés au Venezuela, mais ils ne peuvent pas être consommés.

Voilà quelques exemples de ce que nous avons constaté et nous faisons appel à la collaboration internationale pour déterminer où ces gens-là ont caché nos avoirs. Nous en avons trouvé aux États-Unis, au Panama et en Suisse. Nous ne savons pas, pour l'instant, s'il y en a au Canada, mais nous allons avoir besoin de votre aide pour déterminer si certains Vénézuéliens corrompus n'auraient pas caché de l'argent ici, de l'argent volé au peuple du Venezuela.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup de vous être déplacés.

Vous avez fait allusion au nombre de prisonniers politiques, au contrôle que le gouvernement exerce sur la population et au fait que les gens ont peur du gouvernement. Votre comparution devant un comité sénatorial au Canada pourrait-elle avoir des conséquences pour vous?

[Traduction de l'interprétation]

M. Florido : Très probablement.

Comment dire? Nous sommes parfaitement au fait des risques que nous encourions en venant ici, risques que nous assumons, à cause d'un gouvernement qui est antidémocratique et qui ne respecte pas nos droits, qui les rejette, qui viole systématiquement tous nos droits, comme cela s'est produit en 2014 quand 43 Vénézuéliens sont morts. Ils voulaient simplement dénoncer la situation dans le cadre d'une manifestation, et ils en sont morts.

Il est tout à fait possible que nous perdions notre immunité parlementaire, et cela n'importe quand. Le Parlement est pourtant une institution qui vise à protéger les parlementaires dans tous les pays du monde. Cela fait aussi partie de notre Constitution. À l'article 200, il est dit que, la seule façon pour le peuple de nous retirer notre immunité consiste à le faire en chambre. C'est donc l'Assemblée nationale qui devrait le faire, puisque c'est elle qui nous accorde cette immunité.

Nous nous soumettons donc à la volonté du peuple vénézuélien, comme nous l'avons fait le 6 décembre, et nous ne pouvons pas cesser ce que nous avons entrepris simplement à cause du risque que nous courons en tant que parlementaires. Nous sommes ici pour défendre nos libertés.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup pour votre courage que traduit votre présence.

Vous avez dit que des gens meurent par manque de médicaments. Est-ce simplement à cause de la crise économique que traverse votre pays? Pourquoi cela? Est-ce simplement une question d'ordre économique ou y a-t-il une autre cause? Si des gens meurent dans votre pays parce que vous n'avez pas les médicaments qu'il vous faut, c'est qu'il s'agit d'une crise humanitaire.

[Traduction de l'interprétation]

Luis Emilio Rondón Hernández, député, Comité permanent des affaires étrangères, Assemblée nationale du Venezuela, à titre personnel :Merci beaucoup de nous avoir invités et de nous accueillir cet après-midi.

Les causes sont multiples. Bien des raisons expliquent la situation au Venezuela. On définit la démocratie par l'autonomie et l'équilibre des pouvoirs dans le domaine public, mais au Venezuela, le pouvoir est autoritaire et militaire. Il ne respecte pas les droits de la personne et il est populiste. Ce faisant, nous devons poursuivre notre croisade.

S'agissant de la situation concrète du manque de produits alimentaires et de médicaments, il est horrible de voir les files interminables de ceux qui espèrent pouvoir mettre la main sur quelque chose à manger, sur n'importe quoi. Il est aussi terrible de voir les gens qui font la queue devant les pharmacies dans l'espoir de trouver les médicaments les plus élémentaires. Il n'est pas question ici de médicaments complexes pour traiter un cancer ou le sida, juste de médicaments pour des maladies chroniques comme l'hypertension et le diabète. Il n'est même pas possible d'obtenir de l'Aspirine ou des antibiotiques, pourtant des médicaments fort simples.

Le modèle économique s'est effondré parce que le Venezuela a essayé de faire fonctionner l'État selon un modèle économique de style communiste. L'État décide d'attribuer les fonds à certains secteurs et il crée ainsi d'énormes dettes. Air Canada a annulé ses vols à destination du Venezuela parce que notre pays ne pouvait plus payer pour les billets vendus. Comme l'argent n'a pas été remis, la compagnie n'est plus en mesure de desservir notre pays. Elle n'est pas en position de transporter ses passagers gratuitement.

Le gouvernement a affirmé que le secteur privé travaille à perte, mais personne en fait n'est prêt à assumer une perte. Au Venezuela, le secteur pharmaceutique, les grands laboratoires n'obtiennent pas les fonds dont ils ont besoin.

En 15 ans, le Venezuela a versé plus de 90 millions de dollars à Cuba et à d'autres pays comme la Bolivie, l'Équateur et l'Argentine. Le pays a lancé de vastes campagnes de souscription à des obligations, lesquelles sont plus tard devenues des obligations de pacotilles. Puis, les cours du pétrole se sont effondrés et le Venezuela est devenu le seul pays producteur de pétrole au monde à affronter une telle crise parce qu'il n'avait pas, quand les prix étaient encore élevés, fait de réserves pour affronter les périodes de vaches maigres. Il n'a absolument pas fait d'économie durant la période d'abondance.

La semaine dernière, le ministre vénézuélien de la Défense a pris livraison de 20 chasseurs soviétiques à la pointe du progrès, tandis que la seule guerre que le gouvernement ait à mener est une guerre économique. En réalité, le gouvernement devrait combattre la pauvreté. Les gens ne comprennent pas comment il se fait que nous trouvions les fonds nécessaires pour acheter 20 avions ou des satellites chinois, mais que nous n'en avons pas assez pour approvisionner nos pharmacies en Aspirine. On ne trouve pas de produits de nettoyage, il n'y a pas de savon, de déodorant ni de dentifrice.

Le Venezuela est passé de l'un des pays les plus prospères à l'un des pays les plus pauvres au monde. Nous en sommes maintenant réduits à mendier. Nous sommes dans une situation très semblable à celle des pays pauvres, en développement.

Dans le passé, ceux qui voyageaient à l'étranger se faisaient demander de rapporter une tuque ou un foulard du Canada, ou encore un petit drapeau. De nos jours, on les invite à rapporter de l'Aspirine, du déodorant, n'importe quoi, un petit quelque chose qu'on ne trouve plus au Venezuela.

Les salaires ne permettent plus d'acheter quoi que ce soit. Les quatre députés que vous voyez ici ne gagnent même pas 200 $ par mois. C'est notre revenu et, bien honnêtement, je n'ai pas honte de vous le dire. Nous n'avons pas besoin de votre pitié, mais simplement que vous soyez conscients de la réalité. Le Venezuela est désormais un pays extrêmement pauvre parce qu'il a été extrêmement mal géré.

Notre Constitution comporte 350 articles, rédigés par le gouvernement Chavez, et pas un seul ne définit le Venezuela comme un pays socialiste. Le président Chavez, en 2007, par le biais d'une réforme constitutionnelle, a bien essayé de le faire. Il a déclaré que le Venezuela serait un pays socialiste, mais les gens ont voté contre. Ce fut son premier échec électoral.

Nous avons dit que nous aspirions au changement. Nous avons proposé des changements et nous croyons que c'est ce qui nous a valu de remporter les élections.

Nous avons rattaché quatre conditions à ce changement. D'abord, le changement doit être pacifique. Tout le monde espère qu'il n'y aura pas de répression et que le sang ne coulera pas.

Deuxièmement, il doit s'agir d'un changement constitutionnel, autrement dit qui doit respecter la Constitution à la lettre.

Troisièmement, le changement doit être démocratique et électoral. Le peuple doit s'exprimer aux urnes sur le genre de changements que nous proposons. Soit il vote pour, soit il vote contre. C'est le peuple qui doit décider.

Enfin, il faut qu'il soit ouvert et participatif et qu'il respecte les droits de la personne.

Tout comme mon collègue, M. Florido, vous l'a dit au début, nous avons pour slogan de réconcilier le pays et nous avons d'ailleurs proposé une amnistie générale. Or, celle-ci a été déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême. Des députés qui se sont rendus à l'OEA ont été accusés de prévarication à leur retour au Venezuela.

Le gouvernement du Venezuela veut nier une réalité évidente que notre peuple n'ignore pas. Nous respectons profondément vos pouvoirs démocratiques. Vous êtes une institution publique canadienne, vous êtes le Sénat. Nous sommes simplement venus ici pour vous renseigner sur l'état de la situation parce que nous espérons que la responsabilité dont vous êtes investis va favoriser la collaboration entre nous afin que nous puissions tourner la page sur ce triste chapitre au Venezuela et que nous retrouvions la paix, le développement et la prospérité dans l'avenir.

