| Délibérations du Comité sénatorial permanent desAffaires étrangères et   du commerce international
OTTAWA, le mercredi 2 juin 2010 Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce   international se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour étudier l'émergence de la   Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions   sur les politiques canadiennes. Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le   fauteuil. [Traduction] La présidente : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent   des affaires étrangères et du commerce international poursuit son étude sur   l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et   les répercussions sur la politique étrangère canadienne. Nous accueillons, représentant la Fondation canadienne pour l'innovation,   Eliot Phillipson, président-directeur général, et Douglas Lauriault,   vice-président, Relations extérieures et communications. Précisons que la Fondation canadienne pour l'innovation est une société   autonome créée par le gouvernement du Canada pour financer l'infrastructure de   recherche. Le mandat de la FCI est de renforcer la capacité des universités, des   collèges et des hôpitaux de recherche, de même que des établissements de   recherche à but non lucratif du Canada de mener des projets de recherche et de   développement technologique de calibre mondial qui produisent des retombées pour   les Canadiens. Depuis sa création en 1997, la fondation a engagé 5,3 milliards de dollars   pour financer 6 800 projets menés dans 130 établissements de recherche situés   dans 65 municipalités aux quatre coins du Canada. Merci de comparaître malgré un préavis plutôt bref. Nous achevons la partie   de notre étude qui est consacrée à l'Inde. Je crois savoir que vous en avez été   prévenu. Vous avez une déclaration d'ouverture à faire, je crois, après quoi   nous passerons aux questions. Bienvenue à vous, messieurs. Eliot Phillipson, président-directeur général, Fondation canadienne pour   l'innovation : Merci, honorables sénateurs, de nous donner cette occasion de   comparaître pour vous donner notre point de vue sur la situation du Canada sur   ce que nous appelons le marché international des idées. Je le fais en ma qualité   de président de la Fondation canadienne pour l'innovation. Je signale que la présentation d'aujourd'hui sera la 24e   comparution de la fondation devant un comité parlementaire depuis 1997, année de   sa création. Le sénateur Andreychuk m'a invité à être bref. Heureusement, elle a déjà   donné une partir de mon introduction au sujet de la FCI. Je serai d'autant plus   bref. Je me contenterai de dire que la fondation a été créée en 1997 par le   gouvernement du Canada comme entité autonome dotée du mandat de financer le   matériel et l'infrastructure de recherche dans les établissements de recherche   du secteur public au Canada. Le mandat de la fondation s'étend à tout l'éventail   de la recherche, depuis les sciences naturelles et le génie jusqu'à la santé et   aux sciences humaines. À cet égard, elle est tout à fait unique dans le paysage   canadien des sciences et de la technologie. Les objectifs nationaux qui ont été confiés à la FCI sont les suivants :   accroître la capacité du Canada de faire de la recherche scientifique et du   développement technologique de calibre mondial; promouvoir le réseautage et la   collaboration entre les secteurs universitaire et privé; soutenir la croissance   économique et la création d'emplois; améliorer par l'innovation la qualité de la   santé et de l'environnement. On vous a déjà dit que nous avions investi jusqu'à maintenant 5,3 milliards   de dollars dans 7 000 projets, et ces investissements ont permis de construire   des installations de recherche de calibre mondial qui ont attiré des partenaires   de l'étranger. Il y a par exemple l'Atlantic Centre for Comparative Biomedical Research de   l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, le brise-glace de recherche dans   l'Arctique de l'Université Laval, l'Amundsen; le laboratoire   d'observation des neutrinos de Sudbury, dirigé par l'Université Carleton et   l'Université Queen's, établissement international d'astrophysique des particules   situé un mille sous terre, dans une mine de l'INCO; le Centre canadien de   rayonnement synchrotron de l'Université de la Saskatchewan, qui est   l'établissement national canadien de recherche sur le rayonnement synchrotron et   le plus grand projet scientifique du Canada depuis une génération; le North-East   Pacific Time-Series Underwater Networked Experiments, NEPTUNE, et le Victoria   Experimental Network Under the Sea, VENUS, projets dirigés par l'Université de   Victoria. Il s'agit des premiers observatoires sous-marins en ligne au monde qui   soient câblés. Si je parle de ces projets, c'est parce que des installations comme celles-là   permettent aux chercheurs de relever les défis scientifiques d'aujourd'hui. Dans   le contexte de vos délibérations, ils deviennent un élément indispensable à   l'entrée du Canada dans la communauté internationale de la recherche aux plus   hauts niveaux. Comme la fondation ne finance que 40 p. 100 des coûts du matériel et de   l'infrastructure, cette participation a permis de mobiliser un investissement   total de plus de 12 milliards de dollars grâce à des partenariats avec les   gouvernements provinciaux et l'industrie. Et les partenariats avec l'industrie   resserrent les contacts entre les chercheurs universitaires et les scientifiques   de l'industrie et les entrepreneurs. Ces contacts renforcent la conversion du   savoir grâce à l'échange d'idées et d'information, bien sûr, mais aussi, et   c'est peut-être encore plus important, par le passage de personnel hautement   qualifié du secteur universitaire vers l'industrie. Les investissements de la fondation ont eu de profondes répercussions sur la   recherche au Canada. Conformément à notre accord de financement avec le   gouvernement du Canada, la FCI a récemment fait l'objet d'une vaste évaluation   de son rendement global et d'une vérification d'optimisation des ressources   effectuées par un tiers, ainsi que d'une évaluation par un groupe international   d'experts. Parmi de nombreuses conclusions, ils signalent que la FCI a joué un   rôle dans le renforcement de la capacité du Canada de faire une recherche de   pointe et qu'elle a réussi de façon remarquable à aider le Canada à attirer, à   garder et à développer des compétences en recherche. Grâce aux investissements massifs que le gouvernement du Canada a consentis   dans la recherche au cours de la dernière décennie par l'entremise de la FCI,   mais aussi par l'intermédiaire des chaires de recherche, des trois organismes   fédéraux qui subventionnent la recherche et d'autres organisations   subventionnaires, la science canadienne est très en demande sur le marché   international des idées. Un indicateur de cette demande est la fréquence à   laquelle les scientifiques canadiens collaborent avec des collègues d'autres   pays avancés sur le plan scientifique. Et cette fréquence est mesurée par les   articles que signent des scientifiques canadiens avec des scientifiques   étrangers. Cet indice place le Canada au deuxième rang dans le monde, en   proportion du nombre d'habitants, un peu derrière le Royaume-Uni et devant les   États-Unis, l'Allemagne, la France, le Japon et d'autres grands pays avancés sur   le plan scientifique. Si je parle de cet indice, c'est parce que ce genre de classement est   important. Un grand nombre de défis que l'humanité doit relever aujourd'hui ont   une portée transnationale — pensez au réchauffement climatique ou aux pandémies   — et un pays seul ne saurait trouver les solutions. Il est important pour la   prospérité à venir du Canada que nous fassions partie des solutions, au lieu   d'être un simple importateur d'innovation. Heureusement, le Canada, étant donné qu'il a maintenant bâti une entreprise   scientifique qui est respectée sur toute la planète, est bien placé, avec ses   collaborateurs étrangers, pour traduire ce savoir et ces idées en des produits   et services destinés au marché mondial. Toutefois, il me semble qu'il ne faut   pas laisser au hasard ces collaborations en sciences et en technologie. Elles   doivent plutôt être un objectif important de la politique industrielle et   étrangère du Canada, faisant partie du discours au même titre que les alliances   militaires, politiques et économiques. Au XXIe siècle, en réalité, le   poids scientifique du Canada pourrait contribuer à affirmer sa place dans le   monde aussi bien que son poids militaire et diplomatique l'ont fait au siècle   précédent. Comme d'autres alliances, les partenariats scientifiques se bâtissent à   partir des avantages concurrentiels que chaque associé apporte avec lui. Par   exemple, dans les chaînes d'approvisionnement classiques du secteur   manufacturier, l'avantage concurrentiel dépend de l'accès aux matières   premières, des capacités de production, des coûts de la main-d'oeuvre, des   services de transport et du contexte financier et réglementaire. Par contre, les   chaînes de valeur mondiales en recherche et développement reposent sur un   ensemble différent de liens : accès à un personnel hautement qualifié,   installations et organisations de recherche ultramodernes et technologies de   pointe en information et en communications. Permettez-moi de vous donner un exemple, celui d'une initiative   canado-californienne en oncologie utilisant les cellules souches. Les atouts du   Canada dans cette initiative sont ses chercheurs de renom en ce domaine et les   bases de données sur les patients que notre système de santé a permis de   constituer. Pour sa part, la Californie possède la plus forte concentration   d'entreprises de biotechnologie au monde. Le partenariat, en tablant sur ces   avantages complémentaires, sera à l'avantage des deux États, et il pourrait   trouver de nouveaux traitements du cancer qui seront à l'avantage du monde   entier. En recrutant pour le Canada le personnel hautement qualifié qui sera   indispensable à la compétitivité dans l'économie du savoir, nous devrions nous   appuyer non seulement sur notre infrastructure de recherche de calibre mondial,   mais aussi sur notre infrastructure sociale — notre tissu social et culturel. Ce   tissu a été et demeurera un déterminant majeur dans la décision que pourraient   prendre des étudiants, des scientifiques et des entrepreneurs de choisir le   Canada plutôt que d'autres pays qui ont des établissements d'enseignement tout   aussi prestigieux et des installations de recherche aussi avancées. Autrement   dit, dans l'intense concurrence mondiale dont l'enjeu est la main- d'oeuvre très   instruite et compétente qui sera le moteur de l'économie de l'innovation, nous   devrions faire une promotion énergique de nos valeurs démocratiques, de la   justice sociale, du respect de la diversité et de l'ouverture à   l'immigration. Un auteur a récemment fait remarquer que la mesure la plus simple de la   domination d'une culture, c'est que ceux qui lui sont extérieurs veulent y   adhérer, veulent que leurs enfants et leurs petits-enfants y grandissent. Si   nous appliquons cette mesure, nous pouvons dire que notre culture est dominante   et nous devrions en profiter à fond pour bâtir notre avenir sur le plan de   l'innovation. Un rapport récent de la U.K. Royal Society intitulé The Scientific Century signale : 
