LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
OTTAWA, le mercredi 29 janvier 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui à 16 h 15 pour étudier les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d’économie dans la région de l’Asie-Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d’autres questions connexes.
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[traduction]
La présidente: Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit pour poursuivre son étude des conditions de sécurité et des faits nouveaux en matière d’économie dans la région de l’Asie-Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d’autres questions connexes.
C’est avec grand plaisir que nous accueillons le représentant de Manufacturiers et Exportateurs du Canada, Mathew Wilson, vice-président, Politique nationale, et Ron Bonnett, président de la Fédération canadienne de l’agriculture. Bienvenue au comité. Vous connaissez la procédure, car vous avez tous deux témoigné devant beaucoup de comités. Nous sommes impatients d’entendre vos déclarations préliminaires portant sur la région de l’Asie-Pacifique et les effets des relations avec cette région sur vos organisations et la politique étrangère du Canada dans la région. Par la suite, mes collègues vous poseront peut-être des questions.
Monsieur Wilson, je vous en prie.
Mathew Wilson, vice-président, Politique nationale, Manufacturiers et Exportateurs du Canada: Merci beaucoup, mesdames et messieurs, de m’avoir invité au comité aujourd’hui. Je suis très heureux de représenter ici les 10 000 membres de Manufacturiers et Exportateurs du Canada pour discuter des perspectives commerciales offertes dans la région de l’Asie-Pacifique.
MEC est la plus importante association industrielle et commerciale du Canada avec des bureaux dans toutes les provinces du pays, et un de ses membres est président de la Coalition des manufacturiers du Canada, qui représente 55 associations industrielles, 100 000 entreprises et près de 2 millions d’employés dans l’ensemble du pays. Plus de 85 p. 100 des membres de MEC appartiennent aux secteurs des PME représentant presque tous les secteurs industriels et tous les secteurs d’exportation des diverses régions du pays. On estime que le réseau de membres de MEC réalise 82 p. 100 de la totalité de la production manufacturière et 90 p. 100 des exportations canadiennes.
Le secteur manufacturier est le secteur commercial le plus important au Canada. Ses ventes ont totalisé environ 600 milliards de dollars en 2013, ce qui représente 13 p. 100 de l'activité économique au pays. Les manufacturiers emploient directement environ 1,8 million de travailleurs qui occupent des emplois à valeur ajoutée et qui sont très productifs et très bien payés. Ils ont recours indirectement à des centaines de milliers de travailleurs supplémentaires dans les secteurs de services connexes. Ils jouent un rôle indispensable dans la création de richesse pour soutenir le niveau de vie de tous les Canadiens. Les industries manufacturières modernes sont tributaires des exportations. Plus de la moitié de la production industrielle du Canada est directement exportée dans les chaînes d’approvisionnement mondiales et de la fabrication intégrée ou sous forme de produits de consommation finis dans toutes les catégories imaginables.
Au vu de l’évolution de l’économie mondiale et de sa mondialisation accrue, il est de plus en plus important que les manufacturiers canadiens diversifient leur clientèle et puissent davantage soutenir la concurrence à l’échelle mondiale. Plus les manufacturiers investissent dans l'innovation, plus ils deviennent souples et se spécialisent pour servir des marchés à créneaux, plus ils doivent se tourner vers le marché international pour trouver des clients, des fournisseurs et des partenaires d'affaires.
Bien que la plupart des entreprises canadiennes continuent de se concentrer sur les marchés du Canada et des États-Unis, et continueront de le faire à l’avenir, nous devons tenir compte du fait que de plus en plus de nos membres veulent profiter des nouveaux débouchés qui s'offrent à eux à l’extérieur du marché de l’ALENA. Les entreprises cherchent de nouveaux marchés, elles cherchent des investisseurs potentiels au Canada ou des possibilités d'investissements à l'étranger, et elles cherchent aussi des fournisseurs de services dans le monde et des employés qualifiés.
C’est en raison de ces possibilités que MEC et nos membres ont appuyé fermement le programme commercial dynamique et exhaustif du gouvernement — un programme qui doit non seulement éliminer les barrières tarifaires mais aussi les mesures non tarifaires qui limitent le commerce et aussi l’investissement. C’est pourquoi MEC appuie fermement l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne et incite le gouvernement à continuer d’ouvrir complètement de nouveaux marchés pour les exportateurs canadiens à valeur ajoutée, particulièrement par le biais des efforts multilatéraux tels que le Partenariat transpacifique et des initiatives bilatérales en cours dans la région de l’Asie-Pacifique, notamment en Inde, au Japon et en Corée du Sud.
MEC croit, par exemple, que l’adhésion au PTP est une étape essentielle pour l’industrie canadienne vu que ce partenariat peut très bien devenir le principal catalyseur d’une plus grande libéralisation du commerce dans la région de l’Asie-Pacifique et établir la norme des futurs accords commerciaux multilatéraux. Actuellement, l’ensemble du marché de cette région représente plus de 650 millions de consommateurs et plus de 20 billions de dollars en PIB, offrant à l’industrie canadienne une énorme possibilité d’augmenter les exportations à valeur ajoutée et de diversifier les marchés.
À la lumière de l’importance économique croissante de la région, il est impérieux de renforcer stratégiquement les relations du Canada avec cette région dans les domaines du commerce et de l’investissement au moyen d’un accord commercial multilatéral fondé sur des règles. Un cadre multilatéral tel que le PTP permet au Canada d’inciter tous les pays à viser les mêmes objectifs ambitieux qu’il s’est fixés dans ses négociations. Le PTP peut aussi s’avérer utile pour défendre davantage nos intérêts en renforçant les relations bilatérales que nous entretenons avec plusieurs acteurs importants au sein du PTP, y compris les États-Unis et le Mexique.
MEC a collaboré avec le gouvernement pour s’assurer que les négociateurs aient comme objectif un accord de libre-échange régional à la fois ambitieux et de haut niveau qui couvre un large éventail de secteurs liés au commerce et à l’investissement. L’objectif de MEC n’est pas d’obtenir à tout prix un accord de libre-échange, mais plutôt un accord exhaustif qui offrirait aux manufacturiers et exportateurs de tout le Canada — les principaux moteurs de notre économie — des retombées économiques nettes démontrables.
Bien que MEC et nos membres aient dressé une liste détaillée de points précis favorisant la réussite du PTP et d’autres accords commerciaux dans la région, tels que la rationalisation des exigences prévues par les règles d’origine visant les manufacturiers nord-américains et le renforcement des recours commerciaux et des protections liées à la propriété intellectuelle et à l’investissement, je me concentrerai sur quatre aspects qui nous semblent essentiels à l’obtention de résultats positifs dans le commerce avec la région de l’Asie-Pacifique et à la croissance des exportations à valeur ajoutée dans la région. Ces quatre aspects sont: les politiques en matière de marchés publics; les obstacles réglementaires; les déplacements des gens d’affaires; l’amélioration des mécanismes pour appuyer les exportations des PME.
Premièrement, l’amélioration de l’accès aux marchés publics est un élément clé que le Canada doit préconiser dans toutes les négociations commerciales. MEC soutient la conclusion d’un accord qui assurera des marchés publics ouverts, transparents, non discriminatoires et efficaces tant à l’échelle nationale que sous-nationale. L’accès des entreprises canadiennes aux marchés publics étrangers est trop souvent limité, alors que les concurrents étrangers ont pleinement accès aux marchés publics du Canada. Les exportateurs canadiens de biens et services devront avoir accès aux nouveaux marchés publics pour que les échanges commerciaux avec l’Asie-Pacifique soient fructueux.
Deuxièmement, son effet est trop souvent négligé dans le commerce international, mais la réglementation détermine souvent si les entreprises canadiennes vont pouvoir vendre des produits à valeur ajoutée à l’étranger ou si elles seront totalement exclues du marché. Étant donné que l’OMC interdit les restrictions flagrantes à l’accès au marché, des pays ont de plus en plus recours à la réglementation pour promouvoir les fabricants locaux et limiter la concurrence étrangère. Les mesures réglementaires peuvent varier considérablement et entraîner diverses exigences, comme des essais précis qui durent cependant des mois. Les compagnies membres de notre organisation se plaignent surtout des règlements qui changent constamment, des modifications des exigences douanières en matière de conformité et de déclaration ainsi que la mise en vigueur soudaine de normes de santé et de sécurité lors de la commercialisation d’un nouveau produit. Les grandes compagnies sont souvent en mesure de relever ces défis. Ça peut leur coûter cher, mais elles peuvent souvent surmonter ces problèmes si le marché est rentable. Pour les PME, contourner ces obstacles réglementaires, c’est souvent trop complexe et trop coûteux. Par conséquent, les accords commerciaux doivent essayer d’aligner le plus possible les normes réglementaires sur les normes industrielles reconnues mondialement. La réglementation devrait être harmonisée dans la mesure du possible, et les modalités en matière d’essais et d’homologation devraient être et pour le Canada et pour les pays de la région de l’Asie-Pacifique.
Troisièmement, les déplacements des gens d’affaires qui entrent au Canada ou en sortent constituent un enjeu de plus en plus important pour favoriser le succès sur la scène internationale. Manufacturiers et Exportateurs du Canada réussissent en ajoutant de la valeur aux chaînes d’approvisionnement mondiales. Une part croissante de cette valeur provient des services rattachés aux produits qu’ils fabriquent; de la recherche-développement qu’ils font en commun; des travaux de conception et d’ingénierie qu’ils mènent avec des partenaires étrangers; enfin, des services après-vente et de l’assistance continue offerts à la clientèle. Pour réussir, les gens d’affaires doivent pouvoir se déplacer facilement pour se rendre chez les clients, les fournisseurs et d’autres partenaires commerciaux. C’est crucial pour améliorer la performance commerciale d’un pays sur le plan international et faciliter l’établissement des relations sur lesquelles repose l’expansion future des activités commerciales. Il faut offrir aux gens d’affaires canadiens et à leurs homologues étrangers un traitement des demandes de visa plus rapide lorsqu’ils sont appelés à faire des voyages d’affaires. Ils devraient bénéficier d’un tel traitement non seulement pour les voyages d’affaires normaux, mais aussi pour les voyages liés au service après-vente et à d’autres activités commerciales.
Finalement, je dois mentionner le soutien qu’il faut absolument offrir aux petites et moyennes entreprises qui veulent se tailler une place dans les marchés mondiaux. Lors de mes déplacements dans le pays pour rencontrer des manufacturiers et des exportateurs et parler de leurs priorités professionnelles, j’entends dire, même de la part d’exportateurs chevronnés, qu’il est difficile de vendre à l’étranger. Les entreprises qui n’ont jamais exporté ont du mal à imaginer qu’elles puissent vendre des produits à la Chine, à l’Inde, au Japon ou même à l’Australie, et à plus forte raison à le faire.
La nouvelle stratégie commerciale mondiale du Canada — MEC a contribué à son élaboration et l’appuie entièrement — annoncée par le ministre du Commerce l’automne dernier, est un excellent point de départ pour relever le défi et s’assurer que les mécanismes de soutien nationaux du Canada correspondent aux besoins des entreprises.
Mais ce n’est qu’un premier pas, et avec la collaboration du secteur privé et de gouvernements, on peut faire beaucoup plus. Nous devons soutenir les entreprises et leur donner les moyens de découvrir les débouchés commerciaux internationaux et d’élaborer des stratégies pour saisir ces possibilités. Sans le soutien et l’encouragement indéfectibles des gouvernements fédéral et provinciaux, ainsi que ceux d’organisations comme MEC, les entreprises canadiennes ne tireront pas parti des débouchés internationaux que leur offrent les nouveaux accords de libre-échange. Par exemple, on pourrait mettre en œuvre un programme de recrutement d’experts du commerce et des affaires pour aider les entreprises à élaborer des stratégies commerciales internationales et reconnaître le plein potentiel offert par la pénétration du marché mondial.
