Comités de sénat
Page précédente

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

OTTAWA, le jeudi 25 mars 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, afin de poursuivre son étude sur l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et ses répercussions sur les politiques canadiennes et pour examiner les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères en général.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Nous poursuivons aujourd'hui notre étude de l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale ainsi que ses répercussions sur les politiques canadiennes.

Nous accueillons parmi nous aujourd'hui l'honorable Kamal Nath, ministre du Transport routier et des Autoroutes. M. Nath est accompagné d'un certain nombre de membres de sa délégation.

Monsieur le ministre, bienvenue au Comité des affaires étrangères. Nous avons déjà reçu de nombreux témoins dans le contexte de notre étude de la Chine et de la Russie, et nous en avons reçu un bon nombre également au sujet de nos relations avec l'Inde. Comme nous poursuivons à présent cette étude, votre visite au Canada tombait à point nommé, car nous avons ainsi la possibilité de profiter de l'expérience que vous avez acquise grâce aux diverses fonctions que vous avez remplies jusqu'à présent, y compris le poste très important que vous occupez actuellement.

Le Canada a bénéficié d'un grand nombre de visites de haut niveau, du Canada en Inde, ou de l'Inde au Canada. Nous savons que vous êtes venu au Canada précédemment, et nous estimons que cette rencontre représente une autre occasion de renforcer les liens bilatéraux entre le Canada et l'Inde. Nous vous souhaitons donc la bienvenue au comité.

L'honorable Kamal Nath, ministre du Transport routier et des Autoroutes, Gouvernement de l'Inde : Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de rencontrer les membres du comité. Je suis ravi d'être de retour au Canada. Il y a trois ans, j'ai visité le Canada en ma qualité de ministre du Commerce et de l'Industrie.

L'Inde progresse. Du côté économique, la situation demeure inchangée : la croissance se poursuit. L'Inde possède la démocratie non seulement la plus importante mais la plus bruyante du monde.

Vous avez mentionné la Chine. À Hong Kong — où j'étais avant de venir au Canada — on m'a demandé d'expliquer la différence entre l'Inde et la Chine. Quelqu'un — pas moi — a observé qu'au Parlement chinois, il y a trop de silence, alors qu'au Parlement indien, il y a trop de bruit.

L'Inde possède une démocratie très dynamique. La primauté du droit, bien qu'elle progresse, présente de sérieuses difficultés, notamment celles de la gestion appropriée et de l'équité de la croissance. En gérant bien notre croissance, nous espérons obtenir un taux de croissance de 8 p. 100 cette année, de 9 p. 100, l'année suivante, et de 10 p. 100 par la suite. Tant que cette croissance se poursuit, nous profitons de l'élan que nous procure cette dernière. En gérant cette croissance, nous devons également nous assurer qu'elle profite à tous les segments de la société et à toutes les régions du pays. On ne peut se permettre de créer une situation où la croissance ne profite qu'à certaines zones du pays.

Malgré sa force dans de nombreux domaines — entre autres, les technologies de l'information et sa main-d'œuvre qualifiée — il y a toujours 300 millions de personnes en Inde qui gagnent moins de 1 $ par jour. Il y en a 400 millions qui gagnent 2 $ par jour. D'une part, l'Inde possède une immense puissance manufacturière et une grande expertise dans le domaine des technologies de l'information et d'autre part, à mesure que l'Inde réalise le potentiel de ses capacités intellectuelles et entrepreneuriales, de grands pans de la société indienne sont laissés pour compte au milieu de cette croissance.

À la suite des élections tenues en mai de l'an dernier, nous avons de nouveau formé un gouvernement et notre priorité devenait la gestion d'une croissance équitable. Dans ce contexte, le plus important déficit que nous accusons aujourd'hui est celui de notre infrastructure — un immense déficit, comme le savent certainement ceux qui ont visité l'Inde ou en ont entendu parler. Il est donc essentiel d'éliminer progressivement cet immense déficit en matière d'infrastructure afin de soutenir notre croissance.

Notre infrastructure — notamment les routes — influe sur le secteur agricole, l'activité industrielle et le commerce. Par exemple, nous sommes le deuxième producteur de fruits et légumes du monde, mais 40 p. 100 des produits cultivés pourrissent, étant donné que l'infrastructure intérieure est insuffisante pour permettre l'acheminement des produits aux marchés.

En Inde, 650 millions de personnes pratiquent l'agriculture. Il s'agit d'agriculture de subsistance. Quatre-vingt pour cent des produits agricoles sont cultivés sur un ou deux hectares de terrain. Les défis que nous avons à relever sont donc de taille.

De plus, l'Inde est située dans cette fameuse région du monde. Quelle est cette région? Celle qui englobe l'Afghanistan, le Pakistan, le Népal, le Bangladesh, le Myanmar, le Sri Lanka et, bien entendu, la Chine. En tant que démocratie bien établie et en pleine croissance, nous avons prouvé au monde entier et aux autres pays en développement que la démocratie peut et doit être à l'origine du développement. À une époque, il y a 10 ou 20 ans, les gens prétendaient que la démocratie représentait un frein à la croissance. Or l'Inde a prouvé au monde entier que, dans les limites d'une démocratie, on peut non seulement progresser, mais bien progresser.

Nous continuons d'être aux prises avec le problème du terrorisme. L'Inde est victime d'actes terroristes depuis fort longtemps. À une époque, le monde estimait que le terrorisme était un problème local ou bilatéral, si bien qu'il a fallu longtemps avant que l'on se rende compte qu'il s'agit d'un problème mondial. Pendant bien des années, nous insistions sur le fait que le terrorisme est un problème qui touche le monde entier, mais notre voix n'était pas entendue. À présent on reconnaît que le terrorisme est effectivement un problème mondial, et qu'il n'existe pas de catégories de terrorisme — l'une bonne et l'autre mauvaise. Tout terrorisme est mauvais. Aucun terrorisme n'est jugé acceptable par la communauté internationale.

Il s'agit là d'un fait nouveau très important en ce qui concerne l'Inde. Les attentats continuent à Bombay. Nous continuons d'être l'objet d'attentats terroristes. Notre appareil de sécurité interne est mis à rude épreuve en raison du terrorisme. Selon moi, la communauté internationale doit admettre la réalité du terrorisme. Tout comme elle le fait à l'heure actuelle par rapport aux difficultés économiques, la communauté internationale doit s'attaquer directement au problème du terrorisme.

La visite du premier ministre du Canada a été un grand succès. Le Canada et l'Inde sont peut-être les deux pays du monde dont les relations entre leurs peuples respectifs sont les plus étroites. Un grand nombre de Canadiens d'origine indienne se sont forgé une place dans le milieu des affaires, au gouvernement, dans le secteur des services sociaux et en politique. Chaque fois que je visite le Canada, je me sens très réconforté en me rappelant que nous partageons la même philosophie, une philosophie axée sur une société harmonieuse et pluraliste, tolérante et ouverte à tous. À part le Canada, aucun autre pays du monde n'a su aussi bien intégrer les différentes religions et cultures.

L'Inde est le deuxième pays musulman du monde — un pays qui valorise l'harmonie de sa société. Bien sûr, cette harmonie est attaquée de temps à autre, mais la philosophie de l'Inde — qui est le fondement de la société indienne — repose sur l'harmonie. Nous en sommes très fiers et nous constatons que le Canada y adhère également.

Je dirais que l'Inde et le Canada ont un partenariat tout à fait naturel. En plus de notre démocratie et des valeurs et principes que nous partageons, nous avons des attitudes semblables à l'égard des questions sociales. Nous sommes résolus à favoriser le développement économique de nos populations. Nos systèmes économiques ont certaines caractéristiques communes, et nous avons dû les transformer en activités coopératives concrètes.

Le monde a évolué et a connu ces derniers temps des changements considérables. Au cours de la dernière décennie, la mondialisation a transformé ce monde comme jamais auparavant. Nous avons été témoins de progrès immenses sur le plan technologique liés au recours aux services à large bande. L'écran de votre téléphone, voire même tous les écrans possibles et imaginables vous permettent à présent non seulement de capter les nouvelles, mais aussi d'acquérir des connaissances et d'obtenir des informations qui favorisent une meilleure entente entre les peuples.

Au milieu de tous ces changements qui s'opèrent, le Canada et l'Inde ont d'immenses possibilités de collaboration. Je souhaite que le dialogue entre nos deux peuples donne lieu à une plus grande collaboration économique entre nos deux pays, une collaboration économique qui est avantageuse pour tous.

La croissance que connaît actuellement l'Inde n'est pas une menace. Elle représente au contraire une invitation à la prospérité. Notre pays possède une économie de marché libre, une économie transparente. Le principe de la primauté du droit est respecté et nous avons de solides institutions. Le secteur bancaire est visé par une réglementation, et les lois que nous adoptons sont appliquées. La propriété intellectuelle est respectée. Non seulement nous sommes-nous dotés de lois visant à protéger la propriété intellectuelle, mais nous respectons cette dernière.

À mesure que nous avançons vers la deuxième décennie du présent siècle, de nouvelles possibilités de collaboration s'offriront au Canada et à l'Inde. Nous devons voir en quoi elles consistent et les saisir. En tant que décideurs politiques dans nos pays respectifs, il nous incombe de donner l'impulsion nécessaire pour concrétiser ces possibilités à l'avenir. Je vous remercie.

La présidente : Merci, monsieur le ministre. Nous avons pris bonne note de votre enthousiasme pour l'approfondissement de nos relations.