                [...] personne ne peut prédire ce que seront au XXIe siècle les   équivalents de la théorie quantique, de la double hélice de l'ADN et d'Internet.   Mais il ne fait guère de doute que les progrès de la science et de la   technologie continueront de transformer notre mode de vie et de créer de   nouvelles industries et de nouveaux emplois, et nous permettront de nous   attaquer à des problèmes sociaux et environnementaux apparemment   insolubles. Comme j'ai essayé de l'expliquer brièvement, peu importe quelles seront les   découvertes du XXIe siècle, le Canada a la capacité de jouer un rôle   de premier plan dans leur développement. Le défi que notre pays doit relever,   pour commencer, c'est la prise de conscience du fait que nous avons cette   capacité et, ensuite, l'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie qui   nous permettra d'exploiter cette capacité avec succès. À mon avis, cette   stratégie doit comprendre des initiatives majeures dans les affaires étrangères   et le commerce international. La présidente : Merci, monsieur Phillipson. Vous avez couvert beaucoup   de terrain en peu de temps. J'ai ici une liste de sénateurs qui veulent poser   des questions, à commencer par le sénateur Segal. Le sénateur Segal : Merci beaucoup d'avoir pris le temps de vous   joindre à nous. Je vous sais gré de votre présentation à la fois directe et   mûrement réfléchie. Je crois comprendre que la raison d'être principale de la FCI est le   financement des immobilisations. Une partie des difficultés qui sont à l'origine   de la fondation, c'est le fait que les subventions de recherche accordées par   les organismes subventionnaires dans le cadre d'un examen par les pairs   prévoient les coûts opérationnels, mais non les besoins matériels comme les   nouveaux laboratoires ou les nouvelles installations pour les recherches   sous-marines de NEPTUNE, par exemple. Lorsque vous cotez les propositions soumises à votre évaluation — et je sais   que vous recourez à un examen par les pairs —, accordez-vous une certaine   pondération au fait que les installations pour lesquelles des fonds sont   demandés serviront à un projet de recherche avec collaboration internationale ou   canadienne? Il y a eu un cycle avec nos amis russes et chinois. À l'occasion, selon les   pressions du moment, ce qui nous apparaît comme une collaboration sérieuse en   recherche est qualifiée d'espionnage dans quelque ministère de l'Intérieur et   les budgets de recherche sont coupés, ce qui laisse en difficulté certains de   nos collaborateurs à l'étranger. Je voudrais connaître votre point de vue à ce   sujet. Je ne parle pas de l'Inde, mais ma prochaine question portera   expressément sur ce pays. M. Phillipson : Vous avez raison de dire que le mandat de la FCI est   de financer le matériel et l'infrastructure et non les frais d'exploitation et   la rémunération des scientifiques. Un certain nombre de critères guident   l'évaluation des demandes. Là encore, vous avez raison : nous avons des   modalités d'évaluation à la fois rigoureuses et complexes de l'excellence et du   mérite. De façon générale, les critères sont de nature scientifique. Si la   proposition n'est pas valable du point de vue scientifique, elle ne va pas plus   loin; il y a aussi le scientifique; et les besoins en infrastructure.   L'évaluation de l'aspect scientifique et du scientifique tient compte notamment   des succès antérieurs dans d'autres recherches et de la capacité d'obtenir des   subventions de fonctionnement de la part d'autres organismes qui subventionnent   la recherche. Ce dernier point n'est pas obligatoire, toutefois, car il se peut que le   premier besoin soit d'avoir du matériel en place. Il peut être prématuré de   s'attendre à ce que les demandeurs aient une subvention de fonctionnement. Ce   point est revu, assurément. Nous ne nous en tenons pas à l'aspect scientifique et au scientifique. Nous   essayons de voir si le projet renforcera la capacité du Canada en matière de   recherche et de développement de la technologie et s'il y aura un impact sur la   formation de personnel hautement qualifié; et non seulement d'étudiants diplômés   et de détenteurs de bourse de perfectionnement postdoctoral, mais aussi de   techniciens hautement qualifiés dont les secteurs universitaire et privé ont   tous deux besoin. Nous considérons également l'engagement de l'établissement.   Ceux qui nous adressent des demandes sont les établissements, et ces demandes   doivent reposer sur leurs priorités stratégiques en recherche. Enfin, nous   tenons compte des retombées possibles pour le Canada, sur les plans économique,   social et environnemental et sur le plan de la santé. Nous essayons de choisir   les demandes qui peuvent avoir le plus grand retentissement. Nous vérifions dans quelle mesure les chercheurs réussissent à obtenir des   fonds d'autres organisations qui financent les recherches. Lorsque nous voyons   comment sont orientés les fonds d'autres organismes de financement, il n'est pas   étonnant de constater une convergence. Si d'autres organismes utilisent   l'excellence comme critère fondamental — pour que la conception de l'excellence   soit comparable dans tous les organismes —, il n'est pas étonnant que les forces   darwiniennes de l'excellence attirent les fonds, et la convergence des fonds est   de plus en plus marquée. Quant à votre question sur les scientifiques coincés dans ce qui, d'après   vous, est perçu comme de l'espionnage ou d'autres activités à l'étranger... Le sénateur Segal : Peut-être dans un contexte de recherche   restreint. M. Phillipson : Un grand nombre des demandes et des projets que nous   finançons se situent dans un contexte international. Plusieurs de ceux que j'ai   énumérés doivent attirer des participants de l'étranger. Que je sache, aucun des   projets auxquels nous avons participé jusqu'à maintenant n'a eu cette difficulté   de surcroît. Le sénateur Segal : Lorsque vous considérez les évaluations   scientifiques faites par des tiers et qui se rapportent à votre examen d'une   demande, jugez-vous l'évaluation scientifique qui vient d'académies   scientifiques ou d'organisations de recherche dans des pays comme la Chine et   l'Inde en fonction de leurs mérites comme vous le feriez pour toute autre source   étrangère, ou avez-vous une façon de coter selon que ces institutions ont ou non   la même profondeur scientifique et la même capacité d'analyse pour faire les   évaluations que ce que vous attendez d'autres éléments que vous évaluez dans   votre étude des demandes de subventions. M. Phillipson : Les évaluations étrangères provenant de la Chine, de   l'Inde, des États-Unis ou du Royaume-Uni ont une incidence sur le succès des   scientifiques qui veulent obtenir des fonds pour la recherche dans ces pays.   Toutefois, nous faisons nos propres évaluations. Nous faisons appel à beaucoup   d'évaluateurs étrangers. Environ 40 p. 100 de nos évaluateurs et experts sont   étrangers parce que, d'abord, certains de nos projets sont si vastes que tous   les experts canadiens sont en cause. Deuxièmement, nous essayons toujours de   nous assurer et nous nous assurons effectivement que les projets que nous   finançons sont vraiment de calibre mondial. Nous pouvons y veiller en faisant   appel à beaucoup d'évaluateurs de l'étranger. Nous faisons nos propres évaluations. Nous ne nous fions pas à celles dont   les projets ou les scientifiques ont pu faire l'objet dans les pays   d'origine. Le sénateur Segal : Vous voudrez peut-être prendre le temps de   réfléchir à la question suivante, car il n'est pas juste de vous demander de   répondre sans savoir au juste. Y a-t-il une proposition que nous devrions   étudier, selon vous, pour que le comité puisse formuler une recommandation en ce   domaine afin de relever le niveau de l'activité de recherche et de développement   et l'activité de recherche pure entre le Canada et des pays comme l'Inde, la   Chine, la Russie et le Brésil? Y a-t-il des éléments dans vos prémisses de   fonctionnement, de financement ou autres qui, s'ils étaient améliorés ou   modifiés, faciliteraient peut-être l'établissement de relations en recherche,   tout en comptant que le mérite restera un élément fondamental et non   édulcoré? M. Phillipson : Vous avez raison de dire que je préférerais réfléchir   sérieusement à la question. Néanmoins, la première idée qui me vient à l'esprit,   qu'il s'agisse de la FCI ou d'autres organisations qui financent la recherche,   c'est que notre capacité de financer la recherche qui se fait à l'étranger est   limitée. Nous avions un fonds international pour financer certains des projets dont   j'ai parlé. Dans l'ensemble, les fonds doivent financer des activités qui se   déroulent au Canada. Dans tous les projets, on accueille volontiers des   scientifiques étrangers et une participation étrangère, mais ces pays doivent   financer eux-mêmes leurs scientifiques. Par exemple, nous fournissons des fonds pour l'Observatoire de neutrinos de   Sudbury. Si jamais vous avez l'occasion de vous rendre là-bas, je vous incite à   le faire. À tout moment, il s'y trouve des scientifiques et des étudiants   diplômés provenant d'une dizaine ou d'une douzaine de pays et qui utilisent ces   installations financées par le Canada. Nous assumons les frais généraux et tous   les frais de fonctionnement au Canada, mais les autres pays doivent payer leurs   scientifiques qui viennent chez nous. C'est peut-être là une question à considérer, pour un pays scientifiquement   avancé comme le Canada, si nous voulons aider et encourager un développement   scientifique de grande qualité dans d'autres pays. À cet égard, je fais une   distinction entre les pays qui développent leur capacité scientifique et ceux   avec lesquels nous nous comparons habituellement, c'est-à-dire les pays avancés   sur le plan scientifique. La présidente : Comme j'ai ici une longue liste, je vous demande de   bien vouloir être bref. Le sénateur Stollery : Je ne serai pas long. Merci beaucoup de votre présence. Vous avez été appelé à témoigner parce que   nous étudions ce que d'aucuns appelleraient le « nouveau monde », c'est-à-dire   la Chine, l'Inde, la Russie et d'autres pays émergents. Le problème du Canada et   de son passé commercial, c'est que nous avons pris l'habitude de vendre bon   marché des produits bon marché. Par exemple, nous vendons des matières   premières. Mettons que notre tradition d'exportateur n'a pas mis l'accent sur   les produits de haute qualité. On emploie les termes « innovation » et « qualité ». La qualité me semble   importante, mais sans doute se rattache-t- elle à l'innovation, je ne sais   trop. Il existe une contradiction entre votre témoignage et celui des témoins qui   ont dit que passons beaucoup de temps à vendre bon marché de la marchandise bon   marché. Je comprends, étant marchand de formation, ce que cette pratique veut   dire. On nous a dit que ce n'était pas une bonne voie où s'engager. Or, nous y   sommes très engagés, et cette route- là ne nous mène pas très loin. L'Allemagne est un grand importateur, tout comme la Chine, mais leurs   produits sont de grande qualité. Vous avez dit que nous étions avancés sur le   plan scientifique, si je vous ai bien compris. Comment se fait-il, si nous   sommes avancés, que nous n'arrivions pas à utiliser nos innovations sur le plan   commercial? Il y a d'autres endroits où on tient le même discours. Que s'est-il passé ici? Ce que vous dites est important pour le Canada.   