LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 21 novembre 2012
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui à 16 h 15 pour étudier l’évolution de la situation économique et politique en Turquie, ainsi que l’influence qu’exerce ce pays sur l’échiquier régional et mondial, les implications sur les intérêts et les perspectives du Canada, et d’autres questions connexes.
Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international poursuit aujourd’hui l’examen de la situation économique et politique en Turquie, ainsi que de l’influence qu’exerce ce pays sur l’échiquier régional et mondial, les implications sur les intérêts et les perspectives du Canada, et d’autres questions connexes.
Pendant la première partie de la réunion, nous entendrons des représentants d’Exportation et développement Canada : M. Todd Winterhalt, vice-président, Développement des affaires, Marchés internationaux, et M. Lewis Megaw, vice-président régional, Afrique, Europe et Moyen-Orient. Soyez les bienvenus. Monsieur Winterhalt, vous avez, je crois, une déclaration préliminaire à nous présenter, puis nous passerons aux questions.
Auparavant, je veux rappeler aux sénateurs — pour ne pas oublier de le faire à la fin de la séance — que notre réunion de demain portera sur l’Iran et que nous commencerons la semaine prochaine l’étude du projet de loi sur l’Accord de libre-échange Canada-Panama, qui vient de nous être renvoyé. Cela, c’est pour mercredi prochain.
Voilà. Monsieur Winterhalt, soyez le bienvenu au comité. Nous vous écoutons.
Todd Winterhalt, vice-président, Développement des affaires, Marchés internationaux, Exportation et développement Canada : Merci beaucoup, madame la présidente, merci, mesdames et messieurs les sénateurs, d’avoir invité Exportation et développement Canada à venir témoigner devant vous.
[Français]
Nous apprécions votre intérêt pour les activités qu’EDC exerce à l'appui du programme du gouvernement du Canada en matière de commerce extérieur. La Turquie est le plus gros et le plus important marché dans la région de l’Est de la Méditerranée, comme en témoigne l'ouverture de notre représentation à Istanbul en 2011. EDC considère la Turquie comme un marché stratégique offrant de multiples possibilités aux entreprises canadiennes.
[Traduction]
Aujourd’hui, je veux dire quelques mots au sujet de l’occasion unique qui s’offre à nos deux pays pour élargir leur relation en matière de commerce bilatéral et d’investissement et parler en particulier des efforts qu’EDC déploie pour collaborer étroitement avec les entreprises canadiennes, des institutions financières et des organismes partenaires du gouvernement canadien afin d’en tirer parti.
La volatilité persistante aux États-Unis et en Europe accroît évidemment la nécessité pour les Canadiens de chercher de nouveaux débouchés non seulement pour rejoindre de nouveaux clients à l’exportation, mais aussi pour participer à la chaîne d’approvisionnement mondiale et ainsi assurer leur survie à long terme.
La Turquie et le Canada ont de nombreuses affinités qui peuvent contribuer au resserrement de nos relations commerciales. De fait, le Canada et la Turquie entretiennent d’excellentes relations commerciales, et la Turquie est fortement tributaire du commerce.
La Turquie est la seizième économie mondiale. En raison de sa situation géopolitique stratégique, c’est un excellent corridor pour rejoindre de nombreux marchés clés en Europe, avec notamment un accès préférentiel aux pays membres de l’Union douanière européenne, au Caucase, à l’Asie centrale, à l’Afrique et à certaines parties du Moyen-Orient.
L’environnement commercial qui est en train de se créer en Turquie favorise les échanges internationaux, et le climat politique stable et les programmes de libéralisation économique du pays ont élargi les perspectives commerciales pour les Canadiens. D’autres réformes économiques et judiciaires et l’éventualité d’une adhésion à l’Union européenne devraient également attirer encore plus d’investisseurs étrangers en Turquie.
L’investissement en Turquie augmente rapidement. Ce pays a récemment connu une poussée des investissements étrangers directs en provenance du monde entier. De nombreuses entreprises canadiennes ont elles aussi reconnu les excellentes perspectives d’investissement qu’offre la Turquie.
En 2011, les investissements canadiens en Turquie s’établissaient à quelque 1,5 milliard de dollars et ils continuent d’augmenter. La privatisation croissante des actifs nationaux est également une tendance qui ouvre de nouvelles perspectives d’investissement aux entreprises.
Dans l’ensemble, nous considérons que les perspectives d’affaires et d’investissement sont excellentes pour les entreprises étrangères dans tout un éventail de secteurs. Des possibilités s’offrent aussi aux investisseurs canadiens dans divers créneaux et plus particulièrement dans les domaines de l’énergie, des technologies de l’information et des communications, de l’exploitation minière, de l’éducation et de l’infrastructure. En outre, les possibilités commerciales en Turquie correspondent parfaitement aux capacités d’approvisionnement canadiennes. Selon nous, il convient également de signaler qu’Istanbul figure parmi les candidates présélectionnées pour l’organisation des Jeux olympiques de 2020, ce qui stimulerait l’économie locale et nécessiterait la réalisation d’un certain nombre de grands projets d’infrastructure.
EDC a des relations particulièrement bonnes avec diverses banques turques, et nous avons facilité de nombreuses transactions avec ces banques au cours des 10 dernières années. Nous traitons avec ces banques principalement dans le contexte de l’appui au financement commercial que nous accordons aux banques canadiennes afin d’améliorer leurs capacités et de les encourager à assumer plus d’obligations en matière de financement commercial auprès de ces partenaires turcs. En 2012, ces programmes appuieront pour plus d’un milliard de dollars d’échanges. Outre le soutien qu’elle assure au secteur bancaire, EDC appuie environ 200 entreprises canadiennes qui œuvrent en Turquie, principalement des petites et moyennes entreprises.
[Français]
EDC comprend également les difficultés auxquelles les entreprises canadiennes sont confrontées en Turquie. Pour être respectées sur le marché, les entreprises canadiennes doivent être présentes sur place et elles doivent montrer qu'elles entendent y rester durablement. L'incertitude persistante dans l'économie mondiale signifie que les marchés du crédit risquent de continuer de stagner dans un avenir prévisible. Il est donc plus important que jamais de trouver de nouvelles sources de financement.
[Traduction]
Les partenariats sont la solution qui permet de surmonter nombre de ces risques et de ces défis. Les partenariats entre les entreprises et les acteurs financiers, qu’ils soient publics ou privés, étrangers ou nationaux, améliorent sensiblement les chances de réussite d’un projet ou d’une transaction. Les banques de développement, et notamment la Banque européenne pour la reconstruction et le développement — la BERD —, les organisations multilatérales et les agences de crédit à l’exportation comme EDC continueront d’élargir le rôle qu’elles remplissent pour renforcer la capacité financière sur ce marché.
De façon plus générale, disons que le Canada et EDC sont considérés comme des partenaires de confiance en Turquie. En 2011, les échanges bilatéraux de marchandises entre le Canada et la Turquie ont atteint le sommet record de 2,4 milliards de dollars, ce qui représente un bond de 53,9 p. 100 par rapport à 2010. Le Canada a exporté pour 1,3 milliard de dollars de marchandises vers la Turquie en 2011, principalement du fer et de l’acier, des huiles et des combustibles minéraux et des légumes. Aujourd’hui, la Turquie se classe au vingt et unième rang des marchés d’exportation de marchandises du Canada et au quarantième rang de ses sources d’importations.
Pour améliorer plus encore ces chiffres et élargir les perspectives canadiennes en Turquie, EDC met l’accent sur les stratégies suivantes : premièrement, établir et resserrer des relations avec des acheteurs et des emprunteurs réputés en Turquie en consolidant nos partenariats financiers avec les banques locales et régionales; faciliter une correspondance encore plus étroite entre les capacités canadiennes et les possibilités d’affaires en Turquie et dégager des occasions qui permettraient aux entreprises canadiennes de participer aux chaînes d’approvisionnement qui commencent en Turquie; offrir des services de promotion de l’investissement direct canadien dans les secteurs clés en Turquie; engager un dialogue avec les entreprises locales, le gouvernement, les banques et les associations afin de mieux comprendre certaines des carences en matière d’approvisionnement et les perspectives ainsi ouvertes aux exportateurs canadiens.
[Français]
En conclusion, j'aimerais souligner trois points.
[Traduction]
Premièrement, le Canada et la Turquie peuvent fonder leur collaboration sur leurs points forts et leurs affinités dans un large éventail de secteurs. Deuxièmement, les entreprises canadiennes ont d’importantes possibilités d’investir directement dans les activités en Turquie et de participer aux chaînes d’approvisionnement mondiales des conglomérats dans ce pays. Troisièmement, et en dernier lieu, il est indispensable d’inscrire notre présence et nos relations dans le long terme. Le Service des délégués commerciaux du Canada et EDC facilitent l’établissement de ces importantes connexions et la conclusion d’ententes.
[Français]
Dans l'ensemble, la Turquie présente d'excellentes occasions d'affaires et de possibilités d'investissements pour les entreprises canadiennes.
[Traduction]
Merci encore de m’avoir invité aujourd’hui. Nous répondrons avec plaisir à vos questions.
La présidente : Merci.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci beaucoup, à tous les deux, soyez les bienvenus. J'avais bien hâte de prendre connaissance de votre mémoire. Au niveau de la conjoncture du commerce et de l'investissement, le gouvernement de la Turquie s'est engagé à améliorer le climat d'investissement et à établir des politiques pour encourager davantage d'investissements directs et étrangers. Quel bilan pouvez-vous nous faire de cet engagement du gouvernement de la Turquie?
Je pourrais peut-être poser tout de suite une deuxième question pour l'un ou l'autre. Est-ce que les investisseurs canadiens se heurtent à quelques problèmes lorsqu’ils souhaitent investir en Turquie?
