Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
OTTAWA, le jeudi 1er mai 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, premièrement, nous accueillons aujourd'hui une représentante de Mines Alerte Canada, Mme Catherine Coumans, coordonnatrice de la recherche et de l'Asie-Pacifique, qui comparaît en personne, et un représentant de National Endowment for Democracy, M. Brian Joseph, directeur principal du programme de l'Asie et des programmes mondiaux, qui comparaît par vidéoconférence depuis Washington, D.C.
Je vais vous inviter à témoigner dans l'ordre où vous figurez dans le document portant sur le groupe d'experts. Je vais commencer par vous, madame Coumans. Notre comité étudie les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes. Vous comparaissez devant nous en tant qu'experts dans vos domaines respectifs afin de nous communiquer les faits qui, selon vous, pourraient nous servir dans notre étude. Habituellement, nous commençons par entendre les déclarations préliminaires. Ensuite, les sénateurs aiment poser des questions.
Soyez la bienvenue à la séance du comité.
Catherine Coumans, coordonnatrice de la recherche et coordonnatrice de l'Asie-Pacifique, Mines Alerte Canada : Merci, madame la présidente, merci, chers sénateurs, de m'avoir invitée à vous donner un exposé aujourd'hui.
Je comprends que vous m'avez invitée parce que vous avez réalisé que j'aborderais les vastes enjeux que vous examinez, notamment les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique, ainsi que leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada, du point de vue de l'un des secteurs essentiels du Canada, à savoir le secteur minier.
Ma compréhension des répercussions de ce secteur dans la région a commencé en 1988, alors que j'étudiais en vue d'obtenir mon doctorat sur une petite île des Philippines où une grande société minière canadienne extrayait du cuivre et de l'or. Je reviendrai sur cette question sous peu.
Depuis 1999, l'année où Mines Alerte Canada a été fondée, je suis au service de cet organisme à titre de coordonnatrice de la recherche et de coordonnatrice du programme sur l'Asie-Pacifique, un rôle qui m'a permis, au cours des 15 dernières années, d'évaluer les répercussions que les sociétés minières canadiennes ont sur des pays allant de l'Inde à la Nouvelle-Calédonie. Compte tenu de temps limité dont je dispose et des pays sur lesquels le comité a décidé de se concentrer, j'axerai mes brèves observations propres aux pays sur les Philippines, la Birmanie et l'Indonésie.
En outre, j'espère avoir le temps d'aborder certains enjeux politiques plus vastes qui sont liés au développement économique de la région, en particulier en ce qui concerne les façons dont les politiques canadiennes relatives à l'exploitation minière pourraient engendrer des résultats plus profitables que ceux qu'elles donnent en ce moment. À cet égard, je mettrai l'accent sur les accords internationaux sur les investissements, l'évasion fiscale et les moyens de remédier aux dommages que nos sociétés minières causent à l'étranger.
Je vais commencer par les Philippines, mais, avant de formuler mes observations, je vous fais observer que, dans un nombre croissant de pays du monde entier, l'exploitation minière représente en fait l'idée que les habitants de ces pays se font du Canada. C'est certainement le cas aux Philippines, où la plupart des gens savent que la plus importante catastrophe industrielle des deux dernières décennies est le déversement de déchets toxiques provenant des mines de la société minière qui s'est produit en 1996. Cette catastrophe a non seulement laissé dans ce pays un héritage environnemental très grave et non résolu, mais elle a aussi, en conséquence, continué de dominer la conversation des Philippins à propos des exploitations minières.
En résumé, la société minière canadienne Placer Dome a exploité une mine de cuivre dans la petite province insulaire de Marinduque de 1969 à 1996. Pendant cette période, les déchets de ses mines ont contaminé les trois importants écosystèmes suivants : une baie dans laquelle la société a délibérément déversé 200 millions de tonnes de résidus miniers pendant 16 ans; les deux principaux réseaux hydrographiques de l'île ont été envahis par des déchets de mines en raison de barrages défectueux. Au cours de l'un de ces incidents, deux enfants ont été noyés par les déchets de mines qui déferlaient dans la rivière. Après la dernière catastrophe qui a eu lieu en 1996, Placer Dome a quitté l'île et les Philippines. Les écosystèmes contaminés n'ont pas été nettoyés, et l'affaire empoisonne les discussions politiques du pays à propos des exploitations minières et, en particulier, des investissements étrangers dans le secteur minier.
À la suite d'une poursuite intentée aux États-Unis contre Placer Dome et son successeur, la société Barrick Gold, il y a presque 10 ans de cela, Barrick Gold offre maintenant à la province des Philippines près de 13 millions de dollars, après déduction des frais juridiques, pour régler l'affaire hors cour. Cette somme est loin de correspondre aux fonds qui seraient nécessaires pour réparer les écosystèmes endommagés, mais le pire, c'est que le paiement de la somme par Barrick est assujetti à des conditions déraisonnables, dont l'interdiction d'utiliser les fonds pour assainir les écosystèmes endommagés, ce qui, en fait, va complètement à l'encontre du but de la poursuite.
Même lorsqu'elles sont menées de manière responsable, les exploitations minières laissent derrière elles des sites qui devront être entretenus à perpétuité, et ce sont les termes que l'industrie emploie. Pour les pays en développement, cet entretien entraîne des coûts très élevés qui engendrent, en réalité, un déficit en matière de développement. Il est d'une importance primordiale que les sociétés minières canadiennes fassent preuve de leadership en acceptant de s'occuper de l'entretien des mines épuisées, au lieu de refiler ses dépenses à des pays pauvres ou en développement. Barrick a l'occasion de faire preuve d'un tel leadership dans les Philippines. En fournissant les fonds nécessaires pour restaurer les écosystèmes endommagés sur l'île, Barrick pourrait aussi commencer à redorer l'image des exploitations minières canadiennes dans ce pays.
Le deuxième exemple tiré des Philippines que je souhaite vous donner est lié à l'un des thèmes de votre enquête, à savoir la sécurité. Il est important que vous compreniez que non seulement l'exploitation minière peut exacerber les conditions de sécurité dans les pays comme le Congo où l'ordre public est déjà préoccupant, mais qu'aussi les mines elles-mêmes deviennent souvent des zones de conflit ou des zones militarisées, même dans des régions qui étaient relativement paisibles dans le passé.
Dans les Philippines, les exécutions extrajudiciaires de citoyens qui s'élèvent contre les effets néfastes de projets d'extraction de ressources de grande envergure, comme les exploitations minières, ont atteint des proportions presque épidémiques. En mars, trois membres d'une même famille qui habitaient dans une région indigène des Philippines ont été assassinés brutalement. Ils s'étaient opposés aux activités qu'une société minière canadienne menait sur leurs terres ancestrales. Je vais vous lire un court extrait d'une lettre que la section canadienne de l'International Coalition on Human Rights in the Philippines a adressée au président des Philippines.
Nous condamnons vivement les meurtres brutaux de Freddie « Fermin » Ligiw, d'Edgar Ligiw et de leur père, Licuben Ligiw, qui ont eu lieu le 2 mars 2014, à Baay-Licuaan, dans la province d'Abra. Le massacre de la famille Ligiw n'est que le dernier exemple d'une vague de meurtres, d'enlèvements et d'autres violations aussi odieuses des droits de la personne qui ont été perpétrés contre des dirigeants ou des membres d'organisations populaires et signalés depuis janvier 2014. Freddie était membre d'un groupe de jeunes appelé Sidakan-Anakbayan et, tout comme son frère et son père, faisait partie de la Cordillera People's Alliance, de KASTAN (défense populaire des terres ancestrales) et de Baay Licuaan (défendez vos droits), des organismes qui ont résisté avec succès aux activités d'exploration minière de la société canadienne, Olympus Mining Co.
Le 15 avril, l'organisme Global Witness a publié un rapport intitulé « Deadly Environment » (environnement meurtrier), qui décrit l'augmentation marquée des exécutions extrajudiciaires de personnes cherchant à protéger l'environnement et leurs droits sur les terres qui a été observée de 2002 à 2013. Le rapport indique que les conflits liés aux exploitations minières jouent un rôle clé dans cette hausse. Les Philippines ont été désignées comme étant le troisième endroit sur la planète où il est le plus dangereux de protéger l'environnement ou de défendre des droits sur des terres.
Passons maintenant à la Birmanie. Avant de formuler mes observations, je tiens à rappeler au comité que la relation qui existe entre des États faiblement gouvernés, dont la Birmanie fait certainement encore partie, et des résultats négatifs en matière de développement liés à l'extraction des ressources est très bien documentée.
J'ai présenté au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes un mémoire à ce sujet dans le cadre de son étude du rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international. J'ai présenté ce document en janvier 2012, et je serais heureuse d'en remettre une copie à votre comité.
La corruption et l'extraction de ressources à grande échelle constituent un mélange très toxique qui engendre des déficits en matière de développement. La corruption est un problème important en Birmanie. Dernièrement, l'institut Revenue Watch, qui a étudié la transparence des revenus de 58 pays, a classé la Birmanie au 58e rang. Les militaires sont propriétaires des deux plus grandes sociétés de portefeuille du pays, la Union of Myanmar Economic Holdings et la Myanmar Economic Corporation. Les autres principaux hommes d'affaires sont des copains de l'ancien régime militaire et certaines des grandes entreprises appartiennent à des personnes qui sont toujours visées par les sanctions prévues par la Loi canadienne sur les mesures économiques spéciales, la LMES, comme Tay Za.
Les conflits à propos des terres sont une autre des principales préoccupations liées à l'extraction des ressources. En ce moment, la plus grande inquiétude des habitants des régions rurales de la Birmanie a trait aux terres, et ces gens représentent 85 p. 100 de la population. Les préoccupations concernant le régime et les droits fonciers sont les principaux facteurs qui contribuent à faire du mot « développement » un vilain mot pour les habitants des régions rurales de la Birmanie, là où il est considéré comme lié aux invasions et aux annexions militaires.
Les agriculteurs et les moines qui ont manifesté contre la mine de cuivre et d'or de Letpadaung, située dans le centre nord de la Birmanie, ont été attaqués par des soldats et des policiers munis de phosphore blanc. Lorsque les agriculteurs sont retournés labourer leurs terres, ils ont été emprisonnés pour des motifs politiques. Les manifestations actuelles et continues découlent des confiscations de terres et des abus qui sont survenus lorsque la société minière canadienne Ivanhoe était propriétaire de cette mine et, bien qu'elle ne le soit plus, les manifestations se poursuivent.
Passons maintenant à l'Indonésie. Ce pays se développe rapidement, mais, selon le sondage mené publié par le centre de recherche Pew en 2013, seulement 37 p. 100 des Indonésiens ont l'impression que leur économie se porte bien, étant donné qu'ils sont grandement préoccupés par la hausse des prix, la disparité croissante des revenus et le chômage. Comme elle a une forte population, les conflits concernant les terres sont fréquents. En outre, des pressions ne cessent d'être exercées dans le but d'éliminer le reste de la couverture forestière du pays, même dans les régions protégées.
La société East Asia Minerals, cotée à la Bourse de Toronto, est au centre d'une importante controverse à cet égard. La société cherche à faire annuler la protection dont jouissent 1,6 million d'hectares de couverture forestière dans la province d'Aceh, sur l'île de Sumatra, afin que son programme de forage puisse continuer. La société a déclaré en toute franchise qu'elle collaborait activement avec le gouvernement afin que les terres passent de l'état de « forêt protégée » à l'état de « forêt de production », ce qui autorisera l'exploitation minière d'environ un million d'hectares de terres.
Des nouvelles importantes en provenance de l'Indonésie me permettent de passer d'une discussion axée sur les pays à un examen de quelques nouveaux enjeux politiques qui sont pertinents pour votre comité.
