LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 28 novembre 2012
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, auquel a été renvoyé le projet de loi C-24, Loi portant mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Panama, de l’Accord sur l’environnement entre le Canada et la République du Panama et de l’Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République du Panama, se réunit aujourd’hui à 17 h 30 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Mesdames et messieurs les sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international entame aujourd’hui son étude du projet de loi C-24, Loi portant mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Panama, de l’Accord sur l’environnement entre le Canada et la République du Panama et de l’Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République du Panama, aussi appelée la Loi sur la croissance économique et la prospérité Canada-Panama.
Notre premier témoin est l’honorable Ed Fast, ministre du Commerce international et ministre de la porte d’entrée de l’Asie-Pacifique. Il est accompagné de nombreux collaborateurs : Cameron MacKay, directeur général, Direction générale de la politique commerciale de l’Asie-Pacifique, Affaires étrangères et Commerce international; Pierre Bouchard, directeur, Affaires bilatérales et régionales du travail, Ressources humaines et Développement des compétences Canada; Mollie Johnson, directrice générale, Amériques, Environnement Canada; et Alain Castonguay, chef principal, Conventions fiscales, ministère des Finances Canada.
Vous êtes bien entouré, monsieur le ministre. Normalement, nous ne présentons pas de longues biographies. De nos jours, tous ont accès à un éventail de services, et nous voulons profiter pleinement de votre déclaration et avoir le temps de poser des questions.
La parole est à vous. Bienvenue au comité.
L’hon. Ed Fast, C.P., député, ministre du Commerce international et ministre de la porte d’entrée de l’Asie-Pacifique : Merci de me permettre de vous faire part de certaines observations sur l’Accord de libre-échange Canada-Panama.
Je suis accompagné d’une excellente équipe. Comme vous le savez, les accords commerciaux sont souvent compliqués et nécessitent des connaissances approfondies dans divers domaines. C’est pourquoi j’ai réuni ces spécialistes qui m’aideront à répondre à vos questions.
J’aimerais commencer en disant que pour assurer la prospérité du Canada, nous devons absolument aller au-delà des frontières et mettre à profit des possibilités économiques qui favorisent notre commerce et nos investissements.
L’Accord de libre-échange Canada-Panama à l’étude aujourd’hui représente une nouvelle mesure que notre gouvernement prend pour aider les Canadiens à concurrencer et à réussir au sein de l’économie mondiale. Le Panama est un important carrefour logistique mondial. Son économie est vigoureuse et sa croissance économique forte. Il occupe le deuxième rang en Amérique centrale pour ce qui est du revenu par habitant. Un accord de libre-échange avec le Panama donnera aux exportateurs, aux investisseurs et aux fournisseurs de services canadiens un accès préférentiel à un marché dynamique et innovateur considéré comme étant l’économie qui connaît la croissance la plus rapide en Amérique latine et la porte d’entrée stratégique de la région.
En 2011, le produit intérieur brut réel du Panama a crû à un taux stupéfiant de 10,6 p. 100, et on s’attend à ce que son PIB réel continue à augmenter par plus de 6 p. 100 annuellement au cours des 5 prochaines années. Cette croissance représente des perspectives importantes pour les entreprises canadiennes. L’Accord de libre-échange Canada-Panama les aidera à cerner les possibilités créées par la croissance de ce marché stratégique et à profiter des milliards de dollars affectés au développement de l’infrastructure.
Si vous me permettez une brève parenthèse, certains membres du comité savent peut-être que le Panama entreprend actuellement un énorme projet de canal, avec toutes les retombées qui découlent d’une telle entreprise. De plus, il prévoit investir fortement dans l’infrastructure au cours des prochaines années. Or, il se trouve justement que le Canada possède une expertise dans les domaines de l’infrastructure et des finances, domaines dans lesquels, à certains égards, il reste à l’heure actuelle des barrières commerciales. Voilà ce que l’accord vise à supprimer : les obstacles aux échanges que les sociétés canadiennes doivent toujours surmonter.
L’accord commercial conclu avec le Panama aidera à faire en sorte que les sociétés canadiennes puissent continuer à concurrencer sur un pied d’égalité avec les entreprises des États-Unis et de l’Union européenne, qui ont aussi négocié des accords de libre-échange avec le Panama. Bien sûr, un des avantages majeurs pour les entreprises canadiennes sera l’élimination des droits qu’elles doivent payer aujourd’hui pour exporter au Panama. Dès l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange, le Panama éliminera les droits de douane sur 95 p. 100 des importations récentes de produits non agricoles du Canada. Si nous considérons ce que nous avons exporté au Panama par le passé, l’élimination touchera 95 p. 100 des importations et 78 p. 100 des importations agricoles. La plupart des autres droits de douane du Panama seront éliminés d’ici 5 à 15 ans. Par exemple, dès la mise en œuvre de l’accord, les droits de douane imposés actuellement par le Panama sur la machinerie destinée aux secteurs manufacturier et de la construction, sur certains produits du porc et du bœuf, sur les produits du bois, sur les véhicules, ainsi que sur les frites congelées — domaines dans lesquels le Canada est un chef de file — seront supprimés. Cet aplanissement important des obstacles aux échanges favorisera la compétitivité des exportations canadiennes sur le marché panaméen.
Le secteur canadien des services bénéficiera probablement aussi de l’accord. Une fois mis en œuvre, l’accord assurera aux fournisseurs de services canadiens un environnement sûr, prévisible, transparent et réglementé qui améliorera l’accès au marché panaméen des services, dont la valeur s’élève à 20,6 milliards de dollars. Les secteurs canadiens de l’exportation et de l’expertise en matière notamment de services liés aux mines et à l’énergie, ainsi que de services professionnels, comme le génie et l’architecture, profiteront tous d’un plus vaste accès au marché. Permettez-moi de mentionner que 71 p. 100 du PIB canadien est généré par les services. Les services jouent donc un rôle majeur au sein de notre économie, et c’est pourquoi il est essentiel d’ouvrir de nouvelles possibilités qui permettront aux fournisseurs de services canadiens d’exporter leur expertise en matière de services partout dans le monde, y compris au Panama.
Par ailleurs, le Panama est une destination établie pour les investissements canadiens directs à l’étranger, particulièrement dans les secteurs des mines, des banques et des services financiers. L’accord procurera une plus grande stabilité, une transparence accrue et une meilleure protection pour les investissements canadiens au Panama. Ce n’est donc pas surprenant que les investisseurs canadiens qui font des affaires au Panama appuient la mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada-Panama.
L’accord sera probablement aussi avantageux pour les entreprises et les travailleurs canadiens en ce qui touche les marchés publics. En plus du projet bien connu — dont je viens de parler — d’expansion du canal de Panama, évalué à 5,3 milliards de dollars, le Panama prévoit construire de l’infrastructure additionnelle d’une valeur d’environ 13,6 milliards de dollars. Quelle occasion incroyable pour les entreprises canadiennes spécialisées dans l’infrastructure. De nombreux projets de construction et de réfection de routes, d’hôpitaux, de logements sociaux et de ponts sont déjà en cours ou à l’étude. Les processus d’appel d’offres pour des projets comme l’amélioration de l’aéroport et la construction du quatrième pont enjambant le canal de Panama devraient être lancés dans les prochains mois.
Les sociétés canadiennes sont expertes dans les domaines que le Panama cherche à renforcer. L’accord leur permettra de présenter des soumissions concurrentielles lors des appels d’offres en garantissant un traitement non discriminatoire des fournisseurs canadiens en ce qui concerne les marchés publics. En conséquence, les entreprises canadiennes qui veulent soumissionner un contrat d’achat du gouvernement pour des biens et des services seront traitées de la même façon que les sociétés panaméennes et les concurrents des autres partenaires de libre-échange du Panama.
Tous ces exemples montrent clairement que l’accord de libre-échange que le Canada a négocié avec le Panama est solide, global et avantageux pour les travailleurs canadiens. Un des piliers du plan ambitieux de promotion du commerce de notre gouvernement est de veiller à ce que les entreprises canadiennes puissent faire des affaires sur un pied d’égalité. Voilà pourquoi le gouvernement tient absolument à ce que l’Accord de libre-échange Canada-Panama soit ratifié rapidement.
