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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

OTTAWA, le mercredi 29 mai 2013

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour effectuer l'étude sur les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit pour procéder à son étude sur les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie- Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions.

Nous devons entendre aujourd'hui deux témoins : James Manicom, agrégé de recherche, Sécurité mondiale, du Centre de la gouvernance internationale en innovation, qui témoignera par vidéoconférence, et Laura Dawson, présidente de Dawson Strategic, qui comparaît en personne. Bienvenue.

Nous commencerons par le volet de la séance qui se déroulera par vidéoconférence et laisserons M. Manicom faire son exposé, après quoi nous entendrons Mme Dawson. Sachez tous les deux que les sénateurs vous poseront ensuite des questions. Espérons que nous pourrons exploiter pleinement le temps dont nous disposons et aborder toutes les questions qui nous préoccupent.

Bienvenue devant le comité. Notre greffier vous a informés de la teneur de notre étude et de nos intérêts. Je laisserai donc M. Manicom faire son exposé en premier.

James Manicom, agrégé de recherche, Sécurité mondiale, Centre de la gouvernance internationale en innovation : Merci de me permettre de témoigner et de prendre le temps d'écouter mon point de vue. Mon propos portera sur la reprise des relations du Canada en Asie. J'ai également effectué quelques travaux sur les frontières maritimes et les différends à cet égard; c'est donc avec plaisir que je répondrai aux questions que vous pourriez avoir à ce sujet.

Je commencerai par vous indiquer ce que je crois qui est à l'origine du changement d'attitude du Canada par rapport à l'Asie. Ce changement semble découler du programme en matière d'emplois et de croissance du gouvernement et viser à corriger le fait que l'économie canadienne demeure liée à certaines économies en pleine maturité de l'Europe et, bien entendu, de l'Amérique du Nord. Il y aurait donc lieu de croire qu'il est nécessaire de diversifier les partenaires commerciaux du Canada, pas seulement en Asie, mais également en Amérique latine et dans d'autres marchés émergents, comme la Chine, l'Inde, le Brésil et le Pérou.

Je ne vois certainement rien à redire quant à la logique de cet argument. Bien des universitaires pourraient s'interroger sur la pertinence du moment choisi pour agir. Le siècle de l'Asie a vraiment commencé à la fin des années 1970; le Canada est donc en retard et tente en quelque sorte de se rattraper. Vous avez certainement déjà entendu ce point de vue.

Le gouvernement semble comprendre ce qu'il faut faire pour améliorer les relations commerciales avec les pays asiatiques. L'Asie est une région où on transige avec ses amis, où le climat d'affaire n'est pas encore pleinement arrivé à maturité et où les conflits qui divisent les États au sujet de bouts de rocher, d'îles et de revendications maritimes afférentes continuent d'être une source de préoccupation. Contrairement à d'autres régions du monde où les insurrections et les conflits intestins semblent être au cœur de la plupart des guerres interétatiques, l'Asie semble plutôt être en proie à des conflits entre États classiques dignes du XIXe siècle. De plus, l'Asie est le théâtre d'une série de conflits civils irrésolus entre la Corée et la Chine, lesquels font tous intervenir un belligérant doté de l'arme nucléaire.

La reprise de nos relations en Asie se heurte à trois difficultés. Notons d'abord que l'implication du Canada dans les questions de sécurité régionale fera intervenir la Chine, car cette dernière est évidemment concernée et est considérée comme suspecte dans la région. Ce pays pourrait toutefois constituer l'économie la plus intéressante pour le Canada et les entreprises canadiennes, et l'amélioration de nos rapports avec lui semble s'inscrire dans le programme en matière de prospérité. Il pourrait donc y avoir conflit entre ces deux prérogatives.

En outre, le Canada doit composer avec des contraintes budgétaires considérables dans les efforts diplomatiques qu'il déploie à l'égard de la Chine, une situation qu'aggrave la distance géographique qui nous sépare de cette région.

Enfin, même si la région demande au Canada d'en faire davantage, nous pourrions également sembler si peu impliqués que nos efforts susciteront le scepticisme. Nous devons regagner la confiance de la région.

Il me semble toutefois que le gouvernement comprenne ce qui doit être fait. Le ministre Baird a laissé entendre au Conseil canadien des chefs d'entreprise que la sécurité et la prospérité vont de pair. Le gouvernement accroît donc sa présence dans les échanges régionaux, contribuant à diverses initiatives et s'attaquant à des questions qui intéressent les gens en Thaïlande et, évidemment, au Canada.

J'ajouterais que ces démarches d'ouverture sont importantes, car nombreux sont ceux qui, dans la région, s'attendent à ce que le savoir-faire du gouvernement canadien en matière d'économie s'accompagne d'initiatives diplomatiques et d'aide étrangère. Cet état de fait est attribuable à ce que beaucoup considèrent comme étant un legs de notre passé dans la région et à ce que nous considérons comme étant notre héritage de membre fondateur du forum régional de l'ANASE et de l'APEC dans la région.

Il reste toujours une attente, cependant. L'ancien secrétaire général de l'ANASE, Surin Pitsuwan, a clairement indiqué quand il est venu au Canada l'an dernier que les pays membres de l'ANASE attendent davantage du Canada avant qu'ils n'envisagent sa participation au sommet de l'Asie orientale et à la réunion des ministres de la Défense de l'ANASE, qui semblent de plus en plus être les plus importants forums d'Asie orientale.

Il conviendrait donc que le gouvernement du Canada tente de participer à des projets qui rehausseraient son image et sa présence en Asie. Ce plan devrait selon moi avoir un triple objectif. Le premier consisterait à améliorer nos relations avec les pays asiatiques, ce qui pourrait ensuite nous permettre d'adhérer aux clubs régionaux et favoriser la progression des négociations commerciales du Canada. Qui plus est, en agissant de la sorte, on améliorerait le climat pour les entreprises canadiennes en renforçant la primauté du droit. Le troisième objectif viserait à renforcer la sécurité en Asie orientale, dont la stabilité permet au commerce de suivre son cours. La stabilité des frontières maritimes permet, par exemple, d'exploiter les ressources, alors que leur instabilité a l'effet contraire.

J'ai soulevé la question à savoir quelles démarches d'ouverture le Canada devrait entreprendre à l'égard de l'Asie, tant comme région que comme ensemble d'États individuels, afin de rehausser son prestige. C'est habituellement dans ce contexte que les pays asiatiques abordent la question de nos dialogues en mer de Chine méridionale, qui ont été financés par l'ACDI et se sont tenus en Indonésie. Je tenais à en parler parce que je me fais souvent demander, tant par des partenaires asiatiques que par des Canadiens, si nous devrions recommencer cette initiative.

Ces échanges en mer de Chine méridionale, qui ont duré une dizaine d'années au cours des années 1990, se sont certainement révélés fort utiles à l'époque, permettant d'établir la confiance entre les protagonistes. Ces rencontres étaient importantes, car c'était les seules occasions où tout le monde était présent, y compris Taïwan. Comme nous le savons, la Chine a tendance à bannir Taïwan des réunions régionales, mais comme il s'agissait de démarches de diplomatie parallèle, cette dernière a pu y participer. Ces dialogues ont fait des merveilles pour la réputation du Canada dans la région, particulièrement en Chine.

Cependant, il y a trois raisons pour lesquelles je juge qu'on ne peut reprendre ces types d'échanges. Tout d'abord, la région a changé et est devenue beaucoup plus hostile, particulièrement sur la question de la mer de Chine méridionale, comme vous l'avez probablement lu dans la presse. Ce climat hostile a une influence sur les dialogues multilatéraux parallèles. Ceux qui participent à ces échanges, particulièrement la Chine, ne cherchent plus à engager un dialogue sérieux, chacun s'employant à choisir ses allégeances.