Je conclus en disant que MEC reconnaît et applaudit le rôle de premier plan que joue le gouvernement pour aider les manufacturiers et exportateurs canadiens à prendre de l’expansion dans les marchés mondiaux grâce à des accords qui ouvrent l’accès aux marchés étrangers aux exportateurs canadiens et, réciproquement, celui de nos marchés aux exportateurs étrangers. L’Asie-Pacifique représente, pour les exportateurs canadiens, un potentiel énorme dans de nombreux secteurs; toutefois, la pénétration fructueuse de ces marchés passe par la capacité des entreprises à réussir dans n’importe quel autre marché du monde. Le Canada doit mettre les bouchées doubles dans le cadre des ALE pour atteindre un objectif très ambitieux, tel que celui visé dans l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne: s’assurer que les biens et services à valeur ajoutée peuvent être exportés efficacement dans toute la région de l’Asie-Pacifique. Cela accroîtra la production, les ventes à l’exportation et les niveaux d’investissement de l’industrie canadienne au pays.
Merci de m’avoir invité à comparaître devant le comité aujourd’hui. Je suis impatient d’entamer la discussion.
La présidente: La parole est à la Fédération canadienne de l’agriculture.
Ron Bonnett, président, Fédération canadienne de l’agriculture: Merci de votre invitation à comparaître devant le comité. Nombreux sont ceux parmi vous qui savent que la Fédération canadienne de l’agriculture représente des agriculteurs de toutes les régions du pays et de toutes les provinces qui cultivent une variété de produits. Nous participons activement aux discussions pour que le secteur soit rentable, dynamique et viable. Nous représentons environ 200 000 agriculteurs partout au pays.
En matière de commerce international, l’agriculture est essentielle à notre pays, car sa contribution ne s’arrête pas aux fermes. Les emplois liés à la transformation, à la fabrication, au transport et à la distribution sont le fondement de l’activité économique du Canada. L’agriculture et l’agroalimentaire constituent des éléments importants de l’économie canadienne. Ils emploient environ 2,1 millions de personnes dans les régions rurales et urbaines du Canada, représentant 8 p. 100 du PIB.
Afin de poursuivre dans cette voie, les agriculteurs doivent disposer des outils stratégiques et du cadre appropriés. Il faut que les politiques gouvernementales prennent en compte le fait que l’agriculture canadienne évolue dans un environnement mondial et doivent répondre aux besoins alimentaires du Canada. Par conséquent, la FCA appuie les efforts du Canada visant à favoriser l’accès aux marchés de nos marchandises destinées à l’exportation et à faire en sorte que les négociations débouchent sur des résultats positifs pour tous les agriculteurs.
La FCA croit que, si elle fonctionnait correctement, l’OMC permettrait de conclure certains de ces accords. Or, elle a fait preuve d’une telle impuissance ces dernières années que plusieurs pays ont choisi de négocier des accords bilatéraux et multilatéraux. Toutefois, au regard des progrès accomplis en décembre à Bali, nous devrions continuer à accorder la priorité à la conclusion d’un accord multilatéral.
Compte tenu de l’intérêt commercial manifesté pour l’Asie — je pense au récent accord avec l’Europe et l’accord de libre-échange toujours en vigueur avec les États-Unis —, le moment est venu de cibler le marché asiatique.
Cette région compte plusieurs anciennes économies comme le Japon et la Corée du Sud, ainsi que les deux plus grands pays en développement: la Chine et l’Inde. L’économie de l’ensemble de la région, qui représente 18,5 billions de dollars, est la deuxième au monde après celle de l’Union européenne. Compte tenu de la croissance économique considérable qu’elle a enregistrée ces deux dernières décennies, l’économie de la région sera dans un proche avenir la plus importante au monde.
L’Asie offre d’énormes débouchés commerciaux à l’agriculture canadienne. Sa population d’environ 4,3 milliards correspond à 60 p. 100 de la population mondiale actuelle. Un vaste pourcentage de la population vit dans des pays en développement où les revenus disponibles augmentent. Avec l’enrichissement de la région, les habitudes de consommation changent, et on constate des demandes accrues de protéines animales et de blé.
Ces facteurs nous permettent de croire que des possibilités énormes s’offrent pour les exportations canadiennes de viande et de produits de viande, de grains, d’oléagineux et de légumineuses vers l’Asie. De plus, en raison de la diversité culturelle et gastronomique de la région, il y a de fortes chances que le Canada pénètre d’autres marchés de la région.
L’Asie est actuellement le plus grand marché d’exportation du Canada après les États-Unis. La région a importé en 2012 près de 12 milliards de dollars de produits agricoles et alimentaires. La majeure partie — soit 9 milliards de dollars — a été achetée par la Chine et le Japon. Même si ces chiffres sont importants, la part du marché d’exportation asiatique détenue actuellement par le Canada est petite, ne représentant que 3 p. 100 des importations totales de produits agricoles et alimentaires en Asie. Il est clair que le Canada a d’innombrables possibilités de renforcer sa présence dans la région.
Notre organisation est d’avis que les négociations du Partenariat transpacifique constituent une occasion importante d’accroître le volume des exportations agricoles canadiennes à destination de cette région. Ces négociations, auxquelles participent déjà 12 pays riverains du Pacifique, touchent presque 40 p. 100 du commerce mondial.
Beaucoup de pays de l’Asie-Pacifique ne font cependant pas partie du PTP. Ils ont exprimé leur intérêt ou ils étudient les possibilités qui leur seront offertes quand ils adhéreront à l’accord. Alors, pour les producteurs canadiens, la portée et l’importance du partenariat seront considérablement accrues.
Voici un autre avantage du Canada par rapport au PTP: les producteurs canadiens seront sur le même pied d’égalité que leurs homologues américains, australiens et néo-zélandais au niveau de l’accès au marché asiatique. Je donne quelques détails à ce sujet: dans les accords commerciaux bilatéraux conclus, nous constatons que, si vous n’y avez pas adhéré, vous êtes alors exclus, et il devient donc de plus en plus difficile d’essayer d’être traité sur un même pied d’égalité.
Le Canada est en train de négocier un accord bilatéral avec le Japon et a récemment repris les négociations avec la Corée du Sud, qui étaient interrompues depuis un bon moment. Deux raisons nous portent à croire qu’il est important de mener à bien ces négociations. Tout d’abord, en Corée du Sud, le Canada perd rapidement sa part de marché aux mains des Américains, car les États-Unis et la Coré du Sud ont conclu un accord de libre-échange donnant un accès préférentiel aux produits américains. Notre industrie porcine en a particulièrement souffert. Ensuite, dans le cas où les négociations du PTP seraient retardées, la conclusion d’un accord de libre-échange avec ces pays placerait le Canada dans une position avantageuse.
Les négociations avec l’Inde avancent lentement, mais il s’agit d’un marché énorme pour les grains canadiens et, entre autres, pour les légumineuses à grains. Cependant, en tant que partenaire commercial, l’Inde a coutume de modifier les règles du jeu de semaine en semaine, et il nous faut des règles claires et stables pour garantir notre accès au marché.
Certains problèmes clés devront être réglés. Comme l’a dit M. Wilson, il ne s’agit pas seulement de réduire ou d’éliminer les tarifs douaniers. Nombre de nos partenaires commerciaux ont tout simplement remplacé les droits de douane par des mesures non tarifaires. Dans de nombreux cas, ces obstacles sont aussi difficiles à surmonter que les tarifs élevés qui étaient là auparavant. Pour que les producteurs canadiens puissent profiter pleinement des débouchés commerciaux qui s’offrent à eux, il faut négocier des accords commerciaux qui tiennent compte des mesures non tarifaires formant, en réalité, des obstacles commerciaux dissimulés.
L’établissement de relations est un autre aspect important de la pénétration du marché asiatique. Au fil des ans, la FCA a rencontré de nombreux regroupements d’agriculteurs de cette région, notamment en raison de notre association avec des organismes internationaux tels que la World Farmers Organization ou de notre participation à des activités internationales réunissant des agriculteurs. S’il y a une chose que nous avons retenue de ces rencontres, c’est qu’il faut absolument tisser des liens durables pour maintenir la relation avec les pays asiatiques. Ils accordent beaucoup d’importance aux liens qu’ils nouent avec les personnes. C’est dans cette optique que nous encourageons les organisations canadiennes à établir des liens à long terme avec leurs homologues asiatiques. C’est un aspect essentiel de l’accession aux marchés de cette région du monde. Par exemple, à cette fin, les partenariats avec des universités ou des organisations étudiantes et les échanges d’étudiants peuvent être utiles. Bref, il s’agit de nouer des liens afin d’instaurer un climat de confiance pour la suite des choses.
À titre d’exemple, notre organisme interagit beaucoup avec une organisation japonaise d’agriculteurs. Au cours des deux dernières années, les Japonais m’ont invité chez eux pour parler du Partenariat transpacifique et du partenariat Canada-Japon, un exercice qui a entre autres permis la création de liens avec l’Université McGill. Les relations de ce type sont d’une importance cruciale.
La dernière chose qu’il convient d’examiner est la compétitivité de notre infrastructure, et c’est une question qu’il nous faudra régler au Canada, à l’interne. Dans l’Ouest canadien, la récolte actuelle de grains est la meilleure qu’on ait vue, mais elle est coincée dans le goulot d’étranglement formé par le système ferroviaire, les élévateurs et les bateaux qui partent de Vancouver.
Nous devons prendre le temps de porter un regard stratégique sur la façon de conjuguer les efforts de tous les intervenants de la chaîne. Il faut que l’infrastructure nécessaire soit au rendez-vous, de l’entreposage aux services d’inspection en passant par le transport et l’expédition. C’est ainsi que nous pourrons tirer parti des marchés qui sont là-bas.
En conclusion, j’estime que le marché de l’Asie offre aux agriculteurs canadiens certains des meilleurs débouchés commerciaux au monde. Or, pour en profiter, nous devons nouer des relations avec ces pays, nous doter de l’infrastructure nécessaire et régler la question des obstacles non tarifaires.
Le président: Je suis au fait des questions d’agriculture qui touchent ma province, la Saskatchewan, alors je ne poserai pas les questions que je poserais normalement.
Monsieur Wilson, vous avez abordé un certain nombre d’enjeux relatifs à l’accès et au savoir-faire professionnel. La liste est longue et très utile, mais c’est la même que pour les autres régions du monde. Quels sont les aspects particuliers à l’Asie que nous devrions vraiment explorer?
M. Wilson: Dans l’optique des quatre priorités et de ce qui est différent, si j’avais à mettre le doigt dessus comme l’a fait Ron, je dirais qu’à l’échelle mondiale, les marchés asiatiques sont parmi ceux qui profitent le mieux des obstacles non tarifaires pour empêcher les produits étrangers d’entrer. Il arrive à nos amis du Sud d’être également très habiles avec ces mesures, mais presque tous les pays d’Asie s’en servent de façon très agressive pour bloquer l’accès. Ils recourent à cette fin à des mesures pour freiner les déplacements humains ou à des obstacles réglementaires, comme Ron et moi l’avons souligné. Ce sont ces dispositions qui empêchent les produits de se retrouver sur les marchés étrangers. En matière de commerce, le Canada passe pratiquement pour un boy-scout au sein de la communauté internationale. Nous ne prenons pas ce genre de mesures et nous croyons que cela va améliorer notre sort. Mais ne pas jouer selon les mêmes règles que les autres pays nuit aux exportateurs canadiens. Nos membres nous disent qu’il s’agit là de la différence la plus importante, et leurs plaintes portent souvent là-dessus. Dans nombre de cas, ce sont nos matières premières qui les intéressent — les matières qui leur permettront de fabriquer des produits finis qu’ils pourront revendre sur les marchés nord-américains. Qu’il s’agisse d’aliments ou d’appareils BlackBerry, nos produits finis ne les intéressent pas autant. Voilà la principale différence entre l’Asie et les autres marchés.