[Traduction]
M. Winterhalt : Nous constatons d’importants progrès depuis au moins 10 ans, depuis l’arrivée au pouvoir d’un élément très favorable aux affaires en Turquie. Le premier ministre Erdoğan a beaucoup fait depuis 10ans pour mettre en place des mesures importantes et concrètes qui améliorent énormément le climat d’investissement. Les entreprises canadiennes en ont profité dans divers secteurs clés, particulièrement dans les domaines de l’infrastructure, des transports et des secteurs connexes, et cetera.
Il faut toutefois dire qu’il reste encore des défis à relever. La Turquie est un marché qui est véritablement en voie de s’ouvrir. Il faudra continuer à progresser pendant encore cinq ans avant que nous puissions vraiment saisir ces occasions.
Lorsqu’EDC fait appel à nos collègues du service des délégués commerciaux, par l’entremise du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, afin de cerner les questions et les préoccupations au niveau des gouvernements, EDC se considère comme un véhicule qui permet de recueillir les préoccupations et d’en faire part à nos collègues du gouvernement afin de trouver des solutions.
Lewis Megaw, vice-président régional, Afrique, Europe et Moyen-Orient, Exportation et développement Canada : J’ajouterais qu’en ce qui concerne les marchés des capitaux, celui de la Turquie est très avancé. Le gouvernement a fait tout le nécessaire pour que les banques soient vraiment des banques aux fins de l’annexe A. Elles sont des acteurs mondiaux à tous égards, elles sont bien dotées en capitaux et ouvertes aux investissements étrangers pour appuyer la prochaine génération d’entreprises commerciales turques.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Puisque vous avez sûrement des gens d’EDC qui sont en Turquie, tantôt vous avez dit que le président de la Turquie est très intéressé à faire des affaires. C'est un homme plutôt porté vers les affaires. Est-ce que les gens d’EDC ont pu déceler dans la population une volonté de changer le président lors des élections de 2014? Est-ce qu'il pourrait y avoir un changement de gouvernement qui fermerait ensuite les vannes et empêcherait les autres pays de venir investir?
[Traduction]
M. Winterhalt : Je dois tout d’abord dire que vous avez parfaitement raison. Depuis deux ans, EDC a des représentants à Istanbul, ce qui reflète indéniablement la valeur et les perspectives de croissance que nous reconnaissons à ce marché. Le personnel que nous avons là-bas produit des rapports réguliers sur le climat politique et économique en général. Je m’empresse d’ajouter que nous nous intéressons principalement à l’espace économique et aux mesures qui touchent le commerce et le développement du marché des capitaux, comme l’a indiqué M. Megaw. Nous ne nous intéressons pas beaucoup au climat politique, sauf dans la mesure où il se répercute sur les affaires en Turquie.
Nous ne pouvons commenter que ce que nous avons vu jusqu’à maintenant, c’est-à-dire un gouvernement vraiment déterminé non seulement à améliorer la situation en Turquie, mais aussi à relever le profil de ce pays comme nation commerçante dans la région. Je vais m’en tenir à cela.
Le sénateur Downe : J’aimerais poursuivre dans la même veine que le sénateur Fortin-Duplessis. Vous avez expliqué la procédure utilisée pour communiquer les préoccupations des entreprises canadiennes. Quelle est la nature de ces préoccupations?
M. Megaw : En Turquie, les principales entreprises sont surtout des conglomérats importants, établis de longue date, et elles sont plutôt insulaires. Si vous voulez mener des activités en Turquie, vous devez agir en partenariat avec un conglomérat, travailler au sein d’une coentreprise pour offrir de la technologie et du financement. Souvent, cela constitue un obstacle pour les entreprises canadiennes, beaucoup plus petites — il s’agit par définition de petites et moyennes entreprises —, et EDC et Affaires étrangères et Commerce international s’efforcent donc d’établir ces contacts dans la chaîne d’approvisionnement pour pouvoir montrer que les Canadiens sont en mesure d’agir et d’apporter du financement avec l’appui de gens comme nous, à Exportation et développement Canada, et des milieux bancaires canadiens.
Le sénateur Downe : Dans le cas des sociétés qui ont conclu des ententes avec ces grandes entreprises turques, est-ce que tout s’est bien passé?
M. Megaw : Oui, en particulier dans le secteur énergétique, qui a été libéralisé en Turquie. On cherche des joueurs comme Manitoba Hydro International, capables de transférer la technologie nécessaire. C’est véritablement un investisseur sur ce marché, un investisseur à long terme qui n’éprouve aucune difficulté dans le secteur énergétique.
Le sénateur Nolin : J’ai une question de suivi. Est-ce que ce que vous venez de dire est la raison pour laquelle la négociation d’un accord de libre-échange s’est embourbée?
M. Megaw : Je crois que les négociations piétinent un peu parce qu’il y a des industries à protéger, c’est vrai. La Turquie est un joueur dans de nombreuses régions d’Afrique du Nord et d’Europe et elle voudrait protéger ses industries, pour des raisons évidentes, tandis que nous négocions un accord de libre-échange avec l’Europe. Elle a toutes sortes d’intérêts à protéger, c’est indéniable.
Le sénateur Nolin : Est-ce que les négociations au sujet de l’accord ont été interrompues, et qui a pris cette initiative? Eux ou nous? Elles semblaient quand même aller bon train et tout à coup, après la consultation, plus rien. Est-ce qu’elles doivent reprendre?
M. Megaw : Souvent, les discussions sont très longues. Il y a de nombreuses questions à régler à la satisfaction de tous les intéressés. Cette façon de faire n’est pas inhabituelle en Turquie ni en Afrique. C’est un aspect culturel, on fait un pas en avant et trois pas en arrière, puis on peut avancer encore un peu. Il n’y a jamais de solution immédiate ni facile, dans cette région du monde.
M. Winterhalt : Pour l’EDC, l’aspect politique est moins important, pour ainsi dire. Notre domaine, c’est le quotidien, les relations d’entreprise à entreprise, et nous laissons à Affaires étrangères et Commerce international le soin de mener les négociations, nous n’y participons pas. Il n’est pas tellement facile, sauf pour ce qui est du climat commercial en général, de vraiment savoir où en sont les négociations.
Le sénateur Nolin : Parlons des relations d’entreprise à entreprise. Est-ce que les négociations avec l’Union européenne compliquent ces relations en Turquie?
M. Winterhalt : Selon nous et pour la majorité des entreprises canadiennes, pas pour l’instant. Non, en Turquie les possibilités — et je reviens aux propos de M. Megaw sur les occasions offertes par les chaînes d’approvisionnement qui vont de la Turquie vers l’Asie et les pays en « stan » ou encore vers l’Afrique du Nord par exemple… ces possibilités l’emportent généralement. C’est ce qui semble le plus intéresser les entreprises canadiennes, qu’elles soient exportatrices ou investisseurs, dans l’espace turc. Nous n’envisageons pas de grandes difficultés liées aux ententes de libre-échange, où qu’en soient les négociations.
Le sénateur D. Smith : Cet achoppement des négociations m’intrigue, moi aussi, et j’y reviendrai, mais je veux d’abord mentionner un détail technique. Dans la note d’information, il est indiqué que la Turquie est la dix-huitième économie mondiale, mais vous avez dit qu’elle venait au seizième rang. Est-ce que de nouvelles statistiques ont été publiées il y a deux semaines ou deux mois, qui l’ont fait monter de deux crans? Êtes-vous au courant?
M. Winterhalt : J’aimerais pouvoir dire que c’est attribuable au soutien qu’EDC accorde aux entreprises canadiennes en Turquie, mais je vais demander à mon équipe de vérifier cela et de vous transmettre l’information.
Le sénateur D. Smith : C’est par simple curiosité. Si la position de ce pays au classement doit changer, j’aimerais autant qu’elle s’améliore et je me disais qu’elle avait peut-être sauté deux échelons.
La présidente : Je crois que nous demanderons aux deux sources de revoir ce point et de communiquer l’information au greffier.
M. Winterhalt : Certainement.
Le sénateur D. Smith : J’ai eu la chance de visiter la Turquie à quelques reprises. Vous le savez, après l’effondrement de l’Empire ottoman, il y a très très longtemps, la région s’est sécularisée et est restée plutôt stable.
Parlons des occasions qui s’offrent aux entreprises canadiennes. Quelles seraient, selon vous, celles qui nous conviennent plus particulièrement sur ce marché, pour l’exportation de produits canadiens? Quelles sont nos perspectives les plus prometteuses?
M. Megaw : C’est une bonne question. Les grands éléments d’infrastructure offrent de belles occasions. Il y a une foule de projets d’amélioration des routes et d’hôpitaux où le savoir-faire canadien est certainement pertinent.
Il y a le monde de l’agriculture et de l’agroalimentaire — les pois, les haricots et les lentilles sont acheminés par la Turquie vers les marchés d’Afrique du Nord et d’ailleurs et, évidemment, il y a une certaine valeur ajoutée dans le secteur des ressources.
Il faut aussi mentionner les mines, où certains acteurs canadiens importants ont déjà investi, et les projets de nettoyage environnemental liés aux nombreux problèmes attribuables aux activités d’exploitation minière antérieures en Turquie.
Le secteur énergétique, je l’ai dit, est un secteur que le gouvernement turc a essentiellement décidé de privatiser il y a cinq ans, et divers intérêts canadiens examinent les possibilités dans ce secteur.
Le sénateur D. Smith : Je constate que Bombardier est l’un des quatre membres fondateurs du CTBC — et j’ai emprunté des vols de la Turkish Airlines —, mais est-ce que Bombardier vend des aéronefs aux transporteurs locaux, là-bas?
M. Megaw : C’est plutôt dans la région.
Le sénateur D. Smith : Un peu comme Porter.
M. Megaw : Il y a aussi les chemins de fer, les wagons, par exemple. La ville d’Istanbul a récemment demandé des soumissions en vue de prolonger son métro. C’est un projet d’environ 1,5 milliard de dollars, qui comprend une foule d’équipements de signalisation que Bombardier pourrait produire et, évidemment, les wagons eux-mêmes.
