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LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET
DU COMMERCE INTERNATIONAL TÉMOIGNAGES

OTTAWA, le mardi 26 mai 2009

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui à 17 h 30 pour étudier l’émergence de la Chine, de l’Inde et de la Russie dans l’économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes.

Le sénateur Consiglio Di Nino (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, je vois qu’il y a quorum. Je déclare la séance ouverte.

[Français]

Bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.

[Traduction]

Le comité continue son étude spéciale sur l’émergence de la Russie, de l’Inde et de la Chine dans l’économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes.

En 2008, le commerce bilatéral total dans le secteur agricole entre le Canada et la Chine, l’Inde et la Russie était d’environ 3,7 milliards de dollars, dont 2,5 milliards de dollars en exportations vers ces trois pays et 1,2 milliard de dollars en importations. Les exportations de produits agricoles vers la Chine, l’Inde et la Russie ont augmenté de 33,6 p. 100 par rapport à 2006.

Le Canada continue de promouvoir ses produits agricoles et agroalimentaires sûrs et de grande qualité dans le monde et le commerce continue d’augmenter avec les marchés émergents comme la Chine, l’Inde et la Russie. Les marchés émergents de la Russie, de l’Inde et de la Chine offrent de grandes possibilités d’expansion du commerce et des investissements aux producteurs agricoles canadiens.

Comparaissent aujourd’hui devant le comité M. Darcy Davis, président de l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, l’ACCA; et M. Jim Everson, qui est directeur et vice-président aux affaires publiques du Conseil canadien du canola. De la Fédération canadienne de l’agriculture, nous accueillons Ron Bonnett, premier vice-président, et Robert Godfrey, analyste des politiques commerciales. Nous accueillons également Blair Coomber, directeur général, Direction des relations bilatérales et de la politique commerciale sur les questions techniques, Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Messieurs, bienvenue au Sénat.

Darcy Davis, président, Alliance canadienne du commerce agroalimentaire (ACCA): Bonjour. Nous sommes contents d’avoir l’occasion de discuter des économies émergentes de la Chine, de l’Inde et de la Russie. Ces trois marchés offrent des possibilités extraordinaires pour l’agriculture canadienne.

L’ACCA est une coalition de producteurs, de transformateurs et d’autres organisations du secteur agricole et agroalimentaire qui appuie la libéralisation du commerce. Nos membres comprennent des représentants des secteurs du boeuf, du porc, des céréales, des oléagineux et du sucre. Tous ces secteurs dépendent du commerce.

Le président a glissé un mot de l’augmentation de nos exportations vers ces pays; j’ajoute qu’en 2007, le Canada a exporté des produits agricoles d’une valeur de 34 milliards de dollars, soit une augmentation par rapport à 2006, et l’on estime que ce chiffre a encore augmenté en 2008.

Selon l’Organisation mondiale du commerce, le Canada est au quatrième rang mondial des exportateurs agricoles et agroalimentaires, derrière l’Union européenne, les États-Unis et le Brésil. C’est ainsi que nous exportons plus de la moitié de notre production de boeuf et de porc, plus de 70 p. 100 de notre production de blé et plus de 90 p. 100 de notre production de canola sous diverses formes.

Le commerce compte et il compte beaucoup pour les agriculteurs. Près de 80 p. 100 des recettes monétaires agricoles viennent de denrées en grande partie exportées. Dans toutes les provinces, y compris l’Ontario et le Québec, plus de la moitié des recettes à la ferme proviennent maintenant de produits qui dépendent des exportations. Le Canada a édifié un secteur agricole qui a besoin du commerce international et nous en sommes fiers. En l’absence de commerce, notre agriculture et nos secteurs de production agricole rapetisseraient, ce qui aurait de lourdes conséquences économiques au Canada.

L’agriculture canadienne a besoin des marchés internationaux et nous avons besoin de règles transparentes et équitables pour régir les activités commerciales. L’ACCA croit que le meilleur moyen de mettre en place un système fondé sur des règles est de passer par l’Organisation mondiale du commerce. L’OMC, à laquelle de plus en plus de pays adhèrent, est le véhicule idéal pour établir des règles commerciales mondiales. L’ACCA a été organisée il y a 10 ans précisément pour préconiser la libéralisation du commerce par l’entremise de l’accord multilatéral qui était alors en négociation dans le cadre du cycle de Doha de l’OMC.

Étant donné l’émergence de l’économie chinoise, l’accession de ce pays à l’OMC en 2001 a été une grande victoire pour le commerce mondial. Nous continuons de croire que la conclusion réussie d’un accord de l’OMC offre le plus grand potentiel pour les agriculteurs canadiens et les entreprises agroalimentaires canadiennes.

Les accord multilatéraux peuvent englober tout un éventail de problèmes et obstacles commerciaux, y compris l’accès aux marchés, les subventions aux exportations et le soutien intérieur, d’une manière à la fois transparente et fondée sur des règles. À la fin de 2007, l’ACCA a retenu les services du George Morris Centre pour analyser les avantages potentiels pour l’agriculture canadienne d’une entente négociée dans le cadre de l’OMC. À partir de l’ébauche de modalités présentée par l’OMC en 2007, le George Morris Centre a estimé que les secteurs canadiens du boeuf, du porc, du canola et des céréales seraient avantagés à hauteur de trois milliards de dollars par année en exportations additionnelles, à la fois par l’augmentation des volumes et la hausse des valeurs, dans un monde postérieur à l’OMC.

Les plus récentes modalités agricoles publiées par l’OMC en 2008 représentent un progrès considérable vers une entente qui représenterait des gains considérables pour les exportations agroalimentaires canadiennes. Bien que la Russie ne soit pas actuellement membre de l’OMC, une entente négociée avec succès dans la foulée de Doha s’appliquerait à la fois à la Chine et à l’Inde. Son adoption éliminerait les subventions aux exportations, réduirait considérablement le soutien intérieur causant une distorsion commerciale et améliorerait l’accès aux marchés d’exportation. Cela accroîtrait aussi la transparence, l’équité et la discipline dans notre commerce avec ces pays.

Le comité nous a demandé de nous prononcer sur le potentiel pour les produits agricoles canadiens en Chine, en Inde et en Russie. Ces trois marchés offrent tous un potentiel extraordinaire pour l’agriculture canadienne. Je vais dire quelques mots sur le boeuf et le porc et je céderai ensuite la parole à M. Everson qui vous parlera du canola.

Le secteur canadien du boeuf déploie beaucoup d’efforts pour aller au-delà des États-Unis et pour prendre pied sur des marchés qui demeurent fermés ou frappés de grandes restrictions à cause de l’encéphalopathie spongiforme bovine, l’ESB. La Chine et la Russie sont des marchés prioritaires pour ce secteur. En 2003, les deux pays ont fermé leurs frontières au boeuf canadien. La Chine n’a pas encore rouvert la porte, mais l’industrie canadienne demeure optimiste. Avec l’accumulation de richesses dans les grandes villes qui entraîne une augmentation de la demande de produits riches en protéines, la Canadian Beef Export Federation estime que les ventes de boeuf et de veau à la Chine pourraient s’élever à 9 000 tonnes en 2015, pour une valeur d’environ 91 millions de dollars.

La Russie est également un marché prioritaire pour le boeuf canadien. Notre industrie vise des exportations de 2 000 tonnes en Russie d’ici 2015. En 2007, la Russie a rouvert un accès limité pour les produits canadiens de boeuf désossé. Malheureusement, les États-Unis ont obtenu un accès un peu meilleur, ce qui nous inflige un désavantage concurrentiel. Nous devons continuer de travailler pour obtenir un meilleur accès et la parité avec nos principaux concurrents.

En 2008, la Chine et la Russie étaient parmi les 10 principaux marchés pour les exportations canadiennes de porc. De même, on considère que l’Inde offre un potentiel intéressant. La Chine est un marché important pour les abats de porc et d’autres coupes qui ne sont pas populaires chez nous. La Russie était l’année dernière le plus grand importateur mondial de porc et le troisième marché d’exportation en importance pour le porc canadien, la plupart des produits étant destinés à une transformation plus poussée.

Les droits de douane sont bas dans ces pays, mais dans les deux cas, on compte fortement sur les obstacles non tarifaires pour restreindre l’accès. Il y a beaucoup de travail à faire pour aplanir ces obstacles et convaincre les deux pays d’adopter les normes sanitaires et phytosanitaires internationales.

L’Inde offre un potentiel intéressant pour l’industrie canadienne du porc. Il n’y a essentiellement aucun accès pour le produit canadien à l’heure actuelle, pour des raisons sanitaires et phytosanitaires; cependant, la consommation de viande en Inde devrait doubler d’ici sept ans, et l’Inde pourrait devenir l’un des principaux importateurs de porc, principalement sous forme de coupes de choix et de produits transformés.

Jim Everson, directeur et vice-président aux affaires publiques, Conseil canadien du canola, Alliance canadienne du commerce agroalimentaire (ACCA): Je vais mettre l’accent sur la Chine pour illustrer les observations de M. Davis sur l’importance de ces marchés.

Nous convenons avec le comité que l’influence de la Chine augmente dans l’économie mondiale. Nous croyons que cela a des répercussions importantes pour l’agriculture et assurément pour le secteur canadien du canola.

La Chine est un marché prioritaire pour le canola canadien. D’après nos recherches, ce marché continuera d’être axé sur certaines tendances importantes. La remarquable croissance économique soutenue de la Chine débouche sur une augmentation du revenu des particuliers, qui entraîne à son tour un meilleur régime alimentaire et une augmentation des achats d’aliments.

De même, la population est de plus en plus urbanisée et l’on prévoit que cette tendance va se poursuivre. Un pourcentage croissant de la population aura besoin de nourriture produite par d’autres, que ce soit des agriculteurs chinois ou des fournisseurs étrangers.

Enfin, pour le secteur du canola en particulier, la Chine a déjà une forte consommation par habitant d’huile végétale. L’huile de canola est l’huile de friture la plus saine sur le marché dans le monde entier et dans la plupart des pays, elle se vend plus cher que les autres huiles. À mesure que se développera l’industrie alimentaire de la Chine, nous prévoyons une plus forte demande pour des produits santé, comme ce fut le cas en Amérique du Nord et dans d’autres pays.

La Chine importe plus de 35 millions de tonnes d’oléagineux et 10 millions de tonnes d’huile végétale chaque année et ces volumes sont en croissance, et les Chinois ne sont pas en voie de devenir autosuffisants.

La Chine est un important marché pour les graines et l’huile de canola, mais l’accès au marché est aléatoire, en partie à cause de droits de douane élevés. Le Canada peut, d’une manière fiable, fournir à la Chine deux millions de tonnes ou plus de graines et d’huile de canola chaque année. Au prix actuel, cela représente des exportations d’une valeur supérieure à un milliard de dollars.

La difficulté est que le canola canadien sous forme de graines et d’huile est frappé d’un droit de douane de 9 p. 100, en comparaison de 3 p. 100 pour le soya, ce qui défavorise le canola. Aucun autre de nos principaux clients n’applique un écart tarifaire aussi important entre le canola et le soya.

J’ai parlé surtout du canola, mais je signale que la Chine représente également un marché important pour le blé et l’orge brassicole. Cette année, nous allons vendre à la Chine plus de 282 000 tonnes d’orge de brasserie.