M. Bonnett: J’ai un bref commentaire à faire au sujet des barrières non tarifaires. Leur existence confirme qu’il faut des normes internationales pour un certain nombre d’enjeux, que ce soit la présence d’une faible concentration d’OGM, la santé des animaux ou les inspections. Nous devons nous doter de normes internationales reconnues et applicables pour rendre le commerce prévisible.
[français]
La sénatrice Fortin-Duplessis: En tout premier lieu, M. Wilson, je veux vous souhaiter la bienvenue même si on l'a fait tout à l'heure avant de commencer. En tant que vice-président des manufacturiers, j'aurai quelques questions à vous poser. Notre comité effectue une étude spéciale sur les liens commerciaux et sécuritaires qu'entretiennent le Canada et la région d'Asie-Pacifique.
En tout premier lieu, j'aimerais connaître votre opinion sur les possibilités d'affaires en Birmanie. Le Parlement birman étudie un large éventail de lois visant à accroître l'investissement étranger, et ce, dans différents secteurs d'activités.
Dépendamment de l'orientation de ces réformes, croyez-vous que les entreprises canadiennes qui font partie de votre organisme auront l’occasion de prendre part au développement manufacturier, là-bas en Birmanie? Est-ce que vous recommanderiez à vos membres d'étudier ces possibilités d'affaires en Birmanie? J'aurai une autre petite question à vous poser ensuite.
[traduction]
M. Wilson: Voilà une excellente question, mais ma réponse ne sera probablement pas à la hauteur de vos attentes. En réalité, les entreprises qui examinent les débouchés ont tendance à envisager ceux des marchés plus importants, plus haut de gamme. Pour dire vrai, la Birmanie ne pourrait faire partie des 50 premiers pays que si on trouvait un produit-créneau à y exporter. Les entreprises s’intéressent à l’Asie-Pacifique: la Corée du Sud, la Chine, l’Inde, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Vietnam et Singapour. La Birmanie se retrouve loin derrière. Il y a tellement peu d’entreprises qui exportent vers ces marchés qu’il faudrait un créneau unique et tout à fait spécial pour que quelqu’un se décide à passer à l’action.
Comment doit-on présenter ces débouchés aux entreprises pour qu’elles comprennent la possibilité de croissance qu’offrent ces marchés et qu’elles profitent du commerce et des réformes qui sont le lot de pays comme la Birmanie? Comment pouvons-nous mieux présenter cette information aux entreprises? Malgré les meilleures intentions du gouvernement, les entreprises ont de la difficulté à l’heure actuelle à obtenir de l’information, et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Il n’est pas facile d’acheminer cette information jusqu’à elles. Je sais que ma réponse est un peu décevante par rapport à ce que vous souhaitiez, mais ce marché serait difficile à percer pour beaucoup d’entreprises, étant donné la faible présence des entreprises en général en Asie-Pacifique.
[français]
La sénatrice Fortin-Duplessis: Selon vous, parce que vous représentez justement des manufacturiers qui font affaire avec EDC, croyez-vous que EDC pourra accroître ses effectifs — et je ne parle pas que de la Birmanie —, par exemple, à Djakarta? Vous connaissez la façon dont ils s’impliquent et leur volonté d'aider nos entrepreneurs canadiens; pensez-vous que cela restera comme tel ou pourrait-il y avoir beaucoup plus d'effectifs?
[traduction]
M. Wilson: Votre question portait-elle spécifiquement sur EDC? C’est ce que nous dit l’interprétation, mais je ne crois pas que votre question portait là-dessus.
[français]
La sénatrice Fortin-Duplessis: Oui, ceci concerne EDC. Comme les manufacturiers que vous représentez font souvent affaire avec EDC pour obtenir des prêts, et cetera, avez-vous eu connaissance ou pensez-vous que EDC va accroître ses effectifs dans la région de l'Asie-Pacifique, comme elle l'a fait à Djakarta?
[traduction]
M. Wilson: Je ne connais par les plans exacts d’EDC en ce qui concerne l’Asie-Pacifique. EDC est un outil important pour n’importe quel produit expédié à l’étranger. Nous travaillons en étroite collaboration avec cet organisme pour faire connaître ces débouchés et pour aider les entreprises à trouver des outils qui leur permettront d’exporter.
La rétroaction que nous recevons de nos membres au sujet des services d’EDC d’un bout à l’autre du pays et dans tous les marchés est en grande partie favorable. Nous essayons toujours d’inciter EDC à envisager les nouveaux marchés et les marchés émergents. Il faudrait que j’examine son portefeuille de plus près, mais je présume que les trois quarts de ses activités portent sur des exportations en direction des États-Unis et de l’Europe occidentale. Nous essayons toujours de travailler avec cet organisme pour dynamiser notre présence sur les marchés en développement et pour aider les entreprises qui souhaitent s’investir en Afrique, en Asie, en Amérique centrale ou en Amérique du Sud, où les risques sont plus grands. Nous travaillons avec les gens d’EDC et ils sont en général assez ouverts, mais ils pourraient toujours faire mieux, comme le gouvernement en général.
Le sénateur Downe: Monsieur Wilson, comme l’avaient fait les gouvernements précédents, le gouvernement actuel a souligné à juste titre que nous nous fions énormément aux États-Unis pour nos exportations. C’est la raison pour laquelle nous avons conclu aussi rapidement que possible des ententes commerciales avec de si nombreux pays. Mais notre balance commerciale n’a pas beaucoup changé.
Nous avons cerné des perspectives commerciales, mais j’aimerais savoir ce que vous conseilleriez au gouvernement et à notre comité. Comment pouvons-nous aider les entreprises canadiennes et les Canadiens à profiter de ces perspectives? Je pense par exemple à notre déficit commercial avec le Pérou qui a bondi à peine deux ans et demi après la signature de l’accord. Le gouvernement péruvien a préparé sa population à la conclusion de cet accord. Y a-t-il quelque chose que nous aurions dû faire et que nous n’avons pas fait? Avez-vous des conseils à nous donner à ce sujet?
M. Wilson: Cette dépendance commerciale à l’égard des États-Unis est toujours présentée comme étant une tare. Il s’agit du marché le plus riche de la planète. Il est beaucoup question de l’Asie et de tous ces autres endroits. Je ne crois pas qu’être dépendants des États-Unis soit une si mauvaise chose. Notre commerce avec eux nous réussit bien. Si vous faites abstraction de certains secteurs comme celui de l’automobile — qui est complètement intégré à celui des États-Unis, et ce, depuis près de 50 ans — et celui de l’énergie, notre dépendance générale à ce marché diminue considérablement. Je crois que cette dépendance est souvent exagérée. J’estime que les gens comprennent mal ce qu’elle est vraiment et pourquoi elle peut être envisagée comme étant bonne ou mauvaise. Nous la voyons d’un bon œil, mais nous comprenons aussi que les marchés étrangers nous donnent la possibilité d’accroître nos exportations vers de nouvelles régions, de grandir ailleurs qu’aux États-Unis.
Quels sont les outils? Tous nos échanges se font maintenant avec le Cabinet du ministre et les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Vous avez signé un accord formidable qui profitera à la plupart des secteurs de l’économie canadienne. Que pouvons-nous faire dès aujourd’hui et au cours des deux prochaines années pour aider les entreprises d’ici à s’investir là-bas? Car si l’on attend que l’accord entre en vigueur — ce qui, nous l’espérons, arrivera plus tôt que plus tard —, nous serons perdants. Nous aurons affaire à un accord commercial à sens unique et le Canada sera inondé de produits de toutes sortes: des produits agricoles, des produits manufacturés, du pétrole, du gaz, et tout le reste. Nous travaillons très fort en ce sens.
Pour ce qui est des PME, une chose que nous avons fait valoir — et l’on trouve des exemples de ce genre de programmes dans tout le pays —, est la possibilité d’obtenir une entente de partage des coûts avec le gouvernement. Cela se fait à court terme dans d’autres secteurs. Pour une PME qui essaie d’exporter, serait-il possible que le gouvernement assume, pendant une courte période, la moitié des coûts d’embauche d’un expert en commerce qui élaborerait un plan d’affaires visant la croissance de l’entreprise? Une fois cette période terminée, on pourrait s’attendre à ce que le côté exportations prenne son envol et génère suffisamment de revenus pour permettre à l’entreprise elle-même d’embaucher à plein temps le spécialiste aux fins de mentorat et d’orientation. Serait-il possible de concentrer certaines ressources du secteur privé? Ce n’est pas au gouvernement à régler ce problème, mais bien au Canada tout entier. Nous savons d’après nos membres qui sont les principaux joueurs en matière d’exportations. Bon nombre d’entre eux sont des PME ou, parfois, certaines grandes entreprises. Est-il possible d’aider les PME et d’autres entreprises qui n’ont peut-être pas beaucoup d’expérience en matière d’exportations? Pouvons-nous leur fournir des mentors pour que nous puissions travailler avec elles en évitant que ce soit le MEC ou un délégué commercial qui essaie de les aider et en faisant en sorte que l’aide vienne plutôt d’un collègue voisin qui travaille peut-être dans un autre secteur? Voilà le genre de choses que nous essayons de mettre au point avec le gouvernement et qui, selon nous, sont d’importants outils. Nous essayons de travailler avec les EDC et les BDC de ce monde et avec d’autres organismes susceptibles de stimuler les exportations, plutôt que de les voir se faire concurrence pour retenir l’attention des exportateurs. Nous essayons de les regrouper dans un réseau pour aider les exportateurs à faciliter les occasions d’affaires et pour améliorer l’offre d’information à leur intention.
Nous essayons de faire beaucoup en ce sens et nous le faisons avec dynamisme. Mais nous devons faire plus en tant que pays pour amener les entreprises à profiter de ces débouchés. Je suis tout à fait d’accord, et je crois que les occasions de nous améliorer ne manquent pas.
Le sénateur Oh: Messieurs Wilson et Bonnett, soyez les bienvenus au comité. Avez-vous l’habitude de recevoir des missions commerciales en provenance de la région de l’Asie-Pacifique?
M. Wilson: Nous en avons reçu quelques-unes. Nous essayons de faire plus à cet égard. C’est quelque chose que nous avions l’habitude de faire il y a longtemps, au cours de notre histoire. Nous avons déjà été l’Association des exportateurs canadiens et nous travaillions de très près avec les missions commerciales entrantes et sortantes. Nous commençons à consacrer beaucoup plus de temps à cela. En fait, nous travaillons actuellement avec le MAECI pour organiser une série de missions commerciales entrantes et sortantes pour le compte de cadres supérieurs d’entreprises, tant en Asie que dans l’ensemble de l’Europe. Nous nous investissons davantage en ce sens. Ce n’est pas assez, mais nous faisons plus.
Le sénateur Oh: Très bien. Je reçois toujours des missions en visite. Je vous contacterai.
M. Wilson: Très bien. Je serais ravi de travailler avec vous.
Le sénateur Oh: Lorsqu’il s’agit de la région de l’Asie-Pacifique, je sais qu’il y a habituellement beaucoup d’investisseurs. Vous avez dit être à la recherche d’investisseurs qui viendraient ici. Nous en avons eu un nombre considérable l’an dernier. Vous avez mentionné des investissements de l’ordre de 2 milliards de dollars américains. À l’heure actuelle, une bonne partie de ces investissements aboutit dans les pièces d’automobiles, car la Chine est maintenant le plus important marché mondial dans le domaine de l’automobile et elle a besoin de toutes les pièces qu’elle peut se procurer. La Chine compte maintenant beaucoup plus de voitures que les États-Unis. Croyez-vous que les Chinois viennent ici non seulement pour investir, mais aussi pour expédier le matériel ici afin de faire baisser les coûts de fabrication au Canada et les coûts de ce que nous exportons aux États-Unis, en Europe, puis en Chine?
