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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

OTTAWA, le mercredi 15 février 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour examiner, en vue d'en faire rapport, la politique étrangère canadienne relative à l'Iran, ses implications et d'autres questions connexes.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international poursuit son étude sur la politique étrangère canadienne relative à l'Iran, ses implications et d'autres questions connexes. Nous avons entrepris notre étude la semaine dernière et, ce soir, nous allons entendre un groupe de témoins. Je vais vous les présenter très rapidement. Nous avons leur CV. Ils sont connus pour s'intéresser à la politique étrangère canadienne relative à l'Iran et à d'autres questions iraniennes.

Aujourd'hui, je suis heureuse d'accueillir M. Houchang Hassan-Yari, professeur et adjoint spécial du recteur pour liaison nationale et internationale, Collège militaire royal du Canada; M. Aurel Braun, professeur de relations internationales et de sciences politiques, Département des sciences politiques, Université de Toronto; et M. Payam Akhavan, professeur agrégé, faculté de droit, Université McGill.

J'ai demandé à nos invités de limiter leur déclaration liminaire à cinq minutes, ce qui est très court pour des professeurs. Je considère que les échanges que vous aurez avec les sénateurs nous seront encore plus profitables. Nous orienterons nos questions de façon à tirer parti de votre expertise dans les domaines qui nous préoccupent.

Houchang Hassan-Yari, professeur et adjoint spécial du recteur pour liaison nationale et internationale, Collège militaire royal du Canada, à titre personnel : Je vous remercie de vous pencher sur la situation en Iran, car ce n'est pas une tâche facile.

On m'a demandé de fournir certains éléments de réponse aux questions soumises par la greffière, tout d'abord, en ce qui concerne l'impasse nucléaire entre l'Iran et la communauté internationale et son incidence sur la stabilité de la région. Je dirais que les conséquences de l'affrontement avec le reste du monde au sujet de l'énergie nucléaire sont extrêmement importantes sur le plan de la sécurité nationale et de la stabilité de la région. Les deux parties à ce conflit omniprésent ont des vues très différentes quant à la nature et l'issue du programme nucléaire iranien.

[Français]

D'une part, les Iraniens prétendent et disent que leur programme nucléaire est de nature tout à fait pacifique; d'autre part, les Américains, les Israéliens et jusqu'à un certain degré, l'Agence internationale de l'énergie atomique et d'autres pays remettent en doute cette déclaration iranienne. Donc nous sommes dans une certaine impasse ici.

[Traduction]

Je vais surtout parler des États-Unis, les principaux représentants de la communauté internationale, et pas beaucoup des autres pays. On pourrait décrire les relations entre les États-Unis et l'Iran de plusieurs façons : absence totale de confiance l'un envers l'autre, domination politique motivée par des principes idéologiques et diabolisation de l'autre. Dans le cas des Iraniens, ils considèrent les Américains comme le grand Satan, l'arrogance internationale. Quant aux Américains, ils estiment que l'Iran fait partie de l'axe du mal et qu'il s'agit d'un État paria. De plus, les deux évoquent une théorie de conspiration. À mon avis, c'est ce qui explique cette situation tendue.

La deuxième question portait sur la communauté internationale et sa réaction, c'est-à-dire ses forces et ses faiblesses, et ainsi de suite.

[Français]

La question qu'on peut se poser ici est de quoi parle-t-on, de quelle communauté internationale? Est-ce qu'il y a une communauté internationale? C'est pourquoi, si on regarde au départ, c'était les trois pays européens, la France, l'Angleterre et l'Allemagne qui négociaient au nom de la communauté internationale avec la communauté iranienne, par la suite, depuis l'échec de cette tentative, ce sont les Américains qui ont pris les devants. Finalement, parmi ces pays importants, on constate également la présence de la Russie et de la Chine qui mènent une politique étrangère tout à fait différente. Je dirais jusqu'à un certain degré, une politique étrangère démagogue dans le sens où, d'une part, ils votent en faveur des sanctions contre l'Iran et, d'autre part, ils essaient pour sous-estimer l'importance de ces sanctions.

[Traduction]

On a identifié quatre groupes de pays dans la région. Tout d'abord, mentionnons les pays du CCG. Tous ces pays, sans exception, ont maille à partir avec le gouvernement iranien. Ils pourraient même en venir à unir leurs forces à celles des pays étrangers contre l'Iran. Le deuxième groupe est celui des pays assez éloignés de l'Iran, par exemple, les pays nord-africains. La relation qu'ils entretiennent avec l'Iran importe peu ici.

Évidemment, le troisième groupe réunit la Syrie, le Hezbollah et le Hamas. Selon moi, il faut s'intéresser davantage à ce groupe. Étant donné que l'Irak n'appartient à aucun des quatre groupes, je l'ai plus ou moins intégré à celui-ci.

Enfin, le quatrième groupe englobe les pays du bassin de la mer Caspienne, au nord de l'Iran. En ce qui a trait à ces pays, il est intéressant de parler des bonnes relations qu'entretiennent l'Iran, le régime chiite et les catholiques arméniens, mais sachez que les relations sont plutôt difficiles notamment entre l'Iran chiite et l'Azerbaïdjan chiite. Pour les Iraniens, cela signifie que leur politique étrangère est, dans une certaine mesure, fondée sur l'évaluation pragmatique et réaliste de la situation.

L'Afghanistan et le Pakistan appartiennent à ce groupe. L'Afghanistan est un pays dans lequel l'Iran a beaucoup d'intérêt et d'influence. Le Pakistan, toutefois, est un pays plus problématique pour l'Iran. Mise à part la relation qui semble cordiale entre Téhéran et Islamabad, il y a de graves problèmes entre ces deux pays dans la région du Baloutchistan.

Je vais aussi parler brièvement d'Israël, étant donné l'importance de ce pays dans la région. Nous connaissons la position du gouvernement israélien à l'égard de l'Iran, mais ce qu'il faut retenir, c'est que contrairement à ce pensent beaucoup de gens en Israël, les dirigeants iraniens ne sont pas fous. Ils ne sont pas suicidaires; ils sont surtout de fins calculateurs. Je ne dis pas que leur calcul est toujours bon, mais ils sont capables d'intervenir là où ils le devraient et de provoquer, comme ils le font constamment, y compris dans le contexte actuel.

Par ailleurs, j'aimerais prendre quelques instants pour parler de la situation politique et des droits de la personne en Iran. Par contre, je ne vais pas décrire en détail ce que vous savez déjà à ce sujet. En tant que Canadiens, nous savons tous ce que nous faisons nous-mêmes à ce chapitre. Je crois d'ailleurs que mes collègues ont aussi un mot à dire là-dessus.

Je déplore le fait que la communauté internationale ne s'intéresse qu'au nucléaire et oublie la question des droits de la personne. C'est exactement le but du gouvernement iranien : détourner l'attention des vrais problèmes. En fait, la menace vient de la dynamique interne de l'Iran.

[Français]

Le Canada a perdu l'influence qu'il avait dans le passé au Moyen-Orient et nous savons que le Canada doit l'âge d'or de sa diplomatie à cette région, mais petit à petit, et en particulier depuis le gouvernement de M. Martin, on assiste à une sorte de retrait et avec le gouvernement actuel, ce retrait est presque, pas tout à fait, mais presque complet. Donc le Canada est absent comme un acteur important dans la région. Quand même, le Canada peut faire des choses, en particulier sur la question de l'Iran. Il y a un certain nombre de choses que je peux dire, et sur lesquelles on peut revenir.

Sur la question des sanctions, contrairement à ce qu'on attendait, elles ne sont pas nécessairement très intelligentes. Disons qu'elles touchent tout le monde, en particulier les plus pauvres. Je ne suis pas contre les sanctions, mais il faut, à mon avis, revoir les sanctions, en particulier, pour avoir des sanctions qui ont des dents, il faut essayer d'amener un certain nombre de pays à bord, en particulier ici, je parle de la Chine et de la Russie, sans lesquelles toute sanction ne peut pas avoir les effets escomptés. D'autres pays condamnent la Corée du Sud, un peu le Japon, dans le contexte du pétrole, sur lesquelles on peut revenir un peu plus tard.

[Traduction]

La présidente : Merci. C'est maintenant au tour de M. Braun.

Aurel Braun, professeur de relations internationales et de sciences politiques, Département des sciences politiques, Université de Toronto, à titre personnel : Je vous remercie, honorables sénateurs, de m'avoir invité à comparaître. Les opinions que je vais exprimer aujourd'hui sont entièrement personnelles. Je ne témoigne pas à titre d'expert sur les politiques iraniennes, et je ne vais pas m'attarder sur la complexité des rivalités privées au sein des régimes en place, mais plutôt sur la rivalité entre un peuple qui souffre depuis longtemps et le régime répressif qui règne en Iran. Je me spécialise dans les relations internationales, les études stratégiques et le droit international. C'est ce sur quoi j'écris. D'ailleurs, un de mes livres s'intitule The Middle East in Global Strategy.

Au fil de mes livres, de mes études et de mes cours sur les risques et les comportements à l'échelle internationale, je me suis rendu compte que, souvent, les questions qu'on pose sont aussi importantes que les réponses qu'on obtient. Par conséquent, je vais exposer cinq questions à partir desquelles je vais formuler cinq recommandations.

La première question, qu'on a déjà abordée, doit être prise en compte avec beaucoup de discernement. Le gouvernement iranien est-il rationnel? Tout d'abord, il faut s'entendre sur la définition de la rationalité. Je n'ai pas le temps de vous la donner, mais je vais vous référer à Sydney Verba. Je peux vous dire que, selon ses critères, le régime iranien ne satisfait pas aux critères de rationalité — pour ce qui est de maximiser les options, examiner tous les faits, et cetera. Nous savons qu'il s'agit d'un régime génocidaire. Il encourage sans aucun doute le génocide; nous avons tous entendu les déclarations choc au sujet du déni de l'Holocauste et de l'éradication imminente d'Israël. On a même qualifié Israël de tumeur cancéreuse devant être supprimée. Ce serait une grave erreur que de limiter cela à un conflit israélo-iranien puisque c'est un enjeu mondial. Je peux aussi souligner le comportement adopté par l'Iran en 1979 et en 2001, à la lumière des critères de Sydney Verba — soit les critères normaux en matière de relations internationales. L'Iran a fait preuve d'un mépris total à l'égard des normes internationales avec l'invasion des ambassades, qui était tolérée par le gouvernement. Cela va tout à fait à l'encontre de la capacité de tenir des négociations pacifiques et d'avoir des relations normales. On remonte à l'époque de l'Antiquité, de la protection du messager. On parle des règles du droit coutumier international établies dans la Convention de Viennes en 1961. Il est donc difficile de parler de rationalité normale.

Est-ce dire du gouvernement iranien qu'il est irrationnel? Je ne pense pas. Il faut être très prudent. Si nous parlons de l'irrationalité au sens de non compos mentis — incapacité de faire la distinction entre le bien et le mal —, ce n'est pas le cas du régime iranien. Il voit simplement le bien et le mal différemment des autres pays. Il est rationnel d'une façon différente. Selon ses propres paramètres, le gouvernement iranien est rationnel, mais ses paramètres reposent sur une logique théologique extrême, très loin de la démocratie des autres pays. Sa mentalité est fondamentalement différente. Il ne se soucie pas des lois ni des normes internationales parce qu'il croit relever d'une autorité supérieure et ainsi pouvoir agir dans le respect de ses propres paramètres de rationalité.

Voilà qui nous amène à la question suivante : la dissuasion est-elle efficace? Souvent, les défenseurs de l'Iran ou les gens qui n'ont pas beaucoup réfléchi au problème diront, malheureusement : « Nous avons des mesures dissuasives. Pourquoi ne pas les utiliser dans le cas de l'Iran? » Sachez que la dissuasion est d'abord et avant tout une relation psychologique qui implique une lecture de la pensée mutuelle. Une partie essaie d'en convaincre une autre d'effectuer le même calcul coûts-avantages qu'elle, sauf qu'au bout du compte, les risques et les coûts dépassent les avantages.

