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Délibérations du Comité sénatorial permanent des 
Affaires étrangères et du commerce international

OTTAWA, le jeudi 11 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 10 h 32, pour discuter de la teneur des éléments de la section 1 de la partie 4 du projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d'autres mesures.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Nous nous réunissons aujourd'hui pour amorcer l'examen de la teneur des éléments de la section 1 de la partie 4 du projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Comme vous le savez, il s'agit d'une étude préliminaire du libellé du projet de loi et le Sénat nous a confié la section 1 de la partie 4 du projet de loi C-44.

Pour l'occasion, nous accueillons Laura Bourns, économiste principale, Règles commerciales, Direction des finances et des échanges internationaux et Patrick Halley, directeur, Division de la politique commerciale internationale, Direction des finances et des échanges internationaux, ministère des Finances du Canada. Nous accueillons également Jean Bédard, c.r., membre et président par intérim et Nick Covelli, directeur exécutif, Tribunal canadien du commerce extérieur.

M. Covelli est ici dans la pièce, mais nous avons un problème technique. Comme je le lui ai mentionné, ce n'est pas une rétrogradation, mais sa présence à la table entraînerait certains retards. M. Covelli ne nous présentera pas d'exposé, mais il sera disponible pour répondre aux questions des membres.

Nous vous souhaitons à tous la bienvenue au comité. Je vous laisse la parole afin que vous puissiez nous présenter vos exposés, après quoi nous passerons aux questions des membres. Encore une fois, bienvenue à tous les témoins.

[Français]

Patrick Halley, directeur, Division de la politique commerciale internationale, Direction des finances et des échanges internationaux, ministère des Finances Canada : Merci, madame la présidente. C'est un plaisir d'être ici avec vous; nous avons des membres du ministère des Finances, du Tribunal canadien du commerce extérieur, ainsi que M. Darryl Larson, de l'Agence des services frontaliers du Canada, qui sont à votre disposition aujourd'hui pour expliquer la section 1 de la partie 4 du projet de loi C-44, qui a trait à des amendements à la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

La Loi sur les mesures spéciales d'importation est la principale loi qui gouverne le système de recours commerciaux au Canada, en vertu duquel les droits peuvent être appliqués sur des importations qui sont subventionnées ou qui font l'objet de dumping et qui causent un préjudice aux producteurs canadiens. Le ministre des Finances a l'autorité législative et politique nécessaire dans le cadre du système de recours commerciaux et de la Loi sur les mesures spéciales d'importation. Le système de recours commerciaux est administré conjointement par l'Agence des services frontaliers du Canada et par le Tribunal canadien du commerce extérieur.

[Traduction]

On propose quatre amendements législatifs clés à la section 1, partie 4. Le premier concerne la mise en œuvre de la décision de l'Organisation mondiale du commerce concernant un différend selon lequel le Canada n'a pas totalement respecté ses obligations commerciales internationales.

À la suite de ces changements, il sera possible, dans le cadre du système de recours commerciaux du Canada, de mettre fin à une enquête sur des recours commerciaux sur un exportateur qui profitait d'une marge de dumping importante ou d'une subvention.

Les trois autres modifications concernent des propositions formulées dans le cadre de consultations publiques menées à la même période l'an dernier. Deux nouvelles procédures s'ajouteront relativement à l'application des mesures de recours commerciaux.

D'abord, et celles-ci concernent principalement les articles 87 et 89, il y a de nouvelles procédures sur la portée qui permettront d'obtenir une décision contraignante et susceptible d'appel quant à savoir si un produit en particulier est assujetti à des droits lorsqu'il est importé au Canada. Ces procédures améliorent la transparence et la prévisibilité de l'application des recours commerciaux.

Le deuxième ensemble de procédures concerne principalement les articles 84 et 89. De nouvelles enquêtes anti- contournement permettront l'application des droits aux marchandises venant d'exportateurs qui modifient leurs pratiques commerciales dans le but précis d'éviter de payer des droits au Canada. Ainsi, les agents de l'Agence des services frontaliers du Canada disposeront de meilleurs outils pour s'attaquer au contournement et assurer l'application efficace des recours commerciaux au Canada.

Troisièmement, l'ASFC se verra octroyer également de nouveaux pouvoirs pour lutter contre les distorsions des prix dans le pays d'exportation qui font en sorte que l'on ne puisse pas se fier au prix dans le but de calculer des marges de dumping lorsque des enquêtes sont en cours au Canada, par exemple, si le gouvernement exerce un contrôle sur les prix.

Cela assurera que les droits en matière de recours commerciaux reflètent les réalités du marché dans le pays qui fait l'objet d'une enquête.