Pour cette raison, il est important que le Canada considère la Chine comme un partenaire commercial prioritaire et qu’il s’efforce d’améliorer l’accès aux marchés et les relations bilatérales avec ce pays.

En conclusion, l’agriculture canadienne est passée à travers des années difficiles et, compte tenu de la crise économique mondiale, nos difficultés ne sont pas complètement chose du passé. Le Canada est une nation commerçante solide et le commerce est l’un des piliers de notre secteur agricole. Nous croyons que le Canada doit continuer d’appuyer le processus de l’OMC et nous encourageons le gouvernement canadien à travailler vers une conclusion couronnée de succès de la Ronde de négociation de Doha de l’OMC.

Nous croyons aussi que le Canada doit continuer à s’efforcer d’améliorer les relations commerciales et l’accès aux marchés dans des pays prioritaires comme la Chine, l’Inde et la Russie. Nous reconnaissons que le gouvernement actuel a fait du bon travail, et nous notons en particulier les efforts du ministre de l’Agriculture pour établir des relations économiques avec ces pays, lors des missions menées en 2009 en Chine et en Inde, ainsi que durant la récente visite de M. Cannon en Chine. Nous les encourageons à poursuivre ces efforts.

Merci beaucoup, au nom de l’ACCA. Nous sommes prêts à répondre à toute question après les autres exposés.

Ron Bonnett, premier vice-président, Fédération canadienne de l’agriculture: Je vous remercie de nous donner l’occasion de prendre la parole. Je suis accompagné de Robert Godfrey, qui est notre analyste des politiques dans le domaine du commerce.

Au cours des 10 dernières années, la Chine, l’Inde et la Russie sont apparues à l’avant-scène à titre de puissances économiques dans le contexte de la mondialisation du commerce. Le taux de croissance en Chine est passé de 6,1 p. 100 à 11,4 p. 100 au cours des dernières années. L’Inde a connu une croissance de 9,3 p. 100 en 2007 et de 5,6 p. 100 en 2008, et la Russie a connu une croissance de 6,2 p. 100 l’année dernière. Ces chiffres font ressortir l’énorme croissance de ces pays, surtout si l’on compare avec la croissance mondiale moyenne des dernières années, qui se situe entre 3 p. 100 et 5 p. 100.

Ces économies croissent presque deux fois plus vite que le reste du monde. Cela a amené un certain nombre de pays autour du monde à examiner de près ces trois marchés pour essayer d’en faire des marchés prioritaires, et le Canada en a fait autant. La Fédération canadienne de l’agriculture croit que nous avons vu seulement la pointe de l’iceberg pour ce qui est du potentiel d’accès à ces marchés. Si nous adoptons une approche stratégique, nous pouvons nous emparer d’une plus grande part de ces marchés.

Où en sommes-nous aujourd’hui? En Chine, il y a un marché de 1,3 milliard d’habitants. En 2007-2008, les exportations du Canada en Chine ont atteint près d’un milliard de dollars. Le canola vient au premier rang, suivi de près par l’huile de canola. L’orge, les pois et les peaux de vison sont d’autres produits qui figurent parmi les principales exportations.

Cependant, nous devons nous demander pourquoi nous n’avons pas une plus grande part du marché du soya. Les États-Unis sont un important fournisseur. Nous devons voir quels pays exportent vers ce marché et essayer d’identifier les problèmes.

En Inde, il y a un marché de 1,1 milliard d’habitants et des exportations canadiennes de 400 millions de dollars. Les pois, secs et écalés, constituent la plus grande partie de ces exportations.

Le tourteau de soya est l’une des principales exportations des États-Unis vers ce marché. Là encore, nous devons examiner la problématique et trouver pourquoi les Américains capturent une plus grande part de ce marché que nous.

En Russie, il y a un marché de 141 millions d’habitants, mais quand on examine les chiffres des échanges commerciaux, ce marché de 141 millions de personnes a absorbé presque autant de produits canadiens que le marché de l’Inde, qui compte 1,1 milliard d’habitants. Si l’on examine ce que nous exportons dans ce pays, c’est du porc congelé, du jambon congelé et du bétail sur pied. Ce sont des produits de plus grande valeur. Nous devons chercher à trouver comment augmenter nos exportations dans ce créneau.

Nous devons aussi reconnaître que, dans le domaine agricole, ces trois marchés sont eux-mêmes des pays exportateurs. Nous devons en tenir compte. Au chapitre de la production mondiale de blé l’année dernière, la Chine était le numéro un, l’Inde le numéro deux, la Russie au quatrième rang et le Canada au septième rang. La Chine a une politique d’autosuffisance alimentaire et a découragé l’importation et l’exportation de blé l’année dernière. L’Inde l’a fait dans le passé et la Russie importe du blé seulement quand elle a besoin de blé de qualité et, à cause de la proximité, elle importe souvent de l’UE.

En fin de compte, nous examinons aujourd’hui des marchés qui offrent un grand potentiel et nous avons à peine commencé à y avoir accès dans certains secteurs. En Russie, par exemple, c’est seulement au milieu des années 1990 qu’on a commencé à expédier du porc canadien en grandes quantités et, à cette époque, c’était un risque que beaucoup de producteurs ont pris et qui leur rapporte aujourd’hui.

La véritable question est de savoir comment orienter la politique canadienne de manière à faciliter les exportations pour que les agriculteurs canadiens obtiennent de plus grandes parts de marché et surmontent les nombreuses barrières auxquelles les producteurs sont confrontés.

Diverses solutions ont été avancées. L’une est un secrétariat de l’accès aux marchés. Cette idée a été préconisée par la Canadian Cattlemen's Association, le Conseil canadien du porc et Canada Porc International et elle a été bien reçue par le ministre Ritz et le gouvernement canadien. Un tel organisme doit se mettre à l’oeuvre immédiatement pour aplanir les obstacles techniques au commerce qui existent dans ces marchés. Par exemple, en Chine, le boeuf canadien est encore interdit.

L’idée est d’adopter une approche interministérielle coordonnée pour aborder la problématique de l’accès aux marchés. Il faut être organisé quand on veut prendre pied dans ces marchés. Une fois sur place, cela facilite les échanges commerciaux en ciblant et en abattant des obstacles particuliers auxquels se butent les producteurs canadiens. Nous devons cibler nos efforts de marketing.

On peut toujours avancer l’argument que le revenu disponible est limité dans beaucoup de ces pays; cependant, avec la croissance des classes moyennes dans ces trois marchés, la situation est en train de changer lentement et nous devons commencer à sensibiliser ces consommateurs potentiels à la grande qualité des produits alimentaires canadiens. Premièrement, nous pouvons faire appel au Service des délégués commerciaux du Canada, qui est présent et actif sur le terrain, afin de commercialiser nos produits, par exemple le soya en Chine, le soya et le blé en Inde, et le porc et le boeuf en Russie, en ciblant ces classes moyennes émergentes. Nous pouvons utiliser les bons offices du Service des délégués commerciaux du Canada pour communiquer avec les représentants des grands hôtels de ces marchés qui sont disposés à payer le prix pour avoir des produits de grande qualité.

Nous devons identifier les produits clés pour lesquels le Canada est compétitif grâce à des produits de grande qualité. Nous devons commencer et continuer à faire l’éducation des gens, surtout en Chine, pour leur vanter les mérites de notre système garantissant la salubrité des aliments. Nous devons adopter une approche énergique pour les amener à comprendre les sauvegardes que nous avons mises en place au Canada.

Il y a aussi dans certains de ces pays le problème de la volonté politique de conclure des accords commerciaux. Dans des pays comme la Chine, encore une fois, il faut faire l’éducation des politiciens et les amener à comprendre qu’ils peuvent conclure des accords commerciaux qui aideront à renforcer la mise en place d’un ensemble solide de règles. Parfois, le fait de conclure une entente commerciale structurée et inscrite dans la loi leur donne une plus grande sécurité sur le marché intérieur, par opposition à la mise en place de règles plus aléatoires.

Au sujet des accords commerciaux bilatéraux, nous savons que l’OMC ralentit. Nous convenons avec nos collègues que l’OMC est probablement la meilleure méthode, mais nous devons aller de l’avant et conclure des ententes bilatérales avec certains marchés.

Enfin, il y a la recherche. Nous pouvons utiliser nos universités pour examiner ces marchés émergents, trouver les produits pour lesquels il y a une demande et vérifier pourquoi certains de nos concurrents prennent pied sur ces marchés alors que nous n’y parvenons pas, et élaborer des stratégies pour contre-attaquer.

Pour finir comme j’ai commencé, je pense que nous en sommes seulement à la pointe de l’iceberg pour ce qui est de l’accès à ces marchés, mais nous devons décider stratégiquement quels produits exporter et quelles techniques nous devrions utiliser pour pénétrer ces marchés.

Robert Godfrey, directeur des politiques commerciales et des relations internationales, Fédération canadienne de l’agriculture: M. Bonnett est le visage de l’organisation, tandis que pour ma part, je travaille en coulisse. Je suis ici pour répondre aux questions techniques.

Le président: Merci, monsieur Godfrey.

Blair Coomber, directeur général, Direction des relations bilatérales et de la politique commerciale sur les questions techniques, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Je vous remercie de m’avoir invité à participer à cette discussion aujourd’hui. Quand on prend la parole en dernier, on court toujours le risque de répéter certains points que d’autres ont déjà fait valoir.

Le Canada est un chef de file mondial dans la production agricole, se classant invariablement parmi les 15 principaux fournisseurs de produits de l’agriculture et de la pêche sur la planète. Puisque le Canada ne compte que 33,3 millions d’habitants, le secteur de l’agriculture dépend largement de l’exportation. Comme on l’a dit tout à l’heure, quarante-cinq pour cent des produits de l’agriculture et de la pêche primaires et des produits transformés du Canada sont destinés à l’exportation.

La qualité et la salubrité des produits alimentaires canadiens sont reconnues et recherchées par les consommateurs du monde entier. En 2008, nous avons exporté des produits alimentaires totalisant plus de 43 milliards de dollars dans plus de 200 pays aux quatre coins de la planète. Dans un marché international de plus en plus concurrentiel qui regorge de joueurs et de compétiteurs émergents, la croissance soutenue et la prospérité du secteur agricole reposent sur notre capacité d’élargir l’accès aux marchés étrangers et de saisir les occasions qu’ils offrent.

Les marchés internationaux présentent un grand nombre d’enjeux et de possibilités pour le Canada. En raison de la population mondiale actuelle chiffrée à 6,7 milliards, de la forte croissance du revenu et de l’expansion de la classe moyenne dans les pays en développement, ces pays représenteront des occasions considérables comme marchés cibles pour les produits agricoles et alimentaires canadiens.

Plusieurs tendances dominent le marché, notamment l’urbanisation rapide, la demande accrue pour les produits alimentaires transformés et l’utilisation des produits agricoles à des fins non alimentaires. Les consommateurs exigent des produits à valeur ajoutée, tels que des aliments santé et biologiques, et une plus grande variété de produits. Les consommateurs d’aujourd’hui sont bien informés et se préoccupent davantage de la salubrité et de la sécurité des aliments, des conséquences environnementales et de l’augmentation du prix de la nourriture.