Ce n'est pas rationnel ou irrationnel, mais il faut se fonder sur les mêmes critères de rationalité. La destruction mutuelle assurée ne peut être dissuasive si l'une des deux parties considère que ses buts ultimes ne sont pas temporels.

Cela nous amène à la question suivante : la doctrine de la dissuasion nucléaire adoptée durant la guerre froide serait-elle utile? Je dirais que c'est une mesure tentante, mais aussi très malavisée.

Tout d'abord, la dissuasion n'était pas si merveilleuse pendant la guerre froide. C'était très risqué. Des études réalisées par des gens comme J. David Singer ont révélé que le monde avait échappé à une dévastation nucléaire grâce à un heureux concours de circonstances plutôt qu'à une stratégie intelligente.

Il y a un autre facteur à prendre en considération. Les dirigeants soviétiques obéissent à un impératif idéologique qui repose sur la victoire du prolétariat ici sur terre, et non pas au ciel. Par conséquent, l'Union soviétique ne pourrait atteindre ses objectifs idéologiques s'il y avait un holocauste nucléaire. Toutefois, c'est une tout autre chose lorsqu'on a affaire à un régime qui croit avoir d'autres façons de réaliser ses objectifs. D'un côté, durant la guerre froide, avec l'Union soviétique, nous avions des contraintes idéologiques. D'un autre côté, dans le cas d'une théologie extrême, nous avons une licence théologique et il vaut mieux en tenir compte.

Quel est le danger d'un Iran nucléaire? Personne ne peut affirmer avec certitude que ce régime génocidaire, qui prône ouvertement le génocide, utilisera l'arme nucléaire s'il en fait l'acquisition. Cependant, je mets quiconque au défi de me garantir qu'il ne le fera pas. C'est un pari risqué et c'est ce que nous devons examiner. Compte tenu de la licence théologique — une croyance selon laquelle l'ultime récompense se trouve au ciel et que la destruction du grand et du petit Satan aura des effets positifs —, si l'Iran développe la capacité de réaliser ses objectifs idéologiques, comment peut-on être certain qu'il ne passera pas à l'action?

Est-ce qu'on se sent chanceux? Veut-on réellement prendre le risque? Est-ce éthique et moral de la part de la communauté internationale de courir ce risque?

Il y a aussi le danger de créer une distinction sans qu'il n'y ait de différence. Et si l'Iran développait une capacité de construire ces armes nucléaires, mais qu'en fait, il ne les construisait pas? C'est un moyen de donner à l'Iran tout ce qu'il veut. Il a la capacité de le faire subitement. Il s'agit d'une distinction sans aucune différence. C'est un nouveau subterfuge pour permettre à l'Iran de mettre la main sur l'arme nucléaire tout en minimisant les risques, pour la communauté internationale, de l'en empêcher.

Devrait-on écarter l'option militaire? Une personne rationnelle ne veut pas faire la guerre. Toute intervention militaire, quelle qu'elle soit, est risquée. Nous ignorons ce qu'il va advenir. Je dirais qu'il faut à tout prix éviter une intervention militaire. C'est une mesure de dernier recours, mais comme Robert Aumann, lauréat du prix Nobel, a dit, la guerre en soi n'est pas irrationnelle. L'autodéfense est une réalité. C'est permis dans le droit international et par les États-Unis. Qui plus est, le droit international évolue vers le principe de la « responsabilité de protéger », de protéger contre le génocide. Le Canada a récemment pris part à des opérations militaires au Kosovo et en Libye, et contrairement à ce que certains essaient de dire, certains vieux diplomates, le Canada est grandement respecté partout dans le monde. Je voyage beaucoup, et sachez que nous n'avons jamais été autant respectés. Nous exerçons une grande influence, que ce soit par rapport à la Libye ou ailleurs. On a invité le Canada, pas la Belgique ni le Portugal, alors reprenons contact avec la réalité.

Nous avons des droits et des responsabilités. Si nous écartons l'option militaire, nous allons volontairement renoncer à nos droits et à nos responsabilités en vertu du droit international et accorder une licence additionnelle au régime génocidaire.

Quelles sont mes recommandations? Tout d'abord, le Canada et l'Iran sont tous deux signataires de la Convention sur le génocide, ratifiée en 1952 et 1956 respectivement. Nous sommes liés par la convention. Lorsque les dirigeants de l'Iran, Ahmadinejad et Khamenei, encouragent le génocide — et ils le font à répétition —, ils devraient être punis. Nous devrions les dénoncer. Nous pouvons demander au gouvernement iranien de prendre des mesures contre eux; il est peu probable qu'il le fasse. Nous pouvons nous adresser au Conseil de sécurité des Nations Unies, et nous avons le droit de demander qu'ils soient poursuivis devant la Cour pénale internationale. Je ne serais pas étonné que la Russie oppose son véto, mais nous pourrions directement traîner ces deux hommes, et les autres individus au sein du régime, devant la Cour internationale de justice, si rien ne se passe du côté criminel. Nous devrions le faire.

Ensuite, il faut soutenir un changement de régime. Aucune négociation n'est possible avec un régime qui a toujours négocié de mauvaise foi. Nous devrions encourager les groupes d'opposition et nous pencher sur la situation de l'un de ces groupes, la Mujahedin-e-Khalq Organization, la MKO.

Les Européens ont supprimé cette organisation de la liste des terroristes. Cela ne veut pas dire que le Canada doit faire pareil. Nous devons mener notre propre enquête. Nous ne devons rien à personne; nous travaillons de façon indépendante. Si nous arrivons à la conclusion que cette organisation n'est pas ou n'est plus terroriste, nous devrions lui venir en aide. Nous devrions même offrir la réinstallation des réfugiés pour certains d'entre eux.

Nous devrions prendre des mesures au Canada — et nous pouvons le faire nous-mêmes — pour que l'Iran soit poursuivi civilement pour torture, crimes contre l'humanité, génocide et encouragement au génocide. La Loi sur l'immunité des États, adoptée par le Parlement dans le cadre du projet de loi omnibus C-10, est très utile. Elle traite déjà de torture, mais elle devrait inclure toutes les autres infractions. Nous pouvons le faire, et nous devrions assurément travailler dans ce sens.

Il faudrait durcir considérablement les sanctions. Les principaux secteurs dans lesquels il faut agir sont les banques, le flux financier, les ventes de pétrole et de gaz naturel ainsi que le transport aérien. Les sanctions doivent être conçues de façon à compromettre considérablement la capacité du régime génocidaire iranien, à convaincre ses principaux partisans et à indiquer à toute la population que ce régime a perdu toute légitimité internationale.

Enfin, je vous dirais de considérer l'intervention militaire en dernier recours. Toutefois, nous devons forcément garder cette option à l'esprit. Le Canada et ses alliés doivent être clairs sur le fait qu'en aucun cas, l'Iran ne sera autorisé à développer une capacité de construire ou de déployer des armes nucléaires. Merci.

[Français]

Payam Akhavan, professeur agrégé, faculté de droit, Université McGill, à titre personnel : Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir invité. C'est un très grand plaisir de pouvoir partager avec vous aujourd'hui quelques idées sur l'avenir de la République islamique d'Iran et le Moyen-Orient.

[Traduction]

Depuis une dizaine d'années, j'affirme qu'une paix durable au Moyen-Orient n'est possible que si une transition vers la démocratie s'opère en Iran. C'est aussi le point de vue de nombreux membres du mouvement iranien de défense des droits de la personne, et de nos jours, ils sont en plus aux prises avec la menace imminente d'une guerre, ce qui laisse présager une catastrophe qui pourrait handicaper la région pendant de nombreuses années. Sachant cela, comment pouvons-nous le mieux interpréter le contexte dans lequel le Canada doit forger une politique étrangère juste et efficace à l'égard de l'Iran?

Avant l'essor du mouvement vert de 2009 en Iran, les experts et les analystes nous ont ridiculisés pour avoir laissé entendre qu'une société civile émergente allait profondément métamorphoser le Moyen-Orient. Tandis que nous nous employions à former des étudiants à la philosophie gandhienne ou à la résistance pacifique dans des ateliers secrets, dans les coulisses du pouvoir, on n'envisageait que deux possibilités : la guerre ou l'apaisement. Tandis que des millions d'Iraniens descendaient dans la rue pour réclamer la démocratie, la réalité était tout autre que l'image laissée par le 11 septembre d'un choc des civilisations avec des fanatiques et des kamikazes islamiques. Tandis que le président Ahmadinejad faisait distraction avec son déni de l'Holocauste et ses incitations à la haine, le peuple iranien exposait l'autre visage voilé de son pays : une génération jeune, idéaliste et inspirante engagée dans un combat héroïque pour récupérer son humanité perdue. Cette révolution sans précédent basée sur Twitter est devenue le prototype du printemps arabe, deux ans plus tard. La différence, c'est qu'après 30 ans sous l'emprise d'un totalitarisme déguisé en religion, les Iraniens s'étaient forgé une culture post-idéologique, post-utopienne dans laquelle les droits de la personne servaient d'objectif unificateur. Malgré la répression brutale, ce mouvement a représenté un revirement radical qui a miné la légitimité et les perspectives futures de la République islamique.

Étant donné l'exclusion des réformistes islamiques, la perspective d'un changement graduel à l'intérieur du système en place est devenue de plus en plus illusoire. L'Iran est devenu un État militariste mercantile, davantage kleptocratie que théocratie, intensifiant la concentration de la richesse et du pouvoir entre les mains des exécutants du régime, c'est-à-dire les Gardiens de la révolution islamique, les GRI. Cette radicalisation se manifeste par l'augmentation spectaculaire des procès-spectacles et de la propagande haineuse, de l'incarcération et de la torture généralisées des dissidents et d'un taux alarmant d'exécutions. Selon le Centre de documentation sur les droits de la personne en Iran, il y a eu au moins 59 exécutions dans le seul mois de janvier dernier. Le portrait qui se dessine est celui d'un régime qui terrorise ses citoyens, faute de pouvoir, d'un régime faible qui lutte pour sa survie.

Depuis longtemps, nous soutenons qu'étant donné cette double nature de l'Iran, les sanctions doivent viser à la fois à soutenir le mouvement démocratique en Iran et à isoler les dirigeants. Dans la mesure où les sanctions atteignent cette cible, il faut les applaudir. Tandis que nous faisions pression depuis des années en faveur de l'imposition d'interdictions de voyager et de gels des biens des dirigeants responsables de crimes contre l'humanité, vous pouvez imaginer le choc et l'horreur que nous avons éprouvés en apprenant que le directeur de la Banque nationale iranienne, M. Mahmoud Reza Khavari, avait obtenu la citoyenneté canadienne en 2005, et que l'homme qui était le pivot financier des GRI, du Hamas, du Hezbollah, du programme nucléaire et du programme de missiles balistiques de l'Iran était autorisé à opérer librement à partir du Canada.

Le Canada a été trop longtemps un refuge pour les gains mal acquis de ces élites et, en un sens, il est à peu près temps que nous mettions de l'ordre dans nos affaires. Cependant, nous ne devons pas oublier à quel point ces sanctions font souffrir les simples citoyens iraniens. Lorsque des étudiants dans une université ne peuvent acquitter leurs droits de scolarité, cela nous oblige à réexaminer la possibilité de rajuster l'ensemble des sanctions pour éviter de nuire à la population qui se retrouve doublement victime.

Notre politique en matière d'immigration est un autre point sur lequel nous devons nous pencher. Nos diplomates se démènent pour empêcher l'exécution de M. Hamid Ghassemi-Shall et de M. Saeed Malekpour en Iran, tandis que nous allons déporter M. Kavoos Soofi qui, selon Amnistie internationale, court un risque substantiel d'être torturé et exécuté. Si nous croyons sincèrement que l'Iran viole les droits de la personne, nous ne pouvons sûrement admettre la déportation de personnes exposées à un tel péril.

