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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

OTTAWA, le mercredi 2 novembre 2011

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui à 16 h 20 afin d'examiner, pour en faire rapport, les faits nouveaux en matière de politique et d'économie au Brésil et les répercussions sur les politiques et intérêts du Canada dans la région, et d'autres sujets connexes.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international va poursuivre aujourd'hui son examen des faits nouveaux en matière de politique et d'économie au Brésil et des répercussions sur les politiques et intérêts du Canada dans la région.

Nous sommes heureux que Son Excellence l'ambassadeur du Brésil ait accepté notre invitation. Il sera le dernier témoin régulier de notre étude, jusqu'à ce que nous recevions les ministres canadiens. Je pense que la présence de Son Excellence en ces lieux, à ce moment-ci, tombe à point nommé. Nous le remercions d'être ici. Son Excellence Piragibe Dos Santos Tarragô est diplomate depuis 1975. Il a été affecté notamment à Maputo, en 1976; aux Nations Unies, à New York, de 1979 à 1982; à Ottawa, de 1983 à 1985; à Genève, de 1990 à 1993; à Caracas, de 1993 à 1997; à Londres, de 1999 à 2003; et à nouveau aux Nations Unies, à New York, de 2006 à 2009.

Vous pouvez constater à la lecture de son curriculum vitæ qu'il possède une expérience des relations multilatérales et bilatérales menées dans le monde entier. Il s'agit effectivement d'une carrière exceptionnelle.

L'ambassadeur Tarragô s'est surtout occupé d'affaires économiques dans les fonctions qu'il a exercées au ministère des Affaires étrangères. Il a été le principal négociateur pour le Brésil dans les négociations menées à l'Organisation mondiale du commerce sur l'accès aux marchés pour les produits non agricoles, l'AMNA, durant le Cycle de Doha de 2003 à 2005, ainsi que dans les négociations relatives à l'Accord sur les aspects de droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) durant le Cycle d'Uruguay de 1987 à 1993. De plus, il a été le porte-parole des pays producteurs de café à l'Organisation internationale du café de 1999 à 2003.

Il a en outre représenté le Brésil dans de nombreuses négociations et auprès de plusieurs organismes des Nations Unies, notamment l'Assemblée générale sur la réforme du Conseil de sécurité, la Commission de consolidation de la paix, l'ECOSOC, la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement, le CNUCED, le Groupe des 77, l'Unité spéciale pour la coopération Sud-Sud ainsi que l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (le GATT) et l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l'OMPI.

M. Paulo Roberto Amora Alvarenga, ministre-conseiller, accompagne l'ambassadeur. Nous vous souhaitons la bienvenue à tous les deux. Comme vous l'avez sans doute compris, nous examinons la relation entre le Canada et le Brésil d'un point de vue politