Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
OTTAWA, le jeudi 16 février 2017
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, auquel a été renvoyé le projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l'Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l'incitation à la haine et des violations des droits de la personne, se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier le projet de loi en question, de même que pour examiner le potentiel de renforcement de la coopération avec le Mexique depuis le dépôt du rapport du comité, en juin 2015, intitulé Voisins nord-américains : maximiser les occasions et renforcer la coopération pour accroître la prospérité.
Le sénateur Percy E. Downe (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Pour la première heure, nous allons poursuivre notre étude sur le potentiel de renforcement de la coopération avec le Mexique depuis le dépôt du rapport du comité, en juin 2015, intitulé Voisins nord-américains : maximiser les occasions et renforcer la coopération pour accroître la prospérité.
Dans le cadre de ce mandat, le comité va entendre des témoins au sujet des relations trilatérales nord-américaines, qui sont évidemment très d'actualité, étant donné ce qui se passe en ce moment, et je suis ravi d'accueillir à nouveau M. David Morrison, sous-ministre adjoint responsable des Amériques à Affaires mondiales Canada, et M. Martin Moen, directeur général, Direction générale de l'Amérique du Nord et de l'investissement, au sein du même ministère.
Messieurs, je crois que vous avez une déclaration?
[Français]
David Morrison, sous-ministre adjoint (Amériques), Affaires mondiales Canada : Honorables sénateurs et sénatrices, je souhaite tout d'abord vous remercier de m'avoir invité à venir m'entretenir avec vous aujourd'hui.
[Traduction]
Le Canada et le Mexique entretiennent des relations diplomatiques depuis plus de 70 ans. Le renouvellement de notre engagement figure parmi les grandes priorités du gouvernement. En effet, la relation entre nos deux pays connaît récemment un essor que nous n'avons pas vu depuis des années.
L'année dernière a été marquée par des engagements productifs de haut niveau. Permettez-moi de vous présenter trois exemples.
[Français]
La visite d'État du président mexicain Enrique Peña Nieto, au mois de juin dernier, illustre bien notre engagement à établir une relation pérenne. Les accords signés ont permis de renforcer les liens institutionnels dans des domaines tels que l'environnement et les changements climatiques, la sécurité, la santé et le bien-être, les affaires autochtones, le développement international et la collaboration culturelle. Le premier ministre a également, à cette occasion, annoncé l'élimination de l'exigence du visa pour les citoyens mexicains se rendant au Canada. Cette mesure faisait d'ailleurs l'objet d'une recommandation de la part de ce comité.
[Traduction]
Depuis le 1er décembre 2016, soit une année et demie après la publication du rapport du comité de 2015, les Mexicains peuvent voyager au Canada sans visa. L'élimination de l'exigence du visa souligne la grande importance que le Canada accorde à sa relation avec le Mexique. Ceci devrait améliorer la compétitivité du Canada comme destination touristique et favoriser une augmentation croissante du nombre de vols entre les deux pays, ce qui sera avantageux pour le secteur du tourisme et du transport aérien en plus de faciliter les liens commerciaux et les investissements.
[Français]
Pour donner suite aux engagements pris au cours de la visite d'État et pour faire progresser davantage notre programme commun, nous avons également entamé un dialogue stratégique de haut niveau, dirigé par le ministre des Affaires étrangères. La première rencontre a eu lieu à Mexico, le 12 octobre 2016. C'était l'occasion pour le ministre Dion de rencontrer son homologue, la secrétaire aux Affaires étrangères du Mexique, Claudia Ruiz Massieu. Au cours de cette rencontre, le Canada a invité le Mexique à adhérer aux Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l'homme dans le secteur extractif. Les deux pays ont convenu d'établir un dialogue bilatéral annuel de haut niveau sur les droits de la personne, qui devrait se tenir au printemps.
De plus, le Mexique a convenu de créer un groupe de travail qui serait chargé d'étudier les problèmes touchant les investissements canadiens au Mexique, dans le but de régler efficacement tout problème susceptible de nuire à notre relation commerciale.
[Traduction]
La rencontre du Partenariat Canada-Mexique, dont la plus récente remonte aux 23 et 24 novembre, a été la plus réussie et a attiré le plus grand nombre de participants depuis sa création il y a 12 ans. Ce forum annuel sert à renforcer la coopération dans des dossiers d'ordre économique entre le Canada et le Mexique, notamment dans les domaines de l'énergie, de l'agroentreprise, de la mobilité de la main-d'œuvre, du capital humain, du commerce, de l'investissement et de l'innovation, de l'environnement, de l'exploitation minière et de la foresterie.
Nous avons bon espoir que cette amélioration au niveau de la relation bilatérale favorisera une coopération plus étroite dans divers dossiers, particulièrement la sécurité et la primauté du droit, l'énergie, le changement climatique, le commerce et l'éducation.
Une des recommandations du comité dans le rapport de 2015 était d'examiner les possibilités de « coopération avec le Mexique dans les dossiers d'intérêt commun qui touchent la gouvernance, la sécurité et la primauté du droit, notamment l'application de la loi et le renforcement des capacités judiciaires ».
Selon le gouvernement, le renforcement des institutions démocratiques au Mexique et l'aide au Mexique pour régler ses problèmes de sécurité à l'échelle nationale et régionale constituent des enjeux d'intérêt national pour le Canada. Le Mexique a entrepris une très importante réforme de son appareil judiciaire, ce qui assurera à ses citoyens un meilleur accès à la justice, une plus grande prévisibilité et la transparence au sein de l'appareil. La confiance dans le système judiciaire est une condition essentielle à la protection des droits de la personne et constitue un élément important du principe de la primauté du droit.
Au cours de la dernière visite d'État, en juin, le Canada a annoncé qu'il prendrait de nouvelles mesures de soutien pour aider le Mexique à faire cette transition. À ce jour, plusieurs projets ont été entrepris ou sont planifiés. Ils mettent à contribution un large éventail d'intervenants à l'intérieur de l'appareil judiciaire : force de l'ordre, avocats et juges.
Il sied de noter l'enthousiasme et l'appui du secteur judiciaire canadien à l'égard de ces projets. Par exemple, l'Institut national de la magistrature a lancé un deuxième projet avec le Mexique, au mois de janvier. Ce projet de trois ans vise à former des juges mexicains en matière de plaidoirie, d'évaluation des preuves et de droits de la personne.
[Français]
Le secteur de l'énergie a également été défini comme un domaine d'occasions potentielles et de coopération éventuelle. La réforme de l'énergie au Mexique — qui devrait attirer, selon toutes les attentes, plus de 50 milliards de dollars américains en investissements privés d'ici 2018 — représente une occasion historique pour les entreprises du secteur pétrolier et gazier. Les entreprises privées peuvent maintenant répondre à des appels d'offres pour des contrats de licence dans des domaines tels que l'exploration et la production pétrolière et peuvent investir dans des projets de production d'électricité.
L'expertise du Canada dans les domaines du pétrole, du gaz et dans le secteur de l'énergie renouvelable représente des occasions importantes pour nos entreprises et nos investisseurs. Qui plus est, l'expertise reconnue du Canada dans le domaine de la gouvernance par rapport à la mise en valeur des ressources a créé des occasions de collaboration dans le domaine des politiques, de l'éducation et de la formation. Le gouvernement de l'Alberta et l'Alberta Energy Regulator ont récemment signé des ententes avec leurs homologues, et trois établissements d'enseignement de l'Alberta, soit l'Université de Calgary, l'Université de l'Alberta et la Southern Alberta Institute of Technology, ont formé des partenariats avec des établissements mexicains afin d'enseigner les compétences requises pour l'industrie.
Depuis la visite récente du ministre Carr, accompagné d'une importante délégation de chefs d'entreprise et des Premières Nations, plusieurs résultats ont été atteints en ce qui a trait aux objectifs commerciaux et d'investissement du Canada. Il s'agit notamment de la mise sur pied d'un groupe de travail visant la promotion de la participation canadienne aux enchères des secteurs pétrolier, gazier et de l'électricité. Un mémoire d'entente visant à renforcer la coopération dans le secteur de l'électricité a également été signé par les deux pays.
[Traduction]
Le changement climatique et l'environnement présentent aussi de bonnes occasions pour une coopération accrue entre le Canada et le Mexique. Lors de la CdP 22 qui a eu lieu à Marrakech l'automne dernier, le Canada a annoncé un investissement de 14 millions de dollars pour réduire les polluants de courte durée de vie ayant un effet sur le climat, comme le méthane, grâce à des partenariats avec le Mexique et le Chili. Nous sommes résolus tous les deux à respecter les cibles que nous nous sommes fixées dans le cadre de l'Accord de Paris, dont de nombreuses se situent à l'échelle de la province ou de l'État. La coopération au niveau du gouvernement infranational dans ces dossiers est en effet importante et prend de l'ampleur.
Par exemple, en septembre dernier, le Mexique a été l'hôte du second Sommet sur le changement climatique des Amériques, rencontre qui portait sur ce thème particulier. Quatre premiers ministres canadiens s'y sont rendus et se sont engagés à continuer de fixer des objectifs de réduction des émissions et d'adaptation à long terme, à adopter des politiques novatrices avantageuses pour l'environnement, l'économie et la société et à préconiser des investissements qui permettront de réduire sensiblement les émissions d'ici 2050.
Sur le plan commercial, je ne répéterai pas les statistiques concernant le commerce bilatéral entre le Canada et le Mexique, puisque des témoins précédents vous les ont déjà présentées. Il faut toutefois mentionner que le Canada et le Mexique sont d'importants partenaires commerciaux et que le Canada est le plus grand investisseur étranger dans le secteur minier au Mexique.
Nous sommes d'accord avec un des témoins qui nous ont précédés, Mme Laura Dawson, qui a indiqué que la classe moyenne grandissante au Mexique créerait de plus en plus de débouchés pour les entreprises et les investisseurs canadiens.
[Français]
Comme l'ont aussi souligné vos témoins antérieurs, l'éducation est un secteur qui devrait, selon nous, offrir un important potentiel de croissance et de coopération plus intense. Le Mexique est un pays prioritaire selon la Stratégie du Canada en matière d'éducation internationale. Le Canada partage le même point de vue que le Mexique en ce qui a trait à l'importance de l'éducation, de la recherche et de l'innovation comme facteurs favorisant la compétitivité et la prospérité de nos deux pays. Un certain nombre d'initiatives ont été conclues au cours de la visite d'État au mois de juin dernier, y compris la signature d'une entente bilatérale sur la mobilité pour la recherche industrielle entre Mitacs, une organisation nationale canadienne sans but lucratif qui finance la recherche et la formation, et le Conseil national pour la science et la technologie du Mexique. Dans le cadre du Programme des futurs leaders dans les Amériques d'Affaires mondiales Canada, depuis 2009, près de 600 Mexicains se sont rendus au Canada pour faire des études de courte durée ou pour tirer parti d'occasions de réaliser des recherches.
Selon Universités Canada, le Mexique constitue un pays prioritaire. L'organisation étudie la possibilité d'organiser une mission de présidents d'universités qui se rendraient au Mexique l'automne prochain.
[Traduction]
Avant de terminer, permettez-moi de placer la relation canado-mexicaine dans le contexte nord-américain. Considérant l'élection du président Trump, nous sommes conscients des défis potentiels que nous pourrions devoir relever à l'avenir. Par contre, le Canada maintient son engagement à l'égard du Sommet des leaders nord-américains.
La région nord-américaine compte une population de près de 530 millions d'habitants et une économie représentant plus du quart du produit intérieur brut mondial. Chacun des trois pays figure parmi les plus importants partenaires commerciaux et sources d'investissement étranger des deux autres. Notre PIB combiné a plus que doublé au cours des 20 dernières années, passant de 8 billions de dollars américains, en 1993, à 20 billions de dollars américains aujourd'hui.
