Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
OTTAWA, le jeudi 19 mai 2016
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier les relations étrangères et le commerce international en général (sujet : accords commerciaux bilatéraux, régionaux et multilatéraux : perspectives pour le Canada).
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international est autorisé à examiner les questions qui pourraient survenir occasionnellement concernant les relations étrangères et le commerce international en général, et c'est ce qu'il fait ce matin. En vertu de ce mandat, le comité va entendre d'autres témoins aujourd'hui sur le sujet des accords commerciaux bilatéraux, régionaux et multilatéraux : perspectives pour le Canada.
À date, nous avons entendu bien des témoins issus de différents domaines, et je suis heureuse de poursuivre l'étude aujourd'hui avec Joy Nott, présidente de l'Association canadienne des importateurs et exportateurs; Brian Kingston, vice-président, Politiques internationale et budgétaire, Conseil canadien des affaires; et Stuart Trew, rédacteur principal de The Monitor, Centre canadien de politiques alternatives.
Vos biographies ont été distribuées et nous en avons pris connaissance, alors par souci d'efficacité, je vous demanderais sans plus tarder de nous faire part de vos déclarations préliminaires. Je vous invite également à réserver du temps pour les questions des sénateurs. Bienvenue à cette séance du comité. Nous allons suivre l'ordre dans lequel je vous ai présentés, alors je me tourne vers vous, madame Nott. Vous avez la parole.
Joy Nott, présidente, Association canadienne des importateurs et exportateurs : Merci, madame la présidente, et merci aux membres du comité, de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui de cet important sujet.
Comme vous l'avez entendu, je m'appelle Joy Nott et je suis la présidente et directrice générale d'I.E. Canada, connu sous le nom de l'Association canadienne des importateurs et exportateurs. I.E. Canada est une association nationale de commerce qui représente la communauté des affaires canadienne depuis près de 85 ans. Nos membres sont des importateurs, des exportateurs, des fabricants canadiens qui importent et exportent des produits, des grossistes et des distributeurs, des détaillants et des fournisseurs de services de la chaîne d'approvisionnement. Nos membres emploient plus d'un million de Canadiens et, en 2010, ils ont généré des recettes annuelles de quelque 270 milliards de dollars pour l'économie canadienne. Nous représentons quelques-uns des plus grands importateurs et exportateurs au Canada, de même que des petites et moyennes entreprises. Nos membres font des importations et des exportations dans la plupart des lignes de produits et touchent à une foule de produits de base, des grains de café aux pièces automobiles.
En bref, les membres d'I.E. Canada soutiennent fermement les accords commerciaux tels que le PTP et l'AECG. Cela dit, avant de conclure un accord de cette ampleur, le Canada doit tenir compte de certaines considérations stratégiques, et c'est d'autant plus important lorsque l'accord en question met à partie plusieurs économies, surtout quand il s'agit de puissances telles que les États-Unis et le Japon.
Dans le monde des affaires, les chaînes d'approvisionnement sont hautement intégrées. En salle du conseil, il y a très peu de distinction à faire entre l'importation et l'exportation quand il s'agit d'adopter des stratégies d'affaires dans le contexte d'une chaîne d'approvisionnement mondiale. Les entreprises voient plutôt leurs chaînes d'approvisionnement comme un flux continu, en amont et en aval, de matières, de composantes et de produits finis, jusqu'à ce que le tout soit acheminé à leurs clients. Les entreprises fondent leurs décisions stratégiques sur ce flux continu de biens et de matières, et c'est ce qu'elles surveillent, et pas les transactions distinctes d'importation et d'exportation.
La politique traditionnelle du gouvernement ne reflète toutefois pas cette réalité commerciale. Les importations et les exportations sont généralement vues comme des transactions distinctes, et les importations sont en général perçues comme un accroc à l'économie, et les exportations comme un avantage. Cette théorie simpliste nuit aux commerçants canadiens, et bien des exportateurs ne sont pas en mesure de faire concurrence aux autres dans l'économie mondiale d'aujourd'hui sans d'abord importer des matières.
Une affaire en instance devant la Cour fédérale, et mettant en cause Bri-Chem, reflète bien les sentiments voués aux importateurs. Nos membres suivent ce dossier de près. Essentiellement, le Tribunal canadien du commerce extérieur reproche à l'Agence des services frontaliers du Canada de malmener les importateurs avec ses exigences administratives.
Lorsque des entreprises privées envisagent de faire des affaires à l'échelle internationale, elles élaborent des stratégies qui ne font pas de distinction entre les transactions internationales. Sur le plan des politiques, une transaction est une transaction, qu'il s'agisse d'importations ou d'exportations. Les entreprises s'attardent au résultat final pour orienter leurs décisions, et elles n'adoptent pas de stratégies d'importation sans tenir compte de l'incidence des exportations, et vice versa.
La conclusion de nouveaux accords commerciaux implique des ajustements pour les entreprises. Par exemple, le PTP entraînera de nouvelles dépenses pour la chaîne d'approvisionnement, car les logiciels et systèmes informatiques devront être mis à jour afin de suivre non seulement les produits admissibles selon l'ALENA, mais aussi les produits et matières admissibles selon le PTP.
Il faut se rappeler que même si les règles sur le pays d'origine de l'ALENA et du PTP sont identiques pour certains produits, les produits eux-mêmes ne sont pas interchangeables sur le marché. Il ne sera pas possible de satisfaire aux contrats exigeant des marchandises admissibles selon l'ALENA avec des marchandises admissibles selon le PTP, et ce, même si le Canada, les États-Unis et le Mexique sont tous parties à l'ALENA et au PTP.
Les membres se plaignent également de la dysfonction des échanges commerciaux interprovinciaux au Canada, alors conclure des accords commerciaux de grande envergure ne fera que compliquer les choses davantage. Des membres de notre organisation m'ont dit qu'ils s'ennuyaient du bon vieux temps, alors que les tarifs étaient élevés, les barrières non tarifaires peu nombreuses et le commerce beaucoup plus transparent qu'il ne semble l'être aujourd'hui.
En résumé, il est important de noter qu'I.E. Canada soutient fermement les accords commerciaux et les accueille volontiers. Les affaires mondiales laissent planer le doute que le PTP ne verra peut-être jamais le jour. Les primaires américaines font penser à plusieurs que le PTP ne sera jamais entériné. Avec le Brexit, beaucoup s'interrogent sur le sort de l'AECG, et le mot « protectionnisme » flotte au gré des vents planétaires.
Pourvu qu'on leur en donne la chance, les Canadiens peuvent se démarquer au même titre que les autres commerçants du globe. Nos membres sont des partisans du libre-échange, mais ils ont besoin que le gouvernement canadien les aide à ouvrir de nouveaux marchés par l'entremise d'accords économiques et d'accords de libre-échange. Cela dit, nous tenons à préciser que tout accord de libre-échange doit être administré de façon stratégique après sa mise en vigueur, pour que soient effectivement atteints les résultats visés à la signature. Nos membres s'engagent à participer à des consultations avec les représentants du gouvernement pour discuter de ces préoccupations.
Nous espérons que ces commentaires permettront de réaffirmer l'importance des répercussions qu'ont les accords commerciaux sur les entreprises canadiennes. Là-dessus, je suis disposée à répondre à vos questions.
La présidente : Merci. Vous avez fait référence à une affaire devant les tribunaux. Aux fins du compte rendu, avez- vous d'autres détails à nous donner, outre le fait que l'ASFC est en cause?
Mme Nott : Ma déclaration ne contient pas d'autres détails à ce sujet, mais je pourrai certainement vous en faire parvenir.
La présidente : Merci. C'est simplement pour avoir les bonnes références.
Mme Nott : Absolument.
La présidente : Je vais maintenant céder la parole à M. Kingston.
Brian Kingston, vice-président, Politiques internationale et budgétaire, Conseil canadien des affaires : Merci, madame la présidente. Honorables sénateurs, merci d'avoir invité à prendre part à votre étude sur le commerce international.
Le Conseil canadien des affaires représente les chefs d'entreprise et entrepreneurs de plus de 150 grandes sociétés canadiennes, de tous les secteurs et de toutes les régions du pays. Nos sociétés membres emploient 1,4 million de citoyens, représentent plus de la moitié de la valeur de la Bourse de Toronto, paient la plus grande part de l'impôt fédéral sur les sociétés, et sont responsables de la plupart des exportations, du mécénat d'entreprise et des investissements privés dans la recherche-développement au Canada.
L'engagement du Canada envers l'économie mondiale, soutenu par des accords commerciaux multilatéraux, bilatéraux et régionaux, permet de maintenir le niveau de vie et la prospérité de notre nation. Compte tenu de sa population modeste de 35,8 millions de personnes et de son marché qui ne représente que 2 p. 100 de l'économie mondiale, le Canada n'a d'autre choix que d'explorer de nouveaux marchés à l'étranger pour y vendre ses biens et services.
Le Canada a un bilan remarquable à l'OMC en matière d'engagement et de réalisations, et cela contribuera à la libéralisation du commerce mondial. Parallèlement, il a tâché de conclure des accords régionaux et bilatéraux avec la plupart de ses principaux partenaires commerciaux. Le Canada l'a fait parce que les gains réalisés grâce au commerce sont clairs : avec la libéralisation du commerce, les importations et les exportations canadiennes ont connu une hausse fulgurante, et il en va de même pour les investissements mutuels et le niveau de vie. Depuis un quart de siècle, les exportations de marchandises contribuent à elles seules au tiers du produit intérieur brut, et la valeur des marchandises importées est à peu près équivalente. À la suite de la conclusion du premier accord exhaustif de libre-échange avec les États-Unis, le PIB par habitant a augmenté de près de 150 p. 100.
Pourtant, depuis 2000, la position du Canada à titre de grand commerçant s'est érodée. Sa part du commerce mondial de marchandises est passée de 4,3 p. 100 à 2,5 p. 100 en 2014. Il a perdu du terrain en Chine, en Corée du Sud, en Russie, à Hong Kong, en Italie et aux Pays-Bas. Au cours de la même période, sa part du commerce mondial de services commerciaux a aussi chuté, passant de 2,6 p. 100 à 1,7 p. 100.
