Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
OTTAWA, le mercredi 28 septembre 2011
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 45, pour étudier les faits nouveaux en matière de politique et d'économie au Brésil et les répercussions sur les politiques et intérêts du Canada dans la région, et d'autres sujets connexes, en vue d'en faire rapport.
Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Conformément à l'ordre de renvoi, nous poursuivons notre étude sur les faits nouveaux en matière de politique et d'économie au Brésil et les répercussions sur les politiques et intérêts du Canada dans la région, et d'autres sujets connexes.
Notre premier témoin, John P. Bell, de Goldcorp Inc., comparaît à titre personnel. Beaucoup d'entre nous connaissent très bien M. Bell pour les diverses fonctions qu'il a assumées.
Je pense que vous êtes au fait des règles parlementaires, monsieur Bell, et que vous savez que les comités ne peuvent siéger en même temps que le Sénat, à moins d'obtenir la permission. Le Sénat étant ajourné, nous pouvons maintenant commencer. Veuillez nous excuser pour le retard.
Nous espérons pouvoir poursuivre notre étude et nous rendre au Brésil au cours des prochains mois. Nous aimerions apporter quelque chose au débat sur la politique étrangère, autant sur les plans politique que commercial, en ce qui concerne notre relation avec le Brésil.
En plus de son rôle actuel, M. Bell a occupé le poste d'ambassadeur canadien en Côte d'ivoire et au Brésil. Il a également été haut-commissaire du Canada en Malaisie de 1993 à 1996, conseiller spécial auprès du ministre canadien des Affaires étrangères et chef de la délégation canadienne sur les questions environnementales dans le cadre du mouvement qui a abouti au Sommet de la terre, à Rio de Janeiro, en 1992. Monsieur Bell, je viens de me rappeler que vous étiez aussi négociateur en chef durant ce sommet.
En outre, M. Bell a été négociateur fédéral en chef pour les Affaires indiennes et a siégé à plusieurs conseils d'administration à but non lucratif. Il exerce également les fonctions de directeur indépendant de Taiga Building Products Ltd. et préside actuellement le conseil d'administration du Comité de la durabilité, de l'environnement, de la santé et de la sécurité de Goldcorp Inc.
J'ai dß abréger votre curriculum vitae. Vos nombreuses autres fonctions et contributions au Canada sont dignes de mention, mais compte tenu du peu de temps dont nous disposons, nous allons vous céder la parole, car votre témoignage est important pour nous. Soyez le bienvenu.
[Français]
John P. Bell, directeur, Goldcorp Inc. : J'aimerais vous remercier de l'honneur que vous me faites de pouvoir témoigner de mon expérience sur le Brésil. Je vis une histoire d'amour avec le Brésil qui dure depuis 50 ans. C'est en 1961, comme marinier sur un bateau norvégien, que je suis arrivé au port de Rio de Janeiro.
[Traduction]
C'était une période de transition à la suite de la construction grandiose de Brasilia par Kubitschek et de l'introduction du régime militaire, qui a duré beaucoup trop longtemps.
Je suis ensuite retourné au Brésil, de 1975 à 1979, en tant que consul général à São Paulo, une petite ville de 12 millions d'habitants à l'époque, mais qui en compte aujourd'hui 19 millions. C'était vers la fin du régime militaire, lorsqu'Ernesto Geisel, le président, a entrepris un programme de censure. Il n'y avait rien d'autre que des recettes sur la page couverture du journal O Estado de S. Paulo; et on en retrouvait de moins en moins. Les gens commençaient à exprimer leurs opinions et le régime militaire voyait que le pouvoir était en train de lui échapper.
À cette époque, le Canada avait un intérêt marqué pour le Brésil. Nous avions de nombreuses entreprises comme Brascan, Alcan et Moore Business Forms, qui employaient des milliers de gens, mais le marché brésilien était encore assez fermé. Nous étions à la fin de la dictature militaire.
Lorsque j'étais à São Paulo, malgré la restriction imposée aux devises, je me rappelle que la Brazilian Traction, Light and Power Company Limited, connue sous le nom de « the Light », le service public d'électricité, a été vendue 600 millions de dollars américains, au moyen de deux chèques déposés dans une banque de New York, et cela a donné lieu à la renaissance de Brascan, telle que nous la connaissons aujourd'hui.
Je suis ensuite retourné au Brésil en 1987 à titre d'ambassadeur. C'était à l'époque du premier président non militaire depuis longtemps, José Sarney, et du premier des nombreux présidents à avoir été élus de façon démocratique, Fernando Collor de Mello. C'était une période de libéralisation du commerce, de forte inflation et de grande pauvreté, et cetera, mais on a tout de même pris des mesures favorables à l'égard des peuples autochtones, notamment la reconnaissance du droit de jouir de la terre de leurs ancêtres.
Un autre fait intéressant dont je me rappelle, c'est que le Brésil a été le premier pays, si je ne me trompe pas, à renoncer à la fabrication d'armement nucléaire. Sous le régime militaire, il y avait un programme secret. Lorsque Pierre Elliott Trudeau a visité l'Amazonie, accompagné des sénateurs Kolber et Austin, les Brésiliens nous ont amenés à Cachimbo, dans l'État de ParÆ. Nous étions les premiers étrangers à voir ce puits d'une profondeur de près d'un mille où on menait des essais nucléaires. Ce n'est qu'un an plus tard que Fernando Collor de Mello a symboliquement recouvert ce puits et a mis fin au programme nucléaire qu'il a ensuite rendu public.
Comme vous l'avez indiqué, le Canada et le Brésil ont eu la possibilité de collaborer étroitement sur des questions environnementales dans le cadre du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro.
Une entente a été conclue entre les deux pays. Le Canada aurait aimé tenir la Conférence sur l'environnement et le développement, qui se déroulait plus de dix ans après la Conférence de Stockholm sur l'environnement humain, mais le Canada et le Brésil ont convenu que le Brésil obtiendrait probablement plus de votes auprès des Nations Unies. Nous avons donc accepté de les appuyer et ils ont accepté d'appuyer un Canadien à la tête de cette conférence, soit le secrétaire général, Maurice Strong. En effet, nous avons travaillé ensemble au début de cette conférence, lorsque vous étiez haut-commissaire au Kenya, et nous y avons tenu notre première réunion préparatoire.
Je suis renversé par tous les changements radicaux que connaissent la Chine, l'Inde et la Russie, en particulier. Cependant, les changements au Brésil n'ont pas été moins radicaux. Je pense entre autres à six ou sept élections démocratiques jusqu'à présent, à une démocratie multipartite. Permettez-moi de vous lire une citation du journal The Economist au sujet du Brésil : « une démocratie multipartite, combinée à une liberté d'expression, contribue à la négociation des changements sociaux, contrairement à la Chine et à la Russie. » Par rapport à 1961, l'un des principaux changements a été le règlement du problème insoluble de la dette. Le pays est dorénavant un pays où on peut faire de bons placements.
Lorsque j'étais au Brésil, l'inflation a atteint les plus hauts sommets, à un point tel qu'on ne savait plus quel président ou oiseau peindre sur les billets. Si vous aviez un billet de 100 $ en janvier, il pouvait valoir 50 cents ou un dollar six mois plus tard. Le fait de passer d'un taux d'inflation de 3 000 p. 100 à un taux stable de 4,5 ou 5 p. 100 est incroyable.
L'autre important changement a été la réduction de la pauvreté qui, évidemment, découle des élections démocratiques, qui ont remédié à la crise de l'endettement et au problème de l'inflation. Les riches ont toujours pu faire face à l'inflation. Lorsqu'on a demandé à Bill Mulholland, le président de la Banque de Montréal, comment il pouvait réussir aussi bien avec un taux d'inflation de 70 p. 100, il a répondu qu'il réalisait des profits de 140 p. 100. Ce n'est pas le cas des pauvres. Le marché à un jour ne s'adresse pas à eux. Comme vous l'avez probablement constaté, le taux de pauvreté a été réduit de 50 p. 100 entre 2003 et 2008, ce qui est énorme.
Le Brésil a ses problèmes, notamment en ce qui a trait à ses infrastructures et à son régime foncier. Cependant, le Brésil d'aujourd'hui est un pays très différent de ce qu'il était la première fois que j'y suis allé. C'est un pays BRIC; il s'agit de la septième économie mondiale et il passera au cinquième rang dans quelques années. D'ici 2040 — ce qui est inférieur au nombre d'années de mon association avec ce pays —, le Brésil sera la deuxième économie parmi les pays du G7, après le États-Unis.
De toute évidence, c'est important pour nous. Nos relations ont toujours été bonnes, malgré quelques problèmes en cours de route, comme vous le savez. Depuis sa création, en 1867, le Canada a toujours bénéficié du commerce de la morue. La Brazilian Traction, Light and Power Company a joué un rôle clé au Brésil.