Le Canada, les États-Unis et le Mexique sont des partenaires continentaux de longue date. Les échanges commerciaux et les investissements sont soutenus par les principes communs du libre marché, les avancées au chapitre de la technologie de l'information, l'harmonisation et la simplification réglementaire et la proximité géographique. L'augmentation du commerce et de la mobilité des capitaux et des personnes de part et d'autre des frontières présente également des défis communs liés à la durabilité environnementale, aux catastrophes naturelles, aux pandémies et aux risques à la sécurité, tels que le trafic de drogues, les crimes transnationaux et le terrorisme.
On a mis sur pied divers groupes de travail de façon trilatérale pour tenter d'y remédier, notamment un groupe sur le trafic de drogues, un groupe chargé de mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles autochtones et un groupe visant la protection du papillon monarque. Nous nous attendons à ce que ce type de coopération fondamentale se poursuive. Les parties comprennent fort bien qu'il est de loin préférable de régler collectivement les questions importantes telles que la sécurité, le trafic, les pandémies et l'intégration des filières énergétiques.
Quels que soient les propos tenus, le Canada et de nombreux acteurs aux États-Unis comprennent que la sécurité, la stabilité et la prospérité du Mexique sont des conditions indispensables à notre propre prospérité et sécurité. Selon le Canada, il est important que des voisins proches se rencontrent régulièrement pour discuter des enjeux sur lesquels ils s'entendent et ceux pour lesquels ils ne sont pas toujours d'accord. Il y a en ce moment beaucoup d'incertitude, mais les canaux de communication demeurent ouverts. Le premier ministre a déclaré dans les jours qui ont suivi les élections aux États-Unis que le Canada et le Mexique « collaboreraient de manière constructive pour faire avancer nos intérêts ».
Il arrive parfois, comme avec tous nos partenaires, que nos intérêts soient différents, mais le plus souvent, nos intérêts s'alignent. C'est pourquoi nous sommes d'avis qu'il est dans l'intérêt du Canada d'entretenir une solide relation bilatérale avec le Mexique et de maintenir un engagement continu à l'égard du partenariat nord-américain.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous présenter une mise à jour sur le programme du gouvernement qui porte sur le Mexique. Je serai heureux de répondre à toute question.
[Traduction]
Le vice-président : Merci de votre exposé, monsieur Morrison. Je me demandais si vous pouviez nous décrire brièvement la disposition prévoyant le rétablissement du visa pour les Mexicains.
M. Morrison : Comme je l'ai dit, depuis le 1er décembre, les Mexicains n'ont plus besoin de visa pour venir au Canada. Nous surveillons de très près le mouvement des voyageurs mexicains et nous allons évaluer s'il y a une augmentation du nombre de demandeurs d'asile. Il est encore trop tôt pour se prononcer, étant donné que cela ne fait que deux mois, mais nous suivons la situation de très près.
Le vice-président : Pourriez-vous nous dire le nombre à partir duquel le visa sera de nouveau exigé? À quel moment le gouvernement devrait-il intervenir? J'aimerais qu'on en discute un peu.
M. Morrison : Je ne peux pas vous donner de chiffre précis, mais je peux vous dire que nous suivons la situation de très près.
Il y a une nouvelle exigence que vous connaissez sans doute et qui est un tant soit peu compliquée, l'autorisation de voyage électronique ou AVE. Lorsque nous avons pris la décision d'abolir le visa, les citoyens mexicains qui souhaitaient venir au Canada devaient se soumettre au processus d'autorisation de voyage électronique. À l'avenir, nous allons étendre l'AVE à d'autres pays. Le Mexique serait parmi les candidats.
Si vous êtes admissible à une prolongation de l'AVE, si vous avez déjà eu un visa canadien ou américain et que vous vous êtes conformé aux lois en vigueur, c'est-à-dire que vous n'êtes pas resté au pays plus longtemps que votre visa ne vous l'autorisait, à ce moment-là, vous pourriez obtenir une exemption de visa. Même si on devait réimposer le visa aux Mexicains, les voyageurs dignes de confiance pourraient toujours se rendre à destination.
Le vice-président : Corrigez-moi si je me trompe, mais n'a-t-on pas dit aux Mexicains que s'il y avait 3 500 personnes qui faisaient une demande d'asile au cours d'une année, on réinstaurerait le système de visa? Est-ce que le gouvernement canadien a donné un chiffre aux Mexicains?
M. Morrison : À ma connaissance, on n'a pas donné de chiffre précis au gouvernement mexicain. Je sais que le gouvernement canadien s'est fixé une limite, mais j'ignore s'il en a fait part au Mexique.
Le vice-président : Est-ce que ce chiffre a été rendu public?
M. Morrison : Non.
Le vice-président : Par conséquent, le chiffre de 3 500 n'est peut-être pas exact. Je crois savoir que oui, mais vous ne pouvez pas le confirmer ni l'infirmer.
M. Morrison : En effet.
La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie de votre exposé de ce matin. J'aimerais vous poser une question au sujet d'un article qui est paru dans le Globe and Mail hier. L'article se lisait comme suit :
Le Canada et les États-Unis se concentreront sur les négociations bilatérales dans le cadre de l'engagement du président Donald Trump de renégocier l'Accord de libre-échange nord-américain qui régit le commerce canadien, ce qui risque de mettre le Mexique de côté.
D'après ce qu'on entend à Washington, il y aura une équipe de négociation américaine pour traiter du Canada et une autre équipe pour le Mexique...
L'article cite deux points de vue à cet égard. L'avocat canadien spécialisé en droit commercial, Lawrence Herman, est d'avis qu'il s'agit d'une « réalisation importante pour le Canada », car selon lui, le Canada doit « éviter de se mêler des différends litigieux qui opposent le Mexique et l'administration Trump ».
D'un autre côté :
[...] John Weekes, un autre spécialiste du droit commercial, qui a aidé à négocier l'ALENA, nous a avertis que cela pourrait se retourner contre nous si le Mexique était écarté des pourparlers trilatéraux.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. À votre avis, le Mexique est-il laissé pour compte?
M. Morrison : Je vais vous parler un peu de la relation en général, et je vais ensuite laisser mon collègue, Martin Moen, qui est notre expert dans le dossier de l'ALENA, vous en dire un peu plus à ce sujet.
Pour répondre à votre question, le Mexique n'est absolument pas tenu à l'écart de la conversation. En fait, le gouvernement canadien a pour politique de renforcer les liens du pays avec les États-Unis, le Mexique et de façon trilatérale, comme en témoignent d'ailleurs les lettres de mandat des ministres des Affaires étrangères et du Commerce international.
Évidemment, il y a eu beaucoup de spéculations de la part des médias ces derniers temps. Permettez-moi de vous dire qu'il est encore très tôt pour parler de renégociation de l'ALENA.
Martin saura compléter mes propos, mais à ma connaissance, les Américains commencent à peine à réfléchir à ces futures renégociations.
Martin Moen, directeur général, Direction générale de l'Amérique du Nord et de l'investissement, Affaires mondiales Canada : Tout d'abord, le gouvernement américain a rendu publics les éléments problématiques de sa relation avec le Mexique qui ne concernaient pas le commerce. Pour ce qui est de savoir si ces questions seront traitées de façon bilatérale ou trilatérale, je crois que cela va dépendre des circonstances.
Pour ce qui est de l'ALENA en tant que tel, sachez qu'il y a de nombreuses décisions que les États-Unis n'ont pas encore prises sur leur façon de procéder. Par exemple, ils n'ont pas décidé s'ils allaient recourir au mécanisme officiel d'autorisation de promotion du commerce et aviser le Congrès en vertu de ce pouvoir, puis aller de l'avant avec des négociations qui nécessiteraient l'approbation du Congrès. Ils vont peut-être s'engager dans cette voie, mais pour l'instant, ils n'ont pas pris de décision à ce chapitre.
Tout reste à déterminer. L'administration n'en est qu'à ses débuts.
En ce qui concerne l'ALENA proprement dit, c'est un accord qui est très souple dans sa façon d'aborder les différents enjeux. Au moment de la ratification de l'ALENA, par exemple, les questions concernant l'accès au marché du sucre ont été négociées par les États-Unis et le Mexique. Les enjeux liés au camionnage ont fait l'objet de discussions distinctes entre les États-Unis et le Mexique, puis entre les États-Unis et le Canada, les circonstances étant très différentes.
De la même façon, la section de l'ALENA sur le secteur énergétique renferme des dispositions liées à la proportionnalité qui s'appliquent au Canada et aux États-Unis, mais pas au Mexique. Il y a donc certaines composantes de l'accord qui ont été négociées de façon bilatérale par le passé et qui ont ensuite été intégrées à l'ALENA. Évidemment, il y a beaucoup d'autres éléments importants qui ont été entièrement traités de façon trilatérale.
Quant à la façon de procéder et aux éléments qui seront renégociés ou ajoutés, ce sont toutes d'excellentes questions auxquelles nous devons réfléchir, mais pour l'instant, nous ignorons comment les États-Unis entendent procéder.
Bien sûr, à mesure que nous progresserons vers une modernisation de l'ALENA, le cas échéant, nous consulterons les Canadiens et nous nous assurerons que notre démarche est tout indiquée, à la fois en ce qui concerne le contenu et la forme des négociations, qu'elles soient trilatérales ou bilatérales, et la meilleure façon de procéder selon le contexte.
La sénatrice Ataullahjan : Je m'appuie sur les dires de l'ambassadeur du Canada — qui était présent aux rencontres entre le premier ministre du Canada et le président américain — et selon qui si cet accord est modifié, ce pourrait être à l'avantage tant du Canada que des États-Unis. C'est la raison pour laquelle je me demande si le Mexique est laissé de côté. Tout le monde parle des avantages pour le Canada et les États-Unis, mais l'on ne mentionne pas le Mexique. Vous vous êtes déjà prononcé sur le sujet, donc je vous remercie.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Monsieur le sous-ministre adjoint, merci de votre présentation. J'ai noté votre référence à l'engagement du Canada à accompagner le Mexique, notamment dans la transition vers des pratiques en matière de droits de la personne qui soient plus solides. Je note aussi des enjeux par rapport à la coopération entre les entreprises, les citoyens, le gouvernement canadien et le Mexique, liés à des pratiques commerciales ou d'affaires qui ne correspondent pas toujours à nos normes. Je crois que ce volet est vraiment important.
Dans un autre ordre d'idées, il y a aussi, pour les gens d'affaires mexicains, des irritants, entre autres dans les règles et la législation canadienne. Vous y avez fait référence. Je pense notamment aux enjeux liés aux visas pour les travailleurs temporaires et saisonniers. Pouvez-vous nous donner un aperçu des orientations du gouvernement canadien et du plan d'action qu'il compte mettre en œuvre pour éliminer ces irritants qui persistent, dans certains cas, depuis plusieurs années? L'élimination de ces irritants pourrait rendre le commerce et les échanges avec le Mexique plus fluides et plus positifs.
[Traduction]
M. Morrison : Le commerce entre le Canada et le Mexique représente environ 38 milliards de dollars par année, et il se déroule pratiquement sans heurts. Il s'est énormément intensifié depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA.
Je dirais qu'il y avait deux principaux irritants à l'aube de la visite d'État de l'été dernier. Il y avait la question des visas, qui ont été imposés en 2008 ou en 2009 et qui ont fait chuter radicalement le nombre de Mexicains en visite au Canada pour toutes sortes de raisons, que ce soit pour des vacances ou pour de courts séjours de toutes sortes. De notre côté, il y avait la question de l'accès du bœuf au marché mexicain.
Nous avons réussi à régler ces deux irritants et avons annoncé durant cette visite d'État que l'exigence de visa serait levée six mois plus tard, puis qu'à partir du 1er octobre, le Canada jouirait d'un accès complet au marché mexicain pour son bœuf. Ces deux mesures se sont concrétisées comme prévu.