La deuxième raison en est que la Chine a changé. Elle n'a pas besoin des conseils ou de l'aide du Canada pour s'engager dans des pourparlers multilatéraux, comme c'était le cas dans les années 1990. La Chine est beaucoup plus sûre d'elle-même et n'est plus encline à se présenter à des réunions où elle sera diffamée publiquement.

Troisièmement, les deux premières raisons combinées font qu'il est désormais beaucoup plus difficile pour le Canada de jouer un rôle constructif dans la question de la mer de Chine méridionale sans risquer de nuire à nos relations avec la Chine ou avec nos partenaires traditionnels que sont le Japon, la Corée du Sud, les États-Unis et l'Australie. Je pense que ceux qui ont des visées sur les deux mers de Chine veulent que les pays choisissent leur camp — et je l'ai entendu dire pas plus tard que la semaine dernière —, et qu'il sera par conséquent très difficile pour le Canada de gérer le dossier de la Chine et celui de la région s'il se mêle à cette conjoncture.

Cela dit, quelle orientation le Canada peut-il prendre maintenant pour améliorer la confiance dans sa réputation ou son rôle dans la région? Je crois qu'il y a un certain nombre d'options possibles, dont vous avez sans doute entendu parler. Je vais parler du volet maritime de cette affaire. Bien qu'il s'agisse d'un enjeu délicat, la question maritime est toujours au sommet des priorités en Asie orientale. Cela reste toujours un moyen fécond d'édifier la confiance. Le Japon, la Corée du Sud, la Chine et les États-Unis ont tous déjà utilisé la diplomatie maritime pour améliorer leurs relations avec les pays de l'Asie du Sud-Est, et la diplomatie maritime et la diplomatie navale sont perçues comme des moyens non controversés de renforcer les liens. Ce sont des moyens diplomatiques plus coûteux, certes, mais, si l'avenir du Canada dépend de sa présence en Asie, j'estime qu'ils en valent probablement la peine.

En ce qui concerne le dialogue, le Canada pourrait investir dans une série de dialogues de deuxième front avec les grands États de la région, comme la Chine, le Japon, la Corée du Sud, le Vietnam et peut-être Singapour. Nous avons déjà certains échanges avec ces pays, mais ils devraient être poussés plus loin. Ces dialogues pourraient porter sur des enjeux régionaux d'actualité en matière de sécurité ou d'économie. Le dialogue est important dans ce contexte, car c'est une façon de promouvoir de nouvelles idées sur certaines questions pressantes et d'améliorer la compréhension réciproque. Le Canada est toujours perçu comme un acteur non controversé, alors il y a un rôle pour nous là-bas. D'autres pays, peut-être l'Australie, n'ont pas ce privilège.

Deuxièmement, le Canada pourrait s'inspirer des efforts déployés par l'Australie pour instaurer une certaine transparence dans ses relations avec la Chine, par le biais de la diplomatie militaire et d'exercices conjoints. Cela pourrait se produire en mer de Chine orientale ou dans le golfe d'Aden, où toutes nos forces navales coopèrent entre elles pour contrer la piraterie, mais pas de manière concertée.

Troisièmement, le Canada pourrait se servir de sa position au sein du Forum des gardes côtières du Pacifique Nord pour améliorer la coopération avec les gardes côtières de la Chine, de la Corée du Sud et du Japon. Nous pourrions aussi augmenter notre participation au forum des gardes côtières d'Asie. J'ai entendu dire que le Canada avait une place d'observateur au sein de cet organisme.

À l'instar du Canada, les pays de l'Asie orientale ont tous de très vastes zones économiques exclusives. Ils doivent faire respecter l'ordre avec très peu de moyens, comme c'est le cas au Canada, alors je crois qu'il y a là des occasions d'échanger au sujet des leçons apprises.

Quatrièmement, le Canada peut se servir de son grand savoir-faire dans l'extraction des ressources pour faciliter le dialogue avec les pays qui ont des visées sur la mer de Chine méridionale. Cela n'est pas sans risque, mais c'est une démarche qui a déjà été tentée par les sociétés pétrolières d'État de la Chine, du Vietnam et des Philippines, alors c'est une option qui peut être porteuse.

Cinquièmement, le Canada pourrait examiner l'intérêt qu'il aurait à mettre sur pied un organisme régional axé sur les pêcheries en Asie du Sud-Est.

En dernier lieu, voici une idée qui m'a été suggérée par Pierre Lizée, de l'Université Brock : le Canada pourrait se tourner vers le Myanmar ou la Birmanie, selon l'appellation du jour, pour adhérer à l'APEC, adhésion qui pourrait lui permettre de promouvoir la primauté du droit dans la région.

Peu importe le moyen, les ambitions économiques du Canada dans cette région doivent être portées par des initiatives visant à renforcer la confiance, à bonifier les capacités et à encourager le dialogue. On pourra grâce à cela renforcer la présence du Canada dans la région, contribuer à la stabilité régionale et, avec le temps, améliorer les relations économiques du Canada avec les nations asiatiques. Les intérêts du Canada sont mal servis par des initiatives qui semblent se dessiner en fonction des polarités de plus en plus marquées qui caractérisent la sécurité dans l'est de l'Asie.

La présidente : Merci. Vous avez couvert beaucoup de terrain. Nous entendrons maintenant l'exposé de Mme Dawson, de Dawson Strategic.

Laura Dawson, présidente, Dawson Strategic : Bonjour. Merci de m'avoir invitée.

J'ai dû passer les 20 dernières années à travailler sur des dossiers liés au commerce international, surtout d'une perspective canadienne, mais aussi avec d'autres pays. J'ai enseigné le commerce international pendant un certain nombre d'années. Plus récemment, j'ai été conseillère auprès de certains partenaires commerciaux du Canada, tels que la Chine, la Russie, les Antilles, l'Amérique latine et les États-Unis.

Mon travail actuel consiste à aider des sociétés du secteur privé à tirer parti des avantages commerciaux que le Canada est en mesure de créer grâce à ses engagements internationaux. Dans cette optique, j'ai soutenu énergiquement le Partenariat transpacifique, même si, pour bien des gens, dont moi, le bien-fondé de cet accord ne coulait pas de source et qu'on se demandait pourquoi le Canada devait y adhérer.

Si vous examinez la situation économique — et je sais que vous avez eu la visite de brillants économistes — le seul commerce qui ne soit pas déjà couvert par un accord commercial existant compte pour quelque chose comme quatre pour cent de nos exportations, alors, que faisons-nous avec le Brunei, la Malaisie, et tous les autres? Pourquoi n'accordons-nous pas toute notre attention aux grands pays riches?

Mon exposé d'aujourd'hui vise essentiellement à répondre à deux questions. D'abord, pourquoi cherchons-nous à faire partie du Partenariat transpacifique, alors qu'il n'y a pas grand-chose à gagner et que nous avons déjà des accords avec beaucoup de ces pays? Deuxièmement, puisque nous avons déjà le doigt dans l'engrenage, que pouvons-nous espérer? Le Canada va-t-il ressortir gagnant ou perdant de ces négociations?

En conclusion, je tracerai quelques liens entre l'ANASE et l'Alliance du Pacifique, et je me ferai une joie de répondre à vos questions.

La première raison pour laquelle le Canada doit être présent à la table des négociations en est une défensive; nous devons nous prémunir contre l'érosion des préférences. Le gros de notre commerce se fait avec les pays de l'ALENA, et surtout avec les États-Unis. Nous ne voulons pas que les États-Unis soient le seul gros joueur à la table des négociations, faisant des concessions, prenant de nouveaux engagements et créant de nouveaux accès aux marchés, sans le Canada.

De plus, nous avons mis en place des modalités très robustes avec le Mexique concernant nos façons de faire, les questions de réglementation, les aliments, les boissons, la santé et les questions frontalières. Nous avons payé le prix qu'il fallait pour que notre économie soit intégrée à celle des États-Unis dans un premier temps, puis à celle du Mexique. Nous ne voulons pas voir disparaître ces avantages. La position défensive qui est la nôtre est l'une des raisons pour lesquelles nous nous sommes retrouvés à la table de négociations du Partenariat transpacifique.

