Comités de sénat
Page précédente

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

OTTAWA, le jeudi 17 juin 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, auquel on a renvoyé le projet de loi C-2, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, de l'Accord sur l'environnement entre le Canada et la République de Colombie et de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République de Colombie, se réunit aujourd'hui à 10 h 30 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Translation]

La présidente : Chers collègues, nous accueillons un groupe de témoins dans le cadre de notre examen du projet de loi C-2, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, de l'Accord sur l'environnement entre le Canada et la République de Colombie et de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République de Colombie.

Comme on l'a convenu hier soir, nous commencerons notre examen du projet de loi en accueillant des représentants du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, du ministère du Travail et d'autres ministères qui pourraient être touchés par ce projet de loi et qui désirent comparaître devant notre comité.

Si j'ai bien compris, la négociatrice en chef de cet accord était Mme Carol Nelder-Corvari, directrice, Division de la politique commerciale internationale, du ministère des Finances.

Carol Nelder-Corvari, directrice, Division de la politique commerciale internationale, ministère des Finances Canada : Merci. Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour répondre à vos questions sur ce projet de loi.

Nous sommes très heureux d'en être rendus à cette étape puisqu'il y a déjà deux ans que nous avons terminé les négociations. Il s'agit d'un solide accord commercial avec la Colombie. Cet accord se compare très avantageusement à celui que les États-Unis ont négocié avec la Colombie. Nos exportateurs seront sur un pied d'égalité avec les autres exportateurs qui négocient également avec la Colombie dans plusieurs secteurs. L'Union européenne a conclu un accord avec la Colombie qui est sur le point d'être mis en œuvre. Les États-Unis, comme vous le savez, ont conclu leur accord il y a déjà un bon moment. Le Congrès américain a retardé l'adoption de l'accord, mais l'administration Obama indique que sous peu les choses devraient avancer.

Le Canada doit absolument solidifier sa présence sur ce marché en pleine expansion. La Colombie a connu une croissance importante au cours des dernières années, juste avant la récession, et semble déjà d'ailleurs se remettre du ralentissement économique.

Les exportations agricoles clés pour le Canada sont le blé, l'orge et les légumineuses. Nous exportons également de plus en plus de machinerie, camions légers et matériel d'exploitation minière en Colombie, qui élargit de façon importante ses activités minières et d'infrastructure. Il existe donc beaucoup de débouchés pour les exportateurs canadiens de marchandises, de services, ainsi que pour les investisseurs.

Nos investisseurs jouent un rôle important puisqu'ils créent un canal d'accès pour les exportations et les services. Il s'agit là de secteurs qui sont tout aussi importants les uns que les autres. Nous sommes convaincus qu'il s'agit d'un accord commercial très solide qui est appuyé par l'ensemble des intervenants canadiens qui attendent impatiemment sa mise en œuvre.

L'Accord de libre-échange (ALE) négocié avec la Colombie est un accord global. Il comporte des accords connexes dans les domaines du travail et de l'environnement et, pour la première fois, des chapitres sur la main-d'œuvre et sur l'environnement dans le but d'intégrer plus pleinement ces dossiers dans le modèle de l'ALE.

Je suis accompagnée de Pierre Bouchard, qui était le négociateur principal dans le secteur de la main-d'œuvre, et de Dean Beyea, le négociateur principal pour l'accès au marché. M. Brookfield, de la Direction générale du droit commercial du MAECI est ici pour répondre aux questions que vous pourriez poser sur les diverses dispositions. Mme Émilie Revil, de la Division de la Colombie du MAECI, est également des nôtres.

Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le sénateur Stollery : Ma première question s'adresse à Mme Nelder-Corvari. Savez-vous quel pourcentage de Colombiens travaillent dans le secteur agricole?

Mme Nelder-Corvari : L'agriculture représente un volet important de l'économie colombienne. Je n'ai malheureusement pas le chiffre exact.

Le sénateur Stollery : S'agit-il de 60 p. 100, de 70 p. 100? Au Canada, ce taux est de 1,5 p. 100.

Je pose cette question parce qu'à mon avis tout accord conclu avec la Colombie, un pays que je connais très bien, portera principalement sur l'agriculture. Je me rappelle du rapport de la commission Macdonald qui parlait de l'agriculture et de la culture comme étant deux secteurs sur lesquels il est pratiquement impossible de s'entendre lors de négociations commerciales, et c'est d'ailleurs pourquoi ils ne figurent pas dans l'accord de libre-échange Canada-É.-U. Il est donc important de connaître le pourcentage des Colombiens qui seront touchés par cet accord.

Mme Nelder-Corvari : Les principales importations de la Colombie dans le secteur agricole sont le café...

Le sénateur Stollery : Oui, le café, le sucre et les bananes. Certains les appellent les économies de dessert.

Mme Nelder-Corvari : C'est vrai, et il y a également les fleurs coupées. Ces secteurs seront avantagés par cet accord. De plus, les Colombiens accordent une grande importance aux exportations de textiles et de vêtements vers le Canada, surtout parce qu'au cours des derniers mois les exportations vers le Venezuela et l'Équateur ont été perturbées. Les Colombiens jugent que le Canada est un marché important pour ces secteurs également.

Le sénateur Stollery : Comme vous le savez sans aucun doute, il y a eu d'énormes problèmes. Notre comité est parfaitement conscient de ces problèmes qui nous ont été signalés lorsque nous avons parlé aux représentants des trois partis politiques lors de notre passage à Mexico. La seule chose sur laquelle ils s'entendent, ce sont les problèmes liés au secteur agricole dans les accords de l'ALENA et sur le fait que cela a mené à une dépopulation de grandes régions du Mexique. A-t-on tenu compte de cette question lorsqu'on a négocié avec la Colombie? J'ai lu les statistiques sur la Colombie, mais compte tenu de la guerre civile, je me demande si ces chiffres sont vraiment fiables. Est-ce que les problèmes sont semblables?

Mme Nelder-Corvari : Vous avez raison sénateur : l'agriculture est très importante pour la Colombie. C'est pour cette raison que leurs représentants agricoles ont fait partie intégrante de l'élaboration de la position de la Colombie dans le cadre des négociations; cette position se reflète d'ailleurs dans les résultats obtenus.

Le sénateur Stollery : Je comprends, mais les exportateurs de café n'ont pas de problème puisqu'on ne produit pas de café au Canada. Les secteurs du café, du sucre, des bananes et des fleurs, comme je l'ai déjà dit, sont souvent appelés en souriant les économies de dessert. Je sais que le secteur des textiles n'est pas très grand mais il est quand même important.

La situation semble refléter un peu ce qui s'est passé dans le secteur agricole mexicain. Les horticulteurs exportateurs appuyaient tous l'ALENA. Cependant, ce n'est pas dans ce secteur que les gens travaillent; le secteur agricole et le secteur du riz parce que comme vous le savez, les Colombiens mangent beaucoup de haricots et de riz. Cela a représenté un gros problème au Mexique; les producteurs de haricots et de maïs ont été anéantis. C'est là une des sources de tous les massacres dont nous avons entendu parler et la source d'instabilité près de la frontière mexicaine.

Je ne sais pas quel pourcentage de Colombiens travaillent dans ce secteur qui doit être le plus important de leur économie.

Mme Nelder-Corvari : Je ne connais pas le pourcentage exact. J'hésite à vous fournir des chiffres. L'honorable sénateur a probablement raison quand il dit qu'il s'agit certainement d'un pourcentage plus élevé que celui au Canada.

Nous avons ce genre de négociations avec des pays en développement comme la Colombie. Par définition, il y a une période d'élimination progressive plus longue et le tarif douanier est offert au nom de la Colombie en raison de la reconnaissance d'un besoin de rajustement.

Comme je l'ai dit, il y a eu des discussions intenses avec la Colombie sur toute la gamme des ALE auxquels la Colombie a participé au nom du secteur agricole. J'ai eu le plaisir de rencontrer plusieurs représentants de ce secteur lorsque j'étais là. Je peux vous assurer que leur position se reflète dans ce qui a été négocié par le gouvernement de la Colombie.

Le sénateur Stollery : J'en suis convaincu.

J'aimerais poser une dernière question. J'en connais un peu sur les accords commerciaux, et il en va de même pour le comité parce qu'il y a déjà plusieurs années que nous nous penchons sur ce dossier. L'aspect le plus important c'est le mécanisme de règlement des différends. Après tout, dans la plupart des échanges commerciaux il n'y a pas de problème. Les Colombiens n'ont jamais eu de difficulté à vendre leur café, leur sucre, leurs fleurs ou leurs bananes au Canada. Ce qui compte, c'est le mécanisme de règlement des différends.

Comme nous le savons au Canada, les différends les plus difficiles à régler touchent toujours le secteur forestier ou agricole. Nous n'avons jamais pu régler le conflit sur le bois d'œuvre avec les Américains. Nous savons que les producteurs de céréales continuent à intenter des poursuites contre les Américains pour une mesure illégale ici ou là.

Je me trouve dans une position particulièrement ridicule parce qu'après tout je suis Canadien et je défends les intérêts du Canada. Je comprends.

À votre avis, comment un pays en développement comme la Colombie se tirerait-il d'affaire dans un différend avec le Canada, je pense aux coûts, les frais d'avocat et les choses du genre? Le dernier chiffre que j'ai entendu pour le différend du bois d'œuvre était de 300 millions de dollars, et cela remonte à 10 ans. Comment la Colombie pourrait-elle se défendre mieux que les Mexicains lors d'un différend; n'oubliez pas que les Mexicains n'ont certainement pas eu gain de cause! Le différend est vraiment notre seule préoccupation.

Mme Nelder-Corvari : Je peux vous dire que lors des négociations avec la Colombie, j'ai rencontré plus d'avocats que d'économistes. Je peux vous assurer qu'ils savent très bien défendre leurs intérêts et que la Colombie a une tradition juridique très solide et nous n'avons pas à nous inquiéter de ses compétences à cet égard.

Comme vous le dites, le règlement différent existe justement pour régler les différends...

Le sénateur Stollery : Et un accord commercial n'est rien de plus.

Mme Nelder-Corvari : ... sans créer les tensions politiques qui peuvent se produire lorsqu'il y a des problèmes commerciaux.

Le chapitre sur le règlement des différends, comme pour nos autres ALE, permet d'assurer que chaque partie peut présenter ses arguments de façon juste et équitable. Le règlement de ces différends se fait de façon indépendante.

Le sénateur Stollery : Cela ne s'est jamais produit entre le Canada et les États-Unis, mais je serais intéressé de voir comment cela se produira avec la Colombie.

Monsieur Bouchard, la Colombie n'a pas de syndicat; il y a ce qu'on appelle los gremios, des syndicats d'entreprise. Je pense que la question importante c'est celle du mécanisme de règlement des différends. Je n'insisterai pas trop là-dessus parce que ça ne fonctionnera jamais alors rien ne sert de perdre du temps sur cette question.

Cependant, j'ai été un peu étonné par la nature du débat parce que les critères devraient se concentrer sur le fait que la Colombie ne pourrait jamais avoir gain de cause lors d'un règlement des différends mais les négociateurs se sont plutôt concentrés sur l'aspect main-d'œuvre de cet accord.

Cela fait déjà un bon moment que j'ai parlé à quelqu'un de Bogota. Il s'agit d'un ancien représentant de l'OIT. Il m'a dit qu'il n'y a pas de syndicat en Colombie. Qu'il s'agit simplement de syndicats d'entreprise. La compagnie d'assurance a un syndicat, la banque aussi, et l'Association des producteurs de café de Colombie qui a son propre gouvernement. On m'a décrit la situation comme suit : il s'agit d'un système de gouvernement parallèle en raison de l'histoire mouvementée de la Colombie. J'aime beaucoup la Colombie. Je ne dis pas cela pour critiquer. La Colombie a d'énormes problèmes.

Quel impact un accord sur la main-d'œuvre pourrait-il avoir sur un pays qui n'a même pas de syndicat?

Pierre Bouchard, directeur, Affaires bilatérales et régionales du travail, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : La Colombie a des syndicats traditionnels, comme on les connaît.

Le sénateur Stollery : Dans quels secteurs?

M. Bouchard : Dans les secteurs privé, public, agricole et industriel. Le taux de participation à un syndicat a en fait augmenté. Au cours des dernières années, il est passé de 4 à environ 7 p. 100, ce qui est quand même un taux assez faible.