Récemment, j'ai lu les mémoires d'un journaliste brésilien qui était l'attaché de presse du président Getêlio Vargas dans les années 1950. Je me suis intéressé au fait que chaque samedi soir, le président Vargas allait souper avec le président de la Brazilian Traction, Light and Power Company qui, à l'époque, était responsable de la production d'électricité, du transport urbain et de tous les téléphones. Le mot brésilien pour désigner un tramway est bonde. Au Portugal, on dit « streetcar ». Cela s'explique par le fait que la Brazilian Traction, Light and Power Company a émis une obligation intitulée Canadian Mortgage and Bond et en faisait la publicité sur les tramways. C'est donc devenu le nom.
Nous avons établi de solides relations grâce à des investissements directs. Le Brésil est une économie qui s'ouvre de plus en plus. Nous sommes autant des concurrents que des collaborateurs avec le Brésil. C'est un bon équilibre.
Quand je me penche sur nos relations avec le Brésil, je considère que si nous avons connu quelques ratés, c'est parce que nous n'avons pas toujours traité ce pays avec respect et d'égal à égal. Ils l'ont ressenti. J'ai été associé à trois importants irritants. Le premier est une histoire de serviettes en ratine qui a été montée en épingle, car il s'avère que les serviettes provenaient de Shawinigan. Jean Charest était le ministre responsable ici, et l'homme qui les fabriquait au Brésil était à la tête de l'association du textile. Cette histoire a été grandement exagérée et est devenue un grave problème qu'il a fallu gérer.
Il y a ensuite eu l'enlèvement du propriétaire de la chaîne de supermarchés, Abilio Diniz. Parmi les nombreux responsables, il y avait deux Canadiens. J'étais à Fernando de Noronha, une ancienne colonie pénitentiaire, à ce moment- là. Je faisais de la plongée sous-marine et, quand je suis remonté à la surface, quelqu'un m'a demandé si j'étais l'ambassadeur canadien et m'a dit qu'on parlait de moi à la télévision. C'était la veille des élections opposant Fernando Collor de Mello et Lula. C'est Fernando Collor de Mello qui a été élu, en partie à cause de cet événement.
Ces deux jeunes Canadiens, Spencer et Lamont, ont été au cour du conflit et de l'irritation pendant cinq ans ou plus. Honnêtement, nous aurions pu agir différemment.
Le troisième irritant, dont vous vous rappelez certainement, est le litige entre Embraer et Bombardier au sujet des subventions à l'exportation. D'ailleurs, quand j'étais ambassadeur, je suis allé voir le ministre des Finances pour lui dire, en tapant du poing sur la table, qu'il devait fournir un financement à l'exportation à la Canadian Steamship Company, qui achetait un navire là-bas et des machines d'usine à papier pour la circonscription d'un ancien premier ministre d'Alberta.
On m'a invité ici il y a environ deux ans. Si j'étais venu, j'aurais parlé de ce qui, à mon avis, permettrait d'enrichir nos relations. Cependant, deux ans plus tard, on a déjà plus ou moins fait ce qu'il fallait. Il est assez étonnant de voir tout ce que le gouvernement canadien a fait jusqu'à présent. J'avais une liste, à commencer par le groupe du sous- ministre qui s'y est rendu, la signature de l'accord de coopération en matière de science et de technologie, l'aménagement d'autres bureaux satellite au Brésil, la négociation d'un nouvel accord aérien et la nomination d'un ministre des missions commerciales. Évidemment, le nombre de visites que le premier ministre effectue dans un pays démontre à quel point on est sérieux à son égard. Il y est allé. Nous avons le Forum des PDG, une plus grande participation des entreprises et ainsi de suite, ce qui est extraordinaire.
J'aimerais vous faire sept brèves recommandations qui, à mon avis, sont importantes pour nos relations.
Quand je suis arrivé au Brésil à titre d'ambassadeur, nous avons instauré un vol direct Toronto-Brésil. Il y a une rue à New York sur laquelle 75 p. 100 des gens sont originaires d'une petite ville appelée Governador Valadares dans l'État du Minas Gerais. Tous les envois de fonds proviennent de gens vivant à l'étranger. Cinq mille d'entre eux sont venus au Canada et ont jeté leur billet de retour. Il fallait intervenir, alors nous avons imposé les visas. Cela nous a nui et causé beaucoup de problèmes. Nous traînons de l'arrière par rapport à l'Amérique et l'Australie. Je sais qu'on essaie de trouver un moyen de délivrer davantage de visas. C'est très important.
De toute évidence, nous devons mener à bien toutes les initiatives que nous avons entreprises. Nous devons maintenir la pression.
J'ignore si vous avez tenu des discussions à propos d'un accord de libre-échange. J'estime que c'est là une excellente occasion pour le Canada. Il y a quelques problèmes, notamment le fait que nous puissions uniquement négocier avec le Mercosur, qui se veut une union entre des pays du cône sud. Le Brésil en fait partie. Les tarifs du Brésil sont supérieurs à ceux des autres pays, ce qui est problématique. Vous êtes sßrement au courant de notre problème concernant l'office de commercialisation dans le secteur de l'agriculture.
Le nombre de Brésiliens qui ont immigré au Canada et qui gagnent bien leur vie a augmenté de façon spectaculaire au cours des 15 dernières années. Nous devons reconnaître cette diaspora et en tirer profit.
Nous avons une chambre de commerce Brésil-Canada qui est dynamique. Nous avons des chambres de commerce bilatérales dans la plupart des pays avec qui nous entretenons des relations commerciales actives. Celle au Brésil est la seule dans le monde qui se finance elle-même. Lorsque j'étais là-bas, le président de la chambre, Juergen Engelbrecht, qui était le président de Massey-Fergusson, voulait créer un centre d'arbitrage à qui les compagnies qui avaient un problème avec le Brésil pouvaient s'adresser. Il a existé pendant 20 ans avant qu'on y ait recours. Les lois ont changé, puis soudainement, c'est devenu une possibilité. On fait maintenant suffisamment d'argent pour le financer facilement.
Du côté bilatéral, le Brésil est un acteur très important. Nous devons élaborer une stratégie visant à traiter avec le Brésil en priorité dans le contexte de nos associations multilatérales.
Vous devriez visiter le Brésil, et je pense que c'est ce que vous comptez faire. Vous devez le voir pour le croire.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, monsieur Bell, j'aimerais vous dire qu'il nous fait plaisir de vous recevoir aujourd'hui devant notre comité. Votre grande expérience un peu partout dans le monde, et surtout celle que vous avez acquise au Brésil, nous est vraiment utile.
Je vais m'adresser à celui qui a participé au Sommet de la Terre. Si je me souviens bien, vous avez mentionné que vous avez travaillé à l'organisation du Sommet de la Terre. J'aurai deux questions. Ma première question concernera l'écologie.
Il semble que le gouvernement brésilien ne tienne pas tellement compte des écologistes. Ces derniers espéraient que, avec son élection, Dilma Rousseff aille à l'encontre des desseins de son prédécesseur le président Lula, qui voulait construire un grand barrage, le projet du barrage de Belo Monte, et en accordant d'avantage d'importance à la thématique environnementale. Or, la nouvelle présidente a donné son consentement pour le début des travaux sur ce qui sera le plus grand barrage au monde. Elle a aussi encouragé la production de bioéthanol, qui contribue pourtant à la déforestation, alors que le Parlement adoptait le mois dernier une législation plus souple pour les petits propriétaires terriens — ceux-ci auront moins à se soucier de l'écologie et de l'environnement.
Redoutez-vous que le déboisement de la partie auriverde du gigantesque réservoir d'oxygène amazonien, déjà reparti à la hausse ces derniers mois, en particulier dans les États du ParÆ et du Mato Grosso, atteigne des proportions insupportables et mettent en danger la production d'oxygène, qui touche non seulement l'Amazonie et le Brésil, mais aussi l'extérieur?
M. Bell : Merci de votre question. C'est une observation très profonde et une question très difficile.
[Traduction]
Le Brésil ne s'intéressait guère aux questions environnementales avant d'être l'hôte du Sommet de la terre. Il y a plusieurs ministres actifs, dont José Goldemberg et d'autres, qui ont convaincu le gouvernement d'adopter une approche plus proactive en ce qui concerne les questions environnementales, particulièrement dans l'Amazonie ou les « poumons du monde », comme on l'appelle.
Il y a d'importants enjeux. Les barrages en font partie. Un autre facteur est le fait qu'il y a beaucoup de circulation sur les terres entre le Cerrado, qui se situe entre le Sud du Brésil et l'Amazonie, et l'Amazonie elle-même. Il y a beaucoup de circulation à partir du Cerrado, où il y avait des pâturages pour les bovins — et Brascan avait une ferme de 22 000 bovins — jusque dans les deux États de Mato Grosso où on cultive la canne à sucre destinée à la production d'éthanol, ainsi que le soya et d'autres espèces végétales. Cela a eu un impact sur l'utilisation des terres.
La construction de routes en Amazonie a soulevé une énorme controverse. En fait, quand vous défrichez et cultivez dans cette région, compte tenu de la nature du sol, qui est appauvri, vous devez utiliser une autre parcelle de terre. C'est totalement inefficace.
Ce sont donc les principaux enjeux. Il y a des tiraillements depuis longtemps, mais particulièrement depuis 1992.
Je ne suis pas suffisamment proche du Brésil aujourd'hui pour pouvoir me prononcer sur le barrage en question. Itaipu était le gros barrage à l'époque, et j'ai voulu participer à la construction et obtenir quelques contrats.