J'aimerais maintenant en venir à la question la plus pressante aujourd'hui, c'est-à-dire la perspective d'une guerre et la question nucléaire. Comme la grande majorité des Irano-Canadiens, je suis contre une confrontation militaire à cause des répercussions qu'elle pourrait avoir sur des civils innocents, ainsi que des conséquences imprévisibles, notamment la violence sectaire qu'elle pourrait déclencher dans l'ensemble de la région. Prenons pour exemple l'étude de 2006 de la réputée revue médicale Lancet Survey dans laquelle on a estimé le nombre de pertes civiles dans la guerre en Irak à 650 000. Voilà le visage réel de la guerre dont nous devons être conscients. Au-delà de considérations humanitaires, permettez-moi d'expliquer pourquoi même le fait de parler de la guerre est une si mauvaise idée, si nous analysons la situation actuelle selon la logique des dirigeants de la République islamique. Premièrement, le mouvement vert — le mouvement démocratique de 2009 — a porté un coup sérieux à la légitimité du régime et il demeure une menace.

Deuxièmement, la lutte de pouvoir entre le chef suprême, l'ayatollah Khamenei, et le président Ahmadinejad arrive à un moment de crise. Troisièmement, le seul allié régional — le régime meurtrier d'Assad en Syrie — est au bord de l'effondrement, tout comme sa capacité d'approvisionner en armes le Hezbollah au Liban. Quatrièmement, le Hamas a été attiré hors de l'orbite de l'Iran par la Turquie et le Qatar. Cinquièmement, les sanctions économiques handicapent lourdement les finances du régime.

Dans des circonstances aussi difficiles, quelle est la seule chose qui puisse sauver les dirigeants iraniens? La réponse est une guerre avec Israël et les États-Unis. C'est la seule chose qui puisse rallier les masses derrière les dirigeants et, sous le couvert d'une guerre, la seule chose qui puisse offrir une occasion d'exécuter massivement les milliers d'opposants, ce qui nous rappelle exactement les atrocités qui ont été justifiées dans les années 1980 sous le prétexte de la guerre entre l'Iran et l'Irak.

Selon des experts, au mieux, une attaque militaire retardera de deux ans l'acquisition de l'arme nucléaire tandis que le mouvement démocratique la retarderait d'au moins une décennie. Nous ne pouvons mettre de côté le fait que le problème tient à la nature du régime plutôt qu'à la capacité nucléaire. Par exemple, traçons un parallèle avec la façon dont, dans les années 1980, les nouvelles démocraties établies en Argentine et au Brésil ont démantelé les programmes nucléaires mis en œuvre par les anciens régimes militaires. Dans ce contexte, l'évocation d'une guerre est exactement la distraction dont le régime a besoin pour se renforcer dans une période de faiblesse et de vulnérabilité.

Il est important de reconnaître qu'après les attentats terroristes du 11 septembre, le gouvernement réformiste Khatami a joué un rôle essentiel pour aider les Américains à vaincre les talibans. Après le renversement du régime de Saddam Hussein, la perspective d'une guerre a réellement marginalisé les réformistes et joué en faveur des partisans de la ligne dure. La même situation s'applique aujourd'hui.

Par ailleurs, il n'y a aucun doute que la prolifération nucléaire déstabiliserait l'équilibre du pouvoir au Moyen-Orient et déclencherait une course aux armements. Toutefois, si nous endossons le discours apocalyptique et incendiaire de la République islamique en lui opposant notre propre discours alarmiste — notamment la suggestion que l'Iran compte utiliser l'arme nucléaire dans un attentat suicide contre Israël — nous offrons au régime l'ennemi dont il a besoin pour survivre. En évoquant l'Armageddon, nous jetons aux durs du régime une bouée de sauvetage au moment même où ils se noient enfin dans le marasme de la trahison qu'ils ont eux-mêmes créé.

Enfin, je veux souligner que nous ne pouvons passer sous silence le fait que même l'ex-dirigeant du Mossad, Meir Dagan, et l'ex-chef de l'état-major des forces de défense israéliennes, Gabi Ashkenazi, ont exprimé de sérieuses réserves sur la sagesse d'une guerre. Comme l'a dit Yossi Alpher, l'ancien conseiller principal du ministre de la Défense Barak, il y a un « désaccord évident » au sujet de l'Iran entre les éléments plus bellicistes et un camp plus prudent et moins alarmiste qui représente la plus grande partie des spécialistes de la sécurité. Il est maintenant temps que nos dirigeants évitent la politique de la peur, de crainte qu'elle n'engendre une prophétie autoréalisatrice aux conséquences catastrophiques.

La présidente : Je vous remercie. J'ai demandé de brèves interventions pour commencer. En toute justice, M. Hassan-Yari, vous étiez le premier et vous avez été extrêmement bref. Aimeriez-vous ajouter quelque chose?

M. Hassan-Yari : Non, je préférerais échanger avec les participants.

La présidente : Merci. Le sénateur Smith est le premier de ma liste.

Le sénateur D. Smith : Je vous remercie, madame la présidente. J'ai trois questions relativement brèves. Je pourrais simplement les lire et vous pourriez les noter. Vous pourrez ensuite répondre à l'une ou l'autre de ces questions, ou à toutes les questions, si vous le désirez.

La première concerne la grande nouvelle de ce matin, que l'Iran cessait ses ventes de pétrole à quelque six pays européens, dont plusieurs pays importants. Ma première réaction a été de penser que les Iraniens en étaient venus à la conclusion que ces sanctions allaient vraiment produire un effet sur la communauté européenne. Au lieu de le faire officiellement, ils vont simplement dire : « Nous ne vendons plus. » Ils pensent peut-être que cela leur permet de sauver un peu la face. Je serais intéressé à connaître votre réaction à ce sujet.

Le deuxième point, que le professeur Hassan-Yari a évoqué je crois, c'est que les dirigeants iraniens ne sont pas fous, mais plutôt de très fins stratèges. Prenons un critère décisif, par exemple. Quand le premier ministre Ahmadinejad — je ne sais jamais si je prononce bien son nom — dit entre autres choses que l'Holocauste est une fabulation, je pense qu'il est un peu fou s'il ne le croit pas. Les preuves sont si écrasantes. À votre avis, croient-ils vraiment ces affirmations — d'autres affirment la même chose — ou s'agit-il simplement de propos incendiaires destinés à satisfaire les éléments les plus extrêmes de leur communauté? Mentent-ils simplement parce qu'ils savent que cela s'est bel et bien passé? Qu'en pensez-vous?

Ma dernière question est la suivante : lorsque nous parlons d'une intervention militaire, d'une zone d'interdiction de vol comme celle qui avait été établie au-dessus de la Lybie, et non de troupes sur le terrain, y a-t-il un scénario qui, à votre avis, justifierait une quelconque forme d'intervention militaire de la part de l'Occident ou de pays membres de l'OTAN ou d'un quelconque groupe? Y a-t-il un scénario dans lequel ils iraient si loin que nous n'aurions pas d'autre choix? Quel serait ce scénario?

Voilà mes questions. Je me suis dit que je les poserais toutes à la fois et que je laisserais les témoins répondre.

La présidente : Nous avons trois questions et trois témoins.

Le sénateur D. Smith : Il n'est pas nécessaire qu'ils répondent tous à toutes les questions.

M. Hassan-Yari : En ce qui concerne la question du pétrole, il y avait beaucoup de pression de l'intérieur du gouvernement pour que quelque chose soit fait. C'était une politique réactionnaire. Les Iraniens ne sont pas à l'origine de cette politique, ils n'ont pas cette capacité.

Pour pouvoir dire à la population qu'ils font quelque chose, ils vendent cette politique. Autrement dit, lorsqu'il est devenu absolument évident à la fin de janvier que l'UE allait décider de le faire, au lieu d'attendre en juillet, ils ont pris les devants.

Pourquoi l'ont-ils fait? À mon avis, cela fait partie de tout le spectacle que le régime iranien met en scène pour se remettre sur pied. Autrement dit, le gouvernement iranien n'est pas à même de prendre l'initiative, mais il est forcé à réagir. Il cherche d'autres pays pour remplacer les Européens, c'est pourquoi il semble qu'il y aurait des négociations avec les Indiens, par exemple, et avec d'autres pays, afin de réduire les prix de manière à garder le marché. C'est pourquoi j'ai parlé brièvement de la nécessité d'examiner plus à fond la question du pétrole.

À savoir si les dirigeants sont fous ou non et au sujet de la déclaration du président Ahmadinejad sur l'Holocauste ainsi de suite, une chose est absolument claire : depuis sa création, la République islamique d'Iran ne reconnaît pas l'existence d'Israël. Pour eux, Israël est un conseil dans la région. C'est une création de l'impérialisme, du colonialisme et de toutes ces choses. À l'époque où l'ayatollah Khamenei avait lancé cette idée, il n'a rien fait lui-même pendant qu'il était au pouvoir pour mettre en œuvre ce qu'il avait dit. Soudainement, après tant d'années, le président Ahmadinejad — et je crois qu'il est arrivé au pouvoir il y a seulement six ans — a relancé toute l'affaire.

Nous devons comprendre qu'Ahmadinejad est un personnage très flamboyant. Il parle et, après seulement, il pense aux enjeux. C'est la réalité. Il n'est pas calculateur, en ce sens qu'il ne pense pas aux conséquences de ce qu'il dit. Je ne l'excuse pas, évidemment, mais nous ne devrions pas croire que ce qu'il dit est absolument en harmonie avec ce que d'autres membres du régime disent, même s'ils y croient et s'ils y pensent.

Le sénateur D. Smith : Pensez-vous qu'il croit que l'Holocauste n'a jamais eu lieu? Pensez-vous qu'il le croie vraiment?

M. Hassan-Yari : Oui, il croit qu'il n'a jamais eu lieu. Vous pouvez le qualifier de fou. De son point de vue, il n'est pas fou. C'est le point que mon collègue a soulevé ici au sujet de la rationalité et de qui est rationnel, et ainsi de suite. C'est très logique. Je suis contre ce qu'il dit, mais cela ne signifie pas qu'il ne croie pas qu'il soit lui-même, à ses yeux, irrationnel. Manifestement, nous pouvons être contre ce qu'il dit.

Enfin, quel scénario pourrait déclencher une guerre? Il y en a plusieurs. L'un des plus évidents ne serait pas forcément lié directement à la question nucléaire. Il pourrait s'agir de la menace contre le détroit d'Hormuz — et les membres du régime iranien parlaient de civils il y a quelques mois. Cette mesure pourrait provoquer une réaction de la part des États-Unis parce que les États-Unis ont déjà dit qu'il s'agissait là de la limite à ne pas franchir.

Contrairement à ce que certaines Iraniens croient, notamment que tout le conflit sera limité au détroit d'Hormuz ou au golfe Persique et à l'étendue d'eau là-bas, je crois que s'il devait y avoir une guerre, elle serait totale, autrement dit, nous verrions des attaques contre les installations nucléaires en Iran et l'élargissement de la portée de la guerre par l'entrée en scène de plusieurs pays arabes de la région. Autrement dit, nous verrions une situation sans précédent, même si nous remontions à 1956, 1967, 1973, au conflit israélo-arabe et ainsi de suite. Nous n'avons jamais, jamais été témoins d'une situation de l'ampleur de celle qui pourrait survenir dans les régions du golfe Persique et dont nous ressentirions les répercussions pendant bien des années à venir.