Deuxièmement, faute de progrès significatifs avec l'Organisation mondiale du commerce, le Partenariat transpacifique est la seule option qui reste. Les États-Unis ont fait de cet accord l'axe central de leur politique commerciale. Encore une fois, nous devons être présents à cette table, parce qu'il s'y passe des choses importantes.

De plus, l'accord commercial qui préside au commerce canadien est déjà vieux de 20 ans. L'ALENA de 1994 a été mis en œuvre avant l'avènement du commerce électronique, avant qu'il y ait la logistique de tierce partie et avant bon nombre des activités de l'économie des services que nous avons maintenant. Nous devons donc profiter du Partenariat transpacifique pour mettre à jour nos engagements commerciaux qui remontent aux années 1990. Le vent souffle du côté du Partenariat transpacifique.

En troisième lieu, comme vous le savez tous, nos relations commerciales avec les États-Unis ont toujours été excellentes; nous y écoulons 75 à 80 p. 100 de nos produits et notre position à cet égard est pour le moins privilégiée. Comparativement à ceux que nous avons avec d'autres, les échanges commerciaux avec ce pays sont relativement faciles. Il y a la langue commune, la proximité, la géographie, la culture. Les choses ont été très faciles et très avantageuses pour nous. Or, notre principal partenaire commercial, les États-Unis, est en recul. La demande diminue. La demande des autres pays avec lesquels nous avons l'habitude de faire affaire, les pays de l'OCDE et du G7, diminue elle aussi. Tant sur le plan de l'avancement que sur celui de l'âge de leur population, ce sont des économies vieillissantes. Nous avons besoin d'économies plus jeunes où les consommateurs arrivent en grand nombre à maturité et où la demande est à la hausse. Nous devons être présents sur ces marchés.

À l'heure actuelle, le Partenariat transpacifique est la façon qui s'offre au Canada d'accéder par la grande porte aux marchés émergents. Nous n'avons pas été en mesure de prendre pied en Asie. Nous avons eu le feu vert pour entamer des négociations avec le Japon, ce qui est formidable, mais nous devons aussi sonder d'autres marchés asiatiques, ceux qui sont jeunes et en pleine croissance.

La quatrième raison qui justifie notre participation à un accord commercial qui ne viserait que 4 p. 100 de nos exportations est que les négociations et les accords en matière de commerce sont des instruments très différents de ce qu'ils étaient il y a 20, 30 ou 40 ans. Lorsque nous avons négocié le GATT, l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, les gains sur le plan commercial émanaient de la réduction des tarifs. Cette dernière permettait en effet de réduire le coût des exportations et, par conséquent, d'ouvrir de nouveaux marchés, une dynamique que l'on pourrait comparer à l'eau suit le chemin qui oppose le moins de résistance.

Cette dimension n'existe plus. La majorité des gains réalisés par le biais des tarifs se sont érodés et les seuls tarifs qui restent visent des secteurs très délicats, tels que l'agriculture, le lait et d'autres choses dont l'importance n'a cessé de reculer graduellement.

Où sont les avantages commerciaux? Ils sont dans ces barrières laborieuses et poussives qui ne sont pas liées aux tarifs, nommément les questions de réglementation, de certification, d'inspection, de dédoublement et de règles d'origine. Ces questions sont intimidantes et difficiles, mais c'est à elles que nous devons nous attaquer si nous voulons gagner cette lente guerre d'usure et porter en avant nos intérêts commerciaux.

Les accords commerciaux nous aident aussi à nous débrouiller avec ce que l'on appelle la « politique du commerce de détail », qui consiste essentiellement à vendre ce que le Canada a à offrir en faisant du porte-à-porte. Nous devons être présents en Asie, nous devons être présents au Japon et nous devons être présents au Vietnam. Il se peut que nous soyons là pour des négociations sur les mesures douanières, mais cette seule présence nous permettra peut-être de nous faire connaître et d'en apprendre davantage à leur sujet en vue d'autre chose, comme des ententes en matière d'investissement, des échanges universitaires, des coentreprises, des accords de coopération, autrement dit, toutes ces choses secondaires et additionnelles sur lesquelles nous devons vraiment travailler en tant qu'économie exportatrice à l'affût des marchés émergents.

Une autre évidence que l'on feint d'ignorer est que la Chine, ce marché auquel nous voulons tous accéder, ne fait pas partie du Partenariat transpacifique.

M. Manicom a une bien plus grande maîtrise de ces questions que moi, mais il s'agit là de ce que l'on appelle la realpolitik et de savoir qui contrôle les blocs commerciaux asiatiques. Le Partenariat transpacifique est le bloc américain. L'ASANE plus trois et l'ASANE plus six est le bloc chinois. Tôt ou tard, pour peu qu'il soit futé et preste, le Canada aura à traiter avec ces deux blocs. Cependant, pour l'instant, nous devons viser le Partenariat transpacifique. C'est notre façon de mettre notre pied dans la porte et de tenter de comprendre comment faire des affaires sur ces nouveaux marchés. Nous devons mettre au point des chaînes d'approvisionnement. J'aimerais que, d'ici dix ans, nous soyons partie prenante de ces deux blocs et que nous soyons aussi en mesure de faire des affaires avec la Chine. La politique commerciale et l'immobilier fonctionnent selon le même principe : il faut être au bon endroit, un point c'est tout.

Quels sont les résultats auxquels on peut s'attendre? Cet accord ne permettra pas au Canada de gagner beaucoup de terrain sur ces marchés. Nous n'assisterons pas à une avalanche de nouveaux débouchés. Comme je vous l'ai dit, il y aura des gains, mais ceux-ci seront modestes et graduels. Ils seront arrachés de guerre lasse, mais ils seront nécessaires.

Je le répète, la plupart de nos intérêts dans cette affaire sont des intérêts défensifs, mais nous n'aurons pas à laisser aller grand-chose en échange. N'oubliez pas qu'il s'agit d'une négociation commerciale poussée et vaste engageant des pays composés en majorité d'économies émergentes qui n'ont pas autant d'expérience que le Canada en la matière. L'ALENA nous a aguerris. Les grandes concessions, nous devrons probablement les faire dans le cadre des négociations sur l'accord avec l'Union européenne. Alors, en comparaison, ce que le Partenariat transpacifique exigera de nous ne devrait pas poser de grandes difficultés. Les États-Unis et les autres concentreront leurs efforts sur l'intégration de pays comme le Vietnam. Nous serons un pays développé, qui aura la partie facile.

Parallèlement, nous devons avoir l'œil sur les orientations novatrices que le Partenariat transpacifique pourrait prendre. Les États-Unis n'ont pas caché leurs intentions au sujet de cet accord 2.0 du XXIe siècle. Ils veulent faire des choses intéressantes, nouvelles, novatrices. Le Canada doit veiller à ce que ces « choses intéressantes » ne fassent pas reculer nos intérêts, comme ce serait le cas s'ils tentaient de remettre en selle le principe de précaution, mais sous un nouveau nom. Ce principe, rappelons-le, signifie qu'il est possible d'interdire une exportation non pas en vertu de preuves scientifiques, mais bien en fonction d'une raison fondée sur la conviction qu'il pourrait y avoir un problème. Les exportations visées pourraient être des produits provenant des sables bitumineux, des produits agricoles de la Saskatchewan, des produits à haute teneur en sucre, et cetera. Nous devons veiller à ce que les innovations mises de l'avant à la table des négociations n'aillent pas trop loin.

