Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
OTTAWA, le mercredi 22 mai 2013
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour étudier les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie- Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, aujourd'hui, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international commence son étude sur les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.
Pour cette séance, qui est notre première, nous sommes heureux d'accueillir des représentants du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et de l'Agence canadienne de développement international. Ils pourront peut-être nous dire quel sera bientôt leur nouveau nom, de sorte que lorsque nous devrons le dire d'un même souffle nous saurons de quoi nous parlons.
Nous accueillons donc avec plaisir les représentants d'Affaires étrangères et Commerce international Canada, M. Peter McGovern, sous-ministre adjoint, Investissements, Innovation, Développement du commerce et Asie, M. Marvin Hildebrand, directeur général, Direction générale des négociations commerciales, M. Peter MacArthur, directeur général, Direction générale de l'Asie du Sud et du Sud-Est et de l'Océanie, Mme Cindy Termorshuizen, directrice générale par intérim, Asie du Nord, et M. Artur Wilczynski, directeur général, Direction générale de la sécurité et du renseignement, et sous-ministre adjoint par intérim, Sécurité internationale, Afrique, Amérique latine et Antilles. Nous accueillons aussi le représentant de l'ACDI, M. Jeff Nankivell, directeur général régional, Asie, Direction générale des programmes géographiques.
Comme vous le savez, vous comparaissez aujourd'hui devant nous à notre invitation. Nous avons un vaste mandat, celui d'étudier la région Asie-Pacifique, et nous avons voulu nous pencher sur des questions qui touchent les relations étrangères et le commerce international. Nous savons que de nombreux domaines, de nombreux secteurs, pourraient s'inscrire dans notre étude, mais nous comptons sur vous pour nous expliquer les politiques du gouvernement actuel qui intéressent cette région et peut-être nous recommander des questions dont l'examen serait utile à la population canadienne en général et plus particulièrement au gouvernement.
Vous avez toute latitude quant à la façon dont vous aborderez le sujet. Je sais que vous avez communiqué avec le greffier, et nous sommes impatients d'entendre votre déclaration préliminaire.
Monsieur McGovern, est-ce que vous parlez au nom de tous les secteurs pour le moment? Nos questions pourront ensuite être adressées à divers membres de votre groupe.
Peter McGovern, sous-ministre adjoint, Investissement, Innovation, Développement du commerce et Asie, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Si vous le voulez bien, je vais vous présenter notre déclaration préliminaire, puis nous pourrons tous essayer d'intervenir dans la discussion, selon ce qui conviendra au comité.
La présidente : Parfait. Passons à votre déclaration.
M. McGovern : Merci, madame la présidente. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui. J'ai déjà eu l'honneur de témoigner devant votre comité par le passé et je sais que vous faites de l'excellent travail. J'ai, de fait, participé à votre étude sur l'Inde et la Chine et j'ai bien aimé cette expérience. Je sais que l'on parle beaucoup des Sénateurs ces jours-ci. Je me contenterai de dire que j'espère qu'ils remporteront la partie ce soir et que les séries éliminatoires se poursuivront à Pittsburgh.
Le rééquilibrage des pouvoirs politique et économique au profit de l'Asie fait ressortir l'importance pour le Canada d'élargir ses relations bilatérales et multilatérales dans cette région.
[Français]
Je parlerai de façon générale des efforts que le Canada déploie en Asie, puis mes collègues et moi répondrons avec plaisir à vos questions, et ce, de façon plus approfondie.
[Traduction]
D'après les estimations, l'ensemble de l'Asie représentera 50 p. 100 du PIB mondial d'ici 2050. À l'heure actuelle, on compte déjà plus d'entreprises Fortune 500 ayant leur siège social en Asie qu'aux États-Unis ou en Europe. Nos entreprises ont compris depuis longtemps, comme l'ont fait d'ailleurs nos principaux compétiteurs, que la diversification de nos échanges et de nos investissements dans cette région, qui connaît une urbanisation rapide et dont la classe moyenne est en expansion, est fondamentale pour assurer une prospérité continue. Les ministres Baird et Fast l'ont fait valoir dans leurs discours, que ce soit ici au Canada ou en Asie.
Le ministre Baird a d'ailleurs dit que renforcer l'engagement du Canada en Asie n'était pas un choix, mais plutôt un impératif.
[Français]
Pour la première fois au cours des dernières années, notre ministère, dans son Rapport sur les plans et priorités du ministre, lequel a été présenté au Parlement plus tôt ce printemps, énonce le renforcement de la présence économique et politique du Canada en Asie comme l'une de ses six priorités organisationnelles. Le Canada bénéficie déjà concrètement de la montée en puissance de l'Asie.
[Traduction]
Depuis 2006, les exportations canadiennes de marchandises vers l'Asie ont progressé de 57 p. 100, et les investissements directs bilatéraux ont enregistré une forte hausse. L'Asie est à l'origine de 59 p. 100 des étudiants étrangers au Canada et de 60 p. 100 des nouveaux immigrants. Les échanges d'étudiants et de touristes entre le Canada et l'Asie atteignent des niveaux sans précédent, et la coopération en matière de science et technologie ne cesse de s'intensifier.
De fait, moi-même et plusieurs de mes collègues arrivons tout droit d'un déjeuner et d'une table ronde avec le scientifique principal de la Chine, le directeur de l'Académie chinoise des sciences.
L'année dernière a été marquée par une série de réalisations sur le plan bilatéral avec nos principaux partenaires dans la région, à savoir la Chine et l'Inde. Avec la Chine, le Canada a signé un accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers et a réalisé une étude conjointe sur les complémentarités économiques. Le commerce bilatéral entre les deux pays a progressé de 7,7 p. 100 et se chiffre actuellement à 70 milliards de dollars, et la Chine dépasse maintenant le Royaume-Uni en tant que deuxième destination des exportations canadiennes. On observe également une hausse considérable des investissements chinois au Canada.
En ce qui concerne l'Inde, dans le cadre d'une visite officielle réalisée en novembre 2012 le premier ministre Harper a souligné l'importance d'un partenariat stratégique plus dynamique et fructueux. Parmi les ententes conclues entre le Canada et l'Inde, notons un arrangement visant à faire entrer en vigueur un accord en matière de coopération nucléaire qui aidera l'Inde à s'attaquer à ses pannes de courant chroniques.
D'autres relations sont également importantes pour le Canada, notamment ses relations matures et dynamiques avec le Japon, la Corée, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Nos relations en matière de commerce et de développement avec la Mongolie vont en outre en s'intensifiant. Nos liens avec les pays de l'ANASE ont également pris beaucoup d'importance au cours des dernières années, et nous consolidons nos acquis dans le cadre de ces relations.
Même dans une période où les ressources sont limitées, le Canada maintient, et augmente même, sa présence sur le terrain, comme en témoignent les 10 nouveaux bureaux établis en Chine et en Inde depuis 2006 et les nouvelles ressources consacrées à l'ANASE, dont notre toute première ambassade en Birmanie.
[Français]
Toutefois, il existe encore d'importantes possibilités d'expansion. Au moyen de la stratégie commerciale mondiale et du Service des délégués commerciaux du Canada, nous aidons les petites et moyennes entreprises de tout le pays, entreprises qui œuvrent dans un vaste éventail de secteurs, à accéder aux marchés asiatiques, en mettant à profit les capacités qui répondent aux besoins de l'Asie.
[Traduction]
L'intérêt que porte l'Asie aux ressources naturelles canadiennes et aux produits agricoles du Canada représente une occasion en or, non seulement pour accroître le commerce, mais aussi pour ouvrir des portes à de nombreux secteurs. Plus précisément, l'exportation éventuelle de produits énergétiques vers l'Asie à partir de notre côte Ouest aurait des répercussions considérables, qui permettraient d'améliorer nos balances commerciales et de stimuler nos investissements. Depuis 2006, nous avons signé neuf accords de libre-échange, mais pas un seul avec un pays d'Asie. Le gouvernement met en œuvre le programme commercial le plus ambitieux de l'histoire du Canada dans le but de changer cette situation.
En plus de mener activement des négociations visant la conclusion d'accords bilatéraux de libre-échange avec l'Inde, le Japon et la Corée, le Canada participe aux négociations du Partenariat transpacifique, lequel a le potentiel de devenir un mécanisme important d'intégration économique en Asie ainsi que de procurer des avantages considérables aux exportateurs et aux investisseurs canadiens.
Les membres du PTP, qui comprend maintenant le Japon, représentent un marché de 792 millions de personnes et un PIB combiné de 27,5 billions de dollars. Cela représente plus de 38 p. 100 de l'économie mondiale et près du quart du commerce mondial total.
Sachez par ailleurs que nos efforts vont au-delà de nos intérêts économiques. Comme l'ont démontré notre premier ministre et nos ministres lors de leurs nombreuses visites dans la région, le Canada oriente ses efforts économiques dans la région selon une approche multidimensionnelle.
[Français]
Malgré les exemples de réussite en Asie, le mandat de l'ACDI a toujours sa raison d'être. Au cours des deux dernières décennies, la pauvreté a diminué considérablement en Asie, qui demeure tout de même le continent où se trouvent les deux tiers des pauvres du monde.
Les infrastructures inadéquates et les institutions faibles ne sont pas en mesure de soutenir les économies de marché, d'attirer l'investissement étranger et de combattre la corruption, ce qui a pour effet de freiner le développement. Pendant de nombreuses années, le Canada a joué un rôle actif en Asie au chapitre de l'aide au développement et il compte des programmes bilatéraux en Indonésie, au Bangladesh, au Vietnam, aux Philippines et au Sri Lanka, ainsi qu'un programme régional visant l'Asie du Sud-Est.
[Traduction]
La promotion et la protection des droits de la personne font partie intégrante de la politique étrangère du Canada et constituent une priorité dans le cadre des relations que nous entretenons avec les pays asiatiques. Le Canada soulève régulièrement les questions de droits de la personne dans le cadre d'instances bilatérales et multilatérales et, dans le cas de la Corée du Nord, il impose un rigoureux régime de sanctions.
[Français]
Les sociétés libres, transparentes et ouvertes favorisent les possibilités de croissance économique à l'instar des marchés stables et sûrs dans des régions exemptes de conflit. La sécurité et la prospérité sont indissociables.
[Traduction]
Les menaces non traditionnelles à la sécurité dans des domaines tels que le cyberespionnage, le passage de clandestins, le crime organisé et le terrorisme ont une portée mondiale. La Chine s'affirme de plus en plus et devient une grande puissance militaire sur l'échiquier mondial. Les menaces traditionnelles, comme les disputes liées aux frontières territoriales et maritimes ainsi que la prolifération des armes, sont susceptibles de créer une grande instabilité aux échelles régionale et internationale et, par le fait même, de compromettre la sécurité des Canadiens au pays et à l'étranger.
Le programme de missiles balistiques et nucléaires de la Corée du Nord ainsi que les menaces continues à l'égard des États-Unis et de la Corée du Sud suscitent des préoccupations constantes. Le Canada est prêt à appuyer les mesures qui s'imposent et à travailler avec ses alliés pour attirer l'attention sur les horribles violations des droits de la personne qui se produisent en Corée du Nord. Le Canada œuvre à consolider ses relations en matière de sécurité et de défense dans la région de l'Asie-Pacifique au moyen de mécanismes bilatéraux et multilatéraux. Notre objectif est de faire en sorte que le Canada puisse remplir son rôle à titre de partenaire important dans le domaine de la sécurité, de manière à ce que d'autres nations puissent y avoir recours si jamais elles se trouvent en situation de détresse, et à ce qu'il soit également prêt à répondre aux besoins en matière de sécurité dans la région.
Reconnaissant l'importance grandissante des nouvelles institutions régionales, le Canada cherche également à devenir membre du Sommet d'Asie de l'Est et de la Réunion élargie des ministres de la Défense de l'ANASE, afin de compléter son rôle actuel au sein de l'APEC et du Forum régional de l'ANASE. Nous collaborons également avec nos principaux alliés afin de cerner des possibilités d'accroître notre présence dans une perspective d'intervention concertée. À cet égard, le Canada et les États-Unis ont intensifié leur dialogue au sujet de l'Asie. De plus, nous continuons à tirer des leçons des efforts que l'Australie déploie en vue de consolider ses relations en Asie.
[Français]
Pour conclure, je tiens à faire remarquer que cet aperçu général ne fait qu'effleurer les possibilités et les défis actuels que représente pour le Canada l'importance grandissante de l'Asie à l'échelle mondiale. Nous réalisons des progrès importants, mais beaucoup reste à faire, notamment pour ce qui est de mieux faire connaître l'importance grandissante de l'Asie auprès des Canadiens.
Je suis convaincu que votre étude apportera une grande contribution à cet égard.
[Traduction]
La présidente : Je suis certaine que les sénateurs ont de nombreuses questions à poser. Y a-t-il des aspects qui vous semblent plus susceptibles d'intéresser un comité sénatorial? Vous connaissez notre travail. Nous aurons peut-être avantage à concentrer nos efforts sur un aspect précis qu'il convient de faire connaître au public. Vos questions pourraient porter sur des connaissances générales, tout simplement, concernant les politiques et les pratiques du gouvernement dans la région.
M. McGovern : Permettez-moi de formuler un commentaire à titre personnel : le Canada cherche à étendre ses relations au-delà des États-Unis, et il est évident que nous sommes de plus en plus tributaires des marchés ouverts de l'Asie, que ce soit en Chine, en Indonésie ou en Inde, par exemple. Curieusement, un récent sondage semblait indiquer que plus on s'éloigne de la côte Ouest et moins les Canadiens sont conscients de l'importance de l'Asie comme partenaire économique. Dans l'est du pays, la population y est très peu sensibilisée.
Selon moi — et je signale que je suis aussi le délégué commercial en chef du Canada — ce n'est pas un jeu à somme nulle. Nous ne renonçons ni à l'Europe ni aux États-Unis, mais l'Asie est de plus en plus vitale pour la prospérité du Canada. C'est cette relation qui créera des emplois et assurera la prospérité dans les petites villes du pays, lorsque les pays riches de l'Asie achèteront non seulement nos ressources primaires, mais aussi des produits fabriqués au Canada.
La Chine a maintenant une classe moyenne formée de centaines de millions de personnes. La situation sera très bientôt identique en Inde. Je pense donc que ce manque de compréhension de l'Asie, du caractère essentiel de nos relations — et nous entretenons quelques relations clés avec des pays comme le Japon, des pays qui sont depuis longtemps nos partenaires et qui adhèrent aux mêmes valeurs que nous en matière de liberté, de démocratie, de droits de la personne et de primauté du droit — sera un facteur très important.
Les répercussions considérables auxquelles j'ai fait allusion relativement à l'exportation d'énergie sont vraiment importantes. Je sais que les sénateurs connaissent probablement bien la question, mais regardez ce qu'est le prix du gaz naturel à Tokyo et songez qu'après le terrible tsunami qui a suivi le tremblement de terre, le gouvernement du Japon a pris des décisions qui l'éloignent de l'énergie nucléaire. Le prix du gaz naturel par mètre cube au Japon dépasse les 15 $. Le prix du gaz naturel par mètre cube au Canada est d'environ 2,19 $.
Des occasions fantastiques se présentent, mais les pays asiatiques cherchent des sources sûres, fiables et durables d'énergie pour l'avenir. C'est un commentaire que je fais. Je parle à titre personnel, je l'ai dit, et j'aimerais savoir ce que les sénateurs pensent de cela.
Il me semble que cela se discute, et je crois que vous accueillez demain Yuen Pau Woo, de la Fondation Asie Pacifique. Évidemment, une des activités de la Fondation Asie Pacifique consiste à entretenir un dialogue au sujet de l'Asie. Dans ce contexte, les membres du comité, compte tenu du fait qu'ils sont bien informés, peuvent très valablement contribuer à faire mieux comprendre l'importance de l'Asie.
Le sénateur Downe : Je vous remercie de cet exposé. Vous avez certainement souligné nombre de questions et d'activités qui intéressent la région.
Étant donné ces nouvelles associations et ces alignements, que devient le rôle de certaines des instances établies depuis longtemps, comme l'APEC, par exemple? Est-ce que l'APEC a perdu de son importance? Évidemment, nous n'allons pas renoncer à en faire partie, mais comment cela s'inscrit-il dans les nouvelles initiatives en cours dans la région? Est-ce que cette organisation remplit un rôle de leadership?
M. McGovern : C'est une question fort intéressante, sénateur, et il n'est pas facile d'y répondre. Nous constatons que diverses architectures font leur apparition, et vous avez noté que j'ai mentionné le Sommet de l'Asie-Pacifique et la Réunion élargie des ministres de la Défense de l'ANASE. Je le répète, il s'agit là d'architectures émergentes importantes. L'APEC est un club dont il faut absolument faire partie. Il s'est fixé un objectif précis de libéralisation des échanges lors de la conférence de Bogor, et le libre-échange doit être instauré d'ici 2020.
Le problème, dans le cas de l'APEC, c'est que l'organisation repose sur le principe du consensus et qu'elle a donc énormément de difficulté à prendre des décisions pénibles. Elle offre toutefois une tribune où les dirigeants peuvent discuter des dossiers propres à l'Asie-Pacifique. Je pense que le Canada, en tant que pays limitrophe du Pacifique, doit faire partie de ces groupes qui discutent d'importantes questions. C'est pourquoi le premier ministre nous a demandé d'examiner le Sommet de l'Asie de l'Est, le SAE, mais je le répète : vous pouvez poser la question à n'importe qui, les opinions divergeront sans doute quant à l'importance actuelle de l'APEC et au fait que le centre se déplace vers le SAE.
Je le répète, l'APEC est intéressante puisqu'elle réunit la Chine et les États-Unis et qu'elle comprend aussi le Canada. J'ignore si mes collègues veulent ajouter quelque chose à ce sujet.
Le sénateur Downe : Parlez-moi du niveau de participation. Je n'ai pas suivi l'APEC depuis plusieurs années. Est-ce que tous les dirigeants se rendent à ses réunions? Est-ce que certains s'abstiennent ou envoient des remplaçants, des ministres, et cetera?
M. McGovern : Fait intéressant, la représentation de haut niveau est plutôt stable.
Le sénateur Downe : Vous voulez dire les dirigeants?
M. McGovern : Les dirigeants y assistent. Là encore, le véritable indicateur est la présence du président Obama, et il s'y rend. Je pense qu'il a manqué la dernière rencontre, mais les circonstances étaient particulières, je crois qu'il était en campagne électorale. On me dit qu'une manifestation importante appelée la Convention démocrate nationale se déroulait à ce moment, ce qui explique son absence, mais les autres dirigeants y étaient.
Répétons-le, l'un des éléments importants de ces rencontres, entre autres, c'est ce qui transpire en périphérie des discussions. Je sais que nos deux ministres et le premier ministre sont très actifs et ils organisent diverses rencontres bilatérales pendant la manifestation. Ils profitent pleinement de cette dimension.
Le sénateur Downe : C'est évident, si les dirigeants y assistent, c'est une tribune très utile pour les raisons que vous mentionnez, non seulement pour le programme principal, mais pour les rencontres secondaires qu'on peut y organiser.
En ce qui a trait à la nouvelle architecture émergente, comme vous l'appelez, ces associations... Laquelle offre le plus de promesses pour le Canada, en termes du rôle important qu'il pourrait y jouer et des manifestations qui l'intéresseraient, selon vous?
M. McGovern : Il y en a une que nous suivons de près actuellement, et le premier ministre nous a demandé de chercher à en devenir membre, et c'est le Sommet de l'Asie de l'Est. Le Sommet de l'Asie de l'Est a maintenant supplanté l'ANASE. L'ANASE, vous le savez, instaurera une union douanière intégrale en 2015. Pour l'instant, le SAE organise un sommet des dirigeants et il vient d'accepter la demande d'adhésion des États-Unis et celle de la Russie.
Quant à notre candidature, on nous a dit qu'il fallait attendre que l'organisation intègre ces deux nouveaux membres importants avant de pouvoir en admettre d'autres. Je le répète, un des facteurs pour le SAE vient de ce que l'APEC traite généralement de questions économiques alors que le SAE est plus axé sur la sécurité.
Cela dit, certains membres du Sommet de l'Asie de l'Est aimeraient que l'on parle d'économie comme de sécurité. Je le répète, c'est le genre de tension qui existe actuellement entre ces architectures émergentes, pour savoir qui s'imposera comme organe suprême, l'APEC ou le SAE. Pour l'instant, ce n'est pas clair; les deux sont pertinents et importants.
Je pense que le critère que vous avez utilisé, sénateur, c'est-à-dire la présence des dirigeants, compte tenu de leurs agendas très chargés, est utile. S'ils s'engagent à participer, alors les deux organisations sont pertinentes.
Le sénateur Downe : Est-ce que certains s'opposent à la participation canadienne au Sommet de l'Asie de l'Est?
M. McGovern : Non, mais la discussion que nous avons avec les membres de l'ANASE concerne l'engagement du Canada dans la région. Nous sommes considérés, dans une certaine mesure, comme un ami des beaux jours qui participe seulement de loin aux travaux de l'ANASE depuis plusieurs années. On nous dit que nous sommes les bienvenus, et nous recevons certainement beaucoup d'attention en haut lieu. Cela doit être soutenu. Nous devons nous engager à fond.
En ce qui concerne l'ANASE, notre problème principal, et une des raisons pour lesquelles nous ne nous pouvions par nous engager à fond, c'était la situation en Birmanie. N'oubliez pas que nous appliquions les sanctions les plus strictes au monde et que notre engagement était très limité. Comme la Birmanie était membre à part entière de l'ANASE, il nous était très difficile de collaborer avec le groupe.
Nous avons réalisé des progrès considérables depuis un an. Nous sommes heureux de ce qui se passe, et cela a permis un resserrement de nos liens avec l'ANASE.
Nous avons notamment signé un ACCI, un accord-cadre sur le commerce et l'investissement. Il s'agit d'un accord non exécutoire, mais il signalait que nous étions disposés à nous engager pleinement au sein de l'ANASE, et maintenant nous sommes pleinement engagés. Nous avons effectué bon nombre de visites ministérielles, le premier ministre est allé là-bas, mais à l'ANASE on considère que cela ne peut pas être seulement un feu de paille. L'organisme veut s'assurer de notre engagement à long terme, et je pense que c'est une attente légitime.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, monsieur le sous-ministre-adjoint McGovern, je suis très heureuse que vous comparaissiez devant notre comité et je souhaite la bienvenue à tous les membres de votre équipe.
À votre connaissance, est-ce que les entreprises canadiennes font face à une barrière quelconque qui nuirait au commerce bilatéral entre le Canada et les pays de la région de l'Asie-Pacifique?
M. McGovern : Il y a toujours des barrières. En effet, c'est une des grandes raisons pour laquelle on poursuit ce grand nombre d'accord de libre-échange. Par contre, il y a une petite différence entre, par exemple, nous et les États- Unis, qui ne favorisent pas des entrepreneurs canadiens.
C'est une des raisons pour laquelle nous sommes très agressifs maintenant avec la Chine, l'Inde, le Japon, la Corée. De plus, si nous regardons ce que nos entrepreneurs ont fait pendant les cinq dernières années, c'est très impressionnant, même avec des barrières. La Chine ce n'est pas un marché facile. Le taux des échanges entre nos deux pays a dépassé 70 milliards de dollars. La Chine est maintenant rendue le deuxième pays le plus important pour nous après les États-Unis.
Il faut qu'on soit toujours concurrentiel avec les autres pays parce que c'est toujours une bataille entre les pays pour des marchés. On a maintenant nos délégués commerciaux partout dans les marchés en Asie. On travaille très fort, surtout avec des PME. Les grandes boîtes n'ont pas beaucoup besoin d'aide ou d'assistance des gouvernements, mais pour les petites compagnies, il est important d'avoir quelqu'un sur place qui aide les entreprises pour trouver des occasions.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Personnellement, mes observations suite aux voyages que nous avons faits, je trouve que les relations avec certains pays de l'Asie ont fait de grands progrès et ont l'air aussi de s'intensifier. Personnellement, je pense qu'on a fait un grand pas en avant.
Par contre, il y a un extrait du rapport que je veux vous mentionner parce que cela m'a interpellé. Un rapport rédigé en 2011 pour le conseil commercial Canada-Chine et le conseil canadien des chefs d'entreprise par Wendy Dobson, professeure à la Rotman School of Management de l'Université de Toronto, soutient que les relations canadiennes avec l'Asie pêchent par manque de continuité et de cohérence stratégique. Elle dit qu'en Asie, on dit des Canadiens qu'ils sont certes présents dans la région, mais qu'ils ne se soucient pas d'établir des relations sérieuses à bien long terme. Il n'en a pas toujours été ainsi. Dans le passé, nous avons su tisser de solides rapports bilatéraux avec le Japon et la Chine et avons contribué à des programmes d'aide internationale en Inde, en Malaisie et en Thaïlande. Le Canada a aussi fortement appuyé l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est dans les années qui ont suivi sa fondation en 1967.
On peut dire que nos relations commerciales actuelles avec l'Asie sont caractérisées par une approche au coût par coût, qui ne repose sous aucune stratégie visant à développer à la fois des liens avec l'Asie et la marque Canada. J'ai été bouleversée en lisant cela.
J'aimerais avoir votre opinion sur cette observation. Est-ce que vous vous êtes d'accord avec cela?
M. McGovern : Évidemment, je ne suis pas d'accord avec le rapport. Je vais laisser la parole à mes collègues pour qu'ils puissent répondre à une autre partie de votre question. Nous avons eu des relations avec des pays en Asie, qui sont des relations très importantes pour le Canada, il y a 50 ou 60 ans. Pour remarquer qu'il n'y a pas de plan ou de vision, ce n'est pas juste.
Cela étant dit, je peux vous dire qu'avec des changements dans le monde actuel, l'Asie représente maintenant globalement une puissance importante, si on inclut la Chine, l'Inde, l'Indonésie et d'autres pays. Alors nous sommes comme les Américains, où on parle d'un pivot vers l'Asie et nous sommes en train de faire la même chose. On n'est pas si différents des Américains. On a pensé, au ministère, que si on parle de ce qu'on fait, il faut utiliser soit un terme de hockey ou de patinage sur glace. On est peut-être en train de faire un triple saut vers l'Asie. On est maintenant en train de mettre toutes nos relations ensemble pour créer effectivement une stratégie pour l'Asie.
Le premier ministre et le ministre Baird aussi dans leurs discours ont annoncé une vision sur l'Asie. Madame Dobson, a remarqué que nous ne comprenons pas l'Asie, ce n'est pas juste. On a toujours été engagés.
Je peux laisser la parole à M. Nankivell pour parler de la partie d'aide au développement qui est toujours très importante en Asie et très bien connue, la marque de notre développement.
Jeff Nankivell, directeur général régional, Asie, Direction générale des programmes géographiques, Agence canadienne de développement international : Je peux ajouter quelques mots à ce que M. McGovern vient de dire. En parlant des programmes de l'ACDI, les programmes actuels et les programmes récents, on peut dire que nous avons une stratégie cohérente dans la région qui met l'emphase surtout sur la croissance économique durable parce que c'est une région qui a maintenant subi une croissance pas mal forte dans la plupart des pays dans la région. Toutefois, dans tous les pays, il reste encore des populations pauvres; la majorité des gens pauvres, cela veut dire des gens qui vivent sous le niveau international de 1,25 $ par habitant par jour, reste encore en Asie.
Malgré une croissance économique rapide qu'on retrouve partout dans la région, il reste un défi de réduction de pauvreté, mais à part quelque pays comme le Bangladesh et les pays de l'Asie du Sud, il est plutôt question de fournir une aide qui soutient la croissance économique. On parle très peu maintenant des programmes d'assistance humanitaire sauf pour les désastres naturels. Cependant on n'a pas les conditions comme on trouve en Afrique où on donne beaucoup d'aide pour la nourriture et les besoins fondamentaux. C'est plutôt une question de travailler avec les institutions qui sont les fondements de la croissance économique.
On a toujours des programmes majeurs dans des pays, en Indonésie, au Vietnam, au Bangladesh et des programmes plutôt modestes dans les Philippines, au Sri Lanka. On est en train de travailler avec les gens en Mongolie sur un programme à petite échelle mais très ciblé sur la croissance économique. C'est une politique qui répond aux changements de l'Asie dans cette période. On reste toujours un bailleur de fonds majeur dans les pays où on est actuellement avec ce qu'on appelle les programmes pays, les programmes de pays à pays.
Artur Wilczynski, directeur général, Direction générale de la sécurité et du renseignement et sous-ministre adjoint, Sécurité internationale, Afrique, Amérique latine et les Antilles (intérim), Affaires étrangères et Commerce International Canada : La seule chose que je veux ajouter, c'est que le dialogue sur la sécurité avec l'Asie-Pacifique est une partie importante de la stratégie globale. On a des dialogues ciblés avec certains pays clés comme le Japon, la Chine, la Corée. On a des relations privilégiées avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande sur la question de la défense et du renseignement. On travaille du côté multilatéral sur les questions du terrorisme, des conflits maritimes dans le contexte d'institutions multilatérales de la région. Cela fait partie d'une stratégie intégrée qui inclut l'économie, le développement et la sécurité comme une partie intégrale de notre approche vis-à-vis l'Asie.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Merci de vos réponses positives. S'il y a un deuxième tour, j'aimerais poser une brève question.
Le sénateur Dawson : Monsieur McGovern, vous avez parlé de nos études antérieures sur la Chine et l'Inde. Vous arrivez tôt dans le processus de cette étude. Si vous aviez à nous donner un peu d'encadrement, soit sur la géographie, soit sur ce que devrait porter notre étude parce que le sujet est très large, si vous aviez un peu de paramètres géographiques à nous donner sur ce qu'on devrait prioriser, je pense que le comité apprécierait le conseil.
Deuxièmement, sur certains sujets que vous avez soulevés dont les échanges étudiants, si quelqu'un de votre équipe pouvait nous donner un peu l'ampleur des échanges étudiants. Je crois comprendre que c'est maintenant une rue à deux sens, qu'il y a beaucoup de gens de l'Asie-Pacifique, qui viennent étudier au Canada et qu'il y a de plus en plus de Canadiens qui, au postsecondaire ou post-universitaire, vont étudier en Asie-Pacifique.
Si on vise trop large, dites-nous-le et on va essayer de trouver un mandat plus facile à accomplir : l'aviation. J'ai le défaut d'être le président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications et je reviens souvent sur les sujets de l'aviation. Il y a une faiblesse évidente en ce qui concerne les relations du Canada avec les pays de l'Asie-Pacifique sur le « supposed open sky ». Nous ne sommes pas dans une situation où nous donnons véritablement accès aux pays asiatiques à notre marché, en particulier la côte du Pacifique.
Que pensez-vous que le gouvernement canadien devrait faire pour essayer d'encourager cela? Parce que par définition, cela augmente le tourisme et les échanges économiques. Toutefois, plus on restreint cette ouverture, moins on aura d'opportunité économique.
Je vous ai posé trois ou quatre questions. Je ne reviendrai pas au deuxième tour.
M. McGovern : Merci beaucoup. Je commence avec la première question. Si j'ai des conseils pour le comité, je note que vous avez très bien travaillé sur la Chine et l'Inde et nous l'avons beaucoup apprécié. C'est une partie importante du dialogue sur ces deux marchés importants.
[Traduction]
Quel sera notre prochain groupe de relations émergentes en Asie? Est-ce que ce sera avec le Vietnam? Je songerais certainement à l'engagement de l'Indonésie, peut-être avec des pays qui connaissent des situations importantes comme la Birmanie.
Je pense que nous sommes assez étonnés de ce qui a transpiré en Birmanie, et je ne peux pas m'empêcher de me demander si cela est réel et si cela est viable. Pour l'instant, nous sommes d'avis que c'est un changement véritable.
Il serait bon que le comité se penche sur la question, parce qu'en ce qui concerne la Birmanie, ce qui a transpiré c'est que la première dimension doit être la régularisation de la situation politique et diplomatique du pays. Le deuxième aspect se rapporte à la création des conditions nécessaires pour un développement économique durable.
C'est probablement une occasion qui s'offre, mais à quoi ressemblera-t-elle? Il serait bon d'y réfléchir, je crois.
[Français]
C'est dans ce sens que je propose un créneau important que le comité pourrait étudier, si vous êtes du même point de vue.
On a d'autres relations très importantes en Asie, à part la Chine et l'Inde. Je ne touche pas aux pays matures comme nous, le Japon, la Corée, qui sont très importants pour le Canada.
Je laisse cela comme cela et je vais demander à Mme Termorshuizen de parler au sujet de votre question sur les étudiants.
Cindy Termorshuizen, directrice générale (intérim), Asie du Nord, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Je peux donner l'exemple de la Chine. Maintenant, au Canada, nous avons environ 80 000 étudiants d'origine chinoise dans nos universités mais aussi dans d'autres écoles. C'est environ un quart de nos étudiants de l'étranger. Donc, c'est un pourcentage assez grand.
Quand on voit les étudiants canadiens en Chine, le nombre est assez petit. C'est environ 3 400 étudiants. Donc, c'est un nombre assez petit.
Il y a peut-être des questions qu'on peut poser au sujet des étudiants canadiens : pourquoi ne veulent-ils pas étudier à l'étranger? Est-ce qu'il y a des barrières pour les Canadiens qui veulent étudier en Asie? Quelle est l'importance d'étudier en Asie pour les étudiants canadiens pour notre prospérité?
Donc, c'est une question très importante, à mon avis, quand on parle de notre prospérité.
Le sénateur Dawson : Et Blue Sky?
M. McGovern : Avant de toucher au ciel bleu. Si je peux ajouter, il y a 250 000 étudiants qui étudient ici au Canada, qui viennent de l'étranger et dont un quart vient de la Chine. Malheureusement, le nombre de Canadiens dans l'autre direction est très faible. Il faut que nos étudiants regardent comme un élément de leur éducation qu'étudier à l'étranger est important, surtout dans un monde où la mondialisation est importante.
Je note que le Dr Chekma, qui a fait une étude pour les ministres Fast et Flaherty sur l'éducation internationale, a noté dans son rapport qu'un élément important est le fait que les étudiants canadiens étudiaient à l'étranger non seulement en Asie, mais partout dans le monde pour mieux comprendre les conditions qui prévalent dans le monde. C'est important pour le Canada sur le plan concurrentiel avec les autres pays. Maintenant, voyons le Blue Sky Policy.
[Traduction]
Marvin Hildebrand, directeur général, Direction générale des négociations commerciales, Affaires étrangères et Commerce international Canada : En ce qui concerne la politique Ciel bleu, elle encourage depuis 2006 la création ou le développement de services aériens à long terme, viables et compétitifs, tant pour les voyageurs que pour les expéditeurs, pour répondre aux besoins de l'industrie touristique et des entreprises du Canada.
En vertu de cette politique, le Canada continue de libéraliser de façon proactive les marchés bilatéraux du transport aérien et il cherche à négocier des ententes Ciel bleu réciproques dans les cas où cela répond aux intérêts du Canada.
En Asie, en particulier, je peux vous dire que depuis deux ou trois ans nous avons modernisé nos ententes en matière de transport aérien avec la Chine et le Japon ainsi qu'avec l'Inde, l'an dernier, et la Corée en 2007. Nous avons également des ententes sur le transport aérien avec divers petits partenaires en Asie-Pacifique, notamment la Malaisie, Singapour, les Philippines, le Vietnam, la Thaïlande et l'Indonésie.
Pour ce qui est de la politique commerciale, nous considérons tout ce domaine des accords sur le transport aérien comme un lien important, un complément important de la libéralisation des échanges, car ils facilitent l'accès aux marchés. Les aspects logistiques qui permettent de tirer parti de ces accords sont également très importants. Le transport aérien n'est peut-être qu'un élément parmi d'autres, mais c'est sans aucun doute un élément important. Donc, nous considérons tout ce domaine comme parfaitement complémentaire à ce que nous faisons ailleurs en matière d'accès au marché et de libéralisation des échanges.
La présidente : J'ai une question de suivi au sujet de l'éducation, et elle pourrait s'adresser à vous ou à nos recherchistes. On nous dit toujours que l'éducation est un levier, avec le commerce et l'investissement, et que l'éducation est bonne non seulement pour les étudiants et pour l'éducation, mais aussi pour notre bien-être à long terme. Est-ce que nous avons des statistiques quelque part, ou devons-nous nous adresser à l'AUCC pour obtenir des statistiques? Combien d'étudiants restent dans la province d'où ils viennent, combien vont dans une autre province et combien vont outre-mer?
Je le mentionne, parce que pendant longtemps notre pays a offert des encouragements aux étudiants pour qu'ils restent dans leur propre province. Ils étaient considérés comme une ressource. Nous avons ensuite tendu la main aux autres provinces; le fait de quitter la Saskatchewan pour aller au Québec était pratiquement révolutionnaire. Depuis peu, nous envisageons l'éducation étrangère d'une façon différente, c'est un atout pour la compréhension interculturelle, encore importante, mais il y a beaucoup d'autres facteurs.
La question de l'éducation revient constamment dans nos rapports, mais il serait bon que nous ayons certaines statistiques comparatives, pour savoir de quoi nous parlons exactement. Vous nous en avez fourni quelques-unes sur l'Asie. Si vous avez des données qui nous aideraient à cet égard... et j'aimerais que nos recherchistes s'y intéressent eux aussi... Je ne dis pas dans l'immédiat, mais quand vous en trouverez.
M. McGovern : Nous pouvons vous fournir des documents détaillés sur les étudiants étrangers au Canada. Pour ce qui est du volet national, nous pourrions aussi vous trouver de l'information, si vous le désirez.
La présidente : C'est bien, nous la chercherons nous-mêmes. Si vous pouvez nous fournir les renseignements qui relèvent de vous, cela nous serait utile. Merci.
Le sénateur D. Smith : Au cours de ma vie, j'ai été témoin de la véritable explosion de l'influence de l'Asie sur l'économie mondiale. La première fois que je suis allé là-bas, c'était en 1969. Je me trouvais en Union soviétique et je me suis rendu jusque dans la région asiatique, mais l'action était toute du côté européen. Je me souviens de l'attitude condescendante avec laquelle on parlait de la Chine à l'époque, alors que maintenant, je crois que la situation s'est totalement renversée.
Quelque chose m'intrigue, à la page 3 de votre mémoire, dans le premier paragraphe, vous dites que nous avons conclu neuf ententes de libre-échange depuis 2006, mais aucune avec un pays d'Asie. Est-ce qu'il y a une façon de faire, une situation particulière, peut-être même quasi générique, qui fait qu'il est plus difficile de conclure une entente en Asie qu'ailleurs dans le monde? Pourquoi n'avez-vous pas réussi à franchir le fil d'arrivée et à conclure un accord de libre-échange avec un pays d'Asie?
M. Hildebrand : En ce qui concerne le plan de stimulation du commerce du gouvernement, qui a récemment été renforcé par le Plan d'action économique et le budget 2013, le programme commercial actuel est certainement le plus vaste de notre histoire. Il se déroule essentiellement dans la sphère bilatérale et régionale et il met un accent assez marqué sur l'Asie. Dans la déclaration préliminaire, nous avons rapidement énoncé les initiatives en cours, et une ou deux autres en sont à la phase exploratoire. Par ailleurs, nous avons conclu des traités d'un autre type, les accords de promotion et de protection de l'investissement étranger, avec divers pays d'Asie et nous participons encore à des négociations dans le but d'en conclure d'autres.
Pour ce qui est de votre question sur la difficulté de conclure des négociations dans la région de l'Asie-Pacifique, il n'y a pas de réponse simple. Le fait est que nous avons entamé il y a seulement 14 mois des négociations bilatérales avec le Japon en vue de conclure un accord de libre-échange, mais c'est un objectif que nous poursuivons depuis des années. La situation a changé au Japon, il y a deux ou trois ans, à la suite du séisme. Le pays a énormément modifié sa position et il est maintenant en pourparlers avec l'Union européenne. Il est sur le point de devenir membre du Partenariat transpacifique et il participe aussi à des discussions trilatérales avec la Chine et la Corée. C'est une initiative qui vient de démarrer. La Corée, c'est une autre histoire. Elle présente des défis particuliers sur le plan temporel ainsi qu'en raison du fait qu'elle participe aussi à d'autres négociations. Récemment, elle a traversé une période de transition politique, et les élections ont retardé encore un peu plus les choses.
Il n'y a pas de réponse simple. Essentiellement, il n'est jamais facile de conclure un accord de libre-échange, et cela vaut aussi pour la région de l'Asie-Pacifique. Toutefois, je peux vous dire que le gouvernement accorde énormément d'importance à ces négociations à l'heure actuelle et concentre ses efforts sur les initiatives qui ont été mentionnées. La conclusion de ces négociations constitue une priorité plus élevée que leur lancement.
Le sénateur D. Smith : J'ai le sentiment qu'il existe quelques problèmes de fond. J'ai eu la chance d'aller en Chine à 10 reprises au cours des 40 dernières années, et chaque fois je constate une différence incroyable.
Je ne peux pas résister à la tentation d'utiliser ma dernière question pour aborder un sujet qui m'intrique, comme la présidente le sait bien. En règle générale, on considère que la Corée du Nord, sous la férule du petit-fils du grand dirigeant Kim Il-sung, se comporte de façon à déclencher des problèmes militaires. Sur le plan économique, le pays n'a aucune importance, mais il faut peut-être se préparer à répondre à un hurluberlu qui a le doigt sur la gâchette. Pensez- vous que ce sont simplement des menaces en l'air, ou est-il possible que la situation dégénère vraiment? Donnez-nous votre avis?
M. McGovern : Le gouvernement, vous le pensez bien, est très inquiet de ce que l'on sait de la situation en Corée du Nord. Il est difficile d'évaluer quels motifs sont à l'origine de ce comportement, et le gouvernement condamne avec la dernière des énergies ce qui se passe là-bas. C'est un pays où les droits de la personne sont systématiquement violés. C'est un pays dont la population est affamée. On peut vraiment s'interroger sur ce que pense son nouveau dirigeant quand on voit ce qu'il affiche sur YouTube.
Cela est très inquiétant et préoccupe aussi nos alliés, la Corée du Sud, le Japon et les États-Unis. N'oublions pas que le Canada, techniquement, est toujours en guerre avec la Corée du Nord. Nous ne pouvons pas exprimer plus clairement notre réprobation au sujet de cette situation. C'est extraordinairement inquiétant. Je vais laisser Mme Termorshuizen vous en parler elle aussi.
Mme Termorshuizen : Je n'ai pas grand-chose à ajouter. La situation est vraiment inquiétante. Il est très difficile de comprendre exactement ce que pense le dirigeant coréen. Selon moi, toutefois, il est sans doute encourageant de constater que depuis deux ou trois semaines la Corée du Nord fait quelques efforts pour se rapprocher de ses principaux voisins, notamment le Japon et la Chine. De fait, selon certains médias, et vous les avez sans doute vus, le gouvernement coréen aurait même dépêché un émissaire en Chine. Nous suivons très attentivement la situation, parce que la façon dont la Corée du Nord communique avec ses voisins est d'une importance critique pour déterminer ce qui se passe.
Le sénateur D. Smith : Autrefois, quand on allait en Chine, on ne pouvait tout simplement pas parler de la Corée du Nord. Par contre, la dernière fois que je suis allé là-bas, il y a 15 mois environ, c'était très différent. Les Chinois n'ont rien dit, mais si vous abordiez la question de la Corée du Nord, ils étaient... vous ne pouviez pas les citer, mais ils étaient...
La présidente : Notre séance n'est pas télévisée, aujourd'hui, alors il est difficile de décrire vos mimiques.
Est-ce que vous voulez répondre, ou devons-nous passer à la prochaine question?
La sénatrice Ataullahjan : J'ai plusieurs questions, mais je pense que la présidente m'autorisera à en poser seulement deux. Je peux, oui?
La présidente : Allez-y, nous verrons ensuite.
La sénatrice Ataullahjan : Premièrement, nous parlons généralement de l'Asie-Pacifique dans son ensemble, mais il s'agit en fait d'un groupe de nations distinctes. Il y a de grands pays comme la Chine, l'Inde et l'Indonésie, et de petits pays prospères comme la Corée du Nord, le Vietnam et la Thaïlande. Nous ne pouvons pas vraiment considérer cette région comme un bloc; il nous faut examiner la dynamique interrégionale. Comment définiriez-vous la région et quel modèle proposez-vous pour aborder cette diversité?
M. McGovern : Je pense que vous soulevez un point important. L'Asie n'est pas un monolithe. Elle réunit des régions très différentes que l'on peut délimiter sur les cartes. Évidemment, à une extrémité il y a la Chine, et vous avez aussi mentionné l'Inde. Il y a des économies pleinement développées qui ont les mêmes valeurs démocratiques que nous, notamment en Corée, au Japon et à Taïwan. Vous avez un bloc émergent, l'ANASE, avec ses neuf ou 10 pays. Vous avez aussi l'Océanie, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui sont très étroitement alignées avec nous. Nous ne pouvons donc pas appliquer une approche unique à toutes nos relations avec les pays d'Asie.