Sur ce, j'aimerais profiter du temps qu'il me reste pour formuler cinq recommandations concernant la modernisation de la politique commerciale du Canada afin de renverser cette tendance.
Numéro un, voir grand. La politique commerciale du Canada devrait tenir compte du fait que les grandes sociétés sont le moteur du commerce international. La propension à l'exportation croît avec la taille de l'entreprise. La proportion d'entreprises canadiennes exportatrices est d'un peu plus de 1 p. 100 seulement parmi les petites entreprises, c'est-à-dire les entreprises comptant 100 employés ou moins, mais de 43 p. 100 pour les grandes entreprises, celles qui emploient 500 personnes et plus. Les grandes entreprises ne sont pas seulement plus susceptibles d'exporter; elles sont aussi responsables d'une part disproportionnée des exportations du Canada. En 2014, les 10 principales entreprises exportatrices étaient des grandes sociétés et étaient responsables de près du quart de toutes les exportations. Si nous voulons améliorer notre rendement commercial, nous devons aider les PME à atteindre le seuil nécessaire pour devenir des exportatrices mondiales.
Numéro deux, ratifier et mettre en œuvre l'AECG et le PTP. Si les accords de libre-échange avec l'Europe et les membres du Partenariat transpacifique sont mis en vigueur, le Canada pourra commercer librement avec plus de 60 p. 100 de l'économie mondiale, donnant ainsi aux entreprises canadiennes un accès privilégié à près de 90 p. 100 des marchés d'exportation existants. Le Canada serait le seul pays du G7 à avoir un libre accès aux marchés des États- Unis, des Amériques, de l'Europe et de la région de l'Asie-Pacifique, y compris trois des quatre plus grandes économies au monde.
Numéro trois, élaborer une stratégie sur la Chine. Pour paraphraser David Mulroney, ex-ambassadeur du Canada en Chine, notre politique commerciale a un trou de la taille de la Chine. La Chine est et va demeurer le plus grand partenaire commercial bilatéral du Canada après les États-Unis, et nous devons élaborer une stratégie complète qui prévoit notamment la négociation d'un accord de libre-échange bilatéral. Selon les estimations présentées dans une étude publiée récemment et que nous avons commandée, un accord de libre-échange bilatéral avec la Chine pourrait générer pour 7,8 milliards de dollars en activités économiques supplémentaires en moins de 15 ans.
Numéro quatre, diversifier les marchés émergents. Selon la Banque du Canada, on prévoit que la croissance potentielle des économies émergentes sera environ quatre fois plus grande que celle des économies les plus avancées du monde. Les marchés émergents sont actuellement responsables de 80 p. 100 de la croissance mondiale, mais seuls 12 p. 100 de nos exportations vont directement aux marchés émergents en plein essor, tandis que 85 p. 100 vont aux économies avancées, qui n'enregistrent qu'une croissance modeste. Conclure des accords commerciaux avec l'Inde et les membres de l'ANASE permettrait de faciliter la diversification du commerce dans les marchés émergents en forte croissance.
Enfin, il faut s'adapter à de nouvelles formes de commerce. Le Canada doit en faire davantage pour demeurer pertinent dans un monde où les économies sont devenues profondément intégrées. Les politiques commerciales désuètes comme les mesures protectionnistes empêchent les sociétés de nouer des liens avec des chaînes d'approvisionnement efficaces et intégrées.
Selon une étude d'un ancien économiste en chef adjoint à Affaires mondiales, Dan Ciuriak, que nous publierons bientôt — je crois que vous avez déjà entendu son témoignage —, l'élimination unilatérale des obstacles aux importations et l'adoption d'une politique ouverte en matière de services et d'investissements étrangers directs stimuleraient la croissance, attireraient des investissements et feraient du Canada un centre d'activités commerciales. Selon l'étude, le libre-échange unilatéral créerait une activité économique se chiffrant à 47 milliards de dollars par année d'ici 2035, ce qui correspond à une hausse de 1,7 p. 100 du PIB du Canada ou à une hausse presque trois fois supérieure des gains que l'on prévoit réaliser grâce à l'AECG et au PTP.
Sur ce, je serai heureux de répondre à vos questions. Merci.
La présidente : Merci, monsieur Kingston. C'est maintenant au tour de M. Trew.
Stuart Trew, rédacteur principal, The Monitor, Centre canadien de politiques alternatives : Madame la présidente, sénateurs, je vous remercie de cette occasion de comparaître au nom du CCPA. Comme vous l'avez dit, je suis le rédacteur principal de la publication périodique intitulée The Monitor. Si quelqu'un veut la feuilleter, j'en ai apporté un exemplaire. J'ai également travaillé au CCPA avec Scott Sinclair dans le cadre du Trade and Investment Research Project, un projet de recherche sur le commerce et les investissements qui nous avons entrepris en 1999. J'étais auparavant chargé de la campagne sur le commerce au Conseil des Canadiens. J'ai environ 10 années d'expérience dans l'étude de certains de ces accords, notamment des répercussions sur des questions non commerciales, sur l'environnement et sur les droits des travailleurs. Je peux parler de l'incidence d'accords commerciaux récents, comme l'AECG et le PTP, sur la réglementation et le coût des produits pharmaceutiques au Canada, mais, compte tenu des contraintes de temps, je ne crois pas que je pourrai aborder toutes ces questions. Je mettrai seulement l'accent sur le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États prévu dans ces deux accords récents.
Votre comité a déjà entendu, et je crois que c'est tout dernièrement, des adversaires et des partisans de l'inclusion par le Canada d'un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États dans ses accords commerciaux. Vous pouvez avoir la ferme conviction que le CCPA fait partie de la première catégorie. Nous nous opposons à ce mécanisme. Contrairement à des témoins ayant comparu avant nous, nous ne sommes pas directement concernés par l'issue de ce débat, mais nous croyons fermement qu'accorder aux investisseurs internationaux — ce sont presque toujours de grandes sociétés ou de riches particuliers — le droit à une indemnisation lorsqu'une réglementation d'intérêt public nuit à leurs objectifs commerciaux privés revient à affaiblir la démocratie.
Le chapitre de l'ALENA portant sur l'investissement avait pour but d'accorder aux investisseurs américains et canadiens au Mexique des mesures de protection donnant suite à l'impression que les tribunaux y sont corrompus et y font l'objet d'une ingérence politique. Au cours des deux dernières décennies, le Canada est plutôt devenu le signataire de l'ALENA et le pays développé le plus poursuivi au monde, en raison de nombreuses demandes d'indemnisation liée à des mesures de protection environnementale, à la politique concernant les ressources naturelles et à des choses qui ne sont pas nécessairement liées au commerce.
Deux défaites plutôt déconcertantes révèlent le gâchis d'arbitrage créé par le mécanisme de RDIE, le mécanisme de règlement de différends entre investisseurs et États. L'affaire Bilcon concernait un projet d'exploitation de carrière en Nouvelle-Écosse qui a été rejeté à la suite d'un processus d'évaluation environnementale fédéral et provincial. Même si aucun tribunal canadien ne s'est prononcé sur la question, un tribunal de l'ALENA a déterminé que le processus d'évaluation environnementale avait enfreint la loi canadienne. La majorité des membres du tribunal ont estimé que le critère relatif aux valeurs fondamentales de la collectivité, qui a été interprété à tort comme la principale raison pour laquelle il a été recommandé de ne pas approuver le projet, dépassait le mandat de la commission d'évaluation environnementale. Les arbitres ont également critiqué la décision de la commission de recommander d'emblée le rejet du projet sans proposer de changements qui auraient pu atténuer ses répercussions négatives et permettre à Bilcon d'aller de l'avant.
La norme minimale de protection de l'ALENA et d'autres accords, notamment l'AECG et le PTP, sur laquelle l'affaire Bilcon reposait en partie, a été critiquée à juste titre comme étant essentiellement subjective, ce qui permet aux arbitres d'appliquer leurs propres préférences et partis pris. La décision rendue dans cette affaire prouve sans aucun doute que ces préoccupations sont justifiées. Le tribunal n'était pas qualifié pour juger si la loi canadienne avait été violée ou avait fait défaut, à l'exception du membre dissident, comme en témoigne ne serait-ce qu'une compréhension de base du contexte juridique dans lequel les décisions du tribunal ont été prises. C'est l'opinion exprimée par Meinhard Doelle, un professeur de droit de l'environnement.
À la suite d'une autre défaite essuyée par le Canada, la société Mobil Investments, dans une affaire l'opposant à Murphy Oil, a reçu une indemnisation initiale de 18 millions de dollars pour avoir dû contribuer à un fonds en matière de recherche et de développement à Terre-Neuve-et-Labrador compte tenu d'un accord que toutes les sociétés ont conclu pour pouvoir forer des puits de pétrole et de gaz au large des côtes de la province. La société veut obtenir le versement continu de dommages-intérêts tant que la politique demeurera en vigueur. C'est un exemple où le gouvernement nous dit que le règlement de différends entre investisseurs et États ne peut pas forcer un pays à changer sa politique, mais, dans ce cas-ci, nous sommes tenus de verser des dommages-intérêts tant que la politique demeurera en vigueur. Dans les faits, le tribunal nous demande de changer la politique.
Dans cette affaire, la province et le gouvernement fédéral croyaient, avec raison, que les dispositions concernant la recherche et le développement à Terre-Neuve n'étaient pas visées par l'ALENA — elles étaient exclues dans le cadre des réserves de l'annexe 1 à l'égard des mesures non conformes —, et ils ont donc adopté cette position devant la commission, mais, en 2012, la commission a rejeté la position du Canada dans cette affaire, alors que deux membres de la commission sur trois ont affirmé que ces réserves s'appliquaient seulement au libellé exact des mesures non conformes qui existaient en 1994.
Quel gouvernement digne de ce nom accepterait de suspendre à jamais sa politique en matière de ressources naturelles? Pourquoi devrions-nous payer des entreprises pour les réglementer différemment ou, de manière plus efficace, lorsque les circonstances l'exigent?