Merci.

[Traduction]

La sénatrice Poirier : Merci beaucoup, messieurs, pour votre présence. J'ai deux ou trois questions pour vous.

Quelle mesure faudra-t-il adopter ou que faudra-t-il faire pour renouer avec la paix sociale au Venezuela? Pour que les choses se calment, pour qu'elles aillent mieux, que devrait-il se produire tout de suite? Vers quoi devez-vous tendre?

La présidente : Si je vous ai bien comprise, sénatrice Poirier, vous dites qu'il règne actuellement une agitation sociale et vous voulez savoir comment revenir au calme, à la normale?

La sénatrice Poirier : À ce qu'était la normale dans le Venezuela d'il y a plusieurs années. Que faut-il faire pour commencer à renouer avec le calme?

[Traduction de l'interprétation]

M. Dávila : Merci pour cette question. Le monde change. Le monde est interconnecté. La démocratie est aujourd'hui une valeur fondamentale. Le réseau social au Venezuela, la capacité des Vénézuéliens à s'exprimer de différentes manières existera dans une démocratie, mais le Conseil électoral national du Venezuela et le gouvernement central doivent d'abord permettre aux électeurs, c'est-à-dire aux citoyens, d'obtenir ce qu'ils désirent en vertu de la Constitution, c'est-à-dire la tenue d'un référendum de révocation. C'est un principe universel des droits de la personne.

Le Venezuela s'est retiré de la Cour interaméricaine des droits de l'Homme, mais nous estimons nécessaire de promouvoir les droits de la personne. Si nous voulons trouver une issue démocratique à la situation difficile que traverse le Venezuela, nous devons permettre au peuple de s'exprimer.

Je ne sais pas pourquoi le gouvernement essaie de bâillonner la population. On ne peut pas dire que la meilleure façon de gouverner consiste à empêcher les gens de s'exprimer. C'est inconvenant. Nous estimons que le référendum de révocation favorisera l'expression par le peuple et lui permettra de se faire entendre. Il faut confirmer les signatures de la pétition par les Vénézuéliens. Après quoi, nous pourrons activer le référendum de révocation et affirmer qu'il faut mettre fin à la répression, à l'emprisonnement pour des motifs politiques, à la poursuite en justice des députés de l'Assemblée nationale et qu'il faut permettre au peuple de s'exprimer.

Dans tous les sondages qui ont été réalisés, 85 p. 100 des répondants ont déclaré qu'ils étaient favorables à un mécanisme démocratique. Il faut bien comprendre cela et le gouvernement le sait.

[Traduction]

La sénatrice Poirier : Merci.

Les troubles sociaux perdurent depuis 2014. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela a perturbé vos relations avec d'autres pays de la région, comme le Brésil, la Colombie et l'Argentine? Maintenant que les États-Unis s'ouvrent à Cuba, en quoi êtes-vous touchés dans votre relation avec Cuba et avec les États-Unis?

[Traduction de l'interprétation]

M. Florido : J'estime que l'ouverture des États-Unis à Cuba est une bonne chose pour les pays d'Amérique latine. Il était temps de changer cette politique qui ne fonctionnait pas parce que, force est de constater que Cuba est encore debout. Ce pays s'enfonce dans les problèmes de jour en jour et je suis sûr que tous les démocrates, partout dans le monde, ont une pensée pour Cuba et pour les Cubains. Cependant, il va falloir redonner leurs droits aux Cubains.

Je crois que la visite d'Obama à Cuba est très importante en soi, mais quel effet peut-elle avoir sur le Venezuela? Eh bien, Cuba a été un modèle pour Nicolás Maduro qui est président de la République, comme il avait été un modèle pour le président Chavez. Désormais, Cuba change de politique et le modèle cubain est en train de se tourner vers les États-Unis. Il est possible que l'île reçoive suffisamment d'investissements pour que son économie évolue.

Tout cela aura un effet sur le Venezuela parce que Nicolás Maduro ne peut pas compter sur le même type d'appui du gouvernement de Cuba, comme ce fut le cas par le passé.

Nous espérons maintenant que cela va ouvrir la voie vers le changement politique que nous prônons pour les Vénézuéliens.

[Traduction]

La sénatrice Ataullahjan : Merci pour votre présence et merci de nous avoir donné une idée de ce qui se passe au Venezuela. La situation est très compliquée et un peu difficile à comprendre de l'extérieur.

Dans quelle mesure l'opposition est-elle unie? Quel rôle les militaires jouent-ils? L'armée a reconnu avoir commis certains excès dans les semaines de soulèvement politique qui ont provoqué la mort de 40 personnes, mais elle affirme avoir mis sous enquête 97 officiers qu'elle tient pour responsables, soit moins de 1 p. 100 de ceux qui ont pris part à des tortures visant à nier les droits de la personne.

Quelle est l'influence de l'armée? Est-elle en mesure de bloquer certaines réformes gouvernementales?

[Traduction de l'interprétation]

M. Hernández : L'année dernière, au Venezuela, la Table ronde de l'unité démocratique a présenté un candidat unique, un programme unique et une seule proposition. C'est ainsi que nous avons fait campagne. Grâce à notre unité, nous sommes parvenus aux résultats électoraux que vous connaissez. Nous avons remporté les deux tiers des sièges à l'Assemblée nationale.

Ce matin, nous avions l'intention de participer à une manifestation, à une marche jusqu'à l'immeuble de la commission électorale pour obtenir la garantie que le référendum de révocation aurait lieu, mais nous avons été violemment agressés par la Garde nationale qui est une branche des Forces armées. Ce n'est pas une police ordinaire et, malheureusement, nous n'avons pas pu mobiliser suffisamment de manifestants pour faire une marche pacifique à cause de ce qui s'est produit, même si, d'une certaine façon, nous sommes parvenus à notre objectif qui était de déposer notre requête auprès de la commission électorale.

Malgré tout, notre unité nous a rendus plus forts.

Aujourd'hui, tous les responsables politiques de nos partis montrent que cette unité est bien réelle, qu'elle n'est pas simplement théorique. Nous nous sommes engagés à travailler ensemble pour apporter le changement politique et instaurer un gouvernement reposant sur l'unité nationale parce que nous estimons que c'est ce qu'il faut pour reconstruire le Venezuela étant donné la fragilité de la situation.

Au Venezuela, nous avons un dicton qui dit que l'armée est fidèle au gouvernement jusqu'à ce qu'elle cesse lui être fidèle, d'où la succession de coups et de contrecoups d'État.

L'action militaire entreprise contre Chavez en 2002 avait été fomentée par son ministre de la Défense, le ministre des Forces armées. Les gens ont dit que c'était une action de l'opposition, mais pas du tout, c'était une tentative interne aux Forces armées.

Il est désormais de coutume de trouver des militaires dans toutes les sphères de la société civile. Des militaires de grades élevés. Il faut toujours un militaire de grade élevé, comme un général. Je ne connais pas grand-chose à l'agriculture, mais actuellement, notre ministre de l'Agriculture est un haut gradé de l'armée. Notre ministre de l'hydroélectricité est aussi un militaire. Ce n'est pas tout. Le président de la caisse de sécurité sociale du Venezuela est aussi un haut gradé militaire. Ces gens-là ne connaissent rien aux finances publiques et pourtant, on trouve un autre général à la tête du ministère des Finances.

Et puis, il y a d'autres généraux qui, malheureusement, sont mêlés à des activités illégales, comme le narcotrafic. Cela nous a occasionné énormément de problèmes au sein des Forces armées parce que tous les responsables militaires ne sont pas compromis de la même façon. Quoi qu'il en soit, nous avons dénoncé les prévaricateurs et nous voulons faire la lumière sur les circonstances de chaque cas. Nous voulons que les gens sachent qui est responsable dans tous les cas. Nous ne voulons pas généraliser, mais nous estimons que les responsables de l'armée et de la défense ne devraient pas se mêler de politique.

Les responsables militaires sont de plus en plus présents dans la politique vénézuélienne avec la bénédiction du gouvernement. Ils sont en train de devenir des membres actifs des organisations politiques. Par exemple, le ministre de la Défense a déclaré que la loi d'amnistie que nous avions présentée à l'Assemblée nationale était subversive. Or, ce n'est pas la même chose quand un politicien affirme ce genre de chose que lorsque la déclaration vient d'un haut gradé de l'armée, de quelqu'un qui commande des chars d'assaut et qui est armé pour vous combattre. Le débat s'en trouve donc fortement déséquilibré.