Je vais examiner d'abord la question des accords internationaux sur les investissements. Le mois dernier, le gouvernement indonésien a annoncé qu'il planifiait de mettre un terme à son traité bilatéral d'investissement avec les Pays-Bas. La décision de l'Indonésie d'annuler son traité d'investissement avec les Pays-Bas découle du fait que le pays est aux prises avec un nombre croissant de causes d'arbitrage de droits d'investissement issus de traités, dans le cadre desquelles des sociétés transnationales réclament des centaines de millions de dollars en dommages-intérêts.
Les traités bilatéraux d'investissement prévoient des mécanismes de protection des investissements qui vont loin et qui sont appuyés par une procédure de règlement des différends de plus en plus controversée, à savoir un règlement des différends entre un investisseur et la Partie contractante d'accueil. Cette procédure permet aux sociétés transnationales d'intenter directement des poursuites contre des États souverains relativement aux mesures et aux politiques qu'ils mettent en œuvre et qui pourraient avoir une incidence sur la rentabilité de leurs investissements.
La loi que l'Indonésie a adoptée pour protéger son environnement contre les sociétés minières a été contestée récemment. Comme l'Indonésie est menacée par des réclamations dévastatrices en matière d'investissement qui, si elles sont approuvées, devront être payées à même les deniers publics, elle s'est vue forcée de modifier ou d'annuler ses mesures réglementaires. Dans le cadre de la plus récente et très controversée cause d'arbitration issue de traités, une entreprise établie à Londres et appelée Churchill Mining intente des poursuites de l'ordre de 1 ou 2 milliards de dollars contre le gouvernement indonésien.
Il faudrait tenir de sérieux débats à propos des accords internationaux sur les investissements que le Canada négocie et qui accordent la priorité aux mesures de protection des investissements canadiens à l'étranger, tout en imposant des conditions qui pourraient nuire au développement des pays en développement et entraîner des conflits dans ces pays. Ces accords peuvent être transformés en des instruments qui favorisent le développement durable dans les pays hôtes. Je recommande au comité d'inviter les professeurs de l'Université d'Ottawa suivants : Anthony VanDuzer, Penelope Simons et Graham Mayeda. Ils viennent de publier un livre révolutionnaire à ce sujet, et ils pourront vous éclairer à cet égard beaucoup mieux que moi.
Parlons maintenant de l'évasion fiscale. Le gouvernement des Philippines a déclaré qu'il cherchait à accroître les impôts et les redevances que versent les sociétés minières qui exercent leurs activités aux Philippines. Chose intéressante, il ne suffit pas d'accroître les taux d'imposition ou les taux de redevances; il faut aussi percevoir ces sommes en fonction des taux établis. Les multinationales canadiennes, y compris les sociétés minières, utilisent des subventions et des paradis fiscaux, comme les Bermudes, les îles Caïmans et la Suisse, pour effectuer des transactions au moyen de la pratique comptable des « prix de transfert erronés », pour déplacer des profits vers ces paradis fiscaux, et pour réduire les impôts à verser dans les pays où les ressources sont extraites.
L'organisme Global Financial Integrity estime que, de 2001 à 2011, le Bangladesh a perdu 14 milliards de dollars en raison de l'utilisation de prix de transfert erronés, de la corruption et de l'évasion fiscale. La perte de 75 p. 100 de ces fonds est imputable à l'utilisation de prix de transfert erronés. Cela a privé le Bangladesh de 310 millions de dollars de recettes fiscales, lesquels sont transférés dans des paradis fiscaux.
Cela se produit également au Canada. Bien que les Canadiens puissent être prêts à renoncer à des milliards de dollars d'impôts, cette pratique est extrêmement néfaste dans les pays pauvres ou en développement. La première mesure que le gouvernement canadien pourrait prendre pour prévenir cette pratique néfaste consisterait à exiger que toutes les sociétés canadiennes publient leurs listes de propriétaires bénéficiaires. Cela nous permettrait de déterminer les sociétés qui possèdent des entreprises connexes établies dans des paradis fiscaux.
L'étape suivante consisterait à échanger automatiquement des renseignements d'un État à l'autre. Au cours de la dernière réunion du G20 en 2013, le Canada a dirigé la résistance contre les échanges automatiques de renseignements. Il est insensé de fournir une aide financière à des pays de la région de l'Asie-Pacifique, sans les aider à lutter contre la fuite illégale des capitaux. Si vous me le permettez, je recommanderais que votre comité invite Dennis Howlett, qui est membre de l'organisme Canadiens pour une fiscalité équitable, à vous donner un exposé à ce sujet.
Le dernier sujet que j'aimerais aborder aujourd'hui est celui des recours. J'aimerais prononcer quelques paroles à propos des recours contre les violations des droits de la personne. Comme les quelques exemples que je vous ai donnés vous permettront de le comprendre, l'exploitation minière peut avoir des conséquences dévastatrices pour les personnes touchées par les projets miniers. Lorsque ces personnes vivent dans des zones soi-disant faiblement gouvernées, il peut être presque impossible pour elles d'avoir accès à des recours contre les torts qu'elles ont subis. Les Nations Unies ont reconnu ce problème, et les recours sont l'un des trois piliers exposés dans les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme des Nations Unies.
L'une des façons de permettre aux gens, qui ont été lésés par des sociétés minières canadiennes établies à l'étranger, d'avoir accès à des recours consiste à leur donner accès à nos tribunaux canadiens et à établir au Canada une charge d'ombudsman pour les activités extractives, dont le titulaire pourra entendre les plaintes provenant de personnes vivant à l'étranger. Cet ombudsman sera en mesure d'enquêter sur ces plaintes, de rendre compte de ses enquêtes et de formuler des recommandations quant aux mesures à prendre par l'entreprise et aux politiques à mettre en œuvre par le gouvernement canadien.
C'est avec plaisir que je répondrai à toutes vos questions à ce sujet, et vous pouvez certainement obtenir de plus amples renseignements à propos de cette demande d'accès à des recours au Canada dans la page Web de la campagne « C'est une affaire de justice » du site web de Mines Alerte Canada et dans le site web du Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises.
Brian Joseph, directeur principal du programme de l'Asie et des programmes mondiaux, National Endowment for Democracy : Madame la présidente, honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous ce matin, afin de parler des événements politiques qui se déroulent en Asie du Sud-Est. Aujourd'hui, je me concentrerai sur la Birmanie, un État en transition.
Je suis directeur principal du programme de l'Asie et des programmes mondiaux du National Endowment for Democracy, un organisme non gouvernemental établi à Washington, D.C., et financé par le Congrès. L'organisme se consacre à la promotion de la démocratie et de la liberté à l'échelle mondiale. Nous travaillons en Asie depuis les débuts du fonds de dotation qui ont eu lieu en 1984 et, maintenant, nous mettons en œuvre un solide programme qui englobe tout le continent asiatique, du Pakistan à la Chine.
En Birmanie, où nous œuvrons depuis plus de 20 ans, nous appuyons plus de 65 organisations qui s'emploient à promouvoir les médias indépendants, les droits de la personne, les organisations féminines, les groupes ethniques, les associations de travailleurs et les efforts en matière d'éducation civique. Les réformes mises en œuvre par le gouvernement de Thein Sein au cours des deux dernières années sont profondes et ambitieuses. Malgré l'ampleur et la profondeur des réformes ainsi que la vitesse avec laquelle elles ont été mises en œuvre, le processus de transition a, jusqu'à maintenant, laissé presque tous les pouvoirs institutionnels entre les mains des militaires ou d'anciens généraux, ce qui soulève des questions concernant l'objectif des réformes.
Pour la communauté internationale, qui a grandement contribué à inciter la Birmanie à devenir plus ouverte et à affranchir sa société, la difficulté consiste à déterminer comment elle peut établir un dialogue avec la Birmanie d'une manière qui appuie sa transition, sans que la communauté prenne ses distances par rapport à son engagement envers les droits de la personne et la démocratie. Ce sont exactement ces enjeux qui ont motivé la communauté internationale dans le passé. Le respect des droits des minorités, la tolérance, la liberté politique, l'accès à des renseignements indépendants, les mécanismes de protection de l'environnement et des droits des travailleurs, et la primauté du droit sont les fondements essentiels d'un État démocratique moderne et, si on les laisse sans surveillance, ils risquent de faire dérailler le processus de réforme en entier.
Jusqu'en 2010, les militaires, qui ont pris le pouvoir en 1962, n'ont donné aucune indication qu'ils allaient assouplir leur contrôle, malgré la persistance et la force démontrées par une opposition dirigée par Aung San Suu Kyi. Les horribles antécédents du pays en matière de droits de la personne étaient bien connus et documentés en détail. En outre, le déclin, les infrastructures, la pauvreté et la production agricole du pays, ainsi que la santé et l'éducation de ses citoyens faisaient paraître distantes les perspectives de changement.
Et pourtant, en mai 2012, les choses avaient clairement commencé à changer. Le long régime ouvertement militaire avait cédé la place à autre chose. Le pays n'était plus dirigé par des généraux en poste, et des civils occupaient désormais les postes de président de la Birmanie et de président de la Chambre. Aung San Suu Kyi était libre et siégeait au Parlement, tout comme 43 autres membres de la Ligue nationale pour la démocratie de la Birmanie.
Dans le cadre d'autres événements prometteurs, le gouvernement a libéré la grande majorité des prisonniers politiques, autorisé la constitution d'organisations de la société civile et assoupli les restrictions dont la presse faisait l'objet. Le gouvernement a commencé à ouvrir son économie, à renouer un dialogue avec la communauté internationale et à se positionner afin d'assumer, en 2014, la présidence de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est, l'ANASE. Le gouvernement a également commencé à déployer des efforts pour mettre en œuvre un cessez-le-feu à l'échelle nationale. Il s'était donc attaqué ainsi aux problèmes les plus importants et les plus insolubles qu'il devait affronter, ainsi que le problème le plus susceptible de mettre à l'épreuve la relation entre l'armée et le nouveau gouvernement.
Je devrais également indiquer qu'il s'agit là aussi de la région où l'on retrouve la plupart des ressources naturelles du pays et, comme Catherine l'a mentionné, leur extraction et leur gestion responsable revêtiront une importance primordiale, à mesure que le pays cherchera à faire prospérer son économie.
Bref, si les réformes sont profondes, elles n'ont pas encore progressé suffisamment pour menacer la domination que les militaires exercent sur l'État. Comme je l'ai indiqué, les réformes ont créé de nouveaux centres du pouvoir et donné naissance à des médias indépendants et une société civile. De plus, elles commencent à mettre en place des contrepoids du pouvoir. Cependant, tant sur le plan constitutionnel qu'en pratique, la Birmanie demeure un État dominé par l'armée. Non seulement la constitution garantit la prérogative politique de l'armée, mais presque toutes les nouvelles institutions démocratiques, le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire relèvent toujours de généraux en service ou d'anciens généraux. Par exemple, le président du pays, le Président de la Chambre et le leader au Sénat sont tous d'anciens généraux, tout comme le sont 13 des 14 ministres en chef responsables des divisions et des États locaux.
Bien que la liste de priorités soit presque infinie en Birmanie, je crois qu'il y a cinq priorités qui méritent d'être examinées attentivement. Si vous avez des questions, je ne vois pas d'objection à entrer dans les détails, mais, compte tenu du temps dont vous disposez, permettez-moi de les mentionner brièvement.