Le gouvernement fédéral veut nous faire croire qu'il s'efforce d'améliorer les lacunes du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États en mettant à jour le chapitre sur l'investissement de l'AECG et le chapitre équivalent de l'accord commercial avec l'Europe. Il convient de signaler que la version du chapitre sur l'investissement du PTP ne fait que renforcer le modèle de l'ALENA. Je me contenterai de dire brièvement que la tentative de l'AECG d'affirmer le droit de réglementer du gouvernement ne va pas assez loin.
Un rapport copublié dernièrement par le CCPA explique comment la création d'un système judiciaire sur l'investissement et une liste permanente d'arbitres ne modifieraient pas la logique qui sous-tend certaines affaires de règlement de différends entre investisseurs et États, comme la contestation par Lone Pine Resources du moratoire du Québec sur la fracturation hydraulique dans le fleuve Saint-Laurent ou la poursuite engagée par Vattenfall en Allemagne pour invalider la décision de ce pays de supprimer graduellement le recours à l'énergie nucléaire. Ces affaires seraient néanmoins soumises à un arbitrage compte tenu des mêmes règles boiteuses que l'on retrouve dans l'ALENA et d'autres traités d'investissement.
Le mécanisme de règlement de différends entre investisseurs et États comporte peu d'avantages économiques. Les entreprises canadiennes qui s'en servent pour contester des décisions réglementaires dans d'autres pays ont un très faible taux de réussite. Il n'y a pas grand-chose qui prouve que la présence d'un tel mécanisme dans un traité d'investissement se traduit par un accroissement des investissements au Canada ou à l'étranger. C'est ce qui a également été constaté à l'échelle internationale. Aucune preuve tangible n'établit de lien entre ces mécanismes et des investissements accrus.
Enfin, les tribunaux canadiens sont tout à fait capables de statuer sur les différends liés aux droits de propriété, et les sociétés disposent d'autres moyens d'assurer leurs investissements à l'étranger sans devoir recourir à un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.
Vous avez probablement déjà entendu que notre gouvernement n'a aucune chance de gagner contre une société dans le cadre de ce système. C'est une route à sens unique. Vous êtes poursuivis par les entreprises, et soit que vous perdez, soit que vous ne perdez pas. Le gouvernement ne peut jamais gagner. On conteste une de ses politiques, et soit qu'il perd, soit qu'il ne perd pas.
Par conséquent, nous recommandons que le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États soit retiré de l'AECG et du Partenariat transpacifique, et que le Canada envisage un examen approfondi de ces dispositions dans les accords commerciaux internationaux et les accords sur les investissements.
Merci beaucoup.
La présidente : Merci beaucoup. Il ne manque certainement pas de personnes qui veulent poser des questions à la suite de vos observations.
Le sénateur Downe : Monsieur Kingston, je suis intéressé par les observations que vous avez formulées au sujet des accords commerciaux qui servent davantage les intérêts des grandes sociétés parce qu'elles sont à l'origine de la majorité des exportations.
Comme vous le savez, de nombreux Canadiens sont préoccupés du fait que les gouvernements qui se succèdent ne cessent de signer des accords commerciaux, mais que nous voyons encore des usines fermer leurs portes et des emplois disparaître. Les gens se demandent quels sont les avantages de ces accords pour les Canadiens moyens. Des collectivités qui dépendaient d'usines ouvertes en permanence disparaissent. Le faible dollar y est peut-être pour quelque chose.
En revanche, nous avons de nombreuses grandes sociétés qui ne payent pas leur juste part d'impôt au Canada, ce qui réduit le financement qui permet aux gouvernements canadiens d'offrir des services et des programmes sociaux.
Donc, à votre avis, qu'est-ce qui incite les gouvernements à continuer de négocier des accords commerciaux?
M. Kingston : Merci, monsieur le sénateur. J'aimerais juste apporter une précision à propos de ce qui a été dit concernant les accords, à savoir qu'ils servent davantage les intérêts des grandes sociétés; ce n'est pas ce que je disais. Je disais que quand on observe les échanges commerciaux du Canada à l'échelle internationale, on constate qu'ils sont en grande partie attribuables aux grandes sociétés.
Le sénateur Downe : C'est ce que je pensais que vous aviez dit. Je me suis mal exprimé alors, car vous avez mentionné que les grandes sociétés faisaient le gros des exportations.
M. Kingston : C'est exact. Ce que j'essayais de dire, c'est que si vous voulez accroître les exportations canadiennes, à titre d'exemple, la meilleure façon de procéder est de faciliter les exportations des grandes entreprises. L'autre moyen d'y parvenir est d'aider les petites sociétés à devenir de grands exportateurs mondiaux, ce qui ne se fait pas à l'aide d'accords commerciaux, mais plutôt à l'aide de politiques intérieures.
À propos de ce que vous avez dit au sujet des avantages des accords commerciaux pour les Canadiens moyens, je pense que les faits sont indéniables. Notre niveau de vie s'est amélioré de façon exponentielle depuis la mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis en 1989. Tant les importations que les exportations ont connu une croissance considérable. C'est extrêmement avantageux.
En observant les entreprises exportatrices, nous constatons souvent que la chaîne d'approvisionnement des grandes entreprises comprend un grand nombre de petites entreprises. De multiples intrants contribuent aux exportations d'une grande entreprise, et ils sont la plupart du temps fournis par des PME de partout au Canada.
Pour répondre à ce que vous avez dit concernant le paiement d'une juste part d'impôt, nous avons évidemment suivi de très près les controverses fiscales dont le Royaume-Uni a été le théâtre. Nous sondons nos membres chaque année. Nous faisons ce que nous appelons la Total Tax Contribution, la contribution fiscale totale, pour déterminer combien d'impôt ils payent, et je peux vous dire qu'ils payent leur juste part. Les grandes sociétés payent un montant considérable d'impôts. Je serais heureux de remettre ce rapport au comité.
Le sénateur Downe : Je ne doute pas qu'elles payent un montant considérable d'impôt, mais nous avons vu — et vous avez mentionné le Royaume-Uni — le montant négligeable d'impôt que des sociétés comme Starbucks et Amazon payent au Royaume-Uni. Pourquoi ce montant serait-il différent au Canada? Me dites-vous que le montant n'est pas le même?
M. Kingston : C'est exactement ce que je dis, oui.
Le sénateur Downe : Je suis donc impatient de voir ce rapport et d'approfondir la question. C'est certainement une bonne chose que les sociétés payent leur juste part ici alors qu'elles ne le font pas ailleurs. J'ai hâte de lire le rapport.
À propos de l'ALENA, vous avez tout à fait raison de dire que la partie de l'accord concernant les États-Unis s'est avérée très fructueuse pour le Canada, mais pour ce qui est de la partie concernant le Mexique, il s'agit plutôt d'une catastrophe. Notre déficit commercial a considérablement diminué.
Selon vous, outre ce qui concerne notre commerce avec les États-Unis, quel autre accord signé récemment s'est avéré bon pour le Canada?
M. Kingston : Merci de cette question. Il y a une chose à souligner là-dessus : oui, nous avons signé un certain nombre d'accords commerciaux qui ont donné lieu à un déficit commercial, et beaucoup de gens les prennent comme exemples pour affirmer que ces marchés n'étaient pas avantageux pour le Canada. Ce que je tiens à souligner, c'est qu'il ne faut pas regarder seulement les exportations de marchandises; il faut aussi tenir compte des services et des investissements. Exportation et développement Canada a travaillé récemment sur les ventes des filiales étrangères. Or, il s'avère que les ventes des filiales étrangères canadiennes dépassent l'ensemble des exportations de marchandises par un montant bien supérieur à 100 milliards de dollars, alors le fait de ne regarder que les déficits au chapitre des exportations ne permet pas de rendre compte de la situation dans son ensemble. Un pays comme le Canada ne peut pas s'attendre à avoir une position commerciale équilibrée avec tous les pays avec lesquels il signe des accords commerciaux. Nous devons tenir compte du caractère mondial du commerce et regarder les produits que le Canada exporte ainsi que la valeur ajoutée que l'on donne à ces produits.
La sénatrice Johnson : Bonjour. J'ai une question pour madame Nott et monsieur Kingston.
Selon Jim Balsillie, l'ancien coprésident-directeur général de la société Research in Motion, le Canada n'a ni la capacité d'innovation ni les actifs de propriété intellectuelle pour profiter du Partenariat transpacifique. Que pensez- vous de cela?
Mme Nott : Je vais m'en remettre à M. Kingston pour ce point particulier. L'Association canadienne des importateurs et exportateurs a tendance à se focaliser sur les obstacles tarifaires et non tarifaires qui ont une incidence sur la circulation des biens à la frontière. Par conséquent, il n'est pas dans nos habitudes de sonder directement nos membres sur la propriété intellectuelle et les autres choses de cette nature.
La seule chose que je tiens à souligner à cet égard avant de laisser la parole à M. Kingston, c'est le fait que nos membres nous ont dit très clairement qu'il y a, à part la propriété intellectuelle, un certain nombre d'autres sujets qui les préoccupent. Le message quasi unanime que nos membres nous transmettent, c'est que si le Partenariat transpacifique devait aller de l'avant, le Canada ne pourrait pas se permettre d'y tourner le dos. Il y a peut-être des aspects de cet accord qui ne plaisent pas à tout le monde, mais la possibilité de bouder l'accord n'est pas une option. Sur ce, je laisse la parole à M. Kingston.
M. Kingston : Merci. Oui, Jim Balsillie a répété souvent que le Canada n'a pas de stratégie en matière d'innovation. Je pense qu'il a raison, et je crois que le gouvernement est justement en train de travailler là-dessus.
Là où ses propos me donnent du fil à retordre, c'est lorsqu'il parle du lien qui existe entre cette stratégie et un accord commercial comme le Partenariat transpacifique. Les règles mondiales en matière de propriété intellectuelle sont façonnées dans un contexte mondial, et le Canada a joué un rôle clé à cet égard au fil des ans. Par exemple, les dispositions de l'Accord économique et commercial global concernant la propriété intellectuelle sont très similaires à ce qui figure dans le Partenariat transpacifique. Or, M. Balsillie voit le Partenariat transpacifique d'un mauvais œil, mais pas l'Accord économique et commercial global. J'ai de la difficulté à comprendre sa logique, mais je suis tout à fait d'accord pour dire qu'une stratégie en matière d'innovation devrait absolument faire partie des choses à envisager.