Nous croyons qu'un secteur important des Forces armées devrait prendre acte de son rôle constitutionnel et s'y tenir. Ces gens-là ne devraient pas se mêler de politique parce que la politique doit uniquement faire appel à des moyens civils.

L'armée n'a pas été conçue pour se mêler de politique, et ce à quoi nous assistons est l'une des malheureuses conséquences de l'action du gouvernement Maduro. Ce gouvernement est tellement fragile, tellement faible qu'il a décidé de nommer des membres des Forces armées dans des postes politiques afin de donner l'impression que le gouvernement est fort.

[Traduction]

La sénatrice Ataullahjan : À vous entendre et à découvrir ce qui se passe, je me demande si l'Assemblée nationale a adopté une quelconque loi ces derniers mois?

[Traduction de l'interprétation]

M. Hernández : Oui. L'Assemblée nationale n'a pas cessé de produire des lois. Toutes les lois promulguées par l'Assemblée ont été déclarées inconstitutionnelles. Par exemple, nous avons déposé une loi pour encadrer la banque centrale afin de combattre l'inflation qui, comme vous le savez, est un énorme problème pour tout le monde. À l'heure où nous nous parlons, le taux d'inflation au Venezuela est de 400 p. 100. Or, ce n'était pas une nouvelle loi, mais une loi existante d'où nous avons simplement retiré les dernières modifications du texte précédent pour essayer de revenir à la forme qu'elle avait il y a cinq ans et de reprendre les normes de l'époque.

À l'époque, tout fonctionnait bien. La banque centrale a bien fonctionné pendant six ans, jusqu'à la modification de cette loi par le président Maduro. Cependant, la Cour suprême a déclaré que notre nouvelle loi était inconstitutionnelle, bien qu'elle ait existé auparavant.

La seule loi qui n'ait pas été déclarée inconstitutionnelle est la loi d'établissement des prestations pour les retraités et les pensionnés. Elle n'a pas été déclarée inconstitutionnelle, mais la Cour a demandé que nous en assurions la viabilité économique, faute de quoi elle ne serait pas mise en vigueur. Ce n'est donc pas la même chose. Les choses étaient dites différemment et nous avons approuvé cette loi.

Nous avons aussi proposé une loi pour encadrer les logements du secteur public. Le gouvernement donne aux gens la possibilité de louer une maison, mais pas de la posséder. Dans le passé, le gouvernement pouvait exiger, en échange d'une maison, que les occupants votent pour lui, faute de quoi on ne la leur donnerait pas.

On constate le même genre de jeux d'influences que par le passé et nous ne pensons pas que le gouvernement devrait pouvoir contrôler l'accès aux loyers et à la propriété. Le gouvernement a essayé d'exercer ce levier dans le passé. Nous voulons que les gens comprennent que leur maison leur appartient et qu'elle n'appartient pas au gouvernement. Voilà pourquoi nous avons proposé une loi sur la propriété privée, mais celle-ci a aussi été déclarée inconstitutionnelle.

Nous essayons de changer la loi sur les médias parce que le gouvernement n'accorde pas de nouvelles licences aux médias. Il n'accorde aucune licence aux compagnies de radio ou de télévision. Dès qu'une licence expire, il essaie de s'en servir pour faire chanter les compagnies. Il leur dit : « Si vous ne diffusez pas mes messages, je ne renouvelle pas votre licence. » Résultat, nous n'avons pas beaucoup de diversité dans le paysage audiovisuel.

Tout cela veut dire que vous devez faire attention à la situation. Il est vrai que nous continuons à déposer des textes de loi, et nous n'allons pas nous laisser décourager parce que la Cour suprême nous dit que les lois sont inconstitutionnelles. À terme, nous estimons qu'elles seront nécessaires pour rebâtir le tissu du pays.

[Traduction]

La présidente : Nous allons manquer de temps et, d'ailleurs, nous avons dépassé celui qui nous est imparti et nous devons entendre trois autres sénateurs. Je vais donc vous demander de poser des questions courtes et de donner des réponses courtes pour que tout le monde ait la possibilité de faire officiellement part de ses préoccupations.

[Français]

Le sénateur Rivard : Le produit le plus important pour le développement de votre pays, si je ne me trompe pas, c'est le pétrole. Bien avant la crise pétrolière qui date d'à peine deux ans, votre pays était déjà en chute libre. Je me souviens avoir visité votre pays dans les années 1990, et les touristes y étaient assez nombreux. Vous êtes affectés par la baisse du prix du pétrole, mais votre industrie du tourisme est quasi inexistante, surtout compte tenu de la hausse de la criminalité, qui est presque exponentielle. Ce sont autant d'éléments qui nuisent au pays. Ainsi, vous n'avez pas la formule miracle pour en sortir, et je comprends que vous sollicitiez l'aide économique du Canada, des États-Unis et d'autres pays.

Si vous deviez argumenter pour nous convaincre de vous aider, pourriez-vous nous dire ce qui est fait pour améliorer la situation de votre pays? Plus tôt, j'ai oublié d'évoquer également le nombre de chômeurs parmi les jeunes. On sait qu'une jeunesse qui ne travaille pas, c'est un baril de poudre. Quand on pense à la Grèce, à ce qu'elle a vécu, le taux de chômage des moins de 30 ans en Grèce est de 60 à 70 p. 100. Le taux de chômage de vos jeunes est-il comparable?

Par la suite, je pourrais peut-être vous suggérer quelques organismes, que nous connaissons, qui viennent en aide à des pays comme le vôtre, entre autres en ce qui concerne la fourniture de médicaments.

[Traduction]

M. Guevara : Merci.

Nous réclamons trois autres choses. D'abord une pression politique internationale pour mettre un terme à la crise politique et constitutionnelle au Venezuela, sachant que rien ne se réglera si les pressions n'aboutissent pas. C'est donc nous qui pouvons faire en sorte que la pression internationale s'exerce au congrès et dans les rues, mais sans pression internationale, nous n'y arriverons pas.

Le Canada est membre de l'OEA. Nous tentons d'obtenir le soutien des Américains pour faire adopter la charte interaméricaine afin de faire pression sur notre gouvernement et de faire en sorte qu'il sente véritablement la menace. S'il se sent véritablement menacé, il est possible qu'il desserre légèrement son étau et qu'il permette davantage au peuple de s'exprimer.

Nous ne demandons pas que le gouvernement nous donne le pouvoir. Nous essayons simplement de faire valoir nos droits et les droits de la population à choisir ceux par qui elle veut être gouvernée. Notre Constitution permet au peuple de décider si le président peut continuer à exercer ses pouvoirs à mi-mandat. Nous en sommes là et les Vénézuéliens ont ce droit. Voilà pour la pression internationale.

Il y a aussi l'aide humanitaire. Nous ne sommes pas en train de demander de l'argent. Nous demandons simplement des médicaments. Nous aimerions savoir si le Canada a les ressources nécessaires pour nous faire bénéficier d'une aide humanitaire sous la forme d'un envoi de médicaments. Nous n'allons pas donner ces médicaments aux congressistes ou aux membres des partis. Nous voulons les remettre à la Croix-Rouge ou à des organisations internationales ou multilatérales.

Troisièmement, il faut appuyer la lutte contre la corruption. Nous aimerions que le Canada nous aide à déterminer si des membres corrompus de notre gouvernement ont déposé des valeurs ou des avoirs ici au Canada.

[Traduction de l'interprétation]

M. Dávila : J'aimerais dire un mot de ce que vous avez mentionné au sujet du chômage chez les jeunes. Selon moi, le problème le plus grave actuellement au Venezuela est la crise de valeurs et de principes et toute cette question économique pour un pays qui dispose d'énormément de ressources naturelles, mais où l'on s'en prend aux droits de la personne. Comment renouer avec nos valeurs et nos principes d'antan? Par l'éducation des jeunes de moins de 25 ans. Nous devons donc nous doter d'un plan à très long terme.

De nos jours, les jeunes sont plus nombreux que jamais à émigrer. Le taux d'émigration est d'environ 15 p. 100, et le chômage chez les jeunes et le chômage des professionnels n'a jamais été aussi élevé. Le gouvernement affirme que le chômage est bas, mais il est en fait très haut. Notre plus gros problème, c'est que nous perdons nos professionnels, nos médecins, nos avocats; tout le monde quitte le pays.