Premièrement, la Birmanie a procédé récemment à un recensement national. Il s'agissait du premier recensement à avoir été réalisé en plus de 30 ans et du premier recensement exhaustif effectué depuis l'époque britannique, qui remonte aux années 1930. Si le recensement est une étape essentielle de la construction d'un État démocratique moderne, celui qui a été effectué a révélé un certain nombre de graves problèmes, le plus important étant la catégorisation ou la classification des groupes ethniques. Ces groupes représentent de 30 à 40 p. 100 de la population, et la façon dont ils sont recensés et catégorisés aura une grande incidence sur la nature de l'État.
L'autre aspect troublant de ce recensement est la catégorisation ou la façon dont on tiendra compte des Rohingyas ou des musulmans qui vivent dans l'État d'Arakan. Selon la loi sur la citoyenneté de 1982, ils ne sont pas des citoyens de la Birmanie, mais ils résident dans le pays depuis des centaines d'années.
Deuxièmement, la Constitution de la Birmanie, qui a été présentée et adoptée par les militaires en 2008, contient un certain nombre de dispositions qui limitent les possibilités de développement démocratique. Permettez-moi d'en mentionner deux, en particulier. La disposition 59(f) interdit aux personnes mariées à des citoyens non birmans ou ayant des conjoints ou des enfants non birmans de poser leur candidature pour le poste de président. En réalité, cette disposition empêche Aung San Suu Kyi de devenir présidente du pays.
L'autre disposition qui doit être rectifiée est celle qui prévoit que 25 p. 100 des sièges du Parlement seront réservés aux militaires. Cette disposition garantit aux militaires un droit de veto indispensable, même s'ils n'obtiennent aucun autre siège au cours des prochaines élections nationales de 2015. Le Parlement a constitué une commission d'examen, appelée le comité mixte de révision constitutionnelle, afin d'examiner ces amendements ainsi que d'autres amendements possibles. On espérait qu'ils modifieraient quelques-unes des parties les plus problématiques de la Constitution avant les élections de 2015, mais, à ce jour, il semble que ces modifications ne seront pas apportées.
Troisièmement, en 2015, la Birmanie tiendra des élections nationales. Bien que les lacunes constitutionnelles que j'ai signalées précédemment rendent techniquement impossible la tenue d'élections libres et justes, les résultats mériteront tout de même d'être observés attentivement. Les gens voudront savoir si la Ligue nationale pour la démocratie de la Birmanie et Aung San Suu Kyi participeront aux élections, même si elles n'ont pas été en mesure de faire modifier la Constitution, et, si les militaires permettront aux résultats d'être annoncés s'ils perdent haut la main, comme cela s'est produit au cours des élections partielles de 2012. Les gens voudront également savoir si la Ligue nationale pour la démocratie de la Birmanie s'alignera ou s'alliera avec les partis ethniques, comme elle l'a fait en 1990.
Le quatrième événement et peut-être l'événement le plus troublant à survenir récemment en Birmanie est le fait qu'on rapporte largement une augmentation de la violence anti-musulmane et une augmentation connexe du nationalisme bouddhiste. Ces problèmes ne sont pas nouveaux en Birmanie, en particulier dans l'État d'Arakan où les Rohingyas vivent. Les Rohingyas comptent environ un million de musulmans qui, au cours des 30 dernières années, ont connu des vagues de déplacements ayant touché parfois jusqu'à un quart de leur population. Autrefois, on considérait que ce problème n'existait que dans l'État d'Arakan et n'opposait que les bouddhistes et les musulmans, mais, au cours de la dernière année et demie, en raison de la montée du nationalisme bouddhiste et des forces qui se sont alignées avec ce mouvement, on a commencé à cibler d'autres communautés minoritaires et des musulmans de tous les coins du pays. La Birmanie devra trouver un moyen de gérer ces mouvements et de promouvoir la tolérance, si elle veut avoir une chance de surmonter ces problèmes.
Enfin, comme je l'ai mentionné plus tôt, l'un des plus importants problèmes avec lesquels est aux prises la Birmanie est la relation entre les groupes ethniques et le gouvernement. Même si les pourparlers en vue d'un cessez-le-feu, auxquels participe le gouvernement, ont monopolisé l'attention, ce seront les importantes discussions politiques qui suivront qu'il faudra surveiller de près.
J'ai un commentaire à faire à cet égard. Lorsque les gens pensent à la Birmanie, il est fondamental de comprendre que la raison d'être de l'armée birmane, qui est l'une des plus imposantes armées permanentes en Asie, était la pacification et la protection des frontières du pays et des alentours; il ne s'agit pas d'une force active à l'extérieur du pays. Donc, pour que l'armée accepte de céder le pouvoir en Birmanie et de remettre le contrôle de l'État à un gouvernement civil, elle devra d'abord être convaincue que le problème touchant les groupes ethniques est de l'histoire ancienne et qu'il ne menace aucunement ce que l'armée définit comme étant l'État birman.
Merci beaucoup.
Le sénateur Downe : J'aimerais revenir sur vos commentaires au sujet de l'évasion fiscale. Vous avez dit que le Canada perd des revenus. Quelle est l'ampleur de ces pertes?
Mme Coumans : Il y a récemment eu un exemple vraiment frappant. Je ne connais pas encore la somme globale, parce que les pratiques comptables qui permettent à des entreprises de transférer dans des paradis fiscaux des fonds qui devraient être imposés ont tendance à se faire dans le plus grand secret, comme vous vous en doutez. À l'heure actuelle, il n'y a pas de mécanismes en place pour nous permettre de vraiment bien cerner la situation. Nous demandons de tels mécanismes.
Voici un exemple frappant. Nous en sommes au courant, parce que notre agence du revenu poursuit en fait l'entreprise canadienne Cameco, une société minière dans le domaine de l'uranium. L'Agence du revenu du Canada poursuit Cameco, parce que l'entreprise a fondé une filiale à Genève. Ensuite, Cameco s'est mise à extraire du minerai d'uranium au Canada, puis à vendre le tout à un prix ridicule à sa filiale à Genève. En théorie, Cameco n'a fait aucun profit au Canada, ou très peu. L'entreprise n'avait donc pas vraiment de revenus imposables au Canada. Enfin, la filiale de Cameco à Genève a vendu le même minerai d'uranium sur le cours mondial au prix courant et a réalisé de gros profits. Or, surprise, en Suisse, les impôts ne sont évidemment pas très élevés. Voilà une manière de transférer sa charge fiscale dans un endroit où les impôts sont beaucoup moins élevés. Les contribuables ont donc perdu des revenus. L'affaire est toujours devant les tribunaux, mais il est question d'au moins 800 millions de dollars, voire 1 milliard de dollars. Il s'agit de revenus qui ont été volés aux contribuables canadiens et qui auraient pu servir à construire des routes ou à offrir des services publics au Canada.
Comme je l'ai mentionné, de manière quelque peu sarcastique, le Canada se pense peut-être suffisamment riche pour se dire qu'il peut faire son deuil de cet argent. Il ne s'agit que d'une seule entreprise, mais cela se produit dans tous les secteurs. Dans les pays en voie de développement, comme ceux que nous avons mentionnés aujourd'hui — les Philippines, la Birmanie, l'Indonésie et d'autres pays dans le monde —, ces revenus perdus auraient certainement pu être utilisés pour stimuler ces économies. On estime que les sommes globales qui ont été subtilisées aux pays en voie de développement par le biais de ces mouvements illicites de capitaux éclipsent l'aide financière que des pays, comme le Canada, versent à ces pays pauvres.
Le sénateur Downe : D'un autre côté, votre témoignage nous apprend non seulement que nous perdons des recettes fiscales au Canada, mais aussi que nous versons de l'aide financière à ces pays. Nous sommes donc perdants des deux côtés.
Mme Coumans : C'est tout à fait exact. En raison des problèmes concernant la malédiction des ressources, les pays qui misent sur leurs ressources pour développer leur économie se retrouvent souvent 10 ans plus tard plus pauvres qu'ils ne l'étaient lorsqu'ils ont commencé à mettre l'accent sur l'extraction des ressources, et ces pays sont souvent les mêmes pays auxquels nous versons une généreuse aide financière, parce qu'il s'agit de pays pauvres. Nous offrons souvent de l'aide financière aux pays où se trouvent nos sociétés minières; d'autres raisons politiques le motivent. Par contre, ce qui est ironique, c'est qu'en versant de l'aide financière à ces pays on empire la malédiction des ressources. C'est donc une situation qui entraîne deux problèmes.
La situation serait meilleure si nous mettions en place des mécanismes au Canada, et on se penche certainement sur le problème. Les pays du G20 examinent ce problème, et les premières étapes se composent de deux éléments, selon nous. La première étape est d'avoir un registre public de tout ce que nous appelons les « bénéficiaires effectifs » d'une entreprise. Par exemple, nous connaîtrions tous les propriétaires et toutes les filiales de la société minière Barrick Golde. Nous saurions aussi le nombre de sociétés de portefeuille qui se trouvent dans des endroits comme les îles Caïmans et la Barbade.
La deuxième étape consisterait à communiquer des renseignements avec d'autres gouvernements pour connaître les sommes qui y sont transférées.
Voilà les grandes étapes que préconisent les organismes à l'échelle internationale. Au Canada, c'est l'organisme Canadien pour une fiscalité équitable qui mène vraiment le combat à ce sujet.
Le sénateur Downe : En ce qui concerne le cas auquel vous avez fait allusion au sujet de l'agence du revenu, on allègue que l'entreprise canadienne vendait de l'uranium à une entreprise à Genève. Cameco n'a pas réellement expédié l'uranium en Suisse; il s'agissait plutôt d'un transfert sur papier. Je présume que c'est ce qui est allégué. L'entreprise canadienne a vendu l'uranium à l'entreprise suisse et a ensuite expédié directement le tout au Canada aux entreprises qui l'ont acheté, et ce, en vue de contourner le régime fiscal canadien. Voilà ce qui est allégué.
Mme Coumans : Il s'agit d'une manière de contourner le régime fiscal canadien.
Je devrais peut-être préciser un point. J'ai dit « à Genève », mais je voulais vraiment dire « en Suisse », parce que je ne suis pas certaine de l'endroit précis où se trouve la filiale en Suisse. C'est probablement à Zoug, mais c'est en Suisse.
Je ne suis pas vraiment certaine que l'uranium a vraiment été transporté en Suisse, mais l'uranium a certainement été vendu à la filiale en Suisse, puis vendu sur le cours mondial par cette filiale suisse, mais l'entreprise canadienne a vendu au rabais de l'uranium à sa filiale suisse pour éviter que des profits ne soient réalisés au Canada où ses revenus auraient été imposés. On estime que cela aurait privé le Canada de 800 millions à 1 milliard de dollars en revenus d'impôts. Enfin, la filiale en Suisse a vendu l'uranium sur le cours mondial au prix courant, et c'est elle qui a réalisé les profits, mais ses impôts ne sont pas très élevés en Suisse.
La présidente : Je connais l'entreprise et le dossier en question, étant donné que je viens de la province où l'entreprise se trouve. Il s'agit d'une allégation. C'est devant les tribunaux.
Mme Coumans : C'est devant les tribunaux.
La présidente : Il s'agit d'un dossier contesté. Les allégations de l'Agence du revenu du Canada sont contestées par l'entreprise. Cependant, je ne crois pas que l'Agence du revenu du Canada ou Cameco soutient que l'uranium a été vendu sur le cours mondial. L'uranium a été vendu sur le cours européen et non sur le cours mondial.
Est-ce ainsi que vous le comprenez, parce que c'est certainement ce que j'en ai entendu?
Mme Coumans : Oui. Ce que je voulais dire par « sur le cours mondial », c'était « vendu au prix du cours mondial ». L'uranium a ensuite été vendu au prix du cours de l'uranium.
La sénatrice Johnson : J'aimerais discuter du rapport publié en septembre 2013 par la Fondation Asie-Pacifique du Canada sur la progression de l'engagement du Canada en Asie en ce qui concerne les droits de la personne, l'intégration des entreprises et des droits de la personne.