À l'heure actuelle, vous êtes chargé de l'infrastructure. Dans quels secteurs les entreprises canadiennes pourraient- elles apporter leur contribution à l'amélioration de cette infrastructure?

M. Nath : Nous accusons actuellement un immense déficit par rapport à tous les éléments de notre infrastructure. Parfois on nous compare à la Chine. Mais je ne veux pas faire cela. Au cours des 10 ou 15 dernières années, nous avons donné la priorité, en Inde, à l'infrastructure. C'est ce que fait la Chine à présent. Cette dernière possède une infrastructure urbaine très importante qui est louable. Maintenant elle s'attaque à l'infrastructure rurale.

Pour notre part, nous avons mis l'accent sur l'infrastructure rurale au cours des 15 dernières années. Je suis parlementaire depuis 30 ans, et je peux vous dire que, si l'on m'offrait 100 millions de dollars, je ne m'en servirais pas pour construire une route jusqu'à l'aéroport — et encore moins pour construire un aéroport — mais plutôt pour construire des routes dans ma région, de façon à relier 2 000 villages. Voilà qui me paraît essentiel. J'en ai assez d'avoir à m'y rendre à pied.

Nous avons donc mis l'accent sur l'infrastructure rurale. Notre travail n'est pas encore terminé; il existe encore un immense écart, même sur le plan de l'infrastructure rurale, mais nous avons progressé. Nous avons progressé pour ce qui est de notre infrastructure rurale.

Nous avons le deuxième réseau routier du monde, qui compte 3,4 millions de kilomètres de routes de villages, de routes régionales, d'autoroutes d'État et nationales. Nos autoroutes nationales représentent seulement 2 p. 100 de notre réseau routier. Nos routes assurent la circulation d'environ 75 p. 100 des marchandises et du trafic passager. Les 2 p. 100 du réseau routier que représentent nos autoroutes nationales assurent environ 42 p. 100 du trafic de passagers et de marchandises. Nous parlons donc d'un écart énorme.

En juin dernier, au moment où on m'a nommé à ce nouveau poste, après cinq ans comme ministre du Commerce et de l'Industrie, nous nous sommes fixé un objectif. Lorsque j'étais ministre du Commerce et de l'Industrie, j'ai visité le Canada et je vous ai dit à cette époque qu'il nous fallait conclure un accord commercial. Je suis donc très content que cette démarche soit en cours.

Nous nous sommes fixé un objectif de 20 kilomètres par jour, soit 7 000 kilomètres par an. Afin de finir 7 000 kilomètres de route par année, il faut entamer des travaux sur une distance correspondant à 20 000 kilomètres. Effectuer des travaux routiers sur une distance de 20 000 kilomètres coûte 50 milliards de dollars. Au cours des trois ou quatre prochaines années, nous aurons besoin de 70 à 75 milliards de dollars pour être en mesure d'atteindre notre objectif des 7 000 kilomètres par an. Environ 45 milliards de dollars proviendront du secteur privé, dont 50 p. 100 d'institutions financières internationales.

Au cours des deux derniers jours, j'ai dialogué avec les responsables de caisses de retraite, de banques et d'institutions financières canadiennes. J'ai parlé aux représentants d'entreprises de construction canadiennes et d'ingénieurs-conseils canadiens, car nous avons d'immenses besoins en matière de construction et de financement. J'ai donc rencontré des ingénieurs et des dirigeants de compagnies de construction. Nos besoins sont considérables relativement aux objectifs que nous nous sommes fixés; il s'agit d'un véritable saut quantique.

Nous sommes sur la bonne voie, je l'espère, et je crois que nous serons en passe d'atteindre notre objectif — ou pas loin — en juin. Il s'agit d'un projet de grande envergure qui présente d'immenses possibilités. J'ai rencontré les responsables de compagnies qui m'ont dit qu'ils y assurent déjà une présence. J'ai rencontré un ingénieur-conseil, et je lui ai dit qu'il doit prendre de l'expansion. Il m'a dit que cela prend trop longtemps et qu'il n'a pas le temps de le faire. Il possède déjà un effectif de 1 100 ingénieurs, m'a-t-il dit. Il s'agit d'un cabinet d'ingénieurs-conseils. Je lui ai répondu : « Il vous en faut maintenant 2 000. »

Quand on dit au responsable d'une compagnie canadienne qu'il vous faut 2 000 ingénieurs-conseils... déjà il estime que 1 100 représente un chiffre énorme. Mais pour quelqu'un qui est chargé du transport et de la gestion du réseau routier, ce n'est pas le cas. Je lui ai demandé où se trouve son bureau. Il m'a répondu qu'il a déjà quatre bureaux et il a nommé les quatre villes où ils sont situés. Donc, ils sont présents chez nous, mais il nous en faut beaucoup plus.

Pour moi, le succès d'un tel projet repose sur le désir des gouvernements et des décideurs politiques de favoriser leur capacité d'assurer cette présence en agissant comme catalyseurs. Jusqu'à présent, le Canada a trop misé sur l'ALENA. Je me dois d'être honnête avec vous. Le Canada doit élargir ses horizons plutôt que de miser uniquement sur l'ALENA.

Il y a trois ans, tout le monde m'a écouté, mais personne ne m'a interrogé. Cette fois-ci, ils m'ont entendu, ils m'ont écouté et ils m'ont interrogé. Ils m'ont demandé comment cela pourrait se faire et quels modèles étaient envisagés. Je constate donc un changement considérable d'attitude cette fois-ci.

Le sénateur Wallin : Bienvenue, monsieur le ministre. Merci pour vos observations. Ma question fait suite à vos toutes dernières remarques. Vous avez parlé des excellentes relations entre nos peuples et des activités commerciales qui sont menées. Il est certain que vous êtes considéré comme l'auteur de l'expansion et de la libéralisation des échanges entre l'Inde et les autres pays du monde. Le Canada se classe 28e parmi les pays bénéficiaires de produits indiens; donc, qu'est-ce qui ne va pas? Vous avez dit que nous misons surtout sur l'ALENA, mais je suis sûre que vous avez d'autres idées à ce sujet-là.

M. Nath : L'Inde n'est pas simplement un pays exportateur. Au contraire, l'Inde est un grand pays importateur. Nous ne sommes pas uniquement à la recherche d'investissements étrangers. Nous, aussi, nous investissons à l'étranger. Nous investissons davantage au Canada, du point de vue de la valeur de nos investissements, que le Canada en Inde. Nos investissements étrangers en Australie sont plus importants. Je vous fais remarquer que, au cours des deux dernières années, nous avons créé plus d'emplois aux États-Unis, grâce à nos investissements, que les États-Unis n'ont créé en Inde.

Pour moi, le Canada doit considérer l'Inde comme un marché, surtout que la valeur de l'économie canadienne atteint 3,5 billions de dollars. Nous devons nous fixer un objectif de 15 milliards de dollars d'échanges dans les deux sens. À l'heure actuelle, il existe un assez bon équilibre.

Par rapport à l'Inde en tant que marché et en tant que base, le fait est que, à l'heure actuelle, bon nombre d'entreprises s'implantent en Inde, y établissent leurs usines de fabrication, y exploitent leurs propres technologies novatrices. Le Canada est très fort en matière de technologie et d'innovation, mais les États-Unis sont les seuls à en bénéficier. Il faudrait que cette technologie et cette innovation profitent également à d'autres, sous des formes différentes.

Le Canada pourra tirer profit de sa technologie et de son innovation s'il réussit à les transformer en produits concrets. Quel meilleur pays que l'Inde pour convertir cette technologie en produits? De nombreuses entreprises allemandes et japonaises ont recours à leurs technologies et à leur innovation pour mener des activités manufacturières en Inde, non seulement pour le marché indien — qui représente un marché captif immense — mais pour les marchés internationaux.

Il ne s'agit pas de viser seulement le marché indien — qui est immense — mais aussi de se servir de l'Inde comme base en vue de pénétrer les marchés d'Asie orientale. Il s'agit de comprendre où se situe le centre de gravité des activités économiques si l'on souhaite s'implanter en Asie orientale. L'Inde représente un marché immense. À un moment donné, il en ira de même pour la Chine, et potentiellement l'Indonésie, les Philippines et le Bangladesh aussi. Le Canada doit donc également considérer l'Inde comme une base manufacturière.

Le sénateur Jaffer : Bienvenue au Canada. Je suis originaire de la Colombie-Britannique et je sais que si nous avons été choisis pour être l'hôte des Jeux olympiques, c'est en partie grâce à l'appui de l'Inde, par l'entremise de Herb Dhaliwal. Je tiens donc à remercier le gouvernement indien d'avoir appuyé notre candidature.

En tenant compte de vos responsabilités antérieures en tant que ministre du Commerce et de l'Industrie, pourriez- vous me dire comment vous voyez la coopération entre nos deux pays? Vous avez dit que nous misons surtout sur l'ALENA. Donc, que devons-nous faire pour intensifier nos exportations vers l'Inde, de même que nos importations de produits indiens? Quels sont les obstacles à l'heure actuelle? Que devrions-nous faire?

M. Nath : Je dirais, tout d'abord, qu'il y a un problème de mentalité. Le Canada doit élargir ses horizons. Or le Canada ne cherche pas au-delà de ses zones d'échange habituelles, même s'il a un produit concurrentiel à offrir. Les entreprises canadiennes estiment que si elles ont un bon produit à offrir, elles n'ont pas besoin de chercher plus loin. Quand les temps sont prospères, tout va très bien.