M. Wilson: Oui, je suis d’accord. Je crois aussi que les Chinois investissent au Canada pour s’approcher des constructeurs automobiles américains. Beaucoup d’investissements en Chine et dans les autres pays d’Asie-Pacifique sont faits par Ford, GM et Chrysler, soit les constructeurs traditionnels nord-américains, par l’entremise de leurs alliances mondiales. Normalement, lorsque l’une de ces entreprises prend d’assaut le marché international, sa chaîne d’approvisionnement la suit. Magna, par exemple, a une forte présence sur l’échiquier mondial, parce qu’elle suit sa clientèle et la chaîne d’approvisionnement dont elle fait partie, et c’est probablement pourquoi les fabricants de pièces chinois, japonais et sud-coréens investissent au Canada, aux États-Unis et au Mexique. Ils veulent s’assurer d’implanter les maillons des chaînes d’approvisionnement dont ils ont besoin non seulement dans leur pays, mais aussi dans ces marchés. Pour beaucoup de constructeurs automobiles, la production des pièces automobiles et leurs rapports sont probablement un véritable défi. Je suis tout à fait d’accord avec vous.
Le sénateur Oh: L’an dernier, ces investisseurs avaient déjà conclu trois ententes. Ils sont dans le marché, et ils investissent donc ici, ce qui est bon signe. Cela permet à notre industrie automobile de maintenir sa vitesse lorsqu’il y a un ralentissement.
Le sénateur Demers: Merci de votre déclaration très intelligible. J’ai deux questions qui s’adressent à qui aura envie d’y répondre. Quels pays d’Asie-Pacifique offrent aux entreprises canadiennes les meilleures occasions d’investissement? Quels pays d’Asie-Pacifique sont les principales sources d’IDE au Canada?
M. Wilson: Ce ne sont pas des questions faciles à répondre. Pour ce qui est des investissements extérieurs, j’aurais besoin d’avoir les chiffres, mais j’imagine que c’est en Chine que la majorité des investissements provenant du Canada se font, parce que ce sont les occasions d’investissement dans ce pays qui font le plus les manchettes. Je crois que d’autres marchés, notamment certains marchés plus en développement d’Asie-Pacifique, comme le Vietnam ou Singapour, verront augmenter leur part des investissements. Je prévois la même situation en Inde, à mesure que le marché continuera son évolution. La Chine remporte la palme, selon moi, avec une bonne longueur d’avance, et la situation se maintiendra probablement, et ce, purement en raison de la grosseur du marché. Pendant que des changements démographiques continueront de s’opérer en Chine, la classe moyenne aisée connaîtra une croissance en Inde et ailleurs. L’Inde devrait détrôner la Chine d’ici environ 2025. Il y aura donc probablement un changement de cap pour les entreprises au cours de la prochaine décennie en vue d’examiner les occasions qui s’offrent à elles.
En ce qui a trait aux IDE au Canada, je pencherais probablement du côté du Japon, notamment en raison des constructeurs automobiles. Honda et Toyota ont fait des investissements majeurs en Ontario, et les fabricants de pièces qui les suivent ont fait de même en Ontario, au Québec et ailleurs au pays. Si nous examinions les chiffres, je présume que ce serait le Japon. La Chine connaît probablement la plus forte croissance, et cela s’explique probablement par le fait que les Chinois investissent agressivement dans les ressources naturelles. Il peut s’agir de pétrole et de gaz naturel en vue d’exporter le tout en Chine pour approvisionner le pays en énergie ou des minéraux en vue de produire de l’acier et d’autres produits finis dont les Chinois ont besoin. J’espère que cela répond à vos questions en ce qui nous concerne. Je vous ai donné les pays qui, selon moi, trôneraient en haut du classement.
M. Bonnett: Je suis du même avis. Le Japon est probablement l’un de nos plus importants marchés. Il y aurait des investissements dans les deux sens entre le Japon et le Canada.
Dans le cas de la Chine, vous avez parlé du secteur de l’énergie, mais les Chinois s’intéressent aussi beaucoup au secteur de la fabrication d’engrais et investissent également au Canada en ce sens. Bref, la Chine et le Japon seraient probablement au haut du tableau, mais je crois que nous ne devrions pas négliger la Corée du Sud. Si nous arrivons à percer le marché sud-coréen, malgré la présence des Américains, je crois que ce pays offre beaucoup de potentiel, notamment dans le secteur agricole.
Le sénateur Housakos: J’ai quelques questions. J’aimerais avoir vos opinions sur les pays d’Asie-Pacifique. Nous avons évidemment les deux géants, soit l’Inde et la Chine, et des joueurs secondaires. D’après vous, la classe moyenne des pays d’Asie-Pacifique croît-elle suffisamment rapidement pour justifier de prendre des mesures au Canada en vue d’essayer d’amener les PME à se tourner vers ces marchés?
J’ai une autre question dans la même veine. Pourquoi le secteur manufacturier canadien tarde-t-il à s’implanter dans les pays d’Asie-Pacifique, comme l’ont fait les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’UE?
Si nous prenons les chiffres, le Canada vend en quantité des ressources naturelles, des produits dispendieux, des céréales ou des minéraux — tous les produits de base. L’économie canadienne repose sur des PME solides, mais les PME semblent malheureusement limiter leurs activités au marché nord-américain.
Pourriez-vous nous expliquer ce qui nous empêche d’être concurrentiels en Chine, en Inde et dans les pays d’Asie-Pacifique? Que manque-t-il à nos entreprises pour être en mesure de tisser des liens solides, comme l’ont fait les Américains, les Australiens et l’UE?
M. Bonnett: Divers facteurs entrent en ligne de compte. En ce qui concerne en particulier la Chine, nous sous-estimons le secteur agricole de l’Australie; cette dernière a su tirer profit de la courte distance qui la sépare de la Chine.
Par contre, si vous cherchez à comprendre pourquoi certains pays vendent plus de produits transformés en Asie, il faut regarder du côté de la compétitivité des entreprises. À mon avis, l’automatisation et le coût de la main-d’oeuvre sont des points qui doivent être abordés. Certaines de nos usines n’ont pas été modernisées depuis des lustres; des investissements n’ont pas été faits. Cela s’explique en partie par l’incertitude qui entourait les marchés. Je crois que l’entrée en vigueur des accords commerciaux réglera une partie du problème, ce qui stimulera les investissements en vue de moderniser les installations. C’est essentiel, selon moi.
En fonction de la province où on se trouve, l’un des facteurs qui semblent sans cesse revenir est le coût de l’énergie, et cela peut influer grandement sur la profitabilité d’un pays.
L’autre aspect est la réglementation. Au Canada, nous avons des règlements municipaux, provinciaux et fédéraux, et je crois que cette situation est un fardeau qu’il faut aborder si nous voulons que nos entreprises soient concurrentielles.
Dans le domaine de la recherche, l’Institut canadien des politiques agro-alimentaires examine notamment l’ensemble du secteur de la transformation et essaye de déterminer certains facteurs fondamentaux. Nous avons de bons exemples, mais nous avons aussi des exemples d’usines qui ferment leurs portes. Je crois que le coût de l’énergie, la main-d’oeuvre et les investissements dans de nouveaux équipements sont des points à examiner avant de pouvoir percer les marchés d’Asie-Pacifique.
Cela étant dit, ce ne sera pas possible si les règles de l’accord commercial n’offrent aucune certitude qu’à long terme le capital investi sera récupéré.
M. Wilson: Pour répondre à votre première question concernant la classe moyenne, il y a 300 ou 400 millions d’Indiens qui se trouvent dans ce que nous considérons comme la classe moyenne. Cela dépasse la population totale des États-Unis, et la classe moyenne en Inde connaît encore une croissance assez rapide. En Chine, la classe moyenne compte sensiblement le même nombre de personnes, et elle est stable.
Cela en vaut-il la peine de ce point de vue? Oui. À mesure que la classe moyenne croît, nous constatons que les gens veulent des produits de meilleure qualité. Le prix a de moins en moins d’importance. La qualité et la fiabilité deviennent des facteurs de plus en plus importants.
Par exemple, nous remarquons que les Chinois préfèrent beaucoup plus acheter un produit fait au Canada qu’un produit fait en Chine, en raison de la qualité associée aux produits faits au Canada, en Allemagne, aux États-Unis ou ailleurs. Voilà ce dont nous sommes de plus en plus témoins. C’est un changement subtil, mais continu.
Par le passé, ces consommateurs se tournaient vers les produits faits dans leur pays, mais maintenant que les épargnants deviennent des consommateurs qui explorent les marques de commerce disponibles ailleurs, les marques canadiennes deviennent très importantes, notamment en raison des préoccupations relatives à la salubrité alimentaire. Les consommateurs chinois et indiens ne sont pas différents des consommateurs canadiens. Ils veulent manger et consommer des produits salubres et bons pour eux. Le Canada pourrait ainsi détenir un avantage considérable dans ces marchés. Cela en vaut vraiment la peine, parce que cela représentera d’énormes possibilités de croissance dans les années à venir.
Pourquoi les fabricants canadiens accusent-ils un retard? C’est peut-être en partie, parce que notre marché est trop facile. Notre économie se trouve en bonne posture depuis très longtemps. Au cours des dernières années, même lorsque d’autres marchés mondiaux ont chuté et que la Chine, l’Inde et le Brésil sont demeurés plutôt forts, l’économie canadienne est demeurée relativement stable, grâce en grande partie à la mise en valeur des ressources. Les ventes des fabricants dans ces marchés ont constamment augmenté. Le marché américain est beaucoup plus facile à comprendre pour nous que la Chine, Singapour ou même l’Australie. Nous parlons la même langue; nous avons pratiquement la même culture; et nous sommes voisins. À bien des égards, nos entreprises l’ont eu facile.
J’aimerais prendre un exemple provenant de la province du président pour vous donner une idée de ce qui peut être fait différemment. La Saskatchewan a ce que nous appelons le Saskatchewan Trade and Export Promotion, ou le STEP. Son financement provient principalement de l’État. Le système se veut une bougie d’allumage en vue d’aider les entreprises à percer sur la scène internationale.
Si on demandait aux fabricants de la Saskatchewan où ils exportent leurs produits, on constaterait que très peu exportent aux États-Unis ou même dans les autres provinces canadiennes. Ils regardent du côté de la Colombie, du Pérou, de l’Asie-Pacifique et de l’Europe de l’Est. C’est un petit marché — le deuxième ou le troisième plus petit au Canada —, mais il s’agit des entreprises canadiennes les plus actives dans le commerce international. Je suis persuadé que c’est grâce au STEP.
Nous collaborons très étroitement avec les gens du STEP. Nos membres en sont aussi membres. C’est un modèle que nous demandons aux gouvernements provinciaux d’examiner en vue d’en reproduire les résultats dans d’autres marchés, parce que c’est une manière très efficace de faire en sorte que les entreprises voient les occasions qui s’offrent à elles et de les aider à passer au travers du processus nécessaire.
Si vous ne le connaissez pas, c’est un modèle intéressant, et il est efficace pour les secteurs de la fabrication de produits à partir de matières premières et des légumineuses et les secteurs dont M. Bonnett parlait.
Le sénateur Housakos: Selon vous, les PME canadiennes ont-elles de la difficulté à obtenir les capitaux nécessaires pour étendre leurs activités dans les pays d’Asie-Pacifique? Les banques canadiennes sont-elles disposées à leur accorder des prêts? Les PME ont-elles accès à d’autres sources de financement en vue d’être en mesure de s’implanter dans les autres marchés?
M. Wilson: Le financement n’a pas vraiment tendance à être un problème. Si l’entreprise est établie, ce n’est pas un problème, et il y a fort à parier que l’entreprise est très bien établie si elle songe à étendre ses activités ailleurs. Les banques vont prêter les fonds nécessaires aux PME. Si jamais ce n’est pas le cas, EDC est là. Nous n’entendons pas beaucoup parler de la question des capitaux.
Pour revenir à EDC, nous entendons à l’occasion parler de l’assurance comptes clients et d’autres éléments du genre. Cela ne vise pas précisément l’Asie; c’est plutôt un élément général. Lorsque cela ne concerne pas des pays développés, il nous arrive parfois d’en entendre parler, mais ce n’est pas un enjeu la plupart du temps.