La sénatrice Johnson : Merci. Entre autres présentateurs, nous avons aussi reçu Jim Stafford. Dans son commentaire publié dans le Globe, en février 2016, il a écrit que les accords de libre-échange n'aideront pas le Canada à améliorer sa performance commerciale dans la région de l'Asie-Pacifique. Il a indiqué que les gouvernements de plusieurs pays de cette région — par exemple, la Corée du Sud, le Japon, la Malaisie et le Vietnam — mettent en place des stratégies économiques et commerciales qui faussent le commerce. Êtes-vous d'accord ou en désaccord avec cela? Pourquoi?
Mme Nott : Je crois que je vais commencer. Je pense que, de façon générale, mes membres seraient en désaccord avec cette affirmation. Nos membres sont des importateurs et des exportateurs d'une vaste gamme de produits, certes, mais un sous-groupe important de nos membres est attaché au secteur de l'agroalimentaire. À cet égard, l'accord de libre- échange signé avec la Corée du Sud a été perçu comme quelque chose de très positif quant à l'ouverture des marchés et comme moyen de niveler les capacités d'exportations du Canada avec celles des États-Unis.
Il reste que l'appréciation à l'égard d'accords comme celui de la Corée n'est peut-être pas aussi forte dans d'autres secteurs. Il est très difficile de répondre à cette question par une seule réponse infaillible. Cela dépend de l'exportateur ou de l'importateur à qui l'on parle et du secteur visé; ils ne sont pas tous égaux.
M. Kingston : Je suis aussi en désaccord avec cette affirmation. Il n'y a qu'à regarder ce qu'ont fait l'Australie et la Nouvelle-Zélande dans la région de l'Asie-Pacifique, et les âpres négociations que ces deux pays ont menées pour conclure des accords bilatéraux, notamment en ce qui concerne leurs exportations vers la Chine, lesquelles ont augmenté de façon exponentielle dans certains secteurs. La Nouvelle-Zélande et le secteur laitier en sont un formidable exemple. Les exportations de produits laitiers de la Nouvelle-Zélande vers la Chine ont atteint une telle ampleur que le pays envisage la possibilité de renégocier les mesures de protection prévues aux termes de son accord avec la Chine. En effet, les volumes sont montés en flèche.
Je crois qu'il y a beaucoup de bons exemples de pays qui ont négocié des accords commerciaux mûrement réfléchis dans la région de l'Asie-Pacifique, des accords qui se sont avérés très profitables.
La sénatrice Johnson : Voilà qui est très intéressant.
Monsieur Trew, dans un rapport préparé récemment par l'un de vos chercheurs, M. Alexandre Maltais, intitulé TPP and Cultural Diversity — ou si vous préférez Le Partenariat transpacifique et la diversité culturelle —, on demande pourquoi le Canada a consenti à des protections moindres pour les industries culturelles aux termes du Partenariat transpacifique, comparativement à d'autres accords commerciaux, dont l'ALENA et l'accord de libre-échange annoncé avec l'Union européenne. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet et sur l'incidence que le Partenariat transpacifique pourrait avoir, selon vous, sur nos industries culturelles?
M. Trew : Je m'excuse. J'aimerais pouvoir en parler plus en détail. J'ai lu le rapport et j'encourage les membres du comité à y jeter un coup d'œil, s'ils en ont la chance.
Si je me souviens bien, cela concerne le libellé de l'exemption culturelle. Tant dans l'Accord économique et commercial global que dans le Partenariat transpacifique, le Canada a laissé de côté la position traditionnelle qu'il avait adoptée pour l'ALENA, soit celle de retirer globalement de l'accord ses industries culturelles, ses réglementations en matière de culture, ses règles sur le contenu canadien et les autres choses de cette nature. Dans une certaine mesure, ces aspects sont protégés aux termes du Partenariat transpacifique et de l'Accord économique et commercial global, mais d'une différente façon. Le Partenariat transpacifique contient une curieuse exception à l'exception, et je crois que Michael Geist en a parlé dans l'un de ses récents blogues.
Le Canada s'en prend essentiellement à certaines des protections prévues aux termes du Partenariat transpacifique, car elles ont trait, si je ne m'abuse, à des services comme Netflix. En gros, ces dispositions feront en sorte qu'il sera difficile pour le Canada de revoir sa réglementation dans ce secteur parce que le Partenariat transpacifique nous force à prendre des décisions définitives qui deviendront la loi du pays à perpétuité, et qu'il sera très difficile de changer cela. C'est ce que j'ai compris de cet article. Je regrette de ne pas pouvoir en parler plus en détail.
[Français]
Le sénateur Rivard : Il y a environ une dizaine d'années, nous avons appris un nouveau mot, les « eurosceptiques ». Aux dernières élections européennes, l'an dernier, les candidats dits eurosceptiques ont recueilli plus de 25 p. 100 des suffrages, et nous savons que, dans exactement 36 jours, le 23 juin prochain, les électeurs de la Grande-Bretagne auront à voter sur la question de demeurer ou non dans la Communauté européenne.
En ce qui concerne le dossier du libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, croyez-vous que le retrait de la Grande-Bretagne de la Communauté européenne puisse avoir un impact sur les entreprises canadiennes? Le cas échéant, l'impact sera-t-il faible ou important?
[Traduction]
M. Kingston : C'est une excellente question et il est exact de dire que le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne aura une incidence sur les avantages globaux de l'accord. Le Royaume-Uni est tout de même la deuxième économie en importance de l'Union européenne. Je peux toutefois vous assurer que le monde des affaires restera un ardent partisan de l'Accord économique et commercial global et qu'il voudra toujours que cet accord aille de l'avant en raison de la taille et de l'amplitude du marché concerné. Il ne fait cependant aucun doute que le retrait du Royaume- Uni aurait d'importantes répercussions.
[Français]
Le sénateur Rivard : Croyez-vous que l'Écosse, qui a décidé de rester au sein du Royaume-Uni, puisse tenir un autre référendum si la Grande-Bretagne décidait de se retirer de l'Union européenne? Est-ce que l'Écosse voudrait y rester, si c'était le cas?
M. Trew : Je ne sais pas si je peux répondre à cette question.
[Traduction]
Je reconnais qu'il y a une montée de l'euroscepticisme en Europe. J'ai lu des articles sur les répercussions que la sortie de la Grande-Bretagne aurait ou n'aurait pas sur l'Accord économique et commercial global en particulier et sur les préoccupations que cette sortie suscite là-bas. J'ai aussi eu vent des inquiétudes de la Roumanie et d'autres pays concernant les exigences actuelles du Canada en matière de visa et sur l'effet que cela pourrait avoir sur leur décision définitive au sujet de l'Accord économique et commercial global, au moment où l'Accord sera soumis au Conseil, puis au Parlement.
Permettez-moi de profiter de cette question de façon opportuniste. En Europe, il y a plus de scepticisme à l'égard du règlement des différends entre investisseurs et États qu'il n'y a d'euroscepticisme, et ce phénomène a pour effet d'étendre le spectre politique. Des millions de personnes ont signé des pétitions pour s'opposer à l'Accord économique et commercial global en raison de ces protections pour les investissements, et cette opposition ne s'éteindra pas en raison des réformes que le gouvernement a mises au point concernant ce tribunal des investissements. Nous constatons des inquiétudes tenaces à propos de cela, et c'est une chose à laquelle nous devrions réfléchir ici, au Canada. Il se pourrait que l'Accord tombe à l'eau ou que le Parlement européen vote contre l'Accord lorsqu'il sera appelé à le faire au cours de l'année prochaine.
Le sénateur Oh : Merci à notre groupe d'experts. Que font les gouvernements provinciaux pour essayer de bonifier le commerce et les investissements dans la région visée par le Partenariat transpacifique? Travaillez-vous tous avec les gouvernements provinciaux?
Mme Nott : Je ne peux parler que pour mon Association, et je peux dire que nous n'avons pas vraiment l'habitude de travailler de près avec des gouvernements provinciaux en particulier. Je sais qu'en Ontario, par exemple, ce n'est pas le gouvernement proprement dit, mais bien la Chambre de commerce de Toronto qui est très active à cet égard. Elle possède en effet un programme très solide pour aider les petites et moyennes entreprises canadiennes à acquérir ce qu'il leur faut pour exporter, pas nécessairement en Asie, mais simplement à l'extérieur du Canada, quelle que soit la région.
En ce qui concerne l'Association canadienne des importateurs et des exportateurs et les occasions que nous avons de travailler avec les gouvernements, l'accent est davantage mis sur le gouvernement fédéral puisque notre travail concerne surtout les frontières internationales.
M. Trew ou M. Kingston auront peut-être plus de choses à dire sur l'aspect provincial.
M. Kingston : Nous avons récemment constaté une augmentation du nombre de visites de premiers ministres provinciaux à l'étranger dans le cadre de missions commerciales. Je crois qu'il s'agit d'un signe encourageant. La première ministre Wynne a été passablement active à ce chapitre. La Colombie-Britannique est bien entendu la championne des exportations dans la région de l'Asie-Pacifique, mais nous aimerions que les provinces soient plus dynamiques.
Si je peux me permettre un aparté au sujet du commerce des provinces, je dirais qu'une chose qui pourrait aider à cet égard serait d'instaurer le libre-échange entre les provinces à l'intérieur du pays. Je sais que les ministres y travaillent, mais je suis convaincu qu'un accord sur le commerce interne aidera l'ensemble du pays à faire mieux en matière d'exportations.
Le sénateur Oh : Par exemple, l'Ontario a fait un grand nombre de missions commerciales, mais son déficit est le plus élevé de toutes les provinces canadiennes.
M. Trew : Je m'excuse. Je ne sais pas grand-chose sur ce que font les provinces à l'exception des missions commerciales que l'on voit aux nouvelles et qui sont probablement plus efficaces pour augmenter les exportations à long terme que certains de ces accords commerciaux. C'est à peu près tout ce que je sais.
La présidente : Nous devrons recevoir des témoins qui pourront nous parler du commerce intérieur canadien, de province en province. C'est un sujet qui revient très souvent. Les préoccupations que nous entendons portent plutôt sur le commerce entre les provinces que sur le commerce des provinces à l'étranger.
Le sénateur Pratte : Ma question s'adresse à M. Trew, et les autres témoins pourront y aller de leurs observations s'ils le veulent. J'ai remarqué que le Centre canadien de politiques alternatives a publié deux rapports sur les répercussions du Partenariat transpacifique sur le système de santé, notamment en ce qui concerne l'augmentation du prix des médicaments. Je crois d'ailleurs que vous avez parlé de ces rapports tout à l'heure.
Je n'ai pas du tout vos connaissances, et je n'ai pas étudié l'accord en détail, mais j'ai tendance à être un peu sceptique en raison de ce qui s'est produit avec tous les accords commerciaux antérieurs. Certains organismes et certains groupes de réflexion avaient annoncé que ces accords signifieraient la fin du système de santé tel que nous le connaissons, mais le système de santé public est toujours là et presque inchangé, avec toutes ses forces et quelques faiblesses. Je suis toujours un peu sceptique lorsque quelqu'un annonce la privatisation et l'affaiblissement de notre système de santé. Pourriez-vous nous expliquer sur quoi vous vous basez pour conclure que le Partenariat transpacifique mettra notre système de santé en danger?
M. Trew : Bien sûr, et je vous remercie de me poser la question. En ce qui concerne les débats sur le système de santé qui se sont déroulés dans le cadre de l'ALENA et de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, il faut se rappeler que la raison pour laquelle les soins de santé sont exclus ou si peu évoqués est que des organismes comme le Centre canadien de politiques alternatives et d'autres ont pressenti que le système courait des risques si l'on ne prenait pas les dispositions nécessaires pour l'en garder. Des pressions considérables se sont exercées à l'époque pour que le libellé de l'accord soit modifié, et ces démarches ont permis d'inclure une protection très robuste aux termes de l'ALENA, protection que le Canada — et c'est tout à son honneur — a reprise dans les accords commerciaux subséquents, y compris, dans une certaine mesure, dans le Partenariat transpacifique et l'Accord économique et commercial global. Il s'agit de reconnaître de façon consciente que ces accords auraient tendance à miner notre système public s'ils ne contenaient pas de protection au chapitre des soins de santé. Nous devons donc nous assurer qu'ils contiennent certaines formes d'exclusion ou d'exception.
En ce qui concerne le Partenariat transpacifique et l'Accord économique et commercial global, les chapitres sur les droits en matière de propriété intellectuelle sont très similaires puisqu'ils portent sur la réglementation de l'industrie pharmaceutique et des produits pharmaceutiques. Il y aura une prolongation de la durée du brevet ou un rétablissement de la durée du brevet tant et aussi longtemps que la commercialisation du médicament n'aura pas été approuvée, ce qui peut prendre jusqu'à deux ans environ.
Le gouvernement a reconnu — je crois que c'est la semaine dernière, au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes — qu'il y aurait des coûts. Il ne sait pas exactement à quoi s'élèveront ces coûts, mais une étude réalisée par Marc-André Gagnon à l'Université Carleton indique que ces dispositions en matière de rétablissement ajouteront environ 287 jours à la durée d'un brevet, ce qui empêchera aux produits génériques de faire leur entrée sur le marché juste assez longtemps pour entraîner une augmentation oscillant entre 600 millions et 1 milliard de dollars du coût annuel des médicaments au Canada. Les prix des médicaments au Canada sont déjà parmi les plus élevés des pays de l'Organisation de coopération et de développement économique. Je crois que nous sommes au quatrième rang du palmarès des plus chers, ce qui est proprement aberrant.
Nous avons aussi constaté que les investissements du secteur des médicaments de marque ont diminué au cours des 10 dix dernières années, en dépit de l'augmentation du prix des médicaments. Il faut voir ces investissements comme un pourcentage des ventes de ces pharmaceutiques. Dans cette optique, leurs investissements au Canada sont passés de 12 p. 100 à la fin des années 1990 à environ 4 ou 5 p. 100 maintenant. Bref, ce changement proposé aux termes du Partenariat transpacifique et de l'Accord économique et commercial global n'entraînera vraiment que des coûts.
Si vous me permettez de faire allusion à une chose qui a été dite plus tôt lors des exposés, ces dispositions ne sont pas nécessairement des normes internationales. En ce qui concerne la protection des droits de propriété intellectuelle, le Canada respecte toutes les normes internationales et les dépasse même souvent. Dans le cas du Partenariat transpacifique, ces normes sont des normes américaines et japonaises. Dans le cas de l'Accord économique et commercial global, les normes sont celles de l'Union européenne. Ce sont elles qui seront imposées au Canada sans égard pour les normes internationales, et qui engendreront des coûts permanents.
Le sénateur Pratte : Et qu'en est-il des solutions possibles? Je sais que vous nous recommanderiez tout simplement de ne pas ratifier le Partenariat transpacifique, mais quoi d'autre? Je suppose qu'il est presque impossible d'apporter des modifications au Partenariat transpacifique, mais y a-t-il des mesures de protection?
M. Trew : C'est une bonne question. Je n'en sais pas trop, mais j'imagine qu'on ferait des efforts pour limiter les coûts grâce à la fixation des prix. Ces efforts pourraient être déployés par l'organisme fédéral qui réglemente le coût des médicaments, mais j'ignore dans quelle mesure cette démarche risque ensuite de faire l'objet de contestations commerciales aux termes du Partenariat transpacifique.
Le sénateur Housakos : J'ai une observation à faire et deux ou trois questions à poser. Ma première remarque concerne le point de vue que certains de nos collègues pourraient soutenir, à savoir que les sociétés n'apportent pas grand-chose au régime d'échanges du pays et qu'elles donnent la regrettable impression d'être les grands coupables des paradis fiscaux et de la fraude fiscale. Or, je tiens à signaler clairement que certains d'entre nous ne sont pas de cet avis. Nous estimons que les sociétés canadiennes contribuent grandement à l'économie et qu'elles versent des tonnes d'argent dans les coffres du pays. Elles créent des millions d'emplois pour les Canadiens et, grâce aux impôts directs et indirects, elles aident notre pays à être aussi fort et aussi viable. Je pense qu'il est important de le souligner.
Ma question s'adresse à tous les témoins, et je suppose que M. Kingston et les autres pourront y répondre. La balance commerciale est-elle le seul mécanisme — vous avez effleuré le sujet tout à l'heure — pour évaluer la réussite d'un accord? Pouvez-vous nous donner quelques exemples plus précis qui montrent comment certains des accords commerciaux que nous avons conclus avec de petits pays ne sont pas nécessairement en notre faveur du point de vue de la balance commerciale, mais qu'ils procurent néanmoins des avantages nets aux consommateurs canadiens et à d'autres intervenants?
M. Kingston : C'est une excellente question. Divers facteurs doivent entrer en ligne de compte, outre la balance commerciale, et j'y ai fait allusion tout à l'heure. Les ventes des filiales étrangères sont importantes. Les services d'investissement constituent un aspect crucial qu'il faut examiner. D'ailleurs, l'OCDE a effectué des travaux vraiment intéressants sur la valeur ajoutée. Par exemple, dans le cas des exportations canadiennes, la question est de savoir dans quelle mesure nous augmentons la valeur de nos marchandises au Canada avant de les exporter. Ces conclusions découlent, en grande partie, de l'étude sur les iPhone — vous vous en souvenez sûrement —, l'objectif étant d'établir quelle part de la valeur des iPhone était attribuable à la Chine et à d'autres pays pour ensuite voir si nos statistiques traditionnelles sur les exportations en tenaient compte.
Si on examine le contenu à valeur ajoutée, près du quart de nos exportations mettent en jeu un contenu étranger, d'où l'importance de tenir compte des importations et des exportations. Dans le contexte de nos accords commerciaux, nous devons éviter de considérer les déficits comme un problème, puisque ces intrants sont évidemment intégrés dans les produits que nous finissons par envoyer à l'étranger.
Mme Nott : Je suis d'accord avec M. Kingston, et j'ajouterai un point pour renchérir sur ses propos. Lorsqu'on voit à quel point les chaînes d'approvisionnement fonctionnent de façon étroitement intégrée partout dans le monde, force est de constater que le Canada n'est souvent qu'un maillon d'un processus de fabrication très laborieux et très long. Parfois, pour être en mesure de contribuer à une chaîne d'approvisionnement très vaste et très complexe, le Canada doit se doter d'une politique d'importation juste et équilibrée qui permet aux entreprises canadiennes d'accéder à ces chaînes d'approvisionnement mondiales, sachant que la plupart des entreprises canadiennes sont généralement de petite ou moyenne taille et qu'elles participent aux chaînes d'approvisionnement de grandes multinationales, comme on l'a dit tout à l'heure. Je ne saurais trop insister sur le fait que, dans le contexte des décisions prises au sein des conseils d'administration — et cela revient peut-être à ce que disait le sénateur Downe —, lorsqu'il est question de frontières, on met davantage l'accent sur les stratégies fiscales relatives à la circulation des marchandises à destination et en provenance des pays que sur les droits de douane, l'accès aux marchés ou toute autre conception conventionnelle du commerce international. De nos jours, l'accès aux marchés est presque une certitude, grâce à ces chaînes d'approvisionnement.
Voici le message le plus important à retenir : compte tenu de la superficie totale de notre pays, si nous voulons que le Canada et les entreprises canadiennes puissent accéder à des chaînes d'approvisionnement très vastes et très robustes, nous devons compiler des statistiques, recueillir des données quantitatives et évaluer la réussite en fonction de facteurs autres que la balance commerciale traditionnelle. Je n'insisterai jamais assez sur les ventes des filiales étrangères. Elles créent des emplois au Canada, et c'est là, me semble-t-il, un moyen transparent d'évaluer la réussite ou l'échec d'un accord commercial.