Mais la crise économique de 2008-2009 a servi de coup de semonce à tous les pays. Pour chaque pays, ce coup de semonce a une signification différente. L'Inde l'a interprété à sa façon. Nous avons connu un certain stress, mais pas tant que cela. Certains pays en ont connu davantage, d'autres, moins. Ce fut un coup de semonce pour tous, chacun selon sa propre réalité.

Ce que j'ai observé, c'est que, d'un point de vue structurel, les entreprises canadiennes doivent acquérir les capacités nécessaires en administration qui vont leur permettre de ratisser plus large. Les petites et moyennes entreprises constituent l'une des grandes forces du Canada, mais ces dernières ne visent pas plus loin. Elles ne visent pas plus loin que quelques États américains. Les gouvernements — de même que les PME — doivent acquérir les capacités qui leur permettront de regarder plus loin que l'ALENA. Je ne parle pas uniquement des grands acteurs.

Les grands acteurs ont une présence mais, sur le plan de l'administration, ils ont intérêt à régler certains problèmes structurels internes afin d'accroître leur zone d'influence économique.

Le sénateur Jaffer : L'autre défi pour nous est le protectionnisme en Inde. À votre avis, que faudra-t-il faire dans les prochaines années pour l'éliminer?

M. Nath : Il n'y a pas de protectionnisme en Inde. En matière d'investissement, nous possédons l'un des régimes d'investissement étranger direct les plus libéraux du monde. Au cours de mon mandat, j'ai pris les mesures nécessaires pour qu'il en soit ainsi. Ainsi on peut investir dans le secteur des télécommunications en Inde, mais tant que je sache, ce n'est pas possible aux États-Unis. On peut investir dans un port en Inde, mais je ne crois pas qu'on puisse le faire aux États-Unis. Nous avons libéralisé notre régime d'investissement étranger direct. Et, s'agissant des tarifs, nous les avons considérablement réduits.

Il n'y a pas vraiment de protectionnisme en Inde. Par contre, il y a quelques problèmes en ce qui concerne les vins et les spiritueux. À cet égard, je dirais qu'il existe un certain protectionnisme. Mais ce protectionnisme ne vise pas le marché indien; conformément à la tradition, les tarifs s'appliquant à de tels produits étaient systématiquement élevés. Il reste que le tarif pour tous les autres produits est de 7 ou 8 p. 100. Il s'agit là du niveau tarifaire le plus élevé.

Mais tout cela correspond davantage à ce qui se faisait par le passé. Encore une fois, la plupart des Canadiens connaissent l'Inde du passé. Il faut que le Canada se mette à vivre dans le présent, car tout cela a changé.

Le sénateur Nolin : Je suis de la province de Québec. Ma petite discussion avec vous tout à l'heure m'a permis de comprendre que vous connaissez bien mon premier ministre, M. Charest. Je suis sûr qu'il vous transmet ses meilleures salutations.

Vous avez parlé de croissance et, bien entendu, nous vous félicitons pour votre succès en tant que pays. Il est vrai que la croissance est le résultat naturel de la démocratie et de la primauté du droit, mais de la stabilité aussi. Vous y avez fait allusion dans vos remarques. Vous vivez dans une région du monde où la stabilité n'a pas été constante. Les Canadiens commencent à mieux connaître votre région du monde en raison de la présence considérable de nos forces armées en Afghanistan.

L'Inde est un acteur clé de l'économie et de la sécurité mondiales. En tant qu'acteur principal de la région, quelle stratégie vous permettra de maintenir la stabilité dans votre région et que peut faire le Canada pour vous aider à réaliser cette stabilité?

M. Nath : En Inde, nous avons toujours cru qu'il faut donner l'exemple aux autres pays de la région. Nous avons essayé d'ouvrir un dialogue avec nos voisins. Par l'entremise de l'ASACR, nous avons conclu des accords sur le commerce, la culture et toutes sortes de choses. L'ASACR, c'est-à-dire l'Association pour la coopération régionale de l'Asie du Sud, regroupe le Bangladesh, le Bhoutan, l'Inde, les Maldives, le Népal, le Pakistan et le Sri Lanka. Nous avons signé une convention de l'ASACR, dont le Pakistan était également signataire. Le fait que ce dernier ne respecte pas les conventions qu'il signe est une tout autre histoire.

Selon nous, il est essentiel que le monde s'intéresse à cette région, qui constitue la plaque tournante du terrorisme. Le Pakistan et l'Afghanistan sont à l'origine de cette activité terroriste. À mon sens, il n'est pas nécessaire de faire d'autres études sur le sujet. Quels pays sont les berceaux du terrorisme? Le fait est que les actes terroristes de nos jours ne sont pas conçus en Inde; ils sont conçus au Pakistan ou en Afghanistan.

Par conséquent, il est essentiel que les principaux pays développés se rendent à l'évidence et admettent cette réalité- là. Il faut s'attaquer à la double problématique de l'Afghanistan et du Pakistan. On ne peut s'intéresser à la situation en Afghanistan sans tenir compte de celle du Pakistan.

Le sénateur Nolin : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Telle est d'ailleurs la politique du gouvernement canadien. Mais si nous voulons que nos efforts réussissent en Afghanistan et au Pakistan, nous devrons pouvoir compter sur l'Inde. Êtes-vous prêts à relever ce défi avec nous?

M. Nath : Nous assurons une présence en Afghanistan, mais une présence non militaire, étant donné que l'Afghanistan est notre voisin. Nous n'avons aucune présence militaire ailleurs. Par contre, nous avons entrepris de grands projets en vue de construire une nation en Afghanistan, bien que l'Inde soit toujours un pays à faible revenu. Nous participons à l'exécution de nombreux grands projets en Afghanistan.

Il reste que la situation au Pakistan est très préoccupante. Ce pays n'a pas connu de véritable démocratie. Quand le Pakistan a eu un avant-goût de démocratie, il s'agissait d'une démocratie prescrite par l'armée. Ce pays ne connaît donc pas de démocratie durable depuis fort longtemps.

L'Inde est d'avis que le processus politique au Pakistan doit être renforcé. Nous pouvons donner l'exemple en prouvant que l'Inde est une démocratie prospère. Il ne saurait y avoir de meilleur exemple pour le Pakistan. Ce dernier agite le spectre d'un conflit au Cachemire afin de s'assurer de gros budgets de la défense et tout ce qui entre dans la catégorie des dépenses de défense. Je ne vais pas m'étendre davantage sur la question.

Le sénateur Smith : Je ne voudrais pas trop insister sur la problématique Inde-Pakistan, mais j'ai bien entendu ce que vous avez dit à ce sujet tout à l'heure. J'étais moi-même en Inde au cours du mois pendant lequel les attentats à la bombe qui ont fait de nombreux morts ont frappé Mumbai il y a un peu plus d'un an. Dans ce contexte, et par rapport à vos efforts pour instaurer une meilleure coopération avec le Pakistan, afin de retrouver les auteurs de ces actes et de les traduire devant la justice, il semble qu'il y ait eu un certain progrès. Pourriez-vous nous dire si cette terrible tragédie aura été l'élément déclencheur d'un certain progrès?

M. Nath : Les auteurs de ces attentats et leurs associés se promènent librement au Pakistan à l'heure actuelle; ils y ont trouvé refuge. L'instruction de cette affaire n'est ni plus ni moins une tentative pour contourner complètement le système judiciaire.

Pour moi, il n'y a aucun progrès. Je dirais que le seul progrès au Pakistan se situe au niveau de la propagande. Mais le monde entier en connaît l'origine. Tous les jours, il y a d'autres informations à ce sujet. J'ai lu ou vu au téléjournal hier ce qu'aurait dit récemment le directeur de l'ISI à propos d'Oussama ben Laden.

Voilà où se situe la différence : l'Inde est le pays de Mahatma Gandhi, alors que nous traitons avec les pays de ben Laden.

Le sénateur Di Nino : Monsieur Nath, vous avez dit tout à l'heure que le Canada mise trop sur l'ALENA et vous avez également évoqué la mentalité canadienne. Je crois que vous conviendrez avec moi qu'au cours des trois dernières années, avec l'inauguration d'au moins trois nouveaux bureaux commerciaux — notamment celui d'Ahmedabad, au Gujarat, qui donnera une impulsion importante à la relation entre nos deux pays en matière de commerce et d'investissement — le Canada s'est enfin réveillé. Tel est mon avis; il est possible que vous ne le partagiez pas. Bon nombre d'entre nous sont d'accord avec vous pour dire que le Canada n'a pas réagi aussi rapidement qu'il aurait dû le faire pour ce qui est de reconnaître les grandes possibilités qui existent pour nos deux pays.

Nous traitons essentiellement trois questions à l'heure actuelle : l'Accord sur la promotion et la protection de l'investissement étranger est encore en voie d'élaboration; l'accord sur la coopération nucléaire; et les discussions sur un accord de partenariat économique qui ont été lancées par le ministre Day, me semble-t-il, au moment de sa visite.

Où en sont ces accords en ce qui concerne le gouvernement indien? Quel est l'état d'avancement de votre travail à cet égard?

M. Nath : Comme vous dites, le Canada s'est réveillé. Il est vrai que le Canada s'est réveillé, mais il faut maintenant que le Canada sorte du lit.

Le sénateur Di Nino : Nous pourrons en parler entre nous.

M. Nath : Je souhaite que mon message soit aussi clair et énergique que possible.

J'ai félicité mon ancien collègue, Stockwell Day, pour l'initiative du nouveau bureau au Gujarat. C'était une bonne chose. Il en faut beaucoup plus et il faut également en assurer le suivi en organisant de nombreuses autres visites de sénateurs, de grandes personnalités publiques, de chefs d'entreprises et de ministres. La visite d'un premier ministre donne l'élan, mais une autre visite s'impose dans la foulée de celle du premier ministre. Cette visite est très importante.