Nous voulons trouver une façon d'amener les jeunes à comprendre qu'ils n'ont pas à quitter le Venezuela. En fait, le Venezuela peut être une terre d'opportunités. Il nous faut trouver une façon de leur permettre de contribuer à la reconstruction de notre pays.

[Traduction]

La présidente : Excusez-moi, mais nous manquons vraiment de temps et je vais devoir céder la parole au sénateur Ngo.

Le sénateur Ngo : Merci, messieurs.

Nous sommes conscients que le Venezuela est en train de traverser une période de troubles sociaux et de difficultés économiques. Le commerce bilatéral entre le Canada et le Venezuela a représenté moins de 1 milliard de dollars en 2015. Je crois que c'était en fait 740 millions de dollars.

Selon vous, quelle serait la façon la plus efficace pour le Canada de traiter avec le Venezuela et, en même temps, de travailler dans le sens d'une amélioration des droits de la personne dans votre pays?

[Traduction de l'interprétation]

M. Florido : Tout d'abord, le Canada peut s'exprimer sur la scène internationale, il peut prendre position en défense des droits de ceux et de celles qui ont été privés de leur liberté et il peut parler au nom des prisonniers politiques, des députés de l'Assemblée nationale qui ont été emprisonnés et de tous ceux qui sont confrontés à cette crise humanitaire liée à la pénurie de produits alimentaires et de médicaments.

Deuxièmement, le Canada doit prendre la parole devant l'OEA. L'ambassadeur canadien auprès du Conseil permanent a invoqué la tenue d'un véritable dialogue. Cela signifie beaucoup, parce que, s'il y a un dialogue au Venezuela, celui-ci n'est pas réel, il n'est pas authentique. Un dialogue véritable est celui qui donne des résultats mesurables. Eh bien, je crois que l'OEA est un lieu important où exercer vos pressions.

Troisièmement, il y a l'aide matérielle qui est très importante, comme ce que vient de décrire M. Guevara, c'est-à- dire une aide humanitaire concrète par le truchement de vos ONG, par le truchement du Sénat ou de la Chambre des communes.

Si le Canada nous fournissait, par exemple, 10 tonnes d'Aspirine, 15 tonnes d'insuline, 20 tonnes d'antibiotiques, nous bénéficierions alors d'une véritable assistance qui pourrait favoriser l'ouverture des portes du Venezuela parce qu'à ce moment-là, on constaterait que des parlementaires se font agresser, mais que nous obtenons des résultats auprès du reste du monde et que notre combat est celui du peuple vénézuélien. Les Vénézuéliens se battent pour les droits de la personne.

[Traduction]

M. Guevara : J'aimerais ajouter une chose. Les Vénézuéliens souhaitent bénéficier de tout un éventail d'investissements, mais il faut que cela se fasse de la bonne façon. Une entreprise canadienne, Gold Reserve, une entreprise minière, a fait la nouvelle au Venezuela. Vous la connaissez?

Le sénateur Ngo : Oui.

M. Guevara : Il est certain que nous souhaitons bénéficier d'investissements internationaux, mais il faut que cela se fasse correctement. Sinon, nous ne voulons pas d'investissements étrangers.

Selon notre Constitution, tout contrat d'intérêt national doit être soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale. Le gouvernement a déclaré qu'il avait convenu de certaines modalités avec des entreprises canadiennes, dont Gold Reserve, à hauteur de 25 milliards de dollars, n'est-ce pas?

M. Dávila : Oui.

M. Guevara : Et cela n'a pas été soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale. Nous avons donc peur que ce genre de situation ne fasse qu'aider le gouvernement à mettre la main sur des fonds pour nous administrer une Aspirine contre la crise et ne pas mettre en œuvre de solution structurelle au problème de fond. Nous sommes aux prises avec une situation beaucoup plus complexe qui touche aux droits de la personne, à la primauté du droit, aux problèmes économiques et à bien d'autres choses.

Le sénateur Ngo : Vous n'avez pas dit ce que le Canada devrait faire sur le plan des droits de la personne dans votre pays.

M. Guevara : M. Florido vous a parlé de la charte interaméricaine et des pressions exercées auprès de l'OEA, ce qui pourrait être une très bonne chose. Certes, toute autre prise de position ou tout appui du Sénat, du Parlement du Canada, ne pourrait que nous aider. Vous pourriez, par exemple, exhorter le gouvernement du Venezuela à libérer les prisonniers politiques. L'appui public officiel aux droits de la personne aide toujours.

La présidente : Eh bien là, nous manquons vraiment de temps. Je vous remercie de vous être déplacés. Nous avons déjà été mis au courant de la situation au Venezuela et nous jugeons nécessaire d'être tenu au fait de ce qui s'y passe.

Comme nous sommes télévisés, je suis certain que votre message a été communiqué au Canada et aux Canadiens.

Nous allons continuer de surveiller la situation. Nous appuyons bien sûr les principes démocratiques et la liberté des responsables politiques ainsi que des députés, liberté à parler pacifiquement dans leur pays et dans le reste du monde.

Vous savez, je crois, que nous avons déjà adopté des motions à ce sujet au Sénat.

M. Guevara : Oui.

La présidente : Nous continuons de suivre de très près la situation au Venezuela. Notre comité continuera d'évaluer son rôle dans ce débat, mais je pense que le simple fait de vous avoir invités ici et permis de présenter votre message est, pour nous, la meilleure façon de communiquer l'information aux Canadiens.

Merci pour vos témoignages. Il convient de souligner que vous avez pu parler librement et nous espérons que cela est respecté chez vous, comme chez nous. Merci beaucoup.

Pour poursuivre cette mise à jour de la situation au Venezuela et continuer d'en apprendre plus sur les événements récents qui se sont produits dans ce pays, nous allons maintenant accueillir des représentants d'Affaires mondiales Canada. Il s'agit d'André Frenette, directeur général, Direction générale de l'Amérique latine et des Caraïbes; de Sylvia Cesaratto, directrice, Amérique du Sud, ainsi que de Sean Sunderland, directeur adjoint, Amérique du Sud.

La présidente : Je suppose que c'est vous qui allez commencer, monsieur Frenette, par une déclaration liminaire. J'espère que nous pourrons ensuite vous poser des questions. Bienvenue au comité.

[Français]

André Frenette, directeur général, Direction générale de l'Amérique latine et des Caraïbes, Affaires mondiales Canada : Je suis ravi de comparaître à nouveau devant votre comité avec mes collègues. Nous nous sommes rencontrés il y a quelques semaines pour parler de l'Argentine. Aujourd'hui, nous aborderons le sujet du Venezuela. Madame la présidente, compte tenu du contexte actuel au Venezuela, je crois que le temps est venu de se pencher sur cette question.

Notre engagement en Amérique latine et dans les Caraïbes reflète les grandes priorités de notre nouveau gouvernement, notamment la lutte contre les changements climatiques, la promotion du pluralisme et l'amélioration de la sécurité dans la région. Celles-ci contribueront au renforcement de la relation que nous entretenons avec les Amériques.

Le Venezuela occupe le sixième rang des plus grandes économies de l'Amérique latine, et il est également membre du Marché commun du sud, le Mercosur, et membre fondateur de l'Union des nations sud-américaines, l'UNASUR.

Malgré les défis économiques auxquels il est confronté, ce pays demeure le cinquième plus grand marché d'exportation du Canada en Amérique du Sud. En 2015, le commerce bilatéral de marchandises représentait 740 millions de dollars canadiens. Le Canada jouit par ailleurs d'un excédent commercial considérable avec des exportations totales vers le Venezuela de l'ordre de 633 millions de dollars canadiens par année. Les produits agricoles comme le blé et les semences de pomme de terre composent une grande partie de ces exportations.

Selon l'Agence internationale de l'énergie, le Venezuela dispose des plus importantes réserves mondiales prouvées de pétrole. On retrouve également parmi les ressources naturelles du pays le gaz naturel, l'or, le minerai de fer, la bauxite, les diamants et d'autres minéraux.

Étant donné le rôle économique et politique important que le Venezuela a joué dans la région au cours des dernières années, un avenir sûr et prospère pour les Vénézuéliens est important, non seulement pour le Venezuela et ses citoyens, mais aussi pour l'ensemble de l'hémisphère, y compris le Canada.