Certains pays concluent des accords régionaux et bilatéraux pour jouir d’un traitement préférentiel. En outre, des barrières non tarifaires au commerce s’élèvent alors que l’incertitude entoure les négociations de l’OMC, sans oublier le récent effondrement de l’économie mondiale. Nous devons nous efforcer de poursuivre notre expansion au-delà de nos partenaires commerciaux traditionnels pour que nos produits agricoles et alimentaires prennent pied sur de nouveaux marchés. La Chine, l’Inde et la Russie présentent des possibilités fabuleuses mais aussi des défis possibles. Néanmoins, ce sont de futures puissances économiques mondiales. Leur consommation de produits agroalimentaires croit parallèlement à leur capacité de production agricole.

[Français]

La stratégie sur le commerce international d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, dans le cadre de Cultivons l'avenir : le nouveau cadre stratégique pour l'agriculture, cible les résultats stratégiques suivants : un secteur compétitif et novateur qui contribue aux priorités de la société et qui gère les risques des agriculteurs de façon proactive. La stratégie concourt à ces résultats en stimulant la croissance des marchés, en augmentant la compétitivité du secteur, en défendant et en protégeant les intérêts et les marchés canadiens et en élaborant une stratégie d'atténuation de ces catastrophes. Les activités principales d'AAC réalisent ces objectifs par le biais de l'établissement et de l'application de règles commerciales (OMC, FTA), de la promotion, de l'accès aux marchés et du développement des marchés.

[Traduction]

La Chine, l’Inde et la Russie sont sur le point de se hisser parmi les joueurs importants du commerce agricole et alimentaire international. Toutefois, elles constituent toutes des marchés distincts où il est impossible d’utiliser une approche modèle. En tant que marchés, ces trois pays en sont à des étapes différentes. La longue et riche collaboration du Canada au développement de la production agroalimentaire est une caractéristique que partagent la Chine et l’Inde. Nos relations commerciales avec la Chine mûrissent et se diversifient, tandis que l’Inde et la Russie se profilent comme des partenaires prometteurs avec qui le Canada pourra encourager le commerce. AAC a mis au point une approche pour chacun de ces marchés.

La Chine est le troisième marché du Canada en ce qui a trait aux produits agroalimentaires et aux produits de la mer, dont les exportations se sont élevées à 1,8 milliard de dollars en 2008. La même année, le Canada s’est classé au septième rang des principaux fournisseurs de produits alimentaires et de produits de la mer de la Chine. Même si le Canada exporte essentiellement des marchandises en vrac, de plus en plus d’occasions s’offrent à lui pour d’autres catégories de produits. La croissance de la classe moyenne, les exigences accrues des consommateurs et la sensibilisation aux questions de santé continueront de renforcer l’importance de la Chine en tant que marché d’importation agroalimentaire.

Les besoins alimentaires et l’approvisionnement intérieur de la Chine influent souvent sur la dynamique du commerce international. La Chine maintient une croissance impressionnante dans le secteur de la production alimentaire (à des fins de consommation nationale et d’exportation). La Chine rivalise avec le Canada dans d’autres marchés asiatiques, mais sa demande intérieure pourrait restreindre sa portée comme compétitrice dans la plupart des catégories d’aliments intéressantes pour le Canada. De plus, la Chine est un marché difficile: ses marchés distincts possèdent des caractéristiques très différentes. Outre les problèmes d’accès aux marchés, la majorité des consommateurs sont encore sensibles aux prix, et les produits canadiens font face à une compétition féroce de la part des États-Unis, de l’Australie et de l’Union européenne.

Sur le plan stratégique, nos objectifs relativement au marché chinois visent à positionner le Canada comme un fournisseur de produits agroalimentaires salubres et supérieurs, à améliorer l’accès aux marchés pour les entreprises canadiennes et à présenter le Canada comme un partenaire précieux dans le développement du secteur agricole de la Chine, afin d’aider à établir des conditions favorables à la stabilité des marchés et à la promotion des intérêts du Canada.

Pour parvenir à ces objectifs, notre approche consiste à travailler en collaboration avec tous les intervenants, à tirer profit de notre coopération scientifique et technologique pour créer des occasions d’affaires, à nouer le dialogue avec la Chine à tous les niveaux (y compris ministériel) quant aux problèmes d’accès aux marchés et à aider l’industrie canadienne à accroître sa compétitivité. Nous permettrons à l’industrie de profiter des possibilités du marché en maintenant et en ouvrant son accès et en l’aidant avec l’information commerciale, l’analyse et la préparation.

L’Inde doit actuellement composer avec une demande croissante dans les secteurs agricole et alimentaire — ce qui crée une pression sur la production nationale. Diverses initiatives, tant publiques que privées, ont été mises en oeuvre afin de soutenir le développement de l’agriculture et du secteur alimentaire, certaines avec la contribution de partenaires étrangers. L’Inde demeurera un débouché important pour certains produits de base tels que les légumineuses à grains.

Bien que les échanges avec l’Inde soient parfois difficiles, le commerce de certains produits de plus en plus en demande (huiles alimentaires) tend à se libéraliser. L’Inde est en pleine mutation et parmi les changements qui s’opèrent figurent une demande croissante pour des aliments occidentalisés et la mise en place d’un secteur du commerce de détail moderne et structuré. Bien que l’Inde connaisse, dans l’ensemble, une croissance économique impressionnante, y compris sur le plan de la production alimentaire, ses priorités sont davantage nationales, si bien que son influence sur les marchés internationaux, à titre de concurrente du Canada, demeure limitée.

Le Canada doit tirer parti de ces changements en misant sur ses relations de coopération passées et actuelles avec l’Inde de manière à favoriser le progrès de l’agriculture et du secteur alimentaire indiens et à étendre les liens commerciaux et économiques avec le Canada. Un protocole d’entente sur la coopération agricole a été signé par Agriculture et Agroalimentaire Canada et le ministère indien de l’Agriculture en janvier dernier afin d’officialiser cette relation. AAC continuera de travailler à la résolution des problèmes d’accès au marché conjointement avec l’Agence canadienne d’inspection des aliments et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

Il est temps pour le Canada d’exporter vers l’Inde autre chose que des produits de base — les légumineuses à grains comptent pour 90 p. 100 des exportations — et que d’autres produits, tels que des aliments à valeur ajoutée ou des produits de génétique animale, viennent s’ajouter aux exportations. AAC travaille à consolider les relations avec les représentants de l’État indien et à établir des liens avec les principaux détaillants indiens. Pour réussir en Inde, nous devons également nous assurer que les entreprises canadiennes sont prêtes à tirer avantage de cette occasion. À cet égard, nous fournissons aux entreprises de l’information commerciale à jour et intervenons auprès de divers groupes de l’industrie afin d’améliorer leur compréhension des occasions spécifiques qui s’offrent à eux.

Enfin, la relative stabilité politique et la croissance économique des dernières années couplées (jusqu’à récemment) au déclin de la production agricole ont fait de la Russie un débouché important pour les produits agricoles et les poissons et produits de la mer canadiens.

La politique agricole russe vise un accroissement spectaculaire de la production agricole à court terme. Les moyens mis en oeuvre à cette fin comprennent souvent des mesures interventionnistes destinées à soutenir la production nationale et à la protéger de la concurrence des produits importés. Nos objectifs stratégiques sur ce marché consistent à réfréner l’utilisation de mesures interventionnistes tout en continuant à promouvoir les produits alimentaires canadiens et à mettre à profit des relations bilatérales déjà bien établies.

Notre approche pour réaliser ces objectifs comprend l’établissement de relations avec des décideurs russes clés par l’intermédiaire d’un engagement ministériel et d’une mobilisation de niveau opérationnel. L’établissement de ces relations implique pour le Canada d’organiser des missions commerciales et d’offrir des séminaires et des formations aux délégations russes, mais également de soutenir les efforts de la Russie en vue de devenir membre de l’Organisation mondiale du commerce. Le Canada s’est formellement engagé à soutenir ces efforts dans la Déclaration commune sur la coopération agricole qu’ont signée, en novembre 2007, Agriculture et Agroalimentaire Canada et le ministère russe de l’Agriculture.

Notre approche en ce qui concerne le développement des marchés est fondée sur la collecte et la distribution d’information commerciale et de renseignements sur les marchés de manière à ce que l’industrie agricole canadienne soit plus à même de tirer avantage des occasions qu’offre le marché russe. Agriculture et Agroalimentaire Canada encourage également les intervenants de l’industrie canadienne à établir des relations avec leurs homologues russes et à assister à des événements commerciaux d’envergure en Russie, et leur offre un soutien en ce sens.

En conclusion, le Canada est en excellente position pour relever les défis liés à ces marchés émergents. Le secteur agroalimentaire saisit et met à profit les occasions qui se présentent au fur et à mesure qu’évoluent les marchés. AAC oeuvre sur de multiples fronts pour assurer le succès du Canada à l’étranger. En ce sens, AAC consacre une partie de ses efforts à uniformiser les règles du jeu sur le plan commercial en améliorant l’accès et en exerçant une influence sur les décideurs clés; en continuant d’établir des relations par l’intermédiaire de visites de haut niveau et d’initiatives de coopération agricole; en aidant l’industrie canadienne à renforcer sa compétitivité sur les marchés internationaux; en accroissant la reconnaissance de l’image de marque Canada et de l’agriculture, des aliments, des produits et des services canadiens.

Le président: Merci à tous. Vous avez respecté le temps imparti: 10 minutes pour chaque groupe, pour une demi-heure en tout. C’est magnifique. Cela n’arrive pas souvent. Il nous reste environ une heure pour le dialogue entre les membres du comité et nos invités. J’ai une longue liste.

Le sénateur Stollery: Je vais essayer d’être bref.

Le comité est conscient de l’importance des exportations agricoles. Notre comité a constamment appuyé le processus de l’OMC. Comme vous le savez, le problème des ententes bilatérales est que les deux pays s’entendent sur tout ce sur quoi ils se sont déjà entendus de toute façon et qu’ils renvoient ensuite toutes les questions le moindrement difficiles à un mécanisme de règlement des différends, ce qui peut prendre des années. Le bois d’oeuvre en est le meilleur exemple.

Mais il a été question des normes. Nous avons entendu des témoignages sur les normes. Je pense que nous avons peut-être discuté en particulier du porc. Il y a différentes normes dans le monde du commerce. Nous avons des normes semblables à celles des Américains parce que ces derniers sont d’importants importateurs, notamment de notre viande. Par contre, 50 p. 100 de nos exportations de boeuf allaient plutôt en Extrême-Orient il n’y a pas tellement longtemps. On nous a dit que les normes ont été un obstacle nuisant à nos ventes de porc, en particulier. Ai-je raison?

Le président: Je pense que cela s’applique à plus d’un produit.

Le sénateur Stollery: Oui, mais je pense qu’on nous a parlé du porc; il y en a peut-être plus qu’un. Autrement dit, il y a des normes différentes et je pensais que nous étions alignés sur les normes américaines. Je n’en suis pas certain; c’était peut-être autre chose. Quoi qu’il en soit, c’est un obstacle. N’est-ce pas?