Nous sommes en train de mettre la dernière main à l'accord sur la promotion et la protection de l'investissement étranger. Il reste quelques détails à régler, mais je suis convaincu que cela se fera rapidement.

Pour ma part, j'attache beaucoup d'importance à l'accord de coopération économique, étant donné que c'est moi qui en ai fait la promotion et qui l'ai lancé, et cet accord est maintenant en train d'être officialisé. Nous avons mis sur pied un groupe d'étude formé de représentants du monde des affaires. C'était la bonne décision, car tout le monde y trouve son compte. Nous avons donc mis sur pied un groupe d'étude. Les représentants du monde des affaires — et je m'associe à cette approche — souhaitent que tous les sénateurs cherchent à convaincre les gouvernements d'y adhérer. Les ministères sont responsables de tellement de dossiers et mènent des activités dans tant de domaines différents.

Un échéancier précis a été établi au cours de la visite du premier ministre Harper, mais je crois savoir qu'on accuse un peu de retard à l'heure actuelle. Il faut donc relancer l'activité dans ce domaine. J'exhorte donc tous mes collègues et responsables de l'administration indienne à accélérer cette démarche et je vous demande d'en faire autant.

L'élaboration des modalités et de la structure administrative de l'Accord de coopération nucléaire est maintenant terminée. Cet accord est important pour l'Inde pour des raisons stratégiques. Nous avons prouvé notre capacité nucléaire sans jamais y avoir recours. Le Canada a reconnu la discipline dont nous avions fait preuve et nous a appuyés.

Pour moi, cet accord de coopération représente la voie du progrès. Il est en place depuis deux ou trois mois seulement et je suis convaincu que les deux pays voudront en assurer le succès. Nous établissons cet accord parce que nous en avons besoin. Il faut que le Canada soit à nos côtés. Nous ne pouvons pas nous permettre de dépendre de la Russie ou de la France. Nous devons avoir accès à toutes les technologies — les meilleures technologies — et le Canada en possède parmi les plus avancées. Pour nous, c'est surtout une question de besoin.

Le sénateur Di Nino : Je tiens à rendre hommage à la communauté indo-canadienne pour son importante contribution, par l'entremise non seulement du Haut Commissariat mais aussi de la Chambre de commerce, du Conseil de commerce Canada-Inde et de la Fondation Canada-Inde. Ils ont tous exercé beaucoup de pression sur nous, notamment au sujet de l'accord nucléaire. J'espère que nous pourrons accélérer ce travail et le signer rapidement, car à mon avis, il créera des possibilités importantes pour nos deux pays. Je pense que, dans le contexte actuel, les responsables de part et d'autre doivent accélérer leur travail.

M. Nath : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il en a été question ce matin et je compte en parler avec les responsables du dossier à mon retour.

Le sénateur Downe : Vous avez évoqué l'importance de la visite du premier ministre et des hauts fonctionnaires qui l'ont accompagné en Inde, de même que l'inauguration de nouveaux bureaux.

Que font de plus d'autres pays qui sont présents en Inde — c'est-à-dire les Australiens, les Allemands et les Japonais — par rapport au Canada? Pourriez-vous nous donner une indication des lacunes du point de vue du gouvernement indien?

M. Nath : Dans le domaine économique?

Le sénateur Downe : Oui.

M. Nath : Le Japon a mis sur pied la JETRO, soit l'Organisation japonaise du commerce extérieur, entre autres parce que les représentants du monde des affaires au Japon ne parlent pas anglais. Or le Canada n'a pas ce problème. L'organisation japonaise a donc pour fonction de satisfaire les moindres petits besoins des PME japonaises qui désirent s'implanter en Inde. La JETRO a trois ou quatre bureaux dans diverses régions du pays.

Le Royaume-Uni pratique depuis toujours des échanges commerciaux avec l'Inde. L'Allemagne a implanté une bonne partie de ses activités manufacturières en Inde, sachant qu'elle aurait une pénurie de travailleurs qualifiés.

La Chambre de commerce indo-allemande est très forte et existe depuis une cinquantaine d'années. Cette chambre de commerce fait office de bureau commercial. Chaque Allemand qui arrive en Inde s'adresse à la Chambre de commerce allemande et fait preuve de diligence raisonnable en se renseignant sur les gens. Les Allemands dirigent l'organisme en question et toutes les entreprises allemandes en deviennent membres.

De même, chaque compagnie a sa propre façon de mener ses activités. Celles qui s'intéressent au secteur des services ont une stratégie qui leur est propre. Il en va de même pour celles qui œuvrent dans le secteur manufacturier.

Pour moi, le rôle principal des bureaux canadiens en Inde doit consister à susciter l'intérêt des PME canadiennes pour l'Inde à titre de marché potentiel pour leurs produits et de source de produits indiens.

Le sénateur Zimmer : Monsieur le ministre, merci pour votre présence aujourd'hui et pour votre exposé liminaire. Votre message était extrêmement clair et précis.

Pour ma part, je suis originaire du Manitoba, où nous avons de nombreux chefs d'entreprises exemplaires qui apportent une contribution importante à la collectivité qui a été à l'origine de leur succès. Cependant, dans votre exposé liminaire, vous avez évoqué deux importants problèmes, soit la pauvreté et le terrorisme.

Je constate que vous avez le sens de l'humour, puisque vous avez dit que le Canada doit maintenant sortir du lit. Je voudrais m'assurer de bien formuler ma question. Il existe un rapport chimique entre l'activité industrielle et le terrorisme. L'un favorise l'autre, mais je voudrais essayer de voir cette problématique sous l'ange inverse. Je constate que vous avez fait vos études universitaires au Collège St. Xavier à Kolkata et en sciences commerciales; peut-être avez- vous également suivi un cours de chimie. L'activité industrielle et le terrorisme sont autant d'éléments d'une équation équilibrée qui fait que vos compatriotes s'installent dans d'autres pays du monde et finissent par apporter une très grande contribution à l'économie du pays hôte. Cependant, ils finissent par établir des cellules dans tous ces différents pays car, grâce à la prospérité de leurs activités commerciales, ils renvoient de l'argent à leur pays d'origine. Malheureusement, cet argent est parfois utilisé à mauvais escient — par exemple, pour acheter des armes et du matériel terroriste.

Que pouvez-vous faire pour déséquilibrer cette équation et empêcher donc ce genre d'activités?

Deuxièmement, avez-vous un problème de culture de la drogue chez vous, ce qui constituerait alors un troisième élément qui risque de perpétuer l'équation?

Que faut-il faire pour s'attaquer à ces problèmes?

M. Nath : En Inde, nous n'avons pas été autant touchés par ce problème que des pays comme le Sri Lanka, où les preuves concernant le financement d'activités de ce genre par des personnes qui ont connu du succès ici sont abondantes. Le seul cas semblable que nous avons connu était celui du mouvement séparatiste du Khalistan. Mais c'est un faux problème puisque cela n'a jamais rien donné, même s'ils leur ont envoyé de l'argent. Ce mouvement n'est plus actif; il existe davantage au Canada qu'en Inde. Il n'a aucun appui — zéro, et on n'en entend jamais parler. À un moment donné, c'était un mouvement très puissant et vous avez raison de dire que, à cette époque-là, ce financement l'a favorisé. Mais ce mouvement a complètement disparu.

L'Inde a eu beaucoup de chance en ce sens que nos ressources ne servent pas à financer des mouvements séparatistes ou illégaux; on ne peut pas en dire autant de nos voisins. Nous avons tout de même une certaine chance de ne pas être confrontés à ce problème.

S'agissant du trafic de drogues, l'Inde n'a pas de cartels ou de mafia de la drogue. Nous n'avons rien de ce genre chez nous. On cultive de la drogue; je suis d'ailleurs originaire de la province qui produit tous les stupéfiants.

Cela ne dérange personne. Cela ne fait tout simplement pas partie de notre mode de vie. Bien sûr, il existe un petit nombre de personnes dans les universités ou les collèges qui font usage de drogues. L'usage expérimental des drogues est devenu très courant dans cette région du monde, mais non en Inde.

Je constate que la drogue ne pose pas problème en Inde. Le nombre d'utilisateurs est relativement minime et, par conséquent, pour nous il ne s'agit aucunement d'un problème insurmontable.

Le sénateur Smith : Je voudrais discuter de cette « accélération » que vous avez évoquée. Vouloir, c'est pouvoir. À mon avis, on peut dire que, à la fois en Inde et au Canada, il existe une réelle volonté d'intensifier les échanges et de recenser les problèmes.

Notre comité a visité à la fois la Russie et la Chine, et nous espérons pouvoir nous rendre également en Inde. En Russie, on nous a parlé sans arrêt des problèmes de visa, qui touchent notamment les dirigeants d'entreprises qui font la navette entre les deux pays.

S'agissant de ce qui pourrait permettre d'accélérer ce processus — vous avez donné un ou deux exemples et, pour ma part, je songe à l'usine de Bombardier qui se trouve là-bas — les échanges universitaires sont positifs. Nous souhaitons connaître toutes les idées qui pourraient vous être proposées. Avec l'aide du Haut Commissariat, il sera peut-être possible de nous transmettre cette information. J'insiste simplement sur le fait que cette volonté est réelle ici au Canada et j'espère que nous pourrons trouver le moyen de la concrétiser.