Il s’agit davantage de comprendre les occasions et de savoir ce qu’il faut faire pour en tirer avantage. Je n’ai jamais autant été certain que les entreprises canadiennes ne sont pas suffisamment conscientes des occasions disponibles et des organismes vers lesquels se tourner pour obtenir l’aide dont elles ont besoin pour aller de l’avant. Ce n’est pas un problème qui concerne une région précise du pays. La Saskatchewan est le seul endroit où je n’entends pas de tels commentaires de la part de nos membres, et c’est en grande partie grâce au STEP qui leur offre beaucoup plus d’aide qu’ailleurs au pays.
Le président: Le temps est pratiquement écoulé. Sur ce bon coup de ma province, je crois que c’est probablement un bon moment pour nous arrêter. Merci.
Nous avons déjà reçu des représentants du STEP devant le comité dans le cadre d’autres études. Nous avons examiné le modèle et avons proposé de le mettre en oeuvre dans d’autres provinces. Je vous remercie de l’avoir souligné et d’avoir mentionné que le STEP met l’accent sur les PME en vue de leur permettre de commencer à prendre des risques et à voir plus loin que l’autre côté de la frontière.
Votre contribution à notre étude est extrêmement précieuse en vue de dresser la table à mesure que nous approfondirons certains obstacles et certaines occasions pour les Canadiens, le gouvernement canadien et les entreprises canadiennes.
Merci de votre présence. Vos témoignages ont été extrêmement utiles.
Nous sommes heureux d’accueillir dans le deuxième groupe des témoins qui nous rendent régulièrement visite lorsque nous étudions certains pays. Ils sont extrêmement utiles à nos études. Ils comprennent ce que nous voulons savoir, et leur contribution a été utile par le passé. M. Davidson a témoigné lors de nos travaux sur le Brésil et la Turquie. J’espère que vous avez remarqué que vos commentaires sur l’importance de l’éducation ont teinté notre rapport.
Nous entendrons aujourd’hui M. Paul Davidson, qui est président de l’Association des universités et collèges du Canada; et Mme O'Reilly Runte, qui est rectrice et vice-chancelière de l’Université Carleton. Bienvenue au comité. Je crois comprendre que vous avez convenu que M. Davidson ouvrira le bal. Comme d’habitude, ce sera suivi d’une période de questions. Bienvenue au comité.
[français]
Paul Davidson, président, Association des universités et collèges du Canada: Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui. C'est toujours agréable de comparaître devant un comité sénatorial.
[traduction]
Permettez-moi de vous faire écho, madame la sénatrice Andreychuk. L’apport de la Chambre haute aux débats canadiens d’intérêt public est vraiment important, et votre comité a fait un travail particulièrement extraordinaire. Lors de ma dernière comparution, nous parlions du Brésil. Je vous avais dit à ce moment qu’il n’y avait que 50 étudiants brésiliens dans les écoles canadiennes, mais grâce au travail concerté du gouvernement, des collèges et des universités, je peux vous affirmer qu'ils sont aujourd'hui 4 000 à étudier et à participer à des programmes de stage au Canada. Les travaux du comité ont vraiment fait progresser le concept canadien de stratégie en matière d’éducation internationale.
Permettez-moi de plonger dans le vif du sujet qui nous intéresse, à savoir votre étude de la région de l’Asie Pacifique.
[français]
J’ai constaté en lisant les notes que vous avez été bien informés par des experts compétents sur la région et je crois que l'importance de l'éducation internationale et de la collaboration internationale en matière de recherche a déjà été abordée lors de discussions précédentes.
[traduction]
J’ai de brefs messages à vous transmettre avant que Mme O'Reilly Runte ne prenne la parole, après quoi nous répondrons aux questions. J’abonde dans le même sens que Kevin Lynch, Dominic Barton et d’autres à propos de l’échelle et du rythme historiques du changement qui s'opère dans la région asiatique. Les Canadiens doivent vraiment en prendre conscience; nous avons tous du chemin à faire à ce chapitre.
Je suis heureux de souligner que le gouvernement du Canada a fait des progrès grâce aux négociations sur le libre-échange avec l’Inde, au Partenariat transpacifique, au travail constant avec la Corée et le Japon, et aux visites de plus en plus fréquentes de haut placés, comme le gouverneur général, qui a visité la région pour en reconnaître l’importance grandissante. J’ai eu le privilège de l’accompagner au Vietnam, à Singapour et en Malaisie. L’importance de l’éducation supérieure, de l’innovation et du commerce faisait partie intégrante des discussions.
Les universités canadiennes font beaucoup progresser notre engagement auprès de l’Asie en créant des liens qui accélèrent et renforcent les relations entre les établissements d’enseignement et les pays. Parallèlement, nous travaillons à l’échelle nationale avec le Conseil canadien des chefs d’entreprise, la Chambre de commerce du Canada et la Fondation Asie-Pacifique du Canada pour sensibiliser les Canadiens à l’ampleur du changement qui s’opère en Asie et à ce que nous pouvons attendre de cette région au XXIe siècle.
Lorsqu’on parle de stratégie en matière d’éducation internationale pour le Canada, on parle d’attirer des étudiants au Canada, d’envoyer des étudiants à l’étranger et de veiller à ce que nous puissions collaborer à l’échelle internationale sur des projets de recherche. Je me réjouis que le ministre Fast ait reconnu récemment que le volet international rapporte 8 milliards de dollars à l’économie canadienne. Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas uniquement des universités, mais aussi des propriétaires qui louent des chambres et des magasins qui vendent des produits alimentaires aux étudiants. Ce chiffre comprend également la visite des parents, à laquelle je vais revenir dans un instant.
En plus d’apporter 8 milliards de dollars à l’économie canadienne, ce qui est plus que l’exportation du bois d’œuvre, le secteur génère 86 000 emplois d’un bout à l’autre du pays. C’est d'ailleurs le plus important service exporté vers la Chine. Lorsqu’on parle de la relation entre la Chine et le Canada, la circulation internationale des étudiants en est un des principaux volets. Il s’agit du quatrième service en importance exporté vers l’Inde. La région asiatique est la principale source d’étudiants étrangers au Canada; environ 40 p. 100 d’entre eux en sont originaires.
En plus de dynamiser l’économie des collectivités d’un bout à l’autre du pays, ces étudiants enrichissent l’apprentissage des étudiants canadiens, qui peuvent désormais vivre une expérience internationale grâce à la présence d’étudiants étrangers dans les salles de classe canadiennes. Nous devons continuer d’attirer les éléments les plus brillants pour faire face à la vive concurrence internationale. Nous avons fait de bons progrès, mais nos concurrents sont très rapides.
Certains outils récents sont utiles, comme la Catégorie de l’expérience canadienne et le volet des doctorants pour les travailleurs qualifiés fédéraux, mais, pour reprendre une expression du dernier discours du Trône, nous devons saisir le moment puisque la concurrence s’intensifie.
Le deuxième volet dont nous avons déjà parlé est l’envoi de Canadiens à l’étranger. Je vais l’appliquer au contexte canadien de l’acquisition de compétences relatives à l’Asie. Les universités canadiennes offrent plus de 80 programmes pour enseigner les langues, l’histoire, la culture et les pratiques commerciales asiatiques aux étudiants canadiens, mais nous devons trouver de nouvelles occasions d’envoyer nos jeunes Canadiens à l’étranger. La Chine s’est récemment donnée pour objectif d’accueillir 500 000 étudiants étrangers d’ici 2020. Nos étudiants doivent faire partie du lot. Le premier ministre Harper et son homologue chinois se sont publiquement engagés à accroître les échanges étudiants bilatéraux entre le Canada et la Chine pour atteindre 100 000 d’ici 2017. Nous avons bien du chemin à faire avant d'y arriver.
En août 2012, le groupe d’experts qui s’est penché sur la stratégie en matière d’éducation internationale a réclamé un nouveau programme visant à envoyer chaque année 50 000 étudiants de plus à l’étranger. Voilà qui pourrait être un projet intéressant pour le 150e anniversaire du pays. La stratégie en matière d’éducation internationale qui vient d’être annoncée est une étape importante, mais les universités canadiennes attendent aussi l’engagement du budget de 2013 pour en faire plus, puisqu’ils auront la capacité fiscale nécessaire.
Nous avons discuté des étudiants étrangers qui viennent au Canada et des étudiants canadiens qui partent à l’étranger. Parlons maintenant de la collaboration internationale dans le domaine de la recherche. Les gens ont hâte aux Jeux olympiques de Sotchi. Ces quelques semaines seront intéressantes. Ce qui est peut-être moins connu, c'est que le Canada a fait d’énormes progrès sur le plan de la compétitivité internationale en matière de recherche ces 10 dernières années. En fait, les plus grands chercheurs au monde placent le Canada parmi les cinq premiers pays. Personne n’aurait rien dit de tel il y a 10 ans. Tous les partis peuvent être fiers des investissements réalisés pour que nous en arrivions là. Nos chercheurs ont plus de chances que ceux d’autres pays de cosigner leurs travaux à l’échelle internationale. Nous nous rapprochons du podium en matière de recherche internationale. Nous avons ce qu’il faut pour jouer dans la cour des grands, mais nous devons faire plus. Cette situation nous donne l’occasion de collaborer avec de grandes puissances asiatiques telles que le Japon, Singapour, l’Inde et la Chine, et de transformer la bonne volonté en un engagement profond. Or, le Canada n’a pas encore ce qu’il lui faut pour collaborer en recherche à l’échelle internationale.
Permettez-moi de conclure en disant que les universités canadiennes s’activent à tisser des liens, à nouer des partenariats et à établir des relations interpersonnelles, des éléments essentiels à la relation entre le Canada et l’Asie. Les universités canadiennes confèrent à nos étudiants les compétences dont ils auront besoin pour échanger efficacement avec l’Asie. Les universités canadiennes demeurent des outils sous-exploités qui peuvent approfondir nos relations bilatérales et nous permettre d’aller plus loin, plus rapidement. Les universités canadiennes jouent un rôle central pour saisir les occasions qui se présenteront dans l’ère du Pacifique. Merci beaucoup.
La présidente: Merci, monsieur Davidson. Nous allons écouter Mme O'Reilly Runte.
[français]
Roseann O'Reilly Runte, rectrice et vice chancelière, Université Carleton: Madame la présidente, je vous remercie de m’avoir invitée à comparaître devant vous aujourd’hui.
Au Canada, en ce moment, il y a 250 000 étudiants d'autres pays et, aujourd'hui, il y a seulement 45 000 Canadiens qui étudient dans d'autres pays. La moitié des 45 000 étudiants sont aux États-Unis.
Le gouvernement du Canada a, avec raison, déclaré qu'on devrait augmenter le nombre d'étudiants canadiens qui étudient à l'étranger, et le nombre d’étudiants étrangers au Canada. On devrait doubler ce chiffre. Alors, comment peut-on le faire?
[traduction]
Les raisons d’augmenter ce nombre sont excellentes: la bonne entente internationale, le rôle du Canada sur la scène mondiale et la possibilité d’importer de bonnes idées ainsi que des pratiques exemplaires, de créer des projets conjoints et de tisser des liens étroits avec les futurs dirigeants de pays ou d’entreprises. Le Canada a une population relativement modeste et doit percer les marchés étrangers pour accroître son commerce.
L’Université Carleton a lancé un programme à vocation internationale du nom de Born Global. Nous sommes d’avis qu’il n’est pas nécessaire d’attendre 10 ans avant de faire affaire à l’étranger. Si vous êtes situés à North Bay, vous aurez probablement vendu vos gadgets à tous vos amis et voisins après six mois, et il ne restera plus d’autres clients. En revanche, disons que votre colocataire à l’Université Carleton vient de Beijing ou de Delhi, vous pourriez alors démarrer une entreprise internationale dès le départ avec quelqu’un que vous connaissez, un ami avec lequel vous êtes à l’aise. Les employeurs de partout au pays disent préférer recruter des employés possédant une expérience ou expertise internationale.