L'instabilité économique et politique croissante dans ce pays a non seulement une incidence sur la vie des citoyens, mais également sur les intérêts du Canada, particulièrement en ce qui concerne la démocratie, les droits de la personne et le commerce.

Je souhaite par ailleurs vous faire part aujourd'hui de l'évolution de la situation au Venezuela, des intérêts du Canada et de la façon dont notre pays peut appuyer le Venezuela.

Tout d'abord, nous croyons fermement que les Vénézuéliens de toute allégeance politique doivent faire preuve de solidarité afin de résoudre leurs problèmes économiques et politiques internes. La polarisation n'arrange rien et ne résout aucun problème. Le gouvernement et l'opposition doivent travailler ensemble dans les limites de leur constitution.

Le Canada demeure prêt à aider le pays, en collaboration avec ses partenaires régionaux, notamment au sein de l'Organisation des États américains, l'OEA. Cette aide doit toutefois reposer sur des mesures concrètes destinées à améliorer la vie et la sécurité des gens.

Le Venezuela est actuellement au cœur d'une crise économique. La pénurie de devises fortes et la rareté de certains produits de base, comme les aliments et les fournitures médicales, ont atteint des sommets alarmants. Le Fonds monétaire international estime que l'économie du Venezuela a diminué de 10 p. 100, alors que l'inflation dépasse 200 p. 100, le taux le plus élevé au monde. Le FMI prévoit que l'inflation pourrait atteindre 700 p. 100 cette année, soit un niveau d'hyperinflation. La devise locale a perdu 98 p. 100 de sa valeur par rapport au dollar américain au cours des trois dernières années.

Étant donné que le pétrole compte pour la majeure partie — environ 95 p. 100 — des recettes d'exportation du Venezuela, la baisse mondiale des prix du pétrole brut a aggravé et accéléré la crise économique au Venezuela.

D'autres facteurs ont également contribué au déclin de l'économie du pays, y compris l'expropriation par l'État d'industries du secteur privé, le contrôle des prix, ainsi que le changement constant des lois et des règlements.

L'économie vénézuélienne est également paralysée par la dette souveraine croissante que le gouvernement a continué de servir, malgré un contexte de resserrement des finances. Bien que, récemment, au mois de février, le gouvernement ait consacré 1,5 milliard de dollars américains à ses obligations, les marchés financiers mondiaux sont préoccupés par la capacité du gouvernement à honorer ses obligations au titre du service de la dette. Par conséquent, les obligations du gouvernement vénézuélien sont vendues au rabais sur les marchés financiers en prévision d'un possible défaut de paiement qui pourrait survenir plus tard au cours de l'année.

Heureusement, l'exposition du gouvernement canadien aux risques est limitée. En effet, la dette contractée par le gouvernement du Venezuela envers Exportation et développement Canada est modeste, et le pays continue toujours de la rembourser. La possibilité d'un défaut de paiement de la dette vénézuélienne constitue néanmoins une menace inquiétante, car une telle situation affecterait non seulement les créditeurs mondiaux, mais également le Venezuela, ses citoyens et la région. De plus, la devise forte se ferait plus rare et les importations de produits essentiels deviendraient plus difficiles à payer.

Un défaut de paiement rendrait notamment la tâche plus difficile au Venezuela d'honorer ses engagements à l'égard de PetroCaribe, un accord de coopération énergétique lancé par le président Hugo Chavez afin d'approvisionner les pays caribéens en pétrole brut à des conditions de paiements préférentiels. Cette situation pourrait avoir une incidence particulièrement sur Cuba, Haïti, et plusieurs petits États insulaires des Caraïbes qui dépendent des exportations vénézuéliennes subventionnées de pétrole. Dans une perspective plus large, cela aurait un impact négatif sur des pays voisins, comme la Colombie, le Brésil et la Guyane.

En outre, le Venezuela compose actuellement avec les conséquences d'une sécheresse prolongée occasionnée cette année par le phénomène El Niño. En plus des pénuries d'eau et de l'impact sur l'agriculture, ce système météorologique a aussi réduit l'apport d'eau à la centrale hydroélectrique de Guri, l'une des principales sources d'énergie électrique du pays, qui a maintenant atteint un niveau critique. Par conséquent, le gouvernement s'est vu contraint d'adopter des mesures de rationnement de l'électricité, occasionnant des coupures de courant et créant ainsi une pression supplémentaire sur l'économie et de la frustration au sein de la population.

[Traduction]

Tout comme le contexte économique qui se détériore, la situation de la sécurité, particulièrement à Caracas, la capitale, ainsi que dans d'autres grandes villes, est alarmante. Les taux de crimes violents sont élevés et en hausse. Le taux d'homicide au Venezuela serait l'un des plus élevés au monde. L'escalade des niveaux de violence criminelle, combinée à une pauvreté croissante, compromet certainement la sécurité et la sûreté des citoyens du Venezuela.

Tous ces enjeux pèsent davantage sur la situation politique polarisée du Venezuela. La grande victoire remportée par la coalition de l'opposition lors des élections législatives plutôt pacifiques qui ont eu lieu en décembre 2015 a conféré à celle-ci le contrôle de l'Assemblée nationale pour la première fois en 17 ans. Le président Nicolás Maduro a néanmoins conservé le contrôle du pouvoir exécutif et de la magistrature.

À la suite de l'élection, le ministre Dion a publié une déclaration dans laquelle il félicitait les Vénézuéliens d'avoir exercé leur droit de vote de manière pacifique et où il encourageait le dialogue entre l'opposition et le gouvernement. Malheureusement, les signes de compromis sont rares. En effet, alors que les Vénézuéliens doivent mettre en place des mesures radicales pour faire face à la crise économique et à l'insécurité grandissante, les partis ne parviennent pas à s'entendre sur l'adoption des lois importantes par l'Assemblée nationale. La Cour suprême annule d'ailleurs constamment les décisions de l'Assemblée nationale, y compris la plus récente qui était une loi d'amnistie visant à libérer un certain nombre de prisonniers dont beaucoup avaient été incarcérés pour avoir joué un rôle dans les manifestations antigouvernementales de 2014.

Le gouvernement du Canada est préoccupé par la situation économique et de sécurité qui se détériore au Venezuela ainsi que par la polarisation politique qui empêche les Vénézuéliens de trouver de façon pragmatique des solutions à leurs problèmes. Nous encourageons tous les Vénézuéliens à régler leurs différends par le biais de moyens juridiques et constitutionnels.

Nous incitons également le gouvernement et l'opposition à concentrer leurs efforts à améliorer la vie quotidienne des citoyens vénézuéliens ordinaires. Nous croyons fermement qu'il est essentiel que les dirigeants politiques du Venezuela fassent des compromis afin de relever les défis socioéconomiques auxquels est confronté le pays.

Nous incitons également le gouvernement à communiquer avec la communauté internationale, particulièrement avec des institutions comme la Banque interaméricaine de développement, la Banque mondiale et le FMI, afin d'obtenir des conseils et de l'aide sur la façon d'améliorer la situation économique nationale.

Bien que nos relations bilatérales aient comporté certains défis par le passé, nos deux gouvernements sont parvenus à améliorer leur dialogue au cours de la dernière année en organisant notamment des réunions régulières à Caracas ainsi que des rencontres avec l'ambassade du Venezuela et ses représentants, ici à Ottawa. Nous accueillons favorablement ce dialogue et espérons qu'il se poursuivra et se développera.

Parallèlement, nous demeurons préoccupés par l'état de la gouvernance démocratique au Venezuela. Nous respectons la souveraineté de ce pays et démontrons un réel intérêt à travailler en collaboration avec le gouvernement du Venezuela en vue de développer et de renforcer nos relations diplomatiques. Au cœur de nos relations se trouve un engagement partagé à l'égard des normes internationales sur les droits de la personne et la gouvernance nationale qui sont inscrites dans les traités que nos deux pays ont ratifiés.

Nous croyons également que l'OEA a un rôle important à jouer pour aider les Vénézuéliens à surmonter leurs différends. Nous sommes fermement convaincus que les États membres de l'OEA doivent adhérer aux normes et aux valeurs qui sont inscrites dans la Charte démocratique interaméricaine. Le Canada continuera d'appuyer les initiatives constructives et le dialogue sur la situation au Venezuela au sein de l'OEA.