Pourquoi n'avons-nous pas aussi bien réussi, comme des témoins l'ont dit, à   faire la transition entre les progrès scientifiques et le commerce? M. Phillipson : Je vous remercie de cette question, qui porte sur un   sujet d'une importance extrême. Si je peux, je vais parler de ce que la plupart des gens perçoivent   intuitivement comme de la science de haut vol dans le sens commercial. Il y a   les industries de haute technologie comme la biotechnologie, l'aérospatiale et   les technologies de l'information et des communications. Au Canada, ces trois   secteurs sont de la haute technologie, et leur succès dépend de la production de   savoir et d'idées, et de la transformation de ces idées en produits et   services. Toutefois, quel que soit leur succès, ces secteurs représentent seulement une   infime portion de l'ensemble de l'économie canadienne, comme vous l'avez fait   remarquer. Le gros de l'économie repose sur les ressources naturelles et le   secteur manufacturier courant — pas celui des produits de haute technologie — et   sur le secteur des services. La question est complexe, et je ne prétends pas en être un expert, mais l'un   des facteurs est que, par le passé, nos industries des ressources naturelles ne   proposaient pas de produits à valeur ajoutée. Nous croyons et nous présumons que   nos ressources naturelles demeureront une partie importante de l'économie.   Toutefois, au lieu de nous contenter d'exporter des ressources naturelles comme   matières premières, il n'y a pas de raison que nous n'y ajoutions pas de la   valeur. C'est là que l'innovation intervient. Une approche innovatrice de   l'exploitation des ressources naturelles et de l'ajout d'une valeur au produit   avant son exportation, voilà une application du savoir. Dans ce cas, le savoir   sert non pas à produire un nouvel appareil BlackBerry, mais à l'exploitation de   nos ressources naturelles. Pourquoi ne l'avons-nous pas fait? Je l'ignore. J'ai posé la question au   dirigeant principal d'une société dans le secteur des ressources naturelles. Je   lui ai demandé : comment se fait-il que par le passé, votre secteur et d'autres   secteurs comparables n'ont pas investi davantage pour proposer des produits à   valeur ajoutée? Parce que cela exige de l'innovation scientifique? Il a répondu que, par le passé, nous n'avions pas à le faire. Nous pouvions   extraire la ressource, la capturer, la pêcher, l'abattre. Les ressources étaient   abondantes et ne coûtaient pas cher, et il y avait un marché tout trouvé. Il n'y   avait pas d'incitation à le faire. La situation a évolué, car d'autres pays qui ont des ressources naturelles   s'y prennent d'une manière plus innovatrice. Songeons au secteur forestier et à   la Finlande. L'entreprise canadienne est beaucoup plus importante, mais la   plupart des innovations sont venues des Finlandais. La situation évolue, il me semble, car les industries du secteur des   ressources naturelles comprennent que, dans ce contexte concurrentiel,   l'innovation est importante pour ajouter de la valeur à leurs produits. J'espère   qu'elles continueront d'évoluer dans la même direction. [Français] Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci, madame la présidente. Monsieur   Phillipson, je suis ravie d'avoir entendu votre mémoire; il était très explicite   et bien résumé. J'ai beaucoup apprécié. Il faut des chercheurs pour faire de la recherche — c'est évident — pour la   transférer ensuite en industrie afin de développer le résultat de la recherche.   Selon le nombre de diplômés à la veille de leur retraite sur le marché du   travail actuellement, je suis convaincue qu'une demande massive de chercheurs   voudront combler ces postes. Par ailleurs, je lisais récemment que l'Organisation de coopération et de   développement économiques indique que le Canada accuse un retard important, par   rapport aux autres pays, en ce qui a trait aux titulaires d'un doctorat dans des   domaines comme l'ingénierie ou les sciences et qu'on a un nombre insuffisant de   programmes interdisciplinaires. De votre côté, comment voyez-vous cela? Quelles solutions nous suggérez-vous?   Doit-on se tourner vers l'étranger pour les trouver? Si oui, dans quels pays?   Vous avez mentionné que le Canada pouvait être un pays intéressant pour les   chercheurs. En avons-nous suffisamment au Canada pour répondre à tous nos   besoins? Douglas Lauriault, vice-président, Relations extérieures et   communications, Fondation canadienne pour l'innovation : Merci pour la   question, madame le sénateur. Les investissements de la FCI dans   l'infrastructure de recherche ont un impact important au niveau de la   transformation du milieu canadien de la recherche et du développement. Cela a   permis, par exemple, de renverser l'exode des cerveaux — une expérience des   années 1990 — et le Canada est devenu un lieu de prédilection pour les   chercheurs. Les établissements qui sont nos clients ont été en mesure de renforcer d'une   manière remarquable leurs domaines prioritaires dans leur plan de recherche   stratégique. Y a-t-il toujours du travail à faire? Oui, certainement. Existe-t-il un problème sur le plan de la retraite des professeurs? Oui,   certainement. De notre côté, nous faisons notre possible. Jusqu'à maintenant, nous avons   injecté un montant de 3,5 milliards de dollars et financé plus de 6 800 projets   dans 130 établissements partout au pays. Le phénomène de l'exode des cerveaux est constaté aux quatre coins du Canada.   Je peux vous donner un exemple d'une institution avec laquelle nous avons connu   un grand succès, soit l'Université du Québec à Chicoutimi. Nous avons financé un projet pour le pavillon de recherche sur le givrage à   Chicoutimi. C'est le centre de recherche le plus important au monde dans ce   domaine. Le potentiel existe, à Chicoutimi, d'exporter cette connaissance   canadienne dans des pays comme la Chine et la Russie. Ces pays font face à   certains défis qui s'apparentent à la tempête de verglas que nous avons vécue,   en 1998, dans l'Est de l'Ontario et l'Ouest du Québec. L'industrie peut également tirer des avantages économiques considérables de   ces recherches. Nous avons tenu des discussions avec les gestionnaires   d'Hydro-Québec. Ceux-ci nous ont confirmé que, depuis la tempête du verglas,   Hydro-Québec a investi plus de 2 milliards de dollars dans les infrastructures.   L'Université du Québec à Chicoutimi est présentement le centre le plus important   dans ce domaine au monde. Plusieurs applications viennent donc à l'idée   d'exporter cette connaissance pour empêcher l'accumulation de glace sur les fils   électriques ou les pylônes qui s'écrasent sous le poids de la glace en Chine ou   en Russie. On peut également penser à certaines applications pour l'industrie de   l'aviation, qui est très importante au Québec. Les aéroports partout au monde   doivent faire face aux difficultés reliées au climat froid. [Traduction]  Les honorables sénateurs ici présents ont eu le plaisir d'attendre dans des   avions tandis qu'on dégivrait les appareils sur le tarmac d'Ottawa par moins   200C. L'Université du Québec à Chicoutimi est le chef de file mondial dans ce   domaine. [Français] Le sénateur Fortin-Duplessis : A-t-on suffisamment de chercheurs en   formation ici ou faut-il aller en chercher ailleurs? M. Lauriault : Un des buts de la fondation consiste à aller chercher   les meilleurs chercheurs au monde et les attirer au Canada. Y en a-t-il   suffisamment? Dans tous les domaines scientifiques on compte toujours trop peu   d'experts pour la demande. La FCI répond tout simplement qu'il y a beaucoup de   travail à faire dans le domaine et nous devons continuer à investir pour attirer   les chercheurs. Le sénateur Fortin-Duplessis : Dans quels pays iriez-vous les   chercher? Le sénateur Nolin : Où qu'ils soient. M. Lauriault : Notre marché s'étend aux quatre coins du monde. Le sénateur Fortin-Duplessis : Sur la terre entière? M. Lauriault : Oui. Le sénateur Fortin-Duplessis : Je vous remercie beaucoup, monsieur   Lauriault, pour votre réponse en français. [Traduction]  M. Phillipson : Nous ne ciblons pas de pays, mais plutôt des   établissements et des personnes sans égard au pays. Le sénateur Jaffer : J'ai trouvé vos exposés fort intéressants. Au cours de nos audiences, nous avons entendu des témoins dire que, en Inde,   l'offre d'infrastructures est à la hausse. L'Inde, qui était un pays aux   nombreux villages, se transforme en un pays qui a plus de villes, où on aura   besoin de grandes infrastructures. Je voudrais savoir si le Canada se prépare à   fournir ces infrastructures. Dans l'affirmative, que devrons nous faire pour   devenir un partenaire de première importance à cet égard? M. Phillipson : Les infrastructures dont vous parlez, on en a besoin   dans bien des pays, et pas seulement en Inde. Regardez certaines de nos villes,   et vous remarquerez le même besoin. Vous parlez de l'infrastructure générale de   l'économie, alors que la FCI s'occupe du matériel et des infrastructures de   recherche. Nous ne nous occupons pas directement de la conception, de l'offre ni   du financement des infrastructures. Notre domaine est celui de la recherche liée   à la production de meilleures infrastructures. Un grand nombre de nos projets de   génie sont liés à cette recherche. Le Canada peut offrir ses connaissances pour la construction de meilleures   infrastructures. Il se peut que, selon l'infrastructure, des entreprises   canadiennes la développent et l'exportent. À la fondation, nous ne nous   intéressons pas directement aux infrastructures dont d'autres pays peuvent avoir   besoin. Nous finançons la recherche et les établissements canadiens qui   élaboreront de meilleures infrastructures pour, espérons-le, les marchés   intérieur et d'exportation. Le sénateur Jaffer : Le comité rédigera sur ces questions un rapport   pour le gouvernement et les Canadiens. Je comprends bien que vous vous occupez   de recherche, mais que pouvez-vous recommander au comité comme proposition à   inclure dans le rapport pour que le Canada soit mieux préparé à devenir un   partenaire de premier plan dans la fourniture d'infrastructures à   l'étranger? M. Phillipson : En général, des pays comme l'Inde et la Chine dont la   population est énorme ont un grand nombre d'ingénieurs diplômés et autres   scientifiques. Le Canada ne peut pas les concurrencer sur ce plan. Par contre,   il peut leur offrir la haute qualité de son entreprise scientifique. C'est   pourquoi j'ai parlé de l'indice. Si les scientifiques d'un pays veulent   collaborer avec ceux d'un autre, ils veulent travailler avec les meilleurs   scientifiques de l'autre pays. Le fait que le Canada se classe si bien révèle   que nous avons quelque chose à offrir, tant par le volume des connaissances,   puisque nous sommes au sixième rang des producteurs de savoir dans le monde, en   chiffres absolus, que par la qualité de ce savoir, qui nous vaut un classement   encore plus élevé. Le sénateur Jaffer : J'ai été impressionnée lorsque vous avez parlé de   la qualité de ce que nous avons à offrir. C'est encourageant. C'est le secret le   mieux gardé que nous sommes les seuls à connaître, ou bien cherchez-vous à   promouvoir cet aspect, de sorte que nous puissions partager avec le monde   entier? M. Phillipson : Bonne question. Nous faisons de notre mieux pour   propager cette information, d'abord au Canada. C'est pourquoi nous sommes   heureux d'être ici. Les milieux scientifiques du monde entier sont au courant,   car c'est avec eux que les contacts s'établissent au départ. L'autre élément important, et peut-être encore plus important, du reste,   c'est que, si nous pouvons attirer des étudiants étrangers au Canada pour   étudier, certains d'entre eux resteront chez nous, et ils sont les bienvenus.   