Au cours des deux dernières années, notre programme Born Global a permis à 12 étudiants étrangers de démarrer des entreprises dans le cadre du programme de gestion de l’innovation technologique; ces étudiants ont d'ailleurs lancé 11 entreprises dans le cadre du programme Lead to Win. Les partenaires d'affaires étaient des étudiants du Canada, du Cambodge, de l’Équateur, de la Russie, d’Israël, de l’Inde, d’Éthiopie, du Brésil et de Chine. Des équipes d’étudiants ont créé des entreprises florissantes, comme AUMNET, NiteRoll et Syncrodata, et une entreprise est actuellement en route pour faire concurrence à Google.
Que peut-on faire pour inciter plus d’étudiants à tirer parti de l’internationalisation et de la mondialisation dès leur entrée à l’université et, plus tard, dès le démarrage de leur entreprise? Commençons par examiner pourquoi les Canadiens n’étudient pas à l’étranger. La principale raison invoquée par nos étudiants est le manque d’argent. Viennent ensuite la langue d’enseignement, la méconnaissance des occasions qui s’offrent à eux, l'incompréhension de l’importance de partir à l’étranger, les questions de sécurité, puis les préoccupations relatives au transfert de crédits.
Certains programmes fédéraux ont prévu de petites allocations pour les étudiants qui font un stage, du bénévolat ou des études à l’étranger. La province de l’Ontario avait un programme de bourses d’études pour les étudiants qui désiraient aller en Inde, mais elle y a mis un terme. Une petite aide financière incite les étudiants de façon directe et positive à étudier à l’étranger. Il faut bonifier les programmes. En présence de mesures incitatives, il a été démontré que les étudiants iront à l’étranger.
Grâce à des programmes courts, comme le bénévolat à l’étranger pendant la semaine de relâche à l’Université Carleton, les étudiants qui doivent travailler tout l’été et qui n’ont pas les moyens de partir plus longtemps peuvent vivre une courte expérience internationale. Les étudiants affirment que ce programme a changé leur vie. À défaut de pouvoir en faire plus, commençons au moins par un petit programme.
Nous devons encourager les Canadiens à apprendre des langues étrangères. D’après une étude réalisée par la Fondation Asie-Pacifique, deux Canadiens sur trois pensent que la Chine deviendra un plus important partenaire économique que les États-Unis d’ici 10 ans. Parallèlement, nous savons que très peu de Canadiens étudient le mandarin. Dans le cadre de notre programme de commerce international, les étudiants doivent passer une année à l’étranger. À leur retour, nos étudiants qui sont allés en Chine l’an dernier ont composé des vers de rap en mandarin et ont offert une prestation à la délégation chinoise d’Ottawa qui leur a valu une ovation. C'est la preuve que les Canadiens croient à tort ne pas pouvoir apprendre une langue étrangère et réaliser ce genre de chose.
[français]
On peut le faire dans deux, trois, quatre ou cinq langues. On n'est pas unique, d'autres pays le font. On peut le faire.
[traduction]
Chaque université pourrait créer un site Web affichant la liste des diplômés ayant étudié à l’étranger, après quoi les données de tous ces sites pourraient être réunies sur un site Web national de façon à ce que les étudiants qui souhaitent étudier ailleurs puissent savoir quels Canadiens sont partis, où ils sont allés et quelle a été leur expérience. Une telle ressource les encouragerait.
En Chine, où je suis allée il y a deux ou trois mois, le gouvernement a annoncé que tous les membres du corps professoral voulant obtenir leur permanence dans une université devront passer au moins une année à l’étranger. C’est une exigence nationale. Le Canada ne pourrait pas imposer une chose pareille, mais je crois que nous faisons tout pour décourager les gens de partir à l’étranger.
Il faut éliminer les obstacles pour attirer des étudiants étrangers au Canada, le premier étant le financement. En plus de n’offrir aucune subvention aux étudiants étrangers qui viennent à l’université, et qui doivent ainsi payer la totalité des frais de scolarité, le gouvernement ontarien nous facture des frais additionnels de 700 $ par étudiant étranger qui fréquente notre établissement. Cette somme s’ajoute aux droits de scolarité et rend l’université moins attrayante. Si nous voulons accueillir plus d’étudiants étrangers, nous devrions plutôt leur accorder un avantage économique. Bien des programmes internationaux comme le Programme de bourses d’études et de recherches du Commonwealth ont été amputés ou abolis, et c’est un problème.
En revanche, les bourses Mitacs attribuées aux étudiants des cycles supérieurs ont été majorées, et nous en sommes ravis; nous espérons que le gouvernement continuera d’en augmenter la valeur et d’aider les étudiants. C’est un pas dans la bonne direction.
Ce qu’il faut, c’est faire du Canada une destination de choix. Nous y arriverons à l’aide des médias sociaux et de plates-formes nationales conviviales où l’information est facile d’accès. L’époque des foires commerciales est révolue. Puisque nous sommes à l’ère des médias sociaux, nous devons vraiment les privilégier.
Encore une fois, il faut permettre aux universités de conseiller les étudiants internationaux. On nous a dit que nous n'étions pas autorisés à donner des conseils. Si nous voulons le faire, un de nos employés doit suivre un cours d’environ un an d’Affaires étrangères qui coûte à peu près 10 000 $. Or, nous devrions avoir le droit de fournir des renseignements de base aux étudiants, comme leur dire où aller pour obtenir un visa et ce genre de chose, mais nous ne pouvons rien leur dire.
Et lorsque nous renvoyons les étudiants au site Web du gouvernement, ils y trouvent un numéro de téléphone canadien, pas international.
J’ai remarqué un programme du gouvernement coréen dont nous devrions nous inspirer. Il pourrait être vraiment intéressant tant pour les étudiants étrangers qui viennent au Canada que pour les étudiants canadiens qui vont à l’étranger. Le gouvernement de la Corée a fait construire des résidences étudiantes en Californie. Il a versé des fonds aux universités pour que celles-ci construisent les logements à condition que les chambres soient attribuées en alternance à des étudiants américains, qui n’auront rien à débourser, et à des étudiants coréens venus étudier à l’université.
Les universités s’en réjouissaient, car elles avaient la certitude que les étudiants coréens allaient apprendre l’anglais, en plus de pouvoir offrir des logements gratuits aux étudiants américains. Nous pourrions nous aussi construire des résidences dans d'autres pays pour nos étudiants canadiens, surtout dans les régions où bon nombre d’entre eux devront apprendre la langue. Nous pourrions faire de même sur nos campus pour inciter les étudiants d’ailleurs à venir au Canada en leur offrant un logement. Il s’agirait d’une façon peu coûteuse de les accueillir.
Je pense qu’il faut élargir nos horizons et appuyer les initiatives conjointes. Quand je parle de faire du Canada une destination de choix, tout le monde sait que le Canada est un pays amical, mais comment nous démarquer des autres pays en matière d’éducation? Vous constaterez que les États-Unis, l’Australie et la Grande-Bretagne réalisent dans une large mesure des bénéfices grâce aux étudiants étrangers. C’est une activité commerciale où l’université joue un rôle d’entreprise.
Si nous prenons un peu de recul et rappelons que l’université est un partenaire des institutions de l’autre pays et que nous travaillons avec elles, nous pouvons créer des relations à long terme durables et profitables pour le Canada. Par exemple, je ne serais pas très heureuse si l’Université Harvard ouvrait un campus à Ottawa, puis qu’elle attirerait nos meilleurs étudiants en leur disant: « Nous sommes ici pour vous sauver, pauvres Canadiens. » De la même façon, je ne pense pas que les gens de l’Université de Mumbai seraient très heureux si j’allais le faire à Mumbai.
Je demande plutôt aux recteurs: « Quels programmes vous manque-t-il? » Ils n’ont pas de programme de MBA et aimeraient en avoir un? Si nous sommes prêts à leur offrir sur leur campus, ils vont nous fournir les locaux et recruter des étudiants qui répondent à nos critères. Nous n’aurons donc pas de coûts d’infrastructure et un afflux stable d’étudiants. En échange, nous leur offrirons une formation de doctorat dans leur faculté. Au bout de cinq ans, ce sera un programme conjoint offert par les deux pays à Mumbai. Nous aurons toujours des étudiants là-bas, mais nous allons travailler avec l’autre institution. À long terme, nous deviendrons des amis et des collègues partageant avantageusement recherches et information.
Il y a des façons d’encourager le Canada à rester ami avec divers pays du monde tout en conservant l’avantage dans le domaine du recrutement international.
La présidente: J’ai déjà mentionné aux deux témoins à quel point je suis désolée de devoir m’absenter pour une autre réunion urgente, mais le sénateur Downe va me remplacer. Je ne voudrais pas que les sénateurs croient que je m’absente pour de mauvaises raisons.
Je tiens à vous remercier tous les deux de votre travail et de la réflexion que vous faites pour élargir nos horizons sur l’art de la politique étrangère.
[français]
Le sénateur Dawson: À mon tour, Madame la présidente, je veux m'excuser, c'est une journée un peu bouleversée. Je dois partir un peu plus tôt.
Ma question a deux volets. M. Davidson, vous avez parlé de la croissance des étudiants du Brésil et des milliers d'étudiants qui viennent d'Asie. Comment est-ce réparti par région au Canada? Je ne vous demande pas les détails, mais la distribution géographique tant pour les Brésiliens que pour les Asiatiques.
Nous sommes dans un milieu compétitif, d’autant plus que puisque la juridiction de l’éducation est au niveau provincial et est partagée au niveau postsecondaire, nous faisons concurrence aux Allemands. Leur objectif est d'avoir 350 000 étudiants de l'étranger et des centaines de milliers d'Allemands étudiant à l'étranger. Ils le font au moyen d’un programme national.
Avec notre statut de confédération, le fait d’avoir une juridiction partagée affaiblit un peu notre capacité de nous promouvoir à l'étranger. Je sais que l’Union interparlementaire fait la promotion bilatérale. On leur dit qu’on veut avoir leurs étudiants et qu’ils reçoivent les nôtres. Mais on doit s’assurer que les provinces ont un programme qui pourra soutenir ceux qui vont à l’étranger et ceux qui viennent ici parce que le Canada a de moins en moins de capacités de le faire en tant que gouvernement central.
Que faire pour faire front commun avec les provinces dans la promotion d’accueil et convaincre l’Université Laval que de forcer les étudiants d’aller à l’étranger c’est une bonne idée.
[traduction]
M. Davidson: Excellentes questions. Je vais commencer par vous répondre sur la répartition des étudiants internationaux. Ils sont assez dispersés au pays. Pour prendre l’exemple du Brésil, il est vrai que les grandes universités axées sur la recherche attirent beaucoup d’étudiants internationaux, mais les plus petites institutions du pays en attirent aussi. La répartition dépend des intérêts des étudiants étrangers; ils présentent des demandes et sont acceptés là où ils en ont présenté, donc c’est avantageux pour toutes les villes du pays, petites ou grandes. Les étudiants du Brésil, par exemple, veulent souvent étudier en français. Il y a donc beaucoup d’étudiants brésiliens au Québec.
Pour répondre à votre deuxième question sur les sphères de compétence, ce gouvernement comme ses prédécesseurs use de stratégie en reconnaissant l’incidence économique des étudiants étrangers du point de vue du commerce, qui est du ressort du gouvernement fédéral. Par exemple, ces étudiants rapportent 8 milliards de dollars à l’économie canadienne. C’est donc un angle d’approche possible.
Ensuite, je mentionne les possibilités offertes aux étudiants internationaux dans le domaine de la recherche parce que la recherche relève principalement du gouvernement fédéral. C’est donc un autre axe dans lequel le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de premier plan.
Bien que nous soyons très au courant du partage des compétences au Canada, il ne faut pas oublier non plus, lorsque nous tentons de nous vendre à l’étranger, que les étudiants et leurs parents pensent d’abord au pays d’études et non à la région particulière du pays où ils pourraient étudier. Ils examinent ensuite la liste des programmes, puis ils sélectionnent une institution. Nous devons aller à la rencontre de nos consommateurs de manière à susciter une réponse positive de leur part.