Lorsqu'il est question d'accords, le Canada dispose d'excellents négociateurs. Nos gens arrivent toujours très bien préparés. Ils connaissent les enjeux chers aux deux parties. Lorsque je travaillais pour les Américains, ils disaient : « On ne peut jamais sous-estimer les Canadiens, sinon ils vous enlèvent le pain de la bouche. » C'est d'ailleurs pour cela que nous avons une ou deux propositions novatrices de notre cru à soumettre au Partenariat transpacifique. En particulier, comme vous le savez peut-être, nous avons eu des problèmes avec les politiques « Buy American » des États-Unis. Or, comme nous sommes une économie relativement modeste, nous n'arrivons pas à défendre nos intérêts en matière d'approvisionnement ni auprès de l'OMC, ni auprès des États-Unis. Nous avons par conséquent soumis une formidable politique innovatrice sur l'approvisionnement à la table de négociation du Partenariat transpacifique, et je souhaite qu'elle fasse son chemin, car cela nous aidera à faire des gains auprès des États-Unis et des autres grandes économies.

Je crois que c'est une bonne chose que le Canada soit là. Nous avons davantage à y gagner qu'à y perdre. Au reste, j'estime que ces négociations s'imbriquent très bien aux efforts que nous déployons dans le cadre de l'ANASE et, comme pièce ultime, de l'Alliance du Pacifique — qui est un autre accord du type « mais qu'est-ce qu'on est allé faire dans cette galère? ». Cette alliance comprend les économies dynamiques de l'Amérique latine avec lesquelles le Canada travaille.

À mon sens, ce qui est important avec l'organisation de l'Alliance du Pacifique, c'est qu'elle est très axée sur l'avenir et qu'elle est peut-être en train de faire la liste des questions qui devront être débattues lors des négociations pour le Partenariat transpacifique. Voilà la table des innovateurs, svelte et rapide, et nous devrions y être aussi. Je ne sais pas si nous arriverons à faire partie de l'Alliance du Pacifique, mais je sais que c'est une bonne chose que nous soyons là en ce moment.

La présidente : Merci. Vous avez certainement beaucoup de choses à dire.

La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie de vos exposés.

Monsieur Manicom, vous avez parlé de la sécurité dans la région. Ma question porte sur l'essor de l'islamisme. Prenons par exemple l'Indonésie, qui connaît une montée en puissance et qui est le plus grand État musulman du monde. Quelles répercussions, s'il y lieu, cela pourrait-il avoir sur la sécurité dans la région?

M. Manicom : C'est une excellente question. Je crois que l'Indonésie, qui est également la première démocratie musulmane au monde, joue deux rôles. Deux questions se posent par rapport à la sécurité. Tout d'abord, quel est le rôle de ce pays sur le plan interétatique en ce qui concerne la mer de Chine méridionale? L'Indonésie se perçoit comme la première parmi ses pairs au sein de l'ANASE et elle croit devoir faciliter la communication dans la région. Elle ne réclame pas une portion de la mer de Chine méridionale, mais elle craint que la Chine ne finisse par empiéter sur ses revendications maritimes, ce qui n'est pas encore le cas. L'Indonésie croit qu'elle doit favoriser le dialogue sur la question. Brunéi fait également partie du groupe de pays qui ont été moins provoqués par la Chine que d'autres États comme le Vietnam et les Philippines. Bref, l'Indonésie croit qu'elle a un rôle à jouer par rapport aux autres États.

Par ailleurs, les insurgés locaux, les terroristes ou les combattants de la liberté — peu importe le nom que vous leur donnez — lui ont évidemment causé beaucoup de problèmes. L'islam radical est un thème important en politique indonésienne. D'ailleurs, quand j'étudiais en Australie, tous les Indonésiens qui faisaient leur doctorat avec moi avaient choisi ce sujet ou celui de la corruption dans leur pays, qui sont tous les deux des problèmes graves.

D'après ce que j'ai compris, l'Indonésie a fait beaucoup de progrès dans ce dossier. La majorité des électeurs en sont très fiers, car ce n'est pas un pays extrêmement radicalisé. Il est seulement très vaste et la capacité de l'État comporte des lacunes. À certains endroits, il est simplement absent, ce qui laisse le champ libre à la radicalisation.

Bref, l'Indonésie aborde deux aspects de la situation en matière de sécurité en Asie de l'Est, et elle fait de son mieux dans les deux cas. Ils donnent chacun au Canada la possibilité de renforcer la capacité de cet État dans la lutte contre le terrorisme. Je crois que nous avons engagé un dialogue à ce sujet dans la région et que les Indonésiens y participent. Si nous le voulons, nous pourrions également nous joindre aux discussions sur les revendications maritimes.

La sénatrice Ataullahjan : Madame Dawson, on a dit que le Canada pourrait en faire davantage dans la région et que la concurrence économique s'y accentue. À votre avis, est-ce que nous accusons du retard? Pouvez-vous nous donner un exemple de mesures prises par les autres pays? Que font-ils de plus que nous?

Mme Dawson : Oui, le Canada accuse du retard. Nous avons eu tendance à nous fier à nos accords commerciaux comme principaux moyens d'intégrer les économies émergentes. De plus, nous n'avons pas réussi à mener à terme des négociations commerciales en Asie, ce qui nous a tenus à l'écart de la région. Nous avons aussi tardé à enclencher des mécanismes connexes tout aussi importants.

Nous avons un excellent service de promotion du commerce, et nous devons nous assurer que nos délégués commerciaux donnent tout ce qu'ils ont. Nous devons collaborer avec les intervenants des provinces et des divers secteurs pour établir diverses ententes de collaboration économique. Nos efforts devraient porter principalement sur le renforcement de la confiance. Les politiques gouvernementales ne suffisent pas.

Les entreprises canadiennes ont tendance à redouter les risques, et le marché américain s'est avéré très rassurant pour nous. Il est difficile et coûteux de se tailler une place dans un marché émergent, sans mentionner les risques que cela présente. Plusieurs entreprises d'ici, telles que Manuvie, ScotiaBank et Bombardier, ont affronté les risques et fait le saut à l'échelle internationale. Il faudrait trouver un moyen de mettre à profit leur participation dans ces marchés pour aider les PME à en faire autant et diminuer les risques. Ce serait une excellente contribution. Le mot d'ordre devrait être de faire tout ce que nous pouvons pour accroître les connaissances et diminuer les risques et les coûts de transaction.

Le sénateur Downe : Madame Dawson, nous comprenons tous l'importance du commerce pour le Canada, mais la ligne de tendance n'est pas particulièrement bonne selon Statistique Canada. En effet, la valeur des biens et services exportés a diminué, tandis que notre déficit commercial est passé de 37,8 milliards de dollars en 2006 à 143,8 milliards en 2011. Il s'agit de la même période pendant laquelle nous avons parcouru le monde, si je peux m'exprimer ainsi, pour conclure le plus d'accords commerciaux possible afin d'accéder à des marchés que je qualifierais de négligeables. Ils ont ensuite presque tous contribué à faire augmenter notre déficit commercial.

Vous avez raison de dire que notre principal marché est celui des États-Unis. Pourtant, le gouvernement semble canaliser les ressources et les délégués commerciaux vers ce qu'il espère être des marchés émergents qui donneront de nouvelles possibilités. Toutefois, les résultats semblent contraires à ceux que nous aurions voulu obtenir.

Compte tenu de ce qui s'est passé au cours des 10 dernières années, pourquoi devrions-nous mobiliser beaucoup de ressources pour pénétrer de nouveaux marchés alors que les accords commerciaux que nous avons signés dernièrement n'ont pas donné les résultats escomptés?

Mme Dawson : Cela nous ramène au fait que les accords commerciaux sont nécessaires, mais insuffisants. Les nôtres reflètent une vieille approche qui consiste à compter sur le secteur manufacturier et certaines exportations de produits de base. L'avantage comparatif du Canada n'est pas, en grande partie, à titre d'exportateur de produits manufacturiers, à moins que nous atteignions le haut de la chaîne de valeur et que nous fabriquions des produits de pointe qui nécessitent des investissements élevés. Autrement, nous devons accepter le fait que nous ne serons pas un grand exportateur de produits manufacturés.