L’accord de promotion du commerce entre les États-Unis et le Panama est entré en vigueur le 31 octobre 2012; actuellement, les entreprises canadiennes sont donc désavantagées. Plus de 87 p. 100 des biens de consommation et des produits industriels exportés au Panama par les États-Unis sont maintenant exempts de droits de douane, alors qu’il faut toujours payer des droits sur les exportations canadiennes. Je rappelle également au comité que l’Union européenne a fait preuve de prévoyance et a négocié un accord de libre-échange avec le Panama. Le Parlement européen mettra l’accord aux voix la semaine du 10 décembre. S’il est adopté, il entrera probablement en vigueur de manière provisoire début 2013. En conséquence, les entreprises canadiennes perdront des parts du marché panaméen en faveur de leurs concurrents américains et européens, à moins que nous mettions rapidement en œuvre notre propre accord de libre-échange de haute qualité.
J’espère que les membres du comité seront d’accord avec moi, avec les députés de la Chambre des communes, ainsi qu’avec les exportateurs et les investisseurs canadiens que nous devons absolument défendre la compétitivité des entreprises canadiennes au Panama en mettant l’accord en œuvre. Nous devons permettre aux sociétés canadiennes de concurrencer sur un pied d’égalité, car elles sont certainement capables de gagner. Les exportateurs, les investisseurs et les fournisseurs de services du Canada comptent parmi les meilleurs au monde, et notre gouvernement est déterminé à les aider à profiter de bonnes occasions de prospérer.
C’est pour cette raison que nous avons créé la Stratégie commerciale mondiale et que nous avons poursuivi un programme ambitieux en matière de commerce bilatéral. Nous avons également cherché à affermir nos relations commerciales avec certains partenaires clés partout dans le monde, dans le but d’ouvrir de nouvelles possibilités commerciales avec des pays comme le Panama. Les occasions sont là et les Canadiens sont prêts à les saisir. C’est notre devoir de les aider à le faire. Voilà pourquoi j’espère que vous vous joindrez à moi et que vous appuierez l’adoption rapide du projet de loi C-24.
Le sénateur Downe : Merci, monsieur le ministre, de votre présence et de votre déclaration. J’ai quelques questions qui s’adressent peut-être plutôt à vos collaborateurs, mais puisqu’il est possible qu’il y ait des motifs politiques, je tiens à les poser pendant que vous êtes là.
C’est la deuxième fois qu’un projet de loi sur l’accord de libre-échange avec le Panama est présenté au Parlement. Je m’intéresse aux différences entre le projet de loi original, C-46, et le projet de loi C-24. Par exemple, le projet de loi C-24 comprend 10 annexes, tandis que le projet de loi C-46 en avait seulement 9; et l’annexe 5 semble contenir moins de numéros tarifaires. Je me demande ce qui a causé ces changements.
M. Fast : Vous avez raison. Je vais demander à mes collaborateurs de répondre.
Cameron MacKay, directeur général, Direction générale de la politique commerciale de l’Asie-Pacifique, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Je ne peux pas vous parler des détails des différences entre les deux projets de loi, mais je peux vous assurer, bien sûr, que l’accord entre le Canada et le Panama n’a pas été modifié. Je soupçonne que ces changements sont liés aux dispositions dites de coordination du projet de loi et peut-être à d’autres modifications apportées au code tarifaire du Canada, par exemple entre le dépôt des deux projets de loi. Pour vous donner une réponse plus détaillée, il faudrait que je consulte des collègues du service juridique; ils pourraient vous fournir plus de détails, au besoin.
Le sénateur Downe : Si vous y consentez, madame la présidente, pouvez-vous leur demander de transmettre les renseignements par écrit au greffier du comité?
Ma deuxième question porte sur l’article 34, aux pages 13 et 14 du projet de loi. Cet alinéa ne se trouve pas dans le projet de loi C-46. Ma question est donc : que s’est-il passé entre les deux projets de loi et pourquoi la différence? Si vous n’avez pas la réponse, je comprends que vous nous l’enverrez.
M. MacKay : Nous serons ravis de vous transmettre ces renseignements par l’entremise du bureau du ministre et de la présidence.
Le sénateur Downe : Je comprends que ce sont des questions d’ordre technique, mais comme je l’ai dit dans mon introduction, s’il y avait des motifs politiques, je voulais que le ministre soit là pour nous les expliquer. Toutefois, les différences semblent être de nature administrative. Je suis curieux d’en savoir plus.
Avant de signer leur accord de libre-échange, les États-Unis et le Panama ont conclu un accord d’échange de renseignements fiscaux. Pourquoi n’avons-nous pas fait de même?
M. Fast : Je peux confirmer que nous sommes en train de négocier un accord d’échange de renseignements fiscaux avec les Panaméens. Il a fallu du temps pour engager le dialogue avec eux. Nous sommes ravis qu’ils aient enfin accepté de négocier. Le processus éloignera certainement les préoccupations du fait qu’il permettra au Canada de cerner les responsabilités et les informations fiscales nécessaires pour empêcher les activités fiscales frauduleuses.
J’ajouterais aussi qu’à notre sens, les Panaméens prennent des mesures importantes pour améliorer la transparence et la reddition de comptes. Comme les sénateurs le savent, ils ont entamé des négociations et ont signé des accords d’échange de renseignements fiscaux avec de nombreux pays, le Canada n’étant qu’un des États avec lesquels le Panama a commencé à négocier récemment. À notre avis, cela montre nettement que le Panama souhaite véritablement se joindre à la famille des nations qui veulent faire des affaires de manière transparente et responsable.
Le sénateur Downe : C’est la question à laquelle je semble vouloir en venir. J’ai remarqué que dans un grand nombre des accords qu’il a signés, le Panama a refusé d’échanger des renseignements si l’échange va à l’encontre de sa politique publique. Comme vous le savez, le statut du Panama comme paradis fiscal est une grande source d’inquiétudes. Le fait que l’Organisation de coopération et de développement économiques a retiré récemment le Panama de ce qu’elle appelle la liste grise pour le placer sur la liste blanche vous préoccupe-t-il? Pourtant, le Panama ne répondait pas à cinq des neuf critères examinés par l’OCDE. En gros, les portes sont fermées. Sa réputation de paradis fiscal vous préoccupe-t-elle?
M. Fast : Il importe toujours au Canada que ses partenaires commerciaux agissent conformément aux valeurs canadiennes et à la notion de transparence, d’ouverture et de reddition de comptes. Vous avez dit très justement que le Panama a été retiré récemment de la liste grise et placé sur la liste blanche, ce qui montre clairement qu’il satisfait de plus en plus aux exigences de l’OCDE.
L’approche du Canada est que le dialogue, plutôt que l’isolement, permet aux pays de faire des progrès sur le plan de la transparence. Avant, le Panama avait la réputation de faire du blanchiment d’argent, fait que nous prenions très au sérieux. Nous trouvons très encourageant qu’il a pris des mesures pour être retiré de la liste grise. C’est aussi un très bon signe qu’il a accepté de nouer le dialogue avec nous en vue de conclure un accord d’échange de renseignements fiscaux.
Je serais ravi qu’Alain Castonguay vous en dise plus sur les progrès de ces négociations et sur d’autres points qui pourraient être pertinents.
Alain Castonguay, chef principal, Conventions fiscales, ministère des Finances Canada : Je pense que le sénateur parlait d’un rapport d’examen par les pairs sur le Panama préparé par le Forum mondial. Le mandat de base du Forum mondial est d’effectuer des examens par les pairs des pays membres. L’organisme compte maintenant plus de 100 pays membres, et la première phase que le Panama a franchie a été de vérifier si ses lois et ses règlements correspondaient aux normes fixées et exposées en détail par l’OCDE.
Vous avez raison de dire que le premier rapport a mis en évidence les failles d’un certain nombre de lois panaméennes, mais le pays entend les corriger. D’ailleurs, nous devrions recevoir en temps et lieu un rapport complémentaire faisant étant des progrès du Panama en ce qui a trait aux neuf exigences. Le pays tient à passer à la deuxième phase d’examen par les pairs sur la mise en œuvre des accords d’échange de renseignements fiscaux qu’il a déjà signés.