Pour ce qui est de tous les autres étudiants et du rôle de l’Allemagne, je suis certaine que vous avez vu l’accord de coalition qui fixe l’objectif de doubler le nombre d’étudiants internationaux que reçoit l’Allemagne. Il fixe également l’objectif que la moitié des étudiants allemands acquièrent une expérience internationale. Nous sommes à des lieux de cela au Canada. Moins de 3 p. 100 des étudiants canadiens ont une expérience internationale. Cela vous donne une idée de l’écart que nous avons à combler pour rattraper les Allemands.
Enfin, sur le concept de la réciprocité, les Brésiliens se demandent où sont les Canadiens. Quand vont-ils arriver? Bien honnêtement, le nombre de Canadiens qui étudient au Brésil est plus de l’ordre de grandeur de là où le Brésil se trouvait il y a quelques années pour les études au Canada: des dizaines et des centaines plutôt que des milliers. La Stratégie internationale du Canada en matière d’éducation et d’autres ressources existantes nous permettraient pourtant d’augmenter leur nombre radicalement.
[français]
Le sénateur Dawson: Voulez-vous ajouter quelque chose, Mme O'Reilly?
Mme Runte: M. Davidson a plus ou moins traité le sujet. Il est vrai que l’on peut encourager de façon nationale les étudiants qui étudient à l’étranger. Il y avait des bourses, des programmes d'appui pour les étudiants qui travaillent à l'étranger ou qui y font du bénévolat. Ce sont des programmes nationaux. On peut subventionner les étudiants qui voyagent pour des programmes de recherche, de travail et pour les programmes comme les bourses du Commonwealth.
La sénatrice Fortin-Duplessis: Il me fait extrêmement plaisir que vous comparaissiez devant notre comité aujourd'hui, surtout dans le cadre du grand dossier des étudiants à l'étranger.
C'est un fait, la région d’Asie-Pacifique a subi une profonde transformation économique au cours des dernières années et on y trouve aujourd'hui certaines des économies les plus importantes dans le monde et qui connaissent une croissance très rapide. Alors, ceci peut être un attrait pour des étudiants canadiens.
Mme Runte, pour faire suite à la question posée par le sénateur Dawson, combien d’étudiants en provenance de la région de l'Asie-Pacifique viennent étudier au Canada? Vous avez mentionné le nombre d'étudiants étrangers; êtes-vous en mesure de nous donner le nombre d’étudiants en provenance de cette région?
Mme Runte: J'ai aujourd'hui le nombre d'étudiants canadiens qui étudient en Chine; 3 400, cette année. Je n'ai pas le nombre de Chinois ici, mais on peut le trouver.
M. Davidson: Près de 33 000 étudiants chinois étudient au Canada et 3 000 Canadiens étudient en Chine.
Mme Runte: C’est un sur 10.
M. Davidson: C'est un portrait du défi que nous devons relever.
La sénatrice Fortin-Duplessis: Avez-vous des données pour les autres pays de l’Asie-Pacifique?
Mme Runte: Je ne les ai pas sous la main en ce moment, mais ces données sont disponibles.
La sénatrice Fortin-Duplessis: Est-ce que ce serait possible de les faire parvenir à notre greffier?
Mme Runte: Oui.
M. Davidson: Oui, absolument.
La sénatrice Fortin-Duplessis: Y a-t-il des secteurs d’étude qui sont privilégiés par les étudiants étrangers au Canada? Est-ce la médecine, le génie?
Mme Runte: Cela dépend du pays. En général, pour l'Asie, les secteurs qu'ils préfèrent sont le génie, les affaires et les sciences.
La sénatrice Fortin-Duplessis: Et quels sont les secteurs qui intéressent les étudiants canadiens en Asie? Est-ce l'apprentissage de la langue ou y a-t-il d’autres sujets d’intérêt?
Mme Runte: Dans le cas de l'Université Carleton, c'est deux choses. D'abord, il y a des étudiants en affaires qui comprennent que s'ils veulent créer une entreprise, s'ils veulent avoir un poste important dans une grande entreprise, ils doivent connaître non seulement le chinois, mais la culture des affaires en Chine. Alors, ils y vont pour cette raison. D'autres étudiants y vont pour apprendre la langue par intérêt, puisque c'est une façon d'accroître ses connaissances.
[traduction]
Le sénateur Oh: Je vous remercie d’être ici aujourd'hui.
Il se trouve que je siège au conseil d’administration du Collège Sheridan, dont le budget de fonctionnement provient à hauteur de 25 à 27 p. 100 des étudiants internationaux. Comme ils paient des droits de scolarité plus élevés, c’est une source de financement importante sur laquelle l’institution pourrait miser davantage. Bien sûr, nous avons des étudiants qui nous viennent de l’Inde et de la Chine. Avec la chute du dollar canadien, nous nous attendons à ce qu’ils soient de plus en plus nombreux. Seriez-vous d’accord pour dire que tous les étudiants qui viendront ici à l’avenir constitueront un avantage pour le commerce et la diplomatie politique à long terme du Canada?
Mme O’Reilly Runte: Nous avons tout avantage à ouvrir nos portes et à accueillir des gens d’autres pays. Un jour, ils vont être présidents d’entreprises et offrir des emplois à d’autres Canadiens. Un jour, ils vont devoir choisir à quel endroit bâtir une usine ou un autre type d’installation. Ils vont être à l’aise de faire des affaires avec le Canada. Certains vont devenir chefs d’État et vont être de bons partenaires pour le Canada. Sur le plan personnel, quand on connaît et qu’on apprécie un autre pays, une autre culture, on veut au moins travailler avec les gens de ce pays, les comprendre et respecter leurs valeurs. Je trouve très important que les citoyens du monde entier comprennent comment fonctionne notre gouvernement et quelles sont nos valeurs démocratiques.
M. Davidson: Si je peux ajouter une chose, l’un des éléments clés de la proposition de valeur du Canada, c’est que nous avons à offrir une éducation de calibre mondial et un milieu de recherche solide dans un environnement sécuritaire et multiculturel. C’est un immense atout pour le Canada et un modèle pour le monde entier. Cela va nous aider à attirer des étudiants au Canada. Je suis ravi de vous entendre parler du succès de Sheridan et de votre engagement avec ce collège. Nous venons de parler des avantages économiques immédiats de ce type d’engagement, mais ils comportent également des avantages à long terme, et je regarde la sénatrice Verner. En tant qu’ancienne ministre responsable de l’ACDI, elle a dû rencontrer des dirigeants de pays et de sociétés civiles du monde entier qui ont fait des études au Canada, à l’Université Laval, à l’Université de Montréal et un peu partout ailleurs au pays. C’est un héritage durable que le Canada s’est donné et que nous devons renouveler.
Quelqu’un a rappelé récemment l’exemple de l’Australie et de son livre blanc au siècle asiatique. Ils sont en train de recréer le plan Colombo en guise d’engagement anniversaire pour faire augmenter le nombre d’universitaires en échange entre l’Australie et l’Asie. Il s’agit là de véritables débouchés bien réels. Parce qu’il y a une limite au nombre de réunions auxquelles on peut participer avant de s’engager sérieusement.
Nous avons déjà parlé de niveaux d’investissement. Nous accueillons avec joie la nouvelle stratégie internationale en matière d’éducation. Son budget total est de 5 millions de dollars par année et elle touche plusieurs pays. Nous pouvons en faire plus et nous pouvons faire mieux.
Mme O’Reilly Runte: Il y a aussi l’avancement du savoir. Quand on rassemble des gens de cultures différentes pour mener des recherches, de nouvelles idées et de nouvelles façons de voir le monde surgissent. Le ministre de l’Éducation de l’Inde a prononcé une conférence à l’UNESCO. Il a dit que si les scientifiques américains et canadiens avaient rencontré les scientifiques indiens et chinois plus tôt, la théorie du chaos aurait été inventée bien des années plus tôt.
Le sénateur Oh: Vous avez mentionné qu’il y avait 30 000 étudiants chinois ici.
M. Davidson: C’est juste.
Le sénateur Oh: Je pense qu’ils sont près de 60 000, et nous allons porter leur nombre à environ 100 000.
M. Davidson: C’est exact. Nous aimerions nous assurer d’entretenir une relation équilibrée avec la Chine, parce qu’il y a environ 10 fois plus de Chinois qui viennent au Canada que l’inverse, ce qui est merveilleux pour le Canada, mais il faudrait envoyer 10 fois plus d’étudiants canadiens à l’étranger.
La sénatrice Ataullahjan: Je vous remercie de votre présentation.
Il est intéressant que vous parliez de relation équilibrée. J’ai participé à une réunion juste avant de venir ici. On y a donné le nombre d’étudiants chinois ici, et il était de 40 000 personnes, alors qu’il y a presque 4 000 étudiants canadiens en Chine.
Croyez-vous que les compétences linguistiques sont un facteur dans l’équation? Bon nombre de ces étudiants viennent ici pour apprendre l’anglais, mais il est plus difficile pour les Canadiens d’apprendre le chinois et de fréquenter les universités chinoises. Est-ce que c’est un facteur à prendre en considération?
De même, quelles sont les méthodes auxquelles les étudiants canadiens ont recours pour s’informer sur les programmes ou les établissements d'enseignement à l’étranger, et l’information est-elle facilement accessible?
Mme O’Reilly Runte: La langue est clairement un facteur à prendre en considération pour les études à l’étranger. Les Canadiens qui se sentent à l’aise dans une langue sont plus enclins à se rendre dans un autre pays, donc c’est clairement un facteur. En favorisant l’apprentissage des langues, de plus d’une langue, le plus tôt possible dans la vie, nous arriverons à convaincre un plus grand nombre de Canadiens d’aller à l’étranger.
Si les Canadiens ne vont pas plus souvent à l’étranger, c’est en partie parce qu’ils ne connaissent pas les programmes offerts non plus. Il y a de l’information dans les universités; chaque université a un bureau d’études internationales, où les étudiants peuvent s’informer sur les programmes auxquels ils ont accès à l’étranger, mais quand un étudiant veut partir étudier à l’étranger, il doit abandonner son emploi à temps partiel. Il doit financer cette année à l’étranger. Même si les frais de scolarité à l’étranger ne sont pas très élevés, c’est tout de même un facteur économique important pour ces étudiants. Les coûts et la langue sont donc deux des facteurs les plus déterminants.
L’information sur les programmes qui existent à l’étranger est accessible dans chaque université, mais j’ai également vu un superbe site web pour l’ensemble du Canada. On y voit où les étudiants canadiens étudient à l’étranger et dans quels pays. C’est un très beau site, où l’on peut trouver l’information facilement.
Le sénateur Housakos: J’ai une question à laquelle vous pouvez probablement répondre. J’ai entendu dire que l’une des raisons qui expliquent ce grand écart entre le nombre d’étudiants canadiens qui étudient à l’étranger et le nombre d’étudiants étrangers dans les universités canadiennes, c’est que les universités canadiennes dissuadent leur corps étudiant de poursuivre ses études à l’étranger parce qu’elles ne veulent pas perdre les ressources liées à la présence de ces étudiants dans leurs établissements ni perdre le financement qu’elles reçoivent des gouvernements provinciaux parce qu’ils y sont inscrits. Est-ce vrai?
Mme O’Reilly Runte: Je serais portée à dire que non. Quand un étudiant va étudier à l’étranger, il n’abandonne pas l’école. Il revient ensuite finir ses études.
Nous voulons des étudiants qui affichent des taux de rétention élevés. Cette année à l’étranger augmente notre taux de rétention. En général, les étudiants qui participent à des programmes internationaux ont un taux de rétention et un taux de diplomation plus élevés. Nous ne touchons pas les droits de scolarité qui y sont associés pendant qu’ils sont partis, mais nous n’avons pas de coûts à payer non plus. Nous pouvons prendre d’autres étudiants d’ailleurs pour combler leurs places, donc le financement n’est pas un enjeu.