Le sénateur Housakos : Parlons un peu de la façon dont ces accords voient le jour. En règle générale, les accords commerciaux sont élaborés sous l'impulsion des gouvernements et du pouvoir exécutif, c'est-à-dire de la fonction publique et des bureaucrates. Chaque fois qu'un accord commercial est conclu, il est ensuite présenté au Parlement où on l'approuve presque d'office. Selon vous, le Parlement ne devrait-il pas jouer un rôle plus important pour établir les paramètres des accords commerciaux futurs et permettre à la population canadienne et au milieu des affaires canadien de contribuer, à plus grande échelle, à ce genre de négociations? À mon sens, étant donné que ces accords sont conçus exclusivement par les gouvernements, ces derniers pourraient avoir une propension à omettre certains éléments du marché ou à ne pas les prendre suffisamment en considération ou, en tout cas, à mettre l'accent sur ce qu'ils jugent prioritaire à un moment particulier. Je me demande s'il n'y a pas un meilleur mécanisme qui permettrait au Parlement de jouer un plus grand rôle, notamment celui d'établir les paramètres d'une négociation, au lieu de simplement recevoir des accords qui sont déjà figés, c'est-à-dire signés et prêts à être ratifiés.
Mme Nott : Je ne sais pas trop comment répondre à la question. À quoi cela ressemblerait-il si le Parlement devait participer au début du processus, avant la fin des négociations d'un accord commercial? J'ignore quelle forme prendrait le tout si le Parlement jouait un rôle actif durant les négociations. Je n'en ai pas la moindre idée.
Le sénateur Housakos : Je parle de l'étape préalable aux négociations, celle qui consiste à établir les paramètres et les lignes directrices. Une fois cette étape franchie, on pourrait alors entamer les négociations puisque, inévitablement, dans un tel contexte, on ne peut pas négocier en public.
Mme Nott : Il y a quelques années, dans le cadre du Plan d'action sur les marchés mondiaux, ou PAMM, nous avons demandé à des associations commerciales de sonder nos membres, puis de relayer l'information obtenue afin d'aider le gouvernement d'alors à déterminer quels marchés, régions, produits et secteurs industriels offrent des débouchés. À ma connaissance, c'est l'une des rares fois qu'un tel dialogue a eu lieu. Je suppose que cet exercice a ensuite aidé les élus à choisir les négociations et les accords de libre-échange auxquels ils souhaitaient accorder la priorité.
M. Kingston : En ce qui concerne la participation des intervenants, même si on a reproché aux négociateurs du Partenariat transpacifique de ne pas être assez transparents tout au long du processus de négociations, ils ont en fait adopté un nouveau processus que je n'avais jamais vu auparavant. Ainsi, ils ont tenu des événements avec les intervenants, en marge des négociations. J'ai trouvé que c'était une démarche plutôt innovatrice, d'autant plus que ces activités avaient réussi à attirer pas mal de monde. Toutefois, ayant moi-même assisté à quelques séries de négociations, j'ai remarqué que la participation canadienne n'était généralement pas aussi importante que la participation américaine. À mon avis, il y a des façons de s'y prendre pour faire participer les gens au processus et les tenir au courant des négociations, et j'estime que le Partenariat transpacifique était un bon point de départ.
Le sénateur Ngo : Cette question s'adresse à vous trois. On a beaucoup parlé des avantages potentiels du Partenariat transpacifique. Voici ma question : la mise en œuvre de cet accord risque-t-elle d'avoir des conséquences négatives pour le Canada?
M. Trew : Je me ferai un plaisir de répondre à cette question, et je vous remercie de l'avoir posée.
Le Centre canadien de politiques alternatives a publié et continuera de publier une série de rapports sur ce qui constitue, selon nous, des conséquences négatives. La plupart du temps, il n'est pas question des échanges commerciaux, mais nous rendrons public sous peu un rapport qui porte notamment sur la balance commerciale et l'incidence sur la qualité des exportations canadiennes.
Comme Jim Stanford l'a signalé tout à l'heure au sujet des autres accords que nous avons conclus — par exemple, l'accord avec la Corée —, il y a de bonnes chances que le Partenariat transpacifique maintienne la structure actuelle de nos échanges commerciaux avec la région. Ainsi, nous observerons une augmentation de nos exportations de ressources brutes et de nos importations de marchandises à haute valeur ajoutée. C'est l'effet que nous prévoyons, à l'instar de beaucoup d'autres experts, me semble-t-il, et cette tendance se répétera dans le cadre du Partenariat transpacifique.
Par ailleurs, les industries à faible intensité de main-d'œuvre en profiteront probablement plus que les industries à forte intensité de main-d'œuvre, comme le secteur manufacturier. C'est le résultat qui ressort également du rapport sur le secteur des TIC qui vient d'être publié aux États-Unis; il y aura un avantage général pour l'économie, mais les secteurs qui seront durement touchés seront le secteur manufacturier et les secteurs à forte intensité de main-d'œuvre. C'est là que l'impact se fera sentir.
Il y aura d'autres coûts. Quelqu'un a mentionné, je crois, les coûts des produits pharmaceutiques. C'est un coût réel — en dollars — qui sera puisé dans les poches des utilisateurs de médicaments et des régimes d'assurance-maladie publics et privés. Ce sera un coût permanent à long terme, qui est en fait supérieur aux économies que les entreprises sont censées réaliser à la suite de l'élimination des droits de douane aux termes de ces accords.
Cette protection des investissements aura aussi des répercussions sur la réglementation d'intérêt public, notamment en matière d'environnement, parce que les coûts continueront de semer des doutes sur ce que les gouvernements peuvent ou ne peuvent pas réglementer dans l'intérêt public. Au fond, cet accord donne aux entreprises le droit d'être indemnisées lorsque des politiques nuisent à leurs investissements et à leurs profits. C'est là un grand sujet de préoccupation à l'échelle internationale.
Voilà donc certains des aspects négatifs qui l'emportent sur les gains modestes que nous obtiendrons.
Mme Nott : J'ajouterai que nos membres propriétaires de petites et moyennes entreprises ne pourraient pas répondre à cette question. Dans bien des cas, ils ne savent pas concrètement si le Partenariat transpacifique aura une incidence positive ou négative sur eux. Bien souvent, quand ils voient un texte comme le Partenariat transpacifique, qui compte des milliers de pages, ils ne savent pas par où commencer. Ils doivent ensuite faire mentalement une analyse coûts- avantages pour voir s'il vaut la peine d'embaucher un professionnel en commerce qui serait chargé d'examiner la documentation et leurs activités commerciales pour déterminer s'il y a concordance et pour dégager les répercussions positives ou négatives.
Cela ne s'applique pas seulement au Partenariat transpacifique, mais aux accords commerciaux en général; quand on discute avec les propriétaires de petites ou moyennes entreprises, ils ont l'impression générale que les accords de libre-échange sont comme du sirop contre la toux. Cela n'a pas nécessairement bon goût, mais il faut en prendre. On n'y peut rien. Ces mots viennent de moi, mais je pense que cela décrit bien la situation.
J'entends souvent dire que ces accords ne provoquent pas un grand élan d'enthousiasme, mais on me répète aussi qu'il faut s'assurer que le Canada sera de la partie si des ententes sont conclues, à défaut de quoi nous ne pourrons pas participer aux chaînes d'approvisionnement dont je parlais tout à l'heure. Résultat : nous serons tenus à l'écart sur la scène mondiale pour ce qui est des investissements, des emplois et de tout le reste. Nous serons complètement exclus. Donc, assurons-nous d'être de la partie, mais il reste que l'enthousiasme n'est pas tout à fait au rendez-vous.
M. Kingston : Permettez-moi d'ajouter que plusieurs études ont été réalisées afin de prévoir les avantages du Partenariat transpacifique. On a déjà signalé quelques-unes des critiques, mais il faut examiner les accords du point de vue des résultats nets. Quelle est l'incidence nette? De toute évidence, elle est positive. Selon les estimations de Dan Ciuriak, on parle de 3 milliards de dollars par année, ce qui est relativement modeste, mais son analyse ne tient pas compte de la possibilité que d'autres pays adhèrent au Partenariat transpacifique. D'ailleurs, un certain nombre d'autres pays asiatiques manifestent déjà un intérêt.
Imaginez si un pays comme l'Indonésie signait l'accord — un pays ayant une population de 255 millions de personnes et une classe moyenne en pleine croissance. Si nous ne sommes pas partie à l'accord et que nous décidons de nous y joindre 10 ans plus tard, nous obtiendrons un résultat bien pire que si nous en étions signataires dès le début. Il faut penser à l'avenir de ces accords, au lieu de se concentrer sur un moment précis dans le temps.
Le sénateur Ngo : Dans ce cas, je vais passer à une autre question. Il s'agit du différend qui persiste entre les Maritimes et l'Ontario. Si ce conflit s'envenime, prévoyez-vous des répercussions sur nos exportations vers les régions visées par le Partenariat transpacifique?
M. Kingston : Tout conflit aurait des répercussions sur le commerce. Il y a eu des discussions, et certaines personnes essaient de faire valoir que le Partenariat transpacifique marque un tournant ou qu'il se veut une riposte à la Chine. Ce n'est pas notre avis. Nous n'estimons pas que le Partenariat transpacifique soit un accord commercial anti-Chine; au contraire, nous encourageons le Canada à travailler de près avec la Chine, tout en collaborant avec les pays membres du Partenariat transpacifique.
Le sénateur Ngo : Les régions concernées sont les Philippines, la Malaisie, l'Indonésie, la Corée et le Japon. Donc, le Canada est partie prenante.