Sénateur, vous songez peut-être à d'autres organisations qui pourraient présenter des problèmes. De fait, le gouvernement colombien aussi juge qu'elles présentent un problème, et on les appelle les « coopératives ». Il s'agit d'organisations où les employeurs auront voix au chapitre. Cependant, le gouvernement essaie de modifier ses lois afin de s'assurer que ces organisations ne minent pas le rôle des syndicats traditionnels. Tous sont conscients du problème. C'est peut-être de cette question dont vous parlez.

Le sénateur Stollery : Le terme espagnol que je connais très bien est los gremios. Je suis allé à Melgar à plusieurs reprises, et quand vous êtes là vous voyez tous ces centres récréatifs qui sont tous indépendants. Il s'agit d'une série de syndicats d'entreprise. L'armée a sa propre organisation. C'est ce que m'a dit un de leurs représentants à l'OIT à Genève.

Pour avoir un secteur de syndicats traditionnels, vous devez avoir un secteur industriel. Le seul que je connaisse dans ce pays est celui du textile. Ils ont une bourse à Medellin depuis 1943, il existe donc un secteur du textile.

M. Bouchard : L'ancien ministre Blackburn et moi avons visité certaines des entreprises et parlé à des représentants des syndicats. Je pense que les syndicats prennent diverses formes. Il y a les syndicats traditionnels et les coopératives. Il y a également les associations qui regroupent divers types d'employés et même d'employeurs. Il y a toute une gamme de regroupements du genre.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Bienvenue à tous nos témoins, nous sommes enchantés de vous recevoir à notre comité ce matin.

Le projet de loi C-2 contient des ententes collectives et environnementales qui, d'après les fonctionnaires canadiens et les négociateurs internationaux, sont non seulement les plus robustes que nous ayons signées en tant que pays en comparaison avec n'importe quel autre pays, mais aussi les plus robustes de tous les accords conclus entre n'importe quels pays du monde.

Étant donné que nous avons déjà les relations commerciales avec la Colombie, pouvez-vous envisager que ce nouvel accord fondé sur des règles puisse avoir tout autre effet que d'améliorer les normes du travail et les conditions environnementales?

[Traduction]

Mme Nelder-Corvari : Le renforcement des droits de la main-d'œuvre en Colombie est un objectif important du Canada dans le cadre de ces négociations. C'est pour cette raison que nous avons essayé d'assurer une plus grande aide étrangère au secteur. Les négociateurs parlent du caractère robuste de l'accord sur la main-d'œuvre, mais c'était certainement là un de nos objectifs. La Colombie n'a pas caché son désir de renforcer les traditions dans ces secteurs. Elle a convenu de respecter les principes élaborés par l'Organisation internationale du Travail et de refléter ces principes dans ses lois. Il a fallu faire beaucoup d'efforts pour protéger les représentants des syndicats dans le cadre d'un programme de plusieurs millions de dollars qui vise à assurer la sécurité.

Ce sont des efforts qu'ont faits les représentants colombiens, ce qui fait preuve d'une certaine ouverture. Les représentants colombiens reconnaissent que des améliorations s'imposent et qu'il existe de vrais problèmes avec lesquels ils devront composer. Ils se tournent vers d'autres pays, comme le Canada, et vers des accords semblables afin d'essayer d'aller de l'avant. La vigilance du Canada à cet égard sera un important aspect de la mise en œuvre de l'accord.

M. Bouchard : Il y a deux volets touchant la main-d'œuvre dans l'accord. Le premier élément porte sur le caractère global de l'engagement, la nature même de ce niveau d'engagement. L'autre pilier est le mécanisme de règlement des différends qui vise à assurer que d'autres pays respecteront cet engagement.

Lorsque nous décrivons cet accord, nous pouvons dire sans hésitation qu'il est le plus exhaustif. Nous aimons bien utiliser le terme exhaustif quand on parle du niveau d'obligation. Il s'agit de l'accord en matière de main-d'œuvre le plus exhaustif que le Canada ait signé. Au niveau des engagements ou des obligations, comme vous l'avez signalé, nous sommes allés plus loin que des accords semblables ou les chapitres sur la main-d'œuvre signés par les États-Unis. Nos négociations étaient plus détaillées que les négociations qui ont eu lieu entre l'Union européenne et la Colombie. Pour ce qui est des engagements, cet accord va plus loin que n'importe quel autre accord.

Je peux vous assurer que le mécanisme de règlement des différends est très robuste. Évidemment, nous essaierons de régler tout différend en ayant recours à la coopération. C'est la meilleure façon de régler les problèmes. Nous essayons de trouver une façon de régler les problèmes plutôt que d'avoir recours au mécanisme de règlement des différends. Cependant, s'il n'y a pas un respect ou observation, il pourrait y avoir une sanction pécuniaire qui pourrait atteindre 15 millions de dollars par année et qui serait déposée dans un fonds afin d'assurer que l'on règle ainsi les problèmes.

Il faut cependant être réaliste; certains semblent d'avis que notre façon de faire les choses n'est peut-être pas aussi robuste que l'approche américaine, qui rend possible les sanctions commerciales, et dans le cadre de laquelle l'argent n'est pas déposé dans un fonds de collaboration. Il y a toutes sortes de différences. Nous jugeons que notre façon de faire les choses est tout aussi robuste et que notre proposition permettra de trouver des solutions. Évidemment, tout le monde ne s'entend pas sur le caractère robuste du mécanisme de règlement des différends, mais il est clair que ces engagements sont exhaustifs. Même certains représentants syndicaux reconnaissent qu'il s'agit là des engagements les plus exhaustifs qui soient.

Le sénateur Di Nino : Bienvenue. Les seules vraies critiques que j'ai entendues proviennent de ceux qui s'inquiètent des lois du travail, de l'environnement et des droits de la personne. Nous avons eu de bonnes explications de l'accord sur la coopération et la main-d'œuvre.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur l'accord sur l'environnement, qui est également une question fort importante?

Mme Nelder-Corvari : Les négociations sont plutôt intéressantes. Il existe une idée préconçue; certains pensent que les pays en développement ne veulent pas conclure d'accord sur l'environnement et la main-d'œuvre parce que leurs lois nationales ne sont pas à la hauteur et ils craignent que cela ne les force à respecter les normes élaborées par les pays industrialisés. Ce n'était pas le cas, et il en va ainsi dans la plupart des cas.

De fait, la Colombie est un bon exemple parce qu'elle a négocié un accord exhaustif avec les États-Unis qui comportait le volet sur l'environnement. Tout cela a créé des attentes au sein de la société civile qui s'attend à voir le même genre de dispositions dans le prochain accord. Ils s'attendent à ce que leur patrimoine environnemental soit protégé. C'est ce que les représentants colombiens ont dit lors des négociations. Les négociations sur la main-d'œuvre et l'environnement se sont très bien déroulées. Les représentants ont fait des efforts pour faire avancer le dossier, dans tous les secteurs.

Pour ce qui est de l'environnement, l'accord stipule que la Colombie doit en fait appliquer ses lois. L'accord signale l'importance de la protection de la biodiversité et nos droits respectifs, conformément à la Convention internationale sur la diversité biologique. L'accord comporte des dispositions signalant que la Colombie peut assouplir ses lois environnementales afin de faire la promotion du commerce et des investissements.

Il s'agit là de dispositions standard dans nos accords. Nous sommes allés un peu plus loin dans le secteur de la main-d'œuvre en raison de l'intérêt particulier manifesté par la Colombie à cet égard. Nous avons fait des efforts particuliers pour renforcer les progrès déjà effectués par la Colombie.

Les engagements ou l'imposition de sanctions en ce qui a trait à l'environnement et à la main-d'œuvre ne sont pas aussi importants que la coopération avec la Colombie. La vraie différence sera que les pays collaboreront en fonction de principes internationaux afin d'assurer des droits plus solides à la fois dans le domaine de l'environnement et de la main-d'œuvre.

La présidente : J'aimerais souhaiter la bienvenue à l'honorable Peter Van Loan, ministre du Commerce international, et à l'honorable Lisa Raitt, ministre du Travail.

Les deux ministres sont venus nous présenter la position du gouvernement sur le projet de loi C-2. Nous avons commencé avec les fonctionnaires puisque les ministres ne pouvaient être des nôtres plus tôt.

L'honorable Peter Van Loan, C.P., député, ministre du Commerce international : Merci, madame la présidente. Vous avez déjà entendu les témoignages des fonctionnaires. Je ne sais pas vraiment ce que nous pouvons ajouter. Nous sommes cependant très heureux d'être des vôtres aujourd'hui pour vous parler de l'accord de libre-échange Canada-Colombie.

De nos jours, avec la mondialisation, nous ne pouvons nier que la prospérité économique du Canada, son engagement à la gouvernance démocratique et la sécurité de nos citoyens sont liés à ceux de nos voisins. C'est pourquoi le premier ministre Harper a annoncé en 2007 qu'il ferait des liens plus étroits avec les Amériques une priorité de la politique étrangère du Canada.

[Français]

Dans son annonce, le premier ministre a indiqué que la vision du Canada pour les régions reposerait sur trois piliers : renforcer le soutien à la gouvernance démocratique, bâtir un hémisphère sûr; et accroître la prospérité des citoyens. Ces piliers seraient indépendants et se renforceraient mutuellement.

[Traduction]

La Colombie, qui est une des plus vieilles démocraties en Amérique latine, avec une tradition bien établie d'institutions démocratiques, est un associé solide pour cette participation accrue. Le gouvernement de la Colombie continue à s'orienter vers une démocratie plus prospère, équitable et sécuritaire. La Colombie a pris les mesures qui s'imposaient pour atteindre ces objectifs.

[Français]

Le gouvernement du Canada croit fermement qu'il est essentiel pour le Canada et les autres pays de poursuivre des politiques d'engagement et de soutien de la paix en Colombie et qu'en créant des débouchés économiques, nous pouvons contribuer à l'amélioration des conditions en Colombie. L'Accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie peut aider à créer ces débouchés.

[Traduction]

La Colombie a déjà démontré qu'elle se dévoue à l'amélioration de la condition économique de ses citoyens. La Colombie est un marché fort et intéressant d'environ 48 millions de personnes, un pays qui a une politique macroéconomique sûre et qui, grâce au leadership actuel, assure une sécurité accrue. Ces facteurs ont su mener à des conditions économiques favorables.

L'accord de libre-échange avec la Colombie est un élément fondamental qui permettra aux entreprises canadiennes de profiter de nouveaux débouchés et de se trouver une niche sur ce marché. Cet accord, ainsi que les accords parallèles sur l'environnement et la coopération en matière de main d'œuvre sont un élément central du programme général du Canada en matière de libre-échange et de la politique étrangère du pays.

Comme vous le savez, chers sénateurs, le Canada a adopté une série d'accords de libre-échange Ainsi, nous avons conclu des accords avec les États-Unis et le Mexique, dans le cadre de l'ALENA, avec Israël, le Chili, Costa-Rica et le Pérou. Plus récemment, nous avons mis en œuvre de nouveaux accords de libre-échange avec les pays membres de l'Association européenne de libre-échange. Les mesures législatives afférentes sont actuellement à la Chambre des communes pour un accord de libre-échange avec la Jordanie. Le gouvernement a également signé un accord de libre-échange avec le Panama le 14 mai 2010.

Nous avons participé à trois cycles réussis de négociation qui semblent progresser un peu plus rapidement que prévu dans le but de conclure un accord de libre-échange avec l'Union européenne. D'autres négociations sont prévues en juillet et en octobre. Puis nous ferons le point avant de voir aux derniers détails dans le but de conclure un accord de libre-échange — les Européens parlent d'une entente commerciale générale — d'ici la fin de 2011.

Nous négocions également avec nombre d'autres pays. Nous avons récemment amorcé des négociations officielles avec l'Ukraine. Nous participons actuellement à des négociations avec ce que nous appelons les quatre pays d'Amérique du centre — le Salvador, le Guatemala, le Nicaragua et le Honduras. Nous avons également lancé des discussions avec le CARICOM et la République Dominicaine. Nous explorons diverses possibilités ailleurs, comme au Maroc. Nous faisons actuellement le travail préparatoire pour des négociations avec l'Inde. Nous insistons toujours auprès du Japon, qui hésite plus, afin de voir ce qu'on peut faire.

La Colombie a toujours été un partenaire commercial important pour le Canada. En 2009, notre commerce bilatéral de marchandises s'élevait à 1,3 milliard de dollars. Au cours des cinq dernières années, les exportations du Canada vers ce pays ont augmenté de 55 p. 100.

Les entreprises canadiennes sont parfaitement conscientes du potentiel de ce marché. Cela vaut tout particulièrement pour le secteur agricole. En 2009, le Canada a exporté près d'un quart de milliard de dollars de produits agroalimentaires en Colombie. La Colombie est le deuxième marché en importance en Amérique du Sud pour les produits agricoles canadiens.