Je ne suis pas de ceux qui croient que le détroit d'Hormuz va rester fermé et que le prix du pétrole va rester extrêmement élevé pendant une longue période. Je ne crois pas que cela va se produire de cette façon. Néanmoins, la guerre sera extrêmement importante. La guerre va être dommageable pour les pays occidentaux en Iran parce que beaucoup d'Iraniens ne cessent de revenir sur le coup d'État survenu en 1953 contre le gouvernement nationaliste, même des Iraniens pro-occidentaux ayant fait leurs études dans des pays occidentaux et qui s'opposent aux mollahs au pouvoir à Téhéran.

La présidente : Deux autres questions étaient posées. Monsieur Braun?

M. Braun : Je vous remercie pour ces trois questions. Permettez-moi de répondre d'abord à la première, qui concerne la récente annonce selon laquelle les Iraniens vont interrompre leurs livraisons de pétrole à l'Europe, et le rapport entre cette nouvelle et les sanctions récemment imposées à l'Iran.

On ne comprend pas toujours très bien comment fonctionnent ce type de sanctions. Les sanctions n'ont pas toujours donné de très bons résultats. Il y a cependant eu quelques exceptions où les sanctions adoptées ont eu un impact certain. C'est le cas notamment de l'Afrique du Sud.

Il s'agit d'un domaine qui demeure expérimental. Les spécialistes des sciences sociales éprouvent le besoin d'écrire; nous avons l'amour de la langue. Nous avons ainsi lancé l'idée de sanctions intelligentes, mais c'est quelque chose qui, en fait, n'existe pas. En effet, la sanction est un outil assez grossier, une arme contondante. Son utilisation entraîne par conséquent d'importants dommages collatéraux. C'est alors qu'on prône l'aménagement des sanctions, leur modulation. L'intention est bonne, mais ce n'est en fait guère possible. Les sanctions font mal. Les habitants d'Afrique du Sud le savaient et c'est pour ça qu'ils disaient « oui, appliquez-les tout de même, car il faut se débarrasser par tous les moyens du régime d'apartheid ». Quand on parle, donc, de sanctions contre le régime iranien, il est clair qu'il va y avoir des dégâts. On peut essayer d'en améliorer tel ou tel aspect, mais tout cela reste imparfait. Cela dit, c'est quelque chose de nécessaire si nous voulons parvenir à éviter l'emploi de la force militaire.

Les dirigeants iraniens sont-ils fous? Ce n'est pas, selon moi, le cas. Ce ne sont pas des malades mentaux. Leur action s'inscrit en effet dans le cadre d'une logique perverse, et ils sont assez bien parvenus à maintenir leur contrôle.

Je suis toujours triste d'entendre dire « Ahmadinejad est extravagant ». Non, ce n'est pas un extravagant, mais un dirigeant génocidaire. Il annonce ses intentions, ce qui est également vrai de l'ayatollah Khamenei. C'est un régime qui brutalise son propre peuple, qui a tué un grand nombre de citoyens. Avons-nous le moindre doute que s'ils en avaient les moyens, ils élimineraient le Petit Satan et le Grand Satan? N'en sommes-nous pas assurés? Quant à l'idée qu'ils ne font que réagir à ce que font les autres, c'est l'argument qui a toujours servi à excuser les dictateurs. Ils ne font pas que réagir. Ils ont un programme. Ils savent ce qu'ils font. Leur action s'inscrit dans le cadre d'un projet.

Écartons donc toute idée d'équivalence morale. Les démocraties, certes, ne sont pas parfaites, mais, malgré leurs défauts, on ne saurait les comparer à des théocraties totalitaires. Il nous faut reconnaître qu'il existe en Iran une caste dirigeante qui a réussi à se maintenir au pouvoir depuis de nombreuses années. Le développement de la société civile — la révolution verte — n'a pas abouti. Ce n'est pas comme en Égypte ou dans d'autres pays, car l'Iran a su instaurer des mécanismes de contrôle extrêmement efficaces. Or, ces mécanismes de contrôle ont été mis en place non en raison d'une menace extérieure, mais parce que les dirigeants ont les moyens de le faire, l'opposition n'ayant pas pu agir avec l'efficacité nécessaire.

Les dissidents de la diaspora qui souhaitent le renversement du régime sont généralement des gens de bonne volonté, mais je me demande parfois s'ils comprennent que l'arme nucléaire serait, pour l'actuel régime de l'Iran, la meilleure garantie de son maintien au pouvoir.

En effet, si le régime se dote de l'arme nucléaire, il ne représentera pas seulement une menace pour les autres pays. Israël n'est en effet pas le seul à être concerné. Je suis récemment revenu d'Europe de l'Est et j'ai pu constater que certains pays s'équipent actuellement de dispositifs antimissiles. Or, ce n'est pas par crainte de la Russie. On m'a expliqué sans détour que la Pologne, la Hongrie, la Roumanie et la République tchèque craignent l'Iran. Selon Boris Nemtsov, un des principaux dirigeants de l'opposition en Russie, qui se trouvait ici, un Iran disposant de l'arme nucléaire serait pour la Russie une menace directe. Il estime qu'il nous faut par tous les moyens éviter qu'elle acquière ce type d'armement. Un Iran doté de l'arme nucléaire se retrouverait un peu dans la situation de la Corée du Nord, c'est-à-dire celle d'un régime qui, sur le plan international, bénéficie de l'immunité. Certains pensent qu'il convient de regarder tout ça avec philosophie et de considérer que la nucléarisation de l'Iran est pour le régime, surtout, un moyen de distraire la population en désamorçant l'opposition politique. Ils ne doivent pas, cependant, oublier que la nucléarisation est le meilleur moyen pour le régime actuel de se maintenir au pouvoir et devraient plutôt rechercher des moyens d'action intégrés de concert avec ceux qui souhaitent un changement de régime.

La troisième question concerne l'option militaire. C'est une solution qui comporte inévitablement de gros risques. On peut toujours trouver des responsables israéliens qui font des déclarations dans tel ou tel sens, et mal interpréter ce qu'ils disent du simple fait qu'ils n'ont jamais explicitement exclu le recours à la force militaire, par les États-Unis ou par la communauté internationale. Il nous faut en effet envisager même les mauvaises solutions. L'option militaire représente une très mauvaise solution, mais un Iran nucléaire est encore plus difficilement envisageable.

Nous n'avons pas vraiment le luxe de choisir parmi tout un éventail de solutions. Certains vous diront que, de toute manière, on ne ferait que retarder de deux ans le programme d'armement de l'Iran. Je ne vois pas très bien d'où ils tirent ce renseignement. J'aimerais beaucoup le savoir. Personne ne le sait, alors pourquoi avancer de pareils arguments? Mais même à supposer qu'on ne puisse, effectivement, retarder cela que de deux ans, il est clair qu'en deux ans beaucoup de choses peuvent se produire. Peut-être que dans ces deux ans, le régime sera remplacé. Or, compte tenu du régime actuellement au pouvoir, y a-t-il quelqu'un qui, au sein de la communauté internationale, oserait s'opposer à un Iran nucléaire? À supposer que le régime se livre, à l'intérieur, à une sanglante répression, y aura-t-il dans le monde quelqu'un qui osera s'y opposer?

La présidente : Merci, monsieur.

M. Akhavan : Si l'on doit s'inquiéter d'un pays doté de l'arme nucléaire, parlons du Pakistan. C'est en effet un pays qui à maints égards peut être considéré comme un État à peu près en déroute. Depuis longtemps, il collabore étroitement avec les talibans, collaboration qui, pendant l'occupation soviétique de l'Afghanistan, avait l'aval des Américains.

La nucléarisation de l'Iran pose-t-elle un grave problème? À n'en pas douter. Cela aurait pour effet de déstabiliser la région tout entière, mais de nombreux observateurs bien informés doutent fort qu'une solution militaire soit possible, et qu'elle permette effectivement de neutraliser le programme de nucléarisation. Il faut bien se dire que, même avec un plan parfaitement au point, les conséquences d'une telle action sont imprévisibles. Souvenez-vous du président George W. Bush appontant sur un porte-avions et déclarant « mission accomplie »? Six cent cinquante mille morts plus tard, pour le peuple irakien la réalité ne peut pas être éludée, et il faut bien comprendre que la réflexion et les arguments idéologiques n'y changent rien.

Ce qu'il nous faut aussi comprendre, c'est la dynamique de la situation. Le déni de la Shoah est un des thèmes d'Ahmadinejad. Je fais partie des intellectuels iraniens qui condamnent fermement ce genre d'incitation à la haine. Nous avons signé une lettre collective et rappelé la longue histoire du peuple juif dans notre pays, le fait juif en Iran remontant à 4 000 ans. Il nous faut cependant comprendre que le problème n'est pas dû uniquement à Ahmadinejad. En effet, Ahmadinejad n'est pas un Hitler, même s'il souhaiterait peut-être l'être. Il n'a pas du tout le même pouvoir. Ahmadinejad se livre actuellement à une féroce lutte de pouvoir avec l'ayatollah Khamenei; les deux voient bien que le contrôle du pays leur échappe peu à peu. C'est une réalité indéniable. Nous ne sommes donc pas face à l'Allemagne nazie, et je dis cela non pas parce que le régime actuel n'incarnerait pas le mal, à certains égards, mais simplement parce que, lorsqu'on réfléchit aux moyens de leur tenir tête, il ne faut pas leur prêter une crédibilité et une puissance qu'ils ne méritent pas.

Il importe de comprendre aussi les rapports existant entre l'Iran et Israël car, bien que l'ayatollah Khomeini ait parlé de rayer Israël de la carte — c'est de lui qu'Ahmadinejad a repris ce propos — pendant la guerre avec l'Irak, c'est auprès d'Israël que l'Iran se procurait une partie de son armement. L'Iran était très content de cet arrangement, mais il ne voulait pas qu'on le sache. Les États-Unis et les pays européens vendaient des armes à Saddam Hussein alors même qu'il bombardait les villes iraniennes et se rendait coupable de génocide vis-à-vis des Kurdes irakiens. Il faut reconnaître l'existence d'un passé d'un cynisme effroyable — dont nous sommes d'ailleurs en partie responsables — si nous voulons comprendre ce qui se passe actuellement.

Nous avons tendance à avancer des arguments idéologiques qui ne tiennent pas compte du contexte, de la réalité et des conséquences imprévisibles des diverses solutions envisagées. Nous nous orientons vers une situation qui pourrait s'avérer bien pire que celle à laquelle nous avons à faire face actuellement. Il faut bien comprendre que si certains groupes que nous encourageons actuellement devaient un jour accéder au pouvoir en Iran, nous pourrions nous retrouver avec un Iran aux mains d'une sorte de Khmers rouges. Je dis simplement qu'on a attendu jusqu'à très récemment pour resserrer les sanctions. Or, c'est trop tard. Nous aurions dû le faire il y a déjà longtemps.

Ce n'est pas le moment de créer une situation explosive à tel point qu'une étincelle suffirait à mettre à feu toute la région. Nous risquerions alors de nous retrouver, dans deux ans, devant un pays démembré, un peu comme l'ex-Yougoslavie, condamné à 10 ans d'instabilité et de terrorisme dans la région. C'est alors que nous nous dirions « Si seulement nous avions attendu un peu plus longtemps. Si seulement nous avions envisagé d'autres solutions ».

La présidente : Je vous remercie. Je dois...

M. Akhavan : Oui, je vais m'en tenir là.

La présidente : Les personnes ayant des questions à poser sont trop nombreuses. J'avais demandé la réponse à une seule question, mais ce n'est pas ce qui s'est produit, et je vais donc maintenant devoir en appeler à nos sénateurs. Puis-je vous demander d'adresser votre question à un témoin en particulier. Pouvons-nous procéder avec efficacité et adresser nos questions nommément à tel ou tel témoin? J'espère ainsi que vous aurez tous la possibilité de poser vos questions et d'obtenir des réponses précises.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci, madame la présidente. En tout premier lieu, je voudrais vous dire messieurs les professeurs Akhavan, Braun et Hassan-Yari. Je suis très contente d'entendre votre point de vue sur l'Iran et les choses qui s'y passent.