Le Budget 2017 proposait également une chose qui ne figure pas dans ce projet de loi, mais que j'aimerais souligner. Il était proposé dans le budget que les syndicats aient le droit de participer aux enquêtes sur des recours commerciaux. Ce changement se fait parallèlement aux modifications réglementaires. Par conséquent, il ne figure pas dans le projet de loi. Je tenais à le souligner, puisqu'il en est question dans le budget.

De façon générale, ces changements renforceront la réaction du Canada au commerce déloyal, permettront de mieux harmoniser les pratiques du Canada à celles de ses principaux partenaires commerciaux et sont conformes à nos obligations commerciales internationales. Ils procurent de nouveaux outils aux enquêteurs sur des recours commerciaux tout en assurant la prépondérance des droits du système de recours commerciaux pour les producteurs domestiques, les utilisateurs subséquents et les consommateurs.

[Français]

Voilà qui conclut mes remarques d'ouverture; je crois que M. Bédard a aussi des remarques à vous faire.

Jean Bédard, c.r., membre et président par intérim, Tribunal canadien du commerce extérieur : Honorables sénateurs, je voudrais tout d'abord vous remercier d'offrir l'occasion aujourd'hui au Tribunal canadien du commerce extérieur de se présenter devant le comité afin de discuter des modifications proposées à la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

[Traduction]

J'aimerais d'abord vous décrire le rôle du TCCE en ce qui concerne la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

Comme l'a déjà souligné M. Halleyl'application de la Loi est une responsabilité que se partagent le TCCE et l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC. Il revient à l'ASFC d'enquêter sur les plaintes en matière d'importations sous-évaluées ou subventionnées.

Le rôle du tribunal consiste à mener une enquête quasi judiciaire sur la question de savoir si le dumping ou le subventionnement a causé ou menace de causer un préjudice important à la branche de production nationale. L'ASFC impose par la suite, le cas échéant, des droits antidumping ou compensatoires.

[Français]

Le ministère des Finances a consulté le Tribunal canadien du commerce extérieur au sujet des modifications proposées à la Loi sur les mesures spéciales d'importation. Étant donné que le tribunal est un organisme quasi judiciaire, celui-ci n'a pas participé à l'élaboration des modifications proposées, et ses commentaires se sont bornés aux incidences potentielles sur ses activités. Ce sont de ces mêmes incidences potentielles sur les activités du tribunal dont j'aimerais vous entretenir au cours des prochaines minutes.

[Traduction]

Il est manifeste que les modifications proposées à la loi ont en premier lieu une incidence sur l'ASFC, notamment les dispositions proposées pour remédier à la distorsion des prix dans le cas d'une situation particulière du marché.

De façon similaire, les enquêtes relatives aux procédures sur la portée ou les enquêtes anti-contournement seraient conduites par l'ASFC, et non le tribunal. À cet égard, il ne serait pas approprié pour moi de faire des commentaires sur la question de contournement, car cela est du ressort de l'ASFC.

Toute décision en matière de contournement de recours commerciaux entrerait en vigueur sur ordre du tribunal. Toutefois, le rôle du tribunal à cet égard se veut minime. Toute ordonnance que le tribunal pourrait devoir rendre pour l'application des décisions de l'ASFC en matière de contournement de recours commerciaux ne serait qu'une simple formalité ne comportant aucun travail supplémentaire important pour le tribunal. De plus, les appels concernant les décisions de l'ASFC en matière de contournement de recours commerciaux se retrouveraient devant la Cour d'appel fédérale, et non le tribunal.

Les décisions de l'ASFC sur la portée d'une mesure pourraient être portées en appel devant le tribunal, mais nous ne prévoyons pas que cela ait une grande incidence. Le tribunal est bien préparé et outillé pour pouvoir s'occuper de ce que nous croyons sera un volume relativement faible d'appels additionnels découlant des modifications proposées.

[Français]

Les modifications proposées qui permettraient à l'ASFC de clore une enquête à l'égard d'un exportateur dont la marge de dumping ou le montant de subvention est jugé minimal concernent également l'ASFC. Comme telles, elles auraient peu d'incidence sur le travail du tribunal. Si l'ASFC mettait un terme à une enquête à l'égard d'un tel exportateur, les marchandises de cet exportateur ne feraient plus partie de l'enquête de dommages du tribunal, mais l'enquête se poursuivrait par ailleurs en ce qui a trait aux marchandises des autres exportateurs.