Pour ce qui est des investissements étrangers, les investissements du Canada en Colombie s'élèvent à près de 1 milliard de dollars. Nous avions atteint environ 800 millions de dollars en 2009. L'exploitation des services en Colombie fluctue entre 80 et 85 millions de dollars par année.

Le fait est que les exportateurs, les investisseurs et les fournisseurs de services canadiens seront désavantagés si nous ne saisissons pas toutes les occasions qui s'offrent à nous. D'autres importants partenaires commerciaux sont conscients du potentiel qu'offre le marché colombien. Notre principal concurrent, les États-Unis, est déjà mieux placé au plan géographique que le Canada pour avoir des échanges commerciaux avec la Colombie.

La mise en œuvre de cet accord de libre-échange représente une occasion rêvée d'aider nos exportateurs, investisseurs et fournisseurs de services pour qu'ils puissent renforcer leur position.

[Français]

Une fois mis en œuvre, l'Accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie profitera aux exportateurs canadiens en faisant tomber certains obstacles commerciaux importants sur le marché colombien. Par exemple, la Colombie éliminera les tarifs douaniers sur presque toutes les exportations canadiennes actuelles vers la Colombie, notamment sur le blé, les légumineuses, le grain et le matériel d'exploitation des mines. Et plus de 85 p. 100 des produits agricoles canadiens exportés en Colombie seront automatiquement en franchise de droits.

L'élimination de ces droits représente un avantage majeur pour les producteurs agricoles et agroalimentaires canadiens. Ce secteur est essentiel pour le Canada car il contribue pour environ 100 milliards de dollars au produit intérieur brut du pays et emploie plus de deux millions de Canadiens.

[Traduction]

C'est toute l'économie canadienne qui ressentira les avantages découlant de cet accord. On s'attend également à ce qu'il ait un impact positif sur le secteur canadien de la fabrication. L'économie colombienne a connu un taux de croissance rapide au cours des dernières années, et les entreprises canadiennes y ont fait des investissements importants. La présence d'entreprises canadiennes a également permis d'ouvrir des possibilités pour les exportateurs canadiens de produits industriels, tout particulièrement le matériel utilisé pour l'exploitation du pétrole, du gaz et des minéraux. Parmi les plus importantes exportations du Canada vers la Colombie, on retrouve les camions bennes à caractère non routier et les pièces automobiles. Cet accord saura aider les exportateurs de ces produits.

Pour les investisseurs canadiens et colombiens, l'Accord de libre-échange Canada-Colombie présente d'importants avantages. Les investissements réciproques sont un outil très important de l'économie mondiale. Il importe donc pour le Canada de conserver des investissements au Canada et de faire des investissements à l'étranger avec nos partenaires internationaux — des partenaires qui incluent la Colombie.

Grâce en partie aux secteurs pétrolier, gazier et minier de la Colombie qui sont en plein essor, ce nombre devrait augmenter au cours des années à venir.

[Français]

Ce ne sont que quelques exemples des intérêts majeurs du Canada et des possibilités que le Canada peut offrir à ses partenaires colombiens. Cet accord offre un niveau sans précédent de stabilité, de prévisibilité et de protection. Il établit un cadre juridique stable avec des obligations rigoureuses qui garantiront la liberté de transfert de capitaux de placement et qui protégeront les investisseurs contre l'expropriation. Grâce à cet accord, les investisseurs auront aussi accès à des procédures transparentes, exécutoires et impartiales de règlement des différends.

[Traduction]

Notre secteur des services profitera également de l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie et ce secteur est un moteur clé de l'économie canadienne, 71 p. 100 de notre produit intérieur brut et trois emplois sur quatre au Canada pouvant être attribués à ce secteur. Le marché colombien offre de nombreuses possibilités de croissance dans le secteur des services, notamment dans les domaines des finances, des services juridiques, de l'ingénierie et de la haute technologie.

Les fournisseurs de services canadiens ont une forte présence sur le marché colombien. Les secteurs des finances, des mines, de l'ingénierie, de l'extraction pétrolière et du tourisme viennent augmenter ces chiffres.

[Français]

Cet accord assurera aux fournisseurs de services un environnement sûr, prévisible, transparent et fondé sur des règles et il fournira d'autres mesures visant à accroître le niveau de confiance.

Grâce à cet accord, les fournisseurs de services canadiens peuvent planifier en prévision de l'avenir et être certains qu'ils recevront le même traitement que celui réservé aux fournisseurs de services colombiens. Ce ne sont que quelques exemples des nombreux avantages qui découleront de cet accord de libre-échange.

[Traduction]

Il s'agit d'un accord global qui inclut des obligations dans divers domaines, notamment en ce qui concerne les services financiers, l'entrée temporaire pour les gens d'affaires, les obstacles techniques au commerce et les mesures sanitaires et phytosanitaires pour les produits agricoles et agroalimentaires.

Le gouvernement s'est engagé auprès des Canadiens à les aider à être concurrentiels et à avoir du succès, et cet accord est conclu à un moment où les sociétés canadiennes pourraient vraiment utiliser cet avantage par rapport à nos concurrents. Si nous adoptons ce projet de loi et qu'il est mis en œuvre rapidement, il est clair que nous aurons un avantage concurrentiel par rapport à d'autres pays, notamment les États-Unis et les pays de l'Union européenne qui, bien qu'ils aient négocié des accords de libre-échange, ne les ont pas encore mis en œuvre.

L'honorable Lisa Raitt, C.P., députée, ministre du Travail : Il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui. Je tiens tout d'abord à vous remercier de m'avoir invitée à parler du projet de loi C-2 qui porte notamment sur le nouvel accord d'envergure signé par le Canada et la Colombie, soit l'accord de coopération dans le domaine du travail.

J'aimerais discuter de cet accord en abordant trois angles : la force de ce type d'accords internationaux, l'importance du processus et la façon dont cet accord contribuera à faire avancer le respect des droits de la personne en Colombie et ailleurs dans le monde.

L'une des principales forces du nouvel accord concerne les avantages économiques pour le Canada, et le ministre Van Loan en a parlé. Le gouvernement a souvent souligné que le Canada demeure absolument déterminé à respecter les principes de libre-échange et de libéralisation des marchés. Notre gouvernement croit qu'en stimulant la croissance économique, un pays peut ensuite réduire la pauvreté. En créant des marchés plus vastes qui permettent de faire des affaires librement et de façon équitable, la croissance et les affaires sont encouragées et l'accès à la prospérité économique augmente.

Il y a d'excellentes possibilités économiques en Colombie. On trouve dans ce pays un marché émergent de 44 millions de personnes et une économie en pleine croissance. Selon les prévisions, au cours des cinq prochaines années le PIB de la Colombie connaîtra une croissance de 4,7 p. 100.

Comme M. Van Loan l'a souligné, le commerce bilatéral de marchandises entre le Canada et la Colombie s'est élevé à plus de 1,3 milliard de dollars grâce aux centaines d'entreprises canadiennes qui mènent des activités en Colombie. Plus de 50 entreprises canadiennes font des investissements dans ce pays, en particulier dans le secteur de l'exploitation pétrolière et dans les secteurs minier et manufacturier, qui sont tous essentiels à l'innovation et à la prospérité au Canada.

Le Canada ne ménage aucun effort pour faire avancer l'idée que les marchés libres sont les plus efficaces et que le commerce sans barrière est le plus florissant. La conception canadienne du monde des affaires est de favoriser la croissance et la prospérité en collaborant. C'est un concept qu'il vaudrait la peine de faire connaître sur les marchés internationaux.

Cet accord présente plusieurs points forts et les citoyens des deux pays en profiteront. Au Canada, de nombreux citoyens ont dû faire face à la récession économique mondiale. Bien qu'on note actuellement des signes encourageants de reprise économique durable, il faut faire preuve d'une grande vigilance et favoriser les échanges commerciaux et les débouchés économiques. Il faut également veiller à ce que le développement économique soit combiné au progrès social.

Notre gouvernement croit fermement que la prospérité ne doit pas être atteinte au détriment des droits des travailleurs. Nous sommes engagés à collaborer avec la Colombie pour l'aider à améliorer ses normes du travail et à protéger ses travailleurs, d'où l'importance de l'Accord de coopération dans le domaine du travail, que les deux pays ont conclu parallèlement à l'accord de libre-échange.

L'Accord de coopération dans le domaine du travail vise à faciliter la coopération sur les questions liées au travail et à tenir la Colombie responsable du respect de normes nationales rigoureuses en matière de travail, qui tiennent compte des normes établies par l'Organisation internationale du Travail. Grâce à cet accord, les parties s'engagent à veiller à ce que leurs lois respectent la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail adoptée en 1998 par l'Organisation internationale du Travail.

Cette déclaration énonce divers droits et obligations des travailleurs, y compris le droit à la liberté d'association, le droit à la négociation collective, l'abolition de la main-d'œuvre enfantine, l'élimination du travail forcé ou obligatoire et l'élimination de la discrimination en milieu de travail.

Toutefois, notre accord avec la Colombie va encore plus loin. Les deux pays s'engagent à offrir des protections acceptables à l'égard de la sécurité et de la santé au travail et à maintenir des normes d'emploi minimales, notamment en ce qui a trait au salaire minimum et aux heures de travail. L'accord contribue également à faire en sorte que les travailleurs migrants aient droit aux mêmes protections juridiques que les travailleurs du pays d'accueil en matière de conditions de travail.

Toutefois, l'Accord de coopération dans le domaine du travail n'est pas qu'un discours simpliste — il est appuyé par des mesures d'exécution. Les dispositions en matière de travail conclues dans le cadre de cet accord de libre-échange sont parmi les plus complètes et les plus solides que le Canada ait négociées avec l'un de ses partenaires commerciaux. Dans le cadre de l'Accord de coopération dans le domaine du travail, les deux pays s'engagent à appliquer leurs lois nationales en matière de travail et à respecter les principales normes internationales dans ce domaine. L'accord prévoit la mise en place d'institutions et de mécanismes qui facilitent les consultations intergouvernementales et les activités communes, ainsi que les évaluations indépendantes et le règlement de différends. Il permet également aux citoyens d'adresser leurs plaintes au Canada et à la Colombie concernant toutes les obligations prévues dans l'accord. On a établi clairement des pénalités financières pour le non-respect des obligations prévues dans l'accord, pénalités pouvant atteindre 15 millions de dollars par année. S'il y a lieu, ces sommes seront versées dans un fonds de coopération spécial qui permettra de régler les questions liées au travail et de faire respecter les obligations. Grâce à cet accord, les Canadiens disposeront d'un outil exceptionnel pour veiller à ce que le gouvernement colombien continue de faire preuve de volonté politique et de fournir les ressources nécessaires pour améliorer la situation des travailleurs.

Nous sommes conscients du bilan peu reluisant de la Colombie en ce qui concerne les droits des travailleurs et les droits de la personne. Il faut l'améliorer. Nous devons collaborer pleinement avec la Colombie en tant que partenaires commerciaux afin que nous puissions discuter des mesures qui doivent être prises pour améliorer la vie des citoyens colombiens. En établissant ce niveau de coopération, le Canada sera maintenant en mesure d'avoir un dialogue direct et d'examiner les infractions dans le domaine du travail. Cet accord de coopération donnera au Canada plus d'influence et permettra la mise en place de pratiques exemplaires et de valeurs démocratiques.

Nous sommes résolus à travailler avec la Colombie pour veiller à ce qu'elle soit capable de respecter les obligations énoncées dans ce nouvel accord. En complément à l'accord qui a été conclu, le Canada versera à la Colombie une aide technique d'une valeur de 1 million de dollars pour les questions liées au travail. Mais il ne faut pas se faire d'illusions. La Colombie a encore beaucoup de travail à faire pour améliorer son bilan en ce qui concerne les droits de la personne. Aujourd'hui, le gouvernement colombien participe à la communauté internationale de façon constructive.

Nous sommes encouragés par les progrès que ce gouvernement a réalisés relativement au cycle de la violence et au sous-développement qui mine la Colombie depuis des décennies. En renforçant la collaboration économique et politique entre nos deux pays, nous permettrons aux Canadiens de soutenir les citoyens de la Colombie dans leurs efforts visant à rendre leur démocratie plus sûre et plus prospère.