De notre point de vue, le Panama semble avoir la volonté de se conformer aux normes de l’OCDE.
Le sénateur Downe : Je crois comprendre que les négociations sont gelées depuis qu’on a découvert que le Panama ne respecte pas cinq critères, et il semble que le pays n’a pris aucun autre engagement depuis. Avez-vous de l’information à l’effet contraire?
M. Castonguay : Je peux vous dire que le Panama n'était pas ravi que le Forum mondial souligne un certain nombre de failles dans leurs lois et règlements. Par « gel », vous voulez dire que le pays ne peut pas passer à la deuxième phase d’examen par les pairs, qui porte sur l’application des conventions relatives à la double imposition et des évaluations des impacts du commerce, alors qu’il tient visiblement à le faire. Le Panama a laissé savoir au Forum mondial qu’il corrigerait les lacunes qui subsistent, et lui a demandé de produire un rapport complémentaire qui démontrera que c’est fait.
Le sénateur Downe : Pourriez-vous envoyer au greffier toute information supplémentaire à ce sujet? Ce serait bien utile.
Pour terminer, compte tenu du problème de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale au Panama, le gouvernement canadien a-t-il consulté le Service canadien du renseignement de sécurité et le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada ou encore la GRC pendant les négociations entourant l’accord?
M. Castonguay : Je peux me prononcer sur le respect des obligations fiscales, mais pas sur le blanchiment d’argent.
Nous n’avons pas du tout consulté ces organismes. Au fond, nous nous sommes fiés à l’engagement du Panama à négocier ces accords. Nous avons lancé les négociations en présumant que le Forum mondial veillerait à ce que le Panama respecte les normes. Nous estimons donc que l’accord que nous voulons signer sera efficace et empreint d’intégrité.
M. Fast : J’aimerais ajouter qu’il faut un mandat du Cabinet avant de lancer toutes négociations. Ainsi, chaque ministre touché doit évaluer la question, y compris le ministre des Finances et le ministre de la Sécurité publique. Nous allons vous remettre des renseignements supplémentaires sur les consultations menées et leurs effets.
Le sénateur Finley : Monsieur le ministre, je vous remercie infiniment de votre comparution et de votre exposé. Mes questions seront peut-être un peu moins techniques que celles du sénateur Downe.
Certains affirment que l’accord dont nous sommes saisis et celui que nous venons de conclure avec la Jordanie sont bien modestes, et qu’il s’agirait de notre 67 ou 70e partenaire commercial en importance. Je crois avoir réussi à convaincre le sénateur Downe des importantes perspectives d’avenir de l’Île-du-Prince-Édouard au Panama — peut-être pas complètement, mais j’aurai certainement essayé.
Pourriez-vous expliquer au comité et aux nombreux Canadiens qui nous regardent de leur foyer de quelle façon ce genre d’accord, et plus particulièrement celui dont nous sommes saisis, s’inscrit dans le plan stratégique d’ensemble du gouvernement, qui cherche à favoriser les échanges commerciaux et à redresser l’économie?
M. Fast : Merci beaucoup. Permettez-moi de vous parler un peu de notre Stratégie commerciale mondiale.
En 2007, notre gouvernement a adopté une stratégie commerciale mondiale afin de trouver des marchés étrangers que le Canada devrait pénétrer ou conquérir davantage. Il fallait préciser comment saisir ces occasions internationales, qui pourraient contribuer à notre croissance économique et à la prospérité à long terme chez nous, au Canada.
C’est ce que nous avons fait, c’est-à-dire que nous avons localisé les régions du monde où le Canada devait être présent, puis nous avons déterminé les pays par lesquels nous devions commencer. Pour une raison ou pour une autre, certains ont laissé entendre que notre démarche n’était pas assez circonscrite. Comme tout ministère, Commerce international Canada dispose de ressources limitées, ce qui nous oblige à cibler des activités et engagements de grande valeur.
Vous avez mentionné la Jordanie. Il est vrai que cet accord de libre-échange n’est pas majeur; au contraire, il est plutôt modeste. Au total, la valeur de cette relation bilatérale s’élève à quelque 89 millions de dollars, je pense, une somme qui n’est pas très importante. En revanche, l’accord de libre-échange avec la Jordanie est le premier que nous signons avec un pays arabe et représente à nos yeux une porte d’entrée de la grande région du Moyen-Orient.
Nous sommes aussi en train de négocier un accord de libre-échange avec le Maroc. Pourquoi ce pays? Parce qu’il est relativement stable, qu’il compte déjà parmi nos partenaires commerciaux, et qu’il nous servira de porte d’entrée de l’Afrique du Nord.
Pourquoi entreprenons-nous des pourparlers préliminaires avec la Thaïlande? Comme le Canada n’a pas encore conclu d’accord de libre-échange en Asie du Sud-Est et que la Thaïlande est son plus grand partenaire commercial de la région, le pays pourrait nous servir de porte d’entrée.
En Amérique du Sud, par exemple, nous avons conclu trois accords de libre-échange avec des pays animés des mêmes idées que nous sur des enjeux fondamentaux, comme l’économie, le marché libre, l’ouverture à l’investissement et la démocratie. Il s’agit du Chili, du Pérou et de la Colombie, qui nous permettent eux aussi de prendre pied dans une région du monde où nous devons être présents. Il est normal, pour commencer du moins, de s’associer aux pays dont la mentalité ressemble le plus à la nôtre.
En fait, nous avons un plan très précis afin d’atteindre les objectifs du Canada sur le plan commercial. Je suis absolument persuadé que notre Stratégie commerciale mondiale, que nous continuons d’étoffer, portera ses fruits et stimulera fortement la croissance économique du pays.
Permettez-moi d’ajouter que nous sommes en train d’actualiser notre Stratégie commerciale mondiale. Elle devait d’abord durer cinq ans, mais cette période tire à sa fin. Nous avons mené de vastes consultations au Canada pour veiller à ce que tous les intervenants, y compris les provinces, les territoires et les industries, soient capables de dessiner l’avenir du Canada et de reconnaître que les échanges commerciaux et l’investissement sont les principaux moteurs de la croissance économique du Canada.
Le sénateur Finley : Dans le cadre des délibérations, certains ont affirmé que la relation avec un partenaire commercial signataire d’un accord de libre-échange finit souvent par se dégrader, en quelque sorte. Puisque je viens du milieu des affaires et que j’ai déjà négocié avec bon nombre de ces pays, je sais que ce n’est pas toujours simple. C’est largement attribuable aux nouvelles occasions d’affaires qui se présentent après la signature de l’accord et que les entreprises privées doivent saisir. Si vous vous êtes penchés sur la question, j’aimerais que vous nous disiez comment nous pourrions encourager nos partenaires commerciaux à redoubler de dynamisme dans ces nouveaux secteurs découlant des accords de libre-échange
M. Fast : Je pense qu’il convient plutôt de se demander comment encourager les entreprises canadiennes — tant les PME que les grandes entreprises — à saisir des occasions d’affaires à l’extérieur du Canada et même de l’Amérique du Nord. À certains égards, nous sommes absents de certaines régions du monde. Généralement, les grandes entreprises ont les ressources nécessaires pour tirer parti des nouvelles occasions d’affaires à l’échelle mondiale. Là où le bât blesse, c’est dans le cas de nos PME. Les Canadiens sont de nature très prudente, même dans le milieu des affaires. Il faut déployer pas mal d’efforts pour qu’ils osent repousser les limites et explorer de nouveaux marchés étrangers.
Nous y arrivons notamment à l’aide d’accords, comme ceux sur la promotion et la protection de l’investissement étranger et ceux en matière de libre-échange. Les entreprises canadiennes qui envisagent de pénétrer un nouveau marché sont rassurées par la présence d'un accord de libre-échange et comprennent que les règles en place augmentent leurs chances de réussite. Il en va de même pour les Accords sur la promotion et la protection de l’investissement étranger. Bien des entreprises refusent d’investir à l’étranger à moins que les règles soient claires et que les conflits puissent être résolus de façon transparente et juste. La plupart du temps, les Accords sur la promotion et la protection de l’investissement étranger permettent de régler les différends sur la scène internationale, où le mécanisme est transparent et équitable, plutôt qu’à l’échelle nationale. Voilà une des stratégies que nous avons utilisées pour encourager les entreprises canadiennes à se tourner vers l’étranger.