[Traduction]

Enfin, je crois que des changements réglementaires sont à venir afin de permettre expressément aux syndicats de participer aux enquêtes aux termes de la loi. Une fois encore, cela devrait avoir peu d'impact, sinon aucun, sur le tribunal. Le tribunal permet déjà aux syndicats de participer à ses enquêtes. En ce qui concerne le tribunal, les changements proposés ne feront que formaliser la façon dont il procède déjà, et permettront de clarifier la réglementation à cet égard.

[Français]

Madame la présidente, honorables sénateurs, c'est ainsi que se termine ma présentation. Tout comme mes collègues à la table et M. Covelli, je serai heureux de répondre à vos questions.

[Traduction]

La présidente : Merci. Y a-t-il d'autres exposés à être présentés? À titre de précision, vous dites que certaines modifications proposées découlent de discussions qui ont eu lieu sur des dossiers problématiques. Pourriez-vous nous donner un exemple, que ce soit en matière d'anti-contournement ou d'antidumping? Donnez-nous un exemple de cas qui aurait mené à ces changements.

M. Halley : Le ministère a mené des consultations à cette époque l'an dernier, soit entre mai et la fin juin, sur des propositions de modifications à la Loi sur les mesures spéciales d'importation. Elles n'ont pas été publiées dans la Gazette du Canada. Ces consultations ont aidé à orienter le processus décisionnel concernant le budget et ce que l'on retrouve dans le projet de loi C-44.

La présidente : Mais, avez-vous des exemples? Des marchandises? Quelles étaient les difficultés à surmonter? J'ai besoin d'exemples. Je comprends qu'il y a eu des consultations. Nous avions l'impression que la loi fonctionnait. Donc, quels genres de problèmes ont mené à ces changements?

Laura Bourns, économiste principale, Règles commerciales, Direction des finances et des échanges internationaux, ministère des Finances :Habituellement, les changements que nous apportons nous sont proposés par les utilisateurs du système de recours commerciaux qui souhaitent que notre système se rapproche de ceux de certains de nos principaux partenaires commerciaux. Donc, en ce qui a trait aux procédures sur la portée, par exemple, aux États-Unis, afin de pouvoir défendre leurs intérêts, les producteurs domestiques peuvent demander à participer aux procédures visant à déterminer si une marchandise devrait faire l'objet d'une mesure de recours commerciale.

Il y a eu un cas où des producteurs canadiens ont été informés que l'ASFC avait pris une décision, avec laquelle ils n'étaient pas d'accord, concernant l'application de mesures pour certaines marchandises. En raison de cette décision, l'industrie a demandé à pouvoir défendre ses intérêts relativement à des décisions prises par l'ASFC et à avoir le droit de porter ces décisions en appel.

Les procédures sur la portée donneront donc aux intervenants concernés toutes les possibilités qu'ils souhaitaient avoir. Ils pourront demander à ce que ces procédures soient appliquées. Ils pourront participer au processus et interjeter appel auprès du TCCE.

La présidente : J'attends toujours des exemples.

La sénatrice Eaton : J'ai quelques exemples ici.

La présidente : J'aimerais qu'ils figurent au compte-rendu. Pourriez-vous nous dire quels étaient les secteurs concernés? L'agriculture? Les TI?

Mme Bourns : L'industrie sidérurgique est la principale utilisatrice du système de recours commerciaux. Environ les deux tiers des mesures de recours commerciaux en vigueur sont liés au secteur de la sidérurgie. Les autres concernent, pour la plupart, des produits manufacturés, souvent des produits de base, comme l'aluminium et le cuivre. Il y a aussi des produits agricoles, comme les pommes de terre et le sucre.

La présidente : Merci. Ce sont des informations utiles.

Le sénateur Woo : Bonjour à tous les témoins. J'aimerais parler des dispositions relatives aux circonstances particulières du marché, notamment celle portant sur la situation particulière du marché. Je m'intéresse à l'impact de cette disposition sur la façon dont nous traitons ce que nous appelons les économies dirigées. Cette disposition existe déjà. Donc, cet article sur la situation particulière du marché ne changera en rien la façon dont nous traitons les économies dirigées. Toutefois, j'ai l'impression que si nous adoptons un système où nous tenons compte maintenant des situations particulières du marché pour déterminer s'il y a distorsion des prix, cela pourrait avoir une incidence sur la façon dont nous traitons toutes les économies éliminant ainsi la désignation d'économies dirigées. S'il existe des situations particulières dans les économies de marché, il y a aussi des situations particulières dans les prétendues économies dirigées. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

Mme Bourns : Je conviens qu'il pourrait y avoir un certain chevauchement des deux désignations ou des recours dont dispose l'ASFC. Essentiellement, ils sont fondés sur différents aspects des règles de l'Organisation mondiale du commerce. Donc, il peut y avoir une situation particulière du marché dans tous les pays. Toutefois, l'ASFC est un peu plus limitée quant aux mesures qu'elle peut appliquer lorsqu'il y a une situation particulière de marché contrairement aux mesures qu'elle peut appliquer lorsqu'une économie dirigée fait l'objet d'une enquête.