C'est une année importante pour le Canada qui a l'occasion d'affirmer son leadership économique sur la scène internationale, et j'en suis fière. Comme vous le savez, le Canada accueillera la réunion des dirigeants du G8 ainsi que le Sommet du G20 la semaine prochaine. Dans ce contexte de leadership et d'influence à l'échelle internationale, le nouvel accord de coopération dans le domaine du travail signé avec la Colombie envoie un message clair. Il explique que le Canada veut faire des affaires et qu'il est prêt à donner l'exemple en faisant part à ses partenaires commerciaux des pratiques exemplaires et des valeurs qui servent de base à la conception canadienne du monde des affaires. Créer des milieux de travail sains, sécuritaires et équitables et respecter les droits de la personne et la tradition démocratique ne sont pas seulement des valeurs canadiennes : ce sont des éléments fondamentaux de notre façon de commercer et de bâtir un monde meilleur.

Je vous remercie encore de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui. Naturellement, je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le sénateur Smith : Le fait que le ministre Van Loan et moi-même ayons été associés en exercice du droit pendant de nombreuses années ne constitue pas un conflit d'intérêts si je lui pose une question. Il est ironique que la ministre Raitt ait aussi travaillé au sein de notre cabinet d'avocats.

Le sénateur Di Nino : Vous avez fait un excellent travail pour mettre en place les conservateurs.

Le sénateur Smith : Merci.

Il y a deux ou trois jours, je me suis retrouvé porte-parole du Sénat pour le projet de loi à l'étude. Heureusement, j'avais assisté à quelques séances d'information et j'en avais entendu considérablement parler par notre collègue Scott Brison qui a beaucoup travaillé pour faire en sorte que cela soit possible.

J'ai une question. La seule chose dont les gens parlent est la question d'équilibre. Bref, est-ce que les avantages perçus du commerce accru entre nos pays et le renforcement de l'économie légitime en Colombie l'emportent sur les éléments négatifs? Nous sommes tous au courant de l'autre élément de l'économie qui, nous l'espérons, va diminuer pour permettre à l'économie légitime de croître.

Il s'agit peut-être ici d'un cas type de négociation d'un accord avec un pays dans la catégorie que l'on voudrait attribuer à un pays comme la Colombie étant donné ses problèmes, et voir si en ayant des accords parallèles on peut arriver à la conclusion que les avantages l'emportent sur les désavantages. D'après moi, c'est effectivement le cas.

Puis-je demander aux deux ministres de nous dire comment ils en sont arrivés à cette conclusion? S'ils n'étaient pas arrivés à cette conclusion, nous ne serions même pas ici.

M. Van Loan : Naturellement, nous croyons que les avantages l'emportent sur les désavantages. De fait, personne n'a fait ressortir de façon crédible de désavantages. Personne parmi ceux qui critiquent le fait que l'on conclut un accord avec la Colombie en raison de ses préoccupations en matière de droits de la personne ne m'a laissé entendre quoi que ce soit dans cet accord qui pourrait nuire aux droits de la personne ou aux conditions de travail. En réalité, tout le monde reconnaît que cela permettra d'améliorer le niveau de vie et les conditions de travail des Colombiens; ce n'est pas un problème. Ceux pour qui cela pose un problème ne veulent tout simplement pas que l'on fasse du commerce avec un pays qu'ils perçoivent comme ayant des problèmes importants.

Pour ce qui est de l'effet de levier, bien que nous ayons ces accords parallèles, il serait prétentieux de notre part de penser que nous puissions influer de quelque façon que ce soit sur le comportement de ces gouvernements. Cependant, je suis fermement convaincu que le gouvernement de la Colombie à l'heure actuelle et le gouvernement qui sera sans doute au pouvoir à l'avenir s'est engagé à améliorer son rendement sans compter sur notre participation et notre influence.

Cet accord est quelque chose de positif, il a une influence positive. Cependant, il est assez clair que depuis quelques années déjà le gouvernement de la Colombie souhaite sévir contre le manquement aux règles, améliorer le niveau de vie de ses citoyens, améliorer la primauté du droit dans le pays et faire des progrès dans tous ces domaines que nous considérons comme étant importants.

Le développement et la croissance économiques forment une partie importante de cet engagement avec le monde extérieur. Tout cela a une influence positive sur les investissements étrangers possibles; pour établir davantage de liens avec des pays; il y a davantage de liens avec ces pays, particulièrement dans le secteur des services; et dans le secteur financier avec des investissements où on a des transferts entre les personnes et les marchandises. Ce sont là toutes des influences positives. Je suis d'avis que cet accord encouragera à bien des égards les progrès que la Colombie s'est engagée à accomplir et qu'elle continuera d'accomplir.

Mme Raitt : Sénateur, du point de vue du programme du travail, chaque fois que nous pouvons engager formellement un autre pays à respecter les normes du travail, c'est une occasion pour nous. C'est une occasion pour nous non seulement au niveau politique lorsque je traite avec mon homologue en Colombie. Ce qui est important dans cet Accord de coopération dans le domaine du travail, et le million de dollars pour l'aide technique, c'est qu'en fait nous appuyons des projets qui visent à mettre en place une capacité au sein du ministère de la Protection sociale de la Colombie.

Nous travaillons en fait directement avec les fonctionnaires et les représentants en Colombie pour les aider à mieux comprendre les questions liées au droit du travail, au dialogue social, à la santé et à la sécurité professionnelles, et pour leur donner davantage d'outils. C'est une occasion pour nous d'aller dans ce pays pour les aider à faire des progrès. En effet, bon nombre de nos fonctionnaires ont déjà pu se rendre en Colombie. C'est en fait une partie du programme dont nous ne parlons pas beaucoup. Parfois un changement social s'opère grâce au partage des pratiques exemplaires. Parfois ce changement social se fait plutôt que de voir diminuer la volonté politique.

C'est pour cette raison que cela fonctionne très bien lorsqu'on a en même temps un accord de libre-échange plus global : cela nous donne accès et cela nous permet d'avoir des pratiques exemplaires. Il y a aussi une procédure relative aux plaintes qui est extrêmement importante. Nous serons au moins avisés. C'est une soupape de sûreté pour ceux qui voient que des parties de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la Colombie pourraient ne pas être appliquées; ils pourront présenter une plainte au Canada et nous pourrions avoir un débat sur cette question également. C'est là un avantage.

[Français]

Le sénateur Nolin : Il me fait plaisir d'accueillir le ministre Van Loan. Cela fait plusieurs années que nous espérions votre visite. Vos responsabilités en tant que ministre du Commerce international nous permettent de jouir de votre présence.

Depuis 2002, ces négociations sont commencées. Je reprends vos paroles, Monsieur le ministre, lorsque vous dites que le premier ministre a mentionné trois piliers de ces négociations et je veux m'attarder au deuxième, à savoir la question de l'environnement sécuritaire de l'hémisphère sud.

Depuis 2002 et plus spécifiquement depuis 2007, nos négociateurs, le gouvernement du Canada et vous, nous sommes à même de constater l'état sécuritaire de la Colombie. Que dites-vous à ceux qui nous disent que l'État colombien ne fait pas les efforts nécessaires pour assurer et réduire la violence en Colombie? Vous venez de dire à mon collègue, le sénateur Smith, que vous avez confiance que le gouvernement colombien fera les efforts nécessaires pour réduire cette violence. Depuis 2007, pouvez-vous nous convaincre d'une amélioration à ce sujet?

M. Van Loan : Il y a beaucoup d'exemples de progrès en Colombie dans les conditions des travailleurs. Le meilleur exemple en est l'avis offert par l'organisation internationale du travail.

[Traduction]

Pour la première fois en 21 ans, l'Organisation internationale du Travail a retiré la Colombie de sa liste des pays qui ne respectaient pas les normes internationales du travail. Pour moi, cela est évident. L'Organisation internationale du Travail n'est pas un organisme qui défend les entreprises; c'est un organisme du travail qui se préoccupe des droits des travailleurs. L'Organisation internationale du Travail publie cette liste chaque année et pour la première fois en 21 ans la Colombie a été biffée de cette liste.

Cela montre bien les progrès qui ont été accomplis par la Colombie, de son propre chef, ce qui a été validé encore une fois par une tierce partie crédible, un organisme de l'extérieur. On peut voir que la Colombie tente de faire des progrès à tous les égards. Il y a certainement un certain élément de conflit dans les luttes avec les cartels de la drogue en Colombie, avec les FARC, l'organisme terroriste. Ils font cependant des progrès. Ils s'attaquent à la source d'instabilité. La semaine dernière, des agents supérieurs de la police qui étaient gardés en otages depuis une douzaine d'années par les FARC ont été libérés. Encore une fois, il s'agit là d'un autre exemple des progrès qui ont été accomplis pour contrer l'influence de ces groupes narcoterroristes.

Tout cela est positif. On n'y arrivera pas sans tension, mais cette tension n'est pas causée par le gouvernement. C'est une tension qui est causée par le gouvernement qui tente de contrer une influence déstabilisante.

Le sénateur Downe : Monsieur Van Loan, pour les négociations commerciales futures, croyez-vous que le Canada devrait adopter la même approche que les États-Unis, c'est-à-dire inclure les accords parallèles en matière de travail et d'environnement dans le texte principal?

M. Van Loan : Cela pourrait être intéressant. Lors de nos négociations avec l'Union européenne, c'est ce qui est ressorti; c'est le plan actuel. Il n'y aura pas d'accord parallèle, mais cela fera partie du texte de l'accord principal.

Je m'attends à ce que si nous avons du succès avec les accords commerciaux avec CARICOM et l'Inde, nous aborderons ces questions quelque peu différemment. Il y aura une certaine résistance là-bas à conclure des accords parallèles. Les protections que nous aurons devront se retrouver dans le texte principal des accords de libre-échange avec ces pays particuliers, et ce ne sera peut-être pas la même chose que l'on retrouve dans les accords parallèles ici.

Je pense qu'on verra une tendance dans cette direction, c'est-à-dire pour les inclure dans le texte principal.

Le sénateur Downe : Je suis heureux d'entendre cela. Je pense que vous serez d'accord pour dire qu'il est plus facile de faire respecter l'accord si ces éléments se trouvent dans le texte principal plutôt que dans des accords parallèles.

M. Van Loan : Je vais demander à ma collègue de répondre.

Mme Raitt : Une chose qui n'est pas vraiment connue en ce qui concerne le programme de travail, c'est que nous avons d'autres accords avec d'autres pays. Nous avons un protocole d'entente avec la Chine, par exemple, pour partager les pratiques exemplaires. Le programme du travail comme tel a des liens avec d'autres pays, et nous sommes heureux de travailler en collaboration avec nos partenaires du commerce international afin de nous assurer que lorsque nous envisageons de conclure des accords de libre-échange plus vastes, nous examinons également la façon dont nous pourrions améliorer le lieu de travail dans les pays avec lesquels nous avons des échanges commerciaux.

La présidente : Comment les gouvernements fédéral et provinciaux s'y prendraient-ils pour inclure ces accords dans l'accord principal plutôt que de procéder de la façon dont nous le faisons à l'heure actuelle avec des ententes?

M. Van Loan : Le rôle que jouent les provinces et les territoires dans tout accord commercial est intéressant. La première fois où les provinces ont vraiment participé aux négociations a été lors de la clause « Buy American ». Leurs représentants n'étaient pas à la table de négociation, mais ils étaient ensemble dans une pièce car la plupart des obligations auxquelles nous nous engagions étaient des obligations provinciales et municipales. Il était essentiel qu'ils soient tous d'accord avec notre position de négociation. Ils ont travaillé avec nous en coulisses et le Canada représentait le pays, a présenté sa position de négociation et a finalement conclu un accord.

L'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne est tout à fait différent. Dans ce cas, les provinces et les territoires se trouvaient en fait aux différentes tables de négociation pour les différents secteurs. Nous sommes assez sûrs que cela aura un effet positif et que nous pourrons conclure des accords avec lesquels toutes les provinces seront d'accord, et nous sommes très peu inquiets au sujet de la ratification à venir. Nous espérons que nous n'aurons pas certains des autres problèmes qui pourraient surgir avec ce type de processus. Nous nous occuperons de ces problèmes en temps et lieu, mais à l'heure actuelle tout semble assez positif.

Pour les accords subséquents, je ne sais pas si nous aurons toujours les provinces et les territoires à la table de négociation. Pour certaines provinces, c'est un fardeau important lorsqu'elles doivent déployer des ressources à cet effet. Pour l'Ontario, le Québec, l'Alberta et la Colombie-Britannique, cela est assez facile, mais pour certaines des plus petites provinces, cela est très exigeant sur le plan de la main-d'œuvre et du travail. Chaque accord sera différent. Franchement, pour certaines provinces et certains accords de libre-échange, les enjeux seront assez peu élevés; dans d'autres cas, les enjeux seront plus importants. Il faudra tout simplement continuer de tenir compte du caractère unique de chaque cas. C'est ainsi que nous faisons les choses au Canada.