Le sénateur Housakos: Comment se fait-il que les Canadiens ne saisissent pas autant que les Américains, les Européens et les Asiatiques l’occasion stimulante d’une expérience d’études à l’étranger?
Mme O’Reilly Runte: Les étudiants américains n’étudient pas à l’étranger non plus.
Le sénateur Housakos: La proportion des étudiants américains qui le font est plus élevée que celle des Canadiens.
Mme O’Reilly Runte: Très peu d’Américains vont étudier à l’étranger par rapport à la proportion d’étudiants internationaux qui affluent vers les États-Unis.
J’ai présidé les American Councils for International Education pendant cinq ans quand j’étais aux États-Unis, il y a quelques années. Nous avons déjà eu là-bas la discussion que nous sommes en train d’avoir ici.
Le sénateur Housakos: Les ententes sur la mobilité des jeunes dont nous sommes si férus — nous en avons signé une tonne avec une tonne de pays —, j’en ai examiné une liste récemment. Peu importe avec quel pays du monde nous les signons, elles semblent généralement très unidirectionnelles. Sont-elles utiles à votre avis? Que pourrions-nous ajouter aux ententes sur la mobilité des jeunes pour obtenir des résultats plus équilibrés?
Mme O’Reilly Runte: Quel type d’entente?
Le sénateur Housakos: Sur la mobilité des jeunes.
M. Davidson: Je pense que c’est un outil utile. Il y a un élément d’échelle. Comment pourrions-nous en accroître l’importance et comment faisons-nous pour convaincre les jeunes Canadiens que c’est une expérience importante?
Nous sommes très encouragés par le fait que le Conseil canadien des chefs d’entreprise, la Chambre de commerce et d’autres commencent à envoyer le message aux étudiants qu’une expérience internationale constitue un avantage concurrentiel. Cela nous donne un bon coup de pouce.
Mais vous avez raison: dans le cadre des ententes actuelles sur la mobilité des jeunes, nous recevons beaucoup d’étudiants de l’Europe et d’autres pays qui souhaitent venir passer du temps au Canada, mais il n’y a pas autant d’étudiants canadiens qui souhaitent aller étudier à l’étranger.
Il y a toutes sortes d’enjeux financiers qui les freinent, comme Mme Runte l’a mentionné. L’interruption des études les dérange aussi. Je suis moi-même parent d’un étudiant universitaire et je sens la pression pour que les étudiants terminent leurs études rapidement et à temps, si bien que l’idée d’arrêter un an pour aller ailleurs ne vient pas à l’esprit de certains parents. Il faut donc nous créer une culture dans laquelle on s’attend à cela et c’est perçu comme un avantage concurrentiel.
Mme O’Reilly Runte: J’ai remarqué un phénomène intéressant, soit que les étudiants arrivent à l’université un peu plus tôt qu’avant parce qu’il n’y a plus de 13e année. Lorsqu’ils terminent l’université, ils prennent une pause pour aller étudier à l’étranger. Cette réalité joue contre les universités dans les statistiques parce qu’on considère qu’une université dont les diplômés n’ont pas d’emploi dans les six mois suivant la fin de leurs études n’ont pas réussi à atteindre leur but, même si les diplômés en question sont allés acquérir une expérience fantastique à l’étranger. J’espère donc que dans les prochains sondages auprès des étudiants, nous allons accepter l’idée qu’une expérience à l’étranger vaut la peine.
Le sénateur Demers: Pour revenir un peu à la question du sénateur Housakos, trois de mes quatre enfants sont américains et vivent aux États-Unis.
Mme O’Reilly Runte: Et le quatrième?
Le sénateur Demers: Elle reste ici; elle a marié un Canadien. Mon travail m’a amené aux États-Unis pendant plus de 24 ans.
Ils m’ont fait comprendre une chose — et je trouve intéressant que vous en parliez aujourd’hui — c’est que, comme le disait M. Housakos, les Américains sont très protecteurs et ne veulent pas que leurs enfants aillent à l’étranger. Ils veulent qu’ils restent au pays, que ce soit pour faire des études ou pour travailler.
Je croyais avoir entendu la même chose à propos du Canada, mais vous devez certainement le savoir mieux que nous. Comment se fait-il que nous ne faisions pas ces échanges? Est-ce parce qu’à l’étranger, nos enfants ne sont pas autant en sécurité ou qu’ils n’ont pas de travail garanti? Ils n’y sont pas mieux traités ou orientés et préfèrent rester dans leur pays? Qu’en dites-vous?
Mme O’Reilly Runte: Lorsque j’étais au collège, je voulais aller à l’étranger. Je voulais vraiment pratiquer mon français et ma mère me disait: « C’est dangereux la France. Si jamais . . . » Elle s’inquiétait pour ma sécurité.
Je ne sais pas pourquoi les gens ne veulent pas partir. C’est plus facile de rester chez soi, vous savez. Si les gens y voient un avantage et qu’on leur facilite la tâche, ils partiront. S’ils pensent que c’est un élément clé pour obtenir un emploi, ils commenceront à voyager.
Lors de ma première année à l’université, nous avons dit à nos étudiants: « Il y a deux choses que vous pouvez faire pour obtenir un emploi plus facilement que d’autres lorsque vous aurez votre diplôme. Premièrement, du bénévolat. Il y a un dossier sur les programmes extrascolaires grâce auquel vous pouvez analyser toutes vos expériences de bénévolat et indiquer les compétences que vous avez acquises. On vous donnera par ailleurs une lettre de recommandation. Deuxièmement, vous pouvez partir à l’étranger pour avoir une expérience internationale. Ces deux choses vous distingueront des autres diplômés. Si deux étudiants ayant tous deux d’excellentes notes vont à une entrevue d’emploi, peut-être que votre expérience de bénévolat ou de voyage à l’étranger vous permettra de l’emporter. »
Curieusement, je dirais que tous nos étudiants font du bénévolat. Et c’est presque du jour au lendemain qu’ils se sont mis à en faire. Cela a été facile de les convaincre. Par ailleurs, de plus en plus d’étudiants vont à l’étranger, surtout pour des programmes de courte durée. Pour les programmes de longue durée, c’est plus difficile. Les gens ne sont pas riches dans mon université. Nos étudiants viennent de familles qui travaillent dur. Eux-mêmes travaillent pour pouvoir financer leurs études. Mais la plupart d’entre eux seraient ravis de voyager à l’étranger.
La sénatrice Ataullahjan: Cet été, j’ai été dans les Balkans. Et l’on disait des jeunes d’aujourd’hui qu’ils vivront dans trois pays différents. Ils vont à l’université, travaillent puis retournent dans leur pays d’origine. Pensez-vous qu’aujourd’hui les enfants sont éduqués dans un pays, vont à l’université dans un deuxième pays et, une fois diplômés, vont travailler dans un troisième pays? C’est ce qu’on nous a dit: les jeunes vivront dans trois pays différents.
M. Davidson: L’un des grands avantages du Canada est d’être une plaque tournante qui attire les talents de l’étranger.
J’ai une perspective légèrement différente sur la question. Grâce à l’excellent programme Mitacs dans lequel le gouvernement a investi, des jeunes de l’Inde, de la Chine et du Brésil viennent passer un été au Canada pour faire du commerce, de la recherche ou des rencontres. Cela leur ouvre des portes. Les plus talentueux sont des gens très mobiles, des citoyens du monde qui peuvent vivre n’importe où. Ils apprennent qu’il y a au Canada d’excellentes infrastructures de recherches et d’excellentes possibilités et viennent dans notre pays pour avoir une autre expérience à l’étranger. Ces étudiants pleins de talents peuvent travailler n’importe où dans le monde. Notre défi est d’en attirer le plus possible, de leur permettre de débuter leur carrière au Canada en espérant qu’ils y restent le plus longtemps possible. Qu’il s’agisse du pays d’origine, du pays d’étude ou du pays de première affectation en recherche, ces étudiants sont très mobiles.
J'aimerais revenir sur les commentaires de Mme O'Reilly Runte qui parlait de la façon de créer cette culture de la mobilité. Cela revêt une importance capitale pour nous. On a fait remarquer que peu de jeunes Canadiens étudient à l'étranger. Il y en a aussi très peu qui quittent leur province d'origine. Nos jeunes ont très peu de possibilités d'étudier dans une autre province. Il faut y penser à l'approche de 2017. Il faut créer une génération de jeunes qui sont à l'aise de voyager, de parler d'autres langues et d'être en contact avec d'autres cultures. Il ne s'agit pas d'être optimiste ou idéaliste. C'est ce que veulent nos grands dirigeants d'entreprise et ce qu'ils veulent en abondance. Comment le monde des affaires, les gouvernements, les universités et les réseaux sociaux peuvent-ils travailler de concert pour créer le citoyen mondial dont nous avons besoin au XXIe siècle?
Mme O'Reilly Runte: Puis-je terminer sur une note répugnante, l'argent? À mon avis, c'est un puissant incitatif. En quittant l'université de Victoria, j'ai laissé une bourse qui permet de financer des étudiants qui présentent des articles à des conférences internationales. La bourse est financée chaque année. Chaque année donc, cinq étudiants se rendent dans des conférences internationales et présentent des documents. Ils m'écrivent qu'ils n'auraient jamais pu faire cela sans cette bourse. C'est un coup de pouce pour leur carrière au Canada, et d'ailleurs, partout. Ils n'auraient jamais pu faire cela si quelqu'un ne leur avait pas donné un peu d'argent — quelques milliers de dollars pour aller à une conférence.
Le moyen le plus simple et le plus facile de leur dire que c'est une bonne chose est de leur donner un peu d'argent pour qu'ils puissent le faire.
[français]
Le sénateur Robichaud: Vous avez dit qu'il y avait certainement un avantage pour les étudiants qui vont faire un stage à l'étranger, soit pour faire des études ou du bénévolat.
Quelles sont les chances que ces jeunes, lorsqu’ils reviennent au pays, se trouvent un emploi? L'inquiétude est que s’ils quittent pour un bout de temps, ils perdront contact avec leur milieu et leurs collègues de classe occuperont des postes qu’ils auraient aimés.
Mme Runte: Je ne connais pas de données spécifiques qui indiquent que les personnes qui ont eu du succès à l'étranger ont eu du succès ensuite au Canada. Je peux dire que ceux qui ont réussi à l'étranger ont pu choisir le moment où ils voulaient revenir et ce qu'ils voulaient faire une fois de retour.
Je crois que c'est une expérience incomparable et que les étudiants réussissent très bien. Et ce qu'ils apprennent à l'étranger est utile ici au Canada et continue à l’être.
Le réseau qu'ils créent aujourd'hui, c'est un réseau international. Le réseau local est bon, mais ne suffit plus. Même les petites compagnies canadiennes ont besoin de contacts internationaux.
Le sénateur Robichaud: Mais il faut que les jeunes comprennent ce que vous dites pour en profiter et aller faire ces expériences.
Mme Runte: Absolument. Oui, il faut qu'ils comprennent cela. J'ai beaucoup d'espoir parce qu'il n'y a pas si longtemps, on n'encourageait pas les jeunes à aller à l'étranger. Le Canada n’exprimait pas son désir que les gens viennent étudier au Canada. On vient de commencer ce discours et le discours va être entendu et quelque chose se passera.
Il y a des façons de faire. On entend, on comprend et on agit plus rapidement, mais il faut commencer quelque part. On a bien commencé. C'est bien. On peut dire: bravo! On reconnaît l'importance de cette question. Maintenant, il faut que d'autres reconnaissent également l'importance de cette question.
[traduction]
Le vice-président: Au nom des membres du comité, je tiens à remercier nos témoins, non seulement pour leurs exposés, mais aussi pour les compliments qu'ils ont faits sur notre travail et enfin pour la patience dont ils ont fait preuve en répondant en détail à toutes nos questions.
Nous nous reverrons à 8 h 30 chers collègues.
(La séance est levée.) |