En ce qui concerne les échanges commerciaux entre nos deux pays, nous incitons le gouvernement vénézuélien à continuer de trouver des solutions pragmatiques auprès des entreprises canadiennes qui ont été sévèrement touchées par les politiques de nationalisation adoptées au cours de la dernière décennie, notamment des entreprises comme Crystallex et Gold Reserve, qui ont subi toutes les deux l'expropriation de leurs activités minières.

Bien que l'année 2015 ait constitué une année difficile pour le commerce et que l'année 2016 devrait comporter encore plus son lot de défis, le marché vénézuélien continue d'offrir des possibilités à long terme. La réputation du Canada de fournisseur fiable de produits clés nous placera certainement dans une position favorable lorsque la situation économique s'améliorera.

En conclusion, je dirais que le Venezuela est une nation riche qui entretient des liens profonds et historiques avec tous les pays de l'hémisphère. Il a d'importantes institutions d'apprentissage et peut compter sur des citoyens soucieux et dévoués, et le pays dispose d'une abondance de ressources naturelles. Ce pays a besoin d'institutions solides qui permettront la résolution des différends politiques par le biais de moyens pacifiques et constitutionnels.

Le gouvernement du Canada apprécie son amitié avec le Venezuela ainsi que les liens qui composent leurs relations bilatérales depuis plus de 60 ans. C'est dans cette optique que nous demandons instamment à tous les Vénézuéliens de s'unir dans un esprit de compromis afin de résoudre leurs divergences. Il nous tarde de travailler en collaboration avec l'ensemble des parties intéressées du Venezuela, ainsi qu'avec nos partenaires de la région et l'OEA, afin de faire progresser la situation.

Merci, madame la présidente.

La présidente : Merci d'avoir respecté le chronomètre, c'est très utile.

Le sénateur Downe va ouvrir le bal.

Le sénateur Downe : Est-ce que le gouvernement du Canada fait quoi que ce soit actuellement pour aider le peuple vénézuélien dans cette situation difficile et, si oui, que fait-il?

M. Frenette : Madame la présidente, comme je l'ai indiqué dans mon allocution et comme nous en avons parlé hier... comme vous le savez, les membres de l'opposition ici présents cette semaine ont eu hier une rencontre avec le ministre Dion qui a été très fructueuse. Nous avons insisté sur l'importance du dialogue et du compromis pour que le gouvernement du Venezuela et les acteurs politiques de ce pays fassent ce qu'il faut, du point de vue législatif, pour régler certains des problèmes très délicats qui ont été évoqués dans les exposés précédents.

Le président Maduro a été élu il y a trois ans. C'est lui qui est à la tête de l'exécutif. Les Vénézuéliens se sont très clairement exprimés, en décembre dernier, en élisant l'opposition et il convient maintenant que ces deux entités, au sein du gouvernement, travaillent ensemble pour trouver un compromis.

Il a été question, dans l'exposé précédent, du désir exprimé par le Canada de prendre la parole devant l'OEA et de s'exprimer d'autres façons contre les abus au chapitre des droits de la personne. Nous le faisons chaque fois que nous en avons l'occasion.

Si vous me le permettez, sénateur, je dois préciser que l'une des principales initiatives que nous administrons à notre ambassade de Caracas consiste à remettre un prix en matière de droits de la personne. Nous ne faisons pas cadeau de ce prix à n'importe qui. Nous voulons avoir un dialogue avec le Venezuela sur la question des droits de la personne, sur le point de vue du Canada en matière de droits de la personne et sur les valeurs que nous défendons sur ce chapitre. Il est question de reconnaître les personnes qui y contribuent de façon véritable.

Nous pouvons aider le Venezuela de bien des façons, sénateur, et nous allons agir de façon bilatérale et par le biais de l'OEA.

Le sénateur Downe : Merci.

Dans votre excellent exposé, vous avez souligné les difficultés du pays à bien des égards. Ma question ne concernait pas le dialogue ni les réunions. Sait-on effectivement quelque chose, du point de vue pratico-pratique, pour assister le peuple vénézuélien? Tout à l'heure, il a été question de pénurie de médicaments, par exemple. Notre gouvernement a-t- il entrepris un programme pour aider directement la société civile vénézuélienne à régler une partie de ces pénuries au Venezuela?

M. Frenette : À propos de la situation qui vous a été décrite tout à l'heure, celle des pénuries de produits alimentaires, de médicaments et d'autres, c'est effectivement le cas. Il y a eu beaucoup de pénuries au Venezuela.

Comme vous le savez, le Canada et bien d'autres pays passent par des ONG reconnues et respectées pour projeter leur assistance humanitaire, que ce soit nationalement ou internationalement, et cela repose sur les appels lancés au niveau du système onusien et du Bureau du coordonnateur des affaires humanitaires. Jusqu'ici, aucun appel de ce genre n'a été lancé. Il n'y a pas eu d'appel auprès de la communauté internationale, par la voie du système onusien chargé de l'assistance humanitaire.

Le sénateur Downe : Aucun appel n'a été lancé directement à un organisme gouvernemental du Canada ou à notre ambassade au Venezuela?

M. Frenette : Non, pas en ce qui concerne l'assistance humanitaire, sénateur.

[Français]

Le sénateur Rivard : Mes questions sont du même ordre que celle de mon collègue. On sait que le Canada est très généreux et qu'il agit très rapidement dans le cas de cataclysmes, de tremblements de terre ou autres. On sait que le Venezuela, au début des années 1970, a subi un tremblement de terre qui a fait des milliers de morts, et Caracas avait été presque entièrement détruite. Le Canada a certainement aidé. Nous avons des feux de forêt, des inondations, des accidents de train, soit des catastrophes au plan local, mais qui arrivent partout dans le monde. Lors du tremblement de terre de Katmandou, nous avons envoyé des forces, du matériel et de l'argent.

Vous avez expliqué que, dans le cas présent, ce seraient les ONG qui devraient prendre la relève. J'expliquais plus tôt à M. Guevara qu'il existe dans la région de Québec un organisme qui s'occupe de coopération internationale, dont le rôle est justement de recueillir des médicaments qui sont en surplus chez des fabricants, des distributeurs et des grossistes en pharmacie. À l'heure actuelle, c'est certain, ce qui est envoyé l'est presque exclusivement en Afrique, mais dépendamment des besoins prioritaires, cette approche pourrait sûrement être considérée pour aider, au moins de façon temporaire, dans la crise de la pénurie de médicaments.

Pour revenir à la situation du pays, jusqu'à quel point, selon vous, les relations amicales, socialistes, communistes de Chavez avec Fidel Castro, par le passé, étaient-elles de nature à aliéner les Américains et les Canadiens? Jusqu'à quel point les relations passées ont-elles pu nuire au pays en ce qui concerne l'accès à de l'aide américaine ou canadienne?

M. Frenette : Je ne peux pas commenter sur cette question. C'est une question historique, il faudrait parler aux Cubains, aux Vénézuéliens, aux Américains. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de commenter sur ce point.

Le sénateur Rivard : Sans parler de statistiques, selon votre expérience d'homme versé en politique et en relations internationales, croyez-vous que la relation entre Fidel Castro et Chavez... On aide lorsqu'on se sent aimé ou estimé. Il est vrai qu'on parle du passé, mais tout de même, Chavez, c'était il y a moins de 20 ans, et Castro a encore une influence. Les Américains se sont ouverts à Cuba. S'ils font un effort de rapprochement avec le Venezuela également, cela ne peut pas nuire.

M. Frenette : Je ne peux vraiment pas faire de commentaires sur la relation entre Castro et Chavez. On peut parler de la position du Canada, mais sur cette relation en particulier, je ne saurais que dire.

Le sénateur Rivard : Est-ce que vous sentez, dans la population vénézuélienne, un sentiment antiaméricain — peut- être pas anticanadien? C'est presque un sport universel que de détester les américains. Est-ce que vous sentez que le niveau d'estime des Vénézuéliens vis-à-vis des Américains est comparable ou pire qu'ailleurs?

M. Frenette : Je ne sais pas ce que les Vénézuéliens pensent des Américains. Ce qu'on sait, c'est qu'il y a une grande polarisation au Venezuela en ce moment. Il y a l'opposition, il y a le président, et on a beaucoup de difficulté à faire avancer les choses. Les citoyens de ce pays en souffrent, comme vous l'avez entendu plus tôt, et c'est vrai.