Statistique Canada dispose de chiffres sur le commerce. Est-ce qu'ils reflètent vraiment l'ensemble de notre situation commerciale? Premièrement, le Canada est un exportateur de services en croissance. C'est un milieu qui se développe très rapidement, et la plupart de nos données sur le commerce n'en tiennent pas compte. Deuxièmement, les entreprises canadiennes n'ont pas tendance à être dominées par les grandes sociétés exportatrices. Il s'agit plutôt de PME qui interviennent la plupart du temps dans les chaînes d'approvisionnement. Lorsqu'une antenne fabriquée au Canada est utilisée dans un téléphone cellulaire exporté à partir des États-Unis, on ne considère pas qu'il s'agit d'une exportation canadienne.

Premièrement, la collecte de données statistiques sur la valeur des échanges est en retard sur son temps. Deuxièmement, pour faire une analogie avec le hockey, nous devons regarder où va la rondelle en tant qu'exportateurs de services dans des secteurs à haute valeur ajoutée liés aux chaînes d'approvisionnement mondiales. Nous avons besoin d'accords commerciaux pour nous assurer une présence dans le monde. Les accords qui mettent l'accent sur les tarifs ne sont pas ce qu'il y a de mieux. Nous devons donc trouver une meilleure façon de pénétrer les marchés émergents. Je suis désolée; je n'ai pas parlé de l'importance de la promotion de l'investissement.

Le sénateur Downe : L'argument contradictoire serait que beaucoup de ces accords font en sorte que la capacité de notre secteur manufacturier n'est plus ce qu'elle était et qu'elle diminue. Nous sommes envahis de produits que nous fabriquions ici, mais qui proviennent maintenant de pays avec lesquels nous avons signé des accords commerciaux.

Je regarde des statistiques d'Industrie Canada. Au cours de l'année qui a précédé la signature d'un accord avec Israël, notre déficit commercial était inférieur à 27 millions de dollars. L'année dernière, il a grimpé à plus de 58 millions. Nos échanges avec le Chili affichaient quant à eux un surplus de 73 millions de dollars avant la signature d'un accord en 1997, et nous avons maintenant un déficit de plus d'un milliard.

Nous signons ces accords avec les meilleures intentions du monde. Ce que je m'apprête à dire se rapporte peut-être à vos propos sur la réticence ou le manque de créativité des entreprises canadiennes, mais je ne veux pas parler à votre place. Selon ces chiffres, d'autres pays semblent mieux préparés que nous à tirer profit des accords et des possibilités qu'ils offrent.

D'après votre expérience, non seulement au Canada, mais aussi ailleurs dans le monde, quelle est l'aide offerte par les autres pays aux entreprises que le gouvernement du Canada ne donne pas et qu'il devrait donner pour qu'elles tirent profit des possibilités que présentent les accords?

Nous connaissons bien Exportation et développement Canada et les autres organismes semblables. Dans le nouveau contexte dont vous parlez, que devrions-nous faire d'autre pour que les gens et les entreprises puissent saisir toutes les occasions qui découlent de ces ententes?

Mme Dawson : Vous avez abordé beaucoup de points, mais je vais répondre à la dernière question. Les entreprises canadiennes pourraient profiter d'une diplomatie commerciale plus efficace qui ne se limite pas au travail des délégués commerciaux et du personnel des ambassades. En effet, le premier ministre, des députés et des sénateurs devraient visiter des marchés émergents en compagnie de gens d'affaires afin de renforcer la crédibilité et la présence du Canada en tant qu'acteur de premier plan.

On a reproché au Canada de pénétrer dans les marchés émergents, mais de ne pas y rester. Nous devons accroître notre présence afin d'être reconnus comme un État qui s'engage à long terme dans des pays comme l'Inde, la Chine et ainsi de suite.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je m'inquiète pour le secteur manufacturier. On sait que, par suite de la mondialisation, le secteur du vêtement, entre autres — je pense aux jeans —, le secteur du plastique et, sur une plus petite échelle, les bicyclettes — à l'exception de l'entreprise de Louis Garneau —, le chiffre d'affaires des entreprises qui œuvraient dans ce domaine depuis la mondialisation a décliné d'une façon dramatique et, pour certaines régions, d'une façon je dirais même mortelle.

Avec cette entente de partenariat avec les 11 pays de l'Asie-Pacifique, pouvez-vous me convaincre que c'est le fait d'exploiter le pétrole, les mines de toute sorte qui peut nous aider à compenser pour les pertes qu'on subit présentement?

Si on compare avec l'ALENA, les Américains ont un niveau de vie comparable au nôtre, le niveau des salaires est comparable. On s'apprête à signer un accord de libre-échange avec l'Union européenne et pour les principaux pays, on peut comparer le PIB et le salaire. Lorsqu'on parle de concurrence avec des pays comme le Pérou, le Chili, peut-être la Malaisie, je comprends qu'avec l'Australie, et le Mexique qui est déjà dans l'ALENA, c'est déjà comparable. Pouvez- vous me rassurer qu'on pourra compenser pour les pertes?

[Traduction]

Mme Dawson : Le Canada ne sera plus jamais concurrentiel pour ce qui est des produits dont la fabrication repose essentiellement sur une main-d'œuvre bon marché. Il est maintenant trop tard. Nous ne serons plus en mesure de l'être, et à moins que nous soyons disposés à augmenter les tarifs et à acheter des vélos canadiens de 4 000 $, nous ne pourrons plus jamais fabriquer ces produits ici tout en accordant à nos travailleurs le salaire et les avantages qu'ils méritent. Quelle est la solution de rechange? Nous devons miser sur les procédés hautement spécialisés.

Nous avons un des meilleurs systèmes d'éducation au monde et des installations de R-D qui font l'envie des autres pays. Pouvons-nous trouver un moyen de tirer parti de nos technologies et de nos capacités de manière à mieux soutenir nos exportations?

Quand j'étudiais dans le Nord de l'Ontario, mes amis du secondaire obtenaient leur diplôme, étaient embauchés à l'aciérie et pouvaient y travailler toute leur vie. Ce n'est plus une possibilité qui s'offre aux Canadiens. Mon fils travaille pour une entreprise, située dans une petite ville en bordure du Saint-Laurent, qui fabrique à l'aide de procédés à la toute fine pointe de la technologie du matériel cinématographique qui est exporté partout dans le monde. C'est un exemple de domaine dans lequel le Canada a un avantage qu'il doit continuer d'exploiter.

Nous pouvons constater en regardant les chiffres qu'une bonne partie du travail qui était fait à l'étranger est de nouveau accompli au Canada et aux États-Unis grâce à des procédés de fabrication avancés et à la réintégration de la fabrication et de la R-D. Ces initiatives sont très importantes. Des entreprises comme GE investissent dans la renationalisation de la fabrication. Nous devons miser sur des procédés de fabrication de pointe ingénieux ainsi que sur notre travail, non seulement en tant qu'exportateurs de produits de base, mais aussi à titre de spécialistes en extraction de matières premières. Le monde entier envie nos connaissances dans le secteur minier et notre capacité d'extraction. Encore une fois, c'est là que nous devons concentrer nos efforts.

M. Manicom : Je ne suis certainement pas un spécialiste du commerce, mais je suis d'accord avec Mme Dawson, il est trop tard pour ce qui est de la fabrication à faible coût et que le gouvernement doit prendre des mesures pour préserver ce qu'il en reste. Il doit également soutenir l'innovation dans les secteurs de haute technologie. C'est ma réponse.

[Français]

Le sénateur Rivard : On sait que, dans le budget qui est présentement à l'étude, il y a une subvention de 15 000 $ qui sera accordée aux gens de l'industrie manufacturière, entre autres, pour leur permettre de pouvoir changer de spécialité afin de faire face à la mondialisation.

Trouvez-vous que cette mesure est suffisante ou pensez-vous qu'il serait difficile, avec une somme de 15 000 $, de transformer quelqu'un qui fabriquait des jeans ou qui assemblait des bicyclettes en quelqu'un de spécialisé en haute technologie afin de pouvoir concurrencer les pays du marché européen ou les 11 pays qui font partie du Partenariat Asie-Pacifique?