L'une des recommandations dans le rapport était que le Canada devrait adopter des règlements qui obligent les investisseurs canadiens dans les domaines des mines et de l'énergie à faire rapport de ce qu'ils versent aux gouvernements étrangers — et vous avez un peu parlé de cet élément —, conformément aux principes énoncés dans l'Initiative pour la transparence dans les industries d'extraction et l'amendement Cardin-Lugar aux États-Unis.
Qu'en pensez-vous? Êtes-vous d'accord avec cette recommandation?
Mme Coumans : Le problème comporte deux volets. Il y a notamment la question de la corruption. Si les entreprises qui extraient des ressources paient leurs impôts, qu'advient-il de cet argent? Comment ces fonds sont-ils utilisés par les gouvernements et les pays hôtes? L'Initiative pour la transparence dans les industries d'extraction s'attaque vraiment à cet aspect du problème.
Nous pourrions aussi dire que l'aspect « publiez ce que vous payez » fait partie du problème. Si les entreprises devaient publier d'un projet à l'autre les sommes versées aux gouvernements et que les gouvernements publiaient aussi de leur côté ce qu'ils ont reçu, nous pourrions voir s'il y a un écart. Cependant, si les gouvernements devaient dévoiler ce qu'ils ont reçu, les sociétés civiles de ces pays pourraient leur demander pourquoi elles ne constatent pas une amélioration des services, en dépit des sommes perçues en impôts et en redevances. Voilà le volet « publiez ce que vous payez » du problème.
Bien entendu, l'envers de la médaille est ce dont je parlais, à savoir « publiez ce que vous ne payez pas »; c'est d'essayer de mettre la main sur l'argent qui n'est pas versé en revenus, en impôts et en redevances et qui est transféré en dehors du pays.
La sénatrice Johnson : Vous avez parlé des révélations au sujet du Canada et du G20. Pourriez-vous nous en parler davantage et nous dire ce à quoi nous nous opposions? Qu'en est-il exactement?
Mme Coumans : Récemment, le Canada s'est montré favorable à l'idée que les entreprises qui extraient des ressources devraient publier ce qu'ils versent aux gouvernements et souhaite aussi que les entreprises en fassent rapport au Canada, ce qui serait extrêmement utile. Actuellement, il est difficile de savoir exactement ce que le secteur minier verse en impôts et en redevances au Canada, parce que ces sommes sont regroupées avec celles des secteurs pétrolier et gazier. Nous sommes ravis que le gouvernement canadien ait accepté les recommandations du groupe de travail, dont étaient membres Publiez ce que vous payez, Revenue Watch, l'Association minière du Canada et l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, qui a milité en faveur de cet aspect, et le gouvernement canadien a accepté le tout.
À l'échelle internationale, on se penche sur l'autre problème, à savoir « publiez ce que vous ne payez pas ». Il s'agit de la difficulté d'essayer d'établir ce que les filiales internationales et les multinationales ont dans les paradis fiscaux, puis de déterminer comment les fonds y sont transférés.
Lors de la récente rencontre des pays du G20, deux éléments ont été discutés à ce sujet. Premièrement, il faut créer des registres des bénéficiaires effectifs. À mon avis, le Canada envisage peut-être cette option, mais le deuxième élément concerne la mise en place de la pratique visant l'échange automatique de renseignements entre les pays en vue de suivre les flux de revenus. Lors de la dernière rencontre du G20 en 2013, le Canada s'est farouchement opposé à la pratique visant les échanges automatiques de renseignements. Ce sujet continuera de refaire surface, parce que d'autres pays y sont en fait favorables.
La sénatrice Johnson : Les États-Unis sont-ils du nombre?
Mme Coumans : Je ne le sais pas. Notre collègue le sait peut-être.
La sénatrice Johnson : Ai-je le temps de poser une question à M. Joseph?
La présidente : Oui.
La sénatrice Johnson : Bonjour. Nous avons entendu parler de la réduction des droits en Asie, même si bon nombre de pays sont des démocraties, et nous savons bien que la véritable démocratie revient tous les quatre ou cinq ans après des élections générales.
Pourriez-vous nous dire les pays qui ont renforcé les institutions qui garantissent une véritable démocratie, comme un pouvoir judiciaire indépendant, des commissions électorales et la protection des groupes minoritaires? Si vous avez le temps, pourriez-vous nous mentionner les pays qui ont connu de l'autoritarisme rampant?
M. Joseph : Pourriez-vous répéter la dernière partie, s'il vous plaît?
La sénatrice Johnson : Quels sont les pays qui ont connu de l'autoritarisme rampant?
M. Joseph : C'est une question importante, parce que la plupart des pays asiatiques organisent maintenant des élections, mais il y a très peu de véritables démocraties libérales dans la région. Pour ce qui est de l'évolution de la situation dans la région au cours de la dernière décennie, on constate de véritables progrès en Indonésie, aux Philippines et dans l'Asie du Sud-Est, jusqu'à un certain point. Le Pakistan a fait d'incroyables progrès en dépit de tous ses problèmes.
Aux Philippines et en Indonésie, des institutions indépendantes ont été créées, plus d'organisations de la société civile sont actives, et les partis politiques évoluent et commencent à présenter des politiques et à se dissocier de la politique se fondant sur la personnalité. Il y a encore beaucoup de pain sur la planche, mais je considère que ces pays ont réalisé d'importants progrès.
En Asie et dans l'Asie du Sud-Est, le principal pays qui a connu une régression en la matière est le Sri Lanka; c'était un pays qui était à une époque l'un des meilleurs États démocratiques naissants de la région. Au cours des 10 ou 15 dernières années, ce pays a abruptement changé de direction pour le pire, et il a notamment pris pour cible les minorités. Pas moins de 40 000 personnes ont été assassinées au cours des dernières semaines de la guerre civile.
Dans l'Asie du Sud-Est, la Thaïlande vit actuellement une période trouble en raison du phénomène des portes tournantes concernant les forces antidémocratiques qui s'y disputent le pouvoir.
Il est difficile de dire si les autres pays de la région ont progressé ou reculé en la matière. La Malaisie a connu bon nombre de progrès en ce qui concerne son économie et ses institutions; n'empêche que le pays est toujours dominé par un seul parti, en dépit de l'émergence d'un parti d'opposition qui s'avère plus solide que la majorité des gens le croient.
Enfin, j'aurais de la difficulté à dire si la démocratisation a connu une progression ou une régression dans le grand pays qu'est la Chine.
La sénatrice Johnson : Merci de votre réponse.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Merci à vous deux pour vos témoignages. Madame Coumans, la Birmanie présente des possibilités d'affaires importantes pour les industries minières.
Si j'ai bien compris votre témoignage, il y a actuellement des entreprises canadiennes qui participent au développement minier en Birmanie. Est-ce que nos compétiteurs d'autres pays dans ce domaine sont plus respectueux des droits des Birmans, des droits de la personne, des droits de la terre, des droits de propriété, de l'eau, du code de travail, que les compagnies canadiennes?
[Traduction]
Mme Coumans : Pour l'instant, des entreprises canadiennes font peut-être de l'exploration, mais il n'y a pas d'importantes mines en exploitation, selon ce que j'en sais.
Lorsque la Birmanie était dirigée par un régime militaire, Ivanhoe, une entreprise canadienne, y exploitait une mine. L'armée était hautement impliquée, et nous avons entendu beaucoup d'allégations de violation des droits de la personne et de conflits relatifs aux terres dans les environs de la mine. Cette mine n'appartient plus à Ivanhoe, mais le conflit persiste. Il s'agit de la mine dont j'ai parlé.
Selon moi, toute société minière dans le monde qui envisage d'exploiter des mines en Birmanie devrait y penser deux fois, particulièrement en raison des problèmes qui ont été soulignés par mon collègue et de la mainmise de l'armée sur une grande partie du développement économique du pays. Si une société minière veut exploiter une mine dans un endroit où des gens vivent et où il y aura des litiges relatifs aux terres, l'armée s'interpose sans vergogne et s'occupe violemment des gens qu'elle doit déplacer pour faire place à la mine.
D'ici à ce que le contrôle militaire du développement économique dans les régions rurales soit moins important, les sociétés minières canadiennes devront être très prudentes quand viendra le temps de déterminer si c'est un endroit où elles peuvent mener leurs activités sans être impliquées dans des violations des droits de la personne.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : J'aimerais savoir, madame Coumans, s'il y a d'autres organismes comme le vôtre, qui proviennent d'autres pays et qui font de la surveillance dans les pays de l'Asie-Pacifique. Le cas échéant, avez-vous des liens avec ces organismes?
[Traduction]
Mme Coumans : Oui. Mines Alerte Canada a été créé en 1999 pour surveiller les répercussions des activités minières canadiennes sur l'environnement et les droits de la personne, mais nous avons tardé à faire notre entrée en scène. Les États-Unis avaient déjà un organisme qui s'appelle Earthworks, tandis que l'Australie avait le Mineral Policy Institute.
C'étaient ces organismes qui surveillaient l'incidence des activités minières du Canada dans le monde, car Mines Alerte Canada n'existait pas encore. Après sa création en 1999, ils ont transféré tous leurs dossiers, car les activités minières du Canada laissent une énorme empreinte à l'échelle mondiale. Environ 60 p. 100 des sociétés minières canadiennes sont inscrites aux bourses du pays. D'ailleurs, partout dans le monde, on associe souvent le Canada aux mines.
Lorsque Mines Alerte Canada a été créé, nous sommes devenus responsables d'une grande partie des problèmes dont s'occupaient nos organismes apparentés, avec qui nous collaborons encore étroitement.
Nous travaillons également avec un réseau à Londres et des réseaux internationaux dans les différentes régions où nous sommes présents, en plus de collaborer étroitement avec des réseaux régionaux. Nous sommes un petit organisme, et nous misons grandement sur les coalitions.
Par exemple, le Réseau canadien pour la reddition de compte des entreprises compte environ 26 organisations membres, y compris Amnistie internationale, des syndicats, des groupes environnementaux et des groupes de défense des droits de la personne, qui ont tous un mandat qui se limite aux activités minières.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Merci, madame Coumans, et félicitations pour votre travail. J'aurais maintenant une question pour notre second témoin.
Monsieur Joseph, vous avez peut-être déjà répondu en partie à ma question, mais je vous la pose quand même. À son arrivée au sommet de l'État birman, le président Thein Sein a fait preuve d'un désir de réforme démocratique et il a mené des actions en ce sens.
Or, dans les derniers jours, Aung San Suu Kyi a critiqué les tergiversations du président Thein Sein et a remis en question son engagement envers les réformes démocratiques.
Selon vous, est-ce que le président Thein Sein est un démocrate de convenance ou son désir d'établir un État de droit en Birmanie est-il réel?
[Traduction]
M. Joseph : Pour être honnête, je ne sais pas. J'ai suivi le dossier de près. Je connais bien son entourage, les ministres qui relèvent de lui et son personnel, et ils sont nombreux à croire qu'il est un véritable réformiste qui essaie de mettre en place un système démocratique. En même temps, c'est un ancien général issu du même système autoritaire qui domine maintenant l'État.
La frustration d'Aung San Suu Kyi à son égard, qui est maintenant mise en évidence, est ressentie par beaucoup de monde depuis des années, car malgré leur importance, les changements et les réformes qui ont été mis en œuvre n'ont pas affaibli la mainmise de l'armée sur le pouvoir.