Notre deuxième stratégie, c’est le Service des délégués commerciaux, que je surnomme souvent le secret le mieux gardé du Canada. Cette méconnaissance n’est toutefois pas dans notre intérêt. Le service devrait être connu, car nous voulons que les PME sachent qu’elles n’ont pas à emprunter cette voie seules. Les délégués commerciaux sont des professionnels hautement qualifiés qui connaissent bien les marchés où les entreprises canadiennes songent à investir ou à faire des affaires. Ils peuvent leur fournir des renseignements sur l’environnement légal, réglementaire et commercial d’un nouveau marché. Ce n’est pas tout; ils peuvent même mettre l’entreprise canadienne en communication avec des partenaires d’affaires sur place auxquels elle pourra s’associer. Dans un nouveau marché, les chances de réussite sont souvent bien meilleures si l’entreprise peut se fier à l'aide d'un partenaire local de confiance.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, honorable ministre, nous sommes enchantés de vous avoir avec nous ce soir, ainsi que les fonctionnaires qui vous accompagnent.
Suite à la question du sénateur Finley, je voudrais avoir plus d'informations concernant l'expansion du canal de Panama. En fait, il s’agit d’un projet extraordinaire qui représente 5,3 milliards de dollars. On prévoit de nombreux projets d'infrastructure qui vont représenter des milliards de dollars et ce sera mis en marche dans les 10 prochaines années. Les secteurs ciblés seraient principalement ceux de l'énergie, des télécommunications et du transport en commun.
Peut-on aider nos entreprises canadiennes à se positionner dans des projets tels que celui de l'expansion du canal de Panama?
[Traduction]
M. Fast : Je crois savoir que l’ambassadeur du Panama, qui est justement dans la salle, comparaîtra la semaine prochaine devant le comité. Vous feriez probablement mieux de lui poser directement les questions sur l'élargissement du canal de Panama. Je sais qu’il sera ravi de vous parler des occasions que le projet offrira aux Panaméens.
Pour répondre à votre question complémentaire, le Canada a de nombreuses forces dans bien des secteurs liés aux infrastructures. D’ailleurs, j’ai dit dans mon exposé que le secteur des services représente 71 p. 100 de notre PIB. La plupart des Canadiens n’en sont pas conscients. Ils associent toujours les échanges commerciaux au commerce de produits.
À vrai dire, tant les biens que les services peuvent faire l’objet d’échanges commerciaux. Nous avons d’excellentes occasions d’exporter nos compétences en architecture et en ingénierie partout dans le monde, entre autres. Aussi, les Canadiens ignorent probablement que leur pays est le quatrième exportateur de services d’ingénierie en importance au monde. Nous sommes 34 millions de Canadiens au sein d’une population mondiale de 7 milliards d’habitants, et pourtant, nos compétences en ingénierie arrivent au 4e rang. Cela témoigne non seulement de notre capacité à réaliser des projets en matière d’infrastructure et d’environnement, mais aussi de notre système d’éducation hors pair, qui constitue l’une de nos forces. Nous avons bonne réputation partout dans le monde. J’irais même jusqu’à dire que nous avons le meilleur système d’éducation au monde, et que nous sommes capables d’exporter nos compétences, d’en tirer profit et de les utiliser de façon à stimuler la croissance économique chez nous, au Canada. Dans le cadre des grands investissements en infrastructure du Panama, nous croyons que les Canadiens seront très concurrentiels et qu'ils feront merveille.
Le plus difficile concernant les services, c’est qu’ils font encore l’objet d’importantes barrières commerciales partout dans le monde. Justement, le Canada envisage de participer à des négociations multilatérales sur les services sous les auspices de l’Organisation mondiale du commerce parce que ceux-ci sont essentiels à notre économie, entre autres, et parce que nous nous porterons mieux si nous arrivons à ouvrir de nouveaux marchés étrangers et à faire tomber les barrières qui se dressent devant nos fournisseurs de services.
Voilà quelques-unes des occasions auxquelles je pense. Nous sommes aussi chefs de file en matière de services financiers, et nous voulons d'ailleurs renforcer notre présence au Panama dans ce secteur.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : En moins de six ans, des accords de libre-échange ont été conclus entre le Canada et neuf pays, en plus des négociations qui se poursuivent avec l'Union européenne, l'Inde et le Japon. Dernièrement, le Canada adhérait au partenariat transpacifique. Le sénateur Finley vous a demandé de comparer le libre-échange entre le Panama et celui de la Jordanie.
En ce qui concerne les accords conclus entre la Colombie et le Pérou, est-ce que l'accord qu'on est en train de préparer et de signer est aussi avantageux pour le Canada que ceux de la Colombie et du Pérou qui ont été signés?
[Traduction]
M. Fast : Je dirais qu’il est avantageux. Les négociations entourant l’accord ont suivi un modèle similaire à celles des accords conclus avec d’autres pays, comme le Pérou et la Colombie.
Vous avez mentionné l’Inde, le Japon et le partenariat transpacifique. Dans chaque cas, les négociations sont toujours en cours.
Nous avons mené six rondes de négociations avec l’Inde. Avec ses 1,2 milliard d’habitants, il s’agit naturellement de la plus grande démocratie. Nous devons prêter attention à ce marché, car il représente une formidable occasion. En revanche, on ne peut pas nier que les entreprises canadiennes qui établiront une relation commerciale avec ce pays auront un défi majeur à relever.
Nous avons entamé les négociations avec le Japon cette semaine, et nous n’en sommes qu’à la première ronde. Puisque le Japon bénéficie d'une économie impressionnante, nous avons intérêt à conclure un accord commercial avec lui et à faire tomber certaines des barrières qui subsistent entre nos deux pays.
Les négociations entourant le partenariat transpacifique sont régionales, et non bilatérales. Ce partenariat revêt une importance particulière pour le Canada puisqu’il englobe les deux autres cosignataires de l’ALENA, le Mexique et les États-Unis, qui est encore notre plus grand partenaire commercial, et de loin. Certains ont laissé entendre que d’autres pays pourraient un jour damer le pion aux Américains à ce chapitre. Mais n’oubliez pas que la valeur de nos échanges commerciaux avec eux est 10 fois supérieure à celle de notre deuxième partenaire commercial en importance, c’est-à-dire la Chine.
Je pense que les Américains seront toujours notre principal partenaire commercial. Ils doivent donc demeurer notre centre d’intérêt, et c'est pourquoi nous devons continuer à renforcer cette relation commerciale.
L’avantage du partenariat transpacifique, c’est qu’il permettra aux États-Unis, au Mexique et au Canada de collaborer à l’ouverture de nouveaux marchés dans la région de l’Asie-Pacifique, ce qui est naturellement l’objectif des négociations. Nous avons hâte d’y participer pour la toute première fois du 3 au 12 décembre. Je suis impatient de prendre part au processus. Nous espérons que ces négociations aboutiront à court terme.
Le sénateur Wallace : Monsieur le ministre, parmi les nombreuses nouvelles occasions d’affaires qui pourraient se présenter aux entreprises canadiennes grâce à l’accord avec le Panama, vous avez mentionné le secteur de l’extraction minière, ou de l’exploitation des ressources naturelles du Panama, de même que le secteur financier. Je crois savoir que le Canada a déjà beaucoup investi au Panama dans le secteur des ressources naturelles, surtout dans la prospection d’or. De plus, la présence de nos établissements bancaires et institutions financières est déjà appréciable.
Pourriez-vous nous en dire davantage sur les occasions que l’accord de libre-échange, s’il est conclu, offrira aux entreprises canadiennes de ces secteurs, à savoir l’exploration minière et les services financiers?
M. Fast : Le chapitre sur l’investissement est un des plus importants de tout accord de libre-échange. Son but est d’établir des règles et des directives claires régissant les investissements réalisés par des investisseurs étrangers.