Peut-être pourriez-vous réagir, car la forte présence de la communauté indo-canadienne et la prospérité des entrepreneurs indo-canadiens sont la manifestation de cette volonté.

M. Nath : Cette volonté est tout aussi ferme en Inde. À mon avis, le potentiel est immense dans le secteur de l'éducation. Notre conseil des ministres vient d'approuver un projet de loi sur les universités étrangères, qui permettra à ces dernières de collaborer avec l'Inde. Cela ne s'est jamais fait jusqu'à présent. Tout le monde y trouvera son compte. Lorsque j'étais à Toronto, le directeur de l'Université Western Ontario m'a dit qu'ils envisagent de créer un certain nombre de programmes.

De nouvelles synergies sont en train de se créer, et ils m'ont dit qu'il est possible que les universités canadiennes accueillent maintenant un plus grand nombre d'étudiants indiens, étant donné qu'il y a eu quelques problèmes en Australie. On ne peut comparer l'Australie et le Canada. La situation est tout autre en Australie. C'est une comparaison qui a été évoquée; c'est pour cela que j'en ai parlé. Quelqu'un disait que nous avions tiré les bons enseignements de notre expérience en Australie. J'ai répondu en disant que vous allez en tirer encore davantage, étant donné que vous êtes complètement différents.

Je pense qu'il faut encourager ce genre d'activité et qu'il faut intensifier la collaboration entre les établissements universitaires.

Il ne faut pas perdre de vue l'étude menée par PricewaterhouseCoopers, selon laquelle la pénurie mondiale de travailleurs qualifiés sera de 56 millions en 2020, alors que l'Inde aura un excédent de travailleurs de 47 millions. Comme nous parlons de 2020, ce n'est pas une lointaine possibilité.

Mon propos est donc que les partenariats et les débouchés qui existaient il y a cinq ans sont en train d'évoluer, si bien qu'il convient d'examiner les possibilités qui existent maintenant.

Le sénateur Stollery : Je vais être très bref. Je voudrais d'abord remercier le ministre d'avoir pris le temps de comparaître devant le comité. Sa visite tombe à point nommé, étant donné que nous commençons à peine ce projet.

Hier soir, j'écoutais le ministre qui se défendait en parlant de l'issue des négociations de Doha. Certains d'entre nous au comité sont très bien renseignés au sujet des négociations de Doha et je dois dire que je me ralliais à certains de vos arguments à ce sujet.

Je n'aurais jamais cru que j'allais lire des livres sur le Pakistan, mais j'ai commencé à le faire — j'ai lu des ouvrages d'Ahmed Rashid, de même que ce merveilleux livre, A Case of Exploding Mangoes. Tout le monde devrait lire ce livre.

M. Nath : Il faut leur dire lequel.

La présidente : Nous l'avons déjà lu.

Le sénateur Stollery : Nous sommes un peu au courant des problèmes dans cette région et la situation est effectivement très difficile. Les problèmes ne vont pas disparaître rapidement. Après tout, le conflit au sujet du Cachemire remonte à 1948, et on peut donc supposer que ce n'est pas la semaine prochaine qu'il sera réglé.

La question du sénateur Downe évoquait quelque chose qui me préoccupe également; peut-être y avez-vous déjà répondu. Que font les Allemands, par exemple, que nous ne faisons pas? Après tout, le Canada entretient des relations avec l'Inde depuis longtemps, plus longtemps que l'Allemagne, on peut dire. Si je cite l'exemple des Allemands, c'est parce que leurs politiques en matière d'exportation et de commerce international ont été couronnées de succès. Je crois que vous nous avez peut-être fourni la réponse en répondant à la question du sénateur Downe au sujet du Japon et des chambres de commerce qui ont été créées. Je trouve incroyable — depuis toujours — qu'ils aient eu autant de succès, alors que nous, non.

M. Nath : L'Allemagne n'a pas pour voisin les États-Unis. Voilà une première raison. Les États-Unis représentent un marché immense pour les entreprises canadiennes. L'Allemagne a comme voisin l'Autriche, un petit pays qui a un petit marché. Les Allemands cherchaient un immense marché captif de même qu'une base manufacturière. L'Allemagne fabrique ses produits en Inde et les vend sur les marchés du monde. Elle a de tout petits voisins, alors que le Canada en a de très grands. Voilà donc une première raison.

Comme je le disais tout à l'heure, c'est une question de perception. Sur ce plan-là, la position du Canada est très sûre.

Le sénateur Robichaud : Vous disiez que l'agriculture est surtout une agriculture de subsistance et que nous connaissons sans doute l'ancienne Inde, plutôt que la nouvelle. Mais quel est le rôle de l'agriculture par rapport au portrait de la nouvelle Inde que vous avez présenté? Le secteur agricole accuse-t-il un certain retard ou progresse-t-il au même rythme? Quel rôle peut-il jouer dans le secteur agricole en Inde?

M. Nath : D'abord, vous me demandez quel est son rôle? Nous voulons nous assurer que la contribution du secteur agricole, en tant que pourcentage du PIB, est réduite. Le secteur manufacturier représente un pourcentage plus élevé du PIB que le secteur agricole.

Deuxièmement, nous collaborons avec le Canada à l'heure actuelle à différents projets visant à régler les problèmes de productivité. Notre productivité correspond à un quatrième, un cinquième et, parfois, un huitième de la productivité du Canada. Presque 80 p. 100 de nos activités agricoles dépendent des pluies, et donc, tout dépend de ce qui se produit à l'époque de la mousson. L'année dernière, cela s'est bien passé et la simple perception d'une mauvaise saison de la mousson a donné lieu à l'augmentation des prix. Nous avons d'immenses stocks régulateurs.

Par conséquent, nous souhaitons que la nouvelle génération d'Indiens nouvellement instruits en Inde rurale qui ne souhaitent pas pratiquer l'agriculture puissent obtenir de nouvelles compétences. Il faut absolument que ce segment de la population acquière un nouvel ensemble de compétences. Nous avons un programme de développement des compétences de grande envergure qui permet aux gens de devenir grutiers ou d'acquérir d'autres compétences utiles.

Cependant, il est essentiel qu'un grand nombre de personnes cessent de pratiquer l'agriculture. Il y a 30 ans, bien des gens vivaient d'un hectare de terrain. Maintenant le nombre de personnes qui vivent d'un hectare de terrain a considérablement augmenté, alors que la superficie du territoire disponible n'a pas changé. Les familles sont plus grandes mais la productivité n'a pas progressé. Il n'y en a pas assez pour tout le monde. Certaines personnes décident à présent de s'installer dans d'autres régions.

Le sénateur Wallin : Ma dernière question concerne l'énergie. Comme vous êtes franc et direct, j'aimerais que vous répondiez à cette question. L'Inde a-t-elle besoin de l'énergie canadienne? Là je vous parle de sources non renouvelables de pétrole et de gaz. L'Inde a-t-elle besoin de nos ressources non renouvelables ou plutôt de nos compétences spécialisées, de nos connaissances et de notre matériel afin d'être en mesure d'extraire ses propres ressources non renouvelables?

M. Nath : Il nous faut les deux. Nous avons des ressources d'extraction limitées et, par conséquent, nous allons continuer d'importer d'immenses quantités de pétrole et de gaz : nous avons besoin d'importations pour répondre à environ 85 ou 87 p. 100 de nos besoins. Nous voulons faire notre possible, et ce de manière efficace. Nous voudrons certainement acheter ces ressources aux meilleurs prix possible.

Le sénateur Nolin : J'ai une brève question sur la question nucléaire. Je suis sûr que votre pays est au courant de l'engagement du président Obama vis-à-vis d'un régime mondial de non-prolifération. Quelle est la position de votre pays sur ce régime?

M. Nath : Ce régime de non-prolifération doit viser l'ensemble des acteurs; il ne peut être sélectif. Nous avons toujours dit que l'Inde est prête à accepter un régime de désarmement nucléaire complet, mais nous ne pouvons accepter une formule de désarmement sélectif. Nous ne pourrions accepter que le Pakistan continue clandestinement à construire des armes nucléaires alors que l'Inde est en train de se désarmer. Nous possédions une capacité nucléaire bien avant le Pakistan, mais le Pakistan a acquis cette capacité. Personne n'a dit au Pakistan de ne pas l'acquérir; en fait, il a continué à recevoir de l'aide et à bénéficier du soutien de nombreux pays. Ce n'était un secret pour personne. Le Pakistan a commencé à acquérir cette capacité nucléaire même si l'Inde faisait savoir à bien des pays du monde qu'il était en train de le faire et qu'il faudrait l'empêcher de poursuivre cette activité.

Il faut donc une approche globale sur cette question.

La présidente : Monsieur le ministre, notre temps est écoulé. Je vous remercie d'être resté un peu plus longtemps. Je n'ai pas fait de longue introduction biographique, étant donné que tous les sénateurs avaient déjà reçu votre profil. Comme bon nombre des sénateurs étaient au courant des différentes fonctions que vous avez exercées, ils étaient tous très bien préparés pour cette rencontre avec vous.

Vous avez relevé avec brio le défi que nous vous avons présenté en vous posant toutes ces questions. Il est possible que certains de vos propos soient cités sous une forme ou une autre dans notre rapport. Je pense que vous nous avez mis au défi de nous intéresser de plus près à l'Inde et à notre relation avec l'Inde, peut-être même en y jetant un regard nouveau. Il est un fait qu'il y a eu un dialogue plus énergique entre nos deux gouvernements ces derniers temps, mais le comité sénatorial est d'avis qu'il peut apporter sa propre contribution aux efforts déployés par le gouvernement à l'heure actuelle en étant à l'origine de certaines des innovations que vous avez évoquées.