Le sénateur D. Smith : Si nous voulons relancer le dialogue sur le libre-échange, quelle serait l’intervention la plus utile? Si nous faisions une déclaration très claire à ce sujet, est-ce que cela aiderait?
M. Megaw : Les choses se préciseront quand la Turquie sera prête à recommencer, je crois. Son économie continue de croître. Elle a un peu ralenti si l’on songe à la croissance du PIB, qui était de 8 p. 100, mais elle est encore de 3 ou 3,5 p. 100 aujourd’hui. La Turquie peut agir sur de nombreux marchés sans devoir négocier d’accords de libre-échange, et je ne parle pas de ce qu’elle a déjà dans le corridor européen.
Le sénateur Johnson : Pour que la Turquie cesse d’être un État moyennement développé, axé sur l’efficience, et devienne une société plus tournée vers l’innovation, quelle proportion de la croissance du PIB devrait être attribuable aux services plutôt qu’à l’agriculture et à l’infrastructure? Quels sont les points forts et les faiblesses de son économie à cet égard?
M. Winterhalt : Merci beaucoup sénateur, de cette question. Je signale que la Turquie connaît actuellement une évolution démographique fondamentale qui alimente dans une large mesure sa croissance économique. Pour passer des secteurs de base au secteur des services, comme vous dites… La population, qui est actuellement de 75 ou 80 millions d’habitants, et bien plus de la moitié d’entre eux ont moins de 30 ans, détermine dans une large mesure l’économie et les secteurs de croissance. Nous avons constaté que divers éléments du secteur des technologies de l’information et des communications et du secteur des services sont liés à cela. Certaines années, la croissance dépasse les 10 p. 100 et atteint même parfois 20 p. 100. Nous croyons qu’elle se poursuivra.
Une telle situation entraîne généralement la nécessité d’importer des produits ou services supplémentaires, parce qu’ils ne sont plus produits sur place ou parce que la demande et l’offre se déplacent. Je pense que cela peut, comme nous l’avons indiqué, ouvrir la porte à diverses entreprises canadiennes en mesure d’offrir des services dans le secteur des TIC, par exemple, ou des services éducatifs qui renforcent un peu la capacité et le transfert technologique, ou encore de continuer à exporter des produits de base, comme l’indiquait M. Megaw. À mesure que l’économie se transforme et mûrit sous l’effet de la croissance et de l’évolution démographiques, d’autres occasions sont créées.
Le sénateur Johnson : Où en sont-ils sur le plan de la technologie? Les utilisateurs de l’Internet et de toute cette technologie récente sont-ils nombreux? Où en est le pays à cet égard?
M. Winterhalt : Je vais répondre en premier, puis M. Megaw pourra vous proposer des exemples. Je vous raconte une anecdote qui remonte à ma dernière visite, il y a un an. En matière d’éducation, en particulier, la Turquie essaie d’instaurer des normes d’éducation uniformes partout au pays pour une population relativement diversifiée et qui varie selon les régions. Les services d’éducation à distance constituent donc un réel besoin. Nous avons certainement constaté, au niveau national et infranational, un désir de renforcer cette capacité en Turquie. C’est un secteur où le Canada a beaucoup à offrir et où EDC, idéalement avec un projet approprié, pourrait apporter une contribution sous la forme d’un service de nature financière.
La demande et l’intérêt sont indéniables. M. Megaw peut vous en dire quelques mots.
M. Megaw : Entre autres priorités officielles, le gouvernement turc a décrété que chaque enfant devait avoir un ordinateur. En matière de technologie, vu le retard de l’infrastructure et la présence des jeunes sur le marché, il est parfaitement inutile de songer à recourir à la technologie des lignes terrestres, il faut entrer de plain-pied dans l’univers du cellulaire. La Turquie est un marché où, un peu comme dans certaines régions d’Afrique du Nord, tous les habitants ont deux ou trois téléphones cellulaires. C’est une réalité. Une population jeune et en pleine croissance, comme l’a dit M. Winterhalt, est vraiment un déterminant du marché, et c’est elle qui façonnera le progrès technologique. Le pays est très avancé.
Le sénateur Johnson : La population est jeune.
M. Megaw : Très jeune, et la classe moyenne est en pleine croissance.
Le sénateur Johnson : Vraiment? Quelle est la taille de la classe moyenne, actuellement?
M. Megaw : La grande majorité des moins de 30 ans sont instruits et ont un bon emploi. Le secteur financier est bien établi et absorbe un grand nombre de ces diplômés. La rémunération est de calibre mondial à tous égards. Quant à la part du marché que constitue la classe moyenne, il nous faudrait étudier la question d’un peu plus près, mais elle est certainement en hausse.
Le sénateur Johnson : Je viens du Manitoba et je sais que Manitoba Hydro mène certaines activités là-bas. Savez-vous combien d’entreprises canadiennes sont actuellement là-bas pour mener des activités comme Manitoba Hydro? Je connais des ingénieurs qui ont travaillé là-bas.
M. Megaw : Dans les volets techniques et de transfert de technologie, je pourrais certainement nommer une demi-douzaine d’entreprises canadiennes.
La présidente : Vous avez dit que la croissance et le changement s’annonçaient en Turquie. Les Turques veulent modifier l’infrastructure et moderniser le pays. À en juger par nombre de mes récentes lectures, je crois que nous faisons porter nos efforts principalement sur les pays du BRIC. L’Afrique du Sud a été ajoutée au BRIC, mais ce sont l’Indonésie et la Turquie qui se tournent vers les marchés mondiaux. Nous ne parlons pas nécessairement de fabriquer en Turquie des produits à exporter, il s’agit plutôt d’investissement dans les ressources naturelles, et cetera, partout en Afrique. Songez aux 23 nouvelles ambassades que le pays vient d’ouvrir et qui portent son total à 33. Les Turques investissent aussi depuis deux ou trois décennies dans les pays en « stan », comme vous dites, jusqu’en Russie, en Ukraine et même au Bélarus. Comment peut-on expliquer les changements économiques? Je comprends que l’on veuille construire l’infrastructure, protéger le pays et en relever le niveau économique, mais comment expliquez-vous tout ce qui se fait d’autre dans la région? Est-ce que c’est la même philosophie ou d’autres motifs?
M. Winterhalt : Il est intéressant que vous mentionniez le BRIC et toute cette évolution. Il s’est écrit beaucoup de choses récemment sur la nécessité de laisser tomber l’acronyme BRIC. Il y a deux ou trois autres solutions de remplacement, dont CIVETS, pour inclure la Colombie et l’Indonésie. La Turquie, c’est le « T ». Il y a aussi un groupement que Jack Goldstone mentionnait, il y a un an cette semaine, dans Foreign Policy : le TIMBI, et dans ce cas c’est la Turquie qui figure en premier. Cet acronyme désigne la Turquie, l’Indonésie, le Mexique, le Brésil et l’Inde. Pour EDC, c’est sans grande importance parce que les éléments du BRIC qui affichent les plus forts taux de croissance et, selon nous, offrent le plus grand potentiel sont encore là, mais on place maintenant la Turquie en premier. Je crois que cela est important, parce que la Turquie — qui connaît une importante croissance intérieure, entre autres en raison de sa situation géopolitique — reconnaît qu’elle a une occasion rêvée de se raccorder à nouveau à l’Europe, à l’Asie et à l’Afrique du Nord comme elle l’était il y a des centaines et même des milliers d’années. Je pense que c’est une évolution non seulement en termes de croissance intérieure du marché, mais aussi relativement au rôle qu’elle veut assumer sur la scène internationale. Je reviens à votre question. De nouvelles ambassades ouvrent leurs portes. On s’efforce d’assurer une présence turque dans les régions voisines et d’adopter une vision du monde beaucoup plus ouverte que par le passé. Cette évolution est en partie attribuable à l’intervention du gouvernement actuel. Elle découle aussi en partie de l’augmentation du nombre de jeunes, des jeunes qui veulent quelque chose d’un peu différent et qui, à bien des égards, s’intéressent de plus près au reste du monde. Elle est en partie culturelle, en partie économique et en partie politique.
Le sénateur Wallace : Je me demandais, concrètement, si les entreprises canadiennes et les gens d’affaires canadiens étaient vraiment en mesure de mener des activités en Turquie plutôt qu’en Amérique du Nord, que ce soit aux États-Unis ou au Canada. Vous avez dit qu’il existait de vastes conglomérats turcs, si j’ai bien compris, et qu’ils exerçaient une grande influence dans le monde des affaires en Turquie. Je ne veux pas faire trop de cas de vos propos, mais je me demande si les entreprises canadiennes doivent surmonter des obstacles ou des différences pour réussir à s’imposer en Turquie. Par exemple, est-ce qu’elles doivent établir des partenariats avec ces conglomérats? Est-ce que leur expérience différerait de celle qu’elles ont en Amérique du Nord, où il est possible de simplement ouvrir une entreprise ou une filiale dans une autre compétence et poursuivre ses activités? Est-ce que, en quelque sorte, la Turquie est un milieu fermé et vous devez vous aligner ou conclure des partenariats avec certaines entités commerciales influentes pour réussir? Comment cela se compare-t-il à notre expérience, en Amérique du Nord? Est-ce que les choses sont très différentes en Turquie?
M. Megaw : Honnêtement, il y a un peu de tout cela. Selon la taille de l’entreprise canadienne… Une entreprise comme SNC connaît très bien cette partie du monde et agit bien différemment des petites et moyennes entreprises exportatrices. Une organisation comme Manitoba Hydro a certainement un avantage technologique qu’elle peut offrir au marché et qui ne se trouve pas ailleurs, alors elle peut dicter ses conditions. Une organisation comme Alliance Pulse, qui traite les pois, les haricots et les lentilles en Saskatchewan, a un important avantage qui découle de sa compétitivité. Elle a acheté une entreprise turque.