Au début de ma déclaration, j'ai indiqué que nous avons maintenant une démocratie multipartite. Autrefois, lorsqu'on voulait faire quelque chose, on le faisait. Toutefois, le nouveau gouvernement militaire a décidé d'abandonner des projets, comme celui de la ligne de chemin de fer en acier, et d'en entreprendre d'autres.
Aujourd'hui, on a droit à la liberté d'expression. Il y a des ONG actives; on retrouve donc la même surveillance qu'au Canada.
Il y a une question qui n'a pas encore été réglée, à mon avis. Il y a toujours cet équilibre entre l'environnement et le développement, mais je crois qu'ils sont en bien meilleure posture aujourd'hui par rapport à il y a 20 ans.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Puis-je poser une seconde question, plus courte?
Monsieur Bell, quels sont les domaines qui tireraient profit de rapports beaucoup plus étroits entre le Canada et le Brésil? Pour nous, quels seraient les domaines?
M. Bell : Il y en a beaucoup. Le Brésil, comme le Canada, est un pays qui est vaste, qui a de grands défis de transport, de communication et de ressources naturelles. Comme j'ai dit, on est compétiteurs et collaborateurs en même temps. Les zones de collaboration sont dans les mines, les ressources — et nous avons beaucoup de... acquisitions and mergers, si je peux dire, dans ce domaine —, dans les transports, malgré le fait qu'il y a ce conflit entre Bombardier et Embraer. Embraer était le plus gros client du Canada. Ils achetaient les moteurs de Pratt et Whitney. Ils avaient d'autres collaborations avec d'autres compagnies. D'ailleurs, Embraer et Bombardier collaborent avec OECD et OIT, l'Organisation internationale du travail, pour avoir des standards communs de transparence dans le domaine du fret aérien.
On a aussi beaucoup de possibilités dans les domaines de l'agriculture, le domaine immobilier et le domaine des communications — il y a plusieurs compagnies canadiennes —, le tourisme et l'éducation.
Pour ce qui est de l'éducation, le Canada est l'une des destinations les plus importantes pour ce qui est de l'anglais langue seconde. En fait, une bonne partie des Brésiliens qui vivent au Canada, qui sont des Canadiens, sont venus ici d'abord pour apprendre l'anglais avec ISL. On a donc énormément de possibilités dans le domaine universitaire. D'ailleurs, le gouverneur général, si j'ai bien compris, va mener une mission au Brésil l'année prochaine avec plusieurs présidents d'universités canadiennes. On peut continuer, on a toutes sortes de possibilités; il est question d'aller là-bas, il est question de trouver des partenaires fiables.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci beaucoup. Il y a donc beaucoup de domaines. C'est très intéressant.
[Traduction]
Le sénateur Finley : Monsieur l'ambassadeur, soyez le bienvenu. Je suis allé au Brésil quelques fois, mais pas dernièrement.
Pourriez-vous nous parler davantage du Mercosur? Quelle incidence cet accord aura-t-il sur l'élaboration d'un accord de libre-échange entre le Canada et le Brésil? Pourriez-vous nous donner plus de détails sur l'impact réel du Mercosur et du rôle du Brésil dans le cadre de cet accord?
M. Bell : Comme le Canada, le Brésil a souvent perçu ses relations commerciales en fonction des États-Unis. Un ministre étranger m'a déjà affirmé que plus un pays latino-américain se rapproche des États-Unis, plus ses relations commerciales avec ce pays prennent de l'ampleur. Comme cela était le cas avec notre troisième option autrefois, nous voulons réduire notre dépendance à l'égard des États-Unis. L'objectif de base du Mercosur, qui a pris naissance dans les années 1980, est de réunir ces trois pays — l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay — et de conclure un accord de libre-échange, sans tarif douanier commun. Le tarif douanier du Brésil est plus élevé que la plupart de celui des autres pays.
Je me rappelle que tous les gens de l'État du Rio Grande do Sul, un État situé au sud du Brésil où se trouvent les grands producteurs viticoles, se faisaient dire : « Le Mercosur signera notre arrêt de mort, parce que les Argentins et les Chiliens, s'ils entrent dans le Mercosur, vont nous éliminer de la carte ». Or, dans la réalité, rien de cela n'est arrivé.
Comme vous le savez, nous ne pouvons pas négocier directement avec le Brésil. Le Mexique peut le faire toutefois, parce qu'il profite d'un droit acquis avant l'entrée en vigueur du Mercosur.
Je crois qu'il sera plus difficile de négocier un accord de libre-échange. Je dois dire que ce n'est pas mon secteur et que je n'ai donc pas de réponse définitive. J'ai parlé à des gens, dont notre ambassadeur. Le problème tient en partie au fait que les autres pays membres du Mercosur hésitent à conclure un accord de libre-échange avec le Canada parce qu'ils se rendent compte qu'ils devraient augmenter leurs tarifs douaniers avec le Canada, alors que leurs tarifs sont déjà inférieurs à celui du Brésil.
Nous pourrions peut-être nous concentrer plutôt sur la conclusion d'accords de libre-échange sectoriels. Nous avons parlé précédemment des difficultés concernant Bombardier et Embraer, et un accord de libre-échange sectoriel en transport devait être conclu. Nous réussissons bien en transport urbain maintenant. Bombardier a réussi à pénétrer le marché et a obtenu un contrat majeur pour le métro de São Paulo. Il y a également le secteur des communications. D'autres secteurs pourraient se prêter aussi à cette façon de procéder. Je crois que nous en sommes aux étapes initiales et que les négociateurs sont bien conscients de la question et de la situation concernant nos exportations par rapport au Brésil et à l'Argentine — le Brésil est le plus grand exportateur de volailles au monde. J'espère que cela répond à votre question.
Le sénateur Finley : Je parlais plus des problèmes que nous avons créés à cause des différents aspects du Mercosur concernant les tarifs douaniers, par exemple.
Je voudrais parler plus particulièrement du secteur de l'aviation; ma question comporte plusieurs volets. Tout d'abord, quelle est la situation de l'aviation brésilienne? Deuxièmement, étant donné qu'Embraer a bel et bien acheté des moteurs de Pratt & Whitney au Canada, nous devons nous montrer raisonnables et respecter le fait que Pratt & Whitney est fondamentalement, et de loin, le principal fournisseur de ce genre de moteurs. Les Brésiliens, à ce que je sache, n'ont jamais acheté de Challenger de Canadair ni de jets régionaux de Canadair, alors qu'Air Canada a investi des milliards de dollars dans les avions d'Embraer.
Nous tentons de continuer à développer et à étendre nos produits aéronautiques. Nous participons à la production, au développement — malgré ce que mes amis d'en face peuvent dire — et à la conception de chasseurs furtifs F-35.
Y aurait-il une réelle ouverture de l'armée brésilienne — parce que, à ce que je sache, elle ne participe pas à ce consortium — pour traiter directement avec le Canada dans le but d'aider l'aviation et l'infrastructure aéronautique canadiennes de la même façon que nous l'avons manifestement fait avec Embraer?
M. Bell : Je ne vois pas pourquoi cela n'arriverait pas.
Je crois que l'aviation brésilienne compte quelques aéronefs canadiens. Je crois que les responsables brésiliens ont acheté des Buffalo dans les années 1970, si je ne me trompe pas.
Le sénateur Finley : C'était peut-être au temps d'Orville Wright; il y a longtemps.
M. Bell : J'ai ma propre opinion concernant Bombardier, avec qui j'ai travaillé étroitement à New York lorsque cette société a décroché son premier gros contrat grâce à un financement à l'exportation généreux du Canada, Richard Ravage était alors chef de la section du transport en commun. C'était le plus gros contrat jamais obtenu. Naturellement, j'ai également travaillé avec Bombardier en Malaisie. Nous avons eu un contrat de 1,4 milliard de dollars pour le réseau de transport rapide léger. J'ai travaillé avec les gens de cette société, pour qui j'ai le plus grand respect. Toutefois, en ce qui concerne le jet régional, l'avion de Bombardier était le prolongement d'un modèle existant et Embraer offrait un tout nouvel appareil pour un marché précis, qui comportait certains attraits pour Air Canada. Voilà pourquoi cet avion a été acheté.
Nous aurions dß faire ce que vous proposez et nouer de meilleurs rapports avec Embraer plus tôt. Vous examinez les grands projets de construction d'aéronefs en cours au niveau international et le nouvel avion C-series de Bombardier. Il s'agit d'un avion canadien, mais les ailes sont faites ici, le fuselage ici, les intérieurs ailleurs, et cetera. Oui, je crois que nous devrions nous employer plus activement à trouver des façons créatives de travailler avec les Brésiliens et de participer à certaines de leurs activités commerciales.
Le sénateur Downe : Étant donné que l'économie brésilienne est passée du septième au cinquième rang, comme vous l'avez dit dans votre exposé, quelle place les Brésiliens estiment-ils occuper dans la région, à votre avis, et quelle ouverture peuvent-ils avoir pour le Canada? Je m'intéresse tout particulièrement à la formation de l'Union des nations sud-américaines en 2008 et, plus récemment, à la création de la Communauté des États latino-américains et caribéens, dans laquelle le Brésil a joué un rôle prépondérant; nous ne faisons pas partie de ces organisations qui, d'un point de vue canadien, semblent constituer une attaque directe contre l'Organisation des États américains, dont nous sommes membres. Cette situation constitue-t-elle un problème majeur pour nous?
M. Bell : Eh bien, cela est intéressant que vous parliez de la politique étrangère du Brésil. D'une certaine façon, nous pourrions dire que le Brésil a bifurqué vers la gauche, ayant noué des relations avec le Venezuela et même Cuba, tout en adoptant, en même temps, une politique fiscale et financière bien gérée et conservatrice. Je crois que le président Lula, lorsqu'il était au pouvoir, tenait à la fois compte des préoccupations de cette aile de son parti, tout en adoptant la meilleure politique financière et monétaire pour son pays.
Il y a bien eu encore un peu d'anti-américanisme dans le Mercosur, lorsque le Brésil a créé une association assez intéressante avec l'Afrique du Sud et l'Inde — il s'agit de trois démocraties situées sur trois continents — et lorsque d'autres questions régionales ont été traitées. où sommes-nous là-dedans? Avons-nous été tenus à l'écart? Si nous pouvons négocier un accord de libre-échange avec les pays du Mercosur, nous ne serons pas exclus du tout. Si nous pouvons battre les Américains, nous nous retrouverions dans une position privilégiée.
Le fait que ces pays créent des associations avec d'autres pays latins, ce qui est normal selon moi, ne m'inquiète pas trop en autant que nous pouvons participer d'une façon qui satisfait nos intérêts, mais il faudrait naturellement que le Brésil y trouve son compte également.
Le sénateur Downe : À votre avis, l'Organisation des États américains et le Canada jouent-ils un rôle important à cet effet?
M. Bell : Voilà une question intéressante. Pendant des années, je ne pouvais pas comprendre pourquoi le Canada ne faisait pas partie de l'OEA. Nous ne pouvions pas être membres de cette organisation parce que les Américains nous auraient dit quoi faire. Un jour, le ministre de l'Industrie à Rio de Janeiro est venu me voir et m'a dit : « Monsieur l'ambassadeur, Brian Mulroney m'a invité à son 50e anniversaire parce que j'étais président de l'Iron Ore ici, que Brian était également président de cette société et que nous étions de bons amis. Y a-t-il quelque chose que je devrais dire? » J'ai déclaré : « Je ne comprends pas pourquoi le Canada n'est pas membre de l'OEA. » Il s'est activé et, lorsque je parlais à Louise Fréchette il y a deux ou trois mois, je me suis rendu compte que c'est exactement ce à quoi on travaillait : on était en train de négocier et le Bureau du premier ministre a déclaré que nous devrions joindre l'OEA, ce que nous avons fait.
Est-ce une bonne chose? Oui, je le crois. Est-ce une bonne stratégie? Nous nous demandions, entre autres, si nous voulions être mêlés à des chicanes entre l'Équateur et la Bolivie, et cetera. Nous ne le voulons pas, mais c'est une tribune importante.
La société que je dirige, Goldcorp, possède une mine au Guatemala. La Commission interaméricaine des droits de l'homme a fait parvenir un avertissement au Guatemala dans lequel elle dit que nous devrions fermer la mine — dont nous tirons 800 000 onces d'or par année. Pourquoi? C'est une histoire longue et compliquée, mais, heureusement, grâce à la participation du Canada à l'OEA et avec l'aide de cet organisme, nous avons pu désamorcer la situation à l'avantage de tout le monde, y compris des Guatémaltèques.
Plusieurs raisons pratiques expliquent l'appartenance du Canada à l'OEA. Vous devriez poser la même question à l'Organisation internationale de la Francophonie et au Commonwealth, j'imagine. Nous en faisons partie et cela a des avantages. Le sénateur De Bané a mentionné que Jean Chrétien avait déclaré qu'il comptait un ancien leader du Brésil, Henrique Cardoso, au nombre de ses grands amis.
De ce point de vue, c'est très bien; cela élargit et renforce nos relations. Toutefois, il ne faudrait jamais que cela nous détourne de notre objectif principal, qui est de traiter directement avec les Brésiliens.
La présidente : Pour faire suite à ce que vous avez dit, à savoir que, peut-être du temps du président Lula, vous avez essayé de parler de la gauche, en dépit du mouvement en direction du Venezuela, et cetera. Vous avez dit que le libre- échange était la solution. Avec le Mercosur, beaucoup de gens ont dit : « N'y touchez pas, vous ne pouvez pas le briser. » Maintenant, les gens disent que si on peut mettre en lumière les avantages et les inconvénients du système actuel et leur montrer qu'il existe une possibilité plus avantageuse, pourquoi cela ne serait-il pas à l'avantage de tous les pays signataires du Mercosur et du Canada? Sur le plan stratégique, voilà ce que nous pouvions faire. Voilà qui va dans le sens de ce que les experts ont dit et de ce que nous avons lu.
Le président Lula, pour sa part, semble avoir considéré qu'il pouvait procéder différemment, et c'est peut-être ce qui l'a amené à se rapprocher du Venezuela et de Cuba. Cette attitude était évidente au cours des dernières années de sa présidence. La présidente Rousseff montre aujourd'hui qu'elle considère que son pays est un joueur international. De plus en plus, les Brésiliens adoptent une attitude stratégique dans laquelle ils affirment qu'ils ne sont pas prisonniers d'une région géographique ou d'une idéologie, que leur pays est un joueur important. Vous dites que leur économie occupera la cinquième place au monde, alors les Brésiliens veulent être au Conseil de sécurité de l'ONU et avoir leur mot à dire sur les questions importantes.
Si telle est la situation en ce qui concerne le Brésil, que devrait faire le Canada sur le plan politique pour son développement, compte tenu que le Brésil est devenu un joueur important pour d'autres pays un peu partout dans le monde? Que nous parlions de l'Iran, de la restructuration de la dette ou d'initiatives du Conseil de sécurité, les gens commencent à tenir compte du Brésil. Quels changements le Canada devrait-il apporter à ses rapports multilatéraux pour tenir compte du Brésil?
Je pourrais peut-être ajouter qu'il semble que le Canada a toujours considéré le Brésil comme un de ses voisins sud- américains et non comme un joueur international d'importance comme la Chine, les pays de l'Europe et les États-Unis.
M. Bell : Voilà le dernier point que je voulais aborder : nous devons à l'évidence nouer des rapports bilatéraux solides avec le Brésil. Nous avons joué un rôle dans la création du G20, dont le Brésil est un intervenant de premier plan. Nous devrions avoir une stratégie pour collaborer avec le Brésil au règlement de questions internationales par la voie des organismes internationaux, que ce soit le G20, les Nations Unies, et cetera. Je suis tout à fait en faveur de cela.
Comment nous y prendre? Il y a différentes organisations en cause. Ainsi, la participation à ces organisations donne à nos leaders, nos ministres, nos bureaucrates et nos gens d'affaires plus de temps pour interagir. Une fois que vous avez noué des rapports étroits, vous pouvez presque dire : « Bon, aujourd'hui, nous parlons de la crise financière mondiale et, demain, nous parlons de relations bilatérales », et cetera. Toutefois, les relations sont bien établies. Elles devraient être à volets multiples et tenir compte de la nouvelle position qu'occupe le Brésil sur la scène internationale.
La présidente : Croyez-vous que le Brésil poursuivra sur cette lancée positive ou que des problèmes internes négligés au cours des années précédentes referont surface pendant le mandat de l'actuelle présidente, comme la situation concernant l'impôt, la restructuration, les infrastructures, et cetera? Le Brésil pourra-t-il poursuivre sur sa lancée?
M. Bell : Le Brésil est aux prises avec des problèmes énormes qui ne disparaîtront pas d'eux-mêmes. Le Brésil est un fournisseur de produits très important au niveau mondial, et il n'a pas de ports. Les grandes sociétés, comme CSL, la société d'acier du Bali, et le marché des produits de base ont leur propre réseau ferroviaire, parce que le gouvernement n'a pas été en mesure de les leur fournir. Le pays est aux prises avec des problèmes au niveau de ses infrastructures et de son régime foncier et les problèmes sociaux y sont encore criants, malgré le recul de la pauvreté.
Comme on a pu lire dans The Economist, le système démocratique multipartite, s'il peut être conservé, la liberté de presse et la liberté d'information qui ont cours dans ce pays le guideront dans son évolution et l'amèneront à apporter des changements sociaux et autres, comme l'a mentionné le sénateur lorsqu'il a parlé du barrage, c'est à cause de ce processus démocratique que l'Inde et la Russie — la Russie va tenir les Jeux olympiques d'hiver à Sochi — déplaceront des montagnes et tout le reste, sans faire appel à qui que ce soit. Or, le Brésil ne peut plus faire ça.
Il y a toutes sortes de risques, c'est certain. Le Brésil a eu de bons gouvernements et de mauvais gouvernements par le passé. À mon sens, le pays s'est doté des structures qui lui permettront d'améliorer graduellement les choses et non de les empirer. Et toutes les questions concernant la corruption, les problèmes d'efficacité du gouvernement, les droits, et cetera vont se régler tranquillement.