Vous avez mentionné la question des travailleurs étrangers temporaires. À ma connaissance, ce n'est absolument pas un irritant. Le programme des travailleurs étrangers temporaires du Canada, dont le Mexique est le plus grand bénéficiaire — la Jamaïque en est un autre —, est cité par l'ONU comme un modèle de gestion de la migration. Grâce à ce programme, des travailleurs mexicains viennent travailler de manière saisonnière dans le secteur de l'agriculture, principalement, dans le Sud de l'Ontario et ailleurs, pendant la saison des récoltes. Je pense que les Mexicains aimeraient que nous accueillions un plus grand nombre de travailleurs. L'an dernier, environ 22 000 Mexicains sont venus travailler ici. C'est l'un des volets de notre relation bilatérale auquel nous pourrions travailler.
De manière générale, vous aurez compris de mes observations que les relations bilatérales entre le Canada et le Mexique sont plus fortes aujourd'hui qu'elles ne l'ont jamais été de mémoire récente. Bien sûr, il y aura toujours des irritants de temps en temps dans notre relation avec notre troisième principal partenaire commercial, mais la plupart de nos grands irritants, comme je viens de le mentionner, se sont réglés récemment.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Pour ce qui est des travailleurs saisonniers, il y a eu plusieurs difficultés liées au respect des contrats de travail. Je comprends de votre réponse que cette situation, pour le moins, s'est améliorée.
Vous faites référence justement aux engagements pris par le Canada pour accompagner davantage le Mexique dans sa volonté officielle de mieux respecter les droits de la personne. Concrètement, quelle forme cet accompagnement prend-il?
[Traduction]
M. Morrison : J'ai mentionné quelques exemples de façons dont nous accompagnons le Mexique dans sa transition, et j'ai cité un projet en particulier. Il y a actuellement une transformation majeure qui s'opère au Mexique, soit la réforme de son système de justice. J'ai mentionné comment nous collaborons avec les policiers, les avocats et les juges, entre autres.
Jusqu'à tout récemment, le système judiciaire mexicain ne comprenait pas de plaidoiries, si bien que tous les litiges, au Mexique, étaient jugés sur papier seulement. Les juges recevaient des mémoires écrits, puis prenaient des décisions en conséquence. La plupart des autres pays ont décidé il y a longtemps d'opter pour les plaidoiries, qui permettent aux gens de contester ce qu'ils veulent contester, en matière civile ou pénale, puis de comparaître en personne devant le juge.
C'est considéré comme une mesure très importante pour aider le Mexique à s'attaquer au grave problème de l'impunité pour toutes sortes de crimes, y compris les crimes relatifs aux droits de la personne. Le Canada vient en aide au Mexique, notamment par de la formation pour les juges et d'autres personnes sur cette nouvelle façon, révolutionnaire pour le Mexique, d'instruire des affaires. Ce n'est qu'un exemple.
J'ai mentionné que le Canada est un très grand investisseur au Mexique. Depuis que le Mexique a ouvert ses portes au secteur énergétique, il y a quelques années, 200 entreprises canadiennes qui vendent leurs produits à PEMEX, la société d'État pétrolière mexicaine. Toute cette activité commerciale s'accompagne d'un effort accru visant à aider le Mexique dans sa transition, y compris en matière de droits de la personne.
La sénatrice Cordy : À propos des violations des droits de la personne, j'ai eu le privilège, si l'on peut parler de plaisir, d'entendre des histoires d'horreur à ce sujet. C'était plutôt un privilège qu'un plaisir que d'entendre ces histoires. J'ai rencontré des jeunes femmes du Mexique qui ont été arrêtées sans raison, outre leur opposition aux politiques du gouvernement mexicain. Elles ont raconté leur histoire. Vous avez mentionné brièvement en réponse à la sénatrice Saint-Germain la question du système judiciaire. Exploitons-nous les points communs que nous avons avec le Mexique? Utilisons-nous nos relations commerciales avec le Mexique pour réagir aux violations des droits de la personne qui y ont lieu?
M. Morrison : Oui, tout à fait. Permettez-moi de vous en donner deux exemples. Voici comment fonctionne la diplomatie.
J'ai mentionné dans mon exposé que la visite d'État de l'été dernier a notamment donné lieu à une entente afin d'établir ce qu'on a appelé un dialogue stratégique de haut niveau entre le Mexique et le Canada. Le premier épisode de ce dialogue a eu lieu en octobre. Je me suis rendu au Mexique avec le ministre Dion et plusieurs autres personnes. La question des droits de la personne dans les deux pays était au programme. Il en est ressorti un accord afin d'établir un mécanisme régulier de haut niveau pour parler des droits de la personne dans les deux pays. Comme je l'ai dit dans mes observations, le premier dialogue spécial sur les droits de la personne se tiendra ce printemps entre les deux pays.
Pendant ce voyage, le ministre Dion a rencontré un groupe de militants pour les droits de la personne au Mexique, dont une femme qui était également venue ici au moment de la visite d'État. Elle s'était alors fait interroger par la radio de Radio-Canada, or à son retour au Mexique, elle a vu sa protection retirée. C'est une situation que notre ambassade au Mexique suit de très près.
Le Mexique, un pays d'une extraordinaire diversité où les inégalités sont légion, est en cheminement. Ce cheminement me semble principalement positif. Il y a aujourd'hui 44 millions de Mexicains qui font partie de la classe moyenne. Un grand nombre de Mexicains ont réussi à se sortir de la pauvreté grâce à la croissance qu'a connue le pays dans les dernières années. Quoi qu'il en soit, le gouvernement mexicain prend très au sérieux le degré élevé de criminalité, d'impunité et de violence. À titre de grand partenaire du gouvernement mexicain, nous faisons ce que nous pouvons.
La sénatrice Cordy : Le Mexique est un pays. Il y a beaucoup de pays dans le monde avec lesquels nous sommes en désaccord sur la façon dont ils traitent leur population, dont ils bafouent les droits de la personne. Est-il utile pour le Canada d'ouvrir ses portes au Mexique, dans ce cas-ci, pour apaiser certaines de nos inquiétudes.
M. Morrison : Le gouvernement a pour politique claire d'entretenir des relations autant avec des pays avec lesquels nous sommes d'accord qu'avec des pays avec lesquels nous ne sommes pas d'accord.
Je souligne aussi que beaucoup de pays en transition ont des institutions d'État très faibles. Donc quand il y a des violations des droits de la personne, elles ne sont pas nécessairement le fait de l'État, mais d'autres forces. Le grand fléau qui frappe le Mexique, bien sûr, c'est le trafic de drogues. Il y a beaucoup de corruption. Il y a des services de police infiltrés par les barons de la drogue, ce qui cause diverses violations des droits de la personne. Nul n'est plus conscient de la situation ni plus déterminé à changer la donne que le gouvernement du Mexique lui-même, mais c'est un projet de longue haleine.
La sénatrice Cordy : Pour revenir à la question que la sénatrice Ataullahjan a posée plus tôt, le Canada discute-t-il en coulisses de tous les scénarios possibles concernant l'ALENA et de la possibilité ou non de commerce bilatéral avec les États-Unis? Vous n'avez pas besoin de me révéler la nature de vos discussions, mais je serais un peu rassurée de savoir à tout le moins qu'il y a un dialogue. Si l'ALENA devait disparaître, entamerons-nous des relations commerciales bilatérales avec le Mexique, puis des relations bilatérales avec les États-Unis?
M. Morrison : Si mon collègue Martin a l'air un peu fatigué ces jours-ci, c'est parce qu'il travaille littéralement nuit et jour avec ses collègues de la politique commerciale pour évaluer tous les scénarios. Comme j'ai essayé de le dire dans mon exposé, et c'est évident pour quiconque suit le dossier, nous vivons une période de grande incertitude. En période d'incertitude, il est prudent de se préparer à toutes les éventualités, et c'est évidemment ce que nous faisons.
Le sénateur Woo : J'aimerais revenir à la question des voyages entre le Canada et le Mexique et savoir ce que vous pensez du volume de vols directs entre le Canada et le Mexique. Vous pouvez peut-être nous rappeler les derniers détails de l'entente de services élargie qui vient d'être mise en place et me dire si vous avez de l'information sur l'augmentation possible du nombre de vols de cinquième liberté, c'est-à-dire des avions qui viendraient de l'Europe ou de l'Asie, puis qui pourraient faire escale au Canada avant de repartir jusqu'au Mexique.
M. Morrison : Jusqu'à maintenant, c'est une assez bonne nouvelle. Air Canada et Aeromexico ont indiqué qu'ils offriraient des vols supplémentaires. Je crois qu'il y a récemment eu une annonce en ce sens. Il faudrait que je vérifie, mais Aeromexico offre déjà le premier vol direct de Calgary jusqu'au Mexique.
J'ai entendu dire, à l'ambassade, qu'il y avait beaucoup d'intérêt pour cela. Cependant, le problème du côté du Mexique, à tout le moins dans la ville de Mexico, c'est que son aéroport fonctionne déjà à plein régime. La ville est en train de construire un nouvel aéroport, et ce sera l'un des plus grands projets d'infrastructure des prochaines années en Amérique latine. À l'heure actuelle, il n'y a pas beaucoup de pistes d'atterrissage adéquates.
Évidemment, le Mexique est un grand pays. Il y a également des vols supplémentaires vers les destinations soleil et plus de vols nolisés, donc je ne suis pas certain de la réponse à votre question sur le droit de cinquième liberté.
Pouvez-vous y répondre?
M. Moen : Je n'ai pas de réponse à cette question.
Le sénateur Woo : Mais aurais-je raison de dire que le Canada et le Mexique ont une politique d'ouverture des espaces aériens? Le nombre de vols y est donc illimité et dépend de la volonté des transporteurs aériens d'utiliser les voies aériennes et de la capacité des aéroports d'accueillir de nouveaux vols, n'est-ce pas?
M. Morrison : D'après ce que je comprends, les espaces aériens ne sont pas totalement ouverts, mais nous pourrons vous faire parvenir une réponse plus précise. Il me semble qu'il y a des raisons pour lesquelles nous ne sommes pas parvenus à un plein accord d'ouverture des espaces aériens. Nous pourrons vous faire parvenir l'information.
Le sénateur Woo : J'aimerais bien que vous analysiez la question du droit de cinquième liberté, parce que la plus grande partie de la demande pour des vols supplémentaires vers le Mexique via le Canada viendra de transporteurs aériens d'autres pays. Nous sommes limités aux lignes aériennes du Mexique et du Canada en vertu de l'entente actuelle, mais nous pourrions vraiment intensifier nos activités si nous bénéficiions d'un droit de cinquième liberté.
Le vice-président : Merci, sénateur Woo.
Quand vous aurez une réponse à cette question, je vous prierais de bien vouloir l'envoyer à la greffière, qui l'acheminera à tous les membres du comité.
Le sénateur Marwah : Compte tenu de l'incertitude qui entoure l'ALENA et même le PTP, maintenant, déployons- nous des efforts pour renforcer nos autres alliances commerciales, comme l'Alliance du Pacifique, dans lesquelles le Mexique joue un rôle crucial? Parce que nous gagnerions vraiment à avoir plus d'outils sur bien d'autres fronts.
M. Morrison : Oui. Comme vous le savez, le Canada est une grande nation commerciale, la plus grande parmi les pays du G7pour ce qui est du pourcentage de son PIB attribuable au commerce. Je pense qu'on peut dire que le Canada cherche toujours des façons de diversifier ses accords commerciaux.
Il y aura une rencontre au Chili dans un mois, environ, si je ne me trompe pas, dans le cadre de l'Alliance du Pacifique, un regroupement très intéressant du Mexique, de la Colombie, du Pérou et du Chili, qui est né en 2011 ou 2012. Le Canada a été le premier pays observateur de l'extérieur de l'Amérique latine à y être invité. Nous sommes le seul pays à avoir un partenariat avec l'Alliance du Pacifique.
Elle tiendra donc une rencontre à laquelle le Canada participera. Cette rencontre portera sur le commerce, y compris avec l'Asie, dans la foulée des événements récents concernant le PTP.
Le sénateur Marwah : Nous sommes actuellement observateurs à l'Alliance du Pacifique, n'est-ce pas?