Lorsque l’accord de libre-échange entre le Canada et le Panama sera mis en œuvre, il renforcera beaucoup la protection des entreprises canadiennes qui investissent au Panama. Vous avez tout à fait raison. Les ressources naturelles et les services financiers font partie des principaux intérêts du Canada.
En fait, le Canada est un chef de file mondial dans l’industrie minière. À ce que je comprends, les entreprises canadiennes participent à 50 p. 100 de toutes les activités minières dans le monde. Nous sommes reconnus en tant que chef de file mondial dans l’industrie minière.
Nous devons garantir que les gouvernements étrangers ne vont pas changer les règles de manière à sérieusement compromettre les investissements qu’auront faits les entreprises canadiennes. Il y a des exemples partout dans le monde de compagnies canadiennes qui ont perdu les investissements qu’elles avaient faits en toute bonne foi, parce que les règles avaient changé par la suite.
Nous voulons réduire ce risque à l’aide d’accords de libre-échange. Pour les pays avec lesquels nous n’avons pas d’accord de ce genre, nous espérons au moins mettre en œuvre des accords de promotion et de protection des investissements étrangers.
Comme vous l’avez dit, le Canada est un chef de file mondial dans les services financiers. Nous sommes très fiers que le Canada ait le meilleur système bancaire qui soit. Les gens de partout dans le monde nous demandent quelles mesures nous avons prises pour garantir la stabilité de notre système financier. Nous serions très heureux d’exporter cette expertise partout dans le monde, comme au Panama.
Nous avons des banques qui réussissent bien à l’étranger. La Banque Scotia est un chef de file et est présente partout en Amérique du Sud, en Asie du Sud-Est et dans un certain nombre de régions partout dans le monde.
Le sénateur Wallace : Le Canada a des normes strictes en matière d’environnement et de travail. Si je comprends bien, cet accord fait référence à ce genre de normes qui sont peut-être respectées présentement, je ne suis pas sûr, mais les entreprises panaméennes devront respecter ces normes.
Pouvez-vous donner des précisions là-dessus et nous en dire plus sur les exigences environnementales et les normes du travail que prévoit l’accord?
M. Fast : Les accords de libre-échange signés par le Canada contiennent tous des dispositions très strictes sur l’environnement et le travail. Dans la plupart des cas, il s’agit d’accords parallèles et, parfois, de chapitres à même l’accord. Cela dit, ces normes sont très importantes et elles reflètent les valeurs canadiennes lorsque nous faisons des affaires à l’étranger.
Mon équipe compte bien sûr des représentants qui ont participé aux négociations des textes sur le travail et l’environnement. Je vais leur demander de répondre. Nous pourrions commencer par Pierre Bouchard, qui va clarifier quelles dispositions sur le travail sont incluses dans l’Accord de libre-échange Canada-Panama.
La présidente : Je pense que vous devez voter à 18 heures, monsieur le ministre, n’est-ce pas?
M. Fast : Oui. Il me reste quelques minutes.
La présidente : Nous pourrions reporter les questions aux représentants après 18 heures pour entendre celles qui s’adressent directement au ministre. Il restera quelques minutes pour discuter avec les représentants après son départ.
Êtes-vous d’accord, monsieur le sénateur Wallace?
Le sénateur Wallace : D’accord. J’ai une autre question, mais je vais la poser durant la deuxième série.
La présidente : Vous pouvez poser l’autre question au ministre.
Le sénateur Wallace : Je veux que tous mes collègues aient l’occasion de poser des questions, et il reste 15 minutes. Ça va, je vais attendre la deuxième série.
Le sénateur De Bané : Monsieur le ministre, nous sommes très heureux que vous soyez parmi nous, parce que vous avez un rôle très important pour élargir le marché du Canada. Notre pays compte très peu d’habitants, et nous devons accroître nos marchés.
Quel pourcentage les exportations représentent-elles de nos jours pour notre PIB et notre économie globale, en tenant compte du marché intérieur et du commerce?
M. Fast : Permettez-moi de parler tout d’abord des services, qui constituent en gros 71 p. 100 de notre PIB. Environ 15 p. 100 de nos exportations sont liées aux services. C’est pourquoi nos accords commerciaux visent très clairement à nous ouvrir des marchés axés sur les services.
Concernant les marchandises et le PIB global lié aux exportations, je peux obtenir les chiffres exacts et demander aux représentants du ministère de vous les fournir.
Le sénateur De Bané : Quel pourcentage de notre économie totale, y compris le commerce, les exportations représentent-elles? Est-ce 30 ou 35 p. 100?
M. Fast : Concernant le pourcentage global, je peux vous dire qu’environ 60 p. 100 de notre PIB dépend directement ou indirectement du commerce international.
Le sénateur De Bané : Nous sommes chanceux que notre principal partenaire et notre voisin, les États-Unis, soit le pays le plus riche du monde. Vous avez fait référence il y a quelques minutes au pourcentage lié à la Chine.
Quel pourcentage de notre commerce étranger global le marché des États-Unis représente-t-il?
M. Fast : Je peux vous donner la valeur en dollars. C’est environ 708 milliards de dollars par année pour ce qui est des États-Unis. Le commerce à notre frontière commune représente environ 1,8 milliard de dollars par jour. Si on tient compte du Mexique, avec lequel le commerce s’est multiplié par six depuis que nous avons signé l’Accord de libre-échange nord-américain, notre commerce s’élève à environ 1 000 milliards de dollars. Ces chiffres sont remarquables. Le commerce entre le Canada et les États-Unis est et a toujours été le plus profitable au monde.
Le sénateur De Bané : Vous avez parlé des délégués commerciaux. Avez-vous bien dit qu’ils peuvent beaucoup aider les exportateurs ou que, même si ces derniers brossent un portrait global, l’entrepreneur doit lui-même établir ses contacts, et cetera? Les délégués commerciaux peuvent-ils être plus proactifs?
M. Fast : Les clients qui utilisent le Service des délégués commerciaux vous diront qu’ils soutiennent fermement le travail des délégués, parce qu’ils sont proactifs dans leur manière d’approcher les occasions de commerce pour les clients.
Nous avons environ 1 000 professionnels du commerce partout au Canada et dans le monde. Nos 150 bureaux de commerce partout dans le monde permettent aux délégués de fournir les services. Partout au Canada, nous avons des bureaux pour que les entreprises canadiennes aient un accès ici même et pour les orienter de manière à ce qu’elles évaluent bien les nouveaux marchés qui peuvent les intéresser.
Le sénateur De Bané : Dans quelle mesure le petit entrepreneur qui va à l’étranger peut-il s’attendre à ce que le délégué commercial l’aide, mis à part lui donner un aperçu du pays? Le délégué va-t-il l’aider à saisir des occasions, et cetera, ou va-t-il dire qu’il ne peut pas en faire autant? Pouvez-vous nous donner une idée de l’aide offerte?
M. Fast : C’est clair que nous aidons les entrepreneurs à saisir des occasions. Les délégués commerciaux constituent non seulement une source d’information, mais ils établissent des contacts pour les entreprises canadiennes. Ils les mettent en relation avec des partenaires potentiels et leur présentent même des représentants du gouvernement. Les entreprises canadiennes ont toute l’information nécessaire pour faire des choix éclairés quant à l’accès aux nouveaux marchés.
Je pense que, si vous discutez avec bien des clients qui ont traité avec le Service des délégués commerciaux, ils seront très élogieux en ce qui a trait au travail de ces professionnels. Un certain nombre de sondages indiquent clairement que les exportations des entreprises canadiennes qui ont fait appel au service dans le cadre de leurs activités à l’étranger augmentent de façon considérable. C’est clair que les délégués ajoutent de la valeur au travail des entreprises canadiennes à l’étranger.
La présidente : Monsieur le ministre, il vous reste six minutes avant d’aller voter.
Monsieur le sénateur Lang, avez-vous une question brève à laquelle le ministre pourra répondre rapidement avant d’aller voter?
Le sénateur Lang : Je serai le plus bref possible, madame la présidente. Je n’ai que deux questions.
Si l’accord est adopté par le Sénat avant Noël, quand entrera-t-il en vigueur?
Je veux aussi reparler des PME au Canada et des occasions qui se présentent au pays. Je pense aux régions du Canada. Comme vous, je viens de la Colombie-Britannique.