Je crois que sa frustration va dans le même sens que ce que d'autres laissent entendre quand ils disent que ces réformes sont une forme de libéralisation politique. On accorde une plus grande place à la réflexion, à l'expression et à l'organisation politiques, mais les institutions de l'État demeureront sous le contrôle de l'armée, et les efforts de réforme de Thein Sein ne peuvent pas tout résoudre compte tenu des autres forces militaires qui se font concurrence au pays. L'armée elle-même est divisée, et le Parlement est contrôlé par Thura Shwe Mann, un autre général qui, à certains égards, est maintenant un rival de Thein Sein et dont la vision ces jours-ci s'aligne davantage selon certains sur celle d'Aung San Suu Kyi. Je pense qu'il est difficile de dire dans quel camp il se situe.
Pour faire avancer la démocratie, j'estime que nous devons examiner les possibilités que les réformes offrent à la communauté internationale et aux acteurs nationaux, mais il ne faut pas croire que les généraux qui dirigent maintenant les grandes institutions du pays essaient de les démocratiser davantage.
À vrai dire, ce qui préoccupe Aung San Suu Kyi, c'est qu'ils vont essentiellement interrompre le développement de cette non-démocratie — qui s'apparente beaucoup à un État démocratique avec son Parlement, son pouvoir exécutif et sa magistrature — si ces questions fondamentales ne sont pas réglées avant les élections de 2015. Aung San Suu Kyi exerce maintenant de fortes pressions pour faire adopter des modifications constitutionnelles et lever les autres obstacles à l'établissement d'une véritable démocratie.
Le sénateur Dawson : Je vais poser des questions aux deux témoins, mais j'aimerais d'abord obtenir des précisions. Vous avez parlé de la « manipulation des prix de transfert » ou de la « manipulation du transfert des prix ». Quel est le bon terme?
Mme Coumans : Le terme est « manipulation des prix de transfert ». L'établissement de prix de transfert est légal. Les entreprises peuvent effectuer ce genre de transferts entre elles et des filiales, mais la « manipulation des prix de transfert » est illégale. Il s'agit des cas où on manipule délibérément la valeur du bien transféré à une filiale pour éviter de payer des impôts.
Le sénateur Dawson : L'ITIE tiendra-t-elle compte de ce genre de problèmes? Un témoin nous a parlé de l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives et des pays qui coopèrent et qui tentent d'uniformiser les règles du jeu et d'accroître la transparence dans les secteurs des mines et de l'extraction. L'initiative tiendra-t-elle compte de ce genre de problèmes?
Mme Coumans : Non, pas directement. L'ITIE prévoit la publication des montants payés, pas la publication de ce qui ne l'a pas été, et on ne peut donc pas découvrir qu'elles sont les sociétés qui créent des flux de capitaux illicites pour sortir de l'argent d'un pays.
Toutefois, je suis d'avis que si nous avions de très bons chiffres sur ce que payent les sociétés extractives, nous serions peut-être en mesure de dire : « Ce n'est vraiment pas beaucoup. Pour quelle raison ne payez-vous pas plus d'impôts et de redevances? » Cela pourrait nous aider à comprendre pourquoi les chiffres sont aussi peu élevés.
Les deux vont ensemble. Il faut que les sociétés publient ce qu'elles payent et trouver le moyen de déterminer ce qui n'a pas été payé.
Le sénateur Dawson : Monsieur Joseph, je sais que le National Endowment for Democracy fait un excellent travail, mais y a-t-il d'autres gros joueurs qui essaient de promouvoir une véritable démocratie en Asie du Sud-Est? Les efforts des Nations Unies visant à promouvoir la démocratie parlementaire dans le monde n'ont pas donné de très bons résultats au cours des quelques dernières années. Y a-t-il d'autres acteurs comme vous? Quel est le rôle joué par le Canada?
Dans un cas comme celui de la Birmanie, nous savons que certaines mesures visant à établir une véritable démocratie sont impossibles compte tenu de la constitution, mais devrions-nous proposer de participer à la surveillance des élections?
M. Joseph : De nos jours, le domaine de la promotion de la démocratie est vaste et très diversifié. L'Asie compte un certain nombre de grands organismes. Dans le secteur privé, les plus importants, à l'exception du National Endowment for Democracy, sont la Fondation Soros et les Fondations pour une société ouverte, qui ont une présence considérable là-bas.
De plus, un certain nombre d'organismes d'aide bilatéraux, principalement de l'Europe de l'Ouest et des pays scandinaves, œuvrent depuis longtemps dans la région. Le Canada a également joué un rôle dans certains pays.
On assiste aussi à l'émergence d'un certain nombre de petites fondations asiatiques et d'ailleurs qui souhaitent faire progresser la démocratie et le respect des droits de la personne.
Il s'agit vraiment d'un effort mondial, et les gros joueurs et leurs engagements varient d'un pays à l'autre.
Dans des endroits comme la Birmanie, chaque pays qui offre une aide humanitaire cherche maintenant à faire avancer la démocratie et la gouvernance. Ce qu'on voit maintenant là-bas s'apparente presque à une externalisation ouverte. Auparavant, peu d'institutions s'étaient engagées à renforcer les droits de la personne en Birmanie. Maintenant, grâce aux ouvertures et pour toutes sortes de raisons, dont certaines qui ont été abordées par Mme Coumans, la Birmanie offre beaucoup de possibilités, ce qui a entraîné une hausse de l'aide au développement et de l'aide humanitaire. Nous devons suivre cela de près pour nous assurer que l'aide est bien coordonnée et offerte d'une manière productive.
En toute honnêteté, je ne sais pas quel rôle pourrait jouer le Canada en Birmanie. Auparavant, il soutenait les efforts de promotion de la démocratie et de défense des droits de la personne qui ont caractérisé la période allant de 1988 jusqu'à 2011 et 2012. Je ne suis pas certain du rôle qu'il joue maintenant ni de la façon dont il peut intervenir dans ce dossier.
J'appuie toutefois les propos de Mme Coumans, car je pense que les industries d'extraction des ressources seront extrêmement importantes compte tenu des raisons qu'elle a données et de la situation politique en Birmanie. Les ressources extractives et la richesse de la Birmanie se trouvent dans les secteurs ethniques, ce qui veut dire que les accords de partage du pouvoir et les arrangements financiers entre le gouvernement et les groupes en périphérie seront indispensables aux efforts visant à établir la règle du droit et la démocratie dans le pays. De toute évidence, le Canada a un rôle à jouer dans ce dossier.
Pour ce qui est de la surveillance des élections, je crois qu'il est un peu tôt à ce stade-ci pour prendre une décision. Tout le monde devrait exercer des pressions sur le gouvernement pour s'assurer que suffisamment de changements et de réformes sont effectués avant les élections pour qu'elles se déroulent librement et équitablement. Si l'on décide de surveiller le scrutin, je crois qu'on devrait effectuer une mission d'évaluation préélectorale ou une analyse du cadre électoral plutôt que d'examiner le processus électoral le jour du vote.
Ce qui me préoccupe, c'est qu'on ne pourra pas parler d'élections libres et équitables si le résultat du scrutin maintient le veto de l'armée au Parlement. Le fait d'affirmer qu'il s'agit d'un scrutin démocratique aurait des répercussions sur la façon dont le pays est perçu dans le monde, et il serait peut-être préférable d'évaluer le système en place, les lois électorales et la constitution, c'est-à-dire tout ce qui se rapporte aux élections.
Le sénateur Dawson : C'est un bon point. Merci.
Le sénateur Demers : Madame Coumans, monsieur Joseph, je vous remercie beaucoup de vos témoignages.
L'eau est extrêmement importante pour la santé des enfants, des êtres humains en général et des animaux. Dans la région de l'Asie-Pacifique, particulièrement en Indonésie, 70 p. 100 de la population n'a pas accès à de l'eau potable. Nous savons également que les projets miniers présentent un risque de contamination de l'eau.
J'aimerais connaître la gravité du problème dans l'ensemble de la région de l'Asie-Pacifique et savoir si les sociétés minières prennent les mesures nécessaires pour contrôler la qualité de l'eau.
Deuxièmement, que peut faire le Canada pour aider ces pays à protéger cette ressource et à améliorer l'accès de la population à de l'eau potable?
Mme Coumans : C'est un fait établi que l'eau revêt une importance cruciale dans la région de l'Asie-Pacifique, en particulier sur les îles de l'Asie du Sud-Est qui ont une population dense sur un territoire terrestre relativement petit. L'eau est essentielle pour la consommation humaine, mais aussi pour tout ce que nous faisons en agriculture ou dans le domaine du développement industriel. On est vraiment mal pris sans eau propre.
Il est également vrai que les activités minières comportent un risque lié à l'eau. Elles laissent une énorme empreinte et entraînent souvent une contamination de l'eau souterraine et de l'eau de surface.
À vrai dire, je participe à des efforts visant à créer un système de certification des activités minières — ou j'y ai participé pendant de nombreuses années. Nous avons rencontré des représentants de l'industrie minière. Nous voulions entre autres créer une norme selon laquelle seules les mines qui ne contamineraient pas les eaux souterraines ou de surface pourraient être certifiées. Dans le cadre de nos échanges avec l'industrie minière, on nous a dit qu'une telle norme ne pourrait pas être respectée. Même l'industrie reconnaît qu'il est très difficile de trouver une mine dont l'exploitation n'a pas contaminé les eaux souterraines ou de surface.
Cela nous amène à la question suivante : que doit-on faire? Premièrement, il faut appliquer les pratiques exemplaires. Au moment où on se parle, des sociétés minières canadiennes déversent directement leurs résidus miniers dans les réseaux hydrographiques, comme Barrick Gold en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Certaines sociétés n'appliquent pas les pratiques exemplaires lorsqu'elles créent des bassins de décantation et des bassins de retenue. Des brèches se forment et les ressources en eau sont contaminées, comme dans le cas du bassin aux Philippines dont j'ai parlé.
La retenue des résidus miniers pose réellement problème, en particulier dans la région de l'Asie du Sud-Est riche en métaux — beaucoup de ressources sont dans les montagnes — qu'on appelle la « Ceinture de feu », car on y enregistre de fortes chutes de pluie et les risques de séisme y sont élevés. Il faut retenir les résidus, mais on se trouve dans les montages. Autrement dit, si une brèche s'ouvre dans un bassin, tous les résidus descendent vers le bas, et c'est déjà arrivé.
C'est coûteux en plus de poser un défi. Le principal problème, c'est que les sociétés minières essaient souvent réduire les coûts et ne prennent donc pas les mesures qui s'imposent vraiment pour contenir leurs résidus.
Cela dit, le deuxième élément lié à cette question est le problème de l'héritage environnemental dont j'ai parlé tout à l'heure.
Lorsque l'exploitation de ce qu'on appelle un minerai sulfuré prend fin et qu'il y a un problème de drainage minier acide, ce qui est très commun, le processus chimique peut littéralement se poursuivre pendant des milliers d'années. La mine doit donc être préservée à perpétuité pour contenir les résidus qui s'en échappent de manière à ce qu'ils ne contaminent pas les eaux souterraines et les eaux de surface. C'est extrêmement dispendieux.
Il arrive souvent qu'une grande société minière vende une mine qui arrive à la fin de son cycle de vie à une petite société de portefeuille ou à une entreprise moins responsable pour ne pas avoir à se soucier de sa fermeture. Bien souvent, il n'y a pas suffisamment de liens avec les grandes sociétés minières comme les sociétés canadiennes pour que la mine soit fermée correctement. Les grandes sociétés vendent la mine et s'en vont avant la fin de son cycle de vie.
Vous avez abordé un problème de taille. C'est extrêmement important et crucial pour le développement futur dans ces pays.
Le sénateur Demers : Nous parlons de vies humaines. C'est ce qui arrive au moment où on se parle, et nous sommes en 2014. J'ai beaucoup de difficulté à accepter cela.