M. Morrison : Oui, nous sommes un observateur.
Le sénateur Marwah : Prévoyons-nous faire un pas de plus pour nous y joindre?
M. Morrison : Pas à ma connaissance. Nous sommes un « observateur plus », en ce sens que nous sommes le seul observateur à disposer d'un partenariat avec l'alliance, mais je ne suis au courant d'aucun plan visant à en devenir membre à part entière.
Il vaut la peine de dire, toutefois, que nous avons déjà des accords de libre-échange avec les quatre pays fondateurs de l'Alliance du Pacifique, de même qu'avec les deux pays qui aspirent à la joindre, le Costa Rica et le Panama.
M. Moen : Permettez-moi d'ajouter une chose à ce sujet. Depuis quelque temps, le gouvernement adopte une approche très ouverte des accords commerciaux, il cherche les possibilités et explore toutes les avenues.
Bien sûr, il y a différents degrés d'engagements. L'accord avec l'Union européenne et le succès que nous avons connu cette semaine pour le faire adopter au Parlement européen représente un grand pas important. Il y a une ouverture, un désir d'envisager des accords commerciaux avec différents pays du monde.
Nous apprécions énormément nos partenariats avec les États-Unis et le Mexique. L'ALENA nous rend de fiers services, mais il est clairement dans notre intérêt de nous doter d'un vaste éventail d'accords commerciaux, et il vaut la peine de nous en faire un objectif.
La sénatrice Bovey : Je vous remercie de cette mise à jour. En tant que nouvelle membre du comité, je trouve ces renseignements très utiles. J'ai été très heureuse de vous entendre mentionner les collaborations culturelles et particulièrement heureuse de vous entendre mentionner les accords bilatéraux de recherche entre universités, ainsi que le fait que divers recteurs se rendront au Mexique l'automne prochain.
Comme certains le savent, je m'intéresse de très près à la diplomatie culturelle. Il est intéressant de souligner que le Royal Winnipeg Ballet se trouvait au Mexique par coïncidence il y a quelques semaines au moment du voyage du ministre de l'Énergie. L'un des danseurs étoiles du Royal Winnipeg Ballet est lui-même Mexicain. Puisque nous parlons de la diplomatie culturelle, j'aimerais savoir comment vous voyez son rôle dans les relations entre le Canada et le Mexique.
J'aimerais aussi beaucoup connaître votre perception des échanges culturels du Canada avec le Mexique. Selon les plus récentes statistiques internationales à ma disposition, et elles ne sont peut-être pas exactes, en 2006, le Canada aurait investi 11,9 millions de dollars dans le programme des échanges culturels. Nous en avons retiré 4,3 milliards de dollars ou peut-être plus près de 5 milliards de dollars en retombées économiques. J'aimerais vraiment savoir quelle proportion de cette somme est allée au Mexique et comment ces échanges pourraient se multiplier, selon vous.
Nous avons une riche histoire d'artistes canadiens qui se présentent au Mexique et d'artistes mexicains qui se présentent au Canada. Il y a énormément d'échanges culturels, tant en arts de la scène qu'en arts visuels. J'aimerais savoir si vous croyez qu'ils sont exploités à leur plein potentiel.
M. Morrison : Je vous remercie de cette question. Nous sommes nombreux au sein des services diplomatiques à être de grands partisans de la diplomatie culturelle parce que quand on la voit à l'œuvre sur le terrain, on peut constater ses merveilles pour nous ouvrir des portes et tisser des relations.
Je vais vous répondre de diverses façons. Premièrement, le projet du 150e anniversaire du Canada n'est pas qu'un projet national, bien qu'il soit surtout de portée nationale. Il comportera également un volet international très dynamique, puisque nos missions à l'étranger saisiront l'occasion du 150e anniversaire du Canada pour tenir toutes sortes d'événements culturels.
De plus, le gouvernement a annoncé — c'était dans la plateforme électorale du parti, mais c'était également dans le dernier budget — le rétablissement de deux programmes de diplomatie culturelle, dont un visera à aider les artistes canadiens en tournée à l'étranger. L'autre visera à favoriser les échanges culturels comme ceux que vous avez mentionnés.
Vous avez cité des chiffres formidables pour ce qui est des sommes investies dans le programme et de ses retombées pour l'économie canadienne. Vous avez également demandé quelle proportion revenait au Mexique. Je ne le sais pas, mais je peux vous dire que les diverses ambassades du monde se battent pour les nouvelles ressources annoncées dans le cadre des deux programmes que je viens de mentionner. De nouveaux postes seront créés pour la gestion de ces programmes. Les ambassades et les hauts-commissariats se concertent judicieusement. Ainsi, si une personne s'en va à Buenos Aires, on essaiera d'organiser un arrêt à Santiago.
Il y aura plus de diplomatie culturelle dans les années qui s'en viennent qu'il y en avait par le passé. Pour mes collègues des services étrangers, ce sont de très bonnes nouvelles. Comme je l'ai déjà dit, la culture peut faire des merveilles quand on essaie de tisser des relations et de les approfondir. Le Mexique sera l'un des pays où nos missions commerciales seront les plus actives.
La sénatrice Bovey : Je crois, en fait, que la perte d'attachés culturels a non seulement durement frappé le milieu culturel, mais qu'elle a nui à la compréhension de ce qu'est le Canada à bien des égards.
Le sénateur Gold : J'aimerais revenir à la question de la primauté du droit et aux initiatives que vous avez mentionnées un peu plus tôt. Bien sûr, je félicite le Conseil canadien de la magistrature de son bon travail.
J'ai une question en trois volets. Outre ce projet, quels autres projets entreraient dans cette catégorie? Quelle somme y sera investie dans le cadre de ce programme? Enfin, quel rôle les facultés de droit ou les centres de recherche jouent-ils dans l'appui ou l'accompagnement du milieu judiciaire mexicain?
Je pense notamment au travail réalisé par le Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal, auquel j'ai le privilège d'être associé depuis des dizaines d'années. Ce centre mène des travaux importants en Afrique, en Chine et en Amérique latine, afin d'éduquer les avocats, les juges, les journalistes et des membres de la société civile sur les valeurs de la primauté du droit. Je me demande quel rôle ils jouent ou pourraient jouer pour aider le Mexique dans son cheminement.
M. Morrison : Je vous remercie beaucoup de cette question. Permettez-moi de brosser le portrait général de la situation, après quoi je reviendrai aux détails.
Premièrement, nous mettons beaucoup l'accent sur le genre de dialogue que j'ai déjà mentionné, que nous avons établi. Il y a fréquemment des consultations bilatérales sur la gouvernance en matière de sécurité et la primauté du droit. Évidemment, il y a fréquemment des pourparlers politiques et militaires qui comprennent un volet sécurité. Dans la foulée de la récente visite d'État, un nouveau dialogue s'établira sur la sécurité publique — à compter d'avril, si je ne me trompe pas —, entre notre ministère de la Sécurité publique et son équivalent mexicain.
À cela s'ajoute un programme axé sur les Amériques qui s'appelle Capacités de lutte contre la criminalité, dans le cadre duquel on forme des juges, des forces de police et d'autres intervenants.
Vous m'avez posé une question sur les montants. Nous avons investi 10,7 millions de dollars dans les programmes bilatéraux au Mexique depuis 2009, et le programme visant à former des juges dont je viens de parler dispose d'une enveloppe de 1,7 million de dollars.
Nous mettons également en œuvre le programme Partenariat mondial, qui aide des pays comme le Mexique à renforcer certaines mesures de sécurité pour prévenir la prolifération des armes de destruction massive. Il s'agit d'un programme technique qui s'applique dans les ports et à d'autres endroits où on pourrait tenter d'introduire en Amérique du Nord des choses dont ne nous ne voulons pas.
En plus de tout cela, il y a le Fonds canadien d'initiatives locales, qui est géré par les ambassades et qui vise à aider les groupes de défense des droits de la personne, des LGBTI et des femmes qui cherchent du financement pour des projets de moindre envergure, que ce soit à Mexico ou ailleurs. Ce fonds s'élève à quelque 500 000 $.
Vous vous interrogiez sur le rôle que les facultés de droit jouent à cet égard. Je ne pense pas qu'elles apportent une aide quelconque. Sachez toutefois que la relation entre le Canada et le Mexique est telle qu'il y a chaque jour toutes sortes de formes de collaboration dont l'ambassade et le gouvernement ne sont pas informés, car cela s'inscrit naturellement dans une relation très développée entre deux pays.
Une partie du programme Image de marque du Canada correspond exactement au genre de programme dont vous parliez à propos des écoles de droit au pays. Je suis pas mal au courant de ce qui se passe dans les Amériques, et je sais que les facultés de droit et les universités en général ont établi toutes sortes de jumelages et de partenariats qui aident à faire connaître les méthodes de gouvernance canadiennes. À l'évidence, le Canada a la réputation d'être un pays bien gouverné qui a compris bien des choses qui continuent de donner du fil à retordre à d'autres pays. Voilà pourquoi je dis que c'est un solide volet du programme Image de marque du Canada, qui est très actif dans les Antilles.
Le sénateur Gold : Merci. Je vous encourage toutefois à envisager... et ce n'est pas une question de financement des universités ou des facultés de droit. Je ne me porte pas à la défense de ce dossier. Je pense toutefois que c'est quelque chose que nous, à titre de Canadiens, pourrions apporter au monde. Les encouragements du gouvernement inciteraient les facultés et les centres de recherche, qui ont accès au financement de tiers à l'échelle internationale pour des initiatives de ce genre, à peut-être en faire davantage. Je pense qu'il en découlerait des bénéfices pour la société mexicaine et, bien franchement, la nôtre.
Le sénateur Ngo : Je veux donner suite aux questions des sénatrices Ataullahjan et Cordy. Pourriez-vous nous dire quelles pourraient être, selon vous, les conséquences potentielles de la renégociation de l'ALENA?
M. Moen : Comme c'est le cas pour bien d'autres questions sur l'ALENA, il nous est difficile de répondre avec beaucoup de précision en raison de ce que nous ignorons. Nous savons, bien entendu, qu'il s'agit d'un accord très précieux pour le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il a, dans certains domaines, joué un rôle très important en favorisant l'établissement de chaînes d'approvisionnement très intégrées.
Dans le secteur de l'automobile, par exemple, l'ALENA, grâce à l'accès et à la sécurité d'accès qu'il permet, a permis aux constructeurs d'automobiles de rationaliser la production dans les trois pays de manière à y maintenir des emplois.
Il existe de nombreux exemples semblables. Au Canada, nous considérons certainement que cet accord a été bénéfique pour les trois parties. Quand nous parlons à des associations d'affaires des États-Unis, à des entreprises et à des gouvernements locaux, tous conviennent que l'ALENA a eu des avantages dans certains domaines.
Bien entendu, comme c'est le cas pour tout accord, particulièrement un qui existe depuis des décennies, certains éléments devraient être modernisés. Depuis sa signature, il s'est passé des choses dans le cadre des négociations commerciales et le monde a changé.
Pour ce qui est de dire ce qui pourrait se passer, ce qui pourrait être modifié et ce que les répercussions pourraient être, il est trop tôt pour dire dans quelle direction nous allons. Je peux vous dire que nous effectuons du travail interne afin d'examiner un éventail de possibilités pour nous assurer que peu importe ce qu'on nous demandera de faire ou ce qui est proposé, nous serons prêts à réagir et pas seulement à réagir : nous avons nos propres idées sur les manières dont on pourrait améliorer et clarifier l'accord pour faciliter les choses si nous nous engageons dans ce genre de discussion.
La sénatrice Cools : Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui.
Je me suis rendue au Mexique il y a quelques années avec une délégation. Nous avons tenu une série de réunions très réussies sur le plan des échanges. J'y ai appris que le commerce mexicain de drogues illicites visait en grande partie les États-Unis d'Amérique. À l'époque, on nous a indiqué que l'année précédente, 1 200 policiers mexicains avaient été assassinés par les trafiquants de drogue et le gouvernement du Mexique avait intercepté 250 avions. Cela m'avait semblé presque incroyable à l'époque. La situation s'est-elle améliorée depuis?