Le sénateur Mahovlich : Pouvez-vous nous en dire plus sur l'armée brésilienne? Quel est son budget? Comparativement au Canada, je ne vois pas ce pays sur la carte mondiale, disons en Afghanistan. Les Canadiens sont là-bas, mais je n'ai jamais vu le Brésil participer au règlement de problèmes sur la scène mondiale. Dans quelle mesure leur force militaire est-elle efficace?
M. Bell : Je crois qu'elle est efficace. L'armée au Brésil jouit d'une situation très intéressante. Mon ami du Bangladesh m'a dit une fois : « John, regarde l'Inde, elle a maille à partir avec presque chacun de ses voisins au sujet de ceci ou de cela. Regarde le Brésil; à l'exception de la guerre qu'il a eue avec le Paraguay il y a de cela longtemps, ce pays ne vit aucun conflit. » Cela ne signifie pas pour autant que le pays a une armée faible ou inefficace. En fait, l'armée a dirigé le pays pendant 30 ans et pris beaucoup de ses ressources. L'armée a été très active au niveau international, et elle a joué un rôle de premier plan à Haïti, où elle a été exemplaire.
Vous avez parlé de l'aviation. Je pense que l'aviation, l'armée de terre et la marine brésilienne, à laquelle j'ai eu quelque peu affaire lorsque des responsables de notre marine se sont rendus là-bas, sont très professionnelles. Je pense que cela est un très bon point pour elles, qu'elles ne soient engagées dans aucune guerre.
Le sénateur Mahovlich : Très bien.
La présidente : Monsieur Bell, le temps qui vous est imparti est terminé, malheureusement.
Vous avez dit que vous avez comparu devant le comité il y a deux ans. Nous aurions probablement dß avoir des contacts avec vous plus suivis à ce moment-là, parce que vous avez préparé le terrain pour les orientations que nous voulions prendre afin de régler des questions économiques au niveau bilatéral ainsi que des questions politiques. Là encore, vous avez été à la hauteur de votre réputation. Vous avez enrichi notre étude, et nous vous en remercions. Il se pourrait bien que nous fassions encore appel à vous pour discuter de questions particulières, mais je vous remercie de votre présence ici aujourd'hui.
Je m'adresse au prochain groupe de témoins maintenant. Étant donné que le ministre du Commerce international et notre premier ministre ont tous les deux effectué des visites au Brésil pendant que nous étions en train d'étudier la question, il nous a semblé important de vous demander de nous mettre au fait du contenu de ces visites et des retombées que nous pouvons en attendre. Comme nous n'avons pas fait partie de ces délégations, nous avons besoin que vous nous rappeliez les objectifs de ces visites et que vous nous donniez certains détails. Je suis certain que les sénateurs auront quelques questions à vous poser.
Nous accueillons maintenant deux responsables du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international : le directeur général, Direction générale de l'Amérique latine et des Antilles, Neil Reeder, et la directrice générale, Direction générale de la réglementation commerciale et des obstacles techniques, Susan Harper. Je vous souhaite la bienvenue au comité. Je crois que vous connaissez notre processus. Vous pouvez lire une déclaration et nous passerons ensuite aux questions. Habituellement, nous levons la séance à 18 h 15, mais nous pouvons la prolonger un peu. Cela nous donne environ de 30 à 40 minutes. Nous tenterons d'atteindre nos objectifs à l'intérieur de ce délai. Je vous souhaite la bienvenue au comité, monsieur Reeder.
Neil Reeder, directeur général, Direction générale de l'Amérique latine et des Antilles, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Merci beaucoup. C'est un plaisir pour Mme Harper et moi d'être parmi vous aujourd'hui. Je vais lire une brève déclaration, et c'est avec plaisir que je répondrai ensuite à vos questions.
Nous sommes heureux d'apprendre que le comité poursuit son étude sur le Brésil. Je crois comprendre aussi que le comité se rendra au Brésil au cours des prochains mois. Nous l'espérons.
La présidente : Cela fait partie de nos plans, mais c'est le Sénat qui décidera. Nous allons terminer notre étude et nous examinerons ensuite la pertinence de ce voyage et la disponibilité des fonds. Je sais que l'opposition s'attend à ce que nous fassions ce voyage, mais nous ne pouvons rien confirmer pour le moment. Nous allons terminer notre étude, même sans ce voyage.
M. Reeder : Si vous décidez de vous rendre au Brésil, nous vous offrons l'appui de nos missions dans ce pays.
Lorsque nous échangeons avec le Brésil, nous entretenons un dialogue avec un pays qui constitue à tous points de vue un géant économique. Comme l'a souligné M. Bell, la taille de l'économie brésilienne a dépassé celle de l'économie canadienne. Le Fonds monétaire international s'attend à ce que le Brésil constitue la sixième économie du monde d'ici la fin de l'année. Le Brésil occupe le cinquième rang mondial sur le plan de la masse terrestre et, avec près de 200 millions d'habitants, il occupe le quatrième rang mondial des pays démocratiques les plus peuplés. Le Brésil assoit son influence à l'échelle régionale, mais aussi sur le plan bilatéral et multilatéral, grâce à des organismes qui s'appuient sur les principes de la non-intervention, du dialogue et de la diplomatie. Le Brésil est réellement un acteur international. C'est aussi une démocratie totalement fonctionnelle. Toutes les élections tenues après la fin du régime militaire dans les années 1990 se sont déroulées dans la paix et ont été transparentes.
Depuis ma dernière comparution devant le comité en compagnie du sous-ministre adjoint, M. Jon Allen, deux visites importantes ont eu lieu, comme l'a soulignée la présidente. J'aimerais faire le point sur ces visites.
En juin dernier, l'honorable ministre du Commerce international, Ed Fast, s'est arrêté au Paraguay en route vers le Brésil dans le cadre de sa première visite à l'étranger. Le ministre a annoncé l'ouverture de discussions exploratoires sur le commerce avec le Mercosur, dont fait partie le Brésil.
Le ministre Fast a ensuite dirigé une mission commerciale composée de 19 entreprises à Rio de Janeiro et à São Paulo. Cette mission avait deux objectifs : premièrement, réitérer l'importance des relations bilatérales entre les deux pays, comme le soulignent la Stratégie commerciale mondiale et la Stratégie pour les Amériques; et deuxièmement, travailler au nom du gouvernement du Canada et au nom des entreprises et des travailleurs canadiens en vue de renforcer les relations commerciales dans les marchés sans cesse grandissants des Amériques et, plus particulièrement, du Brésil.
Il est essentiel de répondre aux besoins en matière d'infrastructures afin de satisfaire les demandes de l'économie florissante du Brésil. Le pays accueillera la Coupe du monde de la FIFA en 2014 et les Jeux olympiques en 2016. Ces événements, ainsi que le Programme de croissance et d'accélération du gouvernement brésilien, programme estimé à 805 milliards de dollars américains, offrent un large éventail d'occasions d'affaires aux entreprises canadiennes, tout en créant des emplois au Canada.
Le ministre Fast a confirmé à certains de ses homologues brésiliens la principale orientation de l'engagement commercial du Canada envers le Brésil, soit intégrer les chaînes de valeur mondiale afin d'accroître la compétitivité du Canada, tant au Brésil qu'à l'échelle mondiale, et souligner l'importance des sciences et des technologies ainsi que de l'éducation dans le cadre du programme commercial et le besoin d'amorcer et de poursuivre les discussions exploratoires avec le Mercosur.
Le ministre Fast est reparti très enthousiasmé à l'égard de l'envergure et de la portée de cet engagement. Il est conscient du potentiel inexploité dont pourraient tirer parti les entreprises canadiennes et de la nécessité, pour les deux pays, de catalyser leurs secteurs privés respectifs. Le ministre a dit ceci après son voyage : « Le Brésil est un marché prioritaire pour le Canada et nous souhaitons élargir nos relations commerciales dynamiques, variées et multidimensionnelles avec ce pays. Nous connaissons l'importance du Brésil à titre d'acteur économique de premier plan et de partenaire stratégique bilatéral du Canada sur la scène régionale et mondiale. »
À Ottawa, il y a aussi un soutien interministériel important envers le dossier du Brésil. C'est une approche pangouvernementale. Par exemple, demain, il y aura une réunion interministérielle sur les prochaines étapes en ce qui concerne le Brésil. Nous attendons plus de 20 ministères et organismes. Chacun d'eux a établi des réseaux au Brésil et a pris des engagements. C'est très impressionnant.
[Français]
Seulement deux mois plus tard, du 7 au 9 août, le premier ministre Harper s'est rendu à Brasilia et à São Paulo dans le cadre d'une visite de quatre pays d'Amérique latine : le Brésil, la Colombie, le Costa Rica et le Honduras.
Au Brésil, il était accompagné d'une délégation sans précédent composée de quatre ministres : le ministre des Affaires étrangères, John Baird; le ministre du Commerce international, Ed Fast; le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Rona Ambrose; et la ministre d'État aux Affaires étrangères, Diane Ablonczy
La délégation comprenait six intervenants du milieu des affaires et du milieu universitaire, un député et un grand groupe de journalistes canadiens.