Pour la majorité des petites et moyennes entreprises canadiennes qui ont un créneau, le moyen le plus facile d’accéder au marché est de constituer un partenariat et d’entrer dans une chaîne d’approvisionnement. La Turquie est bien sûr une nation commerçante, alors concrètement, au plus fort de la crise, elle construit pour fournir des emplois à tous ses jeunes. Donc, dans un marché comme la Libye, au plus fort de la crise libyenne, les entreprises de construction turques auraient mené pour 25 millions de dollars de projets en Libye. Elles sont surtout dans le secteur pétrolier et gazier. Il y a des acteurs spécialisés auxquels les Canadiens peuvent se joindre en raison de l’excellence de leur technologie.
M. Winterhalt : En outre, il ne faut pas oublier la relativité. Les entreprises canadiennes cherchent peut-être des débouchés à l’extérieur de ce qui serait leur zone ou marché traditionnel, les États-Unis, les pays de l’ALENA ou de l’Europe de l’Ouest, par exemple. Elles se tournent donc vers la Turquie, où les perspectives sont d’envergure impressionnante.
Toutefois, quand elles font le point sur la situation et établissent des comparaisons, avec l’Ukraine, par exemple, ou même avec la Russie, elles constatent que le marché est beaucoup plus accueillant que dans ces deux autres pays. Cela est confirmé par l’indice de facilité de faire des affaires, un indice établi par la Banque mondiale, la SFI et d’autres. Cet indice s’améliore en Turquie, alors que certains de ces autres marchés ne font rien pour régler les défis de la réglementation et aplanir les obstacles aux affaires. Si une entreprise canadienne est disposée à sortir de ses marchés traditionnels pour aller dans cette région, la Turquie est un pays relativement sûr.
Le sénateur Wallace : Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné que la privatisation des actifs nationaux était une tendance lourde, et je crois que cela offre des possibilités aux entreprises canadiennes. Quel genre d’actifs nationaux et d’entreprises seraient concernés? Qu’est-ce qui est nationalisé actuellement en Turquie et qu’entrevoyez-vous en matière de privatisation?
M. Megaw : Le meilleur exemple est sans doute celui du secteur de l’énergie. Il y a environ trois semaines et demie, une entreprise turque à qui nous avions prêté des fonds nous a présenté trois projets que le gouvernement turc a commencés mais qu’il a abandonnés. Ces projets viennent d’être confiés au secteur privé, qui est à la recherche d’investissements et de collaborateurs canadiens pour financer la transaction.
Le sénateur Wallace : Outre l’apport de fonds, est-ce que des contraintes sont imposées à l’investissement étranger ou à la propriété étrangère de sociétés turques, comme c’est le cas ici, au Canada?
M. Megaw : C’est un État de droit, comme le disait M. Winterhalt. Ce n’est pas comme d’essayer de faire des affaires en Ukraine — et j’ai de l’expérience dans ce pays — ou en Russie. La Turquie est un havre. C’est un État de droit. Il faut parfois du temps aux tribunaux pour trancher, mais les contrats sont respectés et on les fait respecter, ce n’est pas très différent de la situation au Canada.
Le sénateur Wallin : J’ai rencontré récemment des gens d’Alliance Pulse, à Regina. Nous avons parlé de leurs activités là-bas, mais il y a toujours cette question d’évaluation et de gestion du risque, compte tenu de la situation politique dans la région et des objectifs turcs. Est-ce que quelqu’un s’inquiète vraiment de cet aspect?
M. Winterhalt : Je vais répondre en premier.
M. Megaw : L’économiste.
M. Winterhalt : Voyons un peu ce qu’on peut en dire.
Le sénateur Wallin : Vous devez y réfléchir un peu.
M. Winterhalt : La réponse est simple, c’est oui. C’est encore une préoccupation pour les gens, pour tout exportateur ou investisseur prudent. Et c’est bien normal, selon moi. À mesure que la situation évolue en Syrie et, comme le mentionnait M. Megaw, en Libye, des questions surgissent et il faut les régler. Dans le cas de la Syrie, il y a eu interruption complète du commerce bilatéral entre ces deux pays. À une certaine époque, les échanges étaient pourtant très dynamiques. Cela pourrait avoir un effet, évidemment, sur les investisseurs étrangers en Turquie, comme nous l’avons dit, et sur la chaîne d’approvisionnement qui alimentait peut-être d’autres installations en Syrie. Évidemment, cela aurait des effets.
Nous conseillerions la prudence. Par l’entremise de l’équipe d’évaluation du risque économique et politique à EDC, nous dirions qu’il faut bien identifier l’utilisateur final, bien définir le besoin et déterminer à qui est destiné le produit ou le service. Si c’est à proximité d’un point chaud, évidemment, vous seriez bien avisé d’y penser à deux fois avant de vous lancer dans cet espace.
En règle générale, toutefois, la Turquie est un environnement très stable.
Le sénateur Wallin : Vous pouvez compter sur les économistes. Merci.
Le sénateur Nolin : À la fin de votre réponse, vous avez mentionné la stabilité de la Turquie. Pensez-vous que c’est le pays qui pourrait arriver à stabiliser la région? C’est ce dont nous avons besoin à l’heure actuelle. Dans ce cas, je crois que le marché prospérera, c’est évident.
M. Winterhalt : La Turquie peut certainement exercer une grande influence, ne serait-ce qu’en raison de sa taille, de sa puissance économique et du fait qu’elle est beaucoup plus tournée vers le monde qu’autrefois.
Mes collègues du ministère des Affaires étrangères pourront vous parler de la mentalité et des motifs politiques turcs, mais ce pays est de taille nettement supérieure à celle des autres intervenants régionaux et il exerce une grande influence dans la région. Je suis d’accord avec vous, il aura un rôle à jouer, si c’est dans son intérêt national.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Actuellement la Turquie est une démocratie laïque qui dirige une population musulmane. On a entendu qu'il y avait des pressions sur le statut laïc de la Turquie. Est-ce que cela pourrait éventuellement changer le climat économique du pays et il serait ensuite plus difficile de faire des affaires avec la Turquie?
[Traduction]
M. Winterhalt : Je crois que c’est parfaitement vrai. S’il survenait un changement sensible ou radical modifiant la position adoptée par le gouvernement actuel, je crois que c’est une possibilité. Je n’ai pas de boule de cristal, et il est très difficile de dire ce qui pourrait arriver. Il y aura évidemment des élections en 2014, comme un des sénateurs l’a mentionné. Il nous est difficile, à nous, de prévoir ce qui pourrait se passer, mais on peut dire que tout changement sensible aurait un effet sur l’image que la Turquie a d’elle-même et de ses partenaires régionaux ainsi que sur les possibilités économiques en Turquie. Il demeure toutefois difficile de répondre clairement à cette question pour le moment.
M. Megaw : Au fond, la Turquie est une nation commerçante, elle est tributaire des échanges commerciaux, et les affaires sont souvent sa première préoccupation. Le pays doit stimuler le commerce avec l’étranger. Il affiche un déficit à l’heure actuelle, parce qu’il dépend fortement de ses importations de pétrole et d’autres produits énergétiques. Il doit stimuler les échanges pour alimenter l’activité industrielle. C’est donc dire qu’il doit faire du commerce, qu’il doit penser aux affaires, et ses banques sont des banques internationales à tous égards et elles interviennent sur la scène mondiale.
Le sénateur Downe : Des gens d’affaires qui viennent témoigner devant nous nous parlent des problèmes de corruption. Cela est arrivé par exemple dans le cadre de notre étude sur la corruption en Russie. Est-ce que les gens d’affaires canadiens vous parlent de ce problème en Turquie? Si oui, dans quels secteurs?
M. Megaw : J’ai parcouru toute la région, de Moscou à Johannesburg, et je peux vous jurer que je n’ai rien vu ni entendu, directement ou indirectement, qui indique l’existence de nombreux cas de corruption comme ce que l’on voit ailleurs dans la région. Le pays est sans doute vraiment très transparent, en règle générale, et il se concentre sur des scénarios gagnants-gagnants lorsqu’il négocie les contrats.
Le sénateur Mahovlich : Il y a bien des années, j’ai visité la Turquie. Il y avait un hôtel canadien, là-bas. La société avait acheté une prison pour femmes et l’avait transformée en hôtel. Je crois que c’était la chaîne Four Seasons. Comment se porte cet établissement et est-ce que la société a ouvert d’autres hôtels?
M. Megaw : L’entreprise est encore très dynamique. EDC connaît bien ces entrepreneurs, qui ont réalisé des progrès extraordinaires. Ils ont rénové le Four Seasons très récemment et c’est maintenant un hôtel de prestige sur le Bosphore.
Le sénateur Mahovlich : Est-ce que l’immigration turque au Canada est constante? A-t-elle augmenté ou diminué récemment?
M. Winterhalt : Malheureusement, nous accueillons très peu d’immigrants de ce pays.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : La question que je veux vous poser concerne le secteur minier. Est-ce qu’il y a des opportunités pour les compagnies canadiennes qui seraient intéressées à faire des affaires en Turquie ou est-ce que la Turquie fait comme les autres pays africains, elle réserve à la Chine tout ce qu'il y a de ressources dans le sol? Et dans ce domaine, quelles sont les forces et les faiblesses de la Turquie?
[Traduction]
M. Megaw : Je peux vous donner un excellent exemple dans le secteur minier. Une entreprise torontoise, inscrite à la Bourse de Toronto, la société Silvermet, a investi en coentreprise avec une société espagnole du secteur minier. Elles récupèrent les métaux des poussières et rejets laissés par d’anciennes installations minières en Turquie. C’est un excellent exemple, et elles en sont maintenant à leur cinquième ou sixième année d’exploitation. Elles s’apprêtent à construire deux autres usines ailleurs en Turquie.
Ce n’est pas seulement une belle réussite dans le secteur minier, c’est aussi un succès pour l’environnement et cela montre bien l’intérêt que les entreprises canadiennes portent à cette région du monde.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Est-ce qu’il y a d'autres compagnies canadiennes minières qui seraient intéressées à faire des affaires avec la Turquie?