Au cours de la réunion, un jeune membre plein d'avenir que j'avais trouvé très brillant a fait remarquer que l'Amérique avait immensément besoin de ces drogues et a demandé ce qui, dans la société, suscitait ce besoin à l'origine de toutes ces activités illégales et criminelles au Mexique. Cela ne relève peut-être pas de votre champ de compétences et vous ne savez peut-être rien à ce sujet, mais je me demande si la situation s'est améliorée de quelque manière que ce soit. Si vous ne le savez pas, je comprendrai.
M. Morrison : Si l'on prend, par exemple, le taux de meurtres, vous avez indiqué que 1 200 policiers avaient été tués. Ce taux s'est considérablement amélioré. Je peux vous faire parvenir les chiffres exacts. Je pense qu'entre 2010 et 2014, le niveau de criminalité avec violence a décru au Mexique, mais il a repris une tendance haussière en 2014.
Tout ce que j'ajouterais, c'est qu'il n'y a pas que le Mexique qui soit touché par ce problème. Ses voisins du Sud, en Amérique centrale, affichent les taux de criminalité avec violence parmi les plus élevés du monde. C'est un problème régional, mais qui est particulièrement criant au Mexique. Les divers gouvernements se sont attaqués de différentes manières au problème de la violence commise par les cartels de la drogue, mais grosso modo, le Mexique est en meilleure posture qu'il ne l'était en 2008, 2009 et 2010.
La sénatrice Cools : C'est une excellente nouvelle. Merci. Je crois sincèrement que si nous pouvons faire quoi que ce soit pour apporter de l'aide, nous devrions le faire. Quand je dis « nous », je fais référence au Canada.
Le vice-président : Au nom du comité, je voudrais remercier les témoins.
Monsieur Morrison, nous vous saurions gré d'indiquer au cabinet de la ministre des Affaires étrangères que lorsque la ministre comparaîtra devant nous, je l'interrogerai sur le nombre à partir duquel on exigera de nouveau que les Mexicains aient un visa pour entrer au Canada, puisque le premier ministre a indiqué ce qui suit dans sa lettre de mandat :
Nous nous sommes également engagés à relever la barre en matière d'ouverture et de transparence au sein du gouvernement. Il est temps de sortir le gouvernement de l'ombre pour que celui-ci soit réellement au service de la population. Le gouvernement et les renseignements du gouvernement devraient être ouverts par défaut. Si nous voulons que les Canadiens et les Canadiennes aient confiance en leur gouvernement, nous avons besoin d'un gouvernement qui fait confiance aux Canadiens.
Dans ce contexte, je pense que les Canadiens méritent de savoir si c'est à partir de 3 500 ou d'un autre chiffre que nous imposerons de nouveau un visa aux Mexicains. J'interrogerai la ministre à ce sujet quand elle comparaîtra devant nous.
Je ne veux pas vous placer dans une situation inconfortable à titre de fonctionnaire, mais j'aimerais que vous transmettiez ce message à son cabinet pour qu'elle puisse être prête à répondre à cette question quand elle témoignera.
Mesdames et messieurs, nous allons maintenant poursuivre notre étude sur le projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l'Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l'incitation à la haine et des violations des droits de la personne.
Nous entendrons aujourd'hui le témoignage de l'honorable Irwin Cotler, ancien ministre de la Justice et député, et activiste bien connu en droits de la personne. Nous recevons également Shahram Golestaneh, de l'Iran Democratic Association.
Je crois comprendre que vous avez de brefs exposés à présenter. Je suis certain que les sénateurs auront ensuite des questions. Nous vous cédons la parole.
Shahram Golestaneh, Iran Democratic Association : Merci, monsieur le président. Je suis enchanté de témoigner devant le comité afin de participer à l'examen du projet de loi S-219. Mon exposé porte principalement sur certains aspects de cette mesure législative qui, croyons-nous, sont importants quant aux valeurs, à la sécurité et aux affaires mondiales du Canada.
J'ai eu le privilège et l'honneur de travailler avec l'honorable Irwin Cotler, un distingué érudit qui possède un immense savoir sur le droit canadien et international, et qui lutte sans répit pour faire valoir la justice sur la scène mondiale.
Le projet de loi S-219 constitue un pas dans la bonne direction. Même si dans mon exposé, je traiterai principalement du rôle du Corps des gardiens de la révolution islamique, ou CGRI, dans tous les domaines qui sont source de préoccupation dans le projet de loi, je parle brièvement, dans mon mémoire écrit, de ceux qui commettent et permettent des violations flagrantes des droits de la personne en Iran, un sujet dont il est également question dans le projet de loi.
Un grand nombre de ces personnes occupent actuellement des postes élevés au sein du régime iranien.
C'est l'ampleur des menaces et des actes du régime iranien dans tous les domaines dont il est question ici qui fait que ce projet de loi mérite d'être examiné et adopté.
L'article 151 de la constitution du régime stipule que le Corps des gardiens de la révolution islamique a pour devoir de protéger la révolution et ses réalisations. Autrement dit, le CGRI constitue le fer de lance de l'appareil établi pour préserver la dictature, qui repose elle-même sur trois piliers : la répression au sein de l'Iran; l'exportation du terrorisme et du fondamentalisme dans le monde; et le programme de fabrication d'une bombe nucléaire et de missile à capacité nucléaire pour menacer d'autres pays.
Dans les années 1980 et 1990, le régime iranien s'adonnait ouvertement à un terrorisme international visant des dissidents iraniens, comme Kazem Rajavi à Genève, Mohammad Hossein Naghdi à Rome, Shapour Bakhtiar à Paris, des dirigeants du Parti démocratique kurde à Berlin et Ghassemlou à Vienne, pour n'en nommer que quelques-uns. Le régime ciblait également des citoyens d'autres pays, en commettant notamment des attentats à la bombe contre des marines américains à Beyrouth, et s'attaquant aux Tours Khobar, en Arabie saoudite, au centre juif de l'AMIA, à Buenos Aires, et à bien d'autres endroits.
Au cours de la même période, le régime iranien a perpétré 450 actes terroristes dans des pays comme le Pakistan, l'Irak, l'Arabie saoudite, la Turquie, le Yémen, la Syrie, la Suisse, la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Autriche, les États- Unis et l'Argentine. Le CGRI a joué un rôle de premier plan dans la planification et la commission de ces actes.
Cependant, ces dernières années, le régime a commencé à faire appel à des citoyens et à des entités étrangers pour commettre des actes de terrorisme dans le monde. Il y a deux jours, le Conseil national de la résistance iranienne — le principal groupe d'opposition en Iran considéré comme étant celui qui a dévoilé les activités nucléaires clandestines de l'Iran, notamment l'existence des installations nucléaires de Natanz et d'Arak en 2002 — a révélé de précieux renseignements sur les centres de formation du CGRI en Iran qui sont principalement destinés aux étrangers.
J'encouragerais les distingués sénateurs à étudier le rapport que j'ai préparé, puisqu'il concerne le présent projet de loi.
Les renseignements divulgués récemment dévoilent également l'identité de certains commandants du CGRI.
Le CNRI a également remarqué que l'Iran recrute de plus en plus d'étrangers depuis au moins 2012 et que les installations de formation du CGRI ont pris de l'expansion à l'avenant. Selon le rapport, cette expansion a été explicitement appuyée par le guide suprême Ali Khamenei, qui a visité les centres de formation des Forces Al-Qods l'an dernier. Le CNRI considère que cet incident montre que Khamenei se fie au CGRI pour mettre en œuvre le programme et atteindre les objectifs du régime.
Il va sans dire qu'il n'existe aucune distinction entre le CGRI et les Forces Al-Qods, que ce soit dans la constitution iranienne ou le budget national.
En plus d'être une force terroriste redoutable et létale, le CGRI constitue également un puissant conglomérat financier, qui ne rend de comptes qu'au guide suprême et dont les dépenses et le budget ne font l'objet d'aucune surveillance régulière. Près de 70 p. 100 de l'économie iranienne est liée au CGRI et à ses sociétés fictives affiliées. Cette organisation contrôle les exportations et les importations, ainsi que les expéditions et les exportations de narcotiques, en plus d'expédier des armes et des munitions pour alimenter les conflits régionaux.
Je conclurai mon exposé en répondant aux arguments qu'ont utilisés ceux qui s'opposent au projet de loi.
Tout d'abord, certains affirment que le Plan d'action global conjoint a prouvé que la diplomatie porte fruit. Je ferais remarquer que ceux qui affirment aujourd'hui que le PAGC est le résultat de la diplomatie, notamment les agents du régime iranien, sont ceux qui, pendant de nombreuses années, ont nié que l'Iran avait une capacité nucléaire et cherchait à fabriquer une bombe nucléaire, et faisaient valoir que les sanctions étaient contreproductives et ne donneraient aucun résultat.
Je pense qu'aucune personne de bonne foi n'irait prétendre aujourd'hui que cet accord existerait, n'eût été la pression exercée par ces sanctions. Je réserve encore mon jugement sur les lacunes du PAGC.
De plus, d'aucuns affirment que le projet de loi serait préjudiciable aux personnes ayant la double nationalité iranienne et canadienne, puisqu'il nuirait à la reprise des relations avec l'Iran. À moins que j'interprète mal le projet de loi, les seuls qui souffriraient de son adoption seraient ceux qui commettent des violations flagrantes des droits de la personne, encouragent la violence et le génocide, et contribuent à répandre le terrorisme. Je pense que les Canadiens en général et, par le fait même, la vaste majorité des Canadiens de descendance iranienne qui sont venus au Canada pour fuir l'oppression et l'intimidation se réjouiront des restrictions imposées à ces personnes.
Enfin, certains font valoir que nous ne voulons pas assister à une troisième guerre dévastatrice. Je ne peux tout simplement pas comprendre pourquoi une petite dose de mesures visant à assurer l'application de la justice, lesquelles sont entièrement conformes au droit international et à nos valeurs, pourrait entraîner une guerre. Personne ne souhaite la guerre. Pour l'éviter, nous devons rester fermes et traduire en justice ceux qui commettent des crimes contre l'humanité. Plus d'un demi-siècle après l'Holocauste, nous traduisons encore en justice, comme il se doit, ceux qui ont commis ces crimes, ne serait-ce qu'à titre accessoire. Personne ne peut prétendre que cette mesure portera préjudice aux Canadiens de descendance allemande, et même si c'est le cas, c'est encore la bonne chose à faire pour nos générations futures et cette merveilleuse terre de liberté et de respect des droits de la personne. Merci.
Le vice-président : Merci de votre exposé.
Monsieur Cotler, vous avez la parole.
L'honorable Irwin Cotler, C.P., fondateur et président, Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne : C'est avec grand plaisir que je comparais aujourd'hui avec mon collègue Shahram à propos du projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l'Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l'incitation à la haine et des violations des droits de la personne.
Monsieur le président, comme vous et d'autres membres du comité vous souviendrez, j'ai eu l'occasion de témoigner, le 14 décembre dernier, au sujet du projet de loi S-226, qui visait à sanctionner les personnes responsables de violations flagrantes des droits de la personne reconnus à l'échelle internationale et qui, au chapitre des droits de la personne, va de pair avec la présente mesure législative et contribue à l'étayer.
J'aurai aujourd'hui comme thème de base le fait que nous assistons et continuons d'assister depuis un certain temps à la conversion toxique de cinq menaces distinctes, mais indissociables, dans l'Iran de Khamenei, et j'emploie le terme « Iran de Khamenei » parce je veux faire la distinction entre cette entité et les gens et la population qui sont la cible de répression de masse dans ce pays. Mes propos porteront donc sur la responsabilité de l'Iran de Khamenei et de ceux qui commettent les violations dont je parlerai, sans toutefois concerner la population iranienne.