Le sénateur Downe : Contrairement à l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre la Colombie et le Canada, l'accord dans le domaine de l'environnement ne comporte aucun mécanisme de règlement des différends, aucune exigence d'observation et aucune amende ni pénalité. Pourquoi?

M. Van Loan : Nous nous attendons à créer un mécanisme pour assurer que les lois environnementales de chaque pays respectif sont respectées. Il s'agit d'une disposition qui est assez souple et c'est l'approche sur laquelle les deux pays se sont entendus.

Le sénateur Downe : Pouvez-vous nous parler de l'excellent travail que le député libéral Scott Brison a accompli dans le cadre de l'accord dans le domaine du travail, dans l'esprit d'un environnement non partisan?

M. Van Loan : Je ne suis pas certain que cela ait quoi que ce soit à voir avec l'accord dans le domaine du travail, mais M. Brison a pris l'initiative de préparer une proposition d'accord parallèle dans le domaine des droits de la personne, ce que notre gouvernement n'avait pas jugé nécessaire, mais nous n'y avions aucune objection. Le gouvernement de la Colombie n'avait aucune objection non plus.

Comme nous l'avons dit au gouvernement de la Colombie, il est clair qu'avec un gouvernement minoritaire il est nécessaire d'obtenir la coopération et l'appui du Parti libéral pour que cet accord puisse prendre force de loi. La Colombie avait quelques difficultés à faire ratifier ses accords de libre-échange ailleurs et elle a indiqué qu'elle était prête à accepter cet arrangement. Nous avons donc accepté d'appuyer un amendement en vue d'inclure cet accord. Cela a donné pour résultat l'accord dont vous êtes maintenant saisi et la possibilité que cet accord prenne force de loi avant l'ajournement d'été.

Le sénateur Downe : Je suis tout simplement très heureux que le travail exceptionnel de M. Brison soit reconnu. Merci.

Le sénateur Segal : Il est très clair que le ministre n'est pas disposé à admettre devant notre comité que tout cela était l'idée de Scott Brison et que le gouvernement du Canada, notre ambassade, nos ambassadeurs et les diplomates de la Colombie n'ont en fait joué aucun rôle à cet égard; si ce n'était pas de M. Brison, rien de tout cela n'aurait pu être possible. Je pense qu'il est impoli de votre part de ne pas admettre cela au moment même où il entre dans la pièce. N'avez-vous donc aucune sensibilité?

M. Van Loan : En fait, c'était entièrement l'idée de M. Brison. Il a travaillé en étroite collaboration avec les hauts fonctionnaires et les diplomates du gouvernement de la Colombie. Cela a donné pour résultat ce que nous avons devant nous.

La présidente : Merci. Vous constaterez qu'ici au Sénat nous avons une atmosphère différente de celle que l'on retrouve peut-être dans l'autre endroit à cet égard.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur le ministre, madame la ministre et messieurs de la fonction publique qui vous accompagne, ma question sera très brève.

Suite à cinq années de guerre civile, un défi s'est posé pour la Colombie et c'est sa dépendance à la narcoéconomie. Voyez-vous le commerce légitime comme présentant l'avantage potentiel d'ouvrir, pour les travailleurs colombiens, des possibilités réelles et durables pour les aider à abandonner la narcoéconomie, laquelle a alimenté un conflit qui est devenu moins une affaire d'idéologie qu'une affaire de drogue?

M. Van Loan : Il est évident que plus les possibilités d'affaires légitimes se présenteront, plus les travailleurs et les entrepreneurs pourront choisir un travail honnête et prospère.

[Traduction]

Nous sommes certainement convaincus que plus nous créons de débouchés pour une économie légitime, plus il est probable que les travailleurs et les entrepreneurs en profiteront. Je ne devrais sans doute pas établir un lien avec notre histoire, mais bien sûr le Canada au début de son histoire avait des entrepreneurs qui ont fait carrière dans des domaines douteux et qui sont devenus des entrepreneurs légitimes à la fin de la prohibition. Cela s'est produit aux États-Unis également. On espère qu'avec le temps, il y aura ce genre de transition vers une économie plus légitime.

Le sénateur Wallin : Cela a déjà été mentionné en réponse au sénateur Smith, mais en ce qui concerne l'article 10, madame la ministre, êtes-vous entièrement convaincue que cela vous permettra de régler les problèmes dans le domaine des droits de la personne et du travail?

C'est la réponse de la commission mixte, les articles 10 et 11, selon lesquels la commission a la responsabilité de superviser la mise en œuvre de l'accord, de superviser toute autre élaboration de l'accord, d'examiner toute question qui pourrait avoir une incidence sur le fonctionnement de l'accord, et la commission mixte peut mettre en place des sous-comités et des groupes de travail, et cetera, pour accomplir ces tâches.

Croyez-vous que cet article donne la marge de manœuvre nécessaire pour composer avec toute question qui pourrait être soulevée?

M. Van Loan : Nous estimons que oui.

Le sénateur Mahovlich : Vous avez dit que l'industrie minière fait des affaires en Colombie. Les mines ont-elles eu de la difficulté à faire des affaires avec la Colombie par le passé?

M. Van Loan : Vous demandez si elles ont eu un problème. Cette occasion donne, par exemple, une plus grande certitude relativement à la protection de vos investissements. Conformément à l'accord, nous avons de nombreuses entreprises minières dans le monde qui ont été soudainement expropriées ou qui ont dû se battre pour leurs droits après une certaine étape du processus. L'accord offre une plus grande protection juridique à cet égard, le cas échéant. Évidemment, avec les changements de gouvernement dans certaines régions du monde, parfois des virages à 180 degrés. Il y aurait donc cet élément de protection.

À plus court terme, par exemple, les droits considérables exigés à l'égard de l'équipement minier exporté du Canada aux mines — et cette mesure profite au secteur manufacturier et aux mines en Colombie — seraient éliminés en vertu de l'accord. Il y a des avantages économiques également.

Le sénateur Mahovlich : Je sais qu'il y a de nombreuses mines canadiennes partout dans le monde. Nous avons des mines en Russie et en Finlande. Les mines canadiennes veulent aider les collectivités, mais il y a davantage de difficultés lorsqu'on fait affaire avec un gouvernement corrompu. C'est évident en Afrique, où les mines ont toutes sortes de problèmes. Cet accord pourrait aider à améliorer la situation en Colombie.

M. Van Loan : Comme je l'ai dit, nous nous attendons à ce que l'entente donne une plus grande certitude, surtout si la situation politique devait se détériorer en Colombie.

Le sénateur Jaffer : Je remercie les deux ministres de leur présence. Nombre de nos questions portent sur des préoccupations en matière de droits de la personne.

Ministre Raitt, vous avez parlé d'un million de dollars que vous avez accordé pour les pratiques exemplaires relativement aux questions liées au travail. Que faites-vous pour aider le gouvernement colombien à élaborer des pratiques exemplaires en matière de droits de la personne?

Mme Raitt : Comme je l'ai dit, une partie de l'aide technique prévoit la mise en réserve de ce montant d'argent afin que nous puissions accéder au ministère de la Protection sociale. Peut-être que M. Bouchard pourrait donner des renseignements plus précis sur les résultats que donne ce programme en Colombie.

M. Bouchard : Nous avons travaillé à toute une gamme de questions. Nous avons un projet de 300 000 $ avec l'Organisation internationale du Travail pour tenter de rapprocher les employeurs et les syndicats. Pour ce qui est de l'inspection du lieu de travail, nous avons un programme visant l'établissement d'un mécanisme pour le ministère colombien responsable du travail pour pouvoir mieux inspecter les lieux de travail. Nous avons des programmes de santé et sécurité au travail. Nous avons un programme pour améliorer la connaissance des lois du travail par les employeurs et les travailleurs. Nous avons aussi accordé une aide directe en envoyant des experts en médiation et en conciliation en Colombie pour former ces experts.

L'aide offerte par le Canada est vaste et bien reçue par le gouvernement colombien.

Le sénateur Jaffer : Nous savons qu'il y a beaucoup de souffrances, surtout pour les femmes, en matière de droits de la personne. Existe-t-il des programmes de droits de la personne s'adressant exclusivement aux femmes? Le Canada élabore-t-il des programmes ou aide-t-il à l'élaboration de programmes visant à aider les femmes à composer avec ces difficultés?

M. Bouchard : Dans le cadre de l'aide technique que nous accordons, les droits des femmes occupent toujours une place importante. Il s'agit d'un thème transversal dans le cadre de tous nos programmes, particulièrement en ce qui a trait à l'inspection du lieu de travail. Nous savons que les femmes sont particulièrement vulnérables au travail. Nous tentons d'examiner cette question. La santé et la sécurité dans l'industrie de la floriculture est un autre enjeu pour les femmes; elles sont plus vulnérables lorsqu'elles tentent de créer des syndicats et de défendre leurs droits.

Il y a certains lieux de travail où la proportion de femmes est beaucoup plus élevée. Nous savons qu'il s'agit d'un domaine sur lequel nous devons nous concentrer. Et c'est ce que nous faisons actuellement.

Le sénateur Jaffer : Nous avons reçu beaucoup de communications de gens qui estiment que le Canada ne devrait pas négocier cet accord avant d'examiner les questions liées aux droits de la personne. Je ne suis pas de cet avis. Il faut participer pour avoir de l'influence. Ministre Raitt, vous avez parlé de la question des droits de la personne. J'aimerais avoir une réponse plus détaillée à donner aux gens pour expliquer pourquoi il n'est pas nécessaire d'attendre que toutes les questions de droits de la personne soient réglées avant de négocier cet accord.

Mme Raitt : Je crois fermement, comme vous l'avez dit, que pour donner lieu à des changements de façon graduelle, il faut être sur le terrain. Le rapport de la Colombie au Conseil économique et social des Nations Unies fait état de programmes destinés aux femmes. Un programme de formation à l'intention des chefs syndicaux et des membres affiliés portait sur des questions comme les conventions de l'OIT, des programmes de formation sur la négociation collective, le dialogue social, de nouvelles formes de syndicalisme, la négociation et la résolution de conflits, les réformes du travail, la formation physique, le leadership social et les droits des femmes dans le domaine du travail. Je crois qu'il est important, à tout le moins, d'aborder des questions qui normalement ne le seraient pas avec la Colombie. On ne peut pas contribuer à ces questions à moins d'être sur place.

Ce que cet accord a de bien, c'est qu'il nous permet d'envoyer des représentants de notre programme du travail. Ils ont une place légitime sur le terrain, et ils arrivent avec des pratiques exemplaires, au lieu de recourir à un mécanisme plus grand, plus vaste des Nations Unies pour fournir de l'aide dans les régions en difficulté.

Pour nous, l'important est de donner aux gens les outils pour former les autres au sein de leurs organismes et pour entretenir des contacts avec le programme du travail au Canada et en Colombie. Nous créons des relations au moyen d'un accord officiel entre deux pays. Je crois que l'accord nous donne le poids et la légitimité nécessaires pour aider les gens.

Le sénateur Di Nino : Quand on pense aux défis auxquels doit faire face la région Andine, y a-t-il aussi une valeur politique ou géopolitique à cet accord?

M. Van Loan : Nous avons une bonne relation avec la Colombie. Nous croyons que la Colombie est sur la bonne voie et que son gouvernement est un participant constructif au sein de la communauté internationale et de la région dans son ensemble. Comme vous le savez, il y a des difficultés avec certains des voisins de la Colombie. Nous croyons que l'entente renforcera davantage les efforts de la Colombie, surtout ceux visant à améliorer le bilan et les normes en matière des droits de la personne. Ce genre de stabilisation est positif. Nous transmettons un signal de soutien à la Colombie lorsque, peut-être, leurs voisins cherchent à la déstabiliser.

Le sénateur Di Nino : De toute évidence, la Colombie examine la possibilité de conclure des accords avec d'autres administrations. Cet accord protégera l'accès des entreprises canadiennes au marché colombien, surtout comparativement aux États-Unis, ce qui pourrait constituer un avantage.

M. Van Loan : On s'attend à ce que lorsque cet accord sera en place, le Canada aura un accord de libre-échange avec la Colombie alors que les États-Unis et l'Union européenne n'auront pas encore ratifié les leurs. Cela donnera au Canada un certain temps pour se créer une part de marché.

Cet accord donnera surtout aux agriculteurs canadiens, mais aussi au secteur manufacturier, un avantage auprès des consommateurs. Ainsi, nous pourrons augmenter nos parts de marché en Colombie et de faire croître l'ensemble du marché de ce pays. Nos secteurs agricole et manufacturier en sont particulièrement enthousiastes.