M. Davis: À titre de producteur et de chef de file dans le commerce agricole, je peux dire que dans tous les domaines, les normes sont à plusieurs égards fluctuantes. On les qualifie d’obstacles non tarifaires au commerce; en termes techniques, on parle de normes sanitaires et phytosanitaires. En fait, ce qui est vraiment en cause, c’est la manière dont nous produisons les animaux et les céréales, les normes en vigueur dans un pays donné, les procédés de production qu’on y applique, ce qu’on y accepte ou n’y n’accepte pas.

Je pense que ces normes ont changé et que la barre a été placée plus haut sur bien des fronts. Le défi pour notre secteur est de s’élever à la hauteur voulue tout en conservant un bon ratio coût-efficacité et en demeurant compétitif. C’est très difficile quand la barre n’est pas à la même hauteur dans différents pays. M. Coomber nous en a beaucoup parlé et pourrait probablement en dire encore plus long, mais il faut travailler en équipe dans notre pays, unissant les efforts des gouvernements, des entreprises et des organismes de réglementation, pour établir nos propres normes à notre convenance tout en étant en mesure de négocier en équipe ces trois volets des négociations avec d’autres pays et de pouvoir dire: « Voici notre position, voici nos normes. Voici les raisons — les données scientifiques — et voici comment nous aimerions avoir accès à votre marché. C’est ainsi que nous produisons et transformons nos produits et nous croyons que tout cela est conforme aux normes et nous pouvons le prouver. »

Les trois volets travaillent ensemble pour ratifier cela et se renforcer mutuellement. Par conséquent, on n’a pas alors une autorité réglementaire qui établit une norme que l’industrie ne peut pas respecter, ou un gouvernement qui accepte ce qui serait inacceptable pour l’autorité réglementaire. Cela exige beaucoup de travail et de coordination.

Le sénateur Stollery: Je me rappelle d’où cela est venu. Nous sommes nombreux à savoir que la Chine est un grand consommateur de porc. Quiconque a vu des trains entiers transportant des porcs en Chine doit le savoir, de même que tous ceux qui mangent des mets chinois.

Nous avons entendu il n’y a pas très longtemps des témoins nous dire que les exportations de porc vers la Chine posent un problème, alors que ce pays est justement l’un des principaux consommateurs, à cause de ces normes. Est-ce le cas? Si c’est vrai, pourquoi n’avons-nous pas été en mesure de régler le problème?

M. Coomber: C’est un point important. Pour commencer, la plupart des problèmes d’accès aux marchés que nous avons dans le monde mettent en cause d’une manière ou d’une autre les normes. Nous rencontrons constamment des représentants de gouvernements étrangers et d’organismes de réglementation et d’établissement des normes pour essayer d’influencer leurs activités de manière à ce que ces normes ne fassent pas obstacle au commerce; d’une manière, ces rencontres contribuent à défendre nos intérêts en matière d’exportation.

Je voudrais faire deux observations avant de répondre à la question. Sous le régime de l’OMC, tous les pays ont le droit d’établir leur propre niveau de protection et les normes qu’ils estiment nécessaires pour assurer cette protection. Cependant, ils ont aussi l’obligation, en vertu de l’OMC, de faire en sorte que le niveau de protection en question ne limite pas plus que nécessaire les échanges commerciaux et qu’on puisse le justifier par une évaluation scientifique du risque.

Au Canada, nous encourageons tous les pays à fonder leurs décisions en matière d’importation sur une évaluation scientifique du risque. Tel est notre objectif, mais ce n’est pas toujours ainsi que cela se passe. Certains pays utilisent des normes techniques comme barrière protectionniste; ils établissent une norme technique qu’il nous est impossible de respecter, empêchant ainsi nos produits d’entrer. Il faut se battre pour essayer de les amener à toujours fonder leurs décisions sur des données scientifiques.

Nous encourageons les pays à adopter les normes internationales établies par des organisations internationales des normes comme la Commission du Codex alimentarius, qui est un organisme chargé d’établir les normes applicables aux aliments; la Convention internationale pour la protection des végétaux, la CIPV, qui est un organisme chargé d’établir les normes applicables aux plantes et à la santé des animaux; et l’Organisation mondiale de la santé animale, connue sous le sigle OIE, qui est chargée d’établir les normes applicables à la santé animale. Cela touche tout, que ce soit le boeuf ou le porc. Au cours des cinq dernières années, nous nous sommes efforcés de rouvrir ce marché à notre boeuf et tout a tourné autour des normes et de la sécurité. Nous avons encouragé les pays à respecter les normes de l’OIE et à les adopter, mais on ne nous a pas toujours écoutés.

Une autre façon dont nous essayons d’influencer ces normes dans l’agriculture et de travailler avec nos partenaires de l’industrie consiste à travailler de concert avec les organismes internationaux d’établissement des normes. Ce sont des efforts à long terme visant à faire en sorte que, lorsque des pays et des organisations internationales adoptent des normes, on le fasse en se fondant sur des données scientifiques et, en dernière analyse, dans le meilleur intérêt du Canada sur le plan des exportations. Par exemple, nous avons eu beaucoup de problèmes avec les OGM, les organismes génétiquement modifiés.

Pour répondre à votre question précise sur le porc, oui, il y a un problème du côté de la Chine. Comme dans d’autres pays, les Chinois ont une norme relative à un facteur de croissance chez le porc appelé ractopamine et nous ne sommes pas capables de respecter cette norme pour le moment. Par conséquent, nous ne pouvons pas exporter notre porc dans un certain nombre de pays parce que ce produit est largement utilisé dans notre secteur porcin, mais nous ne respectons pas certaines normes appliquées dans d’autres pays.

C’est un exemple de dossier où le Codex travaille à l’établissement d’une norme internationale et on est très proche d’y parvenir. Nous espérons qu’une fois qu’on aura arrêté une norme internationale, des pays comme la Chine vont adopter cette norme. Ce sera alors un progrès.

Le sénateur Stollery: Je vais laisser d’autres intervenants poursuivre.

Le sénateur Corbin: M. Bonnett veut ajouter quelque chose.

M. Bonnett: Au sujet des barrières commerciales techniques, j’ai évoqué dans mon exposé l’idée d’un secrétariat au commerce qui réunirait toutes les personnes compétentes pour s’occuper des normes techniques et de résoudre ce problème. Ce pourrait être Agriculture et Agroalimentaire Canada ou encore l’ACIA. Ce pourrait être aussi le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

Deuxièmement, nous devons aussi reconnaître que certains règlements qui nous causent des problèmes pour l’accès aux marchés étrangers ne sont pas ceux du pays de destination, mais bien nos propres règlements. Nous avons en effet certains règlements qui font augmenter nos coûts de production et nous rendent non compétitifs dans certains marchés.

Cela m’amène à mon troisième et dernier point. Quand on se tourne vers des marchés étrangers, nous devons chercher à écouler des produits de grande valeur. Si nous examinons notre situation et nos coûts, qu’il s’agisse de normes environnementales ou du travail, nous avons des coûts intrinsèques plus élevés. Ce n’est probablement pas la meilleure idée de devenir le fournisseur de produits à bas prix. Nous devons choisir les créneaux que nous voulons occuper.

Le sénateur Wallin: Je m’excuse d’être arrivée en retard. Vous avez dit qu’avec le problème continu de l’OMC et le fait qu’on ne semble pas parvenir à dénouer l’impasse, les ententes bilatérales pourraient constituer une solution de rechange. Vous faites aussi remarquer que les marchés sont particuliers de nos jours. Monsieur Bonnett et monsieur Davis, les ententes bilatérales ne seraient-elles pas préférables?

M. Bonnett: Ma position, à l’heure actuelle, c’est qu’en l’absence de succès à l’OMC, nous devons poursuivre énergiquement nos efforts pour conclure des bilatérales. Au moins, cela nous permet alors de résoudre certains dossiers. Je ne mettrais pas en suspens les négociations bilatérales dans l’espoir que l’OMC débouche enfin sur une solution. Il faut adopter une voie parallèle. Ouvrir de nouveaux débouchés grâce à des ententes bilatérales, c’est une bonne chose. Nous encourageons la poursuite des pourparlers avec l’UE, et j’en reviens à ce que je disais sur ces créneaux pour des produits de grande valeur.

M. Davis: Je suis d’accord. En l’absence de progrès à l’OMC pour le moment, nous devons appliquer cette stratégie, sous réserve, bien entendu, que la plupart des ententes bilatérales sont fondées sur l’OMC. Le résultat obtenu à l’issue des négociations du cycle d’Uruguay constitue le point de départ des ententes bilatérales, et si nous obtenons une meilleure entente à l’issue du prochain cycle, ce sera le nouveau point de départ des ententes bilatérales.

Le sénateur Wallin: Vous semblez dire tous les deux que c’est votre deuxième choix et non pas votre premier. Ne peut-on pas avancer l’argument qu’en négociant des ententes bilatérales, on peut mieux cibler et tailler sur mesure?

M. Everson: Certains problèmes commerciaux ne peuvent pas être résolus efficacement dans le cadre d’une entente bilatérale, notamment les subventions aux exportations, du point de vue canadien. Nous avons eu de la difficulté à exporter sur les marchés internationaux à cause des subventions aux exportations accordées par d’autres pays. Par exemple, nous pourrions essayer d’établir des relations bilatérales avec l’Europe, mais si un pays comme les États-Unis, par exemple, subventionne fortement ses exportations dans ce marché, nous ne pouvons pas régler ce problème bilatéralement parce que c’est un tiers pays qui cause le problème. Il est important de ne pas renoncer aux négociations multilatérales qui amènent tous les pays à respecter des règles équitables.

Le sénateur Wallin: Au sujet des normes, je crois que c’est pertinent à notre discussion de dire que je suis chancelière à l’Université de Guelph, laquelle fait beaucoup de recherche dans ce domaine. À votre avis, y a-t-il un point à partir duquel la science l’emporte sur la politique et le protectionnisme?

M. Bonnett: La politique l’emporte toujours sur la science. Chacun rêve d’un accord commercial qui serait fondé sur les données scientifiques. La plupart du temps, dans les différends commerciaux, la politique est utilisée comme outil pour bloquer le commerce, et la science est ajoutée en arrière-plan. Il faut toujours avoir à l’esprit qu’en bout de ligne, la politique l’emporte toujours, mais si l’on peut sensibiliser les gens à l’utilité de mettre en place un système fondé sur les données scientifiques dans tous les pays, il y aurait alors moins de possibilités que cela arrive.

M. Davis: Je suis encore d’accord. Si l’on commence à vouloir répondre aux attentes dans différents pays, on constate qu’on ne peut pas satisfaire tout le monde, ou alors on contrevient aux normes de salubrité des aliments ou à d’autres normes de son propre pays. Il faut faire attention à ce qu’on accepte dans un effort pour répondre aux attentes de nos partenaires.

Je vais me risquer à en dire plus. Ce qu’on présente comme des préoccupations des consommateurs au sujet des produits importés sont en fait des arguments avancés par les agriculteurs et les groupes d’intérêts spéciaux des pays en question qui ne veulent pas voir arriver des importations qui leur feraient concurrence. Nous devons en être conscients. C’est ainsi que nous butons sur d’énormes difficultés dans le domaine commercial, mais parce que c’est tellement important, nous devons poursuivre nos efforts sans relâche, même si les obstacles sont de plus en plus hauts.