Au cours de la réunion entre le premier ministre Harper et la présidente du Brésil, Dilma Roussef, les deux dirigeants ont affirmé de nouveau que le Canada et le Brésil renforceraient leur partenariat bilatéral en tenant compte de leurs objectifs communs, c'est-à-dire améliorer et promouvoir la démocratie, les droits de la personne, l'inclusion sociale et le développement durable. Les deux dirigeants ont souligné les saines relations qu'entretiennent leurs pays à long terme en matière de commerce et d'investissement. Toutefois, ils ont convenu que davantage pourrait être fait, compte tenu du potentiel qui existe entre les deux pays.
Au-delà des industries traditionnelles, des mines, de l'énergie et de l'agroalimentaire, la présidente Roussef a demandé l'établissement de partenariats dans les domaines des sciences et technologies, de l'innovation, de l'exploration des réserves de pétrole en eaux profondes, des technologies de pointe et des infrastructures en vue des Jeux olympiques.
La présidente Rousseff a considéré la création du Forum des PDG comme un catalyseur du resserrement des liens entre les secteurs privés des deux pays. Grâce à ce forum, les participants de ces secteurs obtiendront des conseils sur les priorités stratégiques établies pour faire progresser les relations bilatérales et pour renforcer la compétitivité internationale. La présidente Rousseff a annoncé que le chef de la direction de Vale, Murilo Ferreira, agirait à titre de coprésident pour le Brésil. Notre premier ministre Harper a annoncé que le chef de la direction de la Banque Scotia, Rick Waugh, assurerait la coprésidence pour le Canada. L'ajout d'autres membres sera annoncé en temps voulu.
[Traduction]
À la suite de la réunion bilatérale élargie, le premier ministre Harper et la présidente Rousseff ont présidé la signature de quatre accords et protocoles d'entente : l'Accord sur le transport aérien, qui est une entente sur l'ouverture des espaces aériens qui facilitera le transport entre les deux pays et permettra de promouvoir les échanges commerciaux, touristiques et éducatifs; l'Accord de sécurité sociale, qui établit un régime d'avantages sociaux et de retraite uniformes pour les personnes qui travaillent entre les deux pays; le Protocol d'entente sur l'efficacité de la coopération internationale au développement, qui prévoit un dialogue sur les politiques de développement et une collaboration future entre les deux pays sur des initiatives communes pour des pays tiers; enfin, le Protocole d'entente de coopération sur les Jeux olympiques, qui fournit un cadre de mise en commun de pratiques exemplaires tirées de l'expérience que le Canada a acquise à Vancouver et à Whistler, tout en favorisant les débouchés liés aux infrastructures dans le contexte des préparations en vue des Jeux olympiques et paralympiques qui auront lieu au Brésil.
Les deux dirigeants ont également amorcé le Dialogue sur le partenariat stratégique. Les ministres des Affaires étrangères des deux pays se réuniront annuellement pour discuter d'importantes questions d'ordre régional et mondial. On prévoit accueillir le ministre brésilien des Affaires étrangères dans le cadre de cet accord au cours de la première moitié de 2012. Les deux dirigeants ont également manifesté leur appui à l'égard de l'ouverture des discussions exploratoires entre le Mercosur et le Canada. Ces discussions doivent permettre aux deux parties de recueillir les renseignements nécessaires afin de déterminer la meilleure façon de renforcer leurs relations commerciales. Ils ont également convenu d'amorcer un dialogue sur l'énergie et réitéré leur engagement à travailler afin d'éliminer les obstacles inutiles au commerce bilatéral des produits agricoles.
Les deux dirigeants ont souligné l'importance stratégique du nouveau Comité conjoint Canada-Brésil de coopération en science, en technologie, en innovation et en éducation. Ils se sont entendus sur l'élaboration d'un plan d'action axé sur la recherche, le développement et la commercialisation dans le cadre de projets communs. Ils ont aussi convenu d'amorcer un dialogue sur la coopération spatiale dans le but d'explorer les possibilités de coopération en matière d'utilisation de l'espace à des fins pacifiques.
Les dirigeants ont noté les progrès réalisés au chapitre du dialogue bilatéral dans le secteur de la défense. Dans ce contexte, ils ont réitéré leur intérêt envers les pourparlers politico-militaires qui auront lieu à Ottawa, en octobre. Ils ont convenu de négocier un instrument juridique qui servira de cadre à la coopération entre le Brésil et le Canada en matière de défense. Ils ont réitéré leur engagement à aider le gouvernement haïtien à maintenir la stabilité en Haïti, à y renforcer les institutions démocratiques et à contribuer au développement à long terme du pays. Les deux pays collaborent afin d'aider Haïti grâce à la MINUSTAH, la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti, une mission dans laquelle le Brésil joue un rôle prépondérant sur le plan militaire, et le Canada, sur le plan policier, celui-ci ayant déployé 150 policiers, 25 agents de correction et 10 officiers militaires.
Le premier ministre a félicité la présidente Rousseff pour le lancement de son nouveau programme de bourses d'études qui permettra à 100 000 Brésiliens d'étudier à l'étranger. Il a également souligné la solidité des systèmes d'éducation du Canada. Le nombre d'étudiants et de touristes brésiliens au Canada a augmenté considérablement. L'an dernier, le Canada a accueilli plus de 2 000 étudiants brésiliens à temps plein, ainsi que des milliers d'étudiants en langues à temps partiel venus principalement pour apprendre l'anglais.
Nous avons aussi accueilli plus de 72 000 touristes brésiliens l'an dernier, ce qui a beaucoup contribué à l'économie canadienne. Il s'agit d'une augmentation de 30 p. 100 par rapport à 2009. La Commission canadienne du tourisme a défini le Brésil comme un marché prioritaire. Dans le but d'encourager le tourisme et le commerce, le premier ministre a aussi annoncé l'ouverture de trois nouveaux centres de réception des demandes de visa au Brésil. Ceux-ci faciliteront le processus de demande de visa canadien et aideront à faire du Canada une destination privilégiée.
Comme l'a souligné M. Bell, le premier ministre a annoncé que le gouverneur général dirigera une délégation composée de 20 présidents de collèges et d'universités, membres de l'Association des universités et collèges du Canada, au Congrès des Amériques sur l'éducation internationale qui aura lieu à Rio, en avril 2012. Les deux dirigeants ont appuyé l'adoption de la Déclaration de principes sur le partenariat pour un gouvernement transparent. Celle-ci a été adoptée la semaine dernière dans le cadre de l'Assemblée générale des Nations Unies. Ils ont réitéré leur intention de collaborer étroitement en vue de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, la Conférence Rio + 20, qui se tiendra à Rio de Janeiro en 2012, soit 20 ans après la première réunion.
À São Paulo, à l'occasion d'un déjeuner, le premier ministre s'est adressé à un auditoire composé de membres très influents du milieu politique et des affaires. Il a parlé de la nécessité d'élever nos ambitions relativement à nos relations bilatérales. Il a transmis un message positif aux Brésiliens, soit que le Canada admire le Brésil, qu'il le considère comme un partenaire et qu'il souhaite renforcer ses relations avec le Brésil en s'appuyant sur des principes fondamentaux modernes en matière d'innovation fondée sur la connaissance et des chaînes de valeur mondiales. La visite du ministre du Commerce international et celle du premier ministre ont consolidé les relations entre le Canada et le Brésil, tant sur le plan commercial que sur le plan politique.
[Français]
J'espère que mes brèves remarques vous ont donné un aperçu de l'état actuel des relations entre le Canada et le Brésil. Je serai heureux de répondre à vos questions.
À titre d'information, nous avons des copies de la déclaration commune émise à la suite de la visite du premier ministre au Brésil ainsi que le discours prononcé par le ministre à São Paulo. Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente : Merci. Allez-vous remettre votre déclaration au greffier du comité? Passons maintenant aux questions et soyons efficients.
Le sénateur Downe : Les Canadiens pourraient se demander pourquoi une économie plus vigoureuse que la nôtre reçoit des fonds de l'ACDI pour son développement. Selon vous, est-ce un secteur important dans lequel il faudrait investir? Est-ce que cela nous aide sur le plan commercial?
M. Reeder : Je ne peux pas vous donner de détails sur la nature de cette collaboration. Une partie des fonds sert peut-être à financer un programme régional. De toute évidence, le Brésil ne pourrait pas recevoir d'aide bilatéral pour son développement compte tenu de la taille de son PIB. D'ailleurs, le Brésil est maintenant un pays donateur. Toutefois, il est possible qu'il y ait un programme moins important, mais en ce qui concerne la nature de celui-ci, il faudrait que je vous donne des précisions plus tard. De façon générale, le Brésil se dirige de plus en plus vers un rôle de donateur. Nous espérons lui transmettre nos pratiques exemplaires pour l'aider en ce sens et étudier avec lui de possibles projets dans des pays du tiers monde, étant donné l'intérêt qu'il a manifesté à travailler avec le Canada à ce chapitre.