Toutefois, ceux qui rentrent dans leur pays connaissent bien le Canada et ses   capacités. Autrement dit, nous aurons des ambassadeurs au niveau scientifique   dans tous ces pays, ce qui revêt la plus haute importance. C'est le genre   d'initiative que j'essayais de décrire en parlant de commercialiser le Canada   comme pays non seulement du point de vue de l'infrastructure scientifique, mais   aussi de celui de l'infrastructure sociale de façon à attirer les étudiants et   les scientifiques. Nous espérons que certains étudiants resteront, et beaucoup   le font. Mais ceux qui rentrent chez eux ne doivent pas être considérés comme   une perte, car ils emportent avec eux une meilleure compréhension du Canada et   de ses capacités. Le transfert de technologie ne se résume pas à la simple lecture d'un   catalogue de brevets pour choisir ceux qui peuvent présenter de l'intérêt. Il   s'agit d'un processus social autant que d'une transaction commerciale. Plus nous   pouvons connaître ces personnes et interagir avec eux, plus nous serons bien   placés. Le sénateur Di Nino : Mes questions se situent dans le même ordre   d'idées. Nous réalisons cette étude pour mieux comprendre les occasions et les   défis qui se présentent au Canada non seulement sur le plan du commerce et de   l'investissement, mais aussi du point de vue d'autres relations. L'étude n'est   pas limitée au commerce et à l'investissement. Elle s'étend aussi à nos   interactions avec ces nouvelles économies qui émergent. Nous nous sommes   toujours posé des questions : est-ce que nous nous débrouillons bien? Que   faisons-nous de bien? Que faisons-nous de mal. Nous voudrions avoir des réponses   à ces questions. Je vous ai écouté attentivement. J'ai dû m'absenter trois minutes environ   pour m'occuper d'autre chose, et j'espère que ma question n'a pas déjà été   posée. Pouvez-vous, vous deux, messieurs, nous donner une idée des domaines où   nous avons réussi à trouver des occasions de commerce et d'investissement grâce   à l'excellent travail de la fondation? Que devons-nous améliorer encore, dans   les relations avec la Russie, la Chine et l'Inde, plus précisément? Et aussi sur   un plan plus général, où laissons-nous passer des occasions? M. Phillipson : Je comprends votre question, mais il n'est pas facile   d'y répondre. Il est important de ne pas perdre de vue le fait que, quand on   investit dans la recherche, dans la création de savoir, il y a toujours un   décalage avant la fabrication du produit final. Car nous espérons toujours qu'il   y aura des produits, des services et des politiques à proposer sur le marché. Il   y a toujours un décalage, et il s'agit de savoir s'il sera long. Mon propre domaine est celui de la médecine et de la santé. Il est bien   établi que, à partir du moment où une découverte scientifique fondamentale est   faite, il faut compter au moins de 12 à 15 ans pour mettre au point un   médicament commercialisable. Par contre, dans les technologies de l'information   et des communications, les TIC, la période est bien plus courte : probablement   de deux à trois ans. Par conséquent, nous ne pouvons pas simplement considérer les investissements   dans la recherche et voir immédiatement les résultats sous forme de produits et   de services. C'est pourquoi il est difficile de répondre directement à la   question. Cela dépend en partie de la distance qui sépare la recherche et le   marché. S'il s'agit de recherche fondamentale, les résultats concrets tardent   beaucoup. Plus important encore, au moment où se fait la recherche, le plus   souvent, personne ne peut prédire quels seront les avantages ultimes, car les   résultats mettent souvent un certain nombre d'années à se concrétiser. Considérez la technologie qui est présente dans cette salle. Je présume que   vous êtes nombreux à posséder un appareil BlackBerry et tout l'équipement   semblable. Dans bien des cas, on peut retracer leur origine lointaine dans les   études qu'Einstein a réalisées en 1908. Nous espérons que les recherches que   nous finançons ne mettront pas 100 ans à produire des résultats   commercialisables. En réalité, on a estimé que la moitié du produit intérieur   brut des pays occidentalisés a sa source dans les quatre études publiées par   Einstein en 1908. Par ailleurs, nous finançons également le développement de la technologie.   Autrement dit, la recherche n'est plus une idée, mais il existe un prototype   concret, et il s'agit de développer davantage le prototype et de le mettre à   l'épreuve. Cette recherche est beaucoup plus proche du marché, et les exemples   sont nombreux. M. Lauriault en a donné un : le dégivrage des avions est une   application de recherches effectuées à Chicoutimi. Je suis désolé de ne pas pouvoir vous faire une réponse plus directe, mais   l'histoire a montré que l'investissement dans le développement du savoir finit   par donner des avantages sur les plans économique et social. Le sénateur Di Nino : Vous ai-je compris correctement? Vous dites que   nous ne sommes pas à l'oeuvre depuis assez longtemps pour avoir produit des   biens et services que nous pouvons vendre au monde ou pour pouvoir coopérer avec   le reste du monde pour créer des occasions d'investissement et de commerce? M. Phillipson : Non, ce n'est pas du tout ce que j'ai voulu dire. Le   Canada a inventé beaucoup de produits. Le sénateur Di Nino : Je veux parler de ce qu'on a pu faire grâce à   votre fondation. M. Phillipson : Il y a eu des inventions grâce à la FCI,   effectivement. La fondation a 13 ans, mais il a fallu un an ou deux avant de   commencer à distribuer des fonds et avant de mettre en place tous les processus   voulus. Les exemples ne manquent pas, mais il est vrai que le gros des retombées   est encore à venir. C'est pourquoi je dis qu'il faut du temps. Il y a des avantages d'ordre social, mais tenons-nous en pour un instant aux   avantages économiques de l'investissement dans les recherches en santé. Je   présume que presque tout le monde pensera d'emblée aux médicaments ou aux   appareils médicaux. Autrement dit, on pense immédiatement à quelque chose qu'on   peut vendre sur le marché. Toutefois, les plus importantes retombées économiques   de ces recherches, ce ne sont pas nécessairement les produits, mais plutôt les   modifications dans les pratiques et politiques et dans la prestation des soins.   La recherche sur les modalités de prestation des soins peut se traduire par des   économies énormes, mais il n'y aura aucun brevet, aucun produit à trouver sur   les tablettes. Par conséquent, nous ne devrions pas croire que les avantages économiques se   limitent à des produits qui se vendent et s'achètent. Le sénateur Di Nino : Surtout dans les trois pays dont nous discutons,   et plus particulièrement en Inde et en Chine, le secteur de la santé et de la   médecine offrira au Canada d'énormes possibilités de commerce et   d'investissement. Cet avantage est distinct des retombées sociales qui viendront   évidemment de nos recherches, et bien des gens en profiteront. Même dans ce domaine, le travail de la fondation se poursuit toujours, et   nous ne pouvons pas cerner de secteurs où l'investissement que le contribuable a   consenti dans la fondation nous a donné de résultats concrets. M. Phillipson : Nous le pouvons, sénateur, et je ne voulais pas   laisser entendre le contraire. Je vous donne un exemple que je trouve ici même.   Certains d'entre vous auront peut-être entendu parler des règles de la cheville,   à Ottawa. Autrefois, si quelqu'un se blessait à la cheville et se présentait à   l'urgence, on faisait forcément une radiographie pour s'assurer qu'il n'y avait   pas de fracture. Le traitement peut être différent, selon qu'il s'agit d'une   fracture ou d'une entorse. Des chercheurs de l'Université d'Ottawa ont entrepris une étude pour savoir   quel patient qui entre à l'urgence en claudiquant a besoin d'une radio et quel   patient n'en a pas besoin, parce que les risques de fracture sont tellement   minimes que cela ne vaut pas la peine. Les règles d'Ottawa sur la cheville sont   en place non seulement dans à peu près tous les hôpitaux depuis une dizaine   d'années, mais elles sont aussi citées et appliquées dans le monde entier. Cette application a permis des économies énormes, vu toutes les radiographies   qui ont été évitées, mais il n'y a aucune entreprise qui peut créer ou produire   quelque chose qui peut être présenté et vendu sous le nom de « règles d'Ottawa   sur la cheville ». Le savoir a des retombées économiques considérables, en plus des retombées   sociales en matière de santé. Le sénateur Finley : Je déteste intervenir après le sénateur Di Nino.   Le plus souvent, il effleure tout au moins la plupart de mes questions. Le sénateur Di Nino : Je lis vos documents. Le sénateur Finley : Je voudrais reprendre brièvement une partie de ce   qui intéressait le sénateur Di Nino. Dans le cadre des énoncés de mandat ou de   mission que vous avez certainement, envisagez-vous ou établissez-vous une sorte   de cible, si modeste soit-elle, de conversion des résultats de la recherche en   licences, afin d'obtenir des licences sur le terrain? Vous ne produisez par les biens, les produits, cependant je présume que, si   la Fondation canadienne de l'innovation détenait une licence sur un processus,   un produit ou une pratique, elle aurait une source de revenus. Ce genre de chose   existe-t-il pour l'instant? On me dit que d'autres pays sont un peu en avance sur nous, pour ce qui est   des licences. Comment cela se fait-il? Est-ce que l'industrie privée constitue   un obstacle? M. Phillipson : Je vais essayer de répondre. Le mandat législatif de   la FCI lui interdit de détenir une participation dans les recherches qu'elle   finance. Nous finançons les établissements, et chacun d'eux a ses politiques sur   la propriété intellectuelle et les licences. Nous savons que les établissements   détiennent une participation si la propriété intellectuelle peut faire l'objet   d'un brevet ou d'une licence, comme tous les partenaires du financement de la   recherche. Nous ne sommes qu'un élément parmi d'autres. Nous finançons le matériel et   l'infrastructure. Toutefois, si le matériel reste inutilisé, il ne produit rien.   