[Traduction]
M. Megaw : Il semble y avoir de l’or et de l’argent dans le nord de la Turquie, et des entreprises canadiennes manifestent certainement de l’intérêt et effectuent des travaux préliminaires sur place.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Avez-vous un commentaire à faire M. Winterhalt?
[Traduction]
M. Winterhalt : Vous parlez de l’importance des autres investisseurs, les Chinois et d’autres nationalités. À nos yeux, le marché offre de multiples possibilités, et il est normal que divers autres pays et leurs sociétés minières se livrent à une saine concurrence. Ce qui favorise cette situation, comme le disait M. Megaw, c’est le cadre de réglementation relativement ouvert et transparent. En l’occurrence, nous voyons une saine compétition, et les choses sont un peu différentes de ce qui se passe ailleurs en Afrique. C’est peut-être parce que le cadre de réglementation est un peu plus strict et le gouvernement, un peu plus précis quant au type d’investissement qu’il souhaite pour la Turquie.
Le sénateur D. Smith : Je reviens à ce que disait le sénateur Downe au sujet des taux d’immigration. J’ai trouvé une statistique étonnante dans la note d’information : environ 43 000 personnes d’origine turque vivent au Canada. La Turquie compte 75 millions d’habitants, c’est donc une représentation très modeste, si vous songez à l’immigration d’autres pays de la région, la Grèce, par exemple, qui a une population de 12 ou 13 millions. Les Grecs sont probablement 20 fois plus nombreux ici. La population libanaise n’est pas très importante, mais il y a sans doute quelque 43 000 Libanais à Ottawa. Je pourrais citer également l’Iran et même la Syrie.
Je suis curieux. Cela vient peut-être, entre autres, du fait qu’après la Première Guerre mondiale, les jeunes Turcs — et c’est l’origine de cette expression —, dirigés par Kemal Atatürk, ont chassé le sultan. Depuis, le pays est demeuré relativement séculaire et stable, et ses habitants n’ont peut-être pas de raisons de le quitter.
Comment expliqueriez-vous qu’un pays de 75 millions d’habitants ait produit seulement 43 000 immigrants pour le Canada?
M. Megaw : Je pense que c’est dû notamment à la jeunesse de la population, les moins de 30 ans. Istanbul est sans doute l’une des villes les plus cosmopolites au monde, avec 17 ou 18 millions d’habitants. Les Turcs restent chez eux et comptent sur leurs habiletés pour améliorer les capacités turques. Ils sont fiers de leur pays.
M. Winterhalt : Sous certains angles, cela crée des occasions pour le Canada. Une population turque jeune et nouvellement prospère veut sortir du pays, peut-être pour suivre une formation à l’étranger, s’instruire, puis rentrer en Turquie parce qu’effectivement c’est un pays très dynamique. Si nous pouvons améliorer un peu la présence canadienne à court terme, cela crée une autre possibilité pour le Canada.
Le sénateur D. Smith : Les Kurdes font peut-être exception. Je ne pense pas qu’ils soient nombreux à avoir immigré au Canada ou quitté le pays. Ils vivent encore en majorité là-bas — ils ne sont pas toujours heureux, mais quand même. Je réfléchis à haute voix…
La présidente : Nos prochains témoins pourront peut-être nous parler de ce cas.
La Turquie, c’est intéressant, est devenue membre de l’OTAN et elle contribue aux activités de l’organisation. J’ai eu l’occasion de voir comment les Turcs ont constitué leurs forces militaires — des forces énormes : je crois que ce sont les deuxièmes en importance après celles des États-Unis au sein de l’OTAN — et comment l’équipement militaire a évolué. La Turquie s’est fortement inspirée des technologies qu’elle a pu acquérir et elle vend maintenant des chasseurs, des chars, et cetera, dans la région.
Est-ce que les entreprises canadiennes pourraient lui vendre des systèmes d’appui militaires qui sont généralement utilisés à l’OTAN, et est-ce qu’EDC a un rôle à jouer dans tout cela?
M. Winterhalt : Je crois qu’il est probablement plus facile de répondre à votre deuxième question. Traditionnellement, EDC n’intervient pas beaucoup dans les transactions relatives à des technologies ou à de l’équipement militaires. Toutefois, de façon secondaire ou tertiaire, dans le cas des services ou de certains produits, nous pouvons fournir un appui.
Nous avons certainement constaté l’intérêt général des fournisseurs canadiens à l’égard des besoins d’approvisionnement des forces armées turques. Toutefois, parce que nous n’avons jamais offert d’appui considérable dans ce secteur, je ne peux pas vous en dire tellement plus.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Lorsque les hommes d'affaires canadiens vont faire affaire un Turquie dans le domaine des mines, est-ce qu’ils ont de la difficulté à trouver une main-d'œuvre qualifiée? Si oui, est-ce qu’il y aurait des occasions d'affaire pour les collèges communautaires canadiens qui pourraient offrir ces services?
[Traduction]
M. Megaw : Avec 80 millions d’habitants dont la majorité a moins de 30 ans et est donc parfaitement apte à travailler dans le secteur minier, la main-d’œuvre est facile à trouver. Les qualifications et la formation représentent toujours un défi, comme ailleurs en Afrique, et je crois donc que l’industrie minière canadienne a d’excellentes perspectives dans les domaines du transfert technologique et de l’éducation.
La présidente : Merci. Comme vous le voyez, votre exposé a suscité beaucoup d’intérêt. Une partie de nos questions dépassent ce que à quoi vous vous attendiez peut-être, mais vous avez répondu admirablement dans votre secteur de compétence et vous nous avez présenté certains points de vue sur les affaires, la culture et le contexte régional en Turquie. Merci beaucoup d’être venus.
Nous entendrons maintenant le Canadian Turkish Business Council. Nous sommes heureux d’accueillir M. Mike Ward, conseiller, et M. Richard Mabley, Développement des affaires. Nous vous écoutons.
Mike Ward, conseiller, Canadian Turkish Business Council : Merci, madame la présidente. Mesdames et messieurs les sénateurs, je suis heureux de pouvoir vous présenter aujourd’hui le point de vue des gens d’affaires au sujet de la Turquie. Disons tout de suite que je couvrirai moi aussi une partie de ce que les représentants d’EDC ont déjà traité. Vous avez discuté du classement de l’économie turque. Selon moi, elle occupe le 17e rang mondial.
J’ai été affecté au poste de délégué commercial principal en Turquie en 2007. J’ai passé deux années à l’ambassade canadienne à Ankara, puis deux autres années à Istanbul, où j’ai également assumé les fonctions de chef du nouveau consulat canadien. J’ai quitté le ministère l’an dernier et je suis aujourd’hui conseiller du Canadian Turkish Business Council, le CTBC. Je suis membre du Conseil Atlantique du Canada, qui fournit entre autres un soutien administratif au CTBC. L’an dernier, outre ma participation à diverses conférences et à d’autres manifestations, j’ai dispensé des conseils à diverses entreprises canadiennes qui exploraient les perspectives commerciales en Turquie.
M. Mabley est gestionnaire du développement commercial au Canadian Turkish Business Council. Il occupe ce poste depuis environ deux ans.
Le CTBC a été créé il y a 10 ans par des entreprises et organisations canadiennes qui menaient des activités en Turquie. Il a pour mandat de promouvoir le commerce et l’investissement entre les deux pays. C’est une organisation non gouvernementale et sans but lucratif.
En raison du poste qu’il occupe au CTBC, M. Mabley a participé à l’organisation de diverses manifestations bilatérales clés, dont une importante conférence commerciale Canada-Turquie qui a eu lieu à Toronto il y a quelques semaines et, deux semaines auparavant, une allocution que le ministre turc des Affaires étrangères a prononcée à Toronto.
J’étais en Turquie à une époque particulièrement active des relations commerciales Canada-Turquie — pendant une période où plusieurs défis se sont présentés et où des jalons importants ont été franchis. Honnêtement, la principale difficulté que j’ai connue en Turquie a été d’intéresser les entreprises canadiennes à ce marché. De fait, pendant toute ma carrière de diplomate canadien, et sans tenir compte d’une affectation aux États-Unis, j’ai constaté qu’une majorité de petites et moyennes entreprises canadiennes et même quelques grandes entreprises préféraient nettement se concentrer sur les occasions et les initiatives commerciales dans les pays de l’ALENA et négligeaient certains marchés prometteurs comme la Turquie.
Récemment, je crois que les effets du ralentissement économique ont encouragé certaines entreprises à chercher ailleurs qu’en Amérique du Nord. Les entreprises veulent aussi élargir leur portée géographique, en raison des récentes négociations consacrées à divers instruments intergouvernementaux qui encouragent l’investissement et le commerce canadiens à l’étranger, notamment des accords de protection de l’investissement, des ententes sur la double imposition et, évidemment, des accords de libre-échange plus détaillés.
Dans le cas de la Turquie, je peux vous dire qu’aujourd’hui, elle est beaucoup plus visible dans les milieux d’affaires canadiens qu’il y a cinq ou six ans.
J’ai peu de temps, mais j’aimerais vous exposer certaines des raisons pour lesquelles les entreprises canadiennes sont maintenant actives en Turquie et vous expliquer pourquoi, selon moi, un nombre accru d’entreprises canadiennes commenceront à s’intéresser aux possibilités offertes par ce pays.
J’ai parlé il y a un moment des difficultés que j’ai éprouvées en 2007 parce que les entreprises canadiennes ne reconnaissaient pas l’importance du marché turc. À l’époque, par exemple, elles étaient souvent étonnées d’apprendre que la Turquie était un marché du G20, dont la population venait au troisième rang en Europe, après celles de l’Allemagne et de la Russie, qu’elle avait une classe moyenne importante et en pleine croissance, formée de consommateurs, et que sa population était jeune puisqu’environ 50 p. 100 des habitants avaient de moins de 30 ans.