[Français]

Le sénateur Robichaud : J'ai deux questions assez brèves. De quelle façon nos lois sur l'environnement se ressemblent, parce que nous avons un accord parallèle sur l'environnement?

[Traduction]

M. Van Loan : Je vous invite à explorer cette question davantage avec nos fonctionnaires. Toutefois, d'après ce que j'ai compris, l'accord parallèle en matière d'environnement exige que chaque pays respecte ses lois environnementales respectives. On ne s'attend pas à ce que le Canada respecte les lois environnementales colombiennes ou à ce qu'ils respectent les nôtres. Chaque pays sera plutôt obligé d'appliquer et de respecter ses propres lois en matière d'environnement.

Senator Robichaud : C'est ce que j'ai lu, mais quelle est la comparaison entre les deux?

M. Van Loan : Je vous invite à poser cette question aux fonctionnaires; je n'ai pas examiné la question en détail. Nous allons demander à un représentant de vous répondre.

Betti-Jo Ruston, directrice adjointe, Politique commerciale régionale, Amériques, Affaires étrangères er Commerce international Canada : Ce que le ministre Van Loan a dit est exact. En vertu de cet accord, chaque pays a l'obligation de base d'appliquer ses propres lois de façon efficace.

Pour ce qui est de la comparaison entre les dispositions environnementales du Canada et de la Colombie, je peux vous revenir avec plus de détails. Toutefois, la Colombie a fait des progrès à cet égard ces dernières années. Il s'agit d'une priorité pour son gouvernement.

M. Van Loan : Les comparaisons sont compliquées dans une fédération comme le Canada qui compte 14 différentes séries de règles environnementales. Chaque province et territoire applique la majorité des règlements pratiques actuels en matière d'environnement chez lui ou chez elle et a son régime différent.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Dans un communiqué d'Info-éclair portant sur la protection de l'environnement, on peut lire ce qui suit : Veillez à la mise en place de processus d'évaluation des répercussions sur l'environnement.

Doit-on en déduire que nous allons activement encourager la Colombie à mettre en place un processus d'évaluation?

[Traduction]

M. Van Loan : Nous ne cherchons pas à imposer nos lois environnementales en Colombie ou à changer son processus. La Colombie a comme obligation d'appliquer ses propres lois.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Dans l'Accord de coopération entre le Canada et la Colombie, on retrouve une clause qui ordonne l'abolition du rôle des enfants dans le domaine du travail; doit-on en déduire que les enfants sont actuellement très présents dans la force ouvrière en Colombie?

[Traduction]

Mme Rait : C'est malheureusement le cas, monsieur le sénateur. Selon le rapport de la Colombie, le taux national de main-d'œuvre enfantine par 100 000 enfants âgés de 15 à 17 ans était de 12,8 p. 100 en 2001. En 2003, le taux était de 10,4 p. 100. En 2005, 11,6 p. 100. De toute évidence, il s'agit toujours d'un problème. Je n'ai pas les données les plus à jour, puisque l'information n'est disponible que jusqu'en 2005.

C'est pourquoi l'ACDI se concentre sur les lois en matière de travailleurs juvéniles pour ce qui est des versements dans le cadre de ses programmes. Je ne peux pas vous en parler parce qu'ils ne relèvent pas de moi. Dans le cadre de l'accord, nous allons veiller à ce que les conventions de l'Organisation internationale du Travail en matière de main-d'œuvre enfantine soient respectées; il s'agit de l'un des aspects les plus importants. Malheureusement, la main-d'œuvre enfantine est une réalité dans le monde, y compris en Colombie. C'est pourquoi il est important de discuter et de contribuer à réduire ce nombre.

La présidente : Ministre Van Loan, je sais que ce dossier relève de vous depuis que vous avez pris le portefeuille. J'ai été surprise par la participation de tous les fonctionnaires en Colombie. Souvent, des accords commerciaux sont négociés et signés seulement par le ministre. On a l'impression qu'il y avait vraiment volonté collective au sein du gouvernement colombien, volonté transmise du président aux ministères, de comprendre les questions auxquelles ils devaient faire face dans le cadre de leurs négociations avec nous, de même que les questions auxquelles nous devions faire face.

Peut-on dire que les dispositions sur le travail et les droits de la personne seront respectées en raison des connaissances et de la participation accrues?

M. Van Loan : Je n'étais pas ministre du Commerce international lorsque cet accord a été négocié. On en discute à la Chambre des communes depuis un certain temps. Toutefois, on me dit que vous avez raison.

Les ententes parallèles sont bonnes, et un engagement solide est essentiel pour avancer. Il est important d'avoir un gouvernement qui a la question à cœur et qui veut mettre fin aux stéréotypes d'une autre époque et démontrer qu'il a changé. Comme le pays tentait d'être davantage accepté dans la communauté mondiale, il a fait preuve d'un engagement et d'une ouverture d'esprit solide à l'égard d'accords commerciaux poussés, d'un vaste programme commercial et de la création de liens. Voilà l'engagement du président et de l'administration dans son ensemble. Je m'attends à ce que cet engagement se poursuive après le dernier tour d'élections, qui aura lieu dans quelques jours. Le gouvernement de la Colombie a démontré des intentions honnêtes qui se poursuivront à long terme.

La présidente : Ministre Van Loan et ministre Raitt, merci d'avoir comparu et d'avoir répondu à nos questions. J'aimerais remercier les fonctionnaires d'avoir comparu et d'avoir fourni des documents à l'avance. Vous nous avez beaucoup aidés dans notre étude.

Le sénateur Smith a donné avis qu'il voulait présenter une motion en vue d'entendre d'autres témoins. Je crois que nous avons le consensus. Sénateur Smith, voulez-vous présenter votre motion?

Le sénateur Smith : Je propose que le comité entende Scott Brison, député, à ce sujet.

La présidente : L'honorable Scott Brison est ici. Honorables sénateurs, vous plaît-il d'entendre M. Brison.

Des voix : D'accord.

La présidente : Monsieur Brison, le comité est au courant de votre historique, et votre nom a circulé à la Chambre concernant ce projet de loi. Bienvenue au comité.

L'honorable Scott Brison, C.P., député, à titre personnel : Honorables sénateurs, je vous remercie d'avoir convenu de m'accueillir ici aujourd'hui. Lorsque je suis allé à la Chambre et que j'ai entendu le sénateur Segal parler de moi avec effusion, j'ai été surpris. La dernière fois que le sénateur Segal a parlé de moi, c'était dans ma circonscription le dimanche précédant l'élection de 2004, et ses commentaires avaient paru dans le journal la semaine suivante. Le sénateur Segal a dit que s'il y avait un miroir sur mon bureau, je ne serais jamais capable de quitter mon bureau pour l'heure du dîner. Mon partenaire Maxime a dit qu'il n'en avait jamais entendu une aussi bonne à mon sujet et il était entièrement d'accord.

La présidente : Je pense que nous devrions revenir à l'accord de libre-échange avec la Colombie. Nous avons de nombreuses déclarations intéressantes au compte rendu.

M. Brison : J'ai cru bon de me mettre à la disposition du comité au cas où il y avait des questions sur le traité des droits de la personne et le mécanisme de rapports. Ces dispositions sont les premières en leur genre et sont innovatrices à de nombreux égards. On nous dit qu'il y a eu des discussions au Congrès américain, qui demande maintenant un engagement semblable de la part de la Colombie et un mécanisme de rapports semblable dans le cadre de la ratification de l'accord de libre-échange avec la Colombie. Ces dispositions ont aussi retenu l'attention de l'Union européenne dans le cadre de ses délibérations de ratification. Ces dispositions peuvent faire une différence.

Ceux parmi nous qui croient que l'engagement en matière de droits de la personne peut être renforcé par un engagement économique craignent toujours qu'une fois que l'accord commercial sera signé, il n'y aura aucun mécanisme pour revenir officiellement sur la question des droits de façon régulière. Cet accord contribuerait à mettre sur pied un mécanisme pour nos deux chambres du Parlement et le Congrès pour qu'il y ait communication sur une base annuelle.

Lorsqu'un rapport en matière de droits de la personne est fourni à la Chambre sur une base annuelle, votre comité du Sénat et le comité du commerce de la Chambre des communes, de même que le comité des droits de la personne peuvent entendre des témoins. Ces comités peuvent miser sur l'expertise de groupes de la société civile et d'ONG et leur donner l'occasion de faire des commentaires et de contribuer au dialogue sur le progrès des droits de la personne en Colombie.

Au bout du compte, les relations commerciales sont simplement des relations humaines. J'ai un intérêt particulier en Colombie, pas seulement à titre de porte-parole en matière de commerce pour mon parti, mais à titre d'ami de longue date du ministre du Commerce de la Colombie, Luis Plata. M. Plata et moi discutons de cette question depuis un certain temps. L'opposition à cet accord commercial à laquelle nous avons dû faire face a été extrêmement solide et concentrée, surtout de la part de personnes qui sont peu importe le cas contre tous les accords de libre-échange, mais il y avait des préoccupations considérables.

Au printemps dernier, le président Uribe a rencontré notre caucus. Bob Rae et moi avons ensuite visité Bogota et Medellin. Le dernier jour à Bogota, j'ai officieusement proposé au ministre Plata l'idée d'un processus d'évaluation annuelle des répercussions sur les droits de la personne qui pourrait nous aider à mettre fin à certaines des craintes soulevées concernant les effets négatifs possibles d'un accord de libre-échange sur les droits de la personne. Des discussions ont ensuite eu lieu à l'automne. Le gouvernement colombien était très ouvert aux discussions.

J'étais au Forum économique mondial l'été dernier à Davos, ainsi qu'à Dalian en Chine, où nous avons poursuivi les discussions avec le gouvernement colombien. En janvier, j'ai dit au ministre Day que j'avais une idée qui pourrait faire toute la différence. C'était vers la fin de son mandat comme ministre, aussi j'ai poursuivi les discussions avec les Colombiens et je me suis réuni avec le président Uribe une fois de plus à Davos, et au mois de mars nous nous étions entendus sur un libellé avec le gouvernement colombien. C'est alors que nous l'avons présenté au gouvernement canadien, c'est-à-dire au gouvernement conservateur, et les trois parties ont négocié assez efficacement pour s'entendre sur le libellé. Le 17 mai, les gouvernements du Canada et de la Colombie ont signé une entente sur des mécanismes de rapports sur les droits de la personne dans les deux pays.

Je souhaite démentir certains mythes. Le NPD et d'autres ont allégué qu'il s'agit tout simplement d'un mécanisme où la Colombie ferait rapport sur ses propres progrès. Ceci est manifestement faux. En fait, les gouvernements canadien et colombien produiront un rapport annuel sur l'incidence du libre-échange sur les droits de la personne dans les deux pays. Vous vous demandez pourquoi on nous fait rapport sur les droits de la personne au Canada. Mais lorsque l'on est en présence d'une relation bilatérale respectueuse, il faut faire preuve de réciprocité. Je souhaite réitérer que la Colombie ne fait pas rapport sur elle-même. C'est un aspect de l'accord, mais le gouvernement canadien, ainsi que les fonctionnaires du MAECI, devront collaborer avec la société civile ainsi que des experts en droits de la personne pour produire des rapports et statistiques annuels qui seront présentés au Parlement.

Enfin, les discussions ont débuté, comme vous le savez, en 2002. Depuis 2008, cet accord de libre-échange avec la Colombie a fait l'objet de centaines d'heures de débat à la Chambre, plus 60 heures de débat en comité. C'est le projet de loi de crédit qui a fait l'objet du plus long débat depuis belle lurette.

Cet accord de libre-échange représente des occasions commerciales pour le Canada. On a déjà parlé de certaines d'entre elles : par exemple, les secteurs d'extraction minière et de l'agriculture. Des entreprises comme Brookfield Asset Management sont déjà en Colombie. Elles y ont établi un fonds d'infrastructure pour la Colombie de 400 millions de dollars et j'étais très heureux de voir la référence à l'importance géopolitique de la Colombie dans la région des Andes, tout particulièrement à la lumière des événements au Venezuela et de la menace que pose le président Chavez pour la stabilité dans cette région.

Vous connaissez l'histoire de la Colombie; j'ai parlé avec le sénateur Stollery qui a visité ce pays bien plus souvent que moi. C'est un pays qui est déchiré par le conflit et la guerre civile depuis 40 ans. La guerre civile a débuté pour des raisons idéologiques mais s'est depuis convertie en guerre de narcotrafiquants. Il y a une violence inadmissible en Colombie et elle le doit au trafic des drogues. Il nous incombe d'offrir des occasions économiques légitimes aux personnes qui souhaitent tourner le dos aux guerres de narcotrafiquants et au cycle de la violence.