Il faut également l'apport des autres organismes de financement, des   gouvernements provinciaux et de l'industrie si on veut obtenir au bout du compte   des connaissances commercialisables. Le sénateur Finley : Je vais poser une question sous un autre angle.   Vous avez investi quelque 5,3 ou 5,5 milliards de dollars sur à peine plus de 12   ans dans des instituts de recherche très divers. Combien de licences ont été   obtenues grâce à cet investissement direct? Quel est votre taux de réussite   jusqu'à maintenant? Je sais que, probablement, pour chaque dollar investi dans la recherche, il y   a peut-être 5 p. 100 qui produisent quelque chose de concret. Quels ont été les   résultats du point de vue des licences, je veux dire celles auxquelles vous avez   participé, même si vous ne recevez pas la licence? M. Phillipson : Je le répète, nous ne participons pas. Ce sont les   établissements qui le font. Nous avons toutefois de l'information sur cette   question. Nous avons réalisé une étude, il y a quelques années, sur les   entreprises essaimées des universités où l'infrastructure financée par la FCI a   joué un rôle important — mais pas un rôle exclusif, comme je l'ai signalé. À ce   moment-là, lorsque la FCI existait depuis six ou sept ans, 116 sociétés   essaimées avaient été créées à partir des universités grâce à une infrastructure   financée par la FCI. J'essaie de me rappeler les chiffres, mais nous vous ferons parvenir l'étude.   Il y a largement plus de 1 milliard de dollars de l'industrie qui a été investi   dans ces sociétés essaimées. Nous avons essayé d'établir des statistiques pour   voir quelles étaient les retombées économiques. Il se trouve que nous sommes au milieu des préparatifs d'une étude bien plus   vaste des retombées socioéconomiques de nos investissements. Comme cette étude   est simplement en préparation, je ne peux encore vous donner aucune réponse. Il   nous a semblé que, au bout de 13 ans d'existence environ, après avoir fait des   investissements pendant une dizaine d'années, il convenait que voir quelle   information nous pouvions trouver pour répondre à des questions semblables à la   vôtre. Le sénateur Finley : Si vous pouviez remettre au greffier un   exemplaire du premier rapport, je voudrais le consulter. Et j'ai hâte de voir le   nouveau. Au début de votre présentation, vous avez dit que le Canada avait une   expérience considérable en recherche et excellait dans un certain nombre de   domaines, probablement un grand nombre de domaines, et qu'il était vraiment   formidable dans certains. Nous travaillons à une étude du développement   coopératif du commerce international avec l'Inde. Vous ne ciblez pas   nécessairement les compétences selon les pays, les personnes ou les   établissements, mais si vous le faisiez dans le cas de l'Inde, quelles seraient   les complémentarités idéales entre les compétences ou les ressources de l'Inde   et les points forts du Canada? Cette information, dans le cadre de notre étude,   pourrait être utile du point de vue de la politique gouvernementale ou des   relations bilatérales. Pourriez-vous me dire à quoi ressembleraient ces   complémentarités? M. Phillipson : Il faudrait que j'étudie plus en détail les atouts   particuliers de l'Inde dans chacun des domaines. Je ne crois pas que ce soit une   réponse satisfaisante que de généraliser en disant « la santé ». La santé, c'est   un domaine énorme. Je sais qu'il y a des secteurs où le Canada et l'Inde   collaborent et peuvent collaborer davantage. C'est exactement ce que j'essayais de dire tout à l'heure : chaque pays   devrait avoir un avantage concurrentiel qu'il apporte dans le partenariat, car   c'est ce qui fait un vrai partenariat. Mais je ne peux pas vous donner une   réponse intelligente. Le sénateur Finley : J'ai examiné un secteur, par exemple. Vous avez   dit que le Canada, et je le sais, puisque j'ai travaillé dans ce secteur, a fait   des investissements énormes en recherche et a accumulé de vastes connaissances   en aérospatiale. Le marché de l'aérospatiale de l'Inde est probablement celui   qui connaît, ou pourrait connaître, le plus grand essor. Deuxièmement, l'Inde   forme un nombre énorme d'ingénieurs dans un large éventail de spécialités, ce   dont on a besoin dans l'infrastructure aérospatiale. Est-ce que ce serait un   secteur de complémentarité, ou y a-t-il des exemples de cas où le Canada   collabore actuellement avec l'Inde par l'entremise de votre centre? M. Phillipson : C'est certainement un bon exemple. Quant à savoir ce   qui se fait en ce moment, je ne peux pas vous le dire. Nous avons financé 7 000   projets et je ne peux pas, au pied levé, vous donner un exemple particulier. Le sénateur Finley : Puis-je vous demander de remettre au greffier, en   respectant vos règles sur la confidentialité, la liste des programmes que vous   avez d'abord avec l'Inde, mais aussi avec la Russie et la Chine. Je m'intéresse   surtout à l'Inde. Est-ce possible? M. Phillipson : Nous allons essayer. Encore une fois, n'oubliez pas   que nos fonds sont versés à des établissements canadiens. Ils peuvent établir   des partenariats avec d'autres pays. Il nous faudra donc faire appel aux   établissements pour trouver la réponse. Le sénateur Finley : Je comprends. Je ne voulais pas une réponse   éclair. Lundi, prochain, ça ira. Plaisanterie à part, je vous remercie. Le sénateur Downe : Si je comprends bien, la fondation a été mise sur   pied pour combler les lacunes relevées dans l'infrastructure de façon à stopper   l'exode des cerveaux, dont il était question dans l'actualité, à l'époque. On   craignait de ne pas pouvoir garder au Canada des chercheurs et des scientifiques   importants. Cette fondation a été un élément clé pour mettre en place tout ce   qui allait venir par la suite, c'est-à-dire les chaires de recherche.   Dans votre déclaration d'ouverture, vous avez parlé du travail qui se fait à   l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, qui doit sa réussite à votre fondation   et à l'aide qu'elle a donnée. Grâce à ce succès, elle a pu créer un certain   nombre de chaires de recherche. L'école de médecine vétérinaire a bénéficié de   la nouvelle initiative du gouvernement, soit des fonds de 10 millions de dollars   pour des scientifiques de renommée mondiale.  L'université a réussi à obtenir que le scientifique, de l'Australie au départ   et qui a travaillé récemment dans des universités de la Californie, déménage et   s'installe dans l'île. L'hiver sera pour lui tout un changement. Cela dit, je   crois qu'il est reconnu pour ses recherches dans la prévention des maladies   transmises au saumon sauvage par le saumon d'élevage.  Les résultats éventuels des recherches seront transférables dans le monde   entier. Je présume que nous aurons des occasions à saisir dans le monde entier   grâce aux fonds qui seront venus de la fondation au départ. Je voudrais vous   poser une question sur votre budget. Combien d'argent aviez-vous au départ,   combien vous en reste-t-il et recevez-vous des subventions annuelles?  M. Phillipson : Nous n'émargeons pas au budget des services votés. La   FCI a reçu ses premiers fonds en 1997. Ce devait être une initiative ponctuelle   : 800 millions de dollars à dépenser sur cinq ans pour remettre à niveau le   matériel et l'infrastructure dont vous avez parlé. Le matériel était dépassé et,   bien des fois, il était même rouillé. Avant la fin des cinq ans, le gouvernement en place et ceux qui l'ont suivi   ont jugé bon, tous les deux ou trois ans, d'accorder de nouveaux fonds à la FCI   pour les quelques années à suivre. Dans le budget de l'an dernier, nous avons   reçu 600 millions de dollars pour financer un ou plusieurs concours à compter de   cette année. En ce moment, nous avons ces 600 millions qui n'ont pas été   engagés. Nous lancerons un certain nombre de concours de types divers cette   année et l'an prochain pour attribuer ces 600 millions de dollars. Le sénateur Downe : Tous les gouvernements méritent qu'on leur   reconnaisse le crédit d'avoir financé cette institution, et je me réjouis de   constater que l'on continue à accorder des fonds. Je suis sûr que vous n'avez   pas ces renseignements sous la main, mais pourriez-vous nous faire parvenir une   ventilation par province de tous les fonds accordés au cours des dix dernières   années?  M. Phillipson : Vous voulez parler de la répartition de nos fonds? Le sénateur Downe : Effectivement.  M. Phillipson : Nous pouvons le faire rapidement. Nous avons ces   renseignements au bureau, et nous nous ferons un plaisir de vous les faire   parvenir. M. Lauriault : Pour revenir sur la question que vous avez posée à   propos de 1997 et de la création de la fondation, je dirai que 13 ans plus tard,   en mars dernier, dans le cadre de l'accord de financement conclu avec le   gouvernement du Canada, nous avons fait une vérification et une évaluation. Une   partie du processus qui a été confiée à KPMG s'est accompagnée d'un examen par   un groupe international d'experts qui a constaté que la FCI et ses pratiques   étaient les meilleures au monde. La FCI est vraiment une innovation   canadienne. S'agissant des pays BRIC, que vous étudiez, et de pays plus avancés sur le   plan scientifique dont M. Phillipson a parlé, il ne se passe pas une semaine au   bureau sans que nous pratiquions la diplomatie scientifique. Nous recevons   chaque semaine des délégations de divers pays, en plus de ceux du G20, qui   veulent savoir comment fonctionne le modèle de la fondation et comment il   intègre tous les protagonistes du système canadien pour créer les conditions   propices pour que, comme M. Phillipson l'a dit, le Canada puisse devenir un chef   de file mondial dans un grand nombre de domaines. Le sénateur Downe : Vous avez parlé de vérifications. Le Bureau du   vérificateur général vous vérifie-t-il également?  