Donc, nous avons utilisé les dispositions relatives aux situations particulières du marché lorsque la condition avait été constatée et que l'ASFC ne pouvait pas se fier au prix de vente intérieur sur le marché de l'exportation. L'ASFC pouvait alors s'appuyer sur le coût obtenu par déduction ou le coût de production comme solution de rechange. Toutefois, elle a beaucoup plus de flexibilité en ce qui concerne les économies dirigées. Ainsi, dans le cadre des règlements sur les mesures spéciales d'importation, trois pays sont dûment désignés. Il serait donc possible d'appliquer une méthodologie relative à une économie dirigée.

Si elle juge qu'il y a eu intervention du gouvernement quant aux prix dans le marché d'exportation, l'ASFC peut s'appuyer sur des prix de rechange, y compris les coûts d'un pays de remplacement, soit les prix d'un marché de pays tiers considérés comme étant représentatifs des prix que l'on retrouverait dans une économie de marché.

À cet égard, je dirais que les économies dirigées — il s'agit d'une flexibilité importante pour l'ASFC, car il est possible que dans ces économies, même en ayant recours à une méthodologie fondée sur le coût obtenu par déduction, il ne soit pas suffisant de simplement s'assurer que les données que nous avons représentent le prix qui devrait être affiché.

Le sénateur Woo : Dans le cas d'économies dirigées, vous disposez d'outils pour déterminer des prix de remplacement, outils que vous n'auriez pas en vertu de cette mesure législative qui propose le recours à des méthodologies relatives à une situation particulière du marché pour les économies de marché.

Mme Bourns : Exactement. Par contre, les dispositions relatives à la situation particulière du marché seront applicables à tous les pays. Lorsque les dispositions relatives aux économies dirigées ne s'appliquent pas à un pays déjà considéré comme une économie dirigée, les dispositions relatives à la situation économique du marché s'appliqueraient.

Le sénateur Woo : Je comprends. Je vais formuler un commentaire plutôt que poser une question. On semble ouvrir une nouvelle voie. À mon avis, il s'agit d'une voie positive qui permettrait de régler certains problèmes liés aux économies dirigées, puisque l'on propose une méthodologie applicable aux prix non marchands dans tous les pays. Je voulais simplement formuler ce commentaire. Merci beaucoup.

La sénatrice Eaton : Ces mesures sont-elles proposées en vue des prochaines négociations entourant l'ALENA et en réaction aux attaques récentes de Trump à l'égard de nos industries laitière et du bois d'œuvre, lorsqu'on pense à la hauteur à laquelle les États-Unis subventionnent leurs agriculteurs?

Je remarque que la liste de biens visés par des mesures antidumping ou des mesures compensatoires touche notamment la Chine, la Roumanie, la Corée du Sud, le Brésil, le Japon, Taiwan et les États-Unis. Donc, selon vous, cela nous permettra-t-il de solidifier notre position dans le cadre de la renégociation de l'ALENA?

M. Halley : Ce sont des enjeux très distincts. En fait, ce processus a été amorcé dans le cadre du budget de l'an dernier. Certaines modifications ont été apportées à la Loi sur les mesures spéciales d'importation et il y a eu ensuite la consultation. Ces consultations ont permis d'orienter les mesures proposées dans ce projet de loi. Donc, il s'agissait d'un processus différent.

En ce qui a trait aux mesures adoptées contre les États-Unis, il y en a très peu. Je crois qu'il y a plus de 50 mesures en vigueur, et...

La sénatrice Eaton : Les raccords de tuyauterie en cuivre, les plaques de plâtre, le sucre raffiné et les pommes de terre entières.

M. Halley : Oui, quatre ou cinq, comparativement à d'autres pays, comme la Chine, où environ 75 p. 100 des mesures s'appliquent.

La sénatrice Eaton : On n'entend jamais dire que le Canada adopte de telles mesures. J'imagine que nous sommes un pays discret. Lorsque nous adoptons des mesures, nous ne le crions pas sur les toits, n'est-ce pas?

M. Halley : Ce processus est fondé sur les plaintes formulées par l'industrie. Il n'y a aucune intervention du gouvernement. Les industries peuvent avoir recours à ces outils. Elles demandent l'application de mesures et travaillent avec le TCCE et l'ASFC à cet égard dans le cadre des enquêtes. C'est vraiment à la demande de l'industrie. Le gouvernement n'amorce pas les procédures. Pour le moment, tout se fait à la demande de l'industrie.