En Colombie, j'ai parlé à d'anciens membres du FARC et de groupes paramilitaires, et je leur ai demandé pourquoi ils se sont livrés à ce genre d'activités. Ils m'ont dit tout simplement que c'était le seul moyen de gagner sa vie dans les villages.

Je pense que la Colombie nous offre une occasion économique en or, mais je pense que nous avons également une obligation morale d'échanger avec ce pays de façon positive et respectueuse en donnant aux Colombiens l'occasion de progresser en tant que partenaires commerciaux.

Enfin, en ce qui concerne l'amendement sur les droits de la personne, nous avons des échos très positifs des experts. Le Dr James Harrison de la University of Warwick, a dit au comité que la proposition canadienne était riche en possibilités et qu'elle pouvait en fait devenir un modèle à suivre pour cette région car aucun autre pays n'avait encore parlé des droits de la personne dans un accord commercial. Il pense que c'est donc une noble tâche. L'ancien sous-ministre des Affaires étrangères du Canada et ancien ambassadeur du Canada en Colombie et au Mexique, Gaëtan Lavertu, a dit qu'il s'agissait d'une occasion en or pour analyser l'incidence de l'accord, et que nous devrions inclure les droits de la personne dans tous les accords commerciaux à l'avenir.

Peter Harder, l'ancien sous-ministre du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, a dit que l'accord était une innovation considérable en matière d'accords de libre-échange, et il croit que les parlements futurs pourront faire fond sur ce précédent.

En Colombie, León Valencia, qui est le directeur exécutif de Arco Iris, a dit que cela offrirait une tribune annuelle utile pour discuter de la situation en Colombie et pour donner à la population canadienne la possibilité de surveiller les violations des droits humains dans notre pays.

Gerardo Sánchez Zapata, qui est à la tête d'un des plus importants syndicats du secteur privé, le syndicat du textile et de l'industrie de l'habillement, parlait au nom de 12 syndicats du secteur privé en Colombie lorsqu'il a dit, « les travailleurs colombiens accueillent favorablement cette procédure, et nous sommes reconnaissants de savoir qu'elle aidera à renforcer un mécanisme déjà en place visant à surveiller et à évaluer les progrès en matière de droits humains et de liberté d'association dans notre pays. »

À titre de parlementaires, nous devrions nous atteler à cette tâche avec sérieux et, chaque année, inciter nos comités à faire en sorte que ce mécanisme fonctionne et qu'il soit pertinent.

Finalement, c'est l'occasion pour nous de faire en sorte que les gouvernements minoritaires — j'ai siégé dans cinq législatures, et celui-ci est un des plus sulfureux si vous voulez — fonctionnent à condition que nous soyons constructifs. Je sais que typiquement on travaille davantage de façon constructive au Sénat qu'à la Chambre et je pense qu'il s'agit d'un exemple où le gouvernement et les partis de l'opposition peuvent travailler ensemble pour réaliser de belles choses. Je me sens privilégié d'avoir eu la possibilité de participer à ce processus.

La présidente : Merci, monsieur Brison, vous avez parlé du mécanisme concernant les droits humains, et vous avez dit qu'il permettra à deux gouvernements de présenter leur point de vue. J'ai trouvé qu'il s'agissait d'une observation assez curieuse de la part des ONG et d'autres organisations, parce que, en fait, c'est ainsi que fonctionne le système international aux Nations Unies. Les gouvernements présentent leur point de vue, et lorsqu'ils le font, ils devraient tenir compte de la société civile, des entreprises et d'autres facteurs en fonction de leur propre gouvernement. Au bout du compte, c'est une façon ouverte et transparente de présenter leur bilan, et par la suite ils entament un dialogue avec ceux qui ont étudié la question et qui leur disent non, ce n'est pas une représentation fidèle et cela met en branle le processus.

Très rapidement, afin de ne pas monopoliser le temps, trouvez-vous qu'il s'agit d'une façon bien connue d'assurer le respect des droits humains dans d'autres champs d'activité, c'est-à-dire lorsque des gouvernements doivent présenter leur bilan de façon transparente?

M. Brison : Un des avantages de ce mécanisme de déclaration, c'est que les rapports sont présentés au Parlement. Le Parlement peut nouer un dialogue avec le comité. Le comité sur le commerce international peut solliciter la participation des ONG et leur demander ainsi qu'aux groupes de la société civile de venir témoigner devant le Parlement. Manifestement, ni le gouvernement de la Colombie ni le gouvernement canadien ne veulent susciter d'importants doutes entre ce que les groupes de la société civile disent et ce que disent les rapports. Par conséquent, je dirais qu'il y a un incitatif pour les gouvernements à faire en sorte que ces groupes contribuent à ces rapports.

La Commission des Nations Unies des droits de l'homme en Colombie a reconnu les progrès considérables réalisés par la Colombie. Je pense que le commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme serait un bon partenaire à la fois pour le gouvernement colombien et le gouvernement canadien. Je pense qu'il sera très important pour les deux gouvernements de prendre le mécanisme au sérieux et de veiller à ce qu'il soit crédible.

Le sénateur Jaffer : Monsieur Brison, merci beaucoup d'être présent et du travail que vous avez fait sur la question des droits humains. Nous avons reçu de nombreuses communications de personnes qui sont préoccupées par la signature de cet accord avant que la question des droits humains n'ait été réglée. Je ne suis pas de cet avis. Je pense qu'il faut avoir été au cœur de cette question, et vous avez parlé en détail pour nous dire que vous êtes satisfait que tout ce qui pouvait être fait l'a été.

J'ai été intrigué, comme vous l'avez dit, au sujet des rapports à présenter au Parlement. Nous n'avons pas eu ce projet de loi aussi longtemps que vous. Y a-t-il une disposition dans le projet de loi qui stipule qu'il faut des rapports annuels, ou bien êtes-vous en train de nous dire que cela relève de notre initiative?

M. Brison : Le rapport est déposé devant notre Parlement et leur Congrès. À ce moment-là, il revient au comité d'en prendre l'initiative. Je ne peux pas dicter les activités des comités, mais je m'attendrais réellement, surtout étant donné qu'il s'agit d'un mécanisme sans précédent, non seulement au Canada mais à l'échelle internationale, que nous nous engagions de façon pertinente au niveau des comités, tant ici qu'à la Chambre des communes. Il est important que nous le fassions.

Certains des opposants à cet accord ont demandé la réalisation d'une étude d'impact indépendante sur les droits humains avant la signature de l'accord. Cela représente un défi pour deux raisons; d'abord, parce que c'est très difficile d'évaluer les répercussions d'un accord qui n'a pas encore été signé sur les droits humains.

Ensuite, comment faire en sorte que ce soit indépendant sans la participation des gouvernements. Ils disent que les gouvernements ne devraient pas participer à la rédaction de ces rapports, malgré le fait que le sénateur Andreychuk a dit pourquoi le gouvernement constituait en fait un important moteur de ces rapports. Lorsque j'ai demandé à ces personnes qui prépareraient ces rapports, elles m'ont dit, « des groupes comme le nôtre. » Mais elles ont déjà dit que cet accord est mauvais pour les droits humains, par conséquent, elles nous ont déjà donné leur évaluation indépendante de la situation des droits humains. C'est très difficile parce que, honnêtement, le mouvement anticommerce et les syndicats ont adopté des positions très rigides et idéologiques sur cette question, lesquelles se fondent davantage sur leur opposition au commerce plutôt que sur toute autre question. J'ai trouvé cela très difficile d'essayer de communiquer avec eux de façon significative, et j'ai essayé. Je pense que nous aimerions tous voir une plus grande participation de la société civile sur des questions comme celles-là.

Le sénateur Jaffer : Je parle du Parlement qui assurerait un suivi à la question du respect des droits humains, comptez-vous également faire en sorte que les droits des femmes soient respectés? Nous savons que les droits des femmes en Colombie ont été lésés pendant les nombreuses années de conflit en Colombie. Que pensez-vous faire pour déterminer comment les droits des femmes ont été enfreints en Colombie? Je pense particulièrement au secteur floricole, c'est-à-dire aux femmes qui vendent des fleurs.

M. Brison : Nous avons visité une installation floricole de très grande taille près de Medellin, où les employés étaient presque exclusivement des femmes, et certaines d'entre elles nous ont raconté leur histoire. Il s'agit de femmes dont le conjoint, le père et les frères ont été tués, parfois le même jour, soit par d'anciens groupes paramilitaires ou par les FARC, et cela remonte quelques fois à 10 ou 15 ans. Il était très clair qu'il était important pour elles d'avoir un endroit sûr où elles peuvent gagner leur vie, et il est tout aussi important qu'elles puissent trouver des débouchés pour leurs produits. Je pense que l'évaluation sur les droits humains peut aider les femmes considérablement.

Plus tôt on a soulevé la question des enfants. Une des choses dont on n'est presque pas au courant, c'est que le droit du travail en Colombie est en fait plus sévère dans certains secteurs qu'il ne l'est au Canada. Le défi, c'est le manque d'application. Et le Canada a aidé à cet égard. Je pense que RHDCC aide à financer 150 inspecteurs du travail en Colombie, et je pense que nous devrions songer sérieusement à fournir davantage de ressources pour permettre davantage d'inspections. Toutefois, les règlements en tant que tels sont plutôt sévères, mais le manque de ressources fait en sorte qu'il est difficile de les appliquer. Je pense que c'est une question sur laquelle nous pourrions nous pencher au Canada, peut-être en tant que Parlement et que c'est une recommandation que nous pourrions faire au gouvernement, c'est-à-dire de songer à accroître les ressources pour les inspections et les mises en application du droit du travail en Colombie.

Le sénateur Segal : Je veux m'assurer de bien comprendre, le gouvernement de la Colombie déposerait un rapport annuel sur les effets et l'incidence de ce projet de loi sur les droits humains, et par la suite nous aurions la possibilité d'en prendre connaissance. Ce serait public. J'imagine que notre gouvernement ferait de même en ce qui a trait aux droits humains au Canada?

M. Brison : C'est exact. Nos deux gouvernements rédigeraient des rapports, mais le gouvernement du Canada ferait un rapport sur l'incidence de cet accord sur les droits humains au Canada et en Colombie. Le gouvernement colombien rédigerait un rapport similaire sur les droits humains, par le biais de ses homologues du MAECI sur les droits humains en Colombie et au Canada. Ce ne serait pas uniquement la Colombie qui établirait un rapport sur sa propre situation concernant les droits humains. Il incomberait au gouvernement du Canada de fournir une évaluation de l'incidence de l'accord sur les droits humains en Colombie ainsi qu'au Canada.

Le sénateur Segal : Alors, de façon hypothétique, on pourrait supposer qu'il y aurait un débat dans le processus législatif colombien sur la façon dont nous traitons nos Premières nations, entre autres. Est-ce que cela pourrait faire partie du processus?

M. Brison : Tout à fait.

Le sénateur Segal : En raison de vos propres antécédents, à la fois en tant que porte-parole en matière de commerce pour l'opposition officielle et votre association antérieure avec les politiques commerciales d'un autre parti politique national, puis-je vous demander si vous acceptez en fait la stratégie d'accords commerciaux bilatéraux dans l'ensemble des Amériques par opposition à ce qui est souvent proposé, c'est-à-dire la nécessité d'avoir recours à un processus hémisphérique plus large? Je serais très intéressé à connaître votre point de vue sur cette question.

M. Brison : La plupart d'entre nous seraient d'accord pour dire qu'une approche fonctionnelle et multilatérale serait préférable à des accords bilatéraux. Le Canada pourrait faire davantage pour relancer le cycle de Doha. J'aimerais bien qu'on agisse davantage sur ce front. Toutefois, cela représente d'énormes défis et, en attendant, les accords bilatéraux et la diversification de nos relations commerciales pour amoindrir notre dépendance envers les États-Unis, je pense que cela a beaucoup de sens. Qu'il s'agisse de l'Union européenne ou de l'Inde, nous devrions accorder beaucoup d'attention aux accords de libre-échange au sein des Amériques. J'aimerais, par exemple, qu'on s'attarde davantage à l'Inde et à la Chine, en raison des énormes possibilités que ces pays représentent.