On parle d'une crise humanitaire; je ne sais pas si on utiliserait encore cette expression, surtout du point de vue des Nations Unies, mais soyons clairs : il y a une différence, par exemple, entre le tremblement de terre qu'on vient de vivre en Équateur et la situation politique d'un pays où, ce qu'il faudrait, ce sont peut-être des changements au chapitre de la politique économique. Pour ce faire, il faut un Parlement, un cadre politique qui fonctionne, ce qui n'est pas le cas en ce moment. C'est pourquoi il importe de faire progresser ce genre de dialogue, de parvenir à un compromis des deux côtés pour arriver à des solutions très pratiques sur le plan économique afin d'assurer de meilleures perspectives d'avenir aux Vénézuéliens.

Le sénateur Rivard : C'est très clair. Je vous remercie, madame la présidente.

[Traduction]

La sénatrice Ataullahjan : Merci pour votre exposé.

La délégation de parlementaires du Venezuela nous a parlé d'une politique de confrontation. Je ne sais pas si les Vénézuéliens parviendront à régler leurs problèmes, considérant toutes les difficultés auxquelles ils se heurtent, comme les interruptions de courant et l'hyperinflation. Cela étant, comment amener le Venezuela à tourner la page? À un moment donné, les Vénézuéliens devront se rendre compte qu'il y a des enjeux beaucoup plus importants que le simple fait de s'affronter mutuellement.

Vous avez dit que vous exhortez les Vénézuéliens à se rassembler dans un esprit de compromis afin de régler leurs différends. Comment y parvenir?

Sylvia Cesaratto, directrice, Amérique du Sud, Affaires mondiales Canada : Merci beaucoup pour votre question, qui est tout à fait valable.

Je dirais que le Canada essaie de deux façons de travailler au règlement de la situation. D'abord, sur le plan bilatéral, par le biais de déclarations comme celle faite par le ministre Dion au lendemain des élections au Venezuela et par l'incitation faite aux deux parties de travailler ensemble.

Comme M. Frenette l'a mentionné dans ses remarques, chaque fois que nous en avons la possibilité, nous abordons la question du Venezuela. Quand notre ministre rencontre ses homologues de la région, nous entamons un dialogue sur le Venezuela et nous essayons d'inciter les autres pays de la région à faire leur part.

Nous travaillons aussi dans le pays même, par l'entremise de notre ambassade et grâce à un fonds qui permet à cette ambassade d'appuyer les ONG locales afin qu'elles créent des espaces de dialogue et qu'elles soutiennent les institutions et les principes démocratiques. Par exemple, durant la campagne électorale au Venezuela, nous avons appuyé un certain nombre d'ONG qui étaient actives sur le terrain.

Par ailleurs, comme M. Frenette l'a également mentionné, l'ambassade est très présente sur le plan des droits de la personne, puisqu'elle travaille avec des ONG qui ont à cœur de défendre les principes des droits de la personne et de protéger ceux et celles qui pourraient être victimes d'abus.

Nous intervenons aussi sur le plan multilatéral, par le biais de l'OEA, puisque nous essayons de mobiliser les institutions de l'OEA afin de les encourager à assumer un rôle de médiateur ou de facilitateur pour trouver une issue à l'impasse et que nous cherchons à encourager d'autres États membres à appuyer cette approche.

La sénatrice Ataullahjan : Tout ce que j'entends dans ce que vous nous dites, c'est le mot « dialogue ». Or, on nous a parlé du rôle que joue l'armée, des graves violations des droits de la personne, de la torture et de la mort d'une quarantaine de manifestants. Abordez-vous ces questions de violations des droits de la personne dans le cadre du dialogue que vous avez avec le Venezuela?

Mme Cesaratto : Tout à fait. Il est évident que, chaque fois qu'il rencontre des représentants du gouvernement, notre ambassadeur aborde la question. Et puis, quand nous rencontrons l'ambassadeur du Venezuela ici, à Ottawa, nous faisons la même chose. Personnellement, j'ai abordé ces dossiers avec l'ambassadeur quand il est venu réclamer l'appui du Canada pour l'élection de son candidat au Conseil des droits de la personne. Nous lui avons clairement fait savoir que nous ne pouvions pas appuyer cette candidature parce que nous n'avions pas le même point de vue en matière de protection des droits de la personne.

Nous essayons de faire davantage que de créer un espace de dialogue. Nous sommes très clairs dans notre message sur les attentes que nous entretenons à propos de la défense des principes démocratiques et du respect des droits de la personne par les signataires des différents instruments dont font partie nos deux pays.

La sénatrice Johnson : Il a beaucoup été question de ce que nous devons faire sur le plan des droits de la personne. Nous travaillons déjà à cela et vous l'avez clairement énoncé dans vos remarques et dans vos réponses aujourd'hui. Nous ne faisons que palabrer avec nos alliés de l'OEA afin d'exercer plus de pression en vue de faire respecter les normes démocratiques et les droits de la personne.

Y a-t-il des possibilités que le Canada collaborer plus étroitement avec le gouvernement Macri d'Argentine? L'envisagez-vous, l'avez-vous déjà fait ou êtes-vous en train de le faire?

M. Frenette : Voilà une question qui arrive à point nommé étant donné l'étude menée par ce comité.

Oui. J'ajouterais à cet égard que nous ne faisons pas que collaborer avec le gouvernement Macri, mais avec tous les gouvernements de la région et que nous le faisons au niveau d'une tribune qui est l'Organisation des États américains. Comme la délégation que vous avez accueillie l'a indiqué, nous avons eu une rencontre de l'OEA la semaine dernière lors de laquelle notre ambassadeur s'est exprimé. Beaucoup d'autres délégations, dont celle de l'Argentine, ont parlé de la nécessité de tenir un dialogue et de faire des compromis, mais aussi de la nécessité de respecter les droits de la personne.

Alors, effectivement, nous misons beaucoup sur la discussion avec d'autres pays de la région aux vues similaires.

La sénatrice Johnson : Pouvez-vous nous parler de la relation entre les gouvernements ou les dirigeants comme entre Macri et le président du Venezuela? D'autres chefs d'États entretiennent-ils des relations avec la tête du gouvernement vénézuélien?

M. Frenette : Je ne peux pas vous parler précisément de Maduro et de Macri, mais je répéterai simplement ce que j'ai dit à votre comité la dernière fois au sujet du nouveau gouvernement Macri. On constate un très net changement de ton en Argentine, ce qui ne peut que profiter à l'ensemble de la région.

Le sénateur Oh : Tout à l'heure, vous avez parlé de l'énorme dette que le gouvernement du Venezuela a contracté auprès d'EDC. Quel est le risque pour nos contribuables? Le Venezuela a-t-il effectué son paiement du mois dernier à temps?

Sean Sunderland, directeur adjoint, Amérique du Sud, Affaires mondiales Canada : Merci pour cette question, sénateur.

Le gouvernement du Venezuela est à jour dans ses obligations de dette souveraine envers le Canada, envers Exportation et Développement Canada. Je ne suis pas certain qu'il soit possible de dévoiler publiquement les montants en question, et il faudrait que je vérifie d'abord auprès de mes collègues d'EDC. Ce n'est pas une somme très importante.

Quoi qu'il en soit, les retards continus de s'accumuler pour ce qui est de la dette privée. Des entreprises canadiennes n'ont pas été payées par les organismes du secteur privé au Venezuela et EDC a été appelée à faire jouer les garanties, mais il n'y a pas de dette du gouvernement à gouvernement.

Le sénateur Oh : Pouvez-vous nous trouver les montants en question et nous les faire parvenir par écrit?

M. Sunderland : Il faudra que je m'entretienne avec mes collègues d'Exportation et Développement Canada pour voir s'ils sont prêts à le faire. Si oui, tout à fait.

Le sénateur Oh : Merci.

Le sénateur Ngo : J'ai deux questions. Je voudrais parler de la question de l'emprisonnement de Leopoldo López.

Tout d'abord, nous savons qu'il a été condamné à une peine de deux ou trois ans. Qu'a fait le Canada jusqu'ici dans cette affaire? Quelle démarche avez-vous entreprise pour essayer de prendre langue avec le gouvernement vénézuélien?

Deuxièmement, nous savons que le Canada n'apporte pas officiellement d'aide au développement au Venezuela. Nous connaissons à présent la situation et les témoins que nous avons entendus nous ont lancé un appel. Pouvons-nous agir sur ce plan, que ce soit officiellement ou officieusement?