M. Lauriault : Depuis 2006 et l'adoption de la Loi fédérale sur la   responsabilité, la vérificatrice générale peut vérifier la fondation. Jusqu'à   maintenant, elle a préféré ne pas le faire. La présidente : Messieurs Phillipson et Lauriault, merci de   l'information que vous nous avez communiquée. Vous avez traité des grands   éléments de votre mandat, et vous nous avez donné des exemples précis   intéressants. Je ne vais pas oublier de sitôt les règles de la cheville. Votre   participation est utile pour les grandes lignes de notre étude, qui porte sur   les avantages pour le Canada de partenariats avec d'autres pays ou du travail   dans d'autres pays. Vous nous avez donné la perspective canadienne, et nous vous   en sommes reconnaissants. Merci du temps que vous nous avez accordé. M. Phillipson : Merci de nous avoir accueillis. La présidente : Honorables sénateurs, nous accueillons M. Panday,   président-directeur général de la PanVest Capital Corporation. Nous sommes   heureux que vous puissiez vous joindre à nous par vidéoconférence. À titre d'information pour les sénateurs et l'auditoire, je dirai que la   carrière de M. Panday s'étend sur plus de 30 ans. Il a occupé plusieurs postes   importants dans l'industrie des services financiers et exercé des fonctions en   matière d'expertise comptable au sein d'ICICI, de la Banque du Canada, de HSBC   Canada, de la Banque de Montréal et de PriceWaterhouse Coopers. À l'heure actuelle, M. Panday est président et dirigeant principal de PanVest   Capital Corporation, un courtier du marché dispensé dont il est l'unique   propriétaire. PanVest offre actuellement aux investisseurs canadiens accrédités   la capacité de faire des placements en Inde au moyen de fonds d'actions   ordinaires non cotées en bourse, de co- investissements et d'autres mécanismes   financiers structurés. En juin 2009, il a reçu le prix du dirigeant d'entreprise de l'année, décerné   par la Chambre de commerce Inde-Canada. En 2008, India Abroad l'a inscrit   sur sa PowerList des 35 Indo-Canadiens les plus influents. Nous étudions l'ascension de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans   l'économie mondiale et ses conséquences pour la politique canadienne. Si vous   pouviez faire votre déclaration d'ouverture pour que nous passions rapidement   aux questions, nous vous en serions reconnaissants. Hari Panday, président-directeur général, PanVest Capital Corporation   : Merci beaucoup, honorables sénateurs. Bonjour et merci de me donner   l'occasion de participer à vos travaux aujourd'hui. Je suis ici pour parler de   l'Inde et faire, à l'occasion, des comparaisons avec d'autres pays. Je ne perds pas de vue le fait que de multiples considérations politiques et   économiques interviennent dans l'établissement de relations souveraines. Je vais   faire porter mon intervention sur les considérations économiques et commerciales   qui pourraient devenir le fondement durable d'un cadre de politique   canado-indien sain et propice à la prospérité. Le Canada et l'Inde ont besoin l'un de l'autre. Les besoins du Canada   tiennent à sa volonté de diversification, étant donné son intégration économique   à long terme avec les États-Unis et le plafonnement de la croissance de ce côté   depuis une dizaine d'années. De plus, il se préoccupe de plus en plus des   principes privilégiant l'achat de biens américains. Les besoins propres à l'Inde sont dominés par l'ouverture de son économie,   évolution dont la plupart des gens ignorent qu'elle a commencé il y a 18 ans, en   1992. Je peux affirmer sans crainte que j'ai commencé à parler de cette question   immédiatement après l'instauration des premières réformes. Il est déraisonnable de croire que nous avons perdu du temps, puisqu'il s'est   passé beaucoup de choses au Canada, tout comme en Inde. Nous avons atteint le   point où l'émergence de l'Inde comme protagoniste sur la scène mondiale se   remarque. L'Inde n'est pas seulement une destination pour les biens et services   canadiens, mais aussi un concurrent sérieux des entreprises canadiennes sur la   scène internationale. D'un côté comme de l'autre, nous avons beaucoup appris au   cours des 18 dernières années. Il ne faut pas laisser dormir ce que nous avons   appris. En tendant la main à l'Inde, le Canada devient un concurrent direct et   indirect de nombreux pays, comme les États- Unis, le Royaume-Uni, le Japon,   l'Australie, Singapour, le Brésil, Israël et bien d'autres. Ces pays sont bien   installés en Inde. Ils ont remporté des succès concrets qui ne sont pas dus au   hasard ni au fait qu'ils ont été les premiers à prendre l'initiative, mais à un   plan mûrement réfléchi. Ces pays vendent normalement des biens et services, mais   ils encouragent aussi les échanges d'investissements qui se dirigent en Inde.   Ces investissements viennent de fonds souverains de pays comme la Chine, Oman,   l'Australie, l'Irlande, Brunei, la Nouvelle-Zélande et même notre propre Office   d'investissement du Régime de pension du Canada. Le Canada semble en être aux   premières étapes d'un engagement sérieux avec l'Inde. Il a remporté lui aussi   des succès, mais il n'a pas autant fait les manchettes dans les médias   internationaux ou indiens. Je passe maintenant au contexte indien. Nous devrions examiner notre position   dans une perspective d'une vingtaine d'années, jusqu'en 2030. Comme l'a dit un   jour le grand joueur de hockey, Wayne Gretzky : « Je me dirige vers l'endroit où   la rondelle va se trouver, pas là où elle est. » D'après le plus récent Mckinsey Report on Urban India 2030 : Projections and Statistics, en 2030,   la population indienne atteindra 1,47 milliard d'habitants. On estime que son   produit intérieur brut va quintupler. Environ 590 millions de personnes, soit 40   p. 100 de la population, habiteront dans les villes, qui assureront 70 p. 100 du   PIB de l'Inde d'ici 2030. Le pays comptera 68 villes de plus d'un million   d'habitants, contre 42 dans l'Inde d'aujourd'hui et 35 en Europe. Environ 13 villes compteront plus de quatre millions d'habitants. Par   exemple, on estime que Bombay aura une population de 33 millions d'habitants en   2030; Delhi aura une population de 26 millions; Calcutta, de 23 millions;   Chennai, Bangalore et Pune en auront plus de 10 millions chacune. Pour   accueillir cette croissance, il faudra ajouter chaque année des espaces   commerciaux et résidentiels de la taille de Chicago. Il faudra aménager 7 400   kilomètres de réseaux de métro. Les chiffres continuent d'arriver. Ce contexte   étant esquissé, je vais faire de mon mieux pour traiter des sujets dont le   comité est saisi. Au niveau macroéconomique, nous avons vu qu'aucune économie ne pouvait   s'isoler des perturbations financières, quel que soit le niveau de   mondialisation d'un pays et la solidité de ses politiques intérieures. Les   banques centrales, les gouvernements, les organismes de réglementation et les   entreprises ont été mis récemment à très rude épreuve. La Banque centrale du   Canada aura un rôle important à jouer pour développer notre renseignement dans   ce domaine. Pour élaborer un plan directeur national et une politique stratégique,   éléments qui sont importants, il vaut mieux comprendre d'abord les enjeux   structurels. Nous devons savoir qui fait quoi. Le ministère des Affaires   étrangères et du Commerce international, les provinces, les villes, les sociétés   d'État, les entreprises privées et publiques et les organisations commerciales   sont tous présents en Inde, mais il ne semble pas exister de source complète   d'information sur leurs activités. Est-ce que Statistique Canada est équipée   pour recueillir les données pertinentes pour ceux qui ont besoin d'une   information rapide et sûre? Nous l'ignorons, mais il est important que   Statistique Canada joue ce rôle, si elle ne le fait pas déjà. Où en sommes-nous   aujourd'hui? Nous réfléchissons un peu au passé, mais nous mettons l'accent sur   l'avenir, comme je l'ai déjà dit. Quels efforts les deux gouvernements déploient-ils aujourd'hui? Nous devrions   examiner les questions qui sont importantes pour les deux parties. Que   savons-nous l'un de l'autre en ce qui concerne l'ensemble de l'économie et les   industries? Des principaux façonneurs d'opinion? D'autres questions sur le plan   humain comme les arts, la culture et la philanthropie? Il faut faire une analyse   détaillée du type FFPM, comme nous disons dans les affaires, pour définir les   forces, les faiblesses, les possibilités et les menaces, et il faut fournir   certaines réponses. Si le temps le permet, je vais donner des exemples tout à   l'heure. Ensuite, comment sera assuré notre apport d'information? Comment notre pays   va-t-il mettre à jour ses renseignements au moyen d'un « télescopage »   périodique? En ce qui concerne les partenariats, des questions comme celles d'un accord   de libre-échange, d'une convention fiscale avec l'Inde et de la reconnaissance   réciproque des institutions continuent de surgir. Par exemple, vous devriez   savoir que la bourse de Bombay n'est même pas une bourse désignée dans la   réglementation canadienne. Cette situation a des répercussions sur la fiscalité   et la circulation des investissements. Nos bourses peuvent donner aux   entreprises indiennes la possibilité d'accéder aux marchés nord-américains des   capitaux par l'intermédiaire du Canada sans que nous devions nous plier aux   complexités de la loi Sarbanes-Oxley ni à d'autres exigences américaines. Cette   capacité est un avantage concurrentiel pour les banques d'investissement, les   cabinets d'avocats et les services comptables au Canada, ainsi que pour les   bourses et les investisseurs. Plus de 8 100 sociétés sont inscrites à la bourse   de Bombay. L'an dernier, elle a réuni près de 2 milliards de dollars US sur le   marché intérieur. Nous devrions intervenir à cette étape, lorsqu'on apporte la   dernière main à la politique stratégique. On est en train de refondre un grand   nombre de nouvelles politiques, notamment le code minier. L'exploitation minière   est l'une des compétences principales du Canada, comme vous le savez. Depuis   plusieurs années, des délégations du secteur minier en Inde viennent au Canada,   mais il n'y a qu'une poignée d'entreprises secondaires qui ont des contacts avec   elles. Les relations de l'Inde avec Israël sont un bon exemple à suivre à cet égard.   L'Inde est au deuxième rang des partenaires économiques d'Israël. En 2008,   Israël et l'Inde ont signé un protocole prévoyant un colloque juridique   israélo-indien pour faciliter les discussions et les programmes d'échange entre   juges et juristes des deux pays. Le Canada peut créer son propre argument   publicitaire unique, un USP, en encourageant l'échange d'investissements et pas   simplement la vente de biens et services. Cet échange est particulièrement   important si le Canada veut exploiter le programme de dépenses en infrastructure   de l'Inde, qui sera l'un des plus importants de l'histoire du monde. Les institutions canadiennes, notamment certaines de ses sociétés d'État   comme la Banque de développement du Canada, la BDC, et Exportation et   développement Canada, EDC, peuvent jouer un rôle important. Selon moi, lorsque   nous injectons des capitaux dans des projets de cette nature, les entreprises   canadiennes peuvent en retirer des avantages réciproques acceptables. Nous avons   des programmes qui existent déjà et il arrive que leur succès dépende de la   présentation. Par exemple, nous avons le programme d'assurance d'EDC, qui peut   être élargi pour s'étendre aux investissements à destination de l'Inde. Les Canadiens ont une capacité limitée d'investissement en Inde. Ils doivent   compter sur des fonds communs de placement choisis et les certificats de titre   en dépôt qui s'échangent à la bourse de New York. Comme je l'ai déjà dit, la   PanVest Capital Corporation prêche la bonne nouvelle de l'investissement au   moyen des fonds d'actions privés. La main-d'oeuvre coûte moins cher en Inde, mais pas à tous les niveaux ni   dans tous les segments de l'économie. Il y a eu un mouvement à la hausse des   salaires. Si nous tenons compte de tous les autres facteurs, l'écart est   beaucoup plus étroit qu'autrefois. La vieille impression selon laquelle l'Inde   était la capitale mondiale des centres d'appel a changé. Les entreprises se   lancent dans des activités de pointe et abordables comme les biotechnologies et   les sciences appliquées. Les innovateurs canadiens peuvent se tourner vers des   organisations de recherche indiennes pour faire des essais cliniques, des essais   sur les patients, pour lancer leurs produits en Inde et se servir de l'Inde   comme plate-forme de lancement en Extrême-Orient. Il