Le président: Je pense que vous seriez d’accord avec moi pour dire que les normes, les obstacles et les barrières ne sont souvent qu’une autre forme de protectionnisme. Malheureusement, les hochements de tête ne sont pas consignés au compte rendu.

M. Davis: Oui, je dirais que c’est souvent le cas.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Messieurs, soyez les bienvenus. J'ai eu la chance de vous rencontrer au préalable. Ma question s'adresse à monsieur Bonnett.

Les années 2006 à 2008 furent caractérisées par une volatilité extrême des prix des produits agricoles sur les marchés internationaux. L’envolée des prix de nombreux produits agricoles observée durant la première moitié de 2008 est le résultat d’une combinaison complexe de facteurs tels les mauvaises conditions météorologiques, la baisse du niveau des stocks, une demande plus forte, en particulier en biocarburant, les mesures gouvernementales, la spéculation et les coûts plus élevés de l'énergie. En 2006-2007, le prix du pétrole sur le marché international a grimpé, entraînant une flambée du coût des intrants à forte consommation en énergie tels les carburants, les combustibles, les engrais et l’irrigation.

Les effets de la hausse des prix des aliments et de l'énergie seront probablement aggravés par la crise financière mondiale, qui a débuté dans le deuxième semestre de 2008. Les résultats des diverses initiatives coordonnées prises par les dirigeants politiques et les autorités financières pour parer aux problèmes de liquidité, de solvabilité et de recapitalisation ne sont pas encore connus. Toutefois, la crise financière pourrait avoir plusieurs répercussions sur l'agriculture.

À votre avis, quels seront les effets directs ou indirects de la crise financière sur l'agriculture?

[Traduction]

M. Bonnett: Je suis content que vous m’ayez posé une question facile.

Le président: Vous n’avez pas cette chance.

M. Bonnett: À long terme, la crise financière qui ébranle les marchés n’aura pas des conséquences aussi graves dans le secteur agricole que dans d’autres secteurs. Elle soulève certaines inquiétudes quant à la disponibilité du crédit, car l’agriculture est un secteur qui exige beaucoup de capitaux. La crise a également suscité des interrogations à savoir si le pouvoir de dépenser sera suffisant pour acheter des produits de grande valeur.

Vous avez évoqué l’augmentation soudaine du prix des aliments l’année dernière et vous aviez raison de dire que cela s’explique par un certain nombre de facteurs — la météo, des craintes alarmistes lancées par les médias selon lesquelles nous étions à cours de denrées, et puis il y a eu un peu de spéculation. La réalité derrière tout cela est que depuis 10 ou 15 ans, le prix des denrées laisse une marge tellement mince que, fondamentalement, il faut qu’il y ait une hausse de prix.

Voyez toute la spéculation qui a pris place l’année dernière; c’était le signal qu’il y aura un rajustement des prix des denrées agricoles au cours des prochaines années. Avec la hausse du coût du carburant et des engrais, il nous faudra commencer à augmenter les revenus à la ferme, faute de quoi l’approvisionnement ne sera pas durable. Cela va se répercuter dans l’ensemble du système.

Mais plus précisément, la crise économique a créé des craintes à certains égards, mais notre situation est quelque peu différente de celle d’une compagnie d’automobile, par exemple. Les gens peuvent décider de s’acheter une voiture ou de laisser tomber, tandis qu’ils continueront d’acheter les aliments de base. Je ne pense pas que notre secteur sera aussi durement touché que d’autres. C’est mon opinion.

M. Davis: Je voudrais ajouter à cela qu’en ce qui a trait au commerce et à la crise économique, le véritable problème, de nos jours, ce sont les mesures protectionnistes que beaucoup de pays prennent dans beaucoup de domaines. Plus de 40 mesures protectionnistes ont été prises. Un certain nombre de pays ont rétabli leurs subventions aux exportations. Les États-Unis viennent de rétablir les leurs pour les exportations de produits laitiers et l’UE en a fait autant l’été dernier pour les importations de porc. Nous assistons à un mouvement rétrograde. Nous ne progressons nullement vers la libéralisation du commerce. En temps de crise économique, le commerce devrait être le stimulant. Si le commerce était relancé, il pourrait nous aider à sortir de la crise, au lieu d’être pris dans un engrenage qui nous ramène en arrière.

Vous avez parlé de conséquences macro-économiques et nous avons eu de véritables séismes dans le paysage économique. Il y a aussi notre devise qui influe sur le commerce, la valeur de notre devise par rapport à celle d’autres pays. Si le dollar canadien s’apprécie notablement dans un certain nombre de marchés, cela nuit à notre compétitivité sur ces marchés.

Il ne faut pas voir le commerce agricole de façon isolée; beaucoup de phénomènes macro-économiques ont des répercussions sur nous. Je ne pense pas que nous reviendrons à la situation antérieure; je pense qu’il y aura une nouvelle sensibilisation au besoin d’acheminer davantage de denrées dans beaucoup de pays, mais en même temps, il faut essayer de garder à l’esprit tous les autres facteurs.

M. Bonnett: Je veux ajouter quelque chose. Avec toute la spéculation qui a eu lieu et étant donné les émeutes causées par le prix des pâtes en Europe, nous devons revenir à la base. On parle de la quantité de blé ou de maïs dans un produit donné, et le pourcentage du prix que touche l’agriculteur est tellement minuscule. Ce n’est pas ce qui crée une distorsion des prix. Il faut parfois se rappeler ce fait.

Le sénateur Wallin: J’ai une question supplémentaire qui fait suite à celle de ma collègue. Vous avez dit qu’il faut ajouter plus de valeur aux produits de base. Donnez-nous un exemple.

M. Bonnett: Je suis producteur de boeuf. À l’heure actuelle, nous avons de la misère parce que les prix sont bas. Nous faisons beaucoup de travail pour créer des chaînes de valeurs, c’est-à-dire que nous établissons un lien entre l’entreprise d’élevage-naissage et le parc d’engraissement et ainsi de suite jusqu’au consommateur et nous essayons d’intégrer de la valeur dans cette chaîne, en reconnaissant que chacun doit toucher une part suffisante pour que le système entier soit viable.

Le sénateur Segal: Je veux m’assurer de bien comprendre. Vous n’avez pas de problème d’OGM comme nous en avons eus avec certains pays, par exemple avec certains de nos partenaires commerciaux européens. Je crois comprendre que dans le cas de ces pays, ce problème n’a pas encore surgi comme obstacle phytosanitaire ou commercial pour ces denrées, du moins pour les secteurs qui sont représentés ici cet après-midi?

M. Coomber: Vous avez raison de dire que le problème s’est surtout posé en Union européenne, à cause du moratoire sur l’approbation des produits du canola. Nous avons contesté cela à l’OMC et avons eu gain de cause.

L’accès pour les OGM est un problème constant, surtout pour notre secteur du canola. Nous sommes confrontés à ce problème dans un certain nombre d’instances. Un domaine où ce problème se pose souvent, c’est celui du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques, la Convention sur la diversité biologique et le mouvement transfrontières d’organismes vivants modifiés et les règles que l’on met en place en vue d’imposer certaines exigences pour le transport des OGM — les organismes vivants modifiés — entre les pays qui pourraient en dernière analyse nuire à nos échanges commerciaux. À des tribunes comme celles-là, nous travaillons sans relâche pour éviter que les pays ne prennent de telles mesures. Il y a aussi des problèmes d’étiquetage dans divers pays au sujet des OGM et la question de l’étiquetage obligatoire ou facultatif.

M. Bonnett: Je dirais que dans ces trois pays, il n’y a pas historiquement d’opposition organisée aux OGM. C’est peut-être aussi un facteur sous-jacent.

Le sénateur Segal: Pourrais-je poser alors une autre question portant précisément sur le lien entre le producteur moyen — je constate que M. Davis est un producteur — au Canada et certaines possibilités commerciales? Y a-t-il une longue chaîne d’intermédiaires qui interviennent? Je songe aux producteurs de porc du comté de Leeds ou de Frontenac, par exemple. Doivent-ils faire affaire avec des groupeurs pour vendre leurs produits sur le marché international, ou bien traitent-ils avec des agents? Quelle est réellement la dynamique pour un agriculteur de l’est de l’Ontario qui veut écouler ses produits sur ces marchés?

M. Davis: Si quelque chose m’échappe, M. Bonnett prendra le relais.

Oui et non. Pour l’essentiel, la réponse est oui. Beaucoup de nos produits à valeur ajoutée sont vendus à titre de denrées à de grandes compagnies de transformation agricole. Le produit fini est ensuite écoulé sur ces marchés, généralement par l’entremise d’un agent dans ces pays qui les distribue à l’intérieur du pays. À partir de la ferme, le produit passe donc par beaucoup de mains, surtout pour le vendre sur la scène internationale.

Cela dit, il y a des exemples, comme M. Bonnett l’a dit, de chaînes de valeurs dont les membres ont pris eux-mêmes en main tout le processus. L’un de nos membres à l’ACCA, nommément Sunterra Farms de l’Alberta, a sa propre installation de transformation du porc et livre ce porc directement au Japon et en Chine et c’est du porc qu’ils produisent eux-mêmes.

Nous avons vu que certains producteurs sont en mesure de respecter ces exigences et d’écouler leurs produits sur ces marchés. Ils doivent avoir la capacité de le faire pour surmonter les obstacles. Ils ont besoin de l’aide des deux gouvernements pour ouvrir les portes, après quoi les producteurs peuvent s’en charger eux-mêmes, ou bien nous pouvons obtenir un meilleur accès au niveau sectoriel.

M. Bonnett: J’ajouterais seulement que la majorité des producteurs établissent des liens avec un autre intervenant. Je crois que c’est à ce niveau que vous verrez les chaînes de valeurs se créer, surtout quand les préoccupations en matière de qualité et de salubrité des aliments deviennent implicites. On veut pouvoir retracer le produit jusqu’au producteur. Même durant les discussions avec les représentants des éleveurs, je commence à en arriver au point où, quand j’élève une vache, j’aime avoir une assez bonne idée du marché où cette vache aboutira, car je configure la génétique et l’élevage en fonction d’un certain parc d’engraissement correspondant aux normes du marché visé. C’est ce qui se passe de plus en plus.

M. Davis: Il nous faut l’assurance que le marché existe avant de mettre en place ces chaînes. Nous devons savoir que le débouché sera encore là quand on aura mis tout cela en place, parce que ce n’est pas facile à faire.

Le sénateur Segal: Aidez-nous à comprendre l’effet de la contagion sur la dynamique commerciale dans des dossiers comme celui de la grippe aviaire, par exemple, et la propagation du virus dans la population porcine, le cas échéant.

Le sénateur Corbin: Vous parlez de la grippe porcine?

Le sénateur Segal: Je n’ai jamais prononcé les mots « grippe porcine »; je tiens à le dire clairement.

Je voudrais savoir comment cela influe sur les relations que vous avez avec l’Inde, la Russie, la Chine, le Brésil, et cetera. Dans quelle mesure êtes-vous confrontés à une opposition commerciale et compétitive qui cherche à exacerber l’ampleur du risque au-delà de ce que la réalité exige, uniquement pour exclure le produit canadien du marché? On a vu cela dans le secteur du boeuf dans le contexte américain. Quelle est l’ampleur du risque auquel vous êtes confronté à cet égard? Je me tourne vers notre collègue d’Agriculture et Agroalimentaire Canada; que prévoyez-vous faire à ce sujet?