M. Frenette : Pour ce qui est de votre première question, nous nous sommes exprimés contre cette situation au Venezuela. Nous estimons que tous les prisonniers politiques, ceux qui n'ont pas commis de crime ou qui n'ont pas été condamnés au pénal doivent être libérés. Notre ambassadeur à Caracas a été on ne peut plus clair à cet égard, et je pense que la position canadienne l'est également.

Pour ce qui est de votre seconde question, comme je l'ai indiqué plus tôt à vos collègues, nous n'avons été saisis d'aucune demande d'assistance humanitaire.

Il ne s'agit pas d'un tremblement de terre, ni d'un tsunami. Nous n'avons pas à faire à une catastrophe naturelle. La situation actuelle dans laquelle se trouve le Venezuela se réglerait si les deux parties parvenaient à s'entendre, si les parties décidaient de faire ce qu'il faut faire, d'un point de vue politique, pour améliorer la vie des Vénézuéliens, notamment du point de vue économique. Tout cela passe par le dialogue et, plus important encore, par des compromis de toutes les parties en présence.

Le sénateur Ngo : Nous avons rencontré l'OEA le 5 mai. Le Canada a-t-il abordé la question de Leopoldo López?

M. Frenette : Je ne pense pas que notre ambassadeur, lors de la réunion de l'OEA de la semaine dernière, ait spécifiquement abordé la question des prisonniers politiques ou de celle de M. López.

Le sénateur Ngo : Merci.

La présidente : Il y a une tradition à l'OEA qui a été instauré par Cuba. Nous savons comment ça marche, autrement dit qu'il n'est pas question de venir se mêler des affaires intérieures d'un pays. Ce qui nous trouble depuis toujours — et cela quel que soit le gouvernement au pouvoir chez nous — c'est que le Canada s'est toujours exprimé haut et fort en faveur des droits de la personne, affirmant que chacun a la responsabilité de protéger ses citoyens et que nous sommes tous investis de responsabilités internationales.

Les choses vont-elles changer maintenant? En s'en prenant au Venezuela, le président Macri semble avoir brisé ce moule. Le Canada va-t-il maintenant changer de position et se prononcer ouvertement sur le fait que les droits de la personne nous concernent tous et que, si nous appartenons à l'OEA, nous sommes investis d'une grande responsabilité, celle de savoir ce qui se passe dans le pays?

Vous avez, à juste titre, souligné que les organismes onusiens n'offrent pas d'aide humanitaire avant que le pays n'en ait réclamé. Nous savons que de nombreux pays ont été frappés par la sécheresse, comme la Namibie. Ce pays a décidé d'agir sans qu'il y ait eu de pressions extérieures. L'appel à l'aide de la Namibie s'est fait sans intervention extérieure parce que les autorités comprennent que la population souffre et qu'il faut faire quelque chose. Les autorités sont conscientes que la population souffre et il fait quelque chose pour corriger la situation. L'ONU est en contact permanent avec la Namibie. L'ONU demeure en contact permanent avec ce pays pour s'assurer qu'il dispose de suffisamment de provisions et l'organisation est présente dans toutes les parties du pays.

Que fait le gouvernement vénézuélien — pas le Parlement — pour s'assurer qu'il n'y a pas de problème de malnutrition et que les enfants ne manquent pas de médicaments?

Il s'agit là d'une responsabilité en matière de droits de la personne qui incombe au pays, qui est interne. Il est moralement délicat pour les Canadiens de se placer en spectateurs et de s'en tenir aux empêchements légaux et internationaux. Cela me rappelle les années de la crise éthiopienne. C'est troublant.

Peut-on espérer un changement et le dialogue sera-t-il un vrai dialogue? Voilà, je pense, qu'il sous-tend la question posée par le sénateur Ngo.

M. Frenette : Madame la présidente, je dirais que, dans l'avenir, il est indéniable que la voie du Canada en matière de droits de la personne continuera de résonner haut et fort dans la région, à l'OEA et ailleurs.

Nous continuerons, à l'OEA et de façon bilatérale, à demander au gouvernement vénézuélien de faire ce qu'il faut faire pour chercher à mettre un terme à la crise qui perdure dans ce pays et permettre à la population d'avoir accès à la nourriture et aux médicaments dont elle a besoin quotidiennement. Il est indéniable que cela continuera.

La présidente : Pour enchaîner sur les questions du sénateur Ngo, nous savons que d'anciens présidents des pays d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale ont lancé des initiatives pour essayer de parler avec les prisonniers politiques et qu'on leur a refusé ce droit. Si les gens qui ont témoigné devant nous aujourd'hui ont des difficultés, quelle sera la position du Canada?

M. Frenette : C'est hypothétique.

La présidente : Oui.

M. Frenette : À supposer que tel soit le cas, nous continuerons de faire exactement ce que nous faisons déjà, c'est-à- dire à réclamer le respect des droits de la personne, à demander l'instauration d'un dialogue au pays et à lancer un appel au compromis entre toutes les parties. Je ne pense pas que nous changerions quoi que ce soit.

Évidemment, il serait tout à fait inacceptable que ces messieurs qui ont comparu devant vous soient punis pour avoir fait ce qu'ils ont fait aujourd'hui, pour être venus au Canada afin de parler de démocratie et de la situation au Venezuela. Ce serait très malheureux et on ne peut évidemment pas douter que le Canada s'élèverait officiellement contre toute rétorsion.

Le sénateur Ngo : Si tel est le cas, est-ce que l'ambassade du Canada ou notre ambassadeur au Venezuela ne pourrait pas demander l'autorisation de visiter Leopoldo López?

La présidente : Je crois qu'il l'a fait.

M. Frenette : Mon spécialiste du Venezuela me dit qu'il l'a fait et qu'on le lui a refusé.

Le sénateur Ngo : Pourrions-nous essayer?

M. Frenette : L'ambassadeur a déjà essayé et on le lui a refusé.

Le sénateur Ngo : Il est allé là-bas et les Vénézuéliens le lui ont refusé?

M. Frenette : Oui.

Le sénateur Ngo : Merci.

La présidente : Sénateur Rivard, nous avons dépassé le temps alloué, mais je sais que vous voulez poser une question.

[Français]

Le sénateur Rivard : J'ai une très courte question à poser. Vous avez fait allusion à l'argent que le Venezuela doit à EDC. Je suppose que la monnaie, étant donné qu'il s'agit d'un pays dont l'inflation est galopante, est en dollars canadiens ou américains, et non en bolivars?

Mme Cesaratto : Effectivement, tout commerce entre pays se fait normalement avec une devise plus stable.

Le sénateur Rivard : Je me doutais de la réponse. Je vous remercie.

[Traduction]

La présidente : J'ai une autre question au sujet de l'OEA. Je n'ai rien vu, jusqu'ici, indiquant que le gouvernement ait l'intention d'adhérer à la Cour interaméricaine. Je connaissais la position du gouvernement précédent.

M. Frenette : Je pense que vous en aviez parlé la dernière fois, madame la présidente.

La présidente : Eh bien, je vais continuer de le faire. Les gouvernements changent, mais pas moi.

M. Frenette : Jusqu'ici, madame la présidente, il n'y a pas eu de discussion dans ce sens, mais c'est noté.

La présidente : Peut-être que j'aurai l'occasion la prochaine fois.

M. Frenette : La prochaine fois que vous nous invitez à parler d'un autre pays de la région Amérique latine- Caraïbes, nous verrons si nous pouvons vous fournir une meilleure réponse.

La présidente : J'indique aux nouveaux membres du comité que le Comité des droits de la personne a fait des recommandations relativement à la Cour interaméricaine, il y a plusieurs gouvernements de cela, et notre rapport est encore valable. Il a fait l'objet d'un suivi.

Je crois que nous sommes arrivés au terme de notre rencontre. Je vous charge de dire au ministère à quel point nous apprécions le fait que vous soyez venus nous rencontrer et nous parler avec toute l'ouverture dont vous avez pu faire preuve. Nous comprenons que vous représentez ici un ministère et pas une position politique. Nous profitons toujours de ce genre d'occasion pour signaler certains problèmes qui nous préoccupent. J'espère que nous l'avons fait cette fois- ci et nous souhaitons que le dialogue donne des résultats à un moment donné. Si le rapprochement échouait, nous aurions, par manque de réaction, à payer un prix sur le plan des relations multilatérales et bilatérales. Nous apprécions que vous soyez venus nous rencontrer.

(La séance est levée.)

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