La sénatrice Eaton : Merci beaucoup.

Le sénateur Downe : Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet des consultations publiques? A-t-on lancé une invitation? Est-ce que ces consultations se sont déroulées en ligne ou lors de rencontres?

Mme Bourns : Les consultations ont eu lieu à la suite d'une publication dans la Gazette du Canada et sur le site web de Finances Canada qui invitait les divers intervenants à présenter des mémoires sur des modifications potentielles à la Loi sur les mesures spéciales d'importation et plusieurs questions liées à chacune d'entre elles.

Les consultations ont été ouvertes pendant une période de 60 jours, et nous avons reçu 46 mémoires. La majorité des mémoires provenaient des industries qui utilisent le régime de recours commerciaux, mais il y a également d'autres parties qui y ont participé, notamment des utilisateurs en aval et des importateurs, de même que des associations commerciales étrangères.

Le sénateur Downe : Combien d'associations commerciales étrangères avez-vous entendues exactement?

Mme Bourns : Nous en avons entendu plusieurs — des associations étrangères du secteur sidérurgique qui étaient favorables aux mesures, et je crois qu'il y a également eu une association agricole américaine qui nous a écrit.

Le sénateur Downe : Mise à part la publication dans la Gazette et sur le site web, est-ce qu'on a déployé d'autres efforts pour rejoindre les gens qui pourraient être touchés ou s'ils ont dû trouver eux-mêmes l'information?

Mme Bourns : On avait dressé la liste de tous les utilisateurs connus du système de recours commerciaux et de tous les avocats spécialisés en droit commercial qui ont comparu devant le Tribunal canadien du commerce extérieur au cours des deux dernières années.

Le sénateur Downe : Ils avaient tous reçu un avis?

Mme Bourns : C'est exact.

Le sénateur Downe : Merci. Ma deuxième question concerne les modifications se rapportant aux syndicats. En supposant qu'ils ont demandé un certain nombre d'éléments, pouvez-vous nous dire ce qu'ils ont demandé et ce qu'ils n'ont pas obtenu?

M. Halley : Pour donner suite à ce que Laura disait, sachez que les syndicats ont également eu recours au processus de consultation pour faire valoir leurs points de vue et ont réclamé certaines modifications, dont certaines sont incluses dans le budget et feront l'objet de modifications réglementaires parallèles.

Cela dit, grâce aux modifications, ils pourraient participer aux enquêtes sur les recours commerciaux, comme M. Bédard l'a dit. Cela officialiserait la chose.

On nous a également demandé de pouvoir déposer des plaintes. Lorsqu'on porte plainte, on doit fournir beaucoup d'information sur la situation financière de l'industrie afin de prouver le préjudice. Cette information provient habituellement des livres et des registres des producteurs canadiens, et non pas des syndicats, alors ce n'est pas quelque chose que les syndicats seraient en mesure de faire. Cependant, il est très important qu'on puisse entendre le point de vue des syndicats sur l'incidence que ces enquêtes et les résultats possibles pourraient avoir sur les travailleurs.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. À des fins de clarification, pourriez-vous nous expliquer quelle est la différence entre le contournement et l'évasion des droits?

Mme Bourns : De façon générale, je dirais que le contournement comprend les activités dans le cadre desquelles un exportateur pourrait modifier sa marchandise ou la chaîne d'approvisionnement afin de faire participer un pays tiers, de manière à ce que ses produits ne soient plus assujettis à des droits en matière de recours commerciaux. Ces modifications visent à éviter le paiement des droits, mais le produit qui en découle n'est légitimement pas assujetti à de tels droits, et c'est pourquoi on mène une enquête anticontournement dans le but de modifier la portée de la mesure en vigueur et de nous assurer que ces produits sont couverts.

Je peux vous donner un exemple pour vous aider à mieux comprendre. Supposons que l'on modifie la composition chimique d'un produit de l'acier afin que le produit en question ne soit plus visé par l'ordonnance du TCCE prononcée à l'issue d'une enquête, l'ASFC ne pourrait plus imposer de droits à l'égard de ce bien. Par conséquent, une enquête pourrait nous permettre de prouver que, malgré une modification de sa composition chimique, le produit est réputé être essentiellement le même, car il a la même utilisation, les mêmes clients et pratiquement les mêmes caractéristiques.