Pour la question que j'ai à poser, j'ai déjà le point de vue du professeur Akhavan. Alors je poserai ma question soit au professeur Braun ou Hassan-Yari. Je crois qu'actuellement, la tension est à son comble entre l'Iran et Israël. Qu'on se rapporte au lendemain des attentats qui sont survenus dans les ambassades israéliennes en Inde et en Géorgie, les explosions étaient aussi entendues à Bangkok dans un quartier résidentiel et un homme qui, vraisemblablement, aurait la nationalité iranienne, mais ce n'est pas certain, aurait été blessé lors de ces attaques. Immédiatement le gouvernement israélien a lié ces événements aux attentats survenus la veille, pointant du doigt l'Iran.

Lundi, le gouvernement de Netanyahu avait imputé à l'Iran les attentats à la bombe survenus à New Delhi et Tbilissi qui ont fait quatre blessés, dont une diplomate de 42 ans. L'État israélien voit dans ces attaques la marque du régime Ahmajinejad ou du Hezbollah, ce que dément Téhéran. Je vous donne une citation du chef du gouvernement israélien, qui a dit que l'Iran est à l'origine de ces attentats. En fait, c'est le plus grand exportateur de terroristes au monde.

Ma question est la suivante : Israël est-il en guerre de moins en moins froide contre l'Iran? J'aimerais en entendre plus et c'est sûr que vous avez touché au sujet, mais vous l'avez survolé. J'aimerais savoir ce que nous en pensez, monsieur Braun.

[Traduction]

M. Braun : Il faut d'après moi, éviter de ne faire porter le débat que sur le conflit entre Israël et l'Iran. Sans cela, non seulement s'engage-t-on dans le marécage des débats et des conflits les plus explosifs du Moyen-Orient, mais on perd de vue le fait que le régime iranien constitue une menace internationale, et pas seulement un danger pour la région. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai évoqué tout à l'heure l'opinion exprimée en Europe de l'Est par des démocrates russes, et le fait que, selon les États-Unis, l'Iran est, dans le monde, le principal soutien du terrorisme. Si nous n'y voyons qu'un conflit bilatéral, un problème qui ne touche que ces deux États, et si tout dépend de notre sympathie ou de notre absence de sympathie pour leurs dirigeants, selon nos opinions politiques, nous perdrons de vue les véritables enjeux. La situation intérieure de l'Iran ne peut pas être isolée de ce qui se passe dans l'ensemble de la région, ni dans le reste du monde. En raison, justement, de ce que j'ai dit plus tôt, on ne peut pas considérer la situation intérieure en Iran et le problème de l'éventuelle nucléarisation de ce pays comme deux problèmes différents. En effet, la nucléarisation serait, pour le régime en place, le meilleur moyen de se maintenir au pouvoir. Les gens demandent pourquoi ne pas attendre un peu plus longtemps. Attendre jusqu'à ce qu'ils aient effectivement l'arme nucléaire? Je me suis entretenu avec de nombreux dirigeants de l'opposition et je peux dire qu'ils ne veulent plus attendre. Ils s'inquiètent profondément du comportement du régime et n'admettent pas l'argument ordinaire selon lequel, après tout, la situation pourrait être pire. Truman avait envisagé de se rendre à Moscou pour soustraire Staline à la faction dure du Kremlin; or, l'équipe actuellement au pouvoir en Iran est la faction dure. Ce sont des sortes de Pol Pots et s'ils accèdent à l'arme nucléaire, la liberté d'action dont ils bénéficient sera encore plus grande.

D'après moi, il faut voir dans tout cela un problème d'envergure internationale ayant, certes, des incidences au niveau de la politique intérieure. Il y a, effectivement, un volet Israël-Iran, mais ce n'est qu'un aspect d'un problème beaucoup plus vaste dont le Canada, en tant que démocratie, ne saurait faire abstraction. Nous sommes concernés en tant que membre de l'OTAN puisque nous avons des obligations envers les pays d'Europe de l'Est qui sont alliés à nous au sein de l'OTAN, et nous sommes concernés en tant que pays qui bénéficie, sur la scène internationale, d'un prestige considérable en raison de sa défense des droits de la personne. Nous avons combattu, nous avons consenti des sacrifices tant sur le plan humain que sur le plan financier et nous sommes fiers d'avoir défendu un certain nombre de principes.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : J'aurais une brève question d'un autre ordre. Pensez-vous que le printemps arabe survenu dans les autres pays du Nord de l'Afrique a pu, peut ou pourra avoir une incidence sur le leadership et l'autorité du président Ahmajinejad et de l'Ayatollah Ali Khamenei?

M. Hassan-Yari : Le leader iranien a essayé de récupérer ce qui se passait dans les pays arabes après une longue hésitation, car il ne savait pas quoi dire. Après cette hésitation, il a déclaré que c'était l'impact de la révolution iranienne de 1979 qu'on voit maintenant dans les pays arabes. C'est pourquoi les dictateurs tombent l'un après l'autre. Cependant, on voit la contradiction entre sa parole et la réalité qui existe sur le terrain. Au moment où il a des éloges pour les Tunisiens, les Égyptiens et les autres à cause de ce qu'ils ont fait, il dénonce les opposants au régime d'Assad, en Syrie, pour la simple raison que ce régime est le seul allié arabe dans l'ensemble de la région du Moyen-Orient, à l'exception de l'Irak. C'est donc pourquoi j'aimerais l'appeler « le réveil arabe » au lieu « du printemps arabe ».

Ce que le réveil arabe a fait, c'est justement d'exposer encore davantage les contradictions auxquelles est confronté le leadership de la révolution iranienne qui ne sait pas quoi dire et à qui le dire. Quant à l'impact de ces révolutions sur la situation interne de l'Iran, il y a bien sûr, comme les autres peuples, on a appris de la révolution en Iran de 1979 et des élections postélectoraux de 2009, les Iraniens sont en train d'apprendre des autres pays dans la région.

C'est donc une situation dynamique au cours de laquelle et dans laquelle il y a des échanges de vue, mais la tentative du régime islamique de récupérer a heurté un mur extrêmement difficile à franchir, comme par exemple, en Tunisie, on a déclaré que le modèle pour la Tunisie future, ce n'est pas la révolution iranienne, c'est la Turquie. Quand les Frères musulmans de l'Égypte ont annoncé qu'ils n'allaient pas répliquer l'exemple iranien, cela veut dire qu'ils se distancent, malgré le fait que l'Iran les invite à aller visiter ce pays.

Le printemps arabe arrive à un très mauvais moment pour la République islamique et le leadership islamique et comme on l'a mentionné tout à l'heure, je ne mettrai pas de poids sur la personnalité de Ahmajinedad, car dans la structure du pouvoir en Iran, le président n'a pas de pouvoir à part de parler et il a un pouvoir très restreint, dans certains secteurs particuliers à l'intérieur. Pour le reste, ce n'est pas lui, c'est le leader qui prend des décisions.

Je finis en disant que je ne suis pas un apologiste de la République islamique et je trouve que c'est une accusation grave que mon collègue vient de m'adresser. Nous sommes ici pour témoigner d'une situation, pour parler de notre expertise, de notre connaissance de la région. Ce n'est pas pour accuser les uns et les autres et d'être un apologiste du régime.

[Traduction]

Le sénateur Wallin : Merci. Je connais M. Braun depuis longtemps et c'est donc à lui que je vais adresser ma question. J'ai beaucoup aimé sa façon de cerner le débat en cinq questions et j'ai beaucoup apprécié également votre point de vue concernant une éventuelle solution militaire.

Cela dit, compte tenu du débat qui a eu lieu, aux États-Unis, au sujet des armes de destruction massive en Irak, et compte tenu aussi du fait que l'actuel président semble prendre un certain recul par rapport aux liens traditionnels qui unissent son pays à Israël, cela ne limite-t-il pas la manière dont les États-Unis pourraient réagir à la situation? Peut-être est-ce aussi que les responsables n'envisagent pas une telle solution avec toute la lucidité nécessaire?

M. Braun : La situation est difficile, naturellement, car toute solution militaire implique des risques. Je tiens à préciser que je ne prône aucunement le recours à la force militaire. Je souhaite, sans qu'il soit nécessaire de recourir à la force, qu'il y ait en Iran un changement de régime et que l'Iran n'accède pas à l'arme nucléaire, surtout pas avec le régime actuel. Si le gouvernement Obama tente d'éviter le recours à la force en faisant appel à d'autres moyens, ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose, dans la mesure cependant où il reconnaît qu'il arrive un point où le problème se pose à la communauté internationale tout entière puisque, si les sanctions s'avèrent inefficaces, l'Iran va se doter de l'arme nucléaire.

Le gouvernement américain est-il disposé à agir dans une telle éventualité? Certains membres de l'administration estiment que si l'on en arrive à ce point, le président Obama décidera qu'on ne peut guère faire autrement. Il a à maintes reprises rappelé qu'il n'acceptera pas que l'Iran se dote de l'arme nucléaire. Même Vladimir Poutine affirme qu'on ne peut pas accepter que l'Iran se dote d'un armement nucléaire — sauf que les Russes ont l'intention de ne se retirer qu'au dernier moment, ce qui n'avance peut-être pas beaucoup les choses dans le contexte de l'aide qu'ils continuent peut-être de fournir à l'Iran.

La question est actuellement de savoir dans quelle mesure l'Iran est prêt du but? Personne ne peut le dire. Quels moyens utilisent-ils? Dans une telle situation, la bonne manière de procéder est d'employer tous les moyens qu'on a à sa disposition. L'outil militaire ne constitue pas un moyen illicite; le recours à la force est, dans certaines circonstances, admis par le droit international. Nous sommes intervenus en Libye, le Canada jouant un rôle prépondérant. En effet, les forces alliées étaient sous commandement canadien.

Le sénateur Wallin : Ce qui n'a pas été le cas des États-Unis.

M. Braun : Ils sont intervenus puissamment en coulisse. Ils ont fourni la logistique. Dans une certaine mesure, le président Obama a eu de la chance que les choses se passent comme elles se sont passées.

Le sénateur Wallin : Je veux simplement dire que le débat est un peu assourdi en raison de la polémique sur les armes de destruction massive.

M. Braun : Cela a en effet compliqué les choses, mais de plus en plus de pays se préoccupent beaucoup de ce qui se passe actuellement en Iran. Songez simplement à la réaction du Président Sarkozy, et du gouvernement britannique. Ils ressentent une vive inquiétude à l'idée que l'Iran accède à l'arme nucléaire. Pour reprendre l'expression de Richard Clark, la diaspora iranienne devrait craindre profondément de voir le régime actuel acquérir l'arme nucléaire. Il n'y aurait alors plus moyen de le chasser du pouvoir.

[Français]

Le sénateur Nolin : J'ai juste un commentaire suivi d'une question. Plusieurs d'entre nous suivent depuis plusieurs années les activités de l'OTAN. Je dois vous dire, professeur Braun, que ce n'est pas d'hier que les pays européens sont préoccupés par ce qui se passe en Iran. La discussion sur le bouclier antimissile dure depuis sept ou huit ans dans les milieux de l'OTAN et les discussions avec les Russes, nous les avons.

Je poserai ma question au professeur Hassan-Yari : n'est-on pas en train de tomber dans le piège que nous a mentionné le professeur Akhavan? J'aimerais entendre votre opinion, parce qu'il faut être à même, pour qu'on puisse adéquatement faire notre travail, de saisir les nuances culturelles de l'administration du régime iranien pour ne pas tomber dans le piège que le professeur Akhavan nous démontre.