[Traduction]

Mme Dawson : Il semble que vous nous demandez de prendre position. Ma réponse est que nous n'en faisons jamais assez. Je ne veux pas sous-estimer ou prendre à la légère les répercussions de la restructuration économique sur les gens et les collectivités. L'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis nous a apporté d'énormes avantages en ce qui a trait à notre capacité d'exporter nos services. C'est ce qui nous a permis d'avoir des entreprises comme Nortel. Cela dit, il a également eu des répercussions négatives sur le secteur agricole, celui des vins locaux et certains secteurs de fabrication, ce qui a fait une différence dans certaines collectivités. Un travailleur d'usine ne devient pas du jour au lendemain un concepteur de téléphones cellulaires de pointe.

Le sénateur Wallace : Madame Dawson, comme vous l'avez maintes fois souligné, le Canada accuse un retard, et vous avez dit que les entreprises d'ici prennent généralement peu de risques, ce qui semble tout à fait vrai lorsqu'on les compare à leurs pendants américains.

Je me demandais à quel point le manque d'uniformité des lois commerciales dans la région, comme c'était le cas à l'époque pour le Canada dans le marché nord-américain, est un facteur à considérer. Pouvez-vous nous donner une idée de la situation?

Mme Dawson : C'est très intéressant.

Premièrement, les ententes auxquelles a participé l'Organisation mondiale du commerce ont permis de mettre en place de manière adéquate des politiques et des lois commerciales de base. Nous accuserions un retard encore plus grand si ce n'était pas de ces ententes qui remontent à 1994.

Il est avantageux pour nous de joindre le Partenariat transpacifique avec les États-Unis parce que la plupart de nos processus juridiques et réglementaires en matière de commerce sont alignés sur les leurs. S'ils obtiennent ce qu'ils veulent, ce sera probablement la même chose pour nous.

Cela dit, le problème n'est pas lié à une insuffisance de règles et de lois, car ce ne sont pas les conventions qui manquent. Il relève plutôt de la mise en œuvre et du renforcement des capacités de même que de la capacité des pays en développement et en émergence de donner suite aux engagements qu'ils ont déjà pris.

Nous devons tous bien concentrer nos efforts sur des aspects tels que les questions réglementaires et techniques, car environ 5 p. 100 des pertes liées aux produits leur sont attribuables. C'est un élément très important. Nous devons également accorder davantage d'attention aux mesures de transparence et de lutte contre la corruption. Nous ne pouvons plus accepter la façon dont on conclut des affaires dans ces marchés, car autrement, les entreprises canadiennes auront énormément de difficultés.

Notre participation à ces négociations ne vise pas seulement à harmoniser les accords; il s'agit d'un exercice d'assistance technique en soi. J'ai travaillé pour le Canada en Amérique centrale pendant quatre ans à un exercice d'assistance technique financé par l'ACDI associé à nos négociations commerciales. Je vous jure que nous avons formé tous les négociateurs commerciaux et fonctionnaires intermédiaires des cinq pays d'Amérique centrale. Est-ce que cela a porté ses fruits? À la fin de l'exercice, ils avaient compris comment fonctionnaient les accords et le Canada, et avaient une profonde appréciation de notre pays. Donc, notre engagement à ce niveau du marché sera très profitable pour nos intérêts commerciaux à long terme.

En ce qui a trait aux priorités, je dirais que la participation du Canada à l'assistance technique en matière de commerce, par l'entremise de l'ACDI et d'autres agences de développement, est une très bonne idée.

Le sénateur Wallace : Y aurait-il un manque de confiance de la part des investisseurs commerciaux canadiens envers la loi commerciale de la région et envers l'application de ces droits?

Nous connaissons très bien les exigences contractuelles et les droits qui les accompagnent. Les gens d'affaires veulent minimiser les risques. Le risque serait très grand s'ils doutaient de la possibilité d'appliquer les droits. On pourrait manquer de confiance envers le système judiciaire ou l'exécution des lois commerciales de ces pays.

Est-ce qu'il y a des différences importantes? Est-ce une chose que vous avez remarquée dans le comportement des entreprises et des investisseurs canadiens?

Mme Dawson : Je crois que les principales différences ont trait au degré de mise en œuvre et au respect des accords existants.

Je travaille un peu avec Exportation et développement Canada à l'élaboration de stratégies d'atténuation des risques pour les exportateurs canadiens. La meilleure solution serait d'adopter une approche à niveaux multiples. On ne peut pas se fier aux accords en soi. Il faut aussi la participation du Service des délégués commerciaux du Canada. Il faut un partenaire local fiable, collaborer avec les associations du barreau locales et fonctionner à de multiples niveaux pour accroître la confiance et réduire le risque.

On doit commencer à petite échelle et y aller progressivement. Les Canadiens ont connu de très belles expériences à l'échelle internationale, mais il y a aussi des histoires d'horreur, et un accord en soi ne garantit pas la sécurité de votre investissement à l'étranger.

Le sénateur Wallace : Merci.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Merci. Madame Dawson, monsieur Manicom, je voudrais tout d'abord vous demander d'excuser mon retard. Nous procédions aujourd'hui au dévoilement du nouveau calendrier du Sénat.

Nous avons discuté, dans le cadre d'une réunion précédente, de l'enjeu de créer des relations politiques et économiques avec certains pays de la région de l'Asie-Pacifique dans un contexte où nous ne partageons pas nécessairement les mêmes valeurs.

La promotion des droits de la personne en est un exemple. Si nous observons les systèmes politiques en place dans les pays de la région du Pacifique, est-ce qu'on peut remarquer une évolution dans leurs politiques sur des questions fondamentales telles que celle des droits de la personne, par exemple?

Ma deuxième question touche le même sujet : croyez-vous possible pour le Canada de faire évoluer ses relations d'affaires dans cette région tout en poursuivant l'objectif de promouvoir les droits de la personne?

[Traduction]

Mme Dawson : Je vais laisser M. Manicom parler des droits de la personne, puis je parlerai de leurs liens avec les activités économiques.

M. Manicom : Cela me semble être une bonne répartition des tâches.

J'aimerais d'abord vous dire que je m'oppose à la croyance selon laquelle un grand nombre de pays de l'Asie- Pacifique ne partagent pas notre vision des droits de la personne. Il n'y a pas plus grands défenseurs des droits universels de la personne que le Japon, la Corée du Sud et l'Indonésie, pour n'en nommer que trois. Je ne crois pas qu'il soit juste de mettre tout le monde dans le même panier.

À cet égard, vous avez raison : certains gouvernements de l'Asie orientale ou de l'Asie-Pacifique ne partagent peut- être pas le point de vue canadien en matière des droits de la personne. Je crois que le temps où l'on pouvait marier commerce et droits de la personne est révolu. Ce débat est mort. C'est impossible. On a essayé, et cela n'a pas fonctionné. C'est terminé.

En faisant affaire avec ces pays, est-ce qu'on améliore leur niveau de vie, et le nôtre? Cela ne donne-t-il pas lieu à l'amélioration des droits de la personne au fil du temps?

Aussi, ces gouvernements qui ne partagent pas le point de vue canadien ou occidental, ou notre définition des droits universels définissent les droits de la personne en des termes économiques par opposition à des termes politiques ou sociaux.

J'ai tenté de répondre aux trois questions en même temps. Est-il possible d'améliorer le commerce international? Au fil du temps, avec l'amélioration du niveau de vie, ce sera possible. Je crois que nous pouvons parler des questions relatives aux droits de la personne dans le cadre de notre engagement diplomatique en général sans utiliser le terme « droits de la personne ». On pourrait parler de la primauté du droit, des processus judiciaires ou de la migration clandestine, tous ces sujets qui sont liés à la violation de ces droits, mais il ne faut pas faire la leçon à ces pays. Personne ne veut entendre cela. Je cède la parole à Mme Dawson.