Votre explication était très claire. Je tiens à préciser que nous devons réfléchir très sérieusement à cela, plus que jamais. On parle de 70 p. 100 de la population. Ce n'est qu'une observation, et je vous remercie beaucoup de votre réponse.
La présidente : Monsieur Joseph, vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Joseph : Je ne suis pas un expert en eau, mais je partage les inquiétudes du sénateur. C'est d'une importance capitale dans l'ensemble de la région, et cela a une incidence sur les relations entre les pays. On fait des efforts importants dans le bas Mékong pour créer des barrages. L'un des principaux moteurs des premières étapes de la transition de la Birmanie était le barrage de Myitsone, construit par les Chinois. Il y a de nombreux enjeux associés à l'eau — pollution, manque d'accès, sécheresse —, et la région a également connu des inondations. C'est un élément connexe.
Il ne fait aucun doute que les questions relatives à l'eau et à la gestion de l'eau sont d'une importance cruciale pour chaque pays de la région.
Le sénateur Oh : Ma question s'adresse à Mme Coumans. En Asie du Sud-Est, pour obtenir un permis, les sociétés minières doivent faire équipe avec une junte militaire ou un haut fonctionnaire du gouvernement. Sinon, elles ne peuvent pas obtenir de permis, ce qui soulève le problème de la corruption. Qu'en pensez-vous?
Mme Coumans : C'est tout à fait problématique, non seulement dans la région de l'Asie-Pacifique, mais également en Afrique et en Amérique latine. L'extraction des ressources génère beaucoup de richesse en très peu de temps. L'exploitation des mines d'or est une entreprise lucrative et le processus d'extraction même génère beaucoup d'argent. Aucune mesure n'est prise pour contrôler l'utilisation des ressources. On se demande où est réellement acheminé l'or fondu. Il n'y a pas de système de suivi des ressources ni de l'argent généré par la vente des ressources.
Bien sûr, il faut que les sociétés minières entretiennent de bonnes relations avec les dirigeants politiques de tous les pays où elles sont installées. J'ai participé à la réunion annuelle de la société aurifère Barrick hier. Peter Munk, le président sortant de la société, a longuement parlé de l'importance pour les dirigeants d'une société d'entretenir de bonnes relations avec les gouvernements du monde parce que c'est grâce à eux qu'ils auront accès aux gisements et aux permis dont ils ont besoin.
Comme nous le savons, certains de ces gouvernements sont dans ce qu'on appelle des zones à déficit de gouvernance; il s'agit de gouvernements qui ont eu des problèmes de corruption par le passé, et qui en ont toujours. Comment fait-on pour obtenir ces permis? Comment est distribuée la richesse générée par ces mines? C'est un grave problème.
Je crois que l'Initiative relative à la transparence des industries extractives a été créée spécialement pour aborder le problème de la corruption. C'est une initiative importante, qui est maintenant appuyée par le Canada. Le Canada a mis du temps à y prendre part, mais il appuie aujourd'hui l'ITIE, et nous en sommes très heureux.
La sénatrice Ataullahjan : Monsieur Joseph, vous avez appuyé des projets de groupes ethniques en Birmanie, surtout les Rohingyas, et votre site web fait mention du projet Exiled to Nowhere de même que du renforcement de l'appui international envers le projet des Rohingyas. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces projets et nous parler des résultats, le cas échéant?
De plus, tous les yeux sont rivés sur la Birmanie, et les États-Unis se sont prononcés à maintes reprises au sujet des violences au pays. La semaine dernière, les représentants des États-Unis ont lancé un avertissement à la Birmanie au sujet de la violence et ont insisté pour que les groupes d'aide y retournent. Pouvez-vous également commenter ces événements?
M. Joseph : Merci.
Depuis la mise sur pied de notre programme en Birmanie, le National Endowment for Democracy comprend que le programme pour les groupes ethniques est au cœur de la résolution des problèmes au pays. Nous y avons toujours préconisé une approche multiethnique. Depuis plus de 20 ans maintenant, nous appuyons le développement des médias indépendants, de la société civile, des partis politiques, des syndicats, de tout ce qui fait partie du domaine ethnique, de sorte que ces régions aient leurs propres sociétés indépendantes et leur propre voix politique, et qu'elles puissent participer sur un pied d'égalité aux discussions avec le gouvernement.
Nous travaillons au dossier des Rohingyas depuis plus de 20 ans : nous documentons la situation et nous défendons leurs intérêts. Nous ne sommes pas un organisme de secours, alors je vais parler du caractère politique de la question. Comme l'ont fait valoir les Nations Unies, il s'agit de l'une des minorités les plus opprimées et les plus discriminées au monde. En 1982, on a adopté une loi sur la citoyenneté qui en a fait des apatrides. Pendant des années, ils se trouvaient surtout dans l'État d'Arakan, qui borde le Bangladesh et qui est composé principalement de bouddhistes radkhines et de musulmans rohingyas. Même le terme « Rohingya » n'est pas accepté dans l'ensemble du pays. Le gouvernement refuse d'utiliser ce terme. Il les appelle les Bengalais, ou par d'autres noms.
En collaboration avec cette communauté, nous avons au fil des ans tenté de documenter les infractions commises dans les collectivités déplacées et dans ces régions, dans le but d'encourager les personnes modérées de la communauté à défendre leurs propres intérêts. De plus, par l'entremise du projet Exiled to Nowhere dont vous avez parlé, elles pourront défendre leurs intérêts auprès des décideurs des pays concernés. Sauf erreur, ce projet a été mis en œuvre à Bangkok, à Jakarta, à Washington et à Tokyo. Il s'agit d'un effort international visant à documenter le problème. Il n'y a pas de solution ni de réponse facile, mais il faut tenir compte de la composante humaine. En un sens, si nous n'abordons pas la question, les autres efforts entrepris dans le pays risquent d'en être ébranlés.
Nous croyons qu'il s'agit d'un problème à long terme qui ne peut être isolé, et on doit tenir compte des autres enjeux auxquels le pays est confronté. Or, la montée de la violence anti-musulmane et du nationalisme bouddhiste au pays représente un nouveau phénomène particulièrement troublant. Le pays doit veiller à mettre en œuvre des lois qui favorisent la tolérance et le pluralisme, à ce que les parties se mobilisent pour les élections de 2015 et à établir des restrictions ou des limites quant aux discours haineux et à d'autres éléments qui pourraient faire en sorte que la situation problématique actuelle se transforme en quelque chose de beaucoup plus grave.
Les États-Unis font pression dans l'État de Rakhine pour le retour des organismes d'aide humanitaire. Je ne sais pas ce qu'ils incitent ces groupes à faire, mais au cours des dernières semaines, on a constaté une politisation accrue du travail des organismes d'aide dans ces régions. Est-ce qu'ils se concentrent uniquement sur les Rohingyas? Est-ce qu'ils visent également les Rakhines ou les Arakanais qui ont eux aussi été déplacés?
La situation n'est pas claire. Les Rakhines ont souffert, mais pas au même degré que les Rohingyas, et on craint que les organismes d'aide avantagent une partie, de façon intentionnelle ou non. C'est un dossier très politisé. La communauté locale politise chaque engagement pris dans la région, et les organismes d'aide devront faire très attention de ne pas exacerber la situation.
La sénatrice Ataullahjan : Les témoins nous ont dit que la Birmanie ne pourrait pas progresser tant qu'elle ne modifiera pas sa constitution. Êtes-vous du même avis? Vous faites souvent référence à la montée du nationalisme bouddhiste. À quoi est-il attribuable, selon vous?
M. Joseph : La réforme constitutionnelle est essentielle. Comme nous l'avons vu en Asie, certains pays n'ont pas de démocratie et ne favorisent pas le progrès des valeurs libérales. Ils peuvent développer leur économie, améliorer leur environnement, et répondre aux besoins de leurs citoyens en matière d'éducation et d'emploi, dans une certaine mesure. À mon avis, les progrès et leur durabilité passent par l'évolution politique.
En Birmanie, la réforme constitutionnelle aura une incidence critique sur le développement du pays. Sans une telle réforme, on ne peut pas établir d'institutions indépendantes ni garantir la démocratie. Sans ce système, cette macro structure, il est impossible d'établir la règle de droit puisqu'en vertu de la constitution actuelle, l'armée est en fait au-dessus de la règle de droit. Elle a le droit de veto au Parlement et contrôle la sécurité nationale et le conseil de la défense; la règle de droit ne veut presque rien dire sans un changement constitutionnel.
Comme l'a fait valoir l'autre témoin, deux des plus importantes sociétés de portefeuille du pays sont contrôlées par l'armée; il faudrait donc une révision constitutionnelle pour permettre au pays de progresser.
La mise en place et le moment désigné d'une telle révision restent à déterminer, tout comme les dispositions à aborder en priorité, mais il ne fait aucun doute que la constitution fait partie du problème.
En ce qui a trait à la montée du nationalisme bouddhiste, c'est difficile d'en déterminer la cause exacte. Ce n'est pas un phénomène nouveau. Ce qui est nouveau, c'est qu'il est maintenant très politisé et qu'il s'est répandu rapidement. Le nouvel espace libéral au pays — qui a donné lieu à l'apparition de nouveaux journaux et de nouvelles communications, aux téléphones cellulaires, aux possibilités de déplacements et aux associations — a également permis à ces forces de se mobiliser et de s'organiser comme elles n'avaient jamais pu le faire avant. En fait, certains leaders de ce mouvement avaient été emprisonnés sous le Conseil de l'État pour la paix et le développement, mais sont maintenant libres. Ils se mobilisent.
Alors que nous nous approchons des élections de 2015, les questions relatives à l'ethnicité et à l'identité seront très importantes. La majorité birmane, au cœur du pays, est principalement bouddhiste. Les minorités appartiennent à un large éventail d'autres groupes religieux et ethniques. Il y a des chrétiens, des hindous. Il y a une communauté musulmane. Il y a des animistes. Certains Birmans craignent que l'État soit redéfini de manière à affaiblir leur domination de l'État.
Le sénateur Housakos : Ma question s'adresse à Mme Coumans.
Pouvez-vous nous dire quels sont les cinq plus grands pays miniers de l'Asie du Sud-Est actuellement, et où se trouve le Canada dans la liste?
Mme Coumans : Je vais tenter de vous répondre. Je n'ai pas étudié la liste récemment, mais la Chine occupe certainement une place très importante en Asie du Sud-Est. Il y a également des sociétés minières nationales. Par exemple, en Inde, l'exploitation minière est presque entièrement dominée par les sociétés indiennes. Bien sûr, l'Australie assure une présence dans la région de l'Asie-Pacifique. L'Australie est un important pays minier, comme le Canada. C'est leur cour arrière, alors les Australiens y sont certainement présents.
Je dirais que le Canada fait partie des cinq principaux pays, surtout en ce qui a trait à l'exploration. Nous avons le plus grand nombre d'entreprises d'exploration au monde. Nous faisons donc beaucoup d'exploration, mais ces projets sont ensuite souvent transférés à de plus grandes sociétés minières, canadiennes ou non. Je ne sais pas quel rang exact nous occupons, mais nous sommes très présents dans la région.
Le sénateur Housakos : Est-il juste de dire que le Canada exploite environ 10 à 12 p. 100 de sa capacité d'exploration minière dans la région de l'Asie du Sud-Est et du Pacifique, par rapport à ses activités dans les Amériques, en Europe et ailleurs dans le monde?
Mme Coumans : Bien sûr, les activités dans les Amériques sont beaucoup plus importantes. Je crois que 70 p. 100 de nos activités en dehors du Canada se font dans les Amériques. L'Afrique est au deuxième rang, et la région de l'Asie-Pacifique serait au troisième rang. Je ne connais pas les pourcentages exacts.