Il y a une dynamique électorale. Il y a une recherche de la conservation du pouvoir et les dernières élections présidentielles ont démontré qu'il pouvait y avoir des manifestations d'opposition populaires. Que pouvons-nous faire, professeur Hassan-Yari, pour ne pas tomber dans le panneau, mais poser les gestes, entre autres, mentionnés par le professeur Braun, des actions qui seraient utiles, logiques pour le Canada, à la portée du Canada, sans par contre tomber dans la promotion de la provocation? Vous tous avez défendu ce point de vue, je pense. On doit éviter la provocation. Par contre, on doit avoir une action incisive et efficace.

M. Hassan-Yari : C'est une excellente question. L'importance de la culture est immense dans ce genre de situation. Les anthropologistes sont là pour dire jusqu'à quel degré nous pouvons nous tromper en regardant l'action de l'autre.

Le sénateur Nolin : L'histoire est remplie d'erreurs qui ont causé des catastrophes.

M. Hassan-Yari : Absolument, d'autant plus qu'on parle d'un pays avec une très longue histoire et qui est extrêmement complexe en même temps.

Un collègue iranien comparaît la situation dont on parle au tapis iranien qui est extrêmement complexe et où il y a plusieurs fils qui s'entrecoupent, l'image qui ressort, et cetera.

Ce qu'on peut faire, en tant que membre de la communauté internationale, c'est de rester vigilant face à ce que fait le régime iranien, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur. À l'intérieur, il ne faut pas fermer les yeux comme on l'a fait durant des décennies, malheureusement, et il ne faut pas fermer les yeux sur les atrocités que fait le régime aujourd'hui dans presque l'ensemble des régions du pays. Bon, les Arabes au Kurdistan et les chiites et les sunnites au plan religieux.

Pour ce régime, il n'y a pas d'immunité. Alors tout le monde est accusé jusqu'au moment où on prouve qu'on est avec le régime. Et même le régime va au-delà de cela. On dit en blaguant en Iran qu'il y a un dossier ouvert pour tout Iranien dans le pays. Cela veut dire que le régime est dans une situation avec énormément de pressions à l'intérieur et à l'extérieur et c'est pourquoi on voit les erreurs qu'il fait à l'intérieur, en particulier.

Évidemment, avec les élections qui s'en viennent, on va savoir un petit peu plus quelle sera l'orientation, non seulement du Parlement, car cela va au-delà du Parlement, c'est une question de lutte. C'est une question de lutte entre deux camps qui se dessinent de plus en plus.

D'un côté, le leader continue de préserver l'essentiel du pouvoir et, de l'autre, les nouveaux arrivants qui cherchent le pouvoir. Entre les deux, il y a la question de la maladie de l'ayatollah Khamenei et la préparation de son fils pour lui succéder.

Qu'est-ce que la communauté internationale peut faire? Il s'agit de continuer, pour le Canada, par exemple, de rester collé à la question des droits humains, et de dénoncer les infractions, de revenir sur la question des sanctions contre les dirigeants, les officiers du gouvernement qui se promènent à travers le monde pour faire leur propagande. C'est pratique, on peut le faire.

Troisième élément, vous recevrez le papier, sur le plan de l'immigration, il était écrit également qu'il faut que le gouvernement canadien demeure consistant. Je rappelle le cas que mon collègue a mentionné. On ne peut pas dire que le régime iranien est un violeur des droits humains et en même temps tenté de déporter celui qui, à Toronto, combat le même régime que nous dénonçons.

C'est franchement contradictoire. L'autre chose à faire est qu'il ne faut jamais penser à fermer l'ambassade à Téhéran. Jamais, car c'est exactement ce que le régime islamique cherche. S'il en avait la possibilité, il construirait un mur tout autour de l'Iran pour qu'il n'y ait pas d'échanges avec le monde extérieur. C'est exactement ce que cherche le régime iranien. Il ne faut donc pas lui donner cette possibilité en réduisant, par exemple, le personnel diplomatique à l'ambassade, par exemple.

Ce sont des mesures que je vois. Pour le gouvernement canadien, même quand on parle de sanctions, on peut consulter la communauté iranienne au Canada, opposant ou favorable au régime, pour avoir une idée plus juste de ce qui se passe en Iran. On peut comprendre beaucoup de choses, même de la part de ceux qui sont favorables au régime et, bien sûr, des opposants.

Il faut revoir la politique canadienne pour arriver à formuler une position un peu plus intéressante par rapport à ce qu'on fait. Une autre chose que le gouvernement canadien, de concert avec les Américains, les Français, les Anglais, et cetera, peut faire, ce sont des pressions sérieuses sur les Chinois et les Russes afin qu'ils cessent d'appuyer un régime qui réprime tout le monde, intellectuellement, physiquement et non seulement à l'égard des Iraniens et des Iraniennes, mais des gens de l'extérieur. Je ne sais pas si vous avez entendu récemment qu'il y a eu des menaces de mort contre la dame qui a gagné le prix Nobel de la paix et d'autres intellectuels en Europe et ailleurs.

Il s'agit donc de prendre en main sa responsabilité vis-à-vis une situation déplorable qui se fait dans un pays avec qui, quoiqu'on dise ou qu'on fasse, nous entretenons des relations. Il y a des milliers d'Iraniens et d'Iraniennes qui sont ici. D'ailleurs, on ne peut pas tout simplement fermer les yeux sur un pays vieux comme le temps à cause d'un régime répressif qui, de toute façon, disparaîtra.

Le sénateur Nolin : Sur la question de la connaissance de la culture, cette semaine, le Comité de la défense entendait le général Bouchard qui a mené les forces de l'OTAN lors de l'action militaire contre la Libye. Un des outils qu'ils ont maîtrisés avec efficacité a été justement d'utiliser le personnel adéquat pour comprendre la dynamique culturelle de ce qui se passait en Libye. Cela a été un outil fort important dans la mise en place.

Professeur Braun, j'aimerais utiliser votre témoignage pour poser une question au professeur Akhavan. Le professeur Braun nous fait la suggestion du projet de loi C-10. Nous avons devant nous un projet de loi qui, entre autres, comporte plusieurs parties, mais une de ces parties vise la criminalisation, la responsabilisation des États.

Le professeur Braun y a fait référence. Pensez-vous qu'il s'agit là d'un de ces outils qui serait à la portée du gouvernement canadien pour manifester avec vigueur son opposition à l'action du gouvernement iranien?

[Traduction]

M. Akhavan : Il s'agit d'un projet auquel nous travaillons depuis maintenant bien des années. En 2004, à New Haven, nous avons créé un centre de documentation sur les droits de la personne en Iran, dans le but, justement, de documenter les crimes commis par le régime. Grâce à une liste électronique contenant les noms de dizaines de milliers de personnes, nous informons les Iraniens des crimes que le régime commet depuis 30 ans à l'abri des regards. Ce qui a changé, en 2009, c'est que les crimes ont été commis au grand jour. Cela a porté à la légitimité du régime un coup irréparable. Tout le monde a vu Neda Soltan, et il existe des milliers de photos comme celle-là. L'intensification de la propagande haineuse traduit en partie les efforts désespérés d'un régime qui éprouve le besoin de rebâtir sa légitimité depuis que le peuple a pris conscience des atrocités dont il s'est rendu coupable.

Une des personnalités de l'opposition, membre de la caste religieuse et ancien président de la Chambre, a évoqué ouvertement le cas de jeunes femmes iraniennes violées en prison. Cette sortie d'un ancien dirigeant du régime est remarquable. Tout cela veut dire que, dans le cadre d'une transition vers la démocratie, les responsables d'excès commis à l'encontre des droits de l'homme pourraient être appelés à rendre des comptes.

En ce qui concerne le Tribunal pénal international, mon collègue de McGill, M. Irwin Cotler, compte parmi ceux qui luttent pour cela depuis de nombreuses années. Il importe de bien comprendre que tous ces crimes sont liés. L'incitation à la haine est aussi liée aux crimes contre l'humanité, dont les principales victimes sont les Iraniens.

Qu'il me soit permis d'ajouter un dernier point en rappelant quelque chose qui s'est passé au cours des années 1980, pendant la guerre entre l'Iran et l'Irak. En 1988, le régime de l'ayatollah Khomeini a, par fatwa, décrété l'exécution de masse de 5 000 prisonniers politiques accusés de gauchisme, y compris des membres de l'organisation des moudjahidines dont M. Braun a parlé tout à l'heure.

À la faveur d'une guerre, le régime pourrait très bien faire ce qu'il n'ose pas faire aujourd'hui. Le régime passe actuellement par les armes un nombre considérable de personnes, mais la situation à cet égard pourrait beaucoup s'aggraver. S'il ne procède pas actuellement à des exécutions de masse — agissant dans le secret, mettant à mort deux personnes aujourd'hui, cinq demain — c'est parce qu'il craint les réactions populaires. Ses responsables savent très bien que s'ils vont trop loin, le peuple va à nouveau descendre dans la rue. Il nous semble inexact de dire que le mouvement s'est éteint. En raison de la brutalité du régime, le mouvement a dû simplement battre en retraite. Actuellement, le contrôle exercé par le régime en place ne repose sur aucune légitimité idéologique, mais simplement sur une sorte de kleptocratie, sur un régime militaire au sein duquel les principaux dirigeants de gardes de la révolution reçoivent d'énormes avantages économiques en contrepartie du soutien qu'ils accordent au régime. Mais, même parmi les gardes de la révolution, on trouve des opposants au régime. D'après moi, ils sont assez nombreux, et il s'agit simplement de savoir quand va se présenter l'occasion où le peuple consentira un ultime effort.

Le sénateur De Bané : Monsieur, il y a environ deux semaines, Zbigniew Brzezinski, un des conseillers du Président Obama et ancien conseiller à la sécurité nationale du Président Jimmy Carter, a plaidé avec ardeur contre une intervention militaire en Iran. Il a notamment fait valoir que, dans l'avenir immédiat, le pays ne représente aucune menace sur le plan nucléaire, soutenant par ailleurs que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, aucun pays n'a employé l'arme nucléaire comme moyen d'agression, car c'est, en fait, purement une arme de dissuasion.

L'Iran est tout à fait conscient du fait qu'il serait anéanti s'il s'avisait de faire d'un tel armement un usage agressif. Or, selon M. Brzezinski, personne ne veut causer l'anéantissement de son propre pays. Je reproduis ses propos dans ses grandes lignes, mais c'est essentiellement la thèse qu'il a avancée. Je ne crois pas me tromper en précisant qu'il s'est exprimé dans le cadre d'une entrevue avec un jeune journaliste du réseau d'information financière Bloomberg.

Il est, selon lui, inimaginable qu'un pays envisage de lancer une attaque nucléaire qui entraînerait son propre anéantissement. J'aimerais entendre de votre part l'argument contraire.

La présidente : Pourrions-nous...

M. Braun : Madame la présidente, avons-nous deux heures à y consacrer?

La présidente : Non. Nous avons déjà évoqué la question, mais peut-être pourriez-vous répondre de manière précise à ce qui vient d'être dit. Cela nous serait utile. Après cela, les autres sénateurs pourront poser leurs questions. Je vous remercie.

M. Braun : Je vais essayer d'être bref, mais j'aimerais beaucoup avoir l'occasion de discuter ultérieurement de cela avec vous, car vous soulevez des points importants. Il s'agit d'une question qui touche de près aux erreurs de perception, aux risques qui en découlent, à l'éthique internationale et aux principes moraux qui la sous-tendent. Il ne faut pas perdre de vue que M. Brzezinski était le conseiller à la sécurité nationale du président Carter. Or, en ce qui concerne l'Iran, la politique de M. Carter n'a pas été un franc succès. Il convient donc d'accueillir avec prudence les conseils de quelqu'un qui, comme M. Brzezinski, a obtenu vis-à-vis de l'Iran des résultats qui ne sont pas particulièrement encourageants.