Mme Nott : La plupart des entreprises qui participent à des échanges commerciaux internationaux complexes disposent habituellement de stratégies d'atténuation des risques qui les aident à gérer leurs démarches lorsque des situations comme celle dont vous venez de parler se présentent. Si les circonstances dans la mer de Chine méridionale devaient s'aggraver et nuire au commerce, la plupart des entreprises qui comptent sur des chaînes d'approvisionnement intégrées et complexes ont toujours un plan B. Cela signifie que si elles doivent changer de cap pour éloigner les flux de marchandises, de produits ou de services d'une région particulière en raison d'une catastrophe naturelle, d'une instabilité politique ou de tout autre risque dans la chaîne d'approvisionnement, le changement se fera presque sans heurt pour la plupart des entreprises. Il s'agit de s'éloigner de la voie principale et d'utiliser plutôt une voie secondaire, laquelle coûte souvent plus cher. Quoi qu'il en soit, on tient compte d'une telle éventualité dans les stratégies d'atténuation des risques et dans les calculs.
La présidente : Avant que nous entamions le deuxième tour de questions, monsieur Trew, vous avez souligné certaines des difficultés liées à notre perception du Partenariat transpacifique et de l'Accord économique et commercial global.
Que pensez-vous de l'OMC? C'était censé être un projet international destiné à établir des règles du jeu équitables pour tous. Tel était l'objectif. Comme avantages, l'OMC devait permettre l'adhésion de nombreux pays en développement pour améliorer le contexte et uniformiser les règles du jeu. Toutefois, l'agriculture est devenue la pierre d'achoppement, et une bonne partie des ententes sont tombées à l'eau. Néanmoins, certaines mesures ont été prises à cet égard au sein de l'OMC. Quand nous recevons des témoins, notamment des fonctionnaires, ils nous disent que l'objectif est toujours de travailler à instaurer un régime d'envergure mondiale.
Les gens qui appuient le Partenariat transpacifique et l'Accord économique et commercial global disent, en général, que ces efforts font partie du cadre de l'OMC, de son orientation et de ses objectifs. Vous avez parlé de certaines conséquences négatives. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'OMC. L'orientation adoptée par l'OMC suffit-elle pour dissiper certaines de vos inquiétudes?
M. Trew : C'est une question très importante. Je suis l'OMC d'aussi près que ces autres ententes, et c'est là un signe de l'orientation que le gouvernement a prise en n'accordant plus la priorité à l'OMC pour se concentrer sur l'AECG et le PTP. Ce sont des ententes où les pays essaient de fixer des règles pour les échanges commerciaux mondiaux en dehors de l'OMC, lorsqu'ils estiment qu'on oppose trop de résistance à certaines de ces orientations. Par exemple, avec l'OMC, on s'est opposé à l'orientation que le Canada a prise en matière de droits à la propriété intellectuelle dans le cadre du PTP et de l'AECG. C'est la raison pour laquelle ces pays optent pour d'autres processus que celui de l'OMC.
C'est la même chose avec les investissements. Les pays membres de l'OMC ont dit qu'ils ne veulent pas gérer la protection des investissements au sein de cette entité, alors d'autres ententes bilatérales sont conclues.
Je pense cependant que le Canada devrait se concentrer sur l'OMC et essayer d'élaborer des règles mondiales d'une façon beaucoup plus ouverte et transparente. Je ne qualifierais pas exactement ce processus de démocratique, mais comparativement au PTP et à l'AECG, c'est une organisation où les règles sont élaborées de façon ouverte. Les responsables ne se réunissent pas en secret et les décisions ne sont pas prises par les dirigeants — par exemple, cette question a été soulevée —, et c'est au sein de cette entité où nous, en tant que gouvernement, devrions régler les questions. Ce sont nos lignes rouges et personne ne les verra jamais; le Parlement ne fera qu'accepter ou refuser les ententes. L'OMC nous montre une façon dont nous pourrions, plus ou moins ouvertement, élaborer des règles commerciales dont pourraient bénéficier tous les intervenants.
Je suis désolé de ne pas avoir une bonne réponse à vous donner concernant les négociations qui sont en cours, notamment sur la facilitation du commerce et sur les services environnementaux.
La présidente : Ce que j'entends, c'est qu'on n'a pas abandonné l'OMC. Les négociations ont été bloquées, mais pas à cause du Canada. Le Canada, par l'entremise de divers gouvernements, appuie fermement l'OMC, mais la communauté mondiale ne pouvait pas proposer l'OMC, alors d'autres mécanismes ont été examinés.
J'imagine que ce dont nous aurons du mal à établir, c'est si les mécanismes sont semblables et s'ils peuvent être reliés à l'OMC si nous parvenons à atteindre un consensus suffisant au sein de la communauté mondiale pour revigorer l'OMC. Je pense que le Canada, conjointement avec de nombreux autres pays, se trouve dans une impasse en ne pouvant pas proposer l'OMC et en essayant de trouver d'autres mécanismes pour éviter d'être mis sur la touche. Je pense que le débat est le suivant : faire partie ou se retirer du PTP ou de l'AECG. C'est le dilemme auquel nous sommes confrontés.
M. Trew : Tout à fait.
La présidente : Je vous remercie de vos observations à ce sujet.
Le sénateur Downe : Monsieur Kingston, je veux revenir aux remarques que vous avez faites plus tôt. Vous représentez le Conseil canadien pour le commerce international, et votre association est au courant des divers rapports qui ont été rendus publics sur des sociétés qui ne paient pas leur juste part d'impôts, et c'est la raison pour laquelle vous surveillez les membres de votre association. Est-ce exact?
M. Kingston : Oui. Les controverses qui ont débuté au Royaume-Uni, par exemple, nous ont amenés à surveiller ce que les grandes sociétés paient en impôts — pas juste l'impôt des sociétés, mais aussi l'impôt des particuliers et les taxes de vente notamment. Nous colligeons maintenant ces données depuis trois ans, et nous entamons maintenant notre quatrième année.
Le sénateur Downe : Je suis heureux de l'entendre. Comme vous l'avez dit, vous êtes au courant de la controverse dans le monde des sociétés qui ne paient pas leur juste part d'impôts. Il semble y avoir une certaine confusion quant à savoir si c'est vrai ou non.
La deuxième partie de ma question porte sur la préoccupation constante au sujet de la corruption et des exportations. Quelle procédure avez-vous en place si l'un de vos membres est pris dans un scandale de corruption pour essayer d'obtenir des contrats outre-mer? L'expulsez-vous de votre conseil?
M. Kingston : En tant que conseil, nous n'avons pas de processus officiel pour enquêter sur les membres, par exemple. Cela relève de la réglementation nationale, alors nous ne jouons pas un rôle à cet égard.
Le sénateur Downe : La société SNC-Lavalin est-elle membre de votre conseil?
M. Kingston : Oui.
La sénatrice Johnson : Monsieur Trew, d'après le Centre canadien de politiques alternatives, dans quelles circonstances pensez-vous que le Canada devrait négocier des accords de libre-échange?
M. Trew : Merci beaucoup de la question. Pour revenir à l'OMC, je trouve que la proposition antérieure de la sénatrice de faire participer le Parlement tôt dans le processus est excellente. Je ne vois aucune raison pour laquelle on ne pourrait pas le faire.
Ces ententes ne se limitent évidemment pas aux tarifs douaniers. Elles portent sur la réglementation nationale du secteur financier et d'autres services. Elles ont trait aux services publics, à l'approvisionnement gouvernemental et aux droits à la propriété intellectuelle. Ce sont tous des secteurs de la politique publique qui, dans des circonstances normales, font l'objet de débat à la Chambre des communes, sont peaufinés au comité si tout se passe comme prévu, puis sont adoptés au Sénat.
Ce n'est pas la procédure que l'on suit avec un accord commercial. Vous avez essentiellement un accord conclu. La majorité des enjeux qui ont mené à cet accord ont été soulevés par les entreprises. À l'occasion, comme cela a été le cas avec l'accord commercial entre le Canada et l'Europe, il y a des discussions avec des organisations non gouvernementales, mais elles ne sont pas consignées dans l'intérêt public et elles n'ont clairement pas été prises en considération dans l'accord final.
Je pense que si le processus pour élaborer un accord était plus ouvert, on obtiendrait un accord très différent de ceux que le Canada a signés depuis l'ALENA, essentiellement.
La sénatrice Johnson : Intéressant. Merci.
La présidente : Comment ce processus fonctionnerait-il lorsque des accords commerciaux ou, en fait, n'importe quel accord international, sont essentiellement une tribune où les gens peuvent être très honnêtes à propos de leur position mutuelle, mais ne veulent pas nécessairement d'un discours public mondial? Surtout avec la couverture médiatique instantanée que nous avons de nos jours, comment discutez-vous et parvenez à un consensus? En bout de ligne, dans n'importe quel accord commercial, d'après ce que je comprends, vous n'obtenez pas tout ce que vous voulez. Comment pouvez-vous alors négocier — plus particulièrement avec 12 pays autour de la table, ou à l'OMC — si vous ne pouvez pas avoir un dialogue honnête et faire des compromis? Si vous parlez de quelque chose que je veux, il en sera question instantanément dans la presse.
Comment ce genre de consultations préalables peuvent-elles tenir compte des besoins du public et de la direction que prend le public? Pour votre information, je me fais l'avocat du diable ici : je ne pense pas que les parties peuvent être solidaires dans les négociations.
M. Trew : Je vous remercie des questions. J'ai l'impression que nous nous lançons dans une discussion plus importante sur l'idéologie derrière le régime de libre-échange. Quelle est la priorité qu'un pays accorde à ces accords? Les accords sont structurés d'une manière très précise. En ce moment, ils sont conçus pour être négociés à huis clos et pour déterminer les échanges commerciaux qui seront faits.
Je pense qu'un meilleur processus serait d'examiner l'incidence au cours des 30 dernières années sur l'économie canadienne et la façon dont nous intégrons nos politiques commerciales à une stratégie industrielle. Ce sujet a été soulevé à quelques reprises par le groupe de témoins. Je pense que des témoins précédents de Manufacturiers et Exportateurs du Canada, par exemple, ont dit que ces accords ne sont pas efficaces et n'augmentent pas les exportations.