M. Coomber: C’est toujours difficile. Nous avons effectivement eu cette réaction quand il y a eu la grippe aviaire et ensuite la grippe H1N1. Un certain nombre de nos marchés ont fermé leurs portes aux animaux vivants. Certains ont même refusé le porc, même si ce n’était pas justifié par les données scientifiques.

Dans le cas de la grippe aviaire, quand il y a eu la grande éclosion dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique il y a quelques années, certains pays n’avaient pas fermé leur porte; d’autres l’avaient fermée pour la Colombie-Britannique, d’autres encore pour le pays tout entier. On a donc toute une gamme de réactions diverses en pareil cas. C’est toujours difficile de savoir si la décision est entièrement justifiée par la science. Parfois, c’est un manque d’information. En général, la première chose que les gouvernements tentent de faire est de faire parvenir le plus possible de renseignements scientifiques aux pays et aux décideurs de ces pays, dans l’espoir qu’ils aient suffisamment d’information pour lever leur interdiction.

Il est crucial de leur faire parvenir des renseignements scientifiques valables le plus vite possible pour que la fermeture ne dure pas trop longtemps. Des démarches sont faites constamment à nos partenaires commerciaux, à tous les niveaux de gouvernement, depuis le ministre jusqu’au plus bas subalterne, afin de les amener à comprendre le risque et dans l’espoir qu’ils prennent les bonnes décisions.

M. Bonnett: Vous avez mentionné la grippe aviaire et le H1N1. Nous sommes aujourd’hui à l’ère des communications instantanées dans le monde entier. Autrefois, il y avait un décalage quand de tels problèmes surgissaient. Ce n’est plus le cas maintenant. C’est pourquoi il est extrêmement important d’établir de bonnes relations. En Chine, en Inde et en Russie, il faut établir des relations avec nos ambassades dans ces pays pour expliquer les protocoles que nous avons en place en pareil cas et expliquer tout cela à l’avance, avant qu’un problème surgisse.

Au sujet du secrétariat à l’accès au marché, on a mentionné qu’il y aurait une équipe spéciale qui pourrait intervenir de manière instantanée et coordonnée. Ce n’est pas tellement l’aspect scientifique. Le problème n’est pas la science, mais plutôt la communication de ce que nous faisons. Des mesures de ce genre vont aider parce que nous savons que le message sera diffusé. De nos jours, il suffit d’appuyer sur une touche d’un clavier d’ordinateur et le message fait le tour du monde.

Le sénateur Downe: Depuis maintenant des années, on nous interdit de vendre du boeuf en Amérique du Sud à cause des allégations relatives à la maladie de la vache folle. Quand va-t-on se décider à dire que c’est assez, les scientifiques ont parlé, les aliments sont sûrs, et quand va-t-on prendre des mesures contre ces pays?

M. Bonnett: À titre de producteur de boeuf, je vous le dis tout net: les scientifiques ont déjà dit que les aliments sont sûrs. Nous avons eu un bon nombre d’inspections et d’approbations et de nombreux pays ont déclaré que notre produit est sûr. Je répète que l’on se sert plutôt de cela comme d’un outil pour mettre en place une barrière protectionniste. Cela n’a rien à voir avec la salubrité des aliments.

M. Coomber: C’est une bonne question. De nombreux facteurs entrent en jeu dans la décision d’intervenir en disant que c’est assez. En général, même si la situation bouge lentement dans le cas de plusieurs pays, nous sommes en train de recouvrer l’accès pour notre marché du boeuf de façon assez notable.

Cela dépend de quelques facteurs, notamment la priorité du marché pour nos exportations de boeuf. Traditionnellement, l’Amérique du Sud n’est pas un important marché pour nous parce que ces pays produisent beaucoup de boeuf à moindre coût que nous.

L’exemple le plus récent est celui de la Corée. Nous discutons depuis six ans avec la Corée pour recouvrer le marché coréen, qui était un important marché pour le boeuf canadien avant l’ESB, et durant ces six années, on n’a essentiellement eu aucun dialogue utile sur la réouverture du marché. Il y a deux mois, le gouvernement a dit: ça suffit. Les ministres ont annoncé que le Canada demanderait des consultations à l’OMC avec la Corée.

Le sénateur Downe: Ces marchés sont difficiles à obtenir. Quand on les perd, par exemple en Amérique du Sud, même si c’était peut-être un petit marché, il me semble que le fait d’avoir été exclu de ce marché pendant un certain nombre d’années signifie qu’il sera d’autant plus difficile d’y reprendre pied. Quiconque s’est emparé de notre part de marché ne va pas y renoncer facilement.

Je crains que le gouvernement n’ait pas été assez énergique. Je suis heureux d’entendre qu’on a agi dans le cas de la Corée du Sud, mais il me semble que le délai devrait être beaucoup plus court avant qu’on intervienne. On ne devrait pas laisser aller pendant des années et des années alors que le produit est sûr et que cela a été prouvé. Vous devez être d’accord avec cela.

M. Davis: J’en reviens aux observations faites tout à l’heure par M. Coomber au sujet de l’OIE et d’autres organisations qui établissent les normes. Ce sont de grandes organisations; elles comptent de nombreux membres, dont des pays avec lesquels nous faisons du commerce, et nous devons les amener à participer à ces négociations sur l’établissement des normes et ensuite mettre en place des règles contraignantes pour que chacun accepte la norme. On éviterait ainsi d’avoir un éparpillement des efforts dès que quelque chose arrive.

Par ailleurs, nous devons adopter une approche plus globale dans nos échanges commerciaux. Si nous avons un effet pour une denrée comme le boeuf, je pense que nous pouvons exercer des représailles à un moment donné. On craint toujours une guerre commerciale ou des problèmes, mais si c’est une denrée importante pour nous, nous devrions être disposés à déployer l’effort voulu pour revenir dans ces marchés et déployer des efforts en ce sens.

On a vu que les États-Unis l’ont fait dans le cas de la Corée du Sud. Ils ont menacé de renvoyer des navires transportant des voitures. Cela fait une différence. Il faut pouvoir adopter cette approche.

Le président: Je vous remercie. Une brève question avant de céder la parole à notre collègue. Le Canada avait une réputation de premier ordre en matière de qualité et de sécurité. Est-ce toujours le cas?

M. Coomber: Je dirais que oui.

M. Everson: Je le crois et il est important, dans des dossiers comme celui des normes, que nous utilisions cette réputation et que nos autorités réglementaires et nos inspecteurs qui ont bonne réputation dans le monde entier puissent participer à l’alliance internationale qui préconise l’adoption de règles, règlements et normes fondés sur la science.

Nous avons un atout important, à savoir l’Agence canadienne d’inspection des aliments et son excellente réputation dans le monde. En plus d’avoir le mandat de protéger les consommateurs du Canada, nous croyons que cette agence a aussi un important mandat, celui de favoriser l’adoption sur la scène internationale d’une réglementation fondée sur des données scientifiques valables, crédibles et solides.

L’agence fait des efforts en ce sens et cela a été utile dans certains marchés. Le secteur du canola participe à cet effort internationalement, mais pourrait jouer un rôle plus important dans ce mouvement, en plus du travail effectué par M. Coomber.

M. Bonnett: Une brève observation. Les normes sont d’un niveau élevé, mais je ne suis pas certain que nous soyons très bons pour communiquer cela, que ce soit au Canada ou à l’étranger.

Je fais partie du comité consultatif de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire et quand je vois, en lisant des articles dans les journaux sur le processus d’approbation, que l’auteur ne comprend pas ce processus, je trouve que cela nous nuit. Nous faisons du bon travail pour ce qui est de mettre en place les normes et les règlements voulus. Je ne crois pas que nous fassions de l’aussi bon travail pour ce qui est de communiquer la manière dont ces normes sont mises en place et le fait qu’elles jouent efficacement leur rôle.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Merci monsieur le président. Quant aux produits que nous envoyons versus ceux que nous recevons, en termes d’inspection, dans le domaine agroalimentaire, est-ce que nous avons des problèmes avec ces trois pays? C’est-à-dire que si nos standards sont plus élevés, ils auraient tendance à être plus protectionnistes à notre égard parce que nous sommes exigeants à leur égard? Est-ce qu'il y a une parité ou une similarité entre le Canada et ces pays? Est-ce qu’ils prennent des mesures de représailles à l'égard de nos produits si nos standards sont plus élevés et que leurs produits ne peuvent pas entrer sur notre marché?

[Traduction]

M. Coomber: Si j’ai bien compris la question, vous dites que nos normes sont élevées pour les importations au Canada?

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Si nous appliquons les mêmes règles, mais s’ils pensent que nos règles sont plus exigeantes, donc leurs produits ne peuvent pas rentrer, est-ce qu'ils ont tendance, lorsqu'il s'agit d'un produit canadien, à exercer une certaine pression sur nous afin qu’on accepte leurs produits? Est-ce qu'ils utilisent un produit contre l'autre? Dès que nous respectons leurs règles ou leurs normes, est-ce qu'ils acceptent nos produits? En ce qui concerne les normes, nous sommes peut-être plus exigeants que la Chine, la Russie et l’Inde. Finalement, sommes-nous victimes de représailles?

[Traduction]

M. Coomber: Cela pourrait arriver. En général, les normes canadiennes sont parmi les plus rigoureuses au monde. Nous aimons croire que nous fondons nos normes sur des données scientifiques solides et sur l’évaluation du risque. Nous avons fait une évaluation du risque pour déterminer la norme que nous devons mettre en place pour protéger les Canadiens, protéger notre population animale, protéger l’environnement et tout le reste. Beaucoup de ces pays sont parfois incapables de respecter nos normes et cela les préoccupe.

Parfois, chacun fait des concessions. Cependant, nous essayons de traiter chaque dossier séparément et de régler le problème d’accès pour un produit donné et nous fondons notre décision sur la science. En général, nous n’aimons pas établir des liens entre des dossiers séparés; nous voulons traiter chaque dossier au mérite.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je vais poser ma prochaine question en anglais, ce qui vous facilitera peut-être la tâche. J’en reviens à la question du sénateur Fortin-Duplessis sur différents produits. C’est moi qui fait les courses et il m’arrive d’acheter des pommes de Chine. Comment parviennent-ils à être compétitifs? Comment une pomme qui voyage 10 000 kilomètres peut-elle rivaliser avec une pomme produite au Québec ou en Ontario? Comment peuvent-ils nous la vendre sans la subventionner? Je sais bien que les gens travaillent pour presque rien, mais à lui seul, le coût du transport est supérieur au coût de notre produit.

Y a-t-il quelque chose de magique? Je suis toujours stupéfaite de voir cela. Des produits spécialisés qui viennent de ce pays ont habituellement l’air d’avoir été cueillis la veille. Pourtant, on les a transportés sur 10 000 kilomètres. Il y a des pois verts qui semblent être là depuis toujours et qui sont pourtant toujours appétissants. Comment ces produits parviennent-ils jusque chez nous? Quelle baguette magique permet de transporter sur 10 000 kilomètres des fruits et légumes frais? Exportons-nous des produits frais comme ceux-là en Chine, en Inde et en Russie?