Je tiens également à dire que s'il affirme qu'il n'y a, dans l'immédiat, aucun risque de voir l'Iran accéder à l'arme nucléaire, ce n'est pas ce que dit le président Obama, ce n'est pas ce que dit Leon Panetta, et ce n'est pas ce que disent les Européens et la grande majorité des services de renseignement. M. Brzezinski n'occupe aucun poste officiel et ne compte pas parmi les conseillers du président Obama. Il est possible qu'on lui téléphone de temps à autre, mais cela ne suffit pas à faire de lui un des conseillers de l'administration américaine. Peut-être dispose-t-il de renseignements auxquels personne d'autre n'a accès, mais ce qu'il affirme va à l'encontre de ce que la plupart des services de renseignement affirment : que l'Iran avance à grandes enjambées vers la nucléarisation.

En ce qui concerne le deuxième point, c'est-à-dire qu'aucun pays ne pourrait décider, rationnellement, de recourir à l'arme nucléaire, c'est justement l'essentiel du problème que nous pose l'actuel régime. Son action ne s'inscrit pas dans la même logique que l'action des autres pays. M. Brzezinski a acquis sa réputation en tant que soviétologue. C'était un excellent spécialiste de l'Union soviétique, mais il n'avait pas sur l'Iran des connaissances très poussées. La logique qu'il invoque actuellement valait pour l'Union soviétique, qui s'était fixé comme mission historique la victoire du prolétariat et qui entretenait de l'histoire une vision dialectique. Or, c'est une tout autre logique qui anime l'actuel régime iranien. Il se peut très bien que le régime soit en perte de vitesse, mais imaginez l'avantage qu'il pourrait tirer de son accession à l'arme nucléaire, tant sur le plan du prestige que de l'immunité que cela lui procurerait à l'échelle internationale. Cela lui permettrait en effet d'agir en toute impunité, à la fois à l'intérieur de ses frontières et au niveau international.

Cela dit, et en toute déférence, je ne pense pas que M. Brzezinski ait raison sur ce point.

Le sénateur De Bané : Je vous remercie.

Le sénateur Downe : Je voudrais continuer un peu sur le même thème et demander à M. Akhavan d'intervenir. Vous nous avez dit tout à l'heure que le Pakistan est un État en déroute qui s'est doté d'un armement nucléaire et qui est, depuis longtemps, empêtré dans un conflit frontalier avec l'Inde. Pour trouver un exemple d'État qui agit de manière irrationnelle, il n'y a qu'à songer à la Corée du Nord. Selon les opinions qui viennent d'être exprimées, si l'on n'obtient pas un changement de régime en Iran, et si ce pays accède à l'arme nucléaire, il ne nous restera plus qu'à intervenir militairement. Mais pourquoi l'Iran évoque-t-il son accession à l'arme nucléaire? Ses responsables n'auraient-ils pas tout intérêt à ne rien dire et à simplement annoncer, un jour, qu'ils ont réussi à se doter d'un armement nucléaire? La guerre en Irak les a vraisemblablement portés à conclure que, si Saddam a été attaqué, c'est parce qu'il n'avait pas la bombe. Personne ne parle d'attaquer la Corée du Nord. Pourriez-vous nous dire quelles seraient, éventuellement, les solutions à ce problème?

M. Akhavan : Je vous remercie. Si vous le voulez bien, je vais prendre une ou deux minutes afin de situer un peu le contexte entourant la question du Pakistan. Au plan de l'instabilité, j'estime qu'au Pakistan, le risque est beaucoup plus grand, en partie parce que les institutions iraniennes sont relativement fortes et qu'elles comprennent des partisans de la réforme. Il y a, comme je le disais tout à l'heure, par exemple, le Corps des Gardiens de la révolution islamique. Les apparences peuvent être trompeuses. Lorsqu'on connaît mal le contexte local, il me paraît dangereux de prendre au pied de la lettre des propos enflammés qui sont choquants, inacceptables et conçus justement pour entretenir une atmosphère de conflit de civilisations. On peut dire, dans ce sens-là, que le régime iranien est parvenu à ses fins.

Il ne faut donc pas oublier qu'en Iran, il y a le régime en place, mais qu'il y a également un État. En effet, l'Iran serait une grande puissance régionale même sous un régime démocratique. Il l'a toujours été. Comme je le disais tout à l'heure, l'Iran a, au plan de la sécurité, des intérêts légitimes. Or, on a constaté que pendant les 10 années qu'a duré la guerre entre l'Iran et l'Irak, au cours de laquelle quelque 500 000 personnes ont perdu la vie, la communauté internationale n'a rien dit lorsque des civils ont été gazés et lorsque les villes iraniennes ont été bombardées. Sauf sur le plan intellectuel, les démocraties occidentales ne se sont pas toujours illustrées par la noblesse de leurs actions. À l'époque de Khatami, alors que le pays se remettait des traumatismes de la guerre et que les réformateurs commençaient à obtenir quelques résultats, Saddam Hussein a été renversé. On a évoqué à l'époque une possible invasion de l'Iran, ce qui a eu pour effet de saboter les efforts du camp réformiste ,puisque l'Iran s'est refermé sur lui-même, la sécurité nationale devenant la priorité essentielle du régime. Cela servait les intérêts de la faction dure. N'oublions pas qu'après le 11 septembre, le régime Khatami a apporté aux États-Unis une aide cruciale dans leur lutte contre les talibans. Qu'était en effet, l'Alliance du Nord? L'Alliance du Nord était soutenue par l'Iran, et ce sont les soldats de l'Alliance du Nord qui ont servi d'infanterie à l'appui de la campagne de bombardements aériens.

C'est du passé, mais ce qu'il convient de comprendre c'est que la situation actuelle ne s'est pas créée du jour au lendemain et que, sur le plan de la sécurité, l'Iran éprouve un certain nombre de préoccupations légitimes. En ce qui concerne une éventuelle solution, je commence par rappeler que dans l'optique des actuels dirigeants de la République islamique, le monde paraît très dangereux. À l'intérieur du pays, leur légitimité est sérieusement écornée. La faction dure est elle-même marquée par de profondes divisions, auxquelles il convient d'ajouter l'opposition des verts. Soixante-dix pour cent de la population a moins de 30 ans. Or, les dirigeants ne peuvent assurer aux jeunes ni un emploi, ni la nécessaire formation, ni la possibilité de se faire une place au sein de la société. Cela dit, l'Iran n'est pas la Corée du Nord. Internet n'a pas de secrets pour sa population, dont le niveau d'instruction est très élevé, et ces jeunes instruits ont accès à la télévision par satellite et sont en contact avec une diaspora très nombreuse. Ajoutons à cela que l'Iran est en train de perdre son influence auprès de la Syrie, du Hamas et du Hezbollah. C'est en pareille conjoncture que des hostilités lui procureraient un renfort encore plus utile que l'accession à l'arme nucléaire.

Un armement nucléaire pourrait, bien sûr, mettre dans une certaine mesure l'Iran à l'abri d'une intervention militaire, mais une telle intervention n'est pas le principal risque auquel le régime est actuellement exposé. Pour ce régime, la principale menace provient du peuple iranien lui-même. Or, à moins d'envisager un bombardement de Téhéran, où les instances dirigeantes sont elles-mêmes installées, l'arme nucléaire ne sera pas d'une grande utilité le jour où, inévitablement, le régime va devoir renoncer au pouvoir.

D'après moi, c'est ce contexte-là qui permet de comprendre la situation.

Le sénateur Downe : Je vous remercie. En ce qui concerne le Pakistan, je suis du même avis que vous. Nous avons tous lu les rapports sur le Pakistan. Le pays est dans un état déplorable. Il avait donné refuge à Oussama ben Laden. Il est clair que les autorités savaient qu'il y était. Les Américains ont été obligés de lancer un raid sans avertir au préalable les responsables du pays.

Cela dit, un changement de régime risque de prendre des années, peut-être même des décennies.

M. Akhavan : Eh bien, je vais hasarder une prédiction, car il est, bien sûr, extrêmement difficile de savoir comment les choses vont se passer. Cela dit, il est évident que le régime est plus isolé et plus faible qu'il ne l'a jamais été. Quel est l'aspect le plus problématique des conséquences imprévues d'une guerre? Le Pakistan est, on peut le dire, un État en déroute. Certains théoriciens — je ne les citerai pas, mais bon nombre d'entre eux sont d'éminents spécialistes — estiment qu'il conviendrait, de déstabiliser le régime iranien en fomentant des troubles ethniques. Armons les Arabes du Sud, les Kurdes et les Azéris. Armons des groupes au passé douteux, certains étant allés jusqu'au génocide, et nous parviendrons ainsi à renverser le régime.

Mais, où en sera-t-on une fois le régime renversé? Peut-on espérer à la fois renverser le régime d'Ahmadinejad et assurer la stabilité? N'y a-t-il pas, comme je l'expliquais tout à l'heure, le risque de voir l'Iran démembré, comme cela s'est fait en Yougoslavie, avec, en plus, une guerre ethnique et la profonde instabilité qui en découlera inévitablement? Une fois l'État mis en déroute, vous vous retrouvez dans une situation pire encore. Pour l'instant, nous savons du moins avec qui nous avons affaire à Téhéran. Nous pouvons ne pas apprécier le régime actuel, mais nous savons à tout le moins à qui nous avons affaire.

Ce qui m'inquiète, c'est qu'on ne voit pas du tout où tout cela va nous mener et c'est bien pour cela qu'aucune solution ne paraît satisfaisante. Toutes les solutions paraissent mauvaises, mais la pire serait assurément une intervention armée menée prématurément, avec les conséquences imprévisibles que cela entraînerait fatalement. Nous nous retrouverions ici dans cinq ans à analyser les erreurs que nous aurons commises.

Le sénateur Downe : Je vous remercie.

La présidente : Sénateur Robichaud, avez-vous une question à poser?

Le sénateur Robichaud : Monsieur Braun, vous avez commencé par nous parler de rationalité, expliquant comment cette notion même peut varier en fonction de la situation de l'observateur.

Lorsque le président Bush a décidé d'attaquer l'Irak au vu de renseignements qui, affirmait-on, montraient que les Irakiens allaient à brève échéance se doter de l'arme nucléaire, était-ce une décision rationnelle? J'aimerais bien qu'un jour vous m'expliquiez cela.

La question que je souhaitais poser a reçu une réponse en même temps que la question posée par le sénateur Downe. Si nous renoncions dès maintenant à toute intervention armée, si nous cessions d'envisager une action militaire et si nous nous occupions essentiellement de la violation des droits de la personne en Iran, parviendrions-nous à affaiblir le régime au pouvoir?

M. Hassan-Yari : Si j'étais le président Obama, j'ouvrirais immédiatement la porte au régime iranien. Je prône depuis de nombreuses années le dialogue avec ce régime. Si, en effet, vous acceptez le dialogue, le régime finira par disparaître.

Songez aux propos de Khamenei. De 50 à 98 p. 100 de ses propos portent sur une attaque contre les ennemis du pays : les Américains et sionistes. Il s'agit toujours des mêmes pays, des mêmes acteurs. Imaginez une situation où les États-Unis et l'Iran entretiennent des relations normales et où les Américains n'affichent pas cette arrogance que l'Iran ne cesse de leur reprocher. Que feraient les responsables iraniens en pareille situation? Ils seraient contraints d'apporter une réponse aux questions qui leur sont posées. Ils se verraient contraints de se pencher sur les problèmes les plus urgents : la situation économique, la pénurie de logements, les revendications des minorités et de nombreux autres problèmes auxquels, comme mon collègue le disait tout à l'heure, ils sont heureux de ne pas avoir à répondre en raison de l'existence de ces ennemis nébuleux de l'extérieur.

Si les Américains entament un dialogue avec le régime et créent les conditions qui rendent cela possible, vous verrez que dès la réouverture de l'ambassade américaine à Téhéran, des milliers et des milliers d'Iraniens déposeront une demande de visa afin de pouvoir quitter le pays. Aux yeux du monde entier, cela marquera bien l'échec du régime. Ce sont là des choses que les Iraniens savent bien, mais que beaucoup d'autres ignorent.