Quel genre de programme mettons-nous en œuvre pour informer les entrepreneurs en construction et l’industrie des services sur les occasions à saisir? Je doute que les gens d’où je viens soient mis au courant. Il y aurait sans doute trois ou quatre grandes entreprises qui seraient intéressées, si elles savaient quelles occasions se présentent. Y a-t-il un programme continu pour informer les gens quant aux programmes offerts?
M. Fast : Votre question renvoie à une discussion précédente. Le Service des délégués commerciaux renseigne les compagnies canadiennes sur les occasions à saisir. En tant que ministre du Commerce international, je dois promouvoir la valeur du commerce pour l’économie canadienne et notre prospérité à long terme, de même que les occasions dont les entreprises d’ici peuvent tirer profit grâce aux ressources existantes.
Les PME doivent profiter du Service des délégués commerciaux pour savoir s’il y a des occasions d’exportation. Le service fournit une multitude de renseignements sur les marchés partout dans le monde. Le petit entrepreneur qui envisage de faire des affaires en Chine sera tout de suite redirigé vers les délégués commerciaux spécialisés dans le marché chinois, qui lui feront profiter de leur expertise.
Concernant votre première question, nous voulons que l’accord commercial avec le Panama entre en vigueur le plus tôt possible. Il faut bien sûr formaliser le processus qui se déroule ici, au Sénat. Au bout du compte, il y aura un échange de notes diplomatiques pour que l’accord soit mis en œuvre. C’est très important de faire ce travail aussitôt que possible, parce que nous perdons des parts de marché au profit des États-Unis et qu’il pourrait en être de même avec l’UE, qui va aussi mettre en œuvre un accord sous peu.
La présidente : Monsieur le ministre, je pense que vous devrez revenir, parce que comme vous pouvez le constater, nous avons un vif intérêt pour les questions de commerce et les nouvelles perspectives que vous offrez. Merci de l’information sur le projet de loi et le commerce en général. Je pense que les représentants peuvent continuer de nous renseigner, et vous devez voter. Au nom du comité, merci.
M. Fast : Merci.
La présidente : Nous allons tout de suite entamer la discussion avec les représentants du ministère. Le sénateur Nolin a des questions à leur poser.
[Français]
Le sénateur Nolin : J'aurais premièrement des questions pour M. Bouchard. On a récemment examiné le projet de loi qui faisait référence au traité d'accord de libre-échange et aux accords parallèles avec la Jordanie. Comment évalueriez-vous le respect par le Panama des normes internationales en matière de relations de travail?
Pierre Bouchard, directeur, Affaires bilatérales et régionales du travail, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : Merci pour la question. Premièrement, il faut se rappeler que le Panama est, évidemment, un pays en voie de développement. On ne s'attend pas à avoir des normes ou un respect des normes équivalentes à ce qu’on peut avoir au Canada. Si on compare le Panama à d'autres pays en Amérique latine ou en voie de développement, on fait face à un gouvernement qui a une bonne volonté, qui fait de vrais efforts pour améliorer la situation. Le cadre législatif a été amélioré au cours des quelques dernières années; il était déjà assez solide mais des améliorations significatives ont été faites au cours des dernières années.
Cela demeure maintenant une question de continuer à mettre des ressources dans la mise en œuvre, dans le respect des lois actuelles. Et sur ce sujet, dans les faits, même avant que l'accord soit mis en œuvre — car on parle ici d'accord de coopération — le Canada est déjà engagé dans des projets d'assistance technique sur la question des travailleurs au Panama.
Je dirais qu’on a, de manière relative, une situation plutôt bonne mais qui demande une continuation de la coopération pour s’améliorer.
Le sénateur Nolin : Il y a place à amélioration mais on est en bonne voie, donc.
Est-ce qu'on retrouve, dans cet accord parallèle sur le travail, le même type de dispositions qu’on avait dans le cas de la Jordanie, par lesquels un simple citoyen canadien peut découvrir le non-respect d’une règle — comme le travail des enfants — et démarrer un processus d’enquête qui pourra mener à la correction de tels bris vis-à-vis de conditions importantes qu’on veut voir respecter?
M. Bouchard : Absolument, l'accord avec le Panama fait partie de ce qu'on appelle la nouvelle génération des accords sur le travail, qui a commencé vraiment avec le Pérou, la Colombie, la Jordanie et maintenant cet accord, c’est similaire. Donc on a ce mécanisme qui permet une plainte pour le non-respect, comme vous l'avez expliqué, qui serait présenté dans les faits à notre bureau. Il y aurait une décision initiale qui se prendrait si la plainte est valide. Si elle est valide, il y a une enquête, comme vous dites, qui se fait. Il y a des consultations qui se font entre fonctionnaires, la publication d'un rapport par notre bureau et dans ce rapport, des recommandations seraient incluses à notre ministre de poursuivre ou non des consultations ministérielles. Si le problème n'est pas réglé après des consultations entre les ministres du Travail, il peut y avoir la formation d'un panel indépendant d'experts qui va faire des recommandations. Au nom de ce processus, on cherche une voie coopérative, une manière de régler le problème. Si, en fin de compte, il n'y a pas de résolution, il pourrait y avoir des compensations monétaires qui seraient imposées jusqu'à un montant de 15 millions de dollars par année dans un fonds de coopération pour résoudre le problème. Alors un processus assez solide et ouvert pour s'assurer du respect des obligations.
[Traduction]
Le sénateur Wallace : Madame Johnson, vous vous rappellerez peut-être que j’ai demandé au ministre quelles dispositions de l’accord parallèle sur les normes environnementales les compagnies panaméennes doivent respecter. Je crois que le ministre vous a demandé de répondre. J’aimerais que vous nous en parliez.
Mollie Johnson, directrice générale, Amériques, Environnement Canada : Je crois que oui. La libéralisation du commerce et la protection de l’environnement peuvent et doivent aller de pair. Il s’agit d’une condition qui sous-tend l’accord parallèle. Ces principes généraux font partie de l’accord parallèle et de l’accord de libre-échange.
L’accord sur l’environnement contient une série d’obligations nationales pour les deux parties. Le Canada et le Panama doivent respecter des normes environnementales très élevées, renforcer les lois et la gouvernance environnementales et avoir des mécanismes pour évaluer l’impact environnemental des projets. Ils ne doivent pas assouplir les lois pour encourager le commerce et l’investissement. Voilà les principes clés de l’accord.
Le sénateur Wallace : L’exposé du ministre m’a fait penser à deux entreprises canadiennes. Il était question de l’exportation des frites. Je viens bien sûr du Nouveau-Brunswick, où est établi le plus grand producteur de frites au monde, McCain Foods, et où on s’intéresse beaucoup à la question. L’industrie bovine au Canada est aussi extrêmement importante. Je ne suis pas sûr de la personne à qui je dois adresser ma question, mais quels avantages l’Accord de libre-échange Canada-Panama pourrait-il apporter à ces industries, en ce qui a trait à l’augmentation des occasions d’accéder au marché panaméen?
M. MacKay : En vertu de l’accord, le Panama accepte de réduire sur-le-champ ses tarifs pour 78 p. 100 des exportations canadiennes actuelles. Cette mesure permet entre autres l’accès immédiat et libre de droits à 200 tonnes de bœuf frais et réfrigéré de grande qualité et, concernant les produits du porc, à 200 tonnes de jambon et de saucisse et à 450 tonnes d’épaule et de fesse congelées. Le tarif hors contingent va diminuer sur une période beaucoup plus longue. Les produits congelés de la pomme de terre, comme les frites, sont présentement visés par un tarif de 20 p. 100 au Panama, mais ils seront exempts de droits le jour où l’accord de libre-échange sera mis en œuvre, tout comme les légumineuses, le malt, les graines de lin, le sirop d’érable et les sapins de Noël. Ça représente 78 p. 100 de nos exportations agricoles actuelles. Si vous avez des questions, nous pourrons donner des précisions sur les exportations non agricoles au Panama. Comme le ministre l’a dit, environ 95 p. 100 des exportations actuelles dans ce pays seront exemptes de droits dès que l’accord entrera en vigueur, et certains droits seront réduits sur une plus longue période.