Nous vous remercions donc de votre visite tout à fait opportune et du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui.

M. Nath : C'est moi qui vous remercie.

La présidente : Honorables sénateurs, comme notre temps est limité, nous devrons travailler très efficacement. Je vous présente donc notre deuxième témoin, soit Son Excellence Antonio Guterres, haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. M. Guterres est devenu le 10e haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés le 15 juin 2005. Je connais M. Guterres depuis l'époque où il était premier ministre du Portugal. Le Portugal a été membre de l'Assemblée générale des Nations Unies pendant cinq ans. Il en est devenu le président après avoir exercé de nombreuses fonctions dans son pays et au sein du Parlement européen. Comme vous avez son profil biographique, je ne vais pas vous en donner tous les détails.

Je voudrais donc simplement souhaiter la bienvenue à M. Guterres. Nous sommes le Comité des affaires étrangères. À l'heure actuelle, nous menons une étude sur nos relations commerciales avec divers pays, mais le Canada est connu depuis longtemps pour son appui du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Votre présence au Canada est très importante. Le travail accompli par le HCR lui a valu à deux reprises le Prix Nobel de la paix. Les membres du comité sont donc honorés de vous accueillir aujourd'hui.

H.E. Antonio Guterres, haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés : Merci beaucoup. Je me sens tout à fait chez moi. J'ai passé 25 ans au Parlement. Bien entendu, nous n'avons pas de sénat — il n'y a chez nous qu'une seule Chambre — mais j'ai toujours l'impression d'être entre collègues quand j'ai l'occasion de prendre la parole devant un comité parlementaire.

Le monde d'aujourd'hui compte 60 millions de réfugiés, y compris les réfugiés palestiniens, et 27 millions de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Les deux tiers des réfugiés du monde sont issus de ce que j'appellerais un arc de crise qui commence au Pakistan et se déplace en englobant l'Afghanistan, l'Iraq et le Moyen- Orient. Vous ne participez peut-être pas directement au règlement de la situation des réfugiés dans cette région, étant donné qu'une autre organisation des Nations Unies, soit l'Agence des Nations Unies pour la coordination des secours en cas de catastrophe, est chargée de ces activités-là. Ensuite, il y a le Soudan, le Tchad, la Somalie et d'autres pays qui entourent la Somalie, où se trouvent des réfugiés somaliens, et finalement le Yémen. Cet arc de crise représente les deux tiers des réfugiés du monde, mais c'est plus que cela.

Cet arc de crise reflète une série de situations qui sont de plus en plus liées les unes aux autres. Elles sont à l'origine de nos préoccupations en matière de sécurité mondiale. Certains de ces pays constituent un terrain fertile pour des terroristes qui pourraient commettre des actes par la suite à l'extérieur de cette zone. En même temps, l'enjeu, jusqu'à un certain point, est la relation entre le monde dit occidental et le monde dit musulman. Évidemment, une solution permettant de régler cette crise constituerait une contribution des plus importantes à la paix et à la sécurité mondiales, même si nous savons pertinemment, par rapport à cet arc de crise, que, malheureusement, la situation mondiale ne s'améliore pas.

Pour nous, la situation en Afghanistan est fort complexe. La sécurité dans ce pays se détériore depuis un moment, ce qui a fait augmenter le nombre de personnes déplacées. Les rapatriés du Pakistan et de l'Iran ont presque disparu, étant donné les difficultés actuelles. Il y a eu une légère amélioration en Irak. Vous avez tous suivi les négociations ardues entre les principaux intervenants en vue de lancer ou de relancer un processus de paix efficace relativement à la question israélo-palestinienne. S'agissant du Soudan, la situation s'est légèrement améliorée au Darfour, mais l'avenir du sud du Soudan nous inquiète beaucoup. Nous avons très peur de ce qui pourrait arriver en 2011 dans le sud du Soudan. La situation en Somalie et au Yémen est à ce point dramatique sur le plan politique, humanitaire et de la sécurité qu'elle devient difficilement redressable. Cet arc de crise représente donc pour nous, responsables de l'action humanitaire, mais aussi pour tous ceux qui sont chargés de la politique étrangère dans le monde aujourd'hui, une immense inquiétude étant donné qu'il est à l'origine de bon nombre des problèmes auxquels nous sommes confrontés actuellement.

Il y a ensuite toutes les autres crises, dont certaines dramatiques du point de vue de leurs dimensions humanitaires. Je peux citer le cas de la République démocratique du Congo, par exemple, ou nous pourrions également parler du Sri Lanka, de la Colombie ou de la République centrafricaine. Les autres pays ont une dimension locale ou régionale. Personne ne craint qu'un terroriste de la République démocratique du Congo décide de faire exploser une bombe à Genève. Ces autres crises tendent à moins préoccuper les médias du monde et la communauté internationale. Or, comme je viens de vous l'expliquer, certaines d'entre elles ont des répercussions dramatiques sur le plan humanitaire.

Dans ce contexte, je voudrais mettre en relief trois grandes préoccupations. Premièrement, le rétrécissement de l'espace humanitaire résulte de l'insécurité actuelle. Il ne s'agit plus de la guerre civile typique entre une armée et un groupe de rebelles, comme ce fut le cas au Sri Lanka. Dans l'est de la République démocratique du Congo, vous avez l'armée nationale, qui est la pire. Du point de vue de la violation des droits de la personne, une force internationale fait face à quatre ou cinq groupes de rebelles ou de milices ethniques différents, dont certains sont locaux et d'autres viennent de pays avoisinants, ainsi qu'un problème généralisé de brigandage, puisque certains peuvent être membres d'une milice le matin et devenir brigands l'après-midi. Voilà qui donne lieu à un rétrécissement dramatique de l'espace humanitaire, car l'effectif humanitaire est, dans ce contexte, plus important que la population qui requiert son aide. Par exemple, trois collègues ont été assassinés l'an dernier au Pakistan. Vous pouvez facilement imaginer l'effet que cela peut avoir sur une organisation, quelle qu'elle soit.

Pour ce qui est de notre deuxième préoccupation, force est de constater que les priorités liées à la protection des droits de la personne sont progressivement supplantées par l'impératif de la souveraineté nationale. Lorsque j'étais député et premier ministre dans les années 1990 au Portugal, la communauté internationale avait encore la capacité d'intervenir en Bosnie, au Kosovo et au Timor-Oriental. Dans le cas du Timor-Oriental, je dirais qu'une telle intervention serait impossible maintenant. L'évolution observée dans certains de ces pays nous a permis de constater que les gouvernements invoquent de plus en plus la souveraineté nationale afin de limiter l'action humanitaire. Qu'on parle de la mission du gouvernement actuel au Darfour ou même de la réaction du gouvernement du Myanmar par le passé, les exemples sont très nombreux. Nous n'avons pas accès à ces pays parce que les gouvernements au pouvoir ne veulent pas que des organismes internationaux voués à la protection des droits de la personne soient présents et puissent être témoins de ce qui s'y produit.

Mais cela ne s'arrête pas là. À mon avis, c'est la corrélation mondiale des forces en présence qui remet en question les priorités en matière de protection des droits de la personne, si bien que la souveraineté nationale redevient le facteur clé dans les relations internationales, ce qui représente, évidemment, pour une agence étrangère comme la nôtre, une tendance extrêmement inquiétante. D'ailleurs, cette tendance est susceptible d'inquiéter tous ceux qui croient à la protection des droits de la personne.

Notre dernière préoccupation concerne le fait que les opérations de maintien de la paix se déroulent dans des régions où il n'y a pas de paix à maintenir.

[Français]

Par exemple, lorsque les Casques bleus sont en train d'agir dans un pays et que l'appel n'est plus là, ils deviennent une partie du conflit. Cela fait que l'impartialité ou la neutralité de la communauté internationale est mise en question. Et si c'est vrai pour les forces armées à un moment donné, c'est aussi vrai pour les agences humanitaires.

Pour quelqu'un qui est dans un village au Congo, les Nations Unies sont les Nations Unies. Quelque soit la force militaire ou une agence comme la nôtre, le Programme alimentaire mondial, cela engendre des difficultés accrues pour l'action humanitaire à cause de cette difficulté de maintenir l'autonomie de l'espace humanitaire, l'impartialité, la neutralité et l'indépendance de l'action humanitaire.

Je crois que le rôle du Canada, premièrement, comme partenaire exemplaire du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, nous avons un appui financier extrêmement important du Canada et aussi avec la présidence du G8, le rôle du Canada pour que ces questions puissent être dans la mesure du possible bien encadrées par la communauté internationale, c'est un rôle extrêmement important. Je suis très content d'avoir cette occasion de visiter le Canada, votre gouvernement, vos institutions au moment où, exactement, vous avez ce rôle essentiel de leadership au niveau mondial.

Le sénateur Nolin : Merci, bienvenue monsieur le haut commissaire. Je vais regarder la question des réfugiés du point de vue canadien. Votre agence a une responsabilité pour superviser ou, à tout le moins, examiner notre façon de mettre en œuvre nos engagements internationaux. Je veux juste vous rappeler quelques chiffres : plus de 80 p. 100 des demandeurs de statut de réfugié en provenance du Mexique le font au Canada comparativement à un peu moins de 20 p. 100 aux États-Unis. La quasi-totalité des demandeurs Hongrois et de la République tchèque le font au Canada.