Peu après mon arrivée à Ankara, en 2007, nous avons organisé une table ronde avec des représentants d’entreprises canadiennes qui étaient actives dans ce pays. À l’époque, les entreprises canadiennes avaient investi environ un milliard de dollars en Turquie. Quand j’ai demandé ce que notre ambassade pouvait faire pour promouvoir les intérêts commerciaux du Canada là-bas, ils m’ont cité trois grandes priorités. Premièrement, ils voulaient un accord qui supprimerait la double imposition, bref, une convention fiscale. Il s’agissait d’empêcher que les particuliers et les citoyens d’un pays qui mènent des activités dans un autre puissent être imposés deux fois.
Deuxièmement, ils voulaient un accord sur le transport aérien, pour permettre à Turkish Airlines d’assurer une liaison directe entre Istanbul et Toronto. Le principal avantage d’un tel accord, selon eux, était de faciliter les déplacements d’affaires entre les deux pays en évitant les escales en Europe.
Troisièmement, ils appuyaient tous l’ouverture d’un consulat à vocation commerciale à Istanbul. À l’époque, le Canada était le seul pays du G20 qui n’avait pas de bureau officiel à Istanbul, il n’avait qu’un consul honoraire.
Un message qui exposait ces recommandations a été entendu par les décideurs du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et les trois recommandations ont été mises en œuvre, la dernière étant la convention fiscale, qui est entrée en vigueur en janvier cette année. Le consulat a été officiellement inauguré en 2010, et Turkish Airlines assure maintenant cinq liaisons par semaine entre Istanbul et Toronto.
Ces facteurs et d’autres, notamment l’intensification des visites ministérielles ou de haut niveau entre les deux pays, ont relevé le profil commercial de la Turquie auprès des entreprises canadiennes. En 2009, par exemple, une mission commerciale canadienne d’une importance sans précédent en Turquie a visité Ankara et Istanbul. Elle était dirigée par le Canadian Turkish Business Council. Cette délégation comprenait 30 entreprises venant de partout au Canada et des représentants de trois provinces et de trois organismes fédéraux. Environ les deux tiers des entreprises participantes en étaient à leur première visite en Turquie. Quant à leur expérience des affaires au niveau international, à l’époque, la majorité avait traité avec les États-Unis. Cela se passait en 2008. Toutefois, avec le ralentissement économique, les entreprises voulaient explorer les perspectives commerciales intéressantes de la Turquie. Ces perspectives continuent de s’améliorer.
Depuis quelques années, les réformes du marché, la solide croissance et la stabilité économique et politique de la Turquie attirent d’importants investissements directs étrangers. De fait, au cours des neuf dernières années la Turquie a attiré pour environ 110 milliards de dollars d’investissement direct étranger, et le gouvernement turc espère que cette tendance se maintiendra.
Pour compléter le travail des délégués commerciaux turcs affectés à l’ambassade de Turquie à Ottawa et au consulat général de ce pays à Toronto, le gouvernement turc a créé un organisme qui encourage l’investissement direct en Turquie. L’agence turque pour la promotion et le soutien de l’investissement, l’ISPAT, relève directement du premier ministre turc. Elle a des représentants dans divers endroits clés du monde, dont Toronto. Le fait que l’ISPAT a établi un bureau au Canada illustre clairement que le gouvernement turc souhaite accroître l’IDE canadien en Turquie. Le représentant de l’ISPAT pourrait collaborer étroitement avec EDC, par exemple.
La Turquie présente évidemment son lot de défis aux yeux des investisseurs étrangers. On pense notamment au contrôle de l’inflation, à la surveillance du déficit courant — une question mentionnée par les représentants d’EDC — et aux inquiétudes que soulève le chômage des jeunes.
Toutefois, sa situation économique demeure saine. Avec un produit intérieur brut qui est le 16e, 17e ou 18e au monde, l’économie turque est plus importante que celle de nombreux pays de l’Union européenne. Sa performance est d’autant plus impressionnante qu’elle s’inscrit sur fond de crise économique. Avant la récession, les taux de croissance turcs étaient parmi les plus élevés de l’OCDE. En vue de son adhésion à l’Union européenne, le pays a adopté diverses lois et règlements clés au cours des dix dernières années. En général, ces lois et règlements visaient à renforcer le secteur bancaire, à promouvoir des pratiques commerciales saines et à attirer l’investissement étranger.
Par conséquent, la Turquie a beaucoup moins souffert de la récession que nombre de ses homologues. Même si l’économie turque n’a pas entièrement échappé aux effets de la crise, elle s’est bien rétablie. En 2010, la croissance économique turque atteignait un extraordinaire 9 p. 100, plus que la majorité des économies de marché émergentes pour cette même année.
En 2011, l’économie a connu une croissance de 8,5 p. 100, la plus forte des grandes économies d’Europe l’année dernière. Même si l’Europe continue de connaître des difficultés économiques — et l’Europe est le principal partenaire commercial de la Turquie —, le FMI prévoit que l’économie turque croîtra de 3 p. 100 cette année.
L’inflation est plus élevée que ce que nous préconisons au Canada, mais le taux actuel, inférieur à 10 p. 100, est acceptable pour un pays qui a affiché une croissance économique de plus de 10 p. 100 pendant une longue période au cours du XXe siècle. Le chômage et les taux d’utilisation des capacités correspondent étroitement aux niveaux qu’affiche le Canada.
C’est en raison de cette décennie de forte croissance économique que la Turquie satisfait à nombre des principaux critères aux yeux des entreprises qui cherchent à commercer et à investir à l’étranger. La présence commerciale du Canada en Turquie a certainement augmenté récemment, puisqu’à la fin de l’an dernier, comme l’indiquaient les représentants de l’EDC, nos exportations atteignaient 1,2 milliard de dollars. Est-ce considérable? Si la Turquie avait été membre de l’Union européenne l’année dernière, elle se serait classée au septième rang des marchés d’exportation du Canada dans ce bloc commercial de 27 membres.
Les entreprises canadiennes et étrangères ne ciblent pas uniquement la Turquie. Elles reconnaissent l’incroyable avantage que constitue la situation géographique centrale de la Turquie ainsi que ses excellents réseaux commerciaux et politiques dans la région. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, par exemple, les investissements turcs sont concentrés dans le secteur manufacturier, la construction, le pétrole et le gaz, et les services. En Arabie Saoudite, la participation turque dans le secteur du bâtiment et de l’infrastructure s’élève à environ 10 milliards de dollars. L’investissement turc dans le nord de l’Irak augmente rapidement; de fait, on estime que les entreprises turques pourraient détenir à l’heure actuelle jusqu’à 95 p. 100 des 3 milliards de dollars du marché du bâtiment en Irak.
Ce genre de liens commerciaux offrent d’excellentes perspectives de partenariat aux entreprises du Canada et d’ailleurs qui cherchent à s’implanter dans divers marchés au voisinage de la Turquie.
Les entreprises canadiennes n’ont pas eu que de bonnes nouvelles. La crise économique a eu un effet négatif sur quelques investissements canadiens en Turquie, mais c’était en conséquence de facteurs extérieurs à la Turquie. En 2009, par exemple, CanWest a vendu ses quatre stations de radio turques. En 2010, Nortel s’est départie de ses actifs turcs qui, lorsque les activités de l’entreprise étaient à leur sommet, comptaient quelque 1 100 ingénieurs turcs. C’est un investissement extraordinaire.
De fait, ces dernières années, le nombre d’entreprises canadiennes qui œuvrent en Turquie a beaucoup augmenté. Par exemple, la société turque Atlasjet, un transporteur aérien à faibles coûts, a signé une lettre d’intention en vue d’acquérir 10 aéronefs CS300 de Bombardier et elle a pris une option pour cinq autres, ce qui pourrait porter la valeur totale de la transaction à 1,18 milliard de dollars.
Bombardier projette également de vendre des aéronefs au transporteur national, Turkish Airlines. Candu Energy réalise actuellement une étude de faisabilité pour le projet de centrale nucléaire Sinop. La technologie canadienne est une candidate pour ce projet. Silvermet, que les représentants d’EDC ont mentionnée, cherche à accroître considérablement ses investissements en Turquie. Avec les déchets d’acier des fours à arc, Silvermet produit du zinc. L’extraction du zinc contenu dans l’acier en Turquie est prometteuse, puisque la Turquie est le deuxième producteur d’acier brut en Europe. La chaîne d’hôtels Four Seasons exploite maintenant deux hôtels à Istanbul, le Prison, un bel immeuble qui se trouve dans le Sultanahmet, la vieille ville, et le Four Seasons Bosphorus, sur le Bosphore. Je crois que c’était autrefois une école privée française. C’est un hôtel merveilleux. Parlant d’écoles, le collège Centennial est devenu le premier établissement d’enseignement canadien à ouvrir un centre de recrutement en Turquie.
Avec l’augmentation de ses activités sur le marché turc, la société environnementale Golder a ouvert un deuxième bureau dans ce pays — à Istanbul —, pour renforcer celui d’Ankara. Diverses sociétés d’énergie renouvelable canadiennes ciblent la Turquie. La semaine dernière, l’entreprise ontarienne Canadian Solar Inc. a annoncé qu’elle avait décroché un contrat d’approvisionnement de modules solaires en Turquie. La société éolienne Free Breeze a un bureau dans le pays pour desservir la Turquie et la région. Les ressources minières sont immenses, en Turquie. Eldorado Gold supervise la plus grande mine d’or. Inmet Mining exploite l’une des plus grandes mines de cuivre. D’autres sociétés minières, dont Frontline Gold et Alamos Gold, ont récemment investi dans le secteur minier turc et planifient comme d’autres entreprises d’intensifier leurs activités là-bas.
Les responsables canadiens ont divers projets de génie, dont la construction de ponts et de routes ou encore d’aéroports.