Le sénateur Housakos : J'ai un commentaire et une question. L'exploitation minière représente un intérêt commercial important pour le Canada, à l'échelle nationale et internationale, et fait partie intégrante du développement économique mondial depuis des milliers d'années, depuis le temps de l'Empire romain, des Grecs anciens et des Phéniciens. Ce n'est pas un nouveau passe-temps et certainement pas une nouvelle technologie. Bien sûr, nous avons connu des difficultés au fil des siècles, en ce qui a trait aux responsabilités environnementales.
Je crois que nous devrions être fiers de notre pays. Les Canadiens sont très fiers de voir que nos sociétés minières sont parmi les plus responsables au monde sur le plan social et environnemental; nous avons également les règlements sur l'exploitation minière les plus stricts au monde. Je crois qu'il est important de le reconnaître, et j'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
Lors de la réunion annuelle de la société aurifère Barrick, M. Munk a fait valoir qu'il était essentiel pour les PDG et les sociétés minières d'entretenir de bonnes relations avec les gouvernements du monde, mais que nous devions comprendre et souligner qu'il s'agit d'un choix, dans le but d'accroître nos intérêts miniers. Toutefois, nous ne pouvons pas choisir les gouvernements des autres pays et nous ne pouvons pas mettre en place des règles et règlements que nous jugeons acceptables et les imposer à d'autres pays. Nous devons également reconnaître que lorsque des sociétés canadiennes s'installent dans d'autres pays, elles doivent respecter les règles et règlements du Canada, à titre d'entités canadiennes, mais elles sont aussi tenues de respecter les règles et règlements de la région du monde dans laquelle elles travaillent.
L'année dernière, j'ai visité un pays dans les Balkans où nous avons une société minière très active. Je me suis entretenu avec les parlementaires, et ils m'ont fait part de certaines préoccupations environnementales et sociales. J'ai fait une comparaison, une liste des règles et règlements de ce pays par rapport aux nôtres, et j'ai constaté que la société respectait non seulement ceux du pays, mais également les nôtres. Notre liste était beaucoup plus longue et plus stricte que la leur.
Ma question — son préambule est long, et j'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet — est la suivante : plutôt que de nous concentrer sur les mesures que nous pouvons prendre pour imposer nos règles strictes aux pays de l'Asie du Sud et du Pacifique, que pouvons-nous faire pour éduquer les autres pays, pour qu'ils aient une meilleure gouvernance, qu'ils éliminent la corruption et qu'ils soient un peu plus responsables sur le plan social et environnemental?
Mme Coumans : Je vous remercie de votre question. C'est une grande question, sur les mesures que peut prendre le Canada pour améliorer la gouvernance des pays dans lesquels nous travaillons, et sur ce que peuvent faire des sociétés civiles comme la mienne.
Pour être bien clair, lorsque nos sociétés minières exercent des activités à l'étranger, le Canada n'a aucune prise sur ce qu'elles font. Nous ne réglementons pas les activités de ces sociétés et nous n'établissons pas de normes. Certaines entreprises prétendent qu'elles travaillent selon les pratiques exemplaires à l'étranger, mais il n'y a aucun moyen de surveiller ou d'évaluer cela.
Si vous visitez le site web des différentes sociétés minières, vous verrez qu'elles consacrent toutes de nombreuses pages aux diverses normes internationales auxquelles elles prétendent adhérer. Comme nous nous rendons dans ces pays et que nous parlons aux gens vivant à proximité de ces mines, je peux vous dire que ce n'est pas nécessairement le cas dans la pratique. Je peux par contre vous assurer qu'il y a un problème de gouvernance dans bien des pays où nos entreprises sont présentes, ce qui fait que les normes applicables sont beaucoup moins rigoureuses que celles que nous avons ici. Il s'ensuit des impacts environnementaux et sociaux qui sont à l'origine de conflits pouvant facilement s'envenimer. C'est ainsi que ces mines deviennent militarisées avec toutes les conséquences qui peuvent en découler au chapitre des violations des droits de la personne.
Comme vous me demandez en quelque sorte ce que peut faire une organisation comme Mines Alertes Canada, je vous dirai que nous travaillons en étroite collaboration avec différents groupes de la société civile dans les pays où il y a des exploitations minières canadiennes. Ces organisations sont au cœur de l'action. Les collectivités avoisinant l'exploitation minière ont souvent recours à leurs propres organisations civiles pour exercer des pressions sur le gouvernement du pays afin qu'on leur assure une meilleure protection, tant du point de vue de l'environnement que des droits de la personne.
Nous leur offrons alors notre soutien, mais on nous rappelle bien souvent que c'est une entreprise canadienne qui est en cause et que le Canada devrait faire quelque chose. C'est bien que nous puissions contribuer à faire pression sur leur gouvernement en fournissant de l'information sur les régimes de cautionnement et les règlements environnementaux qui devraient être mis en place, mais nous avons aussi un rôle à jouer ici au Canada.
La situation est un peu délicate étant donné, comme vous l'avez dit, que nous ne pouvons pas imposer la réglementation canadienne à d'autres pays. Il y a cependant toute une série de mesures que nous pouvons prendre ici même au Canada pour contrôler les activités de nos sociétés minières à l'étranger.
À ce titre, j'ai déjà mentionné la campagne Une affaire de justice que nous menons conjointement avec le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises. Nous sommes convaincus qu'il est à peu près impossible pour les personnes lésées par les activités de nos entreprises à l'étranger d'avoir accès à la justice et à des formes de réparation dans leur propre pays. Les systèmes judiciaires de bon nombre de ces pays sont déficients ou corrompus et n'ont pas les capacités voulues pour traiter de questions aussi délicates. Il n'existe pas de tribunal international, comme par exemple la Cour pénale internationale, auquel pourraient s'adresser les personnes affectées par les activités d'une multinationale. Pour ces personnes, l'accès à la justice se limite à ce que leur pays d'origine peut leur offrir.
Les Nations Unies ont clairement établi dans leurs principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme que rien n'empêche un tribunal d'un pays donné d'entendre une plainte logée par un ressortissant étranger à l'encontre d'une entreprise de ce même pays. Autrement dit, les tribunaux canadiens pourraient commencer à entendre ces plaintes à l'endroit des entreprises canadiennes. Nous sommes persuadés que si des plaignants pouvaient ainsi avoir gain de cause au Canada, cela modifierait totalement la perception qu'ont les sociétés minières canadiennes des risques qu'elles encourent en ne respectant pas les normes les plus rigoureuses. Il y aurait certainement un impact.
Nous sommes également d'avis qu'il faudrait implanter au Canada un processus efficace pour les recours non judiciaires. Nous demandons donc la nomination d'un ombudsman qui pourrait entendre ces plaintes, procéder aux enquêtes nécessaires, faire rapport de ses résultats et formuler ses recommandations au gouvernement du Canada quant aux mesures correctives à prendre et aux politiques à adopter.
En terminant, je dois dire qu'il faut comprendre que nous offrons un soutien très direct aux sociétés minières canadiennes, notamment via Exportations et Développement Canada et d'autres mécanismes financiers. Nous confions désormais le mandat officiel d'aide au développement aux sociétés canadiennes qui réalisent des projets de responsabilité sociale à proximité de leurs sites d'exploitation. On le fait seulement depuis 2009. Ce n'était peut-être pas le cas auparavant, mais c'est maintenant notre façon de procéder.
Comme M. Munk l'a indiqué hier lors de l'assemblée générale annuelle, nous offrons aussi un soutien politique bien senti. Ces entreprises comptent sur nos ambassades pour obtenir le soutien politique dont elles ont besoin dans les pays où elles font de l'exploitation minière. Cela nous permet d'exercer une certaine influence. Même si nous ne pouvons pas imposer de normes, si des plaintes sont adressées à l'ombudsman et s'il est établi après enquête qu'une entreprise ne respecte pas les normes en vigueur au Canada, nous avons le droit de lui retirer notre soutien financier et politique. C'est une option qui s'offre à nous à l'interne.
Nos possibilités ne s'arrêtent pas là. Nous pouvons aussi prendre des mesures au Canada pour contrer l'évasion fiscale. Sans quitter notre territoire, nous pouvons en faire davantage pour que nos entreprises se comportent mieux.
Le sénateur Housakos : Merci pour cette réponse à ma première question, mais il y a tout de même un défi qui demeure et j'aimerais que vous nous en parliez.
Comment pouvons-nous assurer le maintien de l'avantage concurrentiel des entreprises canadiennes sur la scène internationale dans un contexte où les normes en vigueur chez nous, et imposées à nos sociétés à l'étranger, sont nettement plus élevées que celles du pays hôte?
Lorsque nous sommes présents en Birmanie ou ailleurs dans le monde pour soutenir la concurrence des Australiens, des Chinois, des Indiens et de tous les autres qui se limitent de toute évidence à respecter les normes du pays hôte, lesquelles sont bien évidemment moins élevées que les nôtres, et que nous voulons imposer, à partir du Canada, l'intervention d'un ombudsman ou d'autres mécanismes faisant en sorte que le travail soit exécuté suivant les normes canadiennes, ne plaçons-nous pas nos propres entreprises dans une situation nettement défavorable par rapport à leurs concurrents étrangers?
Mme Coumans : C'est assurément une préoccupation que l'industrie ne va manquer de soulever. Il faut commencer à examiner les tendances. Étant donné que des pays comme les Philippines ont désormais une certaine expérience de l'exploitation minière et ont été témoins des torts qui peuvent être causés lorsqu'elle n'est pas effectuée de façon appropriée ou responsable, ces antécédents ont maintenant des retombées politiques énormes. Toutes les fois qu'une société souhaite faire de l'exploitation aux Philippines, on remet sur le tapis la catastrophe causée par Placer Dome à Marinduque. Comme la question des torts causés par l'exploitation minière sans qu'il y ait réparation et rétablissement revient sans cesse à la surface, il devient difficile pour le gouvernement philippin de faire la promotion de cette industrie.
Il y a aussi le fait que certains pays doivent désormais composer, et encore là les Philippines en sont un bon exemple, avec des situations vraiment toxiques pour l'environnement, un legs des sociétés minières.
C'est vous qui avez fait référence à l'empire romain. Des mines datant de cette époque rejettent encore de l'acide dans la mer Baltique. Le drainage minier acide est un processus chimique qui peut durer des milliers d'années. C'est la raison pour laquelle de nombreuses sociétés minières prévoient ce qu'elles appellent des activités permanentes de préservation et d'entretien. Tout cela coûte très cher. Si une entreprise ne laisse pas les fonds nécessaires à ses activités de préservation, c'est le contribuable qui en paie la note.
De nombreux pays commencent à se rendre compte que l'exploitation n'est avantageuse que dans une certaine mesure. Si les impôts dus sont payés, vous bénéficiez effectivement d'entrées de fonds intéressantes à court terme, mais vous pouvez vous retrouver avec des conflits sociaux et des problèmes environnementaux qui perdurent et s'enveniment pendant des décennies.
Si le Canada pouvait faire valoir que notre industrie va non seulement se livrer à l'exploitation de manière responsable et payer ses impôts, mais aussi minimiser les conflits qu'elle laissera derrière elle à l'issue de ses activités d'exploitation, cela contribuerait à établir une image de marque pour nos entreprises et à accroître ainsi leur capacité concurrentielle.
Si nous sommes en concurrence avec les Chinois pour l'exploitation d'un gisement, mais que nous pouvons assurer au gouvernement local que nous agirons de manière plus responsable afin de minimiser ainsi les risques de conflits politiques et de dommages pour l'environnement, nous pourrions être avantagés.