Pensez-vous que nos mécanismes soient adéquats? Sinon, que devrions-nous faire pour les modifier? Vous tenez peut-être ces conversations avec le ministre de l'Immigration.

M. Guterres : Le ministre de l'Immigration en a beaucoup discuté. Il a eu beaucoup d'occasions de présenter ses lignes directrices de la réforme présentée au Parlement. Naturellement, nous sommes à la disposition du Parlement pour donner notre avis dans les domaines que le Parlement considérera importants.

Je crois que, premièrement, il faut dire que le système canadien est solide. On a discuté de quelques possibilités de perfectionner le système, mais c'est un système solide. C'est important.

Deuxièmement, la préoccupation doit être toujours d'établir une compatibilité entre un niveau de protection adéquat, exemplaire dans le cas canadien, et l'intégrité du système en ayant la capacité aussi d'éviter les abus du système.

Dans ce contexte, je crois qu'il y a quatre dimensions qui sont extrêmement importantes et qu'il faut voir ensemble. La dimension de l'accès, de la qualité des décisions, du temps de décision et de la capacité des États de renvoyer les gens qui n'ont pas besoin de protection, à savoir un système intègre et efficace qui permet aux gens d'accéder au système, de prendre des décisions justes et en temps adéquat et en même temps, l'État a la possibilité de renvoyer ceux qui sont considérés qui n'ont pas besoin de protection internationale.

Je crois que le débat très intéressant qui va suivre est le suivant : comment on peut introduire des réformes dans le système pour garantir une complète compatibilité de ces éléments. Nous avons eu une très intéressante et très utile discussion ce matin mais naturellement il faut voir les textes. Je ne sais pas si l'on dit cela en français, mais le diable est dans les détails. Naturellement, nous sommes à la disposition du gouvernement et du Parlement avec notre expertise et notre compétence spécifique pour donner tout l'appui au débat pour que les décisions prises soient équilibrées et efficaces.

Mais nous avons les deux préoccupations : maintenir un haut niveau de protection mais aussi de garantir l'intégrité du système, c'est-à-dire que notre business n'est pas la protection de ceux qui n'en n'ont pas besoin, mais plutôt de ceux qui en ont besoin et ce qui est essentiel, c'est de garantir ce niveau en même temps qu'on permet aux États d'agir dans l'expression de leurs politiques en respectant les droits de la personne, en général, naturellement, la dignité de la personne humaine mais en définissant leurs politiques d'immigration avec leur droit souverain.

Le sénateur Nolin : Je présume que le ministre a dû soulever, ou que vos notes de breffage vous avaient averti que le troisième élément des quatre critères importants que vous avez soulevés, le temps de rendre la décision est au cœur du problème au Canada.

Pour employer une expression anglaise, le « backlog » des décisions à prendre est atroce et je présume que cela fait partie de vos préoccupations.

M. Guterres : Avoir un temps raisonnable est essentiel. Si le temps est trop court, cela veut dire que les décisions sont mal prises. S'il est trop grand, cela veut dire que le système, finalement, ne fonctionne pas parce qu'après dix ans, même si l'on considère que quelqu'un n'a pas besoin de protection, c'est déjà trop tard probablement pour le renvoyer parce qu'il est complètement intégré.

Il y a eu récemment en Autriche, où le système est très lent, une situation où quelqu'un qui, après cinq ou sept ans, a été considéré comme n'ayant pas besoin de protection, que le gouvernement voulait expulser, mais la ville où il vivait est venu faire une manifestation.

Le sénateur Nolin : La ville s'y est opposée.

M. Guterres : Elle est venue faire une démonstration à Vienne en disant : maintenant il a une petite entreprise, il travaille, c'est un citoyen respecté, pourquoi allons-nous l'expulser?

Mais le temps de décision est quelque chose de très important. À mon avis, dans le système canadien, il faut trouver dans l'interrelation des différentes instances un mécanisme qui puisse permettre des décisions en temps utile.

[Traduction]

Le sénateur Wallin : Mon collègue a évoqué certaines de nos préoccupations en ce qui concerne les mécanismes employés, qu'on parle de contrôle frontalier ou de la question plus importante, soit la Charte des droits et libertés; en d'autres termes, ce qui se produit lorsqu'une personne arrive au Canada.

Contrairement au contexte et à la raison d'être de votre mandat, qui était axé sur l'établissement des réfugiés à la suite d'une guerre, ce qui ne semblait pas du tout controversé à l'époque, nous sommes, à l'heure actuelle, confrontés au problème des déplacements de terroristes. Il est difficile de savoir dans quelle mesure votre mandat vous a vraiment permis d'y répondre.

Envisagez-vous d'apporter des changements au sein de votre organisation pour que la responsabilité en matière d'évaluation relève de vous en partie?

M. Guterres : En fait, la participation à des actes de terrorisme est un motif d'exclusion. Ainsi aucun terroriste ne peut être considéré comme un réfugié, et ce principe est clairement établi dans la doctrine et les principes.

Il n'arrive pas très souvent qu'un membre d'un organisme terroriste ait recours au mécanisme de la demande d'asile, tout simplement parce que le fait de présenter une telle demande signifie qu'on s'intéressera à lui. Si vous envisagez d'aller quelque part pour faire quelque chose de répréhensible, vous allez vous arranger pour que personne ne remarque votre présence.

Quoi qu'il en soit, nous avons établi un système efficace de coopération avec le Comité contre le terrorisme des Nations Unies qui permet d'appuyer l'action antiterroriste de cet organe intergouvernemental. Nous collaborons également avec INTERPOL pour l'établissement de mécanismes d'échange d'information et afin d'établir la capacité à détecter des situations de ce genre.

Par contre, nous entretenons un dialogue fructueux avec des pays qui possèdent des services de renseignement qui sont à même de les tenir au courant des situations les plus complexes, afin que notre évaluation soit aussi efficace que possible. Cet élément est au cœur de nos préoccupations.

Je ne crois pas me tromper en vous disant que nous n'avons détecté jusqu'ici aucune tentative réelle, de la part d'un membre d'un organisme terroriste, pour emprunter la filière de la demande d'asile. Nous constatons que ce sont normalement les migrants qui abusent du droit d'asile afin d'être admis par un pays alors qu'ils ne le seraient pas en tant que migrants.

Sur le plan de la sécurité, jusqu'ici le nombre de fois où nous avions l'impression que le système était en péril est extrêmement limité; il reste que nous sommes en train d'établir des mécanismes de collaboration en vue de créer les mesures de protection nécessaires.

Le sénateur Jaffer : Monsieur le haut commissaire, j'étais tout à fait intriguée par votre description de l'arc de crise. Je vous invite à nous apporter d'autres précisions au sujet des défis auxquels sont confrontées les femmes qui demandent le statut de réfugié. En ce moment, nous étudions la situation en Inde, et je sais que bon nombre de réfugiés sont arrivés en Inde pendant la crise du Népal. La principale difficulté des femmes était celle du trafic. Pourriez-vous réagir?

M. Guterres : Cette question-là alimenterait une conférence de trois jours.

Je voudrais vous entretenir brièvement de trois domaines qui nous préoccupent tout particulièrement. D'abord, dans une zone de conflit, les femmes et les enfants sont généralement les cibles les plus vulnérables des pires violations des droits de la personne. Dans l'est de la République démocratique du Congo, le taux de viol dont sont victimes les femmes de cette région est absolument atroce. Il est même difficile d'établir des contacts dans ce genre de situations, étant donné qu'elles sont tellement épouvantables. J'ai eu des contacts à plusieurs reprises avec des personnes qui ont été victimes d'actes absolument inimaginables. Les femmes sont les victimes les plus évidentes de ces actes absolument atroces dans une situation de ce genre.

Deuxièmement, la traite des personnes est une forme d'esclavage qui, selon moi, est en train de devenir une activité commerciale courante dans le monde. La plupart des personnes faisant l'objet de traite sont victimes d'exploitation sexuelle. Les femmes et les enfants qui sont visés se trouvent dans des situations tout à fait dramatiques.

Je suis très frustré de voir que la communauté internationale a pris beaucoup moins de mesures en vue de réprimer la traite des personnes, comparativement au trafic de la drogue. J'ai mes propres idées sur la raison de cet état de choses. Lorsque j'exerçais mes fonctions au sein du gouvernement, je ne pensais jamais que mes enfants pourraient être victimes de la traite des personnes, mais je craignais qu'ils soient victimes du trafic de la drogue. Il est probable que tous les hommes et toutes les femmes politiques et les membres d'organismes internationaux aient la même idée. Nous avons tendance à nous intéresser beaucoup plus au trafic de la drogue qu'à la traite des personnes. Il reste que la traite des personnes est le crime le plus odieux qui soit et que nous devons donc intensifier considérablement notre action dans ce domaine.

Nous avons discuté aujourd'hui avec le ministre de la protection des victimes. Il s'est montré très sensible aux mesures qui sont prises afin d'améliorer la protection accordée aux victimes de la traite des personnes, pour que ces dernières acceptent de dénoncer les auteurs de ces crimes. Nous avons également discuté de la nécessité de réprimer l'activité des trafiquants et des passeurs, mais surtout celle des trafiquants.

Troisièmement, il faut insister sur le rôle important des femmes dans la recherche d'une solution. J'ai parlé tout à l'heure de cet arc de crise au sein duquel les femmes sont victimes de différentes formes de discrimination culturelle et religieuse. Dans ce contexte, l'habilitation des femmes constitue l'instrument clé, pour non seulement rehausser la protection des droits de la personne mais aussi trouver une solution politique face à cette crise. Par exemple, un système de microcrédit distribué par les femmes donne de très bons résultats. Un tel système devient extrêmement problématique, du point de vue de l'utilisation et du remboursement des sommes d'argent concernées, quand les crédits sont distribués par les hommes.