Mme Dawson : Je suis d'accord avec vous. Je ne veux pas prétendre que ces accords commerciaux ont un effet d'homogénéisation, ou simplifier les choses et dire que les pays qui ont des restaurants McDonald's ne se font pas la guerre. Le Canada n'a jamais tiré profit de la réprimande explicite d'autres pays à propos des droits de la personne ou d'un comportement d'affrontement. Nous avons toutefois intérêt à être un allié de confiance, un courtier honnête, une solution de rechange, si je puis dire, aux États-Unis, non seulement en tant que pays qui peut suggérer d'autres façons de faire, mais aussi en tant que pays qui offre un vrai modèle de tolérance, de diversité et de respect des droits de la personne. Je crois que cela nous sert très bien. Comme nous sommes connus dans les régions des marchés émergents, je crois que nous occuperons une plus grande place à cet égard.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Madame Dawson, selon les données que vous possédez, est-ce que l'enjeu de la sécurité freine les entreprises désireuses de faire des affaires avec certains pays de la région de l'Asie-Pacifique?

[Traduction]

Mme Dawson : Encore une fois, je céderais la parole à M. Manicom.

J'ai peut-être été un peu désinvolte dans mon exposé, lorsque j'ai parlé d'un monde commercial multipolaire, dominé d'un côté par les États-Unis et le Partenariat transpacifique, et de l'autre par la Chine et l'ANASE. Si le Canada avait une vision stratégique, il travaillerait des deux côtés pour obtenir les avantages économiques de la participation à ces deux accords. Toutefois, si nous perpétuons trop cette tendance, et la bipolarité dans l'Asie- Pacifique, nous n'en tirerons rien de bon et nous pourrions aggraver certaines préoccupations en matière de sécurité. Je passe la parole à mon ami de Waterloo.

M. Manicom : J'aimerais donner mon opinion à ce sujet.

Si on définit la sécurité de façon classique, oui, je crois que c'est le cas. Ce ne l'était pas avant. Le grand paradoxe il y a trois ans était que la Chine et le Japon se détestaient, mais faisaient beaucoup d'échanges commerciaux. Or, depuis 2010, les crises politiques ont entraîné une réduction des investissements, des sanctions et des embargos officieux qui ont certainement eu une incidence sur l'économie japonaise.

Il y a aussi la perception d'embargo. On croyait que la Chine avait imposé un embargo sur les éléments des terres rares, ce qui était faux. Elle avait réduit les expéditions avant la crise. Toutefois, puisqu'on en a ressenti les effets pendant la crise, on a cru que c'était un coût politique.

Aussi, Taïwan a imposé une avalanche de sanctions aux Philippines après une crise entre les bateaux patrouilleurs et les bateaux de pêche, notamment des restrictions relatives aux travailleurs philippins à Taïwan. Ce ne sont pas nécessairement des occasions d'affaires, mais les crises politiques en Asie orientale ont certainement entraîné une augmentation des coûts économiques.

La présidente : Nous avions recours à des processus à deux volets en Asie-Pacifique, monsieur Manicom, et ils étaient très utiles. On me dit qu'on devrait peut-être en établir d'autres, avec les ordres d'avocats, les organismes de réglementation et ainsi de suite. Est-ce qu'on devrait les officialiser ou non?

Nous avons étudié la question de la sécurité traditionnelle. Serait-ce une façon d'aborder les questions relatives à la sécurité de nos technologies, la cybersécurité? Est-ce que cela pourrait aider?

M. Manicom : C'est une très bonne question. Je crois que ces processus sont plus efficaces lorsqu'ils sont officieux; on évite ainsi certains problèmes diplomatiques pouvant émaner de l'ignorance des organisateurs, qui sont souvent des universitaires comme moi et ne connaissent pas bien les subtilités en la matière. Je crois qu'il est important que ces processus soient officieux, mais réguliers. Par exemple, on peut y avoir recours chaque année, de façon non officielle.

Est-ce qu'ils permettent d'aborder la question de la propriété intellectuelle et du vol électronique? Cela dépend des intervenants. La Chine est le plus grand protagoniste en matière de vol électronique et de vol de renseignements. Selon certains, si on organisait une réunion entre les entreprises canadiennes et les entreprises chinoises, les Canadiens rencontreraient en fait des fonctionnaires du gouvernement, puisqu'une grande partie de l'économie de la Chine est liée à l'État. Cela poserait évidemment problème en vue de la mise en place d'un tel processus.

Ce n'est certainement pas le cas quant au vol de renseignements. Je ne crois pas que ce processus puisse faire une différence sur Internet, puisqu'il s'agit d'une prérogative du gouvernement.

Mme Dawson : À de nombreux égards, j'aime beaucoup les engagements commerciaux non officiels et à paliers multiples, mais pour que le Canada puisse défendre, surveiller et réglementer les secteurs délicats et sécurisés, je crois qu'on a besoin d'un engagement et d'une coopération officiels.

J'ai étudié quelque peu la question de la Chine — ses investissements à l'étranger et ses entreprises d'État — et je crois que le Canada devrait vendre à un acquéreur consentant, en toute légalité. Cependant, je ne sais pas si nous pouvons réellement surveiller les activités et les intentions de nos partenaires de commerce et d'investissement. J'aimerais croire qu'ils sont tous nobles et merveilleux, mais je ne crois pas que ce soit le cas.

Je sais que les entreprises d'État et la sécurité nationale du Canada seront dorénavant évaluées en fonction des règles sur l'investissement à l'étranger de la Loi sur investissement Canada, mais je ne crois pas que nous pourrons exercer une surveillance suffisante.

J'ai suggéré que le Canada et les États-Unis collaborent à la surveillance des investissements de certains pays dans notre espace économique commun. Je crois que les États-Unis sont dotés d'une très bonne capacité de rapport et de surveillance, mais il n'y a aucun mécanisme officiel de partage des renseignements entre le Canada et les États-Unis.

La présidente : Merci.

J'aimerais que vous commentiez une autre question. Vous avez tous deux fait valoir que l'association conditionnelle des droits de la personne et du commerce ne fonctionnait pas et que les expériences passées l'avaient démontré. Les pays ne peuvent-ils pas entretenir des relations commerciales — être multidimensionnels, en d'autres termes — et soulever ces questions publiquement dans le contexte multilatéral qui a permis la création de normes internationales?

Je me souviens que la Chine refusait de faire affaire avec ceux qui lui imposaient leur vision. Toutefois, elle avait signé des traités et des conventions. Elle était tenue de les respecter, et nous avions la responsabilité — tout comme elle — de les soulever.

N'y a-t-il pas place à une discussion publique sur nos bilans en matière de respect des droits de la personne?

M. Manicom : Votre question est juste. Lorsqu'on signe une entente ou qu'on établit un protocole avec un pays, on peut soupçonner qu'ils ne seront pas respectés. Certains pays sont plus litigieux que ce qu'on pourrait penser, alors il est utile d'avoir des ententes écrites.

Je m'inquiète des actions perçues à titre de réprimandes par certains pays, parce qu'elles n'ont pas fonctionné dans le passé. C'est un argument qui vise à expliquer les attentes et les responsabilités de chacun. Il est tout à fait approprié de les évoquer dans ce contexte.

Mme Dawson : Les déclarations publiques et les prises de position ont leur place, mais ce sont des mesures brutales, et il est difficile de s'en défaire. Il faudrait songer à d'autres options diplomatiques.

Nous connaissons bien le cas de la Russie et des États-Unis : une plainte relative au traitement des gens d'affaires par la Russie s'est transformée en une guerre sur l'adoption à l'étranger. Ces pays ont fait valoir leur position de principe, mais les conséquences sont maintenant hors de contrôle.

La présidente : Madame Dawson, on a parlé de l'aversion au risque du Canada, et on en entend parler partout. Plusieurs études montrent que les autres pays ont le goût du risque, mais pas le nôtre. Vous semblez dire que nous y sommes réfractaires en raison de la facilité des échanges avec les États-Unis. Ce n'est sûrement pas la seule raison.