Je constate qu'il y a en quelque sorte une tendance qui se dégage. Comme les gens sont de plus en plus préoccupés par les ressources en eau, les conflits territoriaux et les ramifications politiques qui s'ensuivent, j'estime qu'un positionnement semblable nous sera bénéfique.
Le sénateur Housakos : Merci pour vos réponses, et j'espère bien que nous saurons relever le défi.
La présidente : J'ajouterais un peu dans le même sens que l'on n'entendait pas parler de responsabilité sociale des entreprises il y a 20 ans à peine. C'est maintenant chose courante, et ce ne sont pas que des mots. Des mesures sont prises à cet effet, mais reste à voir si l'on procède de la bonne façon.
Je ne sais pas si vous avez fait le même constat, mais à la lumière de ce que j'ai pu examiner, je m'inquiète surtout du fait que nos interventions se limitent au rôle joué par le Canada. Du côté canadien, on a pris des mesures qui ne font pas nécessairement l'affaire de tous et dont on pourra toujours débattre, mais est-ce que des efforts semblables ont été déployés par la Chine, tout particulièrement, pour apaiser ces préoccupations sur le continent asiatique où les Chinois sont omniprésents? Je constate que les Chinois n'ont nullement réagi à bien des endroits, mais c'est un problème avec lequel ils doivent de plus en plus composer à l'intérieur même de leur territoire.
Nous savons qu'ils commencent tout au moins à réfléchir à la question. On se préoccupe désormais du smog et de tous les problèmes environnementaux dans le contexte du développement rapide que connaît la Chine, mais les Chinois sont-ils sensibilisés aux mêmes problématiques dans les autres pays asiatiques où leur présence est si bien sentie?
Mme Coumans : Je ne parle normalement pas au nom des Chinois, mais il est bien certain que de nombreuses préoccupations sont soulevées, surtout pour ce qui est de l'extraction des ressources par des entreprises chinoises et notamment en matière d'environnement.
Ces préoccupations ne sont pas nécessairement très différentes de celles qui sont exprimées à l'encontre de sociétés canadiennes. Par exemple, je travaille beaucoup en Papouasie-Nouvelle-Guinée, et les entreprises canadiennes y ont été les premières à déverser leurs résidus miniers directement dans l'océan. Elles l'ont fait pendant longtemps au moyen d'un réseau de canalisations sous-marines. C'est une façon de faire extrêmement controversée qui ne serait pas autorisée au Canada. Récemment, une société chinoise s'est installée en Papouasie-Nouvelle-Guinée et a commencé à utiliser cette même méthode pour l'élimination de ses résidus. Elle pointe sans cesse du doigt les sociétés canadiennes qui ont été les premières à le faire. D'une certaine manière, nous devons contribuer à l'application de normes plus rigoureuses à l'échelle de la planète. C'est une responsabilité qui incombe à tous les intervenants, et nous nous devons de sensibiliser les Chinois en la matière.
Il y a un aspect assez paradoxal dans la présence chinoise à l'étranger, et plus particulièrement aujourd'hui en Afrique, pour l'extraction des ressources. Du point de vue environnemental, bien des préoccupations sont soulevées, mais dans une perspective sociale, plusieurs pays sont ravis d'accueillir les Chinois. Comme il s'agit d'entreprises étatiques, la présence chinoise ne se traduit pas uniquement en activités minières, mais aussi en importants travaux d'infrastructure qui ne sont pas toujours reliés directement à la mine. Si un pays a besoin d'un port ou d'un chemin de fer, la Chine peut lui procurer ces infrastructures parallèlement à ses activités minières. Il arrive donc que les entreprises chinoises soient privilégiées du fait qu'elles appartiennent à l'État et que celui-ci peut réaliser différents projets de développement en même temps que l'exploitation minière. On voit donc une certaine utilité à cette collaboration du point de vue de l'aménagement des infrastructures. Le fait que les entreprises chinoises amènent souvent avec elles leurs propres travailleurs est plus problématique. Elles vont faire venir des travailleurs chinois, plutôt que d'utiliser la main-d'œuvre locale.
Cependant, le problème avec l'exploitation minière, c'est qu'elle exige d'importants investissements, mais ne nécessite pas beaucoup de main-d'œuvre. Bon nombre des emplois vraiment intéressants au sein d'une exploitation donnée sont généralement occupés par des expatriés de toute manière. Même les sociétés minières canadiennes font venir des travailleurs d'ici pour combler les postes aux plus hauts niveaux.
Il y a donc du pour et du contre, et j'estime que les pays en mesure d'exercer le leadership requis ne doivent pas manquer à cette responsabilité. Étant donné l'importance de l'industrie minière au Canada, nous pouvons offrir un leadership de la sorte. Nous devons assurément mobiliser les autres pays afin qu'ils assument leurs responsabilités.
La présidente : Monsieur Joseph, j'aurais une question pour vous. Vous avez insisté sur le fait que l'aspect constitutionnel pouvait être problématique. C'est ce qui a empêché l'opposition d'asseoir davantage sa position.
Travaillez-vous avec les autres partis? Est-ce que d'autres entités se forment? Traditionnellement, il semble y en avoir deux : le parti militaire actuellement au pouvoir et celui d'Aung San Suu Kyi. Y a-t-il d'autres mouvements démocratiques et préparez-vous le terrain en fonction d'une activité davantage multipartite?
M. Joseph : Pour que les choses soient bien claires, nous n'appuyons pas la Ligue nationale pour la démocratie. Nous n'offrons pas de soutien direct aux différents partis.
Dans ce pays, notre programme est fondé sur le principe de la cohabitation de nombreuses voix distinctes au sein du processus politique. La Ligue nationale pour la démocratie est devenue récemment le principal parti d'opposition en Birmanie. Elle a remporté une victoire écrasante lors des élections partielles de 2012. À l'issue des élections de 1999 où ce parti a vu le jour, il était aussi devenu l'opposition principale, mais avait dû pour ce faire former des coalitions avec des partis nationalistes ethniques. D'ici les élections de 2015, on assistera à l'émergence d'autres partis convoitant le pouvoir, particulièrement au sein des différents groupes ethniques. On pourrait ainsi se retrouver littéralement avec des dizaines, voire des centaines de partis représentant non seulement les différents états, mais aussi les importants groupes ethniques pouvant compter de deux à quatre millions de personnes à l'intérieur de ces états. D'autres partis émergeront en outre du cœur du territoire traditionnel birman pour offrir d'autres options que celle de la Ligue nationale pour la démocratie.
Bien que les élections de 2015 seront sans doute dominées par deux partis principaux, le Parti de la solidarité et du développement de l'Union (USDP), qui est appuyé par la junte militaire, et la Ligue nationale pour la démocratie, il y aura de nombreux joueurs sur la scène politique. Il sera surtout important de voir comment ces différents partis pourront s'harmoniser et se coaliser.
Le sénateur Robichaud : Madame Coumans, avez-vous cherché à déterminer les avantages pour le Canada des activités de nos sociétés minières en Asie, en Indonésie ou aux Philippines, par exemple? S'agit-il de l'un de ces cas où 1 p. 100 de la population bénéficie de 90 p. 100 de ce qui est produit là-bas, alors que les 99 p. 100 restants doivent se contenter de miettes?
Mme Coumans : Pour que les choses soient bien claires, vous me demandez de parler des avantages ici même au Canada?
Le sénateur Robichaud : Oui, au Canada.
Mme Coumans : Voilà une question intéressante. Nous essayons d'ailleurs souvent d'y répondre. Il est bien évident que nos grandes sociétés d'exploitation minière sortent gagnantes de ces activités. Elles en tirent directement un profit. Le Canada est un grand pays minier grâce à la multitude d'autres secteurs qui appuient l'activité minière à partir de notre pays en misant sur l'expertise à leur disposition, comme dans la profession juridique, par exemple. Nous avons de nombreux cabinets d'avocats qui traitent des questions juridiques liées à l'exploitation minière. Il y a également des entrepreneurs canadiens qui font de la sous-traitance pour les sociétés minières. Cela couvre tout un éventail d'activités allant des relations avec les gouvernements jusqu'aux liens avec les collectivités en passant par l'expertise en environnement que peuvent apporter les grandes sociétés canadiennes spécialisées en la matière. Il y a aussi l'aspect équipement. Le Canada fabrique beaucoup d'équipement minier qui est exporté et utilisé un peu partout dans le monde.
Les activités de nos sociétés minières à l'étranger ont donc des retombées au Canada qui vont bien au-delà de l'entreprise elle-même. À n'en pas douter, différents secteurs et entreprises bénéficient de ces activités. Il en découle toutefois aussi bon nombre de problèmes. On pourrait notamment dire que ces problèmes se manifestent surtout dans le pays où ont lieu les activités, alors que les avantages se font ressentir au Canada.
Le sénateur Robichaud : Si vous aviez des recommandations à nous proposer pour notre rapport sur l'industrie minière, quelles seraient-elles? Vous avez parlé de réparation des torts et d'un ombudsman, entre autres suggestions. Que préconiseriez-vous exactement?
Mme Coumans : Parmi les trois enjeux que j'ai choisis de cibler, il y a d'abord la question des accords internationaux d'investissement. C'est un problème vraiment important qui prend de l'ampleur dans bien des pays. On signe ces accords internationaux d'investissement pour se rendre compte par la suite, une fois qu'on a constaté les torts pouvant être causés par un projet minier et que l'on souhaite renforcer sa réglementation environnementale ou ses mesures de protection de la société ou des droits de la personne, que l'on a les mains liées par ces ententes de stabilisation, ces accords commerciaux bilatéraux ou parfois ces ententes investisseur-État. Il s'agit dans certains cas d'accords conclus avec l'autre pays pour protéger les investissements canadiens à l'étranger. Les litiges découlant de telles ententes sont soumis à une instance internationale d'arbitrage qui peut trancher en faveur de l'investisseur et même obliger un pays fautif à verser des milliards de dollars en dommages. Le montant des indemnisations grimpe sans cesse et le nombre de poursuites contre les gouvernements s'accroît de façon exponentielle. On commence à voir de la résistance à cet égard du côté de pays comme l'Indonésie qui a indiqué son intention de renégocier ses ententes commerciales bilatérales dans cette perspective.
Je vous ai parlé dans ma déclaration préliminaire de l'important rapport publié récemment par ces professeurs de l'Université d'Ottawa qui se sont penchés sur ces ententes investisseur-État et ces accords bilatéraux pour voir comment on pourrait les restructurer afin de les rendre plus équitables, surtout dans l'objectif de favoriser le développement du pays hôte et sa capacité de mettre en place de meilleures mesures de protection pour son environnement et sa population. C'est donc assurément un premier aspect important.
Le deuxième enjeu prioritaire est celui de l'évasion fiscale. Comme je l'indiquais dans mon exposé, j'estime que certaines mesures très concrètes pourraient être prises à cet égard au Canada.
La dernière question à cibler est celle de l'accès à la justice et à des mesures de réparation pour les personnes lésées.
Je serais ravie de vous fournir une copie de mon exposé si cela peut vous être utile.
Le sénateur Robichaud : Oui, ce serait très utile.
La présidente : Nous avons déjà une copie de vos notes d'allocution, mais il faut les faire traduire avant de pouvoir les distribuer aux membres du comité.
Nous n'avons plus de temps. Comme nous avons pu le constater, nos deux témoins nous ont certes beaucoup donné matière à réflexion sur un grand nombre de questions en plus de nous fournir des compléments d'information alors que nous cherchons à en apprendre davantage sur la région Asie-Pacifique et, plus particulièrement, sur les pays visés par notre étude. Nous vous remercions de votre comparution et nous sommes convaincus que quelques-uns des points de vue que vous nous avez exposés transparaîtront dans notre rapport.
(La séance est levée.) |