Le sénateur Downe : La question des frites congelées va dominer la réunion à partir de maintenant, j’en ai bien peur.
Dans l’accord qu’a signé le Canada avec le Panama et dans celui signé par les États-Unis, comment l’accès pour les frites congelées se compare-t-il?
M. MacKay : Je crois que les États-Unis ont aussi obtenu un accès immédiat en franchise de droits pour les frites et les produits congelés de la pomme de terre. Lorsque nous avons entamé les négociations avec le Panama, le pays avait déjà terminé de négocier un ALE avec les États-Unis, et les textes avaient été diffusés publiquement. L’un des principaux objectifs de l’équipe de négociation canadienne était d’obtenir le plus exactement possible les résultats obtenus par les États-Unis dans leur accord avec le Panama. Nous pensons avoir atteint notre but. Évidemment, il y a de petites différences entre les deux accords. Par exemple, la liste tarifaire reflète la plus grande capacité d’exportation du Canada dans certains domaines; quelques concessions étaient donc un peu différentes. Toutefois, dans l’ensemble, nous pensons avoir négocié un accord qui permet aux entreprises et aux exportateurs canadiens de profiter de conditions semblables à celles de leurs homologues américains.
Le sénateur Downe : J’ai un document d’Affaires étrangères et Commerce international Canada dans lequel on trouve un tableau comparatif des droits de douane éliminés par l’ALE Canada-Panama et par l’ALE États-Unis-Panama. Dans la catégorie des produits congelés de la pomme de terre, dans la case réservée aux commentaires du ministère, il y a la mention « USPTPA supérieur. » Qu’est-ce que cela signifie?
M. MacKay : Si je pouvais voir le tableau, cela m’aiderait à confirmer ma réponse, mais parfois, cela signifie qu’en ce qui concerne nos produits nationaux, nos négociations ont été plus fructueuses que celles menées par les États-Unis. Mais il faudrait que je consulte le tableau en question.
Le sénateur Downe : J’ai un exemplaire du tableau.
M. MacKay : Je viens juste de consulter brièvement le tableau, et je dois dire que je ne le connais pas très bien, même si je l’ai peut-être déjà vu. On dit qu’en ce qui concerne les frites congelées, le Panama impose des droits tarifaires de 20 p. 100. L’ALE Canada-Panama prévoit l’accès immédiat en franchise de droits. L’ALE États-Unis-Panama les éliminera graduellement sur 10 ans pour la vente au détail. Pour d’autres, l’accès est immédiat, avec un contingent tarifaire de cinq ans pour les droits hors contingent.
Le sénateur Downe : C’est le commentaire qui m’intéresse.
M. MacKay : « USPTPA supérieur » Je vais vérifier auprès de mes négociateurs en matière d’agriculture, mais je crois que cela signifie qu’en ce qui concerne les produits décrits ici, le Canada a obtenu pour nos exportateurs, à notre avis, un meilleur résultat que le gouvernement américain.
Le sénateur Downe : Pourriez-vous nous faire parvenir ces renseignements?
M. MacKay : Oui.
[Français]
Le sénateur Nolin : J'aurais une question pour M. Castonguay. Je comprends, monsieur Castonguay, que vous avez la responsabilité de couvrir nos questions qui touchent aux investissements.
M. Castonguay : C'est la fiscalité.
Le sénateur Nolin : Mon collègue vous a posé des questions sur les enquêtes faites par le Canada au sujet des trafics illégaux qui ont pu avoir lieu au Panama avant qu’on signe l’accord.
Compte tenu de la position et de situation stratégique du Panama — transport facile, centre bancaire assez important — est-ce que vous avez examiné toute la question du blanchiment d'argent et comment on peut protéger les Canadiens face à cette réalité? Car on ne se cachera pas la réalité, cette région du monde est malheureusement en proie à un niveau de violence causé par les trafics et les niveaux de transferts monétaires causés par ces trafics énormes. Ce n'est pas à vous que je vais rappeler la quantité de morts par violence dans cette région de l'hémisphère. Est-ce que c'est un élément que vous avez examiné?
M. Castonguay : Pour répondre à votre question, mon champ d'expertise c'est la fiscalité et, dans ce cas-ci, les ententes d'échanges d'informations fiscales pour contrer l'évasion fiscale. Les questions de blanchiment d'argent, ce n'est pas vraiment mon domaine.
Le sénateur Nolin : Est-ce que quelqu'un a fait cet examen-là?
[Traduction]
M. MacKay : Je pourrais peut-être vous donner une réponse plus générale. Il est certainement vrai que l’Amérique centrale, en ce moment, y compris le Panama, a de gros problèmes étant donné qu’elle sert de région de transit aux drogues produites en Amérique du Sud qui se rendent aux consommateurs de l’Amérique du Nord. Ce commerce illégal a été qualifié, en Amérique centrale, de cancer de la société et de l’économie. Il s’agit d’un problème très grave.
Le gouvernement du Canada collabore étroitement avec tous les gouvernements de l’Amérique centrale, y compris le gouvernement du Panama, et avec nos amis et alliés qui sont aussi très préoccupés et touchés par ce sujet, notamment les États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni, et cetera, afin de lutter contre ce commerce. Nous avons mis sur pied divers programmes de coopération avec les pays de la région — les pays producteurs de drogue et ceux qui servent au transit — pour lutter contre ce commerce. Il y a une bonne coopération entre l’Agence des services frontaliers du Canada et les agences de protection des frontières en Amérique centrale. Nous avons aussi établi une bonne coopération, à mon avis, entre la GRC et les forces de l’ordre, notamment au Panama et dans le reste de la région.
Je dois reconnaître qu’il s’agit d’un problème grave. Les Panaméens en souffrent beaucoup, et ils le prennent très au sérieux. Nous faisons tout en notre pouvoir pour les aider.
Je crois qu’en offrant des occasions économiques légitimes aux Panaméens par l’entremise de l’ALE, nous les aiderons à améliorer l’économie de leur pays puisqu’ils auront un meilleur accès aux marchés canadiens, ce qui leur fournira, à long terme, des solutions économiques de rechange pour certaines de ces activités économiques illégales.
Le sénateur Nolin : Je suis aussi très positif, mais si nous facilitons les échanges d’argent, qu’en est-il du blanchiment d’argent? Que faisons-nous pour mettre en place les mesures nécessaires pour empêcher l’augmentation de ce type d’activité au Canada? Cessons de nous raconter des histoires; l’argent du commerce de la drogue doit aller quelque part.
M. MacKay : En général, une fois que nous avons conclu un accord d’échange de renseignements fiscaux avec le Panama, c’est l’une des choses qui, nous l’espérons, aidera à faciliter l’échange de renseignements entre les deux gouvernements, ce qui renforcera la coopération et nous aidera à lutter contre ce type d’activités illégales.
Le sénateur Downe : Je serai bref, mais mon commentaire concerne la question précédente.
Je ne sais pas sur quoi vous fondez vos espoirs, car le Panama a pris, dans les années 1970, une décision stratégique qui visait à doter ses institutions financières de leurs caractéristiques actuelles. Dans l’accord d’échange de renseignements fiscaux que le Panama a signé avec les États-Unis, on dit très clairement que l’échange irait contre la politique publique du Panama — celle que le pays a adoptée dans les années 1970, c'est-à-dire la structure financière à laquelle nous nous opposons maintenant — et que le pays n’est pas tenu de divulguer des renseignements. Si c’est le meilleur accord que les États-Unis pouvaient négocier, comment pouvons-nous espérer faire mieux?
M. MacKay : En général, comme l’ont dit le ministre et mon collègue, M. Castonguay, nous croyons que le Panama s’est amélioré à cet égard avec le temps. Par exemple, il a réussi à faire retirer son nom de la liste grise de l’OCDE en négociant un nombre suffisant d’accords d’échange de renseignements fiscaux. L’OCDE continue d’examiner à la loupe le cas du Panama, et nous avons entendu mon collègue dire que le pays avait exprimé publiquement son intention d’aller de l’avant et de s’améliorer à cet égard.
Le sénateur Downe : Pour être retiré de la liste grise, le Panama s’était engagé à conclure 12 accords, et dans le cas des cinq accords qui ont échoué, le processus a été complètement arrêté. Il est passé du gris au blanc et s’est arrêté complètement.