La première menace est celle de la menace nucléaire, qui mérite maintenant d'être surveillée aux termes du Plan d'action global conjoint, ou PAGC, afin d'en assurer le respect.
La deuxième menace est le fait que l'Iran parraine le terrorisme international. Comme le rapport du département d'État américain l'indique année après année, l'Iran demeure le principal État parrainant le terrorisme international, et son empreinte à cet égard est internationale. Elle ne se limite pas au Moyen-Orient, mais s'étend à l'Amérique latine, à l'Afrique, à l'Asie, à l'Europe et ailleurs.
L'incitation à la haine constitue la troisième menace. Je remarque que votre projet de loi fait mention de l'incitation à la haine, mais je ferais aussi référence à l'incitation au génocide, une violation permanente de la convention sur le génocide. Puisque les États parties à la convention sur le génocide, comme le Canada, ont l'obligation juridique de réagir à l'incitation au génocide sanctionnée par l'État, il ne s'agit pas d'une simple option stratégique, mais d'une obligation découlant de notre adhésion à la convention. J'ajouterais que l'Iran, à titre d'État partie à la convention, a également l'obligation de ne pas s'adonner à l'incitation au génocide.
La quatrième menace vient des obligations substantielles en matière de droits de la personne, lesquelles ont malheureusement augmenté sous le régime de M. Rouhani, que l'on peut qualifier de modéré, et se sont même intensifiées, comme des rapports l'ont indiqué récemment, depuis la conclusion de l'accord nucléaire.
La cinquième menace, bien qu'il n'en soit pas directement question dans votre projet de loi, est l'augmentation de l'agression belligérante régionale en Iran. Je fais ici référence à son agression à l'égard de la Syrie, mais aussi du Liban, dont l'Iran menace l'indépendance et l'intégrité par l'entremise du Hezbollah et d'entités semblables. Cela devient un problème en Irak, qui a pour effet de déstabiliser l'Irak et le Yémen, et crée ainsi des conflits régionaux.
Même si cette menace ne fait pas explicitement partie de celles qui figurent dans votre projet de loi, ce que je viens de dire sur l'agression belligérante régionale peut être assimilé aux activités terroristes et aux violations des droits de la personne. Le problème pourrait toutefois mériter un traitement distinct.
Enfin, il existe un éventail de comportements illicites, allant des essais illégaux de missiles balistiques, particulièrement préoccupants ces temps-ci, et des violations de l'embargo sur les armes — notamment le transfert d'armes au Hezbollah, une organisation terroriste en vertu des lois du Canada, des États-Unis, de l'Union européenne et d'autres pays — au blanchiment d'argent et au trafic de stupéfiants internationaux, qui ont leurs propres effets déstabilisants et qu'on peut associer aux réseaux terroristes également. Tout cela constitue ce qui s'appelle le réseau de menaces de l'Iran, qui exige des mesures de la part de la communauté internationale, y compris du Canada.
Par conséquent, le projet de loi S-219 comprend ce que j'appellerais un cadre modeste pour réagir aux trois principales menaces du réseau de menaces de l'Iran. Il importe de souligner que ces menaces constituent des violations permanentes des normes et des accords internationaux auxquels adhèrent le Canada et l'Iran. Autrement dit, si l'Iran s'adonne au terrorisme international, il enfreint un réseau de traités et d'accords internationaux, y compris quand ce terrorisme international finit par cibler des diplomates, comme cela s'est d'ailleurs produit. Cela fait intervenir tout le réseau de l'immunité diplomatique, des traités et des dispositions semblables.
S'il incite les gens au génocide, alors il commet, comme je l'ai souligné, une violation permanente de la convention sur le génocide et il contrevient aux obligations qui sont les siennes, à titre d'État partie, de ne pas s'adonner à une telle incitation.
Si l'Iran commet de graves violations des droits de la personne, alors il enfreint d'importants traités internationaux, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou le traité sur la torture. Ici encore, ces traités ont été signés par les deux États.
En un mot, nous sommes obligés, à titre d'État partie à ces traités et de membre responsable de la communauté internationale, d'appliquer les normes internationales, de sanctionner les contrevenants et de lutter contre la culture d'impunité permettant aux contrevenants d'éviter de rendre des comptes.
Un des arguments erronés et, dirais-je, troublants qui sont constamment propagés — ici encore par l'Iran de Khamenei —, c'est que maintenant que l'accord nucléaire avec l'Iran est conclu, nous nous trouvons dans une ère post- sanctions, pour reprendre les propres mots du régime. Autrement dit, il ne serait plus nécessaire d'imposer des sanctions parce que l'Iran n'a carrément plus besoin d'en faire l'objet maintenant qu'elle adhère à l'accord nucléaire avec le P5+1.
Or, il est contraire à la logique et aux objectifs de l'accord nucléaire de prétendre que maintenant que cet accord a été conclu, les sanctions imposées pour des violations de nature non nucléaire doivent être considérées comme des violations de l'accord, et ce, même si l'Iran a insisté pour que cet accord ne concerne pas de violations de nature non nucléaire, un argument qui favorise et nourri une culture d'impunité.
Le fait que l'accord nucléaire ne traite pas des autres menaces que j'ai énumérées et de celles qui figurent dans votre projet de loi ne signifie pas que ces menaces ne sont pas ou ne devraient pas être sanctionnées. Au contraire, c'est justement parce que ces autres menaces ne sont pas incluses dans l'accord qu'elles devraient être sanctionnées. Même si nous sommes, aux fins du raisonnement, dans une ère post-sanction aux termes de l'accord nucléaire, nous devons a fortiori nous montrer d'autant plus vigilants à propos des menaces non nucléaires et du réseau de menaces de l'Iran qui, comme je l'ai indiqué, enfreint les normes internationales, à défaut de quoi notre pays, voire la communauté internationale, se font complices d'une culture d'impunité, d'immunité et d'absence de reddition de comptes pour ceux qui violent les droits de la personne. Ce faisant, nous n'honorerions pas nos propres obligations.
Par conséquent, quand j'étais député, j'ai déposé en 2009 un projet de loi d'initiative parlementaire intitulé Loi sur la responsabilisation à l'égard de l'Iran pour obliger ce pays à rendre des comptes sur son réseau de menaces. Votre projet de loi y fait d'ailleurs référence. À l'époque, c'est-à-dire avant l'accord nucléaire, j'avais réclamé la négociation et la conclusion d'un tel accord pour au moins réagir à la menace nucléaire, qui constituait la plus inquiétante des menaces.
Comme je l'ai indiqué alors et l'affirme de nouveau aujourd'hui, nous devons nous attaquer à l'ensemble des cinq menaces de l'Iran, laquelle constitue une menace constante à la paix internationale, à la sécurité, aux droits de la personne et, particulièrement, à la population iranienne.
À la suite de cette démarche, le Sous-comité des droits de la personne du Comité permanent des affaires étrangères a réalisé une étude et déposé un rapport, dont il est question dans votre projet de loi. On a également établi une semaine de la responsabilisation de l'Iran, dont l'objectif principal consiste à réagir aux violations des droits de la personne en Iran, et lancé un projet international de défense des droits de prisonniers politiques en Iran, dans le cadre duquel des députés et des sénateurs ont pris fait et cause pour ces prisonniers politiques, dont votre projet de loi réclame la libération. Je me suis moi-même porté à la défense des prisonniers politiques iraniens, notamment l'ayatollah Borujerdi, un chef ecclésiastique baha'i qui, tragiquement, a été emprisonné et torturé pour avoir préconisé rien d'autre que la liberté de religion et de croyance en Iran.
Aujourd'hui même, cela fait neuf ans que Saeed Malekpour a été arrêté pour être ensuite torturé et incarcéré; ce résident permanent canadien sur le point d'obtenir la citoyenneté a été arrêté alors qu'il rendait visite à son père malade. Il a été détenu, déclaré coupable d'accusations fabriquées de toutes pièces et torturé en prison. Il y a 10 jours à peine, une soirée a été organisée à Toronto, largement en présence de la communauté canado-iranienne, pour réclamer sa libération.
Sachez enfin qu'à titre de député, rien ne me tient plus à cœur que la question iranienne, et ce, en raison des cinq menaces et de la particularité des violations des droits de la personne, parce que cela nous concerne beaucoup à titre d'État partie et à cause des répercussions d'envergure mondiale de la totalité de ces menaces.
Comme je l'ai déclaré en 2009 et le répète aujourd'hui, « Le projet de loi s'en prend au régime du guide suprême, Ali Khamenei, en Iran, et non à la grande civilisation d'Iran ou à ses habitants, qui subissent de plus en plus fréquemment la répression interne qu'exerce le régime. » On ne saurait trop insister sur ce point.
Monsieur le président, je terminerai en formulant une autre remarque sur les faussetés que l'on entend. Certains ont affirmé, notamment devant votre comité, ou laissé implicitement entendre que l'adoption d'une mesure comme ce projet de loi sénatorial portera préjudice ou fera obstacle à nos relations avec l'Iran, ou que nous ne pourrons travailler avec ce pays qu'en dehors du cadre de cette mesure législative. Or, on peut très bien entretenir des relations avec l'Iran, comme je l'ai soutenu, et appuyer ce projet de loi. Quand je parle d'avoir des relations avec l'Iran, je ne fais pas seulement référence au gouvernement de ce pays. C'est là la facette officielle de ces relations. Nous parlons aussi de travailler au nom des habitants de l'Iran, qui sont la cible de répression massive au pays. Nos rapports avec l'Iran ne nous déchargent pas plus de nos responsabilités internationales, en vertu desquelles nous devons appliquer les normes et les traités internationaux, que ne le ferait le fait de ne pas traiter avec ce pays, puisqu'à titre d'acteur responsable de la communauté internationale, il nous incombe d'appliquer les normes internationales en matière de droits de la personne, de lutter contre la culture d'impunité, d'agir comme un acteur responsable de la communauté internationale et de le faire au nom des habitants de l'Iran à qui nous tendrons la main, comme nous le faisons pour le gouvernement de l'Iran.
Merci, monsieur le président.
Le vice-président : Merci beaucoup.
Chers collègues, notre liste est très longue. Je demanderais aux intervenants de formuler, si possible, des questions et des réponses brèves.
Sénatrice Saint-Germain, vous avez la parole.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Vous êtes tous les deux très convaincants et il ne fait aucun doute que la situation en Iran est inacceptable et intolérable. Vous avez mis l'accent sur la situation en Iran et, évidemment, tout le monde partage votre avis.
Ma préoccupation concerne l'efficacité réelle de ce projet de loi par opposition à une efficacité qui ne serait que symbolique. Plus précisément, l'obligation qu'aurait le ministre canadien de publier un rapport annuel le rend quand même imputable de ce rapport. Je me demande, connaissant les pratiques du comité exécutif de l'imam Khamenei, comment un ministre pourrait préparer un rapport qui soit suffisamment documenté pour être crédible.
Avez-vous des suggestions? Vous avez dit qu'il s'agissait d'une étape, d'un pas dans la bonne direction. Quelles autres étapes pourriez-vous envisager afin que l'action du Canada ait une certaine efficacité?
[Traduction]
M. Golestaneh : Je ne pense pas que l'efficacité soit symbolique. En fait, je considère que le projet de loi a des effets et des conséquences sur nos relations, non seulement avec l'Iran, mais aussi à titre de chef de file de la défense des droits de la personne et de la lutte à l'impunité à l'échelle mondiale.
Lors de l'affaire de Mme Zahra Kazemi, qui a été assassinée en Iran, je me souviens qu'on a hésité à tenir l'Iran responsable de ses actes. Quand le Canada est finalement intervenu et a présenté des résolutions contre les violations des droits de la personne lors de l'assemblée annuelle des Nations Unies en 2003, d'autres pays lui ont emboîté le pas. À l'époque, et depuis lors, nous faisons valoir que si nous prenons les devants, d'autres pays suivront notre exemple, car ces démarches sont raisonnables et s'appuient sur le droit international. Nous luttons contre la culture de l'impunité et cela aura une incidence sur ceux qui commettent des violations flagrantes des droits de la personne et autre chose.