Mme Dawson : Non. Les entreprises s'intéressent aux résultats et comparent le coût des relations d'affaires avec leurs voisins par rapport aux marchés étrangers. Les avantages à court terme de percer les marchés étrangers sont très restreints. Les entreprises qui ont réussi à le faire et à maintenir leur présence ont connu un grand succès, mais elles sont peu nombreuses.

Je privilégie une action à divers niveaux. À l'heure actuelle, je travaille beaucoup à l'échelon régional, dans les provinces et les États, et j'établis des chaînes d'approvisionnement. J'aimerais que les provinces et les États de certaines régions travaillent ensemble dans les marchés émergents.

On peut réduire le risque de nombreuses façons. Il est difficile pour une entreprise de lutter seule au sein d'un nouveau marché, mais il y a d'autres façons de faire.

La présidente : Pour le plaisir de mes collègues, je vais parler de la Saskatchewan. Nous avons en place un processus qui a pris de nombreuses formes : récemment, des entreprises de divers secteurs se sont regroupées, appuyées par le gouvernement, et se sont rendues dans les pays ciblés du monde. Elles semblent avoir réussi. Dans un de nos rapports, nous encouragions les autres entreprises à étudier ce modèle, et d'autres. Lorsque vous dites qu'il faut travailler de façon stratégique avec les provinces, c'est de cela que vous parlez?

Mme Dawson : Oui, et j'applaudis énormément les efforts de la Saskatchewan sur la scène internationale ainsi que la façon dont les divers secteurs et les gouvernements ont collaboré en vue de promouvoir certains domaines d'investissements stratégiques. Je crois que la Saskatchewan est le premier exportateur mondial de graines pour les oiseaux, de menthe pour le dentifrice ainsi que de nombreuses autres denrées importantes. La Saskatchewan sert de modèle à d'autres provinces qui souhaitent profiter de façon intelligente des marchés émergents.

La présidente : Quelles ont été les lacunes des autres provinces vu la démarche intelligente et réussie observée? Du moins, c'est ce que je constate et je suis une grande partisane. On pourrait dire que c'était par nécessité et qu'il y a eu des erreurs et des échecs en cours de chemin. Nous avons essayé d'autres modèles. Pourquoi ne constatons-nous pas un désir semblable dans une autre province, que ce soit les provinces de l'Atlantique ou ailleurs où la taille et la population sont semblables? Est-ce lié à nos ressources?

Mme Dawson : Je crois que vous venez de le dire, madame la sénatrice. C'est une question de nécessité. La récession mondiale et la restructuration de l'économie mondiale ont touché la Saskatchewan plus tôt que le reste du pays. Le centre du Canada n'a pas été dérangé pendant une période plus longue. Il y a 10 ans, qui aurait imaginé que la Saskatchewan serait l'un des moteurs économiques du Canada et un champion commercial innovateur? Peut-être que vous l'avez imaginé, mais pas moi.

La présidente : J'allais conclure ainsi. Bien sûr, nous le savions. Mais je crois que vous avez raison, c'était entre autres une question de nécessité. Nous discutons des façons d'augmenter le commerce et de faire participer le gouvernement, mais nous ne savons pas comment procéder pour établir un modèle et une certaine démarche. Nous élaborons des généralités selon lesquelles il faut en faire plus, et ainsi de suite, mais nous souhaitons formuler un texte qui s'attacherait à une recommandation gouvernementale pour donner des mesures concrètes plutôt que de tout simplement des propos encourageants.

Mme Dawson : Je connais un consultant commercial formidable qui se ferait un plaisir de vous aider.

La présidente : Je suis sûre que vous parlez de vous-même. Nous ferons peut-être appel à vos services plus tard.

Madame la sénatrice Fortin-Duplessis, vous aviez une question?

La sénatrice Fortin-Duplessis : Ma question s'adresse à Mme Dawson.

[Français]

Madame Dawson, lors d'une étude précédente, je pense avoir lu que dans les accords de libre-échange que nous avons passés, lorsque cela concernait la Jordanie par exemple, il y avait une règle qui stipulait que les entreprises canadiennes pouvaient imposer des amendes aux entreprises d'un pays avec lequel un accord de libre-échange avait été signé si ce pays engageait des enfants en très bas âge, entre six et dix ans, pour travailler dans leur usine ou encore s'ils ne payaient pas assez leurs employés.

Pensez-vous qu'une telle mesure pourrait être incluse dans un accord de libre-échange que le Canada pourrait éventuellement signer avec certains pays de l'Asie-Pacifique?

[Traduction]

Mme Dawson : Les accords de l'OMC interdisent l'utilisation d'une main-d'œuvre constituée de détenus ainsi que d'autres pratiques de travail. Les accords de libre-échange sont utiles dans la mesure où ce sont l'un des rares instruments au monde qui prévoient un mécanisme d'application avec pénalité financière. On peut faire fi des Nations Unies, ou encore de la Croix-Rouge, mais si on bafoue les termes d'un accord commercial, il y aura une pénalité financière. De nombreux groupes d'intérêt et organisations souhaiteraient faire défendre leurs causes par des mesures d'application contenues dans les accords commerciaux.

Vous avez soulevé la question de la main-d'œuvre juvénile, qui est très importante. Pour que cette initiative ait du mordant, il faudra travailler beaucoup plus. Nous devons collaborer avec les signataires des accords commerciaux afin d'imposer la traçabilité. Comment savoir si des enfants ont participé à la fabrication d'un produit quelconque?

Au Royaume-Uni, par exemple, un grand détaillant a découvert que certains de ses vêtements avaient été fabriqués par des enfants de l'Europe de l'Est, mais la traçabilité demeure extrêmement difficile dans un contexte de chaînes d'approvisionnement mondiales. Il faudrait que les organisations non gouvernementales, ainsi que le secteur social et les consommateurs disent : « C'est une priorité pour nous. Voici comment nous sommes prêts à lutter contre ce problème, et nous voulons que vous, le gouvernement du Canada, ou encore vous, les signataires de cet accord commercial, nous aidiez afin de prévoir les mesures d'application nécessaires à la réalisation de notre objectif. »

Les accords commerciaux à eux seuls ne suffisent pas. Comme vous l'avez vu dans le domaine de l'environnement et de la main-d'œuvre, on peut avoir de bonnes intentions, mais à moins qu'il n'y ait une volonté venant de l'extérieur du régime commercial, ces outils sont relativement inefficaces.

La présidente : Monsieur Manicom et madame Dawson, comme vous le savez, nous commençons notre étude. Vous nous avez indiqué les orientations que nous devrions prendre, et vous nous avez fourni le contexte de certaines des initiatives dans la région de l'Asie-Pacifique. Vos commentaires sur la politique du Canada nous ont également été très utiles.

Monsieur Manicom et madame Dawson, je vous remercie d'être venus. Je vous demanderais, dans le cadre de notre étude, de continuer à vous intéresser à la question et il se peut que je vous demande de nous fournir plus de renseignements ou même de comparaître une deuxième fois.

Chers collègues, la semaine prochaine la Colombie-Britannique accueillera une grande conférence sur la région de l'Asie-Pacifique. Nous serons obligés de rester ici, vu les nombreuses questions qui entourent le Sénat, mais notre analyste assistera à la conférence. Je crois que sa participation sera utile vu les contacts, les ressources et la teneur des échanges. Or, il sera difficile de faire comparaître des témoins, car les gens qui nous intéressent seront à la conférence et nous attendons des confirmations.

Il se peut ou non que nous tenions des audiences la semaine prochaine, et nous sommes en train d'apporter les dernières modifications au rapport. Nous espérons que ce rapport sera terminé et traduit afin de vous le remettre la semaine prochaine. Si vous n'avez pas de réunions, vous aurez de la lecture, et nous espérons donc terminer notre étude sur la Turquie et poursuivre celle sur l'Asie-Pacifique.

(La séance est levée.)

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