Lorsqu'il y a évasion des droits, par exemple, l'origine, les caractéristiques ou la description du produit ou encore son prix de vente est mal étiqueté ou faussement présenté dans le but d'éviter le paiement des droits. Dans ces cas, l'ASFC pourrait imposer des droits dans la mesure où on établit qu'il y a un étiquetage trompeur ou une fausse déclaration. Par conséquent, les activités entourant l'évasion des droits relèvent du mandat d'exécution de l'ASFC.

La sénatrice Cordy : Et ce serait des activités frauduleuses.

La semaine dernière, j'ai rencontré les représentants des Producteurs de poulet du Canada, et ils m'ont parlé du contournement et de certains problèmes auxquels ils étaient confrontés. Par exemple, le poulet en provenance des États-Unis arrive au pays dans une sauce barbecue, ou une sauce quelconque, et il n'est pas pris en compte dans la quantité de poulet importée.

Est-ce que les modifications qui ont été apportées au projet de loi pourront aider les Producteurs de poulet du Canada?

M. Halley : Non, et je vais vous expliquer pourquoi.

Il s'agit d'un dossier distinct qui fait partie d'un processus complètement parallèle. Si je ne me trompe pas, en novembre dernier, le ministre MacAulay, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, a déclaré que le gouvernement se penchait sur les enjeux qui touchent certains secteurs soumis à la gestion de l'offre concernant le contournement des droits.

Il y a donc une discussion distincte qui a lieu en ce moment avec les intervenants de l'industrie, et les Producteurs de poulet du Canada y prennent part.

La sénatrice Cordy : Vous examinez la question, mais ce n'est pas dans le projet de loi.

M. Halley : C'est exact.

Le sénateur Gold : J'aurais une question complémentaire au sujet du processus de consultation. Est-ce que les mémoires qui ont été soumis sont publics? Y a-t-il eu des ententes de confidentialité concernant ces mémoires?

Mme Bourns : Ils n'ont pas été rendus publics, mais ils peuvent faire l'objet d'une demande d'AIPRP, par exemple, et nous en avons transmis quelques-uns à la suite d'une telle demande. Dans ces cas, on a obtenu le consentement des parties concernées, mais tous les participants ont été informés que leur mémoire pourrait faire l'objet d'une demande d'accès à l'information et ne serait pas nécessairement traité comme étant confidentiel.

La présidente : Vous dites que par le passé, il y avait des consultations entre le gouvernement et d'autres parties, et que l'information était toujours traitée de façon confidentielle. Ensuite, on a commencé à faire preuve d'ouverture en traitant les demandes d'accès à l'information. Pourquoi aujourd'hui, aurions-nous — avec un gouvernement qui se dit transparent et responsable, et je crois que c'est ce que veut le public — des consultations en privé sur des modifications réglementaires et les difficultés connexes? Ce n'est pas comme si l'information qui est révélée allait aider nos concurrents; c'est plutôt une question de savoir comment améliorer les systèmes et faire intervenir le gouvernement.

Cela dit, pourquoi se retrouve-t-on encore dans une situation où les mémoires peuvent faire l'objet d'une demande d'AIPRP? Pourquoi ne tient-on pas simplement des consultations ouvertes?

M. Halley : Les consultations étaient publiques. On en a fait l'annonce dans la Gazette du Canada, alors les gens savaient que ces consultations se déroulaient. Dans ce cas-ci, ou dans le cas d'autres mesures d'intérêt public importantes qui ont fait l'objet de consultations au fil des années, nous nous sommes rendu compte que les parties qui souhaitent participer aux consultations sont plus à l'aise de donner leur point de vue si elles peuvent fournir des renseignements commerciaux confidentiels.

On essaie donc d'en arriver à un équilibre. Je vous remercie pour votre question, et si cela peut vous être utile, nous serions heureux de vous fournir la liste des participants aux consultations.

La présidente : Ce qui me préoccupe, c'est qu'il y a des situations où les consultations confidentielles sont de mise, mais lorsqu'on parle de modifier un texte législatif, on a besoin d'un certain degré d'ouverture. Je me demande donc pourquoi on publie un avis, mais qu'on doit tout de même passer par un processus d'AIPRP pour consulter les mémoires.

Je pose la question pour la forme. Je sais que cela relève des autorités politiques, mais vous pourriez tout de même passer le message. De plus en plus, on nous questionne au sujet de l'ouverture et de la transparence, et on a l'impression que certaines choses sont traitées de façon confidentielle, alors qu'elles ne le devraient pas. Il faudrait peut-être regarder cela de plus près. Il est important d'avoir un débat public, mais il faut tout de même pouvoir préserver une certaine confidentialité lorsque c'est nécessaire.

Toutefois, cela ne s'adresse pas seulement à vous, mais à de nombreux ministères et processus.