Comment combattre le régime? D'après moi, si vous voulez vraiment provoquer la chute du régime, seule la guerre totale permettra d'y parvenir.

[Français]

Une demi-guerre ne fait rien. Elle ne fait que servir le régime. Et une guerre totale sera extrêmement coûteuse pour tout le monde. Donc il faut choisir ce qu'on va faire. Je ne dis pas qu'il ne faut pas parler de la possibilité de guerre si les autres choses échouent, mais il faut essayer les autres choses d'abord. Ce n'est que tout récemment que ces sanctions draconiennes ont été imposées, et on voit déjà l'effet sur le régime, qui devient extrêmement nerveux, extrêmement peureux de ce qui va se passer. Si vous suivez les nouvelles de l'intérieur de l'Iran, maintenant parler de la famine est une question tout à fait ouverte. On en parle de plus en plus.

Cela veut dire quoi? Cela veut dire que ce sont les éléments constitutifs d'un régime qui est en train de s'écrouler. Je ne dis pas que c'est pour demain, mais regardez et comparez tout simplement la situation actuelle avec celle de 1979, 1980, juste après la révolution. La révolution soviétique a duré un peu plus de 70 ans; celle de l'Iran vient de célébrer sa 33e année et ce n'est pas la même chose du tout. Le régime évolue, malheureusement parfois dans le mauvais sens, mais évolue. À mon avis, à la fin de ce processus, même si le régime reste, on va voir un régime qui ne ressemble plus à celui qui existe aujourd'hui. Il faut, cependant, la pression de l'intérieur avec un dosage de pression de l'extérieur.

[Traduction]

M. Braun : Question de rationalité, une décision rationnelle n'est pas nécessairement une bonne décision. La rationalité concerne surtout le cheminement par lequel on aboutit à la décision. On réunit des renseignements et on se prononce en vertu d'une certaine logique. Vous vous apercevez que, compte tenu de sa théologie, les décisions prises par le régime iranien sont effectivement des décisions rationnelles même si elles ne répondent pas aux normes que nous appliquons nous-mêmes, et ne s'inscrivent pas dans le cadre de mécanismes et de procédures analogues à ceux que nous employons. C'est bien pour cela que, faute d'interaction, les deux systèmes ont du mal à s'engrener.

Ce qui m'amène au point suivant, et me fait dire qu'il est faux d'affirmer que l'occident n'a fait aucun effort de dialogue avec l'Iran. Lors de son arrivée au pouvoir, le président ObamaPrésident Obama a tendu la main à l'Iran. Il a essayé, mais ses efforts n'ont pas abouti.

En ce qui concerne maintenant l'argument voulant que le régime iranien soit proche de l'effondrement, je me rappelle la conversation que j'ai eue lors d'un dîner, avec quelqu'un qui était originaire d'Iran. Mon interlocuteur soutenait que le président Obama avait tort de tenir des propos sévères à l'égard du régime iranien, car, selon lui, cela faisait le jeu des dirigeants actuels et les encouragerait à sévir contre l'opposition. Mon interlocuteur a par la suite dû changer d'avis et reconnaître que, effectivement, le président Obama avait raison de tenir un discours de fermeté.

Ce genre de régimes totalisants — et l'histoire nous en fournit bien des exemples — semblent souvent au bord de l'effondrement, mais arrivent pourtant à s'en sortir. Ils parviennent à se maintenir au pouvoir et arrivent à dégager de nouvelles ressources. Ils ne font pas que réagir à ce qui se passe autour, mais analysent la situation en fonction d'un modèle de rationalité qui leur est propre. Ils arrivent à lutter très efficacement contre l'opposition. Il se peut très bien qu'un tel régime constitue davantage une kleptocratie qu'une théocratie, mais il peut, je pense, être les deux en même temps. Il n'y a pas simplement M. Ahmadinejad et l'ayatollah Khamenei. Je pourrais vous distribuer des documents qui permettent de voir, sans être spécialiste de la situation intérieure de l'Irak, qu'un tel régime repose sur toute une organisation composée de personnes du même bord. Il ne s'agit donc pas simplement de deux ou trois individus, mais de tout un système hiérarchisé au sein duquel se regroupent des gens qui en tirent bénéfice et auxquels le régime donne les moyens de faire des affaires, de profiter du commerce du pétrole, et même d'acquérir l'estime de certains secteurs de la communauté internationale.

La communauté internationale devrait donc se poser, sur le plan de l'éthique et de la morale, un certain nombre de questions qui revêtent une importance cruciale. Il n'y a pas lieu, face à un régime tel que celui-ci, de compliquer le problème en évoquant ce qui se passe au Pakistan. Ce pays est peut-être dangereux, et la Corée du Nord est, elle aussi, dangereuse, mais cela veut-il dire que l'Iran présente un danger moindre? La communauté internationale doit donc se demander jusqu'où elle est prête à aller. Combien de vies sommes-nous prêts à risquer? Que va-t-il se passer si nous nous trompons? Que va-t-il se passer si ce régime acquiert un armement nucléaire et décide de s'en servir? Que ferons-nous alors? Allons-nous venger les morts? Ferons-nous, comme le prévoit M. Brzezinski qui dit, « S'ils se servent de l'arme atomique, nous les anéantirons »? Est-ce la solution?

Le sénateur Robichaud : L'autre solution est-elle de les attaquer avant qu'ils ne puissent s'en servir? Ce sera l'hécatombe. Ça va tirer de tous les côtés.

M. Braun : Je ne sais pas. Pourquoi sommes-nous intervenus en Libye et au Kosovo? Toute intervention militaire comporte des risques. Ce qu'il faut, d'après moi, c'est imposer des sanctions extrêmement sévères.

Le sénateur Robichaud : C'est également mon avis.

M. Braun : Donnons à l'opposition tous les encouragements possibles pour qu'elle se débarrasse de ce régime, mais il nous faut en même temps faire en sorte qu'il ne se dote pas de l'arme nucléaire. Il s'agit là d'une limite à ne pas franchir, sinon nous perdons tout moyen d'action.

N'oublions pas que, comme on a pu le constater avec Miloševic, et d'autres encore, ces régimes sont souvent moins forts qu'ils en ont l'air. Il est fréquent qu'ils menacent de mettre le monde à feu et à sang. Ils n'en ont peut-être pas les moyens, mais cela changera s'ils parviennent à se doter de l'arme atomique. Pensons-nous avoir la chance de notre côté? Sommes-nous prêts à faire le pari?

La présidente : Je dois vous interrompre. Nous procédons à l'examen de notre politique envers l'Iran, et nous allons donc poursuivre. Il est clair que la question des armements nucléaires et de la stabilité du régime iranien est d'une extrême importance. Y a-t-il d'autres initiatives diplomatiques à tenter, ou devons-nous nous résoudre à l'inévitable, en ce qui concerne la nucléarisation du régime? Jusqu'ici, nous n'avons rien dit de la Syrie, et de ce qui s'y passe actuellement, situation qui, elle aussi, est d'une extrême importance pour la stabilité, ou l'instabilité du régime iranien. Nous nous concentrons sur la question nucléaire, question qui doit continuer à retenir notre attention, car, outre les documents portés à notre connaissance, on attend un nouveau rapport de l'AIEA, mais personne n'a parlé jusqu'ici du risque de voir la Syrie, en cas de chute du régime actuel, ou si le pays sombre dans le chaos, engendrer une dynamique explosive qui pourrait se propager à l'Iran. Aucun d'entre vous ne voit là une des clés de la situation. Vous avez exposé la manière dont vous envisagez le problème, mais n'avez parlé qu'incidemment de la Syrie. Cela va à l'encontre de ce que d'autres m'ont dit, dont les Européens qui attachent une très grande importance à ce qui se passe actuellement en Syrie.

M. Hassan-Yari : J'en parle dans mon mémoire, dont je vous ferai parvenir une copie. D'après moi, la Syrie joue le rôle d'intermédiaire entre l'Iran et le Liban, le Hezbollah et certains groupes palestiniens. La chute du régime Assad serait pour le régime iranien proprement catastrophique, car depuis des dizaines d'années, la Syrie est pour l'Iran une sorte de conduit d'aération, une bouche d'oxygène qui, pour la République islamique, est plus importante que jamais en raison de l'isolement dans lequel elle se trouve actuellement et de la situation qui retient ici notre attention. C'est ce qui, selon moi, explique pourquoi la République islamique aide le régime Assad à contrôler ce qui s'y passe.

En ce qui concerne la Syrie, plusieurs hypothèses se présentent à l'esprit. Il se peut que le régime tombe, que l'opposition accède au pouvoir et que tout se passe pour le mieux. Je dis cela malgré le sang qui coulera, les nombreux règlements de compte et les luttes intestines, mais, sur le plan régional, je n'entrevois pas de trop grands troubles si un tel scénario se réalise.

La Syrie aurait alors, envers le Liban, une politique beaucoup moins agressive. Pour ce qui est d'Israël — le Golan —, personne ne peut oublier le Golan, quelle que soit l'équipe au pouvoir. Les relations entre un futur gouvernement syrien et la Turquie s'amélioreront nettement. Avec l'Irak, les relations ne sont pas excellentes, mais il se peut très bien qu'elles s'améliorent, étant donné leur forte interdépendance. Si la Syrie sombre dans le chaos, ce sera un cauchemar pour Israël ainsi que pour le Liban. Cela créerait, en outre, de très grosses difficultés pour la Turquie où vit, là aussi, une minorité Alévie et où des conflits se sont déjà manifestés. Cela créera des difficultés pour les Irakiens, car ils n'ont pas les moyens de contrôler la frontière. Dans les deux cas de figure, cependant, les grands perdants seront la République islamique d'Iran, le Hezbollah et, par voie de conséquence, certains groupes palestiniens. Je précise que le Hamas n'est pas entièrement coupé de l'Iran, car Hania se trouvait il y a quelques jours encore à Téhéran où il a à nouveau déclaré qu'Israël doit être rayé de la carte et que jamais le Hamas ne négociera.

La présidente : Nous sommes hélas à court de temps. Comme prévu, la présence de nos trois témoins nous a permis de recueillir un éventail de points de vue. Vous nous avez fourni des éléments de réflexion fort stimulants. Ce n'est pas un sujet facile et nous étions conscients, lorsque nous avons entamé notre étude de la question, des difficultés qu'il pose pour le gouvernement canadien et l'ensemble de la communauté internationale, certes, mais surtout pour le peuple iranien.

Vous nous avez tous remis des mémoires qui seront distribués, une fois traduits. Nous avons hâte d'en prendre connaissance.

Je tiens, au nom du comité, à vous remercier d'avoir pris la parole devant nous, pour nous faire part de votre appréciation de la situation. Je vous assure que nous en tiendrons compte. Nous avons appris, ou du moins j'ai appris, qu'un des documents que vous nous avez remis dans le cadre de ces témoignages a été diffusé à la presse. Selon une convention qui, bien sûr, ne lie pas nos témoins, les documents sont d'abord remis au comité et ne sont qu'après coup transmis à la presse, car on ne peut pas prévoir la teneur de nos délibérations. Je vais demander au greffier du comité de faire en sorte que cela soit à l'avenir porté à l'attention des personnes qui viendront témoigner. Il ne s'agit aucunement d'empêcher que ces questions soient débattues ailleurs, mais dans la mesure où il s'agit de mémoires rédigés à l'intention du comité, c'est par courtoisie que le document est remis en premier aux sénateurs. Je le précise aux fins du compte rendu et ne souhaite pas que cela ait de suites.

Je vous remercie d'avoir ainsi aiguisé notre réflexion sur ce qu'impliquent les idées que vous nous avez exposées. Il s'agit de questions sur lesquelles il n'est pas facile de se prononcer, et nous vous invitons à continuer à alimenter nos délibérations. Merci d'avoir participé à nos travaux.

(La séance est levée.)

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