Il y a quelques années, l’Alliance Grain Traders de la Saskatchewan a acquis pour 104 millions de dollars l’entreprise Arbel, le plus important producteur de pâtes et lentilles de Turquie. Le fonds Teachers’ Private Capital, en Ontario, et l’Office d’investissement du RPC ont créé ensemble le principal fonds privé d’actifs exclusivement axés sur les occasions d’investissement en Turquie, et EDC les a aidés à le faire. Je pourrais continuer ainsi encore longtemps.
Quelqu’un a mentionné le BRIC. Vous le savez, cet acronyme a été créé par Goldman Sachs en 2001. Il désigne le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, des pays qui étaient tous considérés à l’époque comme des économies très importantes et en rapide expansion. L’acronyme est ensuite devenu le BRICS, pour inclure l’Afrique du Sud. Il est devenu le symbole d’un changement dans l’ordre économique mondial, où les économies du G8 perdent du terrain au profit d’une nouvelle région géographique. Récemment, Goldman Sachs parlait de marchés en expansion, un groupe de ce que l’on pourrait appeler les super économies émergentes. Les représentants d’EDC ont parlé d’un autre acronyme, et Goldman Sachs en a créé un similaire. Goldman Sachs ajoute aux pays du BRICS la Turquie, l’Indonésie, le Mexique et la Corée du Sud, et quand je donne une allocution, je parle alors du TIMS. La Turquie fait partie de ce groupe distingué. Elle présente une grande importance économique et c’est une destination parfaite pour les entreprises canadiennes.
Merci beaucoup de nous avoir invités à témoigner aujourd’hui.
La présidente : Merci, monsieur Ward. Vous avez abordé bien des sujets, ici.
Le sénateur Downe : J’ai beaucoup aimé votre exposé, monsieur Ward. J’ai été particulièrement intéressé par ce que vous avez dit de la table ronde qui a été organisée, il y a quelques années, et qui a dégagé trois priorités. Quand Ottawa a pris des mesures relativement à ces trois priorités, le climat commercial et d’affaires s’est complètement transformé pour les entreprises canadiennes en Turquie. Quelles devraient être nos trois grandes priorités, aujourd’hui? Que devrions-nous faire pour stimuler les affaires entre les entreprises canadiennes et turques?
M. Ward : C’est une bonne question.
Le sénateur Downe : Je la reformule : quels sont les inconvénients qu’il nous faut éliminer?
M. Ward : Nous avons déjà fait beaucoup. Ces trois priorités nous ont énormément aidés. Ce n’était pas mon idée, c’était la leur. Il est incroyable que le ministère ait agi aussi rapidement, je le répète. Vous savez, il est question d’un accord de libre-échange. Selon moi, et comme l’ont indiqué les représentants de l’EDC, ces discussions seraient complexes. Je ne peux rien dire en ce qui concerne le Canada : je ne suis plus au ministère. Vous devriez vous adresser à un représentant de cette organisation. Toutefois, je suis certain qu’il y a des secteurs où le Canada veut que nous protégions ce qui est important pour nous. Si les discussions pouvaient progresser — et les négociations sont encore ouvertes, elles n’ont pas été abandonnées —, elles pourraient déboucher sur une nette amélioration des relations.
Les visites de haut niveau sont extrêmement importantes. Si vous demandez à un ministre de piloter une délégation, ce ministre peut rencontrer ses homologues et discuter d’accès aux marchés. Il attirera les foules. Dans un pays comme la Turquie, il attirera non seulement les politiciens, mais aussi les grandes entreprises. Il pourra constituer une solide délégation. Le service des délégués commerciaux sait parfaitement comment organiser ce genre de choses. Vous prévoyez des allocutions et des rencontres individuelles. Je me souviens de la visite du ministre Van Loan, en 2010. Quand il est venu inaugurer le consulat, il a emmené des entrepreneurs avec lui. Ils se sont d’abord arrêtés à Istanbul et à Ankara, puis ils sont allés en Grèce. La visite a beaucoup aidé les entreprises canadiennes du secteur des TIC. Elles devaient aller en Grèce, elles s’y étaient engagées, mais elles étaient impatientes de revenir en Turquie. Nous avons choisi de bons partenaires, là-bas. Il y a quelques regroupements d’ONG commerciaux. Nous en avons choisi un excellent, qui compte des membres solides. Cette entreprise a quitté la Turquie la première fois avec une série d’ententes paraphées, et elle est retournée pour poursuivre la collaboration.
Le sénateur Downe : Le ministre du Commerce international ne peut pas être partout, j’imagine, compte tenu de toutes ses responsabilités, et je suppose que d’autres ministres ont aussi des rôles importants à jouer. Vous dites qu’il faut envoyer des délégations. On pourrait les confier au ministre de l’Agriculture ou à quelqu’un d’autre.
M. Ward : Le ministre Ritz est allé, en effet. Les sénateurs feraient eux aussi du bon travail.
Le sénateur Downe : Est-ce que les autres pays, nos concurrents, s’y rendent plus souvent que nous?
M. Ward : Mon Dieu.
Le sénateur Downe : Est-ce qu’ils envoient des délégations ministérielles? Vous avez passé plusieurs années là-bas.
M. Ward : Peu importe le pays dont vous parlez, les Américains sont toujours présents, en force, avec des représentants de haut niveau. Parfois, j’aurais aimé être un diplomate américain — mais peut-être pas, car certains se plaignaient de la fréquence des visites. Les sénateurs et les grandes délégations sénatoriales américaines venaient. Ils venaient souvent. Les gouverneurs venaient aussi et, évidemment, les ministres.
Il se passe toujours quelque chose. Je me souviens d’un dignitaire dont l’avion a fait escale à l’aéroport, et un des ministres turcs est allé à l’aéroport pour rencontrer ce Canadien.
Le sénateur Johnson : Moi aussi, j’ai beaucoup aimé votre exposé. Je me demande si vous pouvez nous parler un peu du nouveau code commercial turc qui a été adopté en juillet 2012. Il a modifié une loi qui était en vigueur depuis 1956. En faisant des recherches, j’ai découvert que c’est considéré comme un vaste remaniement du cadre des affaires en Turquie et touche la vérification, les obligations comptables, et cetera, et représente une amélioration marquée. Je me demande si cela a un effet sur les affaires des Canadiens en Turquie.
M. Ward : C’est une excellente loi. Elle adapte les codes commerciaux turcs aux conditions du XXIe siècle. On exige maintenant une transparence accrue et des vérifications indépendantes.
Est-ce que ce que je dis ici reste relativement entre nous?
Le sénateur Johnson : Non, notre séance est télévisée.
La présidente : Nos réunions sont publiques.
M. Ward : C’est normal, bien sûr.
La présidente : Nous produisons des comptes rendus qui sont diffusés, alors choisissez bien vos mots.
M. Ward : C’est un excellent conseil, madame la présidente.
Il est maintenant possible de constituer une société qui compte un seul actionnaire. Les droits des actionnaires minoritaires sont protégés. C’est exactement ce que les pays d’Amérique du Nord et d’Europe veulent quand ils vont en Turquie. Cela est attribuable au fait que la Turquie désire devenir membre de l’Union européenne et qu’elle a adopté des lois et des règlements qui favorisent cet objectif. On ne peut pas prévoir, évidemment quand cela se fera, mais c’est sans importance parce que la Turquie a déjà réalisé de grands progrès.
Tout cela : la transparence accrue, les vérifications indépendantes — un élément tout à fait remarquable —, la possibilité de constituer une société minoritaire avec un seul actionnaire, la protection des droits de l’actionnaire minoritaire, c’est exactement ce que nous voulons.
Le sénateur Johnson : Est-ce que cela est attribuable à la nécessité d’accroître l’investissement intérieur et à l’évolution technologique?
M. Ward : Je crois que ces deux facteurs sont importants.
Le sénateur Johnson : L’Internet et le commerce électronique?
M. Ward : Oui, l’Internet. La Turquie est…
Le sénateur Johnson : Est-ce qu’ils arrivent à tenir le rythme?
M. Ward : La Turquie vient au 14e rang mondial pour ce qui est du nombre d’utilisateurs d’Internet, avec 35 millions d’utilisateurs. Toute cette information sera en ligne. Toute l’information sur les entreprises sera diffusée en ligne.
Le sénateur Johnson : Pouvons-nous raisonnablement dire que ce code sera bénéfique pour les investisseurs?
M. Ward : Certainement.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, je vous remercie pour votre présentation très positive.
M. Ward : Merci.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Vous avez mentionné que le premier ministre turc avait une agence de financement et qu'il finançait des entreprises. J'imagine qu'il ne doit pas toutes les financer, à un moment donné.
À quelles barrières les entrepreneurs de la Turquie se heurtent-ils lorsqu'ils essaient d'obtenir des prêts auprès des institutions financières turques?
[Traduction]
M. Ward : Je précise. Excusez-moi, je me suis mal exprimé. Je comprends votre question, parce que j’ai établi un lien avec EDC, mais l’agence pour la promotion et le soutien des investissements a pour mission d’attirer les investisseurs étrangers en Turquie, les Canadiens dans notre cas. Elle offre des programmes d’encouragement — par exemple, l’impôt des particuliers et des sociétés a été réduit. Le fait de s’installer dans diverses zones géographiques en Turquie comporte des avantages et donne droit à des encouragements fiscaux. Des mesures fiscales spéciales ont aussi été instaurées pour appuyer la recherche-développement en Turquie.
Pour ce qui est du financement des entreprises turques, il y a des banques qui offrent des prêts, alors les entreprises font des choix et essaient d’obtenir le genre de prêts auxquels les entreprises canadiennes auraient accès. J’espère que cela répond à votre question, excusez-moi encore.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Ma deuxième question est un peu différente. Vous avez parlé de la croissance économique de la Turquie. À ce sujet, les agences de notation ne me semblent pas du même avis parce que Fitch prévoit une croissance économique durable, alors que les agences Moody's et Standard & Poor’s se montrent plus prudentes.
Qu'en pensez-vous et quels facteurs considérez-vous dans cette analyse? Est-ce que les investisseurs canadiens pourraient être effrayés par cela?