En ce qui concerne les mesures précises, j'espère que M. Cotler aura de meilleures réponses sur le mécanisme d'application du projet de loi ou sur la manière dont le ministre recueillera les renseignements. Nous avons déjà colligé de l'information. Le ministère des Affaires étrangères tenait une consultation annuelle auprès des ONG en général, pas seulement sur l'Iran, mais sur tous les pays du monde, mais il a abandonné cette pratique il y a des années. Nous pourrions toutefois entreprendre des démarches semblables auprès des Iraniens et de la diaspora iranienne, qui pourraient nous fournir de précieux renseignements. Comme je l'ai indiqué lorsque je parlais du CGRI, on peut présenter le même argument au sujet de ce qu'il se passe à l'intérieur du pays au chapitre des violations des droits de la personne et de l'incitation à la haine et au génocide.
Mais en ce qui concerne les mesures précises, j'ignore si M. Cotler a des renseignements à ce sujet.
[Français]
M. Cotler : La dernière question est très importante et elle nous demande de préciser nos demandes pour nous assurer que ce projet de loi puisse réussir à atteindre ses objectifs. Si on regarde le préambule du projet de loi S-219, on constate qu'il commence de la façon suivante, et je cite :
Attendu : que toutes les nations ont l'obligation, au titre de la Charte des Nations Unies et du droit international coutumier, de promouvoir et de protéger les droits de la personne et qu'il s'agit d'une obligation partagée dont tous les États membres de la communauté internationale doivent s'acquitter envers leurs citoyens;
[Traduction]
Voilà qui montre, selon moi, qu'il ne s'agit pas d'une simple mesure symbolique, mais, comme je l'ai souligné au cours de mon exposé, de l'obligation que nous avons à titre d'acteur responsable de la communauté internationale. Il y a des gestes précis que nous pouvons poser. Prenez, par exemple, des éléments de la loi elle-même, comme l'incitation à la haine et au génocide. Nous ne savons pas grand-chose à ce sujet, mais nous pouvons nous renseigner. Le XXIe siècle a commencé le 3 janvier 2000, avec le guide suprême de l'Iran, Ahmadinejad, à qui les mots suivants ont toujours été attribués : « Il ne peut y avoir de solution au conflit israélo-arabe sans annihilation du peuple juif. » Il n'a même pas employé l'euphémisme habituellement utilisé de régime sioniste.
La situation a perduré après Ahmadinejad, à qui on a attribué toute cette incitation à la haine, avec l'obligation, selon les mots de Khamenei, de retirer du Moyen-Orient la tumeur cancéreuse qu'est Israël.
Pire encore, un rapport publié par le Centre des affaires publiques de Jérusalem indiquait hier que l'incitation à la haine et au génocide avait regrettablement et tragiquement encore augmenté depuis la conclusion de l'accord nucléaire, alors qu'on aurait pu espérer que ce dernier aurait au moins eu l'effet contraire. Mais en fait, l'incitation continue.
Lors des essais de missiles balistiques effectués récemment, vraisemblablement en contravention avec les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies à cet égard, les missiles arboraient des bannières indiquant « mort à Israël » en hébreux et en perse.
Je pense donc que le Canada pourrait jouer un rôle en fournissant des documents et des témoignages indépendants de source ouverte sur la manière dont l'Iran de Khamenei enfreint constamment l'interdiction d'incitation au génocide que prévoit la convention sur le génocide.
Ici encore, nous pouvons nous appuyer sur la jurisprudence de la Cour suprême, laquelle a établi un principe des plus convaincants, et maintenant un précédent, quant à la manière de sanctionner l'incitation à la haine et au génocide quand elle a statué, dans son jugement de 2005, que l'incitation à la haine constitue en soi un crime, qu'elle entraîne ou non un génocide.
Nous pouvons donc, du point de vue de la preuve, réunir un dossier documentaire sur l'incitation au génocide et, du point de vue juridique ou judiciaire, prévoir des recours pour lutter contre cette incitation. Nous pouvons notamment — bien qu'aucun État partie de la convention sur le génocide ne l'ait fait, même s'il s'agit d'une obligation en vertu de cette convention, il me semble — déposer une plainte interétatique contre l'Iran devant la Cour internationale de justice pour ses violations constantes de la convention, puisque l'Iran en est également un État partie.
J'utilise l'incitation au génocide comme étude de cas afin de montrer comment le Canada peut fournir un fondement probatoire et judiciaire indépendant permettant à la communauté internationale d'agir en s'appuyant sur le dossier que nous avons fourni.
Le vice-président : Chers collègues, nous avons une longue liste. Toutes intéressantes que soient les réponses, nous devons faire les interventions les plus brèves possible, comme je sais que vous le faites toujours.
Le sénateur Ngo : Merci de vos exposés d'aujourd'hui.
La semaine dernière, l'Iranian Canadian Congress a fait état d'une amélioration très lente, mais prometteuse des démarches entreprises par des factions modernes en Iran afin d'y améliorer la condition des droits de la personne. Il a aussi indiqué que ces démarches sont malheureusement souvent ignorées.
Pourriez-vous nous donner votre avis sur la question et nous fournir également des exemples de violations des droits de la personne commises récemment par le régime?
M. Golestaneh : Oui. Je m'efforcerai d'être aussi bref que possible, comme le président l'a demandé.
Malheureusement, nous n'avons pas observé d'amélioration à cet égard en Iran. C'est un fait. Il suffit de voir le nombre d'exécutions depuis le 1er janvier 2017. Hier, 12 personnes ont été exécutées au cours d'une exécution de masse.
Sachez toutefois que des luttes intestines divisent les diverses factions du régime. C'est indéniable : ces conflits sont réels. Cela n'a rien à voir avec la modération. En fait, tout ce dont nous avons parlé ici est déjà institutionnalisé dans la constitution iranienne. L'exportation de la soi-disant révolution, que j'appelle l'exportation du fondamentalisme et du terrorisme, est enchâssée dans cette constitution. Si M. Rouhani ou quelqu'un d'autre déclarait que l'Iran doit abandonner ces pratiques et modifier la constitution, je suppose que tout le monde s'en réjouirait. Mais ce n'est pas le genre de chose que nous observons.
Ce que nous voyons en Iran actuellement, ce sont notamment des essais de missiles. Ces essais ont également servi à éprouver la résolution de la communauté internationale afin de voir comment elle traite l'Iran. Malheureusement, peu nombreux sont ceux qui l'ont condamnée, à part les États-Unis. Même l'Europe ne l'a pas fait autant que nous le souhaitions.
Au chapitre des droits de la personne, la communauté internationale est, là encore, malheureusement restée muette parce que l'Iran a fait valoir que toutes les mesures qu'elle prendrait contreviendraient au PAGC. Or, ce sont là deux questions complètement distinctes. Je ne suis donc pas d'accord avec cette déclaration : nous n'avons malheureusement pas observé beaucoup d'amélioration.
Le critère décisif est très simple. Au cours de la présente session, j'ai entendu un honorable sénateur demander s'il existait des conditions préalables, ne serait-ce que pour reprendre les relations avec l'Iran. Je dirais qu'il y en a certainement. Tout ce dont il est question dans ce projet de loi peut servir de condition préalable à ce sujet. En ce qui concerne la violation de masse des droits de la personne, nous pouvons demander que le régime cesse les exécutions et imposer un moratoire à cet égard. Nous pourrions réclamer le retour du corps de Zahra Kazemi au Canada, conformément au souhait de sa famille. Ce serait une condition préalable. Nous pourrions exiger la libération des prisonniers politiques en Iran et la fin de l'incitation au génocide. Ce sont toutes des mesures que nous pouvons prendre. Malheureusement, aucune faction du régime n'a pris de telles mesures.
Le sénateur Downe : Mesdames et messieurs, les règles stipulent que nous devons lever la séance à 12 h 30. Je vais donc commencer une deuxième liste d'intervenants, si nous avons le temps d'arriver jusque-là. Je vous demanderai à tous de vous en tenir à une question.
Le sénateur Housakos : J'ai une question de suivi sur le sujet que vous venez d'aborder, c'est-à-dire les conditions préalables, les exigences et les repères à établir avant d'engager le dialogue. À dire vrai, je suis sceptique, compte tenu de l'orientation que l'Iran continue de suivre et des témoignages révélateurs que vous avez faits aujourd'hui.
Pourquoi devrions-nous avoir bon espoir quant à la réussite du dialogue? Quel serait l'échéancier? Quelles sont les dates? Parce que les Iraniens ne satisfont pas à ces conditions préalables. À l'heure actuelle, ils n'en respectent pas beaucoup.
Ensuite, notre ex-collègue Cotler a fait remarquer que le dialogue pouvait se faire à deux niveaux : avec le régime et avec le peuple. Pouvez-vous distinguer exactement comment vous feriez pour vous adresser directement aux Iraniens, en évitant de passer par le régime?
M. Cotler : Je tiens d'abord à ouvrir une parenthèse, pour réparer mon omission du nom de l'affaire pour laquelle j'ai cité un arrêt de la Cour suprême sur la question de faire rendre des comptes aux incitateurs d'un génocide. C'était l'affaire Mugesera, en 2005.
La question posée est très actuelle. Il s'agit de savoir si les violations des droits de la personne ont diminué en Iran, comme l'a laissé entendre le témoignage précédent, particulièrement depuis la signature de l'accord nucléaire. Je souhaiterais que ce soit vrai, mais les événements le démentent. Pas besoin de me croire sur parole. Il suffit de lire le rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des droits de l'homme en Iran, M. Ahmed Shaheed, qui est venu témoigner devant le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères. Voyez le témoignage même d'Irano-Canadiens, les rapports d'ONG de Human Rights Watch International, les indicateurs.
Je m'arrête ici pour répondre à la question du sénateur Housakos sur le dialogue avec le peuple.
Shahram a parlé des exécutions. En Iran, le taux par habitant est le plus élevé du monde. En janvier 2017, une exécution avait lieu toutes les neuf heures. Depuis l'arrivée au pouvoir de Rouhani, le rythme des exécutions a augmenté de façon spectaculaire. On cible notamment les jeunes, les minorités et les groupes assimilés.
Ensuite, le rapport de M. Shaheed parle de la torture et de la détention.
On traite aussi les innocents comme des criminels, c'est-à-dire que la prison ne sanctionne pas des actions, mais ce qu'on est : défenseur des droits de la personne, membre d'une minorité, ce genre de chose. Actuellement, l'Iran compte plus de 1 000 prisonniers politiques. Je me réjouis donc que le projet de loi réclame leur libération.
De plus, on cible les minorités religieuses et ethniques. Permettez-moi de parler du cas des baha'is. Loin de s'améliorer, leur situation s'est aggravée.
Tout comme le sort des personnes possédant la double nationalité.
Je pourrais continuer. J'ai écrit ailleurs que 12 indicateurs prouvent l'aggravation de la situation des droits de la personne en Iran.
Quand nous entamerons le dialogue avec l'Iran, nous enverrons aux Iraniens le message que nous sommes avec eux, que nous sommes solidaires avec eux et que nous ne cesserons que lorsque l'Iran libérera les prisonniers politiques et qu'il mettra fin à la torture et à la détention. En entamant le dialogue avec l'Iran, nous continuerons de responsabiliser le régime, pas parce que c'est l'objectif de ce dialogue, mais parce que l'Iran et nous-mêmes, qui sommes membres de la communauté internationale, nous sommes obligés de faire cesser ces pratiques. Nous chercherons à combattre la culture de l'impunité qui règne en Iran, dont les victimes sont les Iraniens.
La sénatrice Cordy : Je vous remercie tous les deux pour votre éclairage sur l'Iran. Nos projets de loi, nous les voulons pratiques et non seulement décoratifs.