Le sénateur Downe : Étant donné les efforts déployés par le Canada et les relations que nous tentons d'établir avec le Brésil, craignez-vous que celui-ci ait d'autres priorités et que le Canada ne figure pas aussi haut qu'on le souhaiterait sur sa liste de priorités? Bien sßr, le Brésil se concentre sur sa propre région et l'Amérique du Sud. Mais, il a également conclu des alliances avec la Turquie, l'Égypte et l'Inde dans certains dossiers sans inclure le Canada. Le Brésil a joué un rôle important dans la création de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes dont les États-Unis et le Canada sont exclus. Les États-Unis et le Canada sont membres d'une organisation parallèle, l'Organisation des États d'Amérique, mais ils ne sont pas membres de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes.
Je crois comprendre aussi que le gouvernement chinois investit une somme considérable et qu'il a offert de construire le siège de cette nouvelle Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes qui, je le rappelle, exclut les États-Unis. Le Canada est probablement une victime collatérale de cette exclusion.
Quels efforts le gouvernement brésilien a-t-il déployés dans ses relations avec nous comparativement à ce qu'il fait avec d'autres pays?
M. Reeder : Je dirais, monsieur le sénateur, qu'il faut considérer le Brésil comme un partenaire égal. Comme vous l'avez souligné, le Brésil est actif, tant sur le plan régional que sur le plan multilatéral. Les Canadiens doivent changer leur opinion sur le Brésil et réaliser à quel point il est devenu un acteur important. Je ne crois pas qu'ils l'aient vraiment compris. Le gouvernement canadien, lui, l'a compris, puisqu'il a fait du Brésil une priorité dans sa stratégie commerciale mondiale et sa stratégie des Amériques.
Nous considérons le Brésil comme un partenaire égal, un acteur principal et une destination importante de nos investissements et de notre commerce, et ce, dans différents secteurs, comme je l'ai déjà dit.
De plus, le Brésil aime travailler avec le Canada, un partenaire nord-américain autre que les États-Unis ou le Mexique avec qui il y entretient souvent des rivalités sur le plan du leadership dans la région. Avec les États-Unis, le problème est différent. Les Brésiliens aiment travailler avec nous. Ils croient pouvoir apprendre de nous dans bon nombre de secteurs en raison de notre expérience multilatérale à l'échelle internationale. En même temps, ils comprennent pourquoi nous investissons dans leur pays et quel est notre intérêt à ce chapitre.
La porte est ouverte et nous avons éliminé de nombreux irritants bilatéraux. Ceux-ci ne contaminent plus les relations générales entre nos deux pays. Oui, nous avons des points de vue différents sur l'aérospatial, par exemple, mais nous sommes prêts, surtout après cette visite, à explorer de nouveaux dossiers. Nous examinerons les différences d'opinions au fur et à mesure, comme c'est le cas avec les États-Unis et d'autres pays.
À ce chapitre, je crois que la porte est ouverte et que les deux parties cherchent à affermir leurs relations.
Concernant la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes, nous n'avons aucune objection à ce qu'il y ait des organisations régionales exclusives aux pays d'Amérique latine ou des Caraïbes. S'ils veulent travailler ensemble dans le cadre d'une organisation régionale, c'est leur choix.
Selon nous, ces organisations sont complémentaires à l'organisation multilatérale qu'est l'OEA. Nos relations avec les membres de l'OEA et notre travail au sein de cette organisation sont notre priorité, car l'OEA est une organisation vraiment globale. Elle accueille tous les pays, y compris le Canada, les États-Unis et maintenant Cuba. Depuis le sommet de l'assemblée générale qui a eu lieu il y a plusieurs années, au Honduras, Cuba a été invité à adhérer de nouveau à l'OEA. Même si le gouvernement cubain a refusé, l'offre tient toujours. L'OEA est une organisation vraiment représentative. Nous continuerons d'accorder la priorité à l'OEA. Encore une fois, nous croyons que ces autres organisations y sont complémentaires. Honnêtement, les pays d'Amérique latine aiment travailler ensemble. Ils ne veulent pas toujours que les États-Unis soient du groupe. La perspective des pays d'Amérique latine est différente de celle des pays nord-américains.
Nous avons déjà informé le Brésil que nous ne nous opposions pas à ces nouvelles organisations régionales. Toutefois, nous aimerions être informés des dossiers abordés et des problèmes soulevés. Nous comprenons qu'ils nous excluent de ces organisations.
Le sénateur Downe : Le problème des visas doit être considérable. Le Brésil compte une population de 190 millions et nous n'accueillons que 72 000 visiteurs et 2 000 étudiants brésiliens. Ce n'est pas beaucoup d'étudiants. Il doit y avoir 10 ou 15 pays qui en accueillent plus que nous.
M. Reeder : Il ne faut pas oublier que nous accueillons aussi chaque année entre 10 000 et 12 000 étudiants brésiliens à temps partiel.
Le sénateur Downe : D'accord, mais sur une population de 190 millions, c'est peu. Nous avons ouvert ces nouveaux centres de réception des demandes de visa. Avons-nous envisagé d'autres mesures pour corriger ce problème?
Les centres de réception des demandes de visa sont importants, parce qu'on y réalise le travail préparatoire. Les décisions concernant les demandes n'y sont pas prises, mais les gens s'assurent que les dossiers sont complets avant de les acheminer aux ambassades ou aux consulats. Nous constatons déjà que les nouveaux centres dans la région accélèrent généralement le traitement des demandes, parce que, lorsque l'ambassade les reçoit, tout est prêt. Il ne manque pas de documents, ce qui aide certainement le processus.
Dans le cas du Brésil, je préférerais que des représentants de Citoyenneté et Immigration Canada vous en parlent directement, mais nous facilitons désormais l'obtention de visas pour entrées multiples, particulièrement pour les gens d'affaires. Ainsi, ces personnes qui entrent au Canada pourront recevoir ce type de visa. Prenons, par exemple, le cas d'un employé de la Banque Scotia au Costa Rica, où elle est la plus importante banque privée. Rien ne justifie l'émission d'un visa pour entrée unique. Il s'agit d'une personne et d'un établissement crédible. Nous essayons donc de faciliter les déplacements dans cette situation.
En ce qui concerne les étudiants qui souhaitent venir suivre une formation qui dure moins de six mois, ils n'ont pas besoin, notamment, de se soumettre à un examen médical. Nous essayons de leur simplifier le processus.
En tant que fonctionnaire, je crois que la visite de la région a permis au gouvernement de prendre vraiment conscience du besoin de continuer de faciliter l'entrée légitime des voyageurs au Canada. D'un côté, nous facilitons le déplacement des biens, des services, des gens, des étudiants et des touristes; de l'autre, nous exigeons un visa. Il faut que le processus soit adapté à la demande. Je sais que notre récente visite dans la région a conscientisé les ministres à cette réalité. Selon moi, nous réalisons des progrès. Nous n'avons pas discuté du programme commercial pour les Amériques, mais je peux vous dire qu'il est vraiment en pleine croissance. Actuellement, 20 accords sont en négociations ou sont déjà ratifiés avec 20 pays des Amériques. C'est donc dire que nous assisterons à une augmentation du trafic commercial et des échanges commerciaux. Conséquemment à ces accords, nous devons nous assurer que les voyageurs d'affaires légitimes peuvent entrer au Canada.
Le sénateur Johnson : Le Brésil est un pays extrêmement intéressant. Les efforts que le Canada investit dans la relation sont importants.
J'ai trouvé très intéressant ce que vous avez rapporté au sujet de la présidente Rousseff, à savoir qu'elle souhaite la création de partenariats dans d'autres domaines non traditionnels.
Pourriez-vous nous parler de la mise en valeur des réserves pétrolières en eau profonde du Brésil et de la haute technologie? En ce qui concerne ces gisements, quel rôle le Canada pourrait-il jouer? Quelle est l'étendue des réserves brésiliennes?
M. Reeder : Je n'ai pas les chiffres exacts en main, mais les Brésiliens ont découvert d'importants gisements pétroliers situés en eau très profonde. Cependant, ils ne possèdent pas vraiment la capacité requise ou l'expérience nécessaire pour exploiter des puits à cette profondeur, ce qui n'est évidemment pas le cas du Canada, grâce à Hibernia et aux exploitations en Nouvelle-Écosse. Dans les discussions, nous essayerons de voir, entre autres, si nous pouvons trouver des domaines dans lesquels nous pourrions collaborer et échanger des technologies en plus d'ouvrir la porte à d'éventuels contrats pour le pétrole et le gaz naturel. Nous avons une expertise dont le Brésil pourrait tirer profit et se servir pour exploiter ses réserves importantes situées en eau très profonde.
Le sénateur Johnson : Le Brésil a-t-il commencé à exploiter les gisements?
M. Reeder : Les Brésiliens n'en sont rendus qu'à les cartographier.
Le sénateur Johnson : À quelle distance des côtes ces gisements se trouvent-ils?
M. Reeder : Je n'en suis pas certain, mais ils sont en eau très profonde, à savoir dans la zone baptisée « pré-sel ». Cette situation pose problème au Brésil du point de vue de la technologie.
Le sénateur Johnson : Le Brésil a l'intention d'aller de l'avant avec l'exploitation de ses gisements, n'est-ce pas?