M. Bonnett: C’est difficile à croire à quel point c’est bon marché d’expédier ces produits. Quand on charge à bord d’un navire un conteneur réfrigéré, cela ne revient pas cher l’unité de transporter le tout par bateau pendant 15 jours. C’est ce qui arrive. Le coût unitaire pour chaque pomme, quand on les met dans un conteneur réfrigéré, est extrêmement bas.

M. Davis: Ce n’est pas seulement le coût. C’est aussi une question de qualité, si l’on peut vendre ces pommes un peu moins cher parce que le transport est bon marché et qu’il ne coûte pas cher de les cultiver. De plus, vous saviez qu’elles venaient de Chine quand vous les avez achetées et je suppose que vous aviez le choix. Souvent, la décision est fondée sur la qualité du produit. Si les gens veulent l’acheter, est-ce une qualité qu’ils trouvent acceptables? Est-ce ce qu’ils veulent acheter? Il y a aussi la question des saisons. Ces pommes ont-elles été cueillies déjà mûres et transportées ici en une semaine? À quelle époque de l’année ou dans quelle région de Chine ou de l’Inde ont-elles été cueillies? À la mi-janvier, nos pommes sortent de l’entrepôt.

Pour ma part, je suis resté bouche bée quand nous avons mangé à la maison des cornichons tranchés qui venaient de l’Inde. Je n’en revenais pas, même si je suis négociant en produits agricoles. Nous allons constater ce phénomène dans les deux sens. Nous devons comprendre leur système de salubrité des aliments et eux doivent comprendre le nôtre, pour que cela aille dans les deux sens.

Le sénateur Hervieux-Payette : Ma dernière question fait suite à celle du sénateur Segal, quand il demandait combien il y avait d’intermédiaires entre le producteur et l’acheteur. Y a-t-il des différences entre la Chine, la Russie et l’Inde? Je suis toujours offusquée d’apprendre que la personne qui a produit les graines de café en Amérique du Sud est si peu payée alors que nous payons tellement cher. Y a-t-il des systèmes différents dans ces trois pays quant à l’identité de l’acheteur à qui vous vendez?

M. Bonnett: En fait, je suis allé en Chine et j’ai vu leur système de production. J’ai une belle-fille qui est russe. J’ai discuté avec elle de leur système de production. La Russie et la Chine ont des systèmes très différents. Je ne suis pas encore allé en Inde et je ne peux donc pas me prononcer là-dessus.

Quelqu’un a dit tout à l’heure que, même si ces trois économies émergentes sont traitées comme des économies émergentes, elles sont très différentes l’une de l’autre. Ces pays ont des cultures différentes, des manières différentes de faire des affaires et des liens différents entre l’agriculteur et le distributeur. On peut difficilement généraliser.

Le sénateur Hervieux-Payette : Il y a une grande différence entre les trois pays sur le plan des intermédiaires et l’identité des intervenants une fois que le produit est sur place. Nous produisons et nous expédions. Comment les produits sont-ils ensuite distribués dans ces pays?

M. Godfrey: Je pense que cela dépend souvent du produit. Mon père est un producteur de pommes de terre; il vend son produit à un agent qui le vend ensuite à un contact au Venezuela, en Chine ou ailleurs. Tout dépend du produit. Cependant, pour le boeuf de notre exploitation agricole, nous l’expédions à l’usine locale qui le vend ensuite à un autre agent. Tout dépend du produit et du pays. Il n’y a pas de réponse toute faite à votre question.

Pour revenir à ce que nous disions tout à l’heure en réponse à la question du sénateur Segal, nous essayons de bâtir ces réseaux de chaînes de valeurs et je pense que cela dépend du produit.

Le président: Je vous remercie.

Le sénateur Zimmer: Je vous remercie pour votre exposé. J’ai l’impression d’être entre gens de la même famille. Je dis cela parce que j’ai grandi en Saskatchewan, dans une petite localité agricole près de la région du sénateur Wallin. Mon père vendait des machines agricoles aux producteurs et je connais donc l’industrie de la production agroalimentaire.

On croit que les marchés émergents de Chine, d’Inde et de Russie pourraient accroître énormément leur production agricole en utilisant des procédés de production modernes et en investissant suffisamment dans les machines et l’équipement. Quel est selon vous le potentiel de production agricole de ces pays, en gardant à l’esprit le dicton: « Si l’on donne un poisson à un homme, il aura à manger pour la journée; si on lui apprend à pêcher et qu’on lui donne l’équipement nécessaire, il aura à manger toute sa vie »? Le problème est que s’ils obtiennent l’équipement pour cultiver et récolter les denrées, les aliments, ils n’auront plus besoin d’en importer autant.

C’est une question d’équilibre. S’ils ont l’équipement nécessaire, ils n’auront pas besoin d’importer autant qu’aujourd’hui. Nous sommes perdants de ce point de vue, mais nous sommes gagnants d’autre part. En fait, si leurs sols sont aussi bons que ceux que j’ai vus en Russie et en Ukraine il y a une vingtaine d’années, c’est un véritable grenier à grain; c’est extrêmement productif. Le problème est qu’ils importent actuellement et que nous exportons. D’autre part, s’ils obtiennent l’équipement, ils n’auront plus besoin d’importer autant et nous serons perdants.

Que voyez-vous se dessiner à cet égard? Quelle en sera l’incidence sur le prix mondial?

M. Bonnett: J’en reviens à mon expérience, aux conversations que j’ai eues avec ma belle-fille sur la situation en Russie. Vous aurez beau leur donner tout l’équipement du monde, à moins de faire beaucoup d’éducation et de formation et de changer leur culture, vous n’augmenterez pas leur capacité de production. Ils ont encore beaucoup de chemin à faire. Je pense qu’il faudra encore une ou deux générations avant qu’ils acquièrent la sophistication qui est la norme chez nous dans la gestion d’une exploitation agricole.

L’autre facteur à prendre en compte est que la croissance démographique mondiale est tellement rapide que notre défi sera probablement de produire assez de nourriture pour répondre à la demande. Ces deux éléments convergent. Il leur faudra un certain temps pour augmenter leur production — non pas à cause de l’équipement, parce qu’on peut leur envoyer plein de machines qui resteront inactives, mais il faut produire les denrées et changer le mode d’exploitation. En Chine, j’ai vu de très petites exploitations agricoles. Il faudra une génération de transition pour passer de la culture de petits lopins de terre plutôt inefficaces à de grandes exploitations agricoles.

L’autre facteur, c’est la croissance démographique. Nous verrons encore probablement des augmentations de prix, simplement parce que nous devons répondre à la demande pour nourrir la population mondiale.

M. Godfrey: J’ajoute que ces trois pays sont maintenant des pays exportateurs dans le domaine agricole. Comme M. Bonnett l’a dit dans l’exposé, la Chine est au premier rang mondial pour la production de blé, suivie par l’Inde, les États-Unis et la Russie. Ce sont des pays exportateurs. Leur régime d’importation complexe agit comme une barrière commerciale et nous exclut de leur marché à bien des égards, qu’il s’agisse de barrières commerciales techniques ou de droits de douane très élevés. Voilà ce qui nous ferme la porte de ces marchés. Je ne crois pas que cela ait grand-chose à voir avec le fait que nous pouvons leur expédier des pommes de terre de semence et leur apprendre à les cultiver, après quoi ils n’auraient plus besoin de nous en acheter.

Si nous voulons pénétrer ces marchés, nous devons contourner ces régimes d’importation complexe, que ce soit par l’OMC, des ententes bilatérales ou autres mécanismes. Voilà ce qui nous ferme la porte de ces marchés.

Le sénateur Stollery: Le secteur de l’exportation agricole est très complexe. Comme je l’ai dit tout à l’heure, notre comité en est très conscient.

Nous vivons maintenant à l’ère de l’information électronique. J’ai découvert pendant la séance que le produit chimique évoqué par M. Coomber, que les Chinois n’approuvent pas, sert à rendre les porcs plus maigres. Est-ce exact?

M. Coomber: Oui, je le crois.

Le sénateur Stollery: C’est intéressant, monsieur le président, parce que je me plains depuis un certain temps que le porc canadien est trop maigre et j’ignorais jusqu’à maintenant qu’il y avait une raison à cela. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai cessé d’en manger, parce qu’il est trop maigre.

J’ajoute que la Russie est immense. Vous parlez en fait du sud de la Russie, parce qu’une grande partie de la Russie habitée — Saint-Pétersbourg, Moscou, plus au nord dans la vallée de la Volga — est presque au cercle polaire arctique. Ce n’est pas là qu’on cultive des denrées; c’est plutôt dans le sud de la Russie, le long de la Volga, où les Allemands se sont établis au XVIIIe siècle.

On m’a dit il y a au moins cinq ans qu’ils avaient déjà exporté six millions de tonnes de grain. Est-ce exact? En fait, ils sont présents sur le marché.

M. Godfrey: Oui, ils le sont. C’est ce que je disais.

Le sénateur Stollery: C’était il y a cinq ou six ans.

M. Godfrey: La Russie est quatrième au monde pour la production de blé.

Le sénateur Stollery: Ce chiffre s’appliquait aux exportations, pas à la production.

M. Godfrey: C’est vrai qu’ils exportent. J’ignore s’ils étaient quatrième au monde, mais il est certain qu’ils exportent. C’est ce que je disais dans ma réponse tout à l’heure. Dans le domaine agricole, ces trois pays sont des pays exportateurs.

Le sénateur Stollery: Et ils mangent beaucoup de notre porc maigre.

Le président: Et c’est une bonne chose, puisque nous ne semblons pas en manger ici, sénateur Stollery.

M. Davis: Cela revient au fait que les importations et les exportations — autrement dit le commerce — sont par nature réciproques. Il leur arrive d’exporter beaucoup, s’ils ont une année sèche. Le Canada et l’Australie sont de grands exportateurs de blé, mais les exportations de blé d’Australie fluctuent considérablement, en fonction de la météo.

Le sénateur Stollery: En Argentine aussi.

M. Davis: Pour qu’il y ait assez de nourriture dans le monde, il faut des échanges commerciaux et il faut que la production mondiale suffise aux approvisionnements.

De plus, à mesure que le niveau de vie dans ces pays augmente avec l’avènement du secteur manufacturier et de la technologie, les goûts de leur population changent quant aux aliments. Ils mangent plus de protéines et notamment plus de protéines de grande valeur que nous produisons.

Le problème pour nous est en partie de produire ce que les consommateurs veulent acheter et anticiper sur les tendances. C’est là que les efforts de promotion du commerce que nous déployons sont très avantageux. Nous faisons cela par l’entremise de la Canada Beef Export Federation, du Conseil canadien du porc et d’autres organisations.

Le sénateur Stollery: Mettez-y un peu plus de gras. C’est trop maigre.

M. Davis: Nous faisons autre chose aussi, comme de cultiver du canola. Nous sommes des chefs de file dans ce secteur et l’on a vu à quel point nous pouvons exporter en Chine des millions de tonnes de canola et d’huile de canola.

M. Everson: Quelqu’un a dit tout à l’heure que nous avons non seulement la production mais toute l’infrastructure au Canada pour ce faire et que l’avantage technologique du produit que nous vendons et du canola en est un bon exemple. Nous avons d’extraordinaires compagnies de transport et de manutention des céréales.