y a également pour les   Canadiens, des possibilités extraordinaires dans le secteur agricole et le   secteur de l'automobile. Je vais terminer là ma déclaration d'ouverture. Avec votre permission, je   vais répondre aux questions et avoir un échange dynamique avec toutes les   personnes présentes à Ottawa. [Français] Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci, madame la présidente. Monsieur   Panday, j'ai une question assez brève à vous poser. La reprise économique de   l'Inde semble assez fragile. Vous êtes d'avis contraire. J'arrive à cette   conclusion parce que dans le contexte international, avec l'Europe et les   États-Unis qui ne sont pas complètement encore sortis de la crise financière, il   faut être très prudent. L'économie tire sa croissance d'une hausse de l'investissement davantage que   celle de la consommation. À votre avis, quel effet la fin de ces mesures   exceptionnelles de relance, décidées au début de la crise mondiale, aura sur le   développement de l'économie indienne? [Traduction]  M. Panday : Il y a une ou deux choses à examiner. La locomotive de   l'économie indienne, c'est en grande partie sa demande intérieure. Seuls 20 p.   100 de son économie dépendent des exportations. Le secteur des exportations est   une composante modeste de l'activité économique en Inde, et 80 p. 100 de son   produit intérieur brut est destiné à la consommation intérieure. Ce que nous sommes amenés à croire en lisant les journaux sur les États-Unis   et l'Europe, c'est que la situation en Inde est à l'opposé. [Français] Le sénateur Fortin-Duplessis : Que pourrions-nous faire pour renforcer   les liens entre les universités, les organisations scientifiques et   technologiques et les centres de recherche canadiens et leurs pendants   indiens? [Traduction] M. Panday : Dans les domaines des sciences, des établissements   universitaires et de la recherche, je crois que les établissements peuvent   eux-mêmes conclure entre eux des accords de coentreprise. Ce qui est plus   important, c'est l'élaboration d'une stratégie d'application et de   commercialisation des résultats de la recherche. Au bout du compte, nous faisons de l'argent en commercialisant toutes les   innovations disponibles. Il sera important de comprendre la législation des deux   côtés pour commercialiser un produit. Par exemple, dans les domaines   pharmaceutique et bioscientifique, les résultats des recherches faites au Canada   ou dans une coentreprise avec une université indienne ne doivent pas rester dans   les laboratoires des établissements. Il faut qu'ils soient commercialisés en   Amérique du Nord et sur d'autres marchés. C'est seulement à ce moment-là que   nous tirerons le maximum de l'investissement consenti. L'Inde est avide de technologie étrangère et de recherche de pointe.   Néanmoins, elle a ses propres établissements de calibre mondial dans certains   domaines. Et le Canada a beaucoup à offrir. Le sénateur Jaffer : Monsieur Panday, vous êtes très connu et   respecté, notamment à Toronto. Ce que vous nous dites est important. À propos de votre rôle d'ancien président de la Chambre de commerce   Inde-Canada, comment cette chambre de commerce a-t-elle aidé les Canadiens à   mieux comprendre l'Inde et les Indiens à mieux comprendre le Canada? M. Panday : Bonne question. Le parcours de la Chambre de commerce Inde-Canada a été long. Des groupes   locaux ont décidé, il y a une vingtaine d'années, que, d'abord et avant tout, la   collectivité devait s'intégrer à la société majoritaire. D'après notre plan,   nous voulions que la génération de l'heure comprenne comment faire sa place dans   le milieu professionnel et le milieu des affaires. Nous avons commencé à   reconnaître les réussites de la collectivité indienne au Canada au fur et à   mesure que nos membres s'affirmaient dans différentes industries et professions.   Nous avons mis en valeur ces exemples de réussite dans la société majoritaire et   donné à tous de bonnes possibilités de réseautage. Ce qui a fait le succès de la Chambre de commerce, c'est que nous n'en avons   pas fait un ghetto. Elle est devenue une organisation indo-canadienne intégrée à   la société majoritaire, suscitant des compétences et préparant des gens à   travailler dans d'autres conseils. Beaucoup d'anciens présidents ont utilisé la   Chambre de commerce pour se préparer pendant qu'ils prenaient de l'expansion   dans l'économie locale. Certains ont ensuite siégé au conseil de beaucoup   d'organisations bien connues, comme la Chambre de commerce de l'Ontario, le   Festival Shakespeare de Stratford, le Roy Thomson Hall et le Musée royal de   l'Ontario. Ils ont aussi contribué à beaucoup de travaux communautaires dans un   sens plus large. Le sénateur Jaffer : Notre étude est axée sur les moyens d'accroître   le commerce entre le Canada et l'Inde et d'améliorer notre relation commune. Le   Canada compte une diaspora de plus en plus importante originaire de l'Inde et   d'autres régions du monde où la population est d'origine indienne. Vous êtes un   homme d'affaires d'expérience. Que recommandez-vous pour ce qui est de la   collaboration avec la diaspora indienne afin d'intensifier le commerce avec   l'Inde? M. Panday : Comme vous le savez, la diaspora indienne est partout   présente au Canada dans des industries diverses. Le nombre de personnes qui   s'occupent d'échanges bilatéraux avec l'Inde est à la hausse. Certains sont présents dans le secteur de la technologie de l'information,   pour laquelle l'Inde est réputée. Des entrepreneurs canadiens sont très engagés   dans ce secteur en Inde. Ils y ont des bureaux, et ils emploient des centaines   de milliers d'Indiens pour appuyer leurs affaires en Amérique du Nord et   ailleurs. Dans les services financiers, des entreprises comme Fairfax Financial   Services, qui possède des sociétés d'assurance, sont dirigées par des   Indo-Canadiens. Elles sont présentes dans le secteur des services financiers en   Inde. Pour collaborer avec la diaspora, il faut recueillir des renseignements sur   des industries diverses. Je reçois toutes les semaines des demandes de gens qui   veulent de l'aide pour se débrouiller dans le labyrinthe de divers domaines :   sciences médicales, services de santé ou inscription à Toronto. Par exemple, une   entreprise indienne souhaite en ce moment se faire inscrire à la Bourse de   Toronto. Nous l'aidons dans ses démarches. La diaspora peut être utile dans le   domaine des fusions et des acquisitions. Il y a divers moyens, d'un côté comme de l'autre, de collaborer avec la   diaspora. Le sénateur Di Nino : Bonjour, monsieur Panday. Je vais rester simple.   Nous convenons tous qu'il y a un nombre infini de possibilités d'améliorer le   commerce et l'investissement ainsi que d'autres relations entre l'Inde et le   Canada. Vous vous occupez de la question depuis longtemps. Selon vous, que faisons   nous de bien et que faisons-nous de mal? M. Panday : Excellente question. Vous avez raison de dire que les   occasions sont illimitées. Avec une possibilité semblable, je dis que l'Inde est   mon client et je demande ce dont mon client aura besoin dans les 12 ou 24   prochains mois et plus tard. Dans un mode de relation entre États souverains,   comme celle que nous avons avec l'Inde, il nous faut considérer un horizon de 10   à 20 ans, car ce que nous faisons aujourd'hui doit porter fruit dans un avenir   prévisible. Nous devons nous demander de quoi l'Inde aura besoin. L'infrastructure est un   secteur énorme, comme nous le savons. Kamal Nath, le ministre qui est venu au   Canada il y a quelques mois consacrera environ 50 milliards de dollars par année   à l'infrastructure. Les services de santé et l'éducation sont également des   secteurs importants. L'Inde n'a pas l'équivalent de l'Institut canadien des   valeurs mobilières. Des écoles commerciales des quatre coins du monde vont   s'implanter en Inde. De quoi l'Inde a-t-elle besoin et que les autres ne fournissent pas? Je   réfléchis à notre position de vente unique et à nos avantages concurrentiels.   J'essaie d'associer les deux. Il est certain que, dans l'avenir prévisible, nous   pouvons tabler sur le secteur minier, l'automobile, les services de santé,   l'infrastructure et les services financiers. Il y a des besoins énormes dans le   secteur juridique, et le Canada a des compétences exceptionnelles à faire valoir   dans la législation sur l'insolvabilité, la gouvernance des sociétés, les   brevets et la propriété intellectuelle, le droit de l'environnement et le droit   du travail. Nous avons tendance à considérer l'Inde comme homogène, ce qu'elle n'est pas.   Les données me disent que nos entreprises devraient cibler au plus une   demi-douzaine de provinces en Inde, là où il y a de la croissance et où les   consommateurs dépensent. En Inde, le revenu disponible augmente à un rythme   convenable. Nous devons examiner les besoins et voir où les choses se passent. Nous   devons faire une analyse par secteur et par région et ensuite cibler nos efforts   en conséquence. Vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a beaucoup de   possibilités, mais nous devons élaguer. Nous devrions prendre ce que j'appelle   l'approche laser pour choisir nos cibles des 12 à 24 derniers mois. J'ignore quelle est la grille d'évaluation de ceux qui travaillent dans les   bureaux du commerce, par exemple, mais elle devrait être structurée en fonction   de réalisations quantifiables, qu'il s'agisse d'accroître les chiffres du   commerce ou celui des appels qu'ils font. La grille peut tenir compte du nombre   d'entreprises canadiennes qui ont fait une percée dans de nouveaux secteurs.   Nous devons mettre en place des systèmes pour mesurer cet effort également. Je ne crois pas que, pour l'instant, nous ayons un plan très cohérent. Il y a   encore bien des éléments qu'il faut relier les uns aux autres. Le sénateur Di Nino : Selon vous, si des entreprises ne sont pas   présentes là-bas depuis longtemps, elles feraient mieux de se trouver des   associés en Inde ou peut-être parmi la diaspora, ou bien doivent-elles   s'attaquer à la tâche toutes seules? M. Panday : Chaque cas est différent. Cela dépend de la puissance de   l'entreprise canadienne et du segment de l'industrie où elle mène ses activités.   Prenons les services financiers, par exemple. Ce n'est pas un secret, peu   importe le pays où une entreprise veut s'installer, que les services financiers   sont étroitement réglementés. Il leur faut une stratégie différente pour   pénétrer ce secteur. Elles peuvent avoir besoin de s'associer à quelqu'un sur le   terrain, quelqu'un qui pourra les aider. Les PME jouissent de plus de souplesse,   surtout dans les secteurs non réglementés. L'astuce, c'est le renseignement sur le terrain en Inde. C'est actuellement   un très lourd défi pour les entreprises canadiennes. Il est indispensable de   faire à l'avance une étude de marché pour comprendre le contexte, mais toutes   les PME n'ont pas les moyens de s'offrir les services de consultants. Les   ministères et les bureaux commerciaux du gouvernement devraient étendre la   portée de leur action pour donner accès à cette information. Il est important, également, que nous nous greffions à d'autres entreprises   qui sont présentes en Inde depuis des années. Certaines de celles qui sont là   depuis longtemps ne jouent pas le rôle de mentor qui devrait être le leur. Il   faut que des entreprises comme Bombardier et SNC-Lavalin participent à cet   effort et montrent aux autres entreprises comment obtenir le rendement voulu de   leurs sous-traitants, par exemple, pour ramener une certaine activité au   Canada. Le sénateur Segal : Monsieur Panday, merci de ce don généreux de votre   temps et de la clarté de votre exposé. Nous avons de la chance de pouvoir   compter sur l'un et l'autre. Je vais vous soumettre une interprétation, et je voudrais que vous me   corrigiez là où je suis injuste ou commets une erreur. Voici : on peut dire que,   dans une grande mesure, le Canada a loupé le coche, pour ce qui est des   relations avec l'Inde. Si on le compare à des joueurs de taille bien plus   modeste, les Israéliens, par exemple, nous n'avons pas pris la question au   sérieux, probablement parce que, à la différence des Israéliens, nous estimions   avoir d'autres choix. Israël, pour sa part, devait être plus stratégique dans   ses choix pour une foule de raisons que nous comprenons tous. En outre, les   milieux des affaires et gouvernementaux indiens, qui sont toujours polis jusqu'à   l'exagération, ne sont pas impressionnés par le comportement du Canada à ce   jour. Ils estiment que nous n'avons pas su intensifier l'effort. Ils sont   contents qu'il y ait eu un cadre de référence constructif dans le dossier   nucléaire, mais ils ont l'impression que les gouvernements au Canada ont mis   tellement de temps à s'apercevoir de ce qui se passait, que cela traduit un   manque de concentration et d'intérêt. Voilà pourquoi il ne suffit pas maintenant que notre pays essaie de se   tailler une part du marché, de faire des investissements stratégiques et de   faire le travail difficile qui s'impose s'il veut se faire une place en Inde. Il   faut en plus prendre conscience du fait que la situation est désespérée et que   nous tirons beaucoup de l'arrière par rapport à nos concurrents. Il nous faut   faire une analyse complète à partir de zéro de ce qui s'est passé et trouver une   série de mesures plus ciblées et urgentes dans les secteurs privé et public. Si nous ne le faisons pas, notre chance risque de passer plus tôt que nous ne   le pensons. Que pensez-vous de mon interprétation? M. Panday : Vous avez tout à fait raison. Je suis très heureux que   vous posiez cette question, car les éléments contenus dans votre intervention   sont cruciaux. Je commencerai par dire que nous n'avons pas loupé le coche. Je ne crois pas   que ce soit le cas. Sénateur Segal, mon observation personnelle, c'est que, à ce   rythme, l'Inde va nous offrir des occasions pendant les 50 prochaines années. Ce   pays a un certain type de croissance. Depuis 18 ou 20 ans, les taux de   croissance sont de 6 p. 100 ou plus en moyenne. La meilleure chose que je remarque en Inde, aujourd'hui, c'est que les jeunes   ont de l'espoir. Je rencontre mes collègues en Inde, et ce sont des jeunes de 25   ans qui ont une maîtrise en administration des affaires et qui n'envisagent pas   du tout leur avenir avec pessimisme. Même dans les villes de deuxième ou de   troisième niveau, on peut trouver dans son quartier quelqu'un qui a pu aller à   Dubaï, à Singapour ou en Thaïlande pour un contrat d'un ou deux ans. Ils   rentrent avec des devises étrangères dans leurs poches et sont considérés comme   des modèles par les autres jeunes de ces villes. En Inde, on a les villes du premier niveau, comme les cinq grandes   agglomérations que sont Bombay, Calcutta, et cetera. La prospérité gagne   également les villes de deuxième et de troisième niveau, et même les villages.   Le microcrédit, par exemple, prend de plus en plus de place, et cela aide les   petits agriculteurs et les microentreprises. Il y a maintenant des femmes   entrepreneurs. En Inde, les choses avancent à tous les niveaux. C'est aux Indiens de décider   où ils veulent se positionner, mais il y a énormément d'activité a tous les   niveaux de l'économie. J'ai rencontré le président-directeur général de Fairfax hier. Nous avions   tous les deux un exposé à la Ted Rogers School of Management. Son entreprise a   une coentreprise en Inde avec la filiale d'ICICI, ICICI Lombard, qui est la   branche de la banque qui s'occupe de l'assurance des biens et des risques   divers. Il me dit qu'elle a vendu plus d'un demi- million de polices à des   agriculteurs indiens. Autrefois, lorsqu'il y avait des inondations, la récolte   était emportée, et l'agriculteur était anéanti. Maintenant, une coentreprise   canadienne vend de l'assurance-récolte, et les agriculteurs peuvent repartir à   neuf si leur récolte est détruite. Ce sont de petits exemples que je peux citer pour confirmer ma conviction   générale que nous n'avons pas raté le coche. Quant à la question nucléaire, il ne fait pas de doute que l'Inde s'est   sentie blessée. Lorsque j'ai été engagé par ICICI Bank Ltd en Inde, en 2003,   pour lancer ses activités bancaires au Canada à partir de zéro, j'ai demandé au   ministre des Finances notre décret pour démarrer des activités ici. Ma plus   grande crainte, en 2003... Le sénateur Segal : Aux termes de l'annexe II? M. Panday : Effectivement, il s'agissait des activités d'une banque à   charte inscrite à l'annexe II. Il n'y avait pas eu d'autres institutions financières indiennes au Canada   depuis plus de 25 ans. La seule autre banque présente au Canada était la State   Bank of India, qui est une institution souveraine. Toutefois, ICICI Bank Ltd est   une banque du secteur privé en Inde. Elle est la deuxième de l'Inde par ordre   d'importance. Lorsque j'ai été engagé, je n'avais même pas un endroit où poser ma mallette.   Nous sommes littéralement partis de zéro. Ma femme et moi sommes allés chez   Bureau en gros pour acheter le premier télécopieur de la banque. Ce sont les   débuts d'une banque de l'annexe II au Canada. Comme le sénateur Jaffer l'a dit tout à l'heure, me voici. Je suis l'exemple   vivant d'une personne qui est venue au Canada il y a 35 ans, et nous avons été   engagés et nous avons pris le risque de créer une banque de l'annexe II alors   que planait la menace de l'embargo commercial à cause du nucléaire. Ma plus   grande crainte, c'est que je me demandais comment j'allais faire tout ce travail   après avoir quitté mon emploi à la Banque HSBC pour lancer cette nouvelle   institution. Que se passerait-il si la licence était refusée, pour quelque   raison, à cause de l'embargo? Entre-temps, j'avais attiré tous ces gens pour   qu'ils viennent travailler avec moi, ils avaient cru ma parole lorsque je leur   avais dit que nous allions bâtir une magnifique institution et que nous   marquerions l'histoire. Cette banque, nous l'avons bâtie. Nous employons maintenant 180 personnes au   Canada. Elle a des actifs de 5 milliards de dollars. Je l'ai fait croître   jusqu'à hauteur de 4 milliards de dollars, et sa feuille de paie s'élevait à   environ 10 millions de dollars par année. Nous nous sommes servis de nos compétences essentielles. Nous avons établi   des opérations en Inde pour assurer un renfort. Nous avons proposé un produit   aux consommateurs canadiens et fourni l'environnement concurrentiel que le   gouvernement du Canada voulait créer. Nous avons fourni tout cela. Mais j'ai été   sur les charbons ardents pendant neuf mois à cause du problème nucléaire,   jusqu'à ce que nous recevions la licence. C'est à ce moment-là que j'ai eu mes premières impressions de la réaction des   Indiens à toute cette affaire. Cela ne m'avait pas frappé jusque-là. Pour moi,   ce n'était pas bien important. Il y a des choses qui se passent dans le monde et   qui ne nous plaisent pas, mais la vie continue. Toutefois, les Indiens ont pris   la chose à coeur. Est-ce que l'Inde se préoccupe de cette question aujourd'hui? Je ne le pense   pas. Tout cela s'est atténué, et il ne faut pas exagérer. Notre pays devrait   prendre appui sur une position de force. Nous avons beaucoup de points forts sur   lesquels nous pouvons compter. Nous sommes respectés. Nous avons d'énormes   réserves de capitaux dont l'Inde a besoin. Comme je l'ai déjà dit, nous devons considérer nos compétences de base. Nous   avons beaucoup à offrir. Nous avons une personnalité nationale que les Indiens   admirent. Ils nous croient lorsque nous faisons des promesses parce que nous   tenons parole. Je n'ai jamais vu une entreprise indienne qui essayait de faire   affaire avec une entreprise canadienne et que l'entreprise canadienne a laissé   tomber. Les réalités commerciales sont ce qu'elles sont. Il y a des négociations et   des dispositions commerciales sont prises. Toutefois, au coeur de la question,   il y a le fait que nous devrions être très fiers de notre système de valeurs et   de ce que nous avons à offrir. Nous devons être fiers du fait que, sur la   planète, nous nous sommes créé notre espace, et il nous faut mettre ces atouts   en avant et mettre en veilleuse toute cette histoire de l'incident   nucléaire. Vous avez demandé comment nous créons notre part de marché. Cette question   est complémentaire de celle que le sénateur Di Nino a posée plus tôt. Nous   devrions sélectionner trois ou quatre secteurs clés et nous devrions nous y   bâtir une réputation, tout comme les Israéliens sont maintenant reconnus en   biosciences et en technologie de l'information. Nous ne devrions pas essayer de   faire une foule de choses en un court laps de temps. Nous avons besoin d'une image de marque. Il faut que nous nous fassions   connaître pour ce que nous faisons de mieux. Nous sommes connus pour nos   capitaux, pour nos industries minière et automobile, et pour nos établissements   universitaires. Ces secteurs sont essentiels. Trois ou quatre secteurs clés nous   tiendront occupés pendant les 10 ou 15 prochaines années. Nous pouvons faire   beaucoup d'argent, ce qui n'est pas mauvais, à mon avis. La présidente : Là-dessus, monsieur Panday, je dois conclure que vous   envisagez avec optimisme les relations entre l'Inde et le Canada. En peu de   temps, vous nous avez donné, comme ces jeunes Indiens de 25 ans qui ont leur   maîtrise en administration des affaires, bien des motifs d'espérer que le Canada   et l'Inde pourront travailler ensemble. Pour ma part, j'ai bien aimé que vous disiez qu'il y a une multitude de   manières de travailler là-bas. Je suis sûre que cela n'aura pas déplu au comité   non plus. C'est à nous de susciter l'optimisme et le dynamisme nécessaires pour   que ces relations soient fructueuses. Il est probable que le comité fera écho à certaines de vos réflexions et de   vos impressions, ainsi qu'à votre idée qu'il faut se mettre à l'oeuvre. Vous   nous avez dit que 50 années de travail nous attendent. Nous verrons si nous   pouvons inciter les Canadiens à s'engager dans cette voie. Monsieur Panday, merci. Il aurait été préférable que vous soyez parmi nous,   mais il se trouve que la solution de rechange a été tout aussi bonne.  M. Panday : Ce fut un plaisir. Merci beaucoup. Si jamais vous avez   besoin de moi pour un suivi, je serai très heureux de vous rencontrer de   nouveau. La présidente : Merci beaucoup. Nous allons retenir votre offre. (La séance est levée.) |