De la question de la sénatrice Saint-Germain découle l'obligation, pour le ministre, d'adresser au Parlement un rapport annuel sur les abus qui ont lieu en Iran. Je pense que vous avez brillamment réussi, monsieur Cotler, à bien distinguer les Iraniens et le régime iranien. Ce sont les Iraniens que nous voulons vraiment aider.
Mais le rapport annuel et la liste, dans la partie 3, de toutes les personnes à qui, parmi d'autres détenant un poste officiel en Iran, il faut demander des renseignements ou des porte-parole d'organisations de ce pays, l'OCE, l'Organisation de coopération économique, serait un exemple de l'exécution d'un homme sous les ordres de Khamenei. Ça n'est même pas signalé en Iran.
Ce projet de loi obligera le ministre à obtenir ces renseignements. Quels sont les détails pratiques de l'obtention, par un ministre, de renseignements crédibles à présenter au Parlement du Canada?
M. Cotler : Il existe des sources ouvertes. En fait, M. Golestaneh a accès à certaines de ces sources. Pendant notre semaine de la responsabilisation de l'Iran, il a comparu devant nous pour témoigner et il nous a communiqué ce type de renseignements consignés.
En 2016, le rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des droits de l'homme en Iran a publié des rapports en mars, mai et septembre. Ces rapports détaillés et complets exposent les violations de ces droits en Iran relativement à chacun des indicateurs qui se trouvent dans votre rapport et certains autres même qui n'y figurent pas.
Je pense donc que le rapport, même s'il ne demande au ministre que de publier un rapport annuel sur le terrorisme et les violations des droits de la personne parrainés par l'État iranien, pourrait même être plus complet, en s'inspirant des rapports onusiens. J'ai parlé du rapporteur spécial de l'ONU, mais d'autres rapporteurs ont aussi enquêté sur chacune des procédures thématiques. L'Union européenne rassemble des renseignements. Les États-Unis tiennent des audiences permanentes du Congrès, à la Chambre et au Sénat, pour recueillir des renseignements sur chacun des trois thèmes dont j'ai parlé, mais moins, dans la plupart des cas, sur l'incitation à la haine.
Notre apport à ce sujet et sur le terrorisme et les droits de la personne peut être marqué.
Les Iraniens eux-mêmes peuvent nous renseigner, même si, de l'avis de tous, ils doivent se montrer prudents, de peur de se faire eux-mêmes jeter en prison pour avoir propagé des renseignements. Mais une partie de ces renseignements provient d'anciens prisonniers politiques et d'assimilés.
Cette semaine, je me rends à Genève, à un sommet sur les droits et la démocratie, qui attire l'attention sur l'affaire et sur la cause des prisonniers politiques. Parmi les prisonniers politiques ou les familles de prisonniers politiques, d'anciens prisonniers politiques iraniens viendront témoigner.
Les sources ouvertes sont donc nombreuses. Je pense que le Canada peut jouer un rôle notable et distingué dans le recueil de ces renseignements et la formulation de remèdes juridiques, le tout conformément à votre projet de loi.
La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie de votre exposé. La mort du chef suprême risque de créer un vide du pouvoir et, peut-être, une prise de contrôle par les Gardiens de la Révolution islamique. Je m'intéresse particulièrement à Qassem Soleimani, commandant très populaire des forces Al-Qods.
M. Golestaneh, quel rôle jouerait-il? On a l'impression qu'il est mûr pour une promotion et qu'il pourrait diriger le corps des Gardiens de la Révolution islamique, les GRI. Je voudrais donc vous questionner sur l'influence politique des GRI. Est-ce que la succession au pouvoir en Iran subirait l'influence de ses rapports politiques avec l'Ouest et celle du type de loi que nous envisageons avec le projet de loi S-219?
M. Golestaneh : Je me réjouis de cette question. En ce qui concerne Qassem Soleimani, ça fait aussi suite à la question posée sur notre façon de nous renseigner.
Certaines sources de renseignements sont très ouvertes, notamment la chaîne de commandement des GRI, les forces Al-Qods et Qassem Soleimani, dont le nom figure dans beaucoup de rapports onusiens et américains et a même été entendu pendant les négociations nucléaires préliminaires avec l'Iran. Il a été sanctionné, mais, malheureusement, nous le voyons libre de ses mouvements en Irak, en Syrie et en Russie, serrant la main de représentants de ces pays et dirigeant, sur le champ de bataille, des opérations contre des civils. Nous en avons constaté les effets catastrophiques en Syrie et en Irak.
Qassem Soleimani commande les forces extraterritoriales des GRI, les forces Al-Qods. Je dois aussi souligner que les GRI ont eux-mêmes été créés peu après la révolution par le chef suprême de l'époque Khomeyni pour faire contrepoids à l'armée iranienne ou neutraliser le risque de coup d'État qu'elle posait, mais, pendant toute la guerre entre l'Iran et l'Irak, l'un des slogans des GRI et de l'armée était que la route vers Qods, autrement dit Jérusalem, passait par Karbala. On l'a ainsi consacrée comme une étape de la méthode du Croissant shiite selon laquelle la possession de l'Iran, de l'Irak et de la Syrie conduit à Jérusalem.
Quand vous dites qu'il est un commandant populaire, ça veut dire qu'il est connu. Il est bien connu, en fait, en sa qualité de commandant. Je ne dirai pas qu'il est populaire, je dirai qu'il est bien connu.
La sénatrice Ataullahjan : Parmi les GRI, c'est vrai.
M. Golestaneh : Les nombreuses factions qui existent même chez les GRI relèvent toutes du chef suprême. Comme je l'ai dit dans mon exposé, même avec leur budget, elles n'ont de compte à rendre à personne, pas même dans le cadre de la constitution iranienne qui, en soi, a son propre objectif. Elles n'ont de compte à rendre qu'au chef suprême.
C'est plus qu'une force militaire parce qu'elle contrôle 70 p. 100 de l'économie iranienne, comme le Khatam Al- Anbia, qui est le principal conglomérat chargé de la plus grande partie de la construction des ouvrages de défense, des essais de missiles et de la construction dans le pays. Nous pouvons comprendre que nos discussions sur des sanctions ou des sanctions non nucléaires touchent directement les GRI.
Qassem Soleimani a été un commandant de premier plan des forces Al-Qods et une cheville ouvrière de toute l'opération qui a eu lieu en Irak et en Syrie. Mais ce n'est pas le seul. Depuis 2003, tous les ambassadeurs iraniens en Irak sont des commandants des GRI. L'ambassadeur iranien actuel, Irij Masjidi, nommé quelques jours avant l'intronisation de la nouvelle administration américaine, est aussi un haut gradé des forces Al-Qods. Mais aucun d'entre eux ne nie qu'il commande des forces Al-Qods ou les GRI.
Des sources ouvertes informent donc le ministre sur la façon de désigner les GRI et de s'occuper de la partie du projet de loi qui porte sur cette désignation, sans parler d'autres renseignements donnés par M. Cotler sur les sources ouvertes concernant les violations flagrantes des droits de la personne.
Sur les Iraniens mêmes, et j'entends par eux l'opposition iranienne, je tiens notamment à souligner, comme il l'a fait, qu'on peut interagir avec de nombreux groupes de leur diaspora et obtenir des renseignements qui seraient corroborés. Je ne dis pas qu'il faut les croire sur parole, mais leurs affirmations peuvent être corroborées par l'ONU et d'autres sources ouvertes.
Le sénateur Marwah : C'est un privilège de vous rencontrer, monsieur Cotler. Vous avez, au service de la population, un bilan remarquable.
M. Golestaneh a soulevé une question, et, dans vos observations, vous avez dit que le projet de loi recevrait l'appui de beaucoup d'Irano-Canadiens, je ne me souviens pas exactement comment vous les avez qualifiés. Mais, la semaine dernière, les réactions du Congrès irano-canadien nous ont donné l'impression qu'il n'est pas dans l'intérêt des Irano- Canadiens, du moins d'un grand nombre sinon la majorité d'entre eux. Qui croire?
Ma deuxième question touche la façon de concilier les intérêts des d'Irano-Canadiens qui estiment que ce n'est pas dans leur intérêt, pour le Canada, de jouer son rôle, qui est très important, de promotion des droits de la personne et de la lutte antiterroriste en Irak. Comment concilier les deux?
M. Golestaneh : D'abord, je crois personnellement que le Canada ne doit pas se soucier de plaire ou de déplaire à certains groupes, y compris à nous, dans sa ligne de conduite, ses décisions et ses actions.
Le sénateur Marwah : Ce n'est pas ce que je voulais savoir. Ma question est : est-ce que les Irano-Canadiens appuient ce projet de loi?
M. Golestaneh : Absolument. L'immense majorité d'entre eux appuieraient les sanctions visant les auteurs de crimes contre l'humanité, y compris ceux qui les ont obligés à venir au Canada pour échapper à l'oppression et à l'intimidation. Il y aura des sanctions, et leurs bourreaux ne circulent pas dans nos rues. Absolument.
C'est un critère, mais, dans mes remarques, j'ai aussi dit que, même si on pouvait prétendre que ce n'est pas le cas, cela restait la bonne action à faire. La justice, ce n'est pas plaire ou déplaire à quelqu'un. C'est le droit international et les obligations internationales que nous devons honorer.
Cela étant dit, l'immense majorité des Irano-Canadiens appuieraient absolument des sanctions contre le CGRI, qui viole de façon flagrante les droits de la personne et qui incite au génocide et à la haine.
M. Cotler : Ayant témoigné devant le comité, je comprends les inquiétudes de certains Irano-Canadiens, et je les rassurerais sur la cible des sanctions, qui sont les auteurs des violations des droits de la personne, et sur leur objectif, qui n'est pas de porter préjudice au peuple iranien à cause de leur libellé général. En fin de compte, il s'agit de protéger les Iraniens contre les auteurs des violations des droits de la personne. Ce sont donc eux que nous visons. Je sais que Marina Nemat en a parlé dans son témoignage.
Ensuite, le Congrès irano-canadien — et c'est là peut-être l'origine des suppositions qui ont été faites — a en quelque sorte supposé ou avancé l'argument selon lequel l'adoption du projet de loi nuirait au dialogue à venir avec l'Iran ou qu'elle contredirait l'idée d'un début d'un dialogue avec l'Iran. Je réponds que c'est réfléchir à l'envers parce qu'il faut considérer comme condition préalable la nécessité d'entamer le dialogue avec l'Iran. Mais ce dialogue, il faut le considérer au sens le plus large, celui qui n'englobe pas seulement le gouvernement, mais aussi le peuple. Ce dialogue vise à faire rendre des comptes au peuple par les auteurs des violations. Nous collaborons avec le gouvernement, parce qu'il reste le gouvernement, pour veiller à ce qu'il honore les obligations internationales contractées en sa qualité d'État signataire des traités internationaux.
Un passage de votre projet de loi, je pense, peut avoir un effet incitatif. Il prévoit, et je terminerai sur cette citation, les mesures suivantes :
[...] le maintien des sanctions canadiennes actuelles contre l'Iran jusqu'à ce que deux rapports annuels consécutifs concluent qu'il n'y a aucune preuve crédible établissant que des actes constituant des activités terroristes ou de l'incitation à la haine imputables à l'Iran ont été commis et que celui-ci a réalisé des progrès considérables dans le respect des droits de la personne;
C'est pour encourager le gouvernement iranien à se conformer à cette loi et, de la sorte, améliorer la situation pour toutes les parties concernées.
Le vice-président : Chers collègues, je regrette de vous informer que la séance du comité est arrivée à son terme prévu. J'ai demandé à notre greffière de placer les noms des deux sénateurs qui n'ont pas eu la chance de poser de question aujourd'hui au début de la liste des interrogateurs de la prochaine séance, où nous discuterons encore du projet de loi S-219. Malheureusement, ce ne pourra pas être avec les mêmes témoins, mais il y en aura d'autres.
Au nom du comité, je remercie les témoins de nous avoir accordé leur temps, sachant à quel point ils sont occupés.
(La séance est levée.) |