[Traduction]
M. Ward : Je parle maintenant en mon nom propre. Je connais quelqu’un chez Fitch, c’est un bon ami à moi en Turquie, et j’ai rencontré quelqu’un de chez Moody, mais j’ai toujours été un peu plus optimiste au sujet de la Turquie. Je pense qu’à bien des égards, nous l’avons sous-estimée. Elle a traversé la crise économique et elle s’est rétablie immédiatement et a dépassé toutes les attentes. Les médias, à l’époque, étaient plutôt pessimistes. Il y avait des négociations avec le FMI. On pensait que la Turquie devrait à nouveau demander l’aide du FMI, mais non. La croissance a été extraordinaire, même cette année. Le FMI parle d’environ 3 p. 100, et pour l’instant le pays est en bonne voie d’y arriver. Le taux moyen a été d’environ 3 p. 100 pendant les deux premiers trimestres de cette année.
Les Turcs envisagent d’assouplir les dispositions en matière de visa et d’élargir les ententes commerciales dans la région et dans le monde, notamment avec le Mercosur. Ils ne veulent pas trop compter sur l’Europe. Ils ne font pas autant d’affaires avec l’Europe qu’il y a cinq ans. L’Union européenne est encore leur principal partenaire commercial, mais les Turcs diversifient. Le secteur automobile, par exemple, est important en Turquie. Il y a 19 fabricants automobiles installés en Turquie. Contrairement à certains pays d’Europe de l’Est qui ont des activités dans le secteur automobile, la Turquie ne vend pas ses produits seulement à l’Union européenne, elle les vend aussi au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord. Elle a recours à des outils comme ces dispositions et les initiatives de libre-échange ainsi que d’autres manifestations de bonne volonté pour faire avancer les choses dans la région. Je suis peut-être plus optimiste que d’autres.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je vous remercie infiniment de m'avoir donné une réponse fidèle à ce que vous-même pensiez.
[Traduction]
Le sénateur Nolin : J’ai une question supplémentaire à poser. Je pense aux réponses que vous avez fournies au sénateur Fortin-Duplessis au sujet de l’accès au financement et je dois vous dire que notre document d’information contient des renseignements qui vous contredisent. Le rapport du Forum économique mondial sur la compétitivité à l’échelle mondiale, le plus récent, affirme essentiellement le contraire de ce que vous venez de dire et considère que l’accès au financement constitue un sérieux problème pour les entreprises turques. Qui devons-nous croire?
M. Ward : Si j’étais vous, je me fierais sans doute au Forum économique mondial.
Selon la Banque Royale, l’accès au crédit faisait problème, ainsi que la facilité des transactions, les permis de construction et le règlement des cas d’insolvabilité. Tout cela fait problème, et je dois dire que je n’y connais pas grand-chose. J’ai vécu là-bas quatre ans et les entreprises que je connaissais et avec lesquelles je traitais n’ont jamais mentionné le financement de projet.
Le sénateur Nolin : Vous connaissez bien ce rapport?
M. Ward : Oui.
Le sénateur Nolin : Quels sont les problèmes?
M. Ward : Selon moi, c’est en partie lié à la volonté des banques de prêter. C’est une question qui se pose partout dans le monde. Allez-vous investir dans tel projet, compte tenu des incertitudes en Europe, par exemple? Souvent, les banques préfèrent garder leur argent. Cela constitue parfois un problème, mais je n’ai rien vu de tel.
La présidente : Monsieur Ward, vous représentez le Canadian Turkish Business Council. Pouvez-vous me dire quand il a été créé et qui sont vos membres? Nous aimerions connaître un peu mieux votre organisation.
Je crois par exemple qu’il n’est pas nécessaire d’être d’origine turque pour faire des affaires en Turquie, mais avez-vous chez vous des membres de la communauté turque établis au Canada et qui travaillent dans ce domaine? En Saskatchewan, je connais très bien le groupe Alliance et M. Al-Katib et je sais à quel point il a facilité les affaires en Turquie, en raison de ses origines. Ce sont mes questions. J’aimerais que vous nous présentiez le CTBC.
Richard Mabley, gestionnaire, Développement des affaires, Canadian Turkish Business Council : Je vais vous répondre, car c’est mon domaine. Le CTBC lui-même regroupe des entreprises de secteurs très variés. Il y a Bombardier, SNC-Lavalin, la Banque Scotia, Alliance Grain Traders, comme vous l’avez dit, Murad Al-Katib et Ehmet nous aident énormément lorsque nous voulons communiquer avec les personnes appropriées en Turquie. La communauté turque est très utile pour établir des contacts, particulièrement lorsque nous organisons des conférences. Le mois dernier, par exemple, nous avons tenu notre 10e conférence annuelle conjointe. L’honorable John Holmes a prononcé une allocution. M. Argüden y était lui aussi. Plus de 120 personnes sont venues et ont suivi les discussions des groupes d’experts des divers secteurs : l’aérospatiale, la défense, les mines et les ressources, l’énergie et les TIC — ce qui était un nouveau groupe pour nous. Nous discutions de cela.
Nombre des nouvelles orientations gouvernementales, particulièrement dans le cas de l’Ontario et du MAECI, concernent le secteur des TIC, surtout depuis que Research In Motion s’est lancée en Turquie et a conclu un marché. Tout a commencé à ce moment.
Revenons au CTBC. Nous avons 30 membres. Aucun n’est aussi actif que je le souhaiterais, mais les principaux intervenants sont toujours très actifs, dont SNC-Lavalin, comme je l’ai dit, et Bombardier, qui est toujours très utile.
Nous avons aussi de tout nouveaux membres, par exemple l’Université Bahçeşehir, qui vient d’ouvrir une école à Toronto. C’est tout récent. C’est la première université turque à ouvrir une école au Canada. Elle veut ouvrir des écoles anglaises ici et également enseigner le turc. La communauté turque est très active et favorise la conclusion de ces transactions.
Nombre de grandes entreprises comptent de nombreux employés originaires de Turquie. C’est le cas de PWC, de KPMG et de Heenan Blaikie. Elles font venir des Turcs au Canada parce que la population turque est importante à Toronto. C’est une excellente façon, pour PWC, d’encourager le commerce entre le Canada et la Turquie. Elle fait venir des Turcs qui traitent des aspects culturels et en même temps font des affaires.
J’espère avoir répondu à votre question.
La présidente : Considérez-vous aussi le tourisme comme un secteur de collaboration?
M. Mabley : Le tourisme est un secteur très important, en Turquie. C’est la première chose à laquelle on pense lorsqu’on parle de la Turquie. On parle de la Cappadoce, d’Antalya, d’Izmir, d’Istanbul, et des hôtels. Toutefois, dans le domaine du tourisme j’entends beaucoup parler d’infrastructure. Nombre de grandes entreprises veulent aller là-bas et construire des hôtels.
J’ai par exemple discuté avec un représentant de Ritz-Carlton, le gestionnaire des ventes mondiales, qui envisageait d’ouvrir trois nouveaux Ritz-Carlton en Turquie parce que le marché est immense et en pleine croissance. Turkish Airlines a inauguré de nouvelles liaisons en divers points du globe. De plus en plus de touristes vont en Turquie.
M. Ward a par exemple mentionné que le 30 octobre cette entreprise avait inauguré cinq liaisons hebdomadaires directes entre Toronto et Istanbul. C’est une excellente chose pour les Canadiens.
M. Ward : J’ajouterai que le CTBC a 10 ans et vient d’organiser une grande conférence. John Holmes est l’ambassadeur du Canada en Turquie, et Yilmaz Argüden est le président du Turkish-Canadian Business Council, le pendant du CTBC. Il est basé à Istanbul.
Je veux aussi ajouter que nous avons parlé de certains secteurs et qu’EDC a parlé de secteurs : les TIC et les pièces automobiles, mais il y a aussi l’éducation. Vous m’avez fait songer à cela quand vous avez parlé de tourisme. La Turquie a une immense population de jeunes. Elle est plus importante que celle d’autres pays d’Europe. En comparaison d’autres pays de l’OCDE, le gouvernement ne peut pas consacrer beaucoup d’argent à l’éducation, et cette situation ouvre des possibilités extraordinaires.
Si vous voulez faire quelque chose pour resserrer les liens, je pense à une organisation qui s’appelait autrefois le Centre d’éducation canadien et qui était présente partout dans le monde. Elle avait un bureau en Turquie, qui a fermé ses portes en 2009. Cette organisation faisait un travail extraordinaire pour faire connaître aux étudiants turcs les possibilités d’études au Canada. En 2010, il y avait au Canada quelque 1 500 étudiants turcs, sur un total d’environ 32 000 étudiants turcs à l’étranger.
Les Américains sont présents dans ce secteur, les Britanniques aussi, et les Allemands et les Australiens. C’est une occasion extraordinaire.
Quand je vivais à Bangkok, nous avons réuni les diplômés thaïlandais qui avaient étudié au Canada. Ils étaient tellement nombreux que nous avons dû organiser deux réceptions distinctes. Ces gens sont maintenant des décideurs des secteurs public et privé. Ces personnes ont conservé de beaux souvenirs du Canada et elles veulent aider. Vous pourriez intervenir.
Je me souviens qu’avant la crise, on envisageait de créer au consulat canadien à Istanbul un poste pour la commercialisation de l’éducation. Je ne crois pas que ce projet ait débouché et je pense que cela est attribuable aux compressions. Une telle mesure, d’un coût modeste, aurait un impact extraordinaire.
La présidente : Monsieur Ward, monsieur Mabley, merci d’être venus aujourd’hui nous faire part de vos points de vue. Vous avez certainement appuyé les témoignages que d’autres témoins nous ont présentés, et cela nous sera très utile. Au nom du comité, je vous remercie d’être venus.
Nous nous réunissons à nouveau demain, honorables sénateurs, et je vous rappelle que la semaine prochaine nous étudierons le projet de loi qui nous a été renvoyé.
(La séance est levée.) |