Le sénateur Woo : Toujours au sujet des consultations, pourriez-vous me dire si les importateurs des produits de l'acier, particulièrement dans l'industrie de la construction, ont été consultés? Ont-ils participé au processus de consultation? Ont-ils pu faire valoir leurs points de vue? Comment le ministère a-t-il tenu compte de leurs préoccupations dans le cadre du processus?

Mme Bourns : Je crois avoir oublié de mentionner que nous avions également informé un grand nombre d'associations commerciales partout au Canada, y compris les associations d'utilisateurs d'acier en aval tels que les constructeurs d'automobiles, du début des consultations.

Aucune de ces associations ne s'est manifestée pour participer aux consultations, et je dirais que la majorité des points de vue des parties préoccupées par les modifications au régime en matière de recours commerciaux provenait des avocats spécialisés en droit commercial qui représentent les intérêts des importateurs, des exportateurs ou des gouvernements exportateurs, habituellement dans le processus des enquêtes relatives aux recours commerciaux.

La majeure partie des points de vue divergents provenait de ces parties. Il y a eu très peu de participation de la part des utilisateurs d'acier en aval.

Le sénateur Woo : Très peu ou pas de participation?

Mme Bourns : Je vais consulter ma liste.

Le sénateur Woo : Je croyais vous avoir entendu dire que l'industrie de la construction s'était manifestée.

Mme Bourns : Aucun de ces usagers de l'acier en aval n'a participé au processus.

Le sénateur Woo : Merci.

Le sénateur Gold : J'aimerais connaître l'incidence que notre régime de recours commerciaux pourrait avoir sur notre compétitivité. Pourriez-vous nous donner une idée de l'ampleur des biens importés qui s'avèrent être visés par des mesures de dumping ou de subventionnement? Selon vous, quelles sont les répercussions sur la compétitivité des entreprises canadiennes du système de recours commerciaux en place? Envisagez-vous un accroissement de la compétitivité au moyen de ce projet de loi?

M. Halley : J'ai ici des données qui datent de 2015 et qui sont tirées du rapport du TCCE. En 2015, 0,34 p. 100 des importations totales étaient visées par des mesures de dumping ou de subventionnement. L'an dernier, il y a eu 530 milliards de dollars d'importations. Cela représente donc environ 0,3 p. 100 de cette somme.

Comme on l'a dit plus tôt, c'est généralement dans le secteur de l'acier, donc si je ne me trompe pas, 60 p. 100 des mesures visaient les produits de l'acier, puis il y a eu beaucoup d'autres produits de base et certains produits agricoles.

En ce qui a trait à la compétitivité, le système de recours commerciaux garantit que, lorsque le commerce est déloyal, les producteurs canadiens lésés ont des recours à leur disposition. Par conséquent, c'est un outil très utile dont disposent tous les producteurs canadiens qui estiment que certains échanges commerciaux portent atteinte à leur situation concurrentielle. Même si on ne parle que de 0,34 p. 100, le système est important puisqu'il introduit un élément de certitude dans le processus.

Il y a des situations qui portent préjudice à l'industrie canadienne, et l'industrie dispose de certains outils pour y remédier.

La présidente : J'aurais quelques questions dans le même ordre d'idées. Combien de temps dure ce type d'enquêtes? Évidemment, lorsqu'il y a un problème, les entreprises souhaitent le régler. Quelle serait la durée moyenne de ce genre d'enquêtes? Je suppose qu'avec les changements qui seront apportés, soit vous allez être plus efficaces, soit vous allez ajouter un nouveau processus. Selon vous, est-ce que cela va prendre plus de temps ou si vous allez améliorer votre moyenne actuelle?

Mme Bourns : Les modifications que nous apportons n'auront aucun effet sur les enquêtes actuelles qui sont d'une durée d'environ huit mois. Il pourrait y avoir une prolongation dans des circonstances particulières.

Au fond, l'enquête anti-contournement serait un processus parallèle et n'aurait aucune incidence sur une enquête initiale, bien qu'il soit possible, avec l'ajout de ces enquêtes, que nous abordions certaines situations dans le cadre d'une enquête anti-contournement plutôt que dans le cadre d'une enquête initiale. Les enquêtes initiales ont tendance à être légèrement plus onéreuses pour les producteurs nationaux, car ils doivent fournir beaucoup plus de renseignements et démontrer qu'il y a préjudice à leur production intérieure, et cetera.

La présidente : Monsieur Bédard, je crois que vous avez dit que cela n'augmentera pas votre charge de travail de façon considérable, alors vous ne prévoyez pas d'autres retards, outre la gestion de vos cas actuels. C'est exact?