Pour en revenir à la question des Premières nations, nous avons rencontré leur Comité sénatorial des affaires étrangères. Quiconque dit que la Colombie ne dispose pas d'une démocratie fonctionnelle aurait dû assister à cette séance. Les sénateurs ont eu un vigoureux débat. Certains sénateurs étaient opposés aux accords de libre-échange, tandis que d'autres étaient en faveur. Soi dit en passant, sur la question du soutien politique en Colombie, seulement 9 p. 100 des Colombiens qui ont participé à l'élection au Congrès ainsi qu'aux plus récentes élections présidentielles ont voté pour le seul parti politique qui s'opposait à ces accords de libre-échange, c'est-à-dire le Parti Polo.

Deux sénateurs au Congrès colombien représentent les peuples indigènes. Structurellement, il y a deux sièges au Sénat pour les peuples indigènes. C'était intéressant d'entendre les représentations qui ont été faites par un de ces sénateurs devant le comité, parce qu'il exprimait les préoccupations concernant un accord de libre-échange et l'exploitation potentielle des peuples indigènes par le secteur de l'extraction. Il manifestait une certaine ouverture, mais cette question le préoccupait.

Cela m'a rappelé il y a une trentaine d'années au Canada lorsque dans une vaste mesure les peuples autochtones s'opposaient à l'exploitation, mais quelque chose s'est produit au cours des dernières décennies qui fait en sorte qu'ils sont maintenant des partenaires économiques dans le développement d'exploitations minières, minérales, pétrolières et gazières. Je ne veux pas paraître condescendant du point de vue culturel, comme si ici au Canada tout était réglé, mais il y a des façons dont nous pouvons travailler ensemble avec les autres pays et approfondir nos discussions tout en ayant des initiatives pertinentes sur la façon dont on fait face à ces défis complexes, par exemple, celui des peuples indigènes.

On pourrait se surprendre et découvrir que certains de ces pays font certaines choses. J'ai mentionné le fait que dans leur Sénat il y a des sièges réservés pour les peuples indigènes. Il pourrait y avoir des secteurs dans lesquels nous pourrions tirer des leçons et certains secteurs où nous pouvons partager notre expérience et les aider. J'ose espérer que des relations économiques plus approfondies ainsi que des échanges commerciaux axés sur les règlements pourront aider à renforcer cette relation.

Le sénateur Di Nino : D'abord, je veux féliciter et remercier M. Brison. J'ai lu sa contribution aux débats dans l'autre chambre et j'ai trouvé qu'il était équitable et équilibré. Vous avez été critique et constructif, mais votre appui pour ce projet de loi est assez évident.

Je pense que vous avez essentiellement bien répondu à mes questions avec vos observations, mais j'aimerais m'assurer d'avoir bien compris qu'avec cet accord, qui a été inclus dans l'accord et signé grâce à vous, vous aimeriez que nous procédions de façon rapide et que nous l'adoptions; est-ce exact.

M. Brison : Je ne dirais pas à un comité du Sénat comment régler sa conduite. Certains d'entre vous possèdent beaucoup plus d'expérience que moi. J'ai beaucoup de respect pour le Parlement et pour votre travail, et vous traiterez bien ce projet de loi comme bon vous semble. Je ne prêcherai pas de l'autre endroit sur la façon dont vous devez traiter les projets de loi, sénateur. J'ai beaucoup trop de respect pour le Sénat du Canada et pour l'important travail de votre comité.

Le sénateur Di Nino : C'est très bien.

Le sénateur Nolin : C'est une bonne réponse.

La présidente : Je suis heureuse que vous n'ayez pas dit que nous sommes beaucoup plus âgés. Vous avez seulement dit que nous avons de l'« expérience. »

Le sénateur Di Nino : Il l'a fait. C'est exactement ce qu'il a dit.

Le sénateur Stollery : La Colombie est un pays très complexe. Il possède la géographie la plus diversifiée dans l'hémisphère occidental, et c'est une des raisons pour lesquelles les Colombiens ont tendance à être beaucoup attachés à leur province. Ils ont des chansons sur leur province natale, qu'ils appellent une préfecture. Ils y sont très attachés. Par conséquent, depuis 1822 ou 1823, ils ont eu généralement un gouvernement national faible pour toutes sortes de raisons, nombre de guerres civiles et tout ce qui s'ensuit.

La question actuelle que nous évoquons tous, c'est-à-dire les FARC de Colombie, datent du 9 avril 1948. C'est la date à laquelle a eu lieu le Bogotazo, c'est-à-dire la terrible émeute qui a lieu à Bogota lorsque Marulanda s'est échappé de prison. Il s'est échappé de la prison d'Ibague pendant la nuit du 9 avril 1948, et il a vécu jusqu'à l'an dernier ou jusqu'à l'année précédente.

Les FARC n'étaient pas initialement appelés ainsi. Il faut se souvenir qu'il y avait un gouvernement libéral au pouvoir en Colombie. La guerre entre les libéraux et les conservateurs s'est traduite par des centaines de milliers de morts dans les années 1950. Pour ce qui est des droits humains dans un contexte de guerre civile, comment peut-on parler de statistiques en Colombie, comment peut-on recueillir des données statistiques quand il est impossible de se rendre dans de vastes régions du pays par peur d'être kidnappé?

Pendant le Bogotazo, un de mes amis, un Guatémaltèque qui était présent à la première réunion de la conférence panaméricaine à Bogota lorsque le général Marshall et Fidel Castro étaient présents, m'a dit qu'il marchait dans la rue lorsque les archives nationales ont explosé. Il a qualifié cette explosion de volcan de papier. Toute l'histoire du pays s'est envolée le 9 avril 1948.

Il est difficile d'obtenir des statistiques en Colombie parce que, depuis lors, il y a des régions où on ne peut pas se rendre. Quel genre de recenseur ou de responsable des statistiques s'aventurerait dans une région contrôlée par les FARC? La Colombie est un pays complexe, mais intéressant. Il dispose, d'une certaine façon, d'une démocratie. J'ai soutenu la façon dont le président Uribe s'est penché sur la question des FARC et qu'il a finalement fait en sorte que les militaires quittent leurs bases et agissent, ce qu'ils n'avaient pas fait pendant des années. Il y avait bien des régions où on n'osait s'aventurer à moins d'être armé. Il ne fait aucun doute qu'il y a eu des améliorations en Colombie.

Bien entendu qu'il y a des atteintes aux droits de la personne dans un lieu en proie à la guerre civile, où les gens se tirent dessus et se défendent. Là n'est pas la question. Ce qui est en question dans cet accord commercial, auquel je ne m'opposerai pas plus que je ne l'ai fait à l'encontre du volet mexicain de l'ALENA, c'est le secteur agricole. Lorsque nous parlons de ces pays, c'est d'agriculture qu'il s'agit. Personne ne semble savoir à quel pourcentage correspond l'agriculture, mais c'est au moins 50 p. 100 — à mon avis, 60 p. 100 des gens travaillent dans le secteur agricole. Ils vivent à la campagne et les routes colombiennes sont mauvaises. C'est un autre problème de longue date. On voit des muletiers. Dans quel autre pays voit-on des gens accompagnant des files de mules bâtées parce que c'est ainsi qu'ils doivent approvisionner des villages éloignés? C'est très répandu en Colombie. Or, ce sont justement ces gens-là qui seront affectés par cet accord car la principale occupation des Colombiens, c'est le travail agricole.

Ce qui s'est passé au Mexique ressemble à cela mais, bien entendu, n'est pas identique. Dans cet autre pays, les producteurs de maïs et de haricots ont été balayés par des exportations bon marché provenant d'exportateurs américains de maïs fortement subventionnés et d'exportateurs canadiens de haricots, qui étaient aussi des producteurs très efficaces.

Que se passera-t-il en Colombie, compte tenu du fait que de notre côté, ce sont les producteurs agricoles qui appuient cet accord? Je ne les en blâme pas d'ailleurs. Cependant, qu'arrivera-t-il lorsqu'il y aura un différend? Un accord commercial porte justement sur la façon dont on règle un différend, un désaccord. Comment la Colombie sera-t-elle en mesure de défendre son propre secteur agricole lorsque cela se produira inévitablement?

M. Brison : Je le répète, cet accord-ci, mais aussi les accords de libre-échange en général, recueille de vastes appuis, tant aux États-Unis, que dans l'Union européenne, au Canada et en Colombie.

Vous conviendrez sans doute avec moi que la culture de la drogue a déjà évincé une bonne part de l'agriculture traditionnelle de la Colombie. On craint toujours les conséquences que peut avoir sur l'agriculture locale la mise en œuvre d'accords de libre-échange. Encore une fois cependant, l'industrie de la drogue, la narcoéconomie, est en grande partie responsable de l'élimination d'une part de l'agriculture locale et de la mainmise sur les terres qui s'y consacraient.

Pour ce qui est du Mexique, l'une des raisons pour lesquelles nous assistons à une escalade des guerres de la drogue ces dernières années, et même en Jamaïque, tout au moins selon ce qu'en disent des gens qui s'y connaissent beaucoup mieux que moi, est que le gouvernement Uribe de Colombie réussit à réprimer les activités du narcotrafic. Les cartels de la drogue sont cependant capables d'aller où ils veulent, ils sont tout à fait mobiles.

Maintenant, en ce qui concerne les routes et les infrastructures, certaines entreprises canadiennes de construction de telles infrastructures et de financement sont très compétentes. À cet égard, j'estime que la décision prise par Brookfield Asset Management de créer un fonds d'infrastructures de 400 millions de dollars destiné à la Colombie est très positive.

Au sujet du commerce, vous avez raison, les intérêts agricoles canadiens s'intéressent vivement à l'accord, mais du côté de la Colombie, on observe un intérêt variable selon la région de production, la culture et ce que nous produisons. Il se peut qu'il y ait chevauchement, mais je crois savoir que les groupes de produits grâce auxquels nous bénéficierions d'un avantage concurrentiel sont différents des produits les plus importants de l'agriculture colombienne.

Sénateur Stollery, vous avez passé beaucoup plus de temps sur le terrain en Colombie que moi et y avez donc acquis beaucoup plus de connaissances que moi, et je m'incline avec respect devant cela.

Le sénateur Stollery : J'aimerais faire une remarque au sujet de la culture de la drogue. J'ai rencontré l'homme qui a tué Pablo Escobar. On exagère l'importance de la production de drogue en Colombie. D'ailleurs, le taux d'alcaloïde présent dans la coca cultivée en Colombie est très faible. On trouve de l'alcaloïde dans la coca péruvienne. La Colombie est un lieu de transit et de traitement en laboratoire. Voilà ce qui se fait là-bas. Pour ce qui est maintenant de l'affirmation selon laquelle la culture de la drogue est en train de s'emparer de l'agriculture, je dois répondre que ce n'est pas vrai.

La présidente : Monsieur Brison, je vous remercie d'être venu témoigner devant notre comité et de nous avoir fait part de vos idées sur le projet de loi C-2, et aussi de nous avoir parlé de votre participation au processus. Votre entrée a été plutôt dramatique mais votre témoignage, lui, a été substantiel. Je vous remercie de votre participation.

M. Brison : Je vous remercie, madame la présidente.

La présidente : Mesdames et messieurs les sénateurs, êtes-vous d'accord pour que nous passions maintenant à l'étude article par article du projet de loi C-2?

Des voix : D'accord.

La présidente : Le titre est-il reporté?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 1, le titre abrégé, est-il reporté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Les articles 2 à 5 sont-ils adoptés? J'ai réuni ceux qui ont des points communs.

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 6 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 7 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 8 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Les articles 9 à 14 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 15 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 15.1 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Les articles 16 à 22 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 23 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 24 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Les articles 25 à 29 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

La présidente : Les articles 30 à 42 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 43 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Les articles 44 à 46 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 47 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 48 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Les annexes 1 et 2 sont-elles adoptées?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 1, le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Ce projet de loi est-il adopté sans amendement?

Des voix : D'accord.

La présidente : Est-ce que je ferai rapport de ce projet de loi lors de la prochaine séance du Sénat?

Des voix : D'accord.

La présidente : J'ai deux remarques à faire. Nous n'avons reçu aucune demande d'audition depuis la dernière fois que nous avons délibéré de ce projet de loi. D'autres personnes nous ont recommandé d'entendre d'autres témoins, mais n'ont pas elles-mêmes demandé de témoigner. Elles ont fait des observations au sujet du processus suivi à la Chambre des communes, ce que nous savions déjà.

Le sénateur Stollery : Il s'agit de la même lettre qui a été envoyée par des personnes différentes.

La présidente : Le comité de direction se réunira pour discuter de notre étude. Le comité nous a laissé savoir que nous recevrons des fonds et nous discuterons donc aussi de cela et en ferons rapport aux membres du comité.

(La séance est levée.)

 

Back to top
©2008 Tous droits réservés | Avis de non-responsabilité | English
Site Web conçu par Raguiluz Systems Inc.