M. Castonguay : Si vous me permettez de faire un commentaire, il est évident que la liste grise et la liste blanche étaient des mesures provisoires pour distinguer les pays qui coopéraient dès le début de ceux qui ne coopéraient pas. Maintenant, la plupart des pays ont été déplacés sur la liste blanche; il ne reste presque plus de pays sur la liste grise. Ce qui est important, maintenant, c’est que les membres du forum mondial respectent la norme et qu’ils mettent en œuvre les recommandations formulées dans les rapports examinés par les pairs. C’est la nouvelle norme selon laquelle les engagements d’un pays sont évalués. Évidemment, les membres doivent mettre en œuvre les dispositions de ces accords en toute bonne foi, et la phase 2 de l’examen par les pairs vise justement à s’en assurer. Je crois que le processus est en observation; il est donc très difficile, pour les pays qui se sont engagés à échanger des renseignements de façon efficace, de se soustraire à leur engagement.
Le sénateur Wallin : J’ai une très brève question sur les marchés publics. Vous avez négocié — et je vous en félicite — des compensations pour les exigences en matière de contenu national. Souhaitions-nous exporter des biens et des services dans cette région?
M. MacKay : L’Accord sur les marchés publics que nous avons négocié, ou le chapitre correspondant dans l’ALE, pour ajouter à ce que le ministre a dit plus tôt, mentionne 5,3 milliards de dollars pour les travaux d’agrandissement du canal de Panama, qui devraient se terminer vers 2014. Le Panama a un plan national qui vise à dépenser plus de 13 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années dans le développement du pays. Plus de 9 milliards de dollars de ce budget seront dépensés en infrastructure.
Actuellement, le Panama n’est pas un membre de l’Accord sur les marchés publics de l’OMC, ce qui signifie que le Canada et le Panama n’ont aucune obligation l’un envers l’autre en ce qui concerne le traitement non discriminatoire des appels d’offres relatifs aux marchés publics. Nos deux systèmes sont relativement ouverts maintenant, mais nous n’avons aucune obligation l’un envers l’autre. Le chapitre de l’ALE sur les marchés publics modifierait cette situation et veillerait à ce que les entreprises canadiennes, qu’elles soient exportatrices de biens ou fournisseuses de service, de n’importe quel type, profitent d’un accès non discriminatoire au processus d’appel d’offres du Panama, et cela comprend les obligations en matière de traitement national, ce qui signifie que le gouvernement panaméen doit traiter leurs soumissions de façon équitable à celles qui viennent du Panama. Cela concerne aussi les obligations NPF, c’est-à-dire que nous devons être traités de la même façon que les partenaires commerciaux avec lesquels le Panama a des obligations en matière de marchés publics, y compris les États-Unis et, très bientôt, l’Union européenne.
Étant donné la nature de l’économie du Panama et son niveau de développement en ce moment, le chapitre sur les marchés publics sera certainement, à notre avis, important pour les entreprises canadiennes, que ce soit pour les biens ou les services.
Le sénateur Wallin : Ce projet d’agrandissement pourrait bien représenter beaucoup d’argent; il est cependant trop tôt pour faire des prévisions à ce sujet.
M. MacKay : Dans un grand nombre de cas, même si les entreprises canadiennes n’obtiennent pas les plus gros contrats relatifs à certains grands projets d’infrastructure, les plus petits contrats et sous-contrats d’appui peuvent aussi être lucratifs, et les Canadiens s’en tirent très bien à cet égard un peu partout dans le monde.
Le sénateur Downe : Je présume qu’une analyse économique de cet accord a été effectuée en utilisant le modèle standard. Pourrions-nous en avoir un exemplaire?
M. MacKay : En fait, contrairement à nos partenaires commerciaux les plus importants, par exemple, l’Union européenne, nous avons établi un modèle économétrique et nous avons effectué une étude détaillée des répercussions potentielles d’un accord de libre-échange avec l’EU. Ces données ont été largement diffusées. Étant donné que les échanges commerciaux avec le Panama représentent un bien plus petit volume, nous n’avons pas effectué d’analyse économétrique. Nous avons plutôt consulté les Canadiens et les entreprises canadiennes et nous leur avons demandé si, à leur avis, un accord de libre-échange avec le Panama appuierait leurs efforts en vue de faire des affaires là-bas. Nous avons obtenu beaucoup d’appui des entreprises canadiennes, grandes ou petites, qui faisaient déjà du commerce avec le Panama ou qui envisageaient de le faire. C’est l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement a décidé de négocier un ALE avec le Panama.
Le sénateur Downe : Je suis surpris d’entendre que vous n’avez pas effectué d’analyse économique. Y a-t-il d’autres accords commerciaux pour lesquels vous n’avez pas effectué d’analyse?
M. MacKay : Nous procédons seulement à la modélisation dans le cas de nos partenaires commerciaux les plus importants, par exemple, l’Union européenne.
Le sénateur Downe : Lorsque vous avez conclu une entente avec le Pérou il y a deux ans, par exemple, n’avez-vous pas effectué d’analyse?
M. MacKay : Je crois que non, et nous ne l’avons pas fait non plus pour la Colombie. Il est très difficile de prévoir les effets de l’ouverture d’un marché sur une petite économie à l’étranger, car les conditions des échanges commerciaux peuvent changer de manière spectaculaire, honnêtement, et en peu de temps. Les échanges commerciaux entre le Canada et le Panama, au cours des deux dernières années, ont augmenté de 78 p. 100, en grande partie parce que le Canada a soudainement commencé, ces deux dernières années, à importer de grandes quantités d’or non transformé, ce qui contribue à l’économie canadienne. C’est la raison principale de cette augmentation.
Ces types d’échanges avec un petit partenaire commercial rendent la modélisation beaucoup plus difficile.
Le sénateur Downe : J’aimerais que vous nous expliquiez comment le MAECI négocie un accord. D’où viennent vos ressources? Obtenez-vous la participation de tous les ministères? Avez-vous un budget spécial, par exemple, pour cet accord? Combien d’heures et de personnes y sont affectées? Sans nous donner des chiffres précis, pouvez-vous nous donner une idée générale de ce que vous faites lorsque le gouvernement décide de conclure ces accords?
M. MacKay : En général, en ce qui concerne l’accord conclu avec le Panama, par exemple, il a été entièrement financé à partir des ressources du ministère. En effet, le ministère possède un service de la politique et des négociations commerciales, et emploie plusieurs fonctionnaires spécialisés en négociations commerciales.
Nous collaborons très étroitement avec d’autres ministères. Il s’agit en grande partie d’un effort pangouvernemental. Vous pouvez constater que quatre ministères sont représentés autour de la table, et jusqu’à sept ministères ont participé, d’une façon ou d’une autre, aux négociations.
En ce qui concerne le Panama, les fonds viennent du budget du ministère. Les négociations ont été conclues relativement rapidement, c'est-à-dire en moins d’un an. Honnêtement, lorsqu’on parle de négociations en vue d’un accord de libre-échange, c’est assez efficace.
Le sénateur Downe : Vous avez dit que les ressources viennent du budget. Pouvez-vous me donner une idée de la somme qui serait affectée à cette activité?
M. MacKay : Je ne sais pas.
Le sénateur Downe : Si vous avez ces renseignements, pourriez-vous les faire parvenir au greffier? Merci.
La présidente : Je remercie tous les témoins des réponses détaillées qu’ils ont fournies aux nombreuses questions qui leur ont été posées. Nous avons hâte de recevoir les réponses écrites qui ont été demandées. Nous aimerions faire avancer le dossier le plus rapidement possible, et je suis sûr que vous nous ferez parvenir les réponses dès que vous les aurez.
Je remercie les sénateurs de leur coopération et de tous les renseignements qu’ils ont fournis aujourd'hui. Nous ne ferons pas revenir les fonctionnaires demain à 10 h 30. Les autres témoins comparaîtront à 11 h 30. Nous espérons alors pouvoir continuer pendant l’heure et revenir à notre étude la semaine prochaine, selon l’horaire habituel. (La séance est levée.) |