M. Bédard : Tout d'abord, madame la présidente, comme je viens de le mentionner, en ce qui a trait aux enquêtes relatives aux recours commerciaux, nous devons respecter les délais prescrits par la loi; par conséquent, une décision doit être rendue, quoi qu'il arrive, avant la date butoir. Si nous avons un plus grand nombre d'appels, il nous incombe de bien gérer nos ressources.

Nous avons déjà un processus d'appel qui n'est pas identique au nouveau processus proposé dans la loi, mais qui existe déjà. Cela nous permet d'évaluer, plus ou moins, ce qui nous sera renvoyé. C'est une charge que nous considérons comme gérable.

Je vais peut-être vous dire dans deux ans que je me suis trompé, mais voilà nos prévisions pour l'instant.

La présidente : J'aurais une dernière question, monsieur Halley. Vous proposez des modifications dans le projet de loi C-44. Y aura-t-il des règlements corrélatifs qui en découleront également?

Nous venons tout juste de le recevoir et il s'agit d'une étude préliminaire. Devrons-nous prendre des règlements, et le cas échéant, dans quels domaines?

Mme Bourns : La plupart des changements importants nécessiteront des modifications réglementaires également. Le seul pour qui ce n'est pas le cas est le changement que nous effectuons pour nous conformer à la décision de l'Organisation mondiale du commerce, qui consiste à mettre en œuvre la capacité de mettre fin à un engagement quant à un exportateur individuel. Ces modifications entreront en vigueur immédiatement après avoir reçu la sanction royale. Les autres modifications entreront en vigueur en même temps que les modifications réglementaires cet automne.

La présidente : Comme nous pouvons le voir, la réussite de toute modification dépend autant des règlements que du projet de loi. Y aura-t-il d'autres consultations avec ceux qui ont demandé ces modifications avant que cela ne soit publié dans la Gazette?

M. Halley : Non, il n'y aura pas d'autres consultations. Nous en sommes maintenant à l'étape de la mise en œuvre du processus.

La présidente : Ces règlements ont-ils été transmis à ceux qui ont demandé des changements? A-t-on tenu des discussions avec eux — les utilisateurs — pour savoir comment procéder?

Mme Bourns : Nous n'avons pas discuté précisément du contenu des éventuelles modifications réglementaires avec les utilisateurs, mais nous avons des discussions constantes et des rapports étroits avec ceux qui ont demandé ces modifications. Ils ont fourni de l'information très détaillée sur la forme que devraient prendre ces modifications réglementaires. Nous poursuivons nos discussions avec eux à ce sujet.

La présidente : Il n'y a plus d'autres questions.

Vous avez fait votre travail; vous nous avez proposé vos modifications, et nous vous sommes très reconnaissants pour l'information que vous nous avez transmise. Nous allons poursuivre notre étude préliminaire des articles du projet de loi qui nous ont été renvoyés. Je vous remercie de votre comparution.

Chers collègues, j'aurais une question à porter à votre attention qui n'a rien à voir avec le projet de loi C-44.

Je me suis entretenue avec les représentants des pays de l'AELE, c'est-à-dire le Liechtenstein, la Norvège, la Suisse et l'Islande. C'était une bonne délégation, qui connaît très bien le Canada, avec laquelle nous avons eu des échanges très pertinents au sujet de la nouvelle Europe, pour ainsi dire. Étant donné qu'ils ne font pas partie de l'Union européenne, mais qu'ils ont conclu des accords avec l'Europe, ils souhaitaient continuer à entretenir des relations avec le Canada. Ils ont hâte de voir l'AECG et de quelle manière il cadre avec eux, compte tenu des négociations.

Il y a aussi l'incidence du Brexit. On se demande quoi faire avec la Grande-Bretagne, car même si les négociations officielles ne peuvent pas avoir lieu, il y a beaucoup de questions qui sont soulevées.

Somme toute, je pense que nous — le personnel était présent — avons bien représenté le comité. Ils étaient très heureux de connaître nos opinions sur les perspectives commerciales en Europe et d'avoir de l'information sur nos initiatives commerciales régionales.

Je crois qu'ils étaient ravis d'avoir au moins pu nous rencontrer, et ils ont compris que c'est leur calendrier qui nous posait problème. Ils étaient néanmoins très heureux d'avoir pu nous parler.

La sénatrice Cools s'est jointe à moi à la fin de la réunion. Je tenais à le préciser pour que cela figure au compte rendu.

Je ne crois pas qu'il y aura un rapport officiel. Je voulais simplement vous dire que cela leur avait été utile, et je crois que ce sera également d'une grande utilité pour nos études à venir.

(La séance est levée.)

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