Comment examinons-nous l'économie plus globalement, et quelles mesures le gouvernement peut-il prendre ici pour améliorer le rendement des exportations et ne pas signer ces accords? Génial, nous avons signé un autre accord. Que faisons-nous maintenant? Passons à l'accord suivant. Entretemps, nous avons fait d'importantes concessions dans le domaine de la propriété intellectuelle et dans d'autres secteurs qui n'ont rien à voir avec le rendement de nos exportations.
Il faut un meilleur processus qui ne comporte pas des négociations à huis clos où les négociateurs ont reçu un mandat des dirigeants et ont des intérêts privés et où ils concluent un accord qui leur convient, mais qui pourrait avoir des répercussions importantes sur les travailleurs des deux pays en cause — ou dans le cadre du PTP, des 12 pays en cause. Je pense que le processus en soi est très problématique. Un nouveau processus donnerait lieu à un raisonnement sur le commerce qui tient compte de l'incidence sur le climat et sur les travailleurs. Quelle est l'incidence globale sur notre bien-être public? On ne parle pas nécessairement de taux de croissance minime de 0,6 p. 100.
La présidente : Monsieur Kingston ou madame Nott, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Kingston : Oui. Mon cinquième point portait sur la façon dont nous réfléchissons à ce que le Canada fait outre conclure des accords bilatéraux et des accords commerciaux régionaux. Si le PTP et l'AECG entrent en vigueur, je crois que nous aurons des accords de libre-échange avec 13 de nos 14 plus grands partenaires commerciaux, le Brésil étant l'exception. Vous devez vous demander si nous devrions continuer de négocier des accords commerciaux avec des marchés de plus en plus petits.
Ce que je recommanderais dans ce cas-ci, c'est d'envisager une situation de libre-échange unilatéral. Nous avons des protections qui ont été instaurées dans le passé qui ne servent plus à rien. Elles sont conçues pour protéger les industries pour des raisons qui étaient peut-être valides il y a 40 ou 50 ans, mais qui ne le sont désormais plus. Nous pouvons réfléchir à cela. C'est une mesure unilatérale.
On pourrait tenir de vastes consultations sur l'orientation à prendre, et tout indique que l'on devrait faire du Canada un centre d'exportation mondial. Cela attirerait des investissements et augmenterait les emplois au Canada. Je pense que ce serait une politique commerciale tournée vers l'avenir.
Mme Nott : Si vous me permettez d'intervenir, je pense que mes membres seraient tout à fait d'accord avec M. Kingston. Nous avons eu une conversation informelle au sein de ce que nous appelons le conseil de consultation, qui est une tribune semblable à celle-ci où les membres discutent des enjeux de façon générale, et ce concept est l'une des questions qui a fait l'objet de discussions.
Hong Kong et Singapour sont des villes très petites, mais ce sont des endroits stratégiques. Lorsque l'on regarde la population du Canada en Amérique du Nord, où il y a un vaste territoire, mais une petite population, on fait des comparaisons. Pourquoi ne pouvons-nous pas être les Hong Kong ou Singapour de l'Amérique du Nord?
Pour revenir à votre point et au point que M. Trew a soulevé, et j'ai également lu le témoignage de M. Wilson, de Manufacturiers et Exportateurs du Canada, il y a une certaine vérité dans ces affirmations. Si le Canada veut vraiment obtenir des résultats tangibles — et quand je dis des résultats tangibles, je veux dire qu'on utilise les critères existants pour mesurer les exportations et évaluer notre succès —, si c'est ce que nous essayons de faire, nous devons peut-être sortir du moule et prendre des mesures audacieuses.
Le sénateur Ngo : Je veux revenir à la réponse de Mme Nott. Vous dites que le Canada doit faire partie du PTP. Je veux vous poser une autre question : quelles seraient les répercussions pour les entreprises canadiennes si le PTP entrait en vigueur sans que le Canada en fasse partie?
Mme Nott : Je peux vous dire que dans bien des cas, toutes sortes de stratégies ont été élaborées en raison de tout ce qui se passe avec le PTP et les élections primaires aux États-Unis à l'heure actuelle. J'ai réuni les membres dans une salle de conférence pour élaborer des stratégies et examiner ce qui se passe si un candidat gagne et devient président plutôt qu'un autre candidat. Je ne sais pas si quelqu'un a demandé ce qui se passerait si le Canada ne fait pas partie du PTP s'il entre en vigueur.
Je peux vous dire, selon mon opinion personnelle car je n'ai pas interrogé mes membres à ce sujet, que bon nombre des membres déménageraient leur entreprise au sud du 49e parallèle. Si vous ne faites pas partie du PTP, vous êtes exclus de l'entente. Lors d'un match de baseball, vous pouvez rester dans le stationnement et savoir qu'un match de baseball a lieu à l'intérieur du stade. Il n'est pas utile de seulement savoir qu'un match de baseball est en train de se dérouler. C'est la solution simpliste.
M. Trew : Je voudrais faire valoir brièvement un point, qui a peut-être déjà été soulevé au comité. Un rapport de l'Institut C.D. Howe, qui a été rendu public il y a quelques semaines, fait état que la croissance économique serait beaucoup plus modeste qu'on le pense. Si le Canada fait partie de l'entente, je pense qu'il était question d'une hausse de 0,068 p. 100 pour l'économie d'ici 2025. C'est presque rien. Le rapport a révélé que si le Canada ne signe pas l'entente, il accusera une incidence négative de 0,026 p. 100 pour l'économie, ce qui est aussi presque rien. Que l'on soit membre ou non de l'entente, l'incidence sera minime pour l'instant.
M. Kingston : Tout d'abord, pour revenir à ce que j'ai dit plus tôt, l'étude de l'Institut C.D. Howe n'indique pas que le PTP est conçu pour prendre de l'expansion et inclure plus de pays. Même si l'on prend les 0,06 p. 100, nous ne savons pas à quoi ressemblera le PTP dans 10 ou 15 ans, alors l'incidence pourrait être beaucoup plus importante.
Ensuite, pour utiliser un exemple récent de ce qui se passe lorsque nous ne faisons pas partie d'une entente ou que nous tardons à la signer, regardez ce qui est arrivé avec l'Accord de libre-échange entre la Corée et les États-Unis. Le Canada a failli conclure un accord de libre-échange avec la Corée. Nous avons tardé à le faire. Les États-Unis ont conclu leur entente, et les exportateurs de porc du Canada ont perdu le marché totalisant 200 millions de dollars environ. Au final, nous avons signé une entente, mais lorsque nous perdons l'accès au marché, il est difficile de dire au pays que nous sommes à nouveau dans le coup et que nous voulons être son fournisseur. Il est trop tard.
Si nous ne faisons pas partie du PTP, le Japon est le grand acteur et le marché que nous perdrions, ce qui serait très problématique.
Le sénateur Oh : Ma question est semblable et porte sur le commerce entre le PTP et les entreprises canadiennes. Je voyage fréquemment pour me rendre à différentes expositions et foires commerciales dans les pays du Pacifique. On me dit toujours que les entreprises canadiennes sont trop naïves, pas assez ambitieuses et trop prudentes. Même si nous signons toutes les ententes, comme vous l'avez mentionné plus tôt, le gouvernement et vous pourriez peut-être travailler ensemble pour aider ces entreprises à exporter leurs produits. Nous sommes trop habitués à seulement exporter vers le Sud et nous ne sommes pas suffisamment ambitieux pour aller plus loin. Êtes-vous d'accord?
Mme Nott : Je voudrais faire deux observations. Je suis d'accord, et c'est basé sur deux choses. Regardez le système d'éducation du Canada comparativement à celui dans d'autres pays comme le Japon et l'Allemagne, où dès l'école primaire, on enseigne des concepts commerciaux aux élèves, et je ne parle pas ici de leur faire vendre du lait à leurs voisins. Les concepts commerciaux sont enseignés très tôt dans le programme d'études général pour familiariser les élèves au commerce international et les amener à penser dans une perspective mondiale. Nous ne le faisons pas dans notre système d'éducation.
J'ajouterais également que le Canada a beaucoup de chance sur le plan géographique d'être le voisin du plus grand marché de la consommation au monde, mais on ne sait pas pour combien de temps encore. Sur le plan géographique, nous sommes chanceux d'être les voisins des États-Unis. Lors d'une table ronde tenue récemment avec des associations commerciales et d'une séance de leadership avec EDC, l'un des concepts qui ont été soulevés est le tourisme commercial. Il y a une différence entre le tourisme commercial et les missions commerciales. Dans les missions commerciales, le politicien mène un groupe d'entreprises canadiennes qui le suivent. Elles offrent certains avantages, mais on ne s'entend pas sur ces avantages.
Pour ce qui est du tourisme commercial, prenez l'AECG comme exemple. J'ai eu une conversation il y a quelques semaines avec une personne de la Bulgarie. Elle m'a dit, « Je ne suis jamais allée en Bulgarie; vous me demandez d'envisager de déménager en Bulgarie mon entreprise que j'ai créée à partir de rien et qui emploie 350 personnes ». Je pense qu'un grand nombre de Canadiens vont là où ils se sentent à l'aise d'aller. La plupart des Canadiens partent en vacances au sud du 60e parallèle. Ils ne font pas forcément leurs bagages pour aller visiter la Bulgarie. Par conséquent, c'est une idée saugrenue pour eux de déménager leur entreprise là-bas. C'est une grande partie du problème. Une mesure concrète que nous pourrions prendre serait d'encourager le tourisme commercial, aussi étrange que cela puisse paraître.
La sénatrice Johnson : C'est une bonne idée.
La présidente : La séance est terminée. Nous avons probablement couvert un grand nombre de sujets de façon plus approfondie que vous le pensiez lorsque vous avez accepté notre invitation à comparaître. Il est très utile d'étudier cette question. C'est certainement un aspect de la participation du Parlement. Nous espérons que certaines des observations que vous avez faites se retrouveront dans notre rapport sur le commerce et les questions économiques générales sur lesquels nous nous penchons.
Madame Nott, monsieur Kingston et monsieur Trew, merci de votre contribution. Vos témoignages ont été extrêmement utiles à notre étude.
Sénateurs, la séance est levée.
(La séance est levée.) |