Ces pays sont de grands producteurs et parfois des exportateurs. La Chine produit presque autant de canola que le Canada à environ 12,6 millions ou 13 millions de tonnes. Nous sommes très proches de la production chinoise. En Chine, ils cultivent du colza tandis qu’ici nous cultivons du canola. Nous avons 52 000 agriculteurs qui en produisent. En Chine, ils en ont plus de 100 millions. Il y a une énorme différence dans l’efficience de notre production et de notre infrastructure pour cultiver et vendre le produit dans certains de ces pays.

Le président: Je vous remercie. Cent millions d’agriculteurs, c’est un chiffre effrayant, mais passons.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : La mise en place d'obstacles aux exportations et les effets déstabilisants de ceux-ci sur les marchés mondiaux attirent l'attention sur le fait que les règles de l'OMC n'empêchent pas les pays d'imposer des restrictions à leurs exportations et que la fiscalité relative aux exportations ne fait l'objet d'aucune discipline. Compte tenu du manque de règles dans ce domaine, la capacité du marché mondial à servir de source fiable d'approvisionnement en produits alimentaires est selon moi mise en doute.

J'ai deux questions; je ne sais pas qui de vous cinq voudra y répondre. À votre avis, est-ce que l'OMC devrait appliquer des disciplines minimales en matière de restriction des exportations, notamment une obligation de notification? Deuxième question : est-ce que vous trouvez les modalités actuellement prévues dans le programme de Doha pour le développement comme étant suffisantes?

[Traduction]

M. Everson: Je veux une précision. Votre question porte-t-elle sur les politiques fiscales dans d’autres pays?

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Dans les trois pays dont nous faisons l’étude, la Russie, l'Inde et la Chine, j'imagine que parfois ils imposent des restrictions. Ma question concerne ces pays. Un peu comme les États-Unis, ils vont à un moment donné imposer des tarifs.

[Traduction]

M. Davis: Je pense que cette question a été soulevée au sujet du contrôle des exportations dans certains pays. L’Argentine et l’Inde l’ont fait et le Japon dans une certaine mesure; ces pays ont contrôlé leur secteur agricole et ont empêché les exportations en imposant des taxes à l’exportation sur certaines denrées. Je pense que c’est à cela que vous faites allusion.

En fait, non, l’OMC ne s’est pas penchée là-dessus dans le passé, mais cette question doit être abordée dans le cadre des négociations actuelles, je veux parler des contrôles que les pays peuvent imposer de cette manière.

Il est intéressant de signaler que cela rend les agriculteurs de ces pays extrêmement mécontents. Ce n’est pas toujours une bonne stratégie pour se faire réélire. Le résultat est le contraire de celui des subventions aux exportations; dans ce dernier cas, on essaye de vendre le plus possible. Si l’on veut garder le produit pour le marché intérieur tout en essayant de garder le prix intérieur bas, cela va à l’encontre des efforts pour appuyer le secteur agricole. Si l’on ne permet pas au secteur agricole d’obtenir un rendement réaliste pour ses produits, on nuit aux agriculteurs, on se nuit à soi-même.

Oui, je pense que nous aimerions voir l’OMC se pencher sur ce dossier. Pour ce qui est d’appliquer les règles de l’OMC, je voudrais rapidement ajouter une observation. L’OMC a besoin des investissements des pays membres pour avoir les ressources voulues pour savoir ce que les pays membres font en matière de subventions et tout le reste. Il faut pouvoir encadrer cela de plus près. L’organisation a besoin de ces ressources et a besoin que les pays fassent rapport avec franchise et dans des délais assez réalistes. Certains pays publient des rapports sur leurs subventions intérieures d’il y a sept ans; il y a un tel décalage. Il faut renouveler le système de règlement des conflits commerciaux à l’OMC; il nous faut cet engagement. Comme je l’ai déjà dit, dans le cas de certaines mesures protectionnistes, nous assistons à un recul.

M. Bonnett: Quelqu’un a dit tout à l’heure que la politique l’emporte sur la science. La politique l’emporte parfois aussi sur de bonnes politiques dans le domaine du commerce.

Monsieur le président, je dois m’excuser, mais je m’en remets à mon collègue pour répondre aux autres questions. J’ai réservé mon vol d’après un horaire très serré, mais je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de témoigner.

Le président: Si cela vous convient, nous allons prolonger notre séance de quelques minutes et donner congé à M. Bonnett, en le remerciant.

Le sénateur Segal: J’ai une brève question. L’OMC est embourbée à cause de l’agriculture. C’est vraiment le seul dossier qui l’empêche de progresser. Si M. Godfrey dit non, je serais intéressé d’entendre son point de vue là-dessus. Les pays BRIC que nous étudions — le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine — ont conspiré directement avec le monde industrialisé pour s’assurer d’embourber l’organisation dans le dossier de l’agriculture.

Pourquoi est-on optimiste quant à l’avenir et pourquoi êtes-vous tellement convaincu qu’une solution de l’OMC est meilleure que des relations bilatérales dynamiques avec des pays où nous avons peut-être un potentiel plus intéressant que ce que le processus de l’OMC nous a permis d’obtenir jusqu’à maintenant?

M. Davis: Je suis l’optimiste de service quant à l’OMC et je vais donc répondre à cette question.

Les négociations ont achoppé pour un certain nombre de raisons. L’une d’elles, qui est cruciale et que je vais essayer d’exposer le plus simplement possible sans être simpliste, du moins je l’espère, est l’aide intérieure — c’est-à-dire les subventions agricoles aux États-Unis et dans l’UE — par opposition à l’accès à ces pays BRIC. Les pays BRIC veulent s’assurer que s’ils ouvrent leur porte et augmentent leur accès pour les États-Unis et l’UE et, à certains égards, pour nous aussi, ils le fassent en respectant l’égalité des chances, c’est-à-dire que les producteurs de ces pays ne reçoivent pas d’aide intérieure. La question était de savoir à quel niveau les États-Unis fixent leur aide intérieure dans le Farm Bill, et ensuite quel accès ils étaient disposés à accorder aux États-Unis et à l’UE dans leurs propres marchés. C’est là qu’on en est arrivé à une impasse.

Je ne pense pas qu’il y ait eu véritablement une conspiration; c’est plutôt que nous avons vu ces pays se serrer les coudes et déclarer qu’ils obligeraient le monde industrialisé et ce secteur de l’agriculture mondiale à rendre des comptes pour ces subventions intérieures. Je pense que c’est dans ce contexte que nous avons vu cela.

Nous avons vu nous-mêmes des dommages avec l’accord bilatéral comme l’ALENA qui nous a donné un accès illimité pour le boeuf et le bétail aux États-Unis, mais nous avons vu que les Américains étaient en mesure de subventionner leur maïs et leur maïs-grain à un point que nous ne pouvions pas suivre au Canada; c’est simplement ainsi que le système fonctionne et cela n’était pas contrôlé dans l’accord bilatéral qu’est l’ALENA. Nous avons vu certains changements au niveau de notre compétitivité.

À moins qu’on puisse conclure des ententes bilatérales qui traitent de tous les aspects, comme on en a parlé tout à l’heure — l’accès aux marchés, mais aussi l’aide et les subventions intérieures et les subventions aux exportations — on n’en a toujours pas autant pour son argent que dans un accord multilatéral comme l’OMC, où 153 pays s’alignent au même niveau pour ces trois aspects.

Le président: Monsieur Godfrey, voulez-vous ajouter quelque chose rapidement?

M. Godfrey: Je ne crois pas que ce soit aussi simple que de dire que l’agriculture est le seul déterminant qui explique le blocage de l’OMC. Les États-Unis empêchent la conclusion de l’accord non agricole. Je ne me rappelle pas du problème, mais il y a un autre dossier sur la table. Je suis d’accord avec les observations de M. Davis.

Il faut mettre en place un accord au niveau de l’OMC, mais en menant à terme le cycle de Doha, parce que cela établit des lignes directrices fondamentales que tout le monde peut suivre, après quoi l’entente bilatérale vient en prime, en quelque sorte.

M. Davis: M. Everson m’a fait remarquer que nous ne voulons pas condamner les ententes bilatérales en même temps. Nous croyons effectivement que nous en avons plus pour notre argent en signant des ententes multilatérales. À l’ACCA, c’est notre raison d’être, c’est la nature de notre organisation, mais depuis une dizaine de mois, nous avons mis notre organisation au service de l’accord bilatéral avec l’UE. C’est une entente tellement vaste et diversifiée qui nous donnerait accès à un marché de 500 millions de consommateurs pour nos produits d’exportation. Nous jugeons important d’être présents sur ce front également. Nous pouvons avoir une stratégie à deux volets.

Le président: Je veux consigner au compte rendu vos réflexions sur une question à laquelle il est important que nous réfléchissions dans notre rapport. M. Coomber voudra peut-être s’abstenir de répondre à cette question, mais le gouvernement du Canada donne-t-il suffisamment d’aide, que ce soit au Canada ou dans les pays avec lesquels nous voulons multiplier nos échanges commerciaux et nos investissements? Êtes-vous satisfaits du niveau de soutien que le gouvernement du Canada fournit à nos exportateurs et en particulier dans le domaine agricole?

M. Everson: Nous avons une institution gouvernementale de première classe pour s’occuper de ces dossiers internationaux. De manière générale, on veut toujours plus de ressources. Nous faisons du commerce avec quelque 150 pays, ce qui veut dire que nous pourrions utiliser 150 M. Coomber. Il a absolument raison. Chaque marché est différent. Les pays dont vous parlez sont tous des pays immenses où l’on parle cinq langues différentes et où l’on discerne une problématique régionale complexe. Nous pourrions toujours utiliser plus de ressources.

Dans l’ensemble, je pense que notre gouvernement a historiquement bien compris l’importance de l’agriculture sur le plan international et qu’il a injecté suffisamment de ressources dans ce dossier.

Le président: C’est la réponse de l’ACCA. Qu’en dit la Fédération canadienne de l’agriculture?

M. Godfrey: Je ne suis pas membre élu de la FCA et je me sens donc un peu mal à l’aise de répondre à cette question.

Le président: Vous n’avez pas à le faire.

M. Godfrey: Historiquement, je suis d’accord pour dire qu’ils comprennent bien nos besoins nationaux, en particulier dans l’agriculture, que nous sommes dépendants du commerce, hormis pour la gestion de l’offre. Sauf pour les denrées où il y a gestion de l’offre, nous dépendons énormément du commerce et l’on a fait du bon travail pour ce qui est de protéger le secteur de la gestion de l’offre. Je le répète, je ne suis pas membre élu de la FCA et je vais donc m’en tenir là.

Le président: Je vous remercie. Vous pouvez comprendre pourquoi nous avons besoin de cette information pour rédiger notre rapport.

Je vous remercie pour vos excellents exposés. Nous aurions probablement pu poursuivre encore pendant une heure, mais nous ne vous retiendrons pas plus longtemps. Certains d’entre nous ont des engagements eux aussi. Vous avez ajouté beaucoup de valeur à nos délibérations et nous vous exprimons nos sincères remerciements et notre gratitude pour votre comparution. Nous vous reverrons probablement dans un avenir assez rapproché.

(La séance est levée.)

 
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