Nous essayons donc de nous aligner là où nous distinguons des possibilités pour le Canada en termes de promouvoir notre programme de prospérité tout en respectant les relations relativement anciennes et historiques du Canada.
N'oublions pas que le Canada a reconnu l'Inde, le Pakistan et le Sri Lanka dès le premier jour de leur indépendance. Nous sommes présents là-bas depuis très longtemps. Le plan Colombo est l'une des grandes réalisations de l'aide canadienne au développement. Vous tous, vous voyagez et vous rencontrez des cadres supérieurs des gouvernements de la région, et il est fort probable que ces cadres ont étudié au Canada et qu'ils nous sont éternellement reconnaissants de cette occasion que notre pays leur a offerte et du rôle important que nous avons joué pour soutenir les débuts de l'indépendance d'un grand nombre de pays, dont certains sont membres du Commonwealth.
Je le répète, il existe de nombreuses régions et nous gérons de nombreuses relations distinctes dans le contexte de l'Asie. Vous avez raison, on ne peut pas simplement parler de l'« Asie ».
La sénatrice Ataullahjan : Je m'inquiète de la situation des droits de la personne dans certains pays de la région. Nous avons vu récemment le cas des travailleurs du vêtement, au Bangladesh. Nous sommes témoins du traitement qui est réservé aux chrétiens et aux musulmans au Myanmar, en Birmanie. Lorsque nous discutons avec ces pays de nos intérêts politiques et commerciaux, est-ce que nous pouvons en même temps promouvoir les droits de la personne?
M. McGovern : La question des droits de la personne est toujours au premier plan du programme gouvernemental. Nos ministres et le premier ministre n'hésitent jamais à faire état de leurs préoccupations en matière de droits de la personne. D'une certaine façon, la diplomatie se fait en deux temps : il faut promouvoir nos intérêts et promouvoir nos valeurs. Ces valeurs de liberté, de démocratie, de respect des droits de la personne et de primauté du droit, elles sont importantes pour le gouvernement et elles sous-tendent toujours nos conversations à l'étranger.
Cela est fort intéressant. Dans certains des endroits où nous entretenons des relations très importantes, nous intervenons avec discrétion, et personne n'en parle. Par contre, en Indonésie, le plus grand pays musulman au monde, nous poursuivons à la demande même du gouvernement de l'Indonésie un dialogue interconfessionnel destiné à faire connaître les valeurs de modération et de tolérance qu'incarne le Canada. C'est une initiative issue d'un programme que l'ACDI finançait au centre islamique de l'Université McGill. Nous pilotons des initiatives de ce genre, nous en avons tout un éventail pour l'ensemble de nos relations.
Ces discussions ne sont pas toujours faciles. Il n'est jamais facile de parler de droits de la personne en Chine, mais quand un ministre ou le premier ministre se rendent dans ce pays, ils abordent toujours la question. Nous le faisons avec respect, mais nous le faisons. Nous n'hésiterons jamais à faire état de nos préoccupations.
Mme Termorshuizen : Pour ce qui est de la Chine, c'est très vrai. Nous menons un grand nombre d'activités dont le public n'a pas toujours conscience, mais nous collaborons régulièrement avec les dissidents. Nous travaillons avec des pays aux vues similaires, par exemple, pour suivre le déroulement des procès et certains dossiers relatifs à des défenseurs des droits de la personne. Il y a tout un secteur d'activité qui vient compléter les discussions que nous tenons avec les dirigeants et les ministres chinois sur ces questions, c'est un volet essentiel de nos relations avec la Chine.
[Français]
Le sénateur Nolin : Monsieur McGovern, est-ce que j'ai bien compris que vous en étiez à élaborer une stratégie pour le Canada en ce moment ou est-ce un fait accompli?
M. McGovern : On travaille sur une stratégie pour le gouvernement qui est un aspect de la politique étrangère. Il y a une stratégie de politique étrangère. Un élément de ce plan, c'est la stratégie sur l'Asie.
Le sénateur Nolin : Quels sont les principes directeurs sur lesquels vous vous êtes arrimés pour développer cette stratégie? Vous allez peut-être dire que vous ne pouvez pas en parler parce que le gouvernement n'a pas donné son aval à cette stratégie, mais vous devez avoir une idée des principes directeurs.
M. McGovern : Les éléments du plan ont été discutés lors de la déclaration que j'ai faite au comité. On note que l'Asie est importante pour la prospérité ici au Canada. Pour l'avenir de nos petits villages et de nos villes, l'Asie est un marché pour nos produits à l'avenir. C'est un point important. Avec cela, cela ne peut pas être un sens unique, il y a aussi un élément qui touche à la sécurité. Quel est l'engagement du Canada sur le plan de la sécurité avec nos partenaires? C'est un aspect aussi. Ce sont les deux côtés de la médaille : prospérité et sécurité. Nous élaborons cela.
Si on regarde cela comme un parapluie, en dessous, il y a des relations très importantes avec des régions et des pays. On a un volet qui touche à la Chine puis l'Inde. Il y a aussi un élément qui touche au Siam. Il y a aussi un partenariat avec la Corée et le Japon. En gros, c'est cela, sans élaborer.
Le sénateur Nolin : On va vouloir élaborer un peu plus. Comment cerner cette question sécuritaire? On a le modèle avec l'Atlantique, qui est bien connu de nous, on a un modèle qui nous a bien servis d'ailleurs. Comment le cerner avec l'Asie-Pacifique? Est-ce qu'on doit commencer par identifier nos partenaires majeurs et s'arrimer sur leur préoccupation sécuritaire? Quels sont nos préoccupations prioritaires? J'essaie de comprendre, de développer un modèle. Cela fait partie du mandat que l'on s'est donné.
M. Wilczynski : La sécurité fait partie intégrale de notre approche. Pour nous, on a déjà identifié certaines menaces dans la région qui sont très près de nos intérêts. On doit cibler ces menaces pour les attaquer. Cela inclut le terrorisme, les conflits frontaliers dans la région, l'immigration illicite dans la région, les menaces de la cybersécurité. Pour le Canada, c'est important de travailler avec les partenaires déjà bien établis comme le Japon, la Corée, les partenaires de l'Océanie, l'Australie et la Nouvelle-Zélande pour s'attaquer à ces problèmes. Il y a déjà une architecture régionale multilatérale où on est impliqué. Il faut rester ciblé sur nos intérêts.
[Traduction]
Permettez-moi de dire quelques mots au sujet de nos intérêts en matière de sécurité. Nous voulons prouver que nous ne sommes pas des amis volages, que notre pays est déterminé à collaborer avec ses partenaires régionaux et avec ses alliés pour contrer ces menaces, les éloigner des rives canadiennes et les régler d'une façon qui respecte les intérêts de nos partenaires dans la région, pour faire ressortir le caractère global et intégré des relations qui complètent nos intérêts économiques dans la région.
[Français]
Le sénateur Nolin : J'aime bien votre réponse, mais j'essaie de cerner comment, de façon plus précise, est-ce qu'on devrait tenter de développer un accord régional en matière de sécurité ou avoir une approche sécuritaire vraiment bilatérale avec chacun? Je comprends que l'on a des partenaires majeurs avec qui nous avons des relations très sophistiquées, entre autres, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Est-ce qu'on devrait avoir une approche globale avec tout ce monde ou maintenir une approche plus personnalisée bilatérale?
M. Wilczynski : Je ne pense pas que l'on peut comparer la région du Pacifique avec celle de l'Atlantique. Nous avons une alliance très précise, l'OTAN, depuis plusieurs décennies. Cela reprend un peu le commentaire de la sénatrice Ataullahjan qui parlait de la diversité de la région Pacifique. Nos relations avec certains partenaires comme le Japon et la Corée sont très différentes de celles avec la Chine au point de vue de la sécurité.
On doit cibler chacun des partenaires et utiliser l'architecture de sécurité de la région de façon à promouvoir nos propres intérêts. Dans le contexte de l'Asie-Pacifique, je ne crois pas qu'on puisse adopter une approche aussi intégrée que celle adoptée dans le contexte transatlantique.
Le sénateur Nolin : Merci.
Le sénateur Robichaud : Concernant une question posée par l'honorable sénatrice Fortin-Duplessis au sujet des droits de la personne, j'aimerais que vous nous parliez des conditions de travail qui prévalent au Bangladesh. Dans votre présentation, vous dites que l'ACDI a toujours un rôle à jouer dans cette région où on compte les deux tiers des pauvres de la planète.
Lors de la catastrophe qui s'est produite au Bangladesh dans une usine de confection de vêtements, les gens ont été choqués de voir que le Canada importait des produits fabriqués dans des conditions qui sont atroces. Avec ce que j'ai vu à la télévision, je me dis que les employés de ces usines étaient traités comme des esclaves. Quelle mise en garde fait- on lorsque vient le temps de commercer avec des industries de ce genre?
M. McGovern : Je vais d'abord demander à M. Nankivell de vous parler de l'aide au développement puis, ensuite, M. MacArthur prendra la parole.
M. Nankivell : En ce qui a trait à l'aide au développement, c'est une question très sérieuse. Les conditions de travail pour l'ACDI, dans nos programmes pays on n'a pas eu beaucoup de projets dans la région en cette matière, mais il faut tenir compte des programmes multilatéraux auxquels le Canada donne son appui à travers des organisations comme l'Organisation internationale pour le travail, la Banque mondiale et la Banque asiatique.
Pour nos programmes directs, au Bangladesh on avait déjà quelques projets sur le développement des capacités pour l'emploi, des projets de formation ou des projets qui touchent le système de formation technique au Bangladesh, et dans lesquels on a toujours des éléments reliés aux conditions de travail, par exemple des programmes de formation et sur la sécurité des ouvriers au travail.
Évidemment, depuis ces événements récents, nous cherchons des opportunités pour développer de nouveaux programmes en partenariat avec les organismes locaux et internationaux ainsi qu'avec le secteur privé domestique et international.
Le choc mondial a été profond et on espère que cela produira une volonté politique de la part de plusieurs intervenants de développer de nouvelles approches ou d'approfondir les approches actuelles. Nous sommes présentement à la recherche d'opportunités pour de nouvelles initiatives. Nous examinons nos projets actuels au Bangladesh pour voir s'il n'y aurait pas davantage d'opportunités d'élargir tout ce qui traite des conditions de travail dans les usines.
Dans d'autres pays, comme par exemple la Chine, on avait des programmes avec des organisations internationales et avec des organisations canadiennes sur la santé au travail. Nous avions un projet à Chongqing, à l'intérieur de la Chine, et nous travaillions avec les autorités locales et nationales sur le système et les institutions qui sont responsables des conditions de travail.
Évidemment, ce fut un grand défi et le Canada n'a pas joué un grand rôle en Chine en cette matière, mais nous avons collaboré avec des partenaires internationaux pour apporter notre expertise sur ce que fait le Canada et nous avons partagé cela avec des partenaires en Asie.
D'ailleurs, cela fait partie intégrante de tous nos projets sur la croissance économique durable. Nous suivons les standards internationaux relatifs aux conditions de travail. Cela fait partie de notre analyse avant de commencer un projet et cela fait également partie du suivi des projets en cours et des évaluations de fin de projets.
Peter MacArthur, directeur général, Direction générale de l'Asie du Sud et du Sud-Est et de l'Océanie, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Je vais citer le cas du Bangladesh. Je viens de rencontrer l'ambassadeur du Bangladesh ce matin pour faire le bilan d'une visite récente par l'industrie canadienne, appuyée par l'ambassade du Canada à Dakar.
Des représentants de compagnies de haut niveau ont rencontré le ministre du Travail, le ministre du Commerce, l'Organisation internationale du travail, les Nations Unies, d'autres gouvernements occidentaux, mais aussi l'industrie du Bangladesh y compris des propriétaires d'usines, dans ce cas l'industrie du vêtement.
Il y a un fait important : l'ambassade du Canada a déjà distribué des centaines d'exemplaires d'un livre, dans la langue du Bangladesh, qui traite de la responsabilité coopérative sociale appliquée dans l'industrie du textile pour le Bangladesh. Cela a été très apprécié par nos partenaires là-bas. Des compagnies ont décidé de protéger les trois millions de travailleurs, surtout des femmes, qui gagnent leur vie grâce à cette industrie.
Une compagnie a signé un accord avec d'autres compagnies occidentales pour renforcer la vigilance sur le plan de la structure des usines au Bangladesh. Cela vous donne une idée du travail que fait notre ambassadeur basé à Dakar.
Le sénateur Robichaud : Lorsque les produits arrivent au Canada, est-ce qu'on cherche à savoir de quelle façon ils sont fabriqués, d'où ils viennent et quelles sont les conditions de travail des gens qui les ont fabriqués?
Parce qu'une fois les produits arrivés et placés sur les tablettes, l'intermédiaire de vente a déjà fait son profit. Il est trop tard pour agir et on n'a pas d'influence sur le pays exportateur. Est-ce qu'on tient compte de tout cela?
[Traduction]
M. Hildebrand : J'ai deux ou trois commentaires à faire au sujet des accords de libre-échange. Cela s'inscrit dans la présente discussion et vient renforcer le point exposé précédemment en ce qui concerne l'importance que le Canada accorde à tout ce domaine.
Vous savez que les accords de libre-échange du Canada comprennent plusieurs éléments pertinents — des mentions des droits de la personne dans le préambule, des renvois préambulaires à la responsabilité sociale et aux ententes parallèles sur le travail et l'environnement qui accompagnent généralement nos accords de libre-échange. Les accords de coopération sur le travail qui figurent dans nos trousses d'ALE sont importants, parce qu'ils forcent les deux parties à respecter et à reconnaître leurs engagements auprès de l'Organisation internationale du travail, l'OIT. Ils prévoient un programme de coopération entre les parties pour mieux faire les choses en ce qui a trait aux conditions de travail, au respect des droits des travailleurs, et cetera. Ils prévoient aussi un mécanisme de règlement des différends, y compris le cas échéant un arrêt ou une constatation qui pourrait entraîner l'imposition de compensations pécuniaires à une partie considérée comme ayant manqué à ses obligations, si je peux m'exprimer ainsi.
Tout ce domaine du travail et les secteurs connexes, la RSE, et cetera, tout cela n'est évidemment pas au cœur des accords de libéralisation des échanges, mais c'est représenté de diverses façons.
L'autre réalité, c'est que ces industries dont nous parlons — le vêtement en particulier, mais aussi les textiles — sont plus ou moins au bas de l'échelle du développement économique dans de nombreux pays en développement. Ce qui s'est passé au Bangladesh est une tragédie. Cet incident malheureux méritait bien l'attention qui lui a été accordée.
C'est vrai, nous obtenons aussi de bons résultats grâce aux dispositions d'accès unilatéral que le Canada accorde dans son Tarif des douanes à des pays en développement et qui visent pratiquement toutes les marchandises. Il a encouragé le développement économique grâce à la libéralisation de l'accès — un accès en franchise de droits, hors quota — pour un large éventail de marchandises. Il faut donc se demander en quoi la situation s'est améliorée dans le monde, relativement à cette question que vous avez soulevée. C'est en partie une question de sensibilisation des consommateurs, et cela relève de ministères autres que ceux qui sont représentés ici, de ministères responsables des détails concernant l'étiquetage, et cetera.
Je n'en dirai pas plus sur cet aspect des échanges et de l'accès au marché.
Le sénateur Robichaud : Quand nous négocions des accords commerciaux, nous intégrons toutes ces conditions, mais quel poids ont-elles lorsque nous faisons du commerce avec ces pays? Est-ce qu'elles sont uniquement cosmétiques et que l'important, au fond, c'est de pouvoir obtenir de bons produits à très faible prix?
M. Hildebrand : Je vous dirai simplement que les dispositions des accords de coopération en main-d'œuvre que j'ai mentionnés comprennent des conditions obligatoires et des mécanismes officiels de règlement des différends. Une partie de ce que j'ai dit se trouve dans le préambule et se rapporte aux droits de la personne et à la responsabilité sociale des entreprises. D'autres dispositions constituent nettement des engagements exécutoires qui lient toutes les parties. Nombre des accords de libre-échange que le Canada a conclus l'ont été avec des pays en développement, et ces dispositions sont difficiles à négocier.
Le sénateur Robichaud : Je n'en doute pas.
M. Hildebrand : Ils sont évidemment importants pour le Canada, ce sont des éléments essentiels aux accords que nous négocions, ce sont des éléments standard. Je l'ai dit, ils ne sont pas faciles à négocier, mais ils sont importants et ils ont leur raison d'être.
Le sénateur Wallace : Monsieur McGovern, vous avez mentionné quelque chose qui a éveillé mon intérêt. Plusieurs des points que vous avez soulevés m'ont intéressé, mais un en particulier a attiré mon attention. Je pense que vous parliez de l'Inde et des occasions extraordinaires qu'offre ce pays. Je pense que vous avez dit qu'au Canada, plus on progresse vers l'est et moins la population semble intéressée par ces occasions et en être consciente.
Cela m'a fait réfléchir à la région de l'Asie-Pacifique dans son ensemble, et pas nécessairement aux grands pays — Japon, Chine, Inde, Corée —, mais plutôt à certains autres pays et aux possibilités que l'approche gouvernementale tente de créer pour les entreprises et les investisseurs canadiens. Je me demande comment, selon vous, les entreprises canadiennes réagissent à ces occasions. Le gouvernement essaie de leur ouvrir la voie. Comment les entreprises et les investisseurs canadiens réagissent-ils à ces occasions? J'aimerais entre autres que vous compariez cela à ce qui se passe dans d'autres pays, à l'investissement commercial qui vient de ces autres pays et du secteur privé. Comment soutenons- nous la comparaison? Comment les entreprises et les investisseurs canadiens répondent-ils à ces occasions?
M. McGovern : Je dirais tout d'abord que pour l'instant nous nous défendons plutôt bien. Le défi, toutefois, c'est que si vous n'avancez pas, vous reculez. Nous avons pu, comme je l'ai dit, ouvrir un certain nombre de petits bureaux commerciaux en Chine, dans des villes secondaires et tertiaires. Songez un peu que dans un marché comme la Chine il y a — et mes collègues ont sans doute meilleure mémoire que moi pour ces statistiques — plus de 200 villes d'un million d'habitants ou plus. Lorsque le premier ministre est allé en Chine en février, nous avons modernisé un de nos consulats pour en faire un consulat général. Il se trouve dans une ville secondaire, Chongqing, qui compte 34 millions d'habitants. Quand vous y pensez, c'est renversant. Cette ville secondaire a une population égale à celle de notre propre pays. Nous essayons d'assurer une présence là où nous croyons que les gens d'affaires canadiens devraient aller. Je le répète, cela varie selon le marché. Certains marchés sont difficiles. L'Inde est un marché difficile, la Chine aussi. Les gens d'affaires canadiens ont besoin d'avoir sur place des représentants qui leur trouveront des occasions.
Regardons maintenant l'Inde en posant la même question. Combien de villes en Inde comptent plus d'un million d'habitants? Quatorze. Certaines de ces villes sont énormes, mais force est de constater que l'Inde n'a pas suivi le même processus d'urbanisation que la Chine. Les défis sont différents et les occasions qui s'offrent à nous sont différentes.
Prenez l'ANASE, dont les membres forment un marché combiné : elle a une population de 640 millions de personnes. La zone va de Singapour, dont le PIB par habitant est à peu près équivalent à celui du Canada, jusqu'au Laos, qui est un des pays les plus pauvres au monde. Vous avez tout un éventail de niveaux de développement. Ce sont là les choses que nous essayons de mesurer pour pouvoir nous positionner et saisir les occasions qui nous intéressent vraiment.
Vous avez mentionné le Japon. Le Japon vient de changer de place parmi les investisseurs au Canada, il est passé, je crois, du neuvième au sixième rang. Plus de 350 entreprises japonaises investissent au Canada. Elles créent des milliers et des milliers d'emplois. Il faut être en mesure de produire les conditions qui attirent ces entreprises.
Nous ajoutons aussi une dimension importante à l'activité commerciale du Canada, car nous investissons presque autant à l'étranger que nous recevons d'investissements au Canada. Le commerce intrasociété, c'est-à-dire les échanges entre les succursales à l'étranger d'une entreprise canadienne, est dans certains cas tout aussi important que ses exportations. Je pense, par exemple, à une entreprise comme Bombardier.
Il existe une grande variété sortes de nouveaux modèles commerciaux que nous tentons d'appliquer, et ce, dans des secteurs où l'on ne croirait pas pouvoir trouver des occasions. Nous n'aurions jamais pensé que d'importants investissements thaïlandais viendraient au Canada. Pourtant, la société d'énergie thaïlandaise a effectué d'importants investissements en Alberta.
Mon collègue, M. MacArthur, est le spécialiste de l'Inde et il pourrait peut-être ajouter quelques mots. Des entreprises indiennes rachètent des usines de pâte canadiennes qui avaient fermé leurs portes, elles redonnent ainsi vue aux petites villes où ces usines revêtaient une grande importance. Là aussi, il s'agit d'une évolution inattendue. Vous ne pensez pas pouvoir attirer les investissements dans des secteurs de ce genre.
Je me souviens que lors d'une comparution antérieure devant votre comité, le sénateur Mahovlich était présent et lui et moi avons discuté de la richesse que possèdent ces pays. J'ai eu le malheur de dire qu'un jour peut-être, la famille Tata rachèterait les Maple Leafs de Toronto. Il en a été secoué. Nous n'en sommes pas encore là, bien sûr, mais nous parlons d'un secteur, d'une région, en pleine croissance économique, et notre défi consiste à continuer de progresser et à saisir notre part des occasions qui se présentent pour le Canada.
M. MacArthur : Depuis que la crise économique sévit aux États-Unis, nous constatons que les petites et moyennes entreprises sont de plus en plus nombreuses à se tourner vers l'Asie en raison du fléchissement de leur marché traditionnel aux États-Unis. Le nombre de PME canadiennes présentes en Inde a doublé au cours des cinq dernières années. Ce phénomène est en partie attribuable aux efforts du Conseil d'entreprise Canada-Inde et du gouvernement qui, avec un groupe de PDG, tentent de recruter de nouveaux champions aux échelons supérieurs des milieux d'affaires au Canada. Le développement des marchés à long terme nécessite de la patience et des investissements.
Avec le Service des délégués commerciaux du MAECI et EDC ainsi qu'à l'occasion, la CCC, le gouvernement met ses leviers à la disposition des entreprises, et il faut faire connaître leur existence. Heureusement, en août dernier, alors que le ministre Fast était de passage en Asie du Sud-Est dans le cadre de la rencontre de l'ANASE, le Conseil commercial Canada-ANASE a été fondé à Singapour. Un nouveau rapport sur les occasions qui s'offrent aux entreprises canadiennes par secteur dans les marchés de l'ANASE sera bientôt publié, et en octobre l'organisme tiendra sa première réunion à Singapour. Plusieurs PME canadiennes devraient assister à cette rencontre, pour se renseigner sur la région par l'entremise de sociétés canadiennes comme Manulife, qui assure une présence là-bas depuis plus d'un siècle, afin de mieux comprendre les échanges non seulement en matière de marchandises, mais aussi de services et d'investissement.
M. McGovern a mentionné l'investissement indien dans les usines de pâtes et papiers. Une entreprise indonésienne investit elle aussi dans le secteur des pâtes et papiers ainsi que, dans certains cas, dans les usines de rayonne, dans l'industrie textile. Peu de gens le savent, mais cela est très avantageux pour le Canada.
Pour terminer, je dirai que le comité devrait inclure l'Indonésie dans son prochain rapport. L'Indonésie est un peu dans l'ombre de la Chine et l'Inde. C'est un pays du G20. Quelqu'un l'a mentionné, c'est le plus grand pays musulman au monde. C'est un bon exemple où se combinent modernité et islam. C'est un vaste marché pour les entreprises de technologie IRM et pour les investissements bilatéraux.
Je pense aussi à la Malaisie, entre autres, qui vient d'investir en Colombie-Britannique dans le secteur du gaz naturel, pour la production de GNL, mais aussi pour le transport vers l'Asie, et qui deviendra un joueur incontournable pour les échanges d'énergie dans la région Pacifique. Il y a certains exemples d'activités. La société Progress Energy Canada Ltd., une entreprise de l'Alberta, est intervenue dans cette l'acquisition. La production et les travailleurs du Canada profiteront de ce genre de contacts commerciaux entre l'ANASE et le Canada.
Le sénateur Wallace : Monsieur MacArthur, vous parlez d'occasions dans le secteur de l'énergie, en particulier au Canada. La majorité d'entre nous le savent bien, TransCanada a présenté une proposition que nous espérons voir se concrétiser, soit le prolongement d'un pipeline d'ouest en est pour acheminer le brut albertain vers l'Est du Canada pour pouvoir un jour l'exporter à partir du Canada atlantique. L'Inde serait l'un des principaux marchés pour un tel projet. Avez-vous quelque chose à nous dire concernant ces possibilités commerciales pour le Canada?
M. MacArthur : Nous croyons que ce projet crée de belles perspectives pour le Canada, et le Haut-commissariat travaille en étroite collaboration avec l'industrie indienne. Ce mois-ci, diverses entreprises pétrolières et gazières indiennes sont venues à Calgary pour participer une réunion qui était appuyée par le Conseil commercial Canada-Inde.
L'Inde souhaite vivement diversifier ses importations, tout comme nous cherchons à diversifier nos exportations, parce que l'Inde est fortement tributaire du Moyen-Orient. Depuis le printemps arabe, le facteur de risque a augmenté pour l'Inde, qui s'efforce également de réduire ses importations en provenance de l'Iran. Le gaz naturel est une ressource très importante, tout comme l'uranium nécessaire à l'industrie de l'énergie nucléaire, en vue d'abandonner le charbon et de diversifier les sources d'approvisionnement. C'est une belle occasion pour l'Est du Canada. Il y a aussi, je l'ai dit, la Malaisie et d'autres pays qui présentent un intérêt pour l'Ouest du Canada.
M. McGovern : Il est très intéressant de voir que l'Inde s'est rendu compte du fait que l'énergie de l'Atlantique était maintenant à sa portée. Notre Haut-commissariat fait activement la promotion du gaz de l'île de Sable, dans l'Atlantique, et d'ailleurs au pays ainsi que du pétrole extracôtier de Terre-Neuve. Ce sont des sources fiables sur le plan économique pour l'Inde. En Inde, on a examiné la situation et il semble maintenant reconnu — certainement si l'on tient compte du prix du gaz naturel, que le Canada pourrait être une source d'énergie fiable et durable. Je pense que d'importants intervenants du secteur énergétique indien sont venus participer à une réunion qui s'est tenue à Halifax dans le but d'étudier la région atlantique. Nous pourrions assister à des progrès importants sur ce front.
Le sénateur Wallace : Je crois que les possibilités pour le GNL, en particulier, sont examinées dans ce contexte.
Le sénateur De Bané : Monsieur MacArthur, lors de la tragédie au Bangladesh, plus de 1 000 femmes ont perdu la vie dans un édifice qui était évidemment peu sécuritaire. Je me trompe peut-être, et alors n'hésitez pas à me corriger, mais les travailleuses de l'industrie textile au Bangladesh touchent 40 $ par mois; au Nord-Vietnam, c'est 100 $ par mois, et à Shenzhen, plus de 200 $.
J'ai suivi ces événements dans les journaux canadiens. Vous nous avez expliqué les efforts menés par le gouvernement canadien là-bas pour sensibiliser les milieux d'affaires bangladais. Toutefois, au Canada, nos médias nous ont appris qu'une grande société canadienne qui traite avec l'entreprise impliquée avait immédiatement déclaré que la situation était inacceptable et qu'elle enverrait ses employés sur place pour vérifier si les entreprises qui exécutent des travaux pour elle le font dans des cadres sécuritaires.
En passant, vous affirmez appuyer la position annoncée par cette entreprise; vous êtes d'accord.
Ce qui m'inquiète, ce sont les autres entreprises canadiennes qui font des affaires là-bas; leur silence était assourdissant.
Vous êtes le responsable pour cette région. Est-ce que votre service communiquera avec ces entreprises canadiennes pour leur demander d'emboîter le pas à cette autre société canadienne et d'en faire autant, plutôt que d'essayer de se faire oublier? Répondez-moi en toute franchise.
M. MacArthur : Vous avez raison, une grande entreprise canadienne a pris positon et elle a publiquement déclaré qu'elle était inquiète du fait que les autres entreprises canadiennes n'en fassent pas autant. Comme vous l'avez vu dans les médias, les membres du Conseil canadien du commerce de détail ont tenu une réunion. L'entreprise à laquelle vous faites allusion a assumé un rôle de leadership social, elle a envoyé sur place quatre de ses cadres supérieurs. Ils n'ont pas pu entrer immédiatement dans le pays en raison de l'agitation sociale et des manifestations de travailleurs, mais ils étaient déterminés à voir par eux-mêmes la situation. Ils ont visité un centre où étaient soignées certaines des victimes qui ont été paralysées par la tragédie. Nous savons qu'une deuxième entreprise canadienne va en faire autant et suivre l'exemple de cette grande entreprise; cela est positif. L'industrie est concernée, et il y a dans notre pays de belles occasions qu'une grande entreprise peut saisir pour inspirer les autres sur la voie de la responsabilité sociale.
Il convient toutefois d'ajouter qu'un certain nombre d'entreprises canadiennes sont actuellement des modèles de comportement et effectuent avec beaucoup de soin des inspections régulières pour vérifier les structures et les mesures de sécurité-incendie dans les bâtiments. Des installations ont été visitées non seulement par cette grande société canadienne, mais aussi par d'autres sociétés étrangères, qui y voient un modèle à suivre. Si donc ces sociétés ne font pas de déclaration, c'est parce qu'elles n'ont pas de mesures correctives à prendre. Ce sont actuellement des modèles de comportement, et les Canadiens sont fiers que les valeurs canadiennes soient appliquées dans ces cas.
Je n'en dirai pas plus. C'est à l'industrie qu'il revient d'agir, mais je vous assure que si une deuxième société se prononce, elle recevra les mêmes services que la première de la part du gouvernement en termes de programme et d'accès complet à l'appui du Haut-commissariat du Bangladesh à Ottawa, qui a très bien collaboré aux efforts. D'après les discussions auxquelles j'ai participé ce matin, je crois que les lois sur le salaire minimum au Bangladesh seront modifiées à la suite de cette tragédie dans cette industrie, et cela est positif.
Le sénateur De Bané : Dites au comité combien gagnent les gens dans ces pays. Est-ce que mes chiffres sont erronés?
M. MacArthur : Vous semblez être très bien informé. Je crois que ce sont des chiffres fiables.
Le sénateur Johnson : Pour ce qui est de l'alliance du Pacifique, quelles questions seront traitées avant que nous n'en devenions membre; et allons-nous en devenir membre? Où en sommes-nous dans ce dossier?
M. McGovern : Le premier ministre est actuellement en visite au Pérou. Je vais demander à mon collègue qui est chargé de la politique commerciale de vous répondre, parce que la discussion portera largement sur la politique commerciale.
M. Hildebrand : M. McGovern a raison. L'alliance du Pacifique revêt évidemment une dimension commerciale stratégique dont je peux vous parler. Le programme est vaste et comprend toute une liste de sujets. Il n'est sans doute pas encore arrêté, mais mentionnons qu'à l'heure actuelle, les membres à part entière sont le Mexique, la Colombie, le Pérou et le Chili, et plusieurs pays, dont le Canada, ont le statut d'observateur. Ce que les membres actuels ont en commun, et c'est aussi un critère d'adhésion, c'est un accord de libre-échange en vigueur avec tous les autres membres. C'est ce qui distingue ce groupe du Partenariat transpacifique, par exemple, une alliance beaucoup plus importante avec ses 11 membres, qui seront bientôt 12, et plus de trois fois la population et de 10 fois le PIB total. Cela est très différent.
En sa qualité d'observateur, le Canada peut voir comment les objectifs de politique commerciale se manifesteront et quels avantages le Canada pourrait en tirer. Le groupe n'existe pas depuis très longtemps et, comme je l'ai dit, divers aspects évoluent encore.
Le sénateur Johnson : Il est difficile de suivre tout cela. Nous en saurons plus après notre étude.
La présidente : J'ai une question à poser. Nous étudions des questions liées au commerce et à la sécurité. La correspondance était plutôt évidente du côté de l'Atlantique, parce que nous avions des valeurs et une situation communes; l'OTAN est donc, depuis sa création, une force de défense. En Asie-Pacifique, nous avons de nombreuses questions à régler. Il faut notamment dégager les préoccupations communes en matière de sécurité — savoir si nous avons les mêmes valeurs, les mêmes problèmes en matière de sécurité, de criminalité, de terrorisme, de catastrophes écologiques, et cetera. Nous voulons collaborer avec ces pays dans ces dossiers. L'échange de renseignements dans les domaines militaire et de la sécurité peut toutefois soulever des difficultés si vous n'avez pas les mêmes systèmes de valeur. Comment pouvons-nous constituer un tel réseau de sécurité en intensifiant nos échanges? Comment pouvons- nous commencer à créer un climat de confiance dans ce domaine tout en collaborant avec eux pour conclure des accords internationaux? Les signes sont prometteurs en ce qui concerne le commerce et les échanges, mais certains rapports du SCRS et d'autres sources en matière de cyber sécurité et de pillage technologique soulèvent des inquiétudes. La question de la sécurité n'est pas facile à définir ni à régler. C'est une question qui préoccupe les Canadiens, vous le savez.
Il ne faut pas oublier non plus les droits de la personne. Je dois le dire, j'étais membre du comité à l'époque où nous avons étudié l'Asie-Pacifique et tout particulièrement la Chine. J'étais dans l'opposition et j'ai dit, d'accord, vous allez pratiquer une diplomatie discrète, et ces projets seront réalisés par l'ACDI, mais comment vous y prendrez-vous pour mesurer la réussite — comment pouvez-vous vérifier notre influence? Nous voulons traiter avec eux et les encourager. Nous pensons que la diplomatie discrète est la façon de procéder et nous n'avons rien trouvé de plus efficace. Pourtant, il est plus facile de discuter des droits de la personne avec un petit pays qu'avec la Chine. Je ne sais pas si nous avons vraiment progressé en 20 ans d'efforts, malgré le dialogue en cours et l'évolution du bloc Asie-Pacifique. Évidemment, tous ces pays sont différents les uns des autres.
Nous essayons de régler ce problème. Comment pouvons-nous encourager un resserrement de la collaboration et des liens, tout en sachant que nous avons des inquiétudes en matière de droits de la personne et de sécurité? De quelle façon pouvons-nous établir des structures, une architecture et des politiques pour donner plus de cohérence au message public et éviter des problèmes comme celui dont nous avons été témoins au Bangladesh ou l'achat de l'une de nos ressources par une société chinoise, peut-être? Rien ne se fait en vase clos. C'est ce que nous essayons de comprendre.
Le sénateur Nolin : Si nous n'établissons pas de relations de sécurité étroites, est-ce que cela risque de nuire au commerce avec un pays ou un groupe de pays?
La présidente : Si vous avez une réponse à cette question, il ne nous reste plus qu'à rédiger notre rapport.
M. Wilczynski : L'architecture de sécurité est très importante. Les gens veulent tout naturellement établir un parallèle entre le caractère intégré de notre engagement transatlantique au sein d'une alliance étayée par un traité juridiquement contraignant, conclu avec des pays qui ont beaucoup en commun avec nous dans les domaines de la sécurité et des valeurs. Ce lien est relativement clair.
En Asie, l'architecture est encore en évolution. Nous devons recourir à divers outils, notamment la tribune régionale qu'est l'ANASE, à laquelle le Canada participe aux niveaux ministériel et supérieur. Elle s'intéresse à un large éventail de questions de sécurité, dont la non-prolifération, le contrôle des armes, le désarmement et la lutte contre le terrorisme et le crime organisé transnational.
Le Canada en est déjà membre. Nous voulons élargir l'architecture, y compris avec l'ADMM-Plus, qui est la Réunion élargie des ministres de la Défense de l'ANASE. Cette instance met aussi l'accent sur les questions clés de sécurité, notamment la sécurité maritime, les opérations de pacification et la médecine militaire. Il existe d'autres tribunes dont nous voulons devenir membres pour participer à un véritable dialogue de sécurité avec un large éventail de pays dans la région.
Ce n'est toutefois pas suffisant, parce que tous les pays ne sont pas représentés en raison de la diversité des pays de cette région et de la diversité des intérêts en matière de sécurité. C'est pour cette raison que nous complétons ces tribunes multilatérales par des discussions bilatérales avec la Chine, la Corée et le Japon.
Je ne crois pas qu'il nous faille nécessairement une approche aussi structurée en matière de sécurité, compte tenu de la diversité des intérêts et de la diversité des menaces qui émanent de la région. Nous devons faire preuve de souplesse pour pouvoir promouvoir nos intérêts économiques tout en poursuivant nos intérêts de sécurité. Il nous faut une approche intégrée pour relever les défis que présente la lutte contre le crime, la corruption ou le terrorisme, en nous appuyant sur l'architecture appropriée dans la région.
Je ne sais pas si cela répond bien à votre question.
Le sénateur Nolin : Comment les Américains s'y prennent-ils?
M. Wilczynski : Ils participent aux travaux de tribunes du même genre. Ils entretiennent également des relations bilatérales. De fait, leurs relations militaires sont plus intégrées que les nôtres avec certains pays clés, comme le Japon et la Corée. Je le répète, ils ont conclu des alliances avec ces pays. En outre, ils ont une capacité très différente de celle du Canada; le Canada n'a pas nécessairement le même coffre à outils que ses alliés américains. Toutefois, nous avons une capacité très précise qui intéresse la région. Nous devons optimiser les ressources limitées que nous pouvons affecter à la défense de nos intérêts et utiliser nos outils de sécurité pour relever certains défis auxquels nous sommes confrontés dans la région, des défis auxquels nos partenaires de la région souhaitent s'attaquer avec notre aide.
M. Nankivell : J'ajouterai un mot sur les droits de la personne. Vous avez soulevé un problème intéressant, qui a trait à la difficulté de mesurer les réalisations et au genre de buts, de cibles et d'indicateurs que vous pouvez définir.
En m'appuyant sur mon expérience des programmes de l'ACDI dans la région et parce que j'ai aussi travaillé du côté d'Affaires étrangères dans divers dossiers, j'ajouterai deux ou trois choses. Premièrement, il nous faut adopter une approche diversifiée; nous ne devons pas mettre tous nos œufs dans le même panier. Nous pouvons recourir à divers mécanismes : dialogue, renforcement de capacité, échanges techniques, collaboration avec les gouvernements dans certains cas et avec des organisations non gouvernementales dans d'autres.
Quand vous parlez de modifier les cultures politique et nationale et de réaligner les relations de pouvoir au sein d'une société — une évolution nécessaire quand on parle de droits de la personne —, n'oubliez pas que ce sont des structures établies de très longue date, profondément ancrées. Il convient d'adopter une approche à long terme et d'être clair, mais patient, en ce qui concerne les objectifs et être disposé à faire des expériences et à tester diverses solutions. Toutes les mesures ne porteront pas fruit. Certaines solutions donnent de bons résultats, mais vous ne le constaterez que des années plus tard.
Je signalerai un point en particulier en ce qui concerne la mesure de notre rendement. Dans de nombreux pays, vu la nature des problèmes — et le Canada n'est pas tellement différent —, si vous pouvez faire appel à une expérience extérieure, si quelqu'un vient et vous dit que vous devriez faire ceci ou cela, vous pouvez accepter ces conseils. Les gens avec lesquels nous traitons dans ces dossiers à l'étranger, toutefois, doivent rendre des comptes à leur population, au public, aux médias, et cetera, et souvent, pour des raisons parfaitement valables, ils hésitent à reconnaître le rôle joué par des étrangers pour encourager le changement.
Cet état de choses peut parfois compliquer la mesure des effets produits. Lorsque nous obtenons de très bons résultats — quand nous réussissons —, les personnes qui pilotent la solution ne veulent pas vraiment dire « cela nous vient du Canada ou de l'Union européenne, de l'Australie ou des États-Unis. » Je pense que c'est une question intéressante que le comité peut explorer avec ses témoins.
Par ailleurs, nous recherchons un changement à long terme dans des dossiers où les problèmes sont profondément enracinés. D'où l'intérêt d'une approche internationale, d'une collaboration avec d'autres pays et partenaires. Vous faites front commun avec d'autres pays et partenaires pour atteindre certains objectifs à long terme, et chacun fait sa part.
La présidente : Le temps va nous manquer, et le sénateur Nolin a une question supplémentaire à poser.
Quand j'aurai remercié nos témoins, je demande aux membres d'attendre encore un peu avant de quitter la salle.
[Français]
Le sénateur Nolin : Monsieur McGovern, dans votre présentation, vous avez dit que plus on s'éloigne du rivage de la côte Ouest, moins les Canadiens ont un intérêt pour l'Asie-Pacifique. Est-ce qu'il y a des programmes? Avez-vous commencé à élaborer des idées pour tenter de pallier à ce déficit d'intérêt des Canadiens? Vous avez 30 secondes pour répondre.
M. McGovern : C'est un grand défi. Nous avons les liens, et ce n'est pas tout à fait le même pour tous les pays. Je mets l'Inde de côté. En parlant surtout de la Chine, c'est vrai. On commence avec la côte Ouest et quand on arrive en Ontario, si on pose la question à savoir si l'investissement en Chine est une bonne chose, la plupart des gens disent non. C'est très difficile.
Madame la présidente a touché à cela, c'est-à-dire comment gérer nos relations avec un pays comme la Chine qui ne partage pas nos valeurs. C'est très compliqué. L'Indonésie, par exemple, si on parle avec RIM et BlackBerry, l'Indonésie est le marché numéro trois pour le BlackBerry. Il y a des emplois à Waterloo, qui appartiennent à ce marché, mais ce n'est pas connu. Beaucoup de gens pensent que l'Indonésie est un pays en voie de développement. Les gens en Indonésie ont accès à l'Internet par l'intermédiaire de leur BlackBerry. C'est quelque chose de central dans leur vie et cela vient du Canada. Ce n'est pas connu. Comment on partage ces histoires avec des citoyens canadiens? Ce n'est pas facile. Je n'ai pas répondu à votre question, sénateur, mais peut-être que c'est ça l'un des défis du comité.
Le sénateur Nolin : Effectivement.
[Traduction]
La présidente : Monsieur McGovern, je vous remercie, vous et nos autres témoins, d'avoir participé à la séance inaugurale de notre étude. J'espérais que vous pourriez nous aider à préciser les aspects que nous étudierons. Malheureusement, je pense que vous avez plutôt élargi le champ d'études que nous envisagions. Toutefois, avec la dernière question du sénateur Nolin, vous avez renforcé ce que je vous entendais dire depuis le début : les Canadiens n'ont probablement pas accordé assez d'attention aux événements qui se déroulent en Asie-Pacifique ni à leurs effets sur le Canada. C'est quelque chose que nous faisons de temps à autre, au cas par cas.
Notre comité pourrait être l'instrument qui attirera l'attention des Canadiens et leur fera comprendre que dans ce monde toujours en évolution nous menons des activités du côté de l'Asie-Pacifique. Merci d'avoir lancé le dialogue. Nous vous sommes reconnaissants de l'honnêteté et de la sagesse avec lesquelles vous avez abordé notre étude. Je suis heureuse de voir que vous souhaitez du succès aux sénateurs.
M. McGovern : Madame la présidente, je souhaite toujours du bien aux sénateurs.
La présidente : Sénateurs, nous allons nous recueillir un instant pour souligner le décès de notre collègue, le sénateur Doug Finley. Il faisait partie de notre comité directeur et, depuis quelques mois, il participait aux travaux quand il le pouvait, c'est-à-dire moins souvent. Il a certainement très souvent été pour moi une source d'inspiration. Il remettait en question presque chacun de mes gestes. À bien des égards, il était notre conscience. Il nous manquera, et je tenais à souligner sa contribution aux activités du comité.
En votre nom, je suis certaine que nous transmettrons nos condoléances à la famille et nous lui exprimerons notre reconnaissance pour le travail qu'il a accompli au sein du comité.
Le sénateur Downe : Comme je suis moi aussi membre du comité directeur, je veux faire écho à vos commentaires. Le sénateur Finley était un collègue extraordinaire. Les membres du comité directeur l'ont bien connu. Comme je l'ai dit, avant de rencontrer Doug, je le connaissais un peu de réputation et je m'étais préparé à des discussions musclées, mais cela ne s'est jamais produit. Il traitait chacun avec beaucoup de respect et de courtoisie et il nous manquera à tous énormément.
La présidente : Merci. Une lettre sera adressée au nom du comité à l'épouse du sénateur, Mme Diane Finley, et à sa famille, pour leur offrir nos condoléances.
(La séance est levée.) |