M. Reeder : Oui.
Le sénateur Johnson : Qu'en est-il de la haute technologie? Les Brésiliens semblent vouloir plus de coopération du Canada à cet égard.
M. Reeder : Oui. En ce qui concerne les sciences et la technologie, des comités sont sur pied et nous allons étudier la question.
Le ministère doit examiner les nombreux domaines de coopération possibles, les étendre et les déléguer. Ce processus débutera avec la rencontre prévue demain. Des représentants d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et d'Industrie Canada seront de la partie, ce qui nous assure un large éventail d'intervenants.
Le sénateur Johnson : À mon avis, c'est dans ce contexte qu'on peut arriver à nouer une relation avec le Brésil. On se raccroche aux ressources et à ce qui fait rouler l'économie.
Avez-vous un commentaire à faire à ce sujet?
M. Reeder : Non. Je crois qu'il s'agit de domaines de coopération légitimes.
Le sénateur Johnson : Nous pouvons vraiment avoir des échanges, parce que nous sommes maintenant des partenaires égaux.
M. Reeder : L'amélioration de la relation ne se limite pas seulement aux deux gouvernements. Le secteur privé peut aussi y participer.
Le sénateur Johnson : Le Forum des PDG a été mis sur pied pour faire comprendre aux Canadiens que le Brésil est un joueur important, ce dont la majorité des Canadiens, selon moi, n'ont pas conscience.
Merci de votre exposé. Je crois que vous avez fait un excellent survol du sujet.
M. Reeder : Comme le sénateur l'a mentionné, le Brésil n'apparaît pas encore sur nos écrans radars. Il y a 15 ans, le Mexique se trouvait exactement dans la même position, et c'est maintenant un important partenaire du Canada. Si nous faisons abstraction des problèmes de violence, le Mexique fait maintenant partie du paysage canadien, en raison du commerce, des investissements, du tourisme, et cetera.
Le Brésil s'en vient bien à ce sujet, mais il n'est pas encore rendu au même point. Le gouvernement a le devoir de s'assurer que les Canadiens sont au courant des possibilités qui s'offrent à eux. Voilà, entre autres, la responsabilité du Forum des PDG.
La présidente : Je vais demander aux sénateurs de poser rapidement leurs questions, et aux témoins d'y répondre tout aussi rapidement, parce que le temps nous est compté. Je m'en excuse, mais c'est un problème récurrent en comité.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur Reeder et madame Harper, il me fait plaisir que vous soyez là. Le sénateur Downe a parlé, lors de son intervention, des relations entre la Chine et le Brésil. Comme vous le savez, la Chine est devenue le premier partenaire commercial du Brésil, et la part de la Chine dans les exportations brésiliennes est passée de 6 p. 100, en 2008, à 17 p. 100 aujourd'hui. Sans la Chine, je crois que le Brésil n'afficherait pas un excédent, mais un déficit commercial de 4 p. 100.
La situation est telle que certains observateurs vont jusqu'à dire que le Brésil est un marché dérivatif de la Chine. Qu'en pensez-vous? Est-ce que cela peut porter ombrage aux futures relations très étroites que l'on veut établir entre le Brésil et le Canada?
M. Reeder : Je dirais que nous ne sommes pas en compétition avec la Chine, mais il faut reconnaître que partout en Amérique latine, la Chine est très active, surtout du côté de l'investissement. Ce n'est pas juste au Brésil. On voit sa présence partout, même au Canada. C'est plutôt une question de reconnaître le fait que le Brésil est à la recherche d'autres marchés d'exportation que celui des États-Unis. C'est comme nous qui cherchons d'autres marchés, comme l'Amérique latine ou l'Asie-Pacifique, plutôt que de nous en tenir aux États-Unis. Dans ce sens, on a plus ou moins les mêmes objectifs que les Brésiliens.
Les Brésiliens veulent attirer l'investissement chinois dans leur pays, mais ils ont aussi certaines réticences vis-à-vis l'impact de cet investissement et la question des responsabilités sociales et corporatives. Est-ce que tous ces pays vont reconnaître et respecter les droits du travail et de l'environnement dans leurs investissements? C'est ce que nous demandons à nos investisseurs, surtout en Amérique latine, dans le secteur minier, par exemple.
C'est une question intéressante parce qu'il y a plusieurs parallèles entre le Canada et la Chine au Brésil. Je ne vois pas cela comme une concurrence. Le marché du Brésil est tellement grand qu'il y a de l'espace pour tout le monde. Le Canada est bien positionné, comme partenaire nord-américain, et je crois qu'il y aura beaucoup de possibilités pour notre pays dans le futur.
Susan Harper, directrice générale, Direction générale de la réglementation commerciale et des obstacles techniques, Affaires étrangères et Commerce international Canada : J'aimerais ajouter quelques mots. Je suis ici parce que je suis chef des discussions du commerce international. Mon titre ne le montre pas clairement, mais c'est la raison pour laquelle je suis ici, c'est-à-dire pour répondre aux questions sur les relations commerciales.
Ce qui est important de savoir concernant la Chine, c'est qu'elle cherche toujours des produits de base au Brésil. Ce n'est pas notre intérêt économique. Le Canada, tout comme le Brésil, a plusieurs forces dans les produits de base. Je pense que nos intérêts résident plutôt sur le plan des chaînes de valeurs. On n'est pas exactement le même type de partenaire économique.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Nous ne sommes pas en compétition.
[Traduction]
Le sénateur Wallin : Cela tombe à point, parce que je voulais avoir une définition ou un commentaire récapitulatif. Nous avons le Canada, un grand pays industrialisé, le Brésil, un grand pays qui se développe à la vitesse grand V, et les irritants que vous avez mentionnés, à savoir l'ego national des deux pays dont nous sommes conscients.
Croyez-vous que la visite du premier ministre a fondamentalement modifié la mentalité? Nous sentions une certaine réticence. Est-ce toujours le cas? Avons-nous fait disparaître cette barrière?
M. Reeder : Je dirais que oui. Nous éprouvions un grand respect pour le président Lula, mais nous ne l'avons jamais accueilli dans le cadre d'une visite bilatérale. La relation fonctionnait, mais pas autant qu'elle aurait dß.
J'ai oublié de mentionner que, pendant la visite, le premier ministre a invité la présidente du Brésil à venir au Canada au cours de la prochaine année, ce qu'elle a accepté. En fait, l'invitation a été lancée aux quatre leaders rencontrés pendant le voyage; ils ont tous accepté. C'est donc dire qu'en 2012 ou en 2013, ces leaders fouleront le sol canadien. C'est en 2012 que la présidente du Brésil visitera le Canada.
En tant que représentant, même si je me trouvais un peu en retrait de l'action, j'ai constaté une dynamique personnelle très positive. La présidente du Brésil veut vraiment renforcer la relation canado-brésilienne. Elle s'intéresse beaucoup à notre expérience dans divers domaines, bien au-delà du commerce et des investissements. Je crois que nous avons tourné la page sur une relation statique. La présence de quatre ministres dans le voyage est signe que notre gouvernement considère la relation avec le Brésil comme prioritaire.
Les Brésiliens ont également tourné la page de leur côté. Ils affirment que la relation avec le Canada est importante. Le Canada est en Amérique du Nord, mais il ne s'agit pas des États-Unis, et il ne s'agit pas non plus du Mexique. Le Brésil se dit donc qu'il peut travailler avec nous et qu'il doit régler les conflits. Nous pouvons, par exemple, demander à l'OMC de nous aider à y arriver, mais il ne faut pas les laisser miner ce qui pourrait devenir une importante relation.
Nous ne sentons de la réticence dans aucun secteur avec le gouvernement en place. Au contraire, regardez par vous- même la liste des domaines de collaboration. Selon moi, la relation canado-brésilienne connaîtra une expansion rapide au cours des cinq ou 10 prochaines années.
La présidente : Malheureusement, le temps nous presse, mais je crois que nous avons adéquatement couvert les éléments qui nous intéressaient relativement aux récents voyages et aux délégations.
Le sujet était assez chargé. L'une de nos préoccupations sera de trouver comment concrétiser les signes positifs en actions réelles sur le terrain. Cela ne veut pas forcément dire que nous allons signer un accord de libre-échange, mais il faut trouver ce que nous ferons concrètement et la forme que cela prendra. Notre objectif est de nous assurer que notre étude contribue à la poursuite de réalisations concrètes et bénéfiques pour nos deux pays.
Je retiens de la séance que vous nous avez affirmé que la relation conflictuelle entre les deux pays est chose du passé. Maintenant, il nous reste à voir comment en tirer profit. J'espère que notre étude et nos contributions donneront des pistes de solutions à cet égard.
Merci d'être venus témoigner et merci d'avoir dactylographié votre exposé. Mme Harper a peut-être été négligée au cours de la séance, mais je crois que nous pouvons vous consulter de nouveau si nous avons besoin de plus amples détails. Vous nous avez néanmoins fourni les renseignements généraux nécessaires pour poursuivre nos travaux.
Chers collègues, je vous remercie de votre coopération. Nous avons réussi. Notre séance se termine à l'heure, et le début de la prochaine séance ne sera pas retardé.
(La séance est levée.) |