À mon avis, l'habilitation des femmes constitue un instrument clé dans le contexte des activités humanitaires et de développement. Malgré l'existence de deux problèmes extrêmement préoccupants, nous avons une indication du rôle important dans la recherche d'une solution.

Le sénateur Jaffer : S'agissant de la situation des femmes du Sud-Kivu en République démocratique du Congo, on se sent tout à fait impuissant face à ce qu'il leur arrive actuellement. Prenez-vous d'autres mesures pour aider ces femmes?

M. Guterres : Nous exécutons un programme efficace de prévention de la violence sexuelle et sexospécifique, qui comprend des mesures d'intervention, en République démocratique du Congo. Au Kivu, notre action est axée essentiellement sur la prévention et la formation des policiers et des soldats, de même que des mesures pour aider les victimes, et cetera. Il reste que, même en conjuguant nos efforts avec ceux de la communauté internationale, notre action n'a pas eu un effet dissuasif efficace.

Par contre, nous avons eu une expérience intéressante au Katanga. Nous avons financé la constitution de tribunaux, le recrutement de juges et d'autres mesures de ce genre. Ainsi nous avons réussi à faire condamner et mettre en prison un certain nombre d'agresseurs.

En RDC, si on n'impose pas de sanctions, il est impossible de faire progresser la situation. Les efforts de prévention, à eux seuls, ne suffisent pas. Notre action au Katanga a donné de bons résultats, mais il n'en va pas de même pour le moment au Kivu. Notre capacité est limitée, étant donné que nos ressources ne sont pas suffisantes pour nous permettre de maintenir l'ordre, mais nous exerçons des pressions. J'espère que nous finirons par connaître le même succès dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu qu'au Katanga.

Le sénateur Stollery : Les membres du comité ont été au Kivu. Nous avons visité une clinique à Goma. J'étais au Kivu il y a 55 ans environ et je connais donc tout l'historique du terrible parcours de sa population. Le comité a visité une clinique où les seules opérations qui y sont effectuées visent à réparer le vagin des filles qui ont été violées.

Autant que nous avons pu le voir — et je crois que cela est vrai aujourd'hui encore — rien n'est fait au Kivu. J'ai l'impression que 1 000 personnes ont été tuées aujourd'hui dans une région située à 50 kilomètres à l'ouest d'une ligne droite entre Goma et Bukavu — deux endroits que j'ai connus à l'époque coloniale. Autant que moi et d'autres avons pu le déterminer, rien n'est fait à l'heure actuelle.

La présidente : Je pense qu'il s'agissait d'une déclaration, plutôt que d'une question.

[Français]

Le sénateur Stollery : Je connais bien le Kivu.

M. Guterres : Si je peux ajouter quelque chose. Quand un pays est tel que le pire instrument de violation des droits de l'homme est l'armée nationale, est un groupe de gang armée, mais c'est l'armée nationale, en tout cas, elle est le pire instrument de violation des droits de l'homme. Et quand il y a, à mon avis — et j'espère que ce sera corrigé dans le futur —, une contradiction dans le mandat de la MONUC... Parce que la MONUC, la force des Nations Unies, a trois obligations : la protection des civils, l'aide à la construction des institutions nationales — armées, police, et cetera —, et troisièmement appuyer les opérations de l'armée contre les rebelles.

Et quand on appuie les opérations d'une armée contre les rebelles, qui sont elles-mêmes un grand facteur de violation des droits de l'homme, comment est-ce qu'on peut faire la protection des civils?

Le sénateur Stollery : Quand vous parlez avec les commandants de l'armée de la MONUC au Kivu, ils vont vous dire, les commandants, le général, qu'ils ont des ordres de New York de ne rien faire. Ils se plaignent parce qu'ils ont les ordres de New York qui sont le contraire de ce que vous dites.

Nous étions à un dîner avec le commandant pakistanais, de la MONUC, qui disait : « Moi, je peux le faire, mais ils ne me laissent pas le faire. »

M. Guterres : À mon avis, le drame c'est que New York leur dit : appuyez l'opération militaire, et en même temps, faites la protection des civils. Mais comment est-ce qu'on peut appuyer une opération militaire qui elle-même tue, viole, et faire la protection des civils? Ce n'est pas possible, c'est une contradiction du mandat.

[Traduction]

Le sénateur Smith : J'ai deux vives expériences à l'esprit sur lesquelles je sollicite votre réaction. D'abord, il y a eu en 1980 un changement de gouvernement; M. Trudeau a été réélu et j'étais député. Le gouvernement précédent avait imposé l'obtention du visa aux ressortissants du Chili parce que certains d'entre eux arrivaient comme visiteurs et revendiquaient par la suite le statut de réfugié. M. Trudeau nous avait conseillé d'en parler avec tout le monde, et nous nous sommes donc adressés aux Marxistes, aux dirigeants religieux et à nos propres militants. Ils nous ont dit que 95 p. 100 d'entre eux étaient tout simplement des resquilleurs, mais que les autres 5 p. 100 obtiendraient des visas de toute façon. Nous avons donc recommandé à M. Trudeau de maintenir le statu quo. Désirez-vous commenter le fait que certains revendicateurs du statut de réfugié au Canada sont de bonne foi, alors que le Canada ne tient aucun compte de ce problème-là?

Deuxièmement, il y a sept ans, je suis allé en Bosnie-Herzégovine, accompagné de sept autres sénateurs, pour parler aux soldats canadiens. Cela rejoint ce que vous disiez au sujet des opérations de maintien de la paix qui sont effectuées dans des zones où il n'y a pas de paix à maintenir. Ils nous ont dit que leur contribution était réelle et qu'ils étaient contents d'être là, mais seulement sous l'égide de l'OTAN. Ils ne voulaient pas être sous le carcan du mandat des Nations Unies, en vertu duquel ils seraient obligés de rester immobiles à observer, sans pouvoir agir. Qu'en pensez- vous?

M. Guterres : Les conditions relatives à l'obtention d'un visa relèvent de la politique étrangère du pays concerné. Nous ne pouvons contester le droit d'un pays d'exiger l'obtention d'un visa.

Le sénateur Smith : Cela s'est produit avant le mandat du président Carter.

M. Guterres : Nous disons toujours, par rapport à l'application d'une politique sur les visas, qu'il faut s'assurer que cette dernière n'empêche pas les personnes qui ont réellement besoin de protection d'avoir accès au territoire.

Deuxièmement, dans un cas, une mission est considérée comme une opération de maintien de la paix, alors que dans l'autre, il s'agit plutôt d'une opération d'imposition de la paix. Parfois des opérations de maintien de la paix se déroulent dans une situation où il n'y a pas de paix à maintenir. S'il s'agit d'un mandat de maintien de la paix traditionnel, à ce moment-là, on ne peut absolument rien faire de valable.

À mon avis, il existe deux types de solutions qui supposent deux approches différentes. La première consiste à prévoir des opérations de maintien de la paix robustes, qu'on peut plus facilement assimiler à des opérations d'imposition de la paix, ce qui suppose que la force internationale qui est sur place se battra s'il le faut afin d'être sûre de réaliser un certain nombre d'objectifs bien définis.

Le sénateur Smith : Cela a bien marché en Bosnie.

M. Guterres : Dans ce cas, il s'agissait d'imposer la paix, et non pas de la maintenir. Il s'agit alors de faire respecter l'accord de paix intervenu entre les parties. Si les parties au conflit ne font pas la paix, on ne peut certainement pas la maintenir, si elle n'existe pas.

Dans d'autres cas, il s'agit de dire que notre rôle consiste à protéger des espaces humanitaires dans une certaine zone. Voilà justement le mandat de la force de l'Union européenne dans l'est du Tchad. Cette dernière n'a pas pour mission d'intervenir en cas de conflit, mais plutôt de préserver un espace humanitaire dans une zone réservée aux réfugiés déplacés.

Nous avons changé de mentalité en ce qui concerne le maintien de la paix. Il s'agit désormais non pas de préserver la paix, mais plutôt de protéger une certaine zone. L'imposition de la paix, c'est le maintien de la paix à l'aide de mesures plus énergiques. Pour moi, le vrai problème est le mandat qu'on confère aux forces des Nations Unies. Certaines distinctions s'imposent. Si vous vous trouvez dans une situation où il n'y a pas de paix à maintenir, alors que le mandat en est un de maintien de la paix, les forces seront dans l'impossibilité d'agir.

La présidente : Nous vous avons gardé plus longtemps que prévu. Nous nous rendons bien compte qu'il s'agit d'un domaine très vaste, et je pense que vos trois premières observations ont justement mis en relief certaines des difficultés auxquelles vous êtes confronté et auxquelles nous, en tant que pays et en tant que comité, devrons faire face également.

Nous vous remercions infiniment de nous avoir inclus dans votre programme. Nous allons continuer — certains de façon très énergique — à émettre des opinions sur les questions que vous traitez tous les jours. Cependant, nous tenons à vous dire, ainsi qu'à tous ceux qui travaillent au HCR, que votre travail est extrêmement important et que nous le suivons et l'appuyons à la fois collectivement et individuellement.

Merci encore de votre présence.

(La séance est levée.)

Back to top
©2008 Tous droits réservés | Avis de non-responsabilité | English
Site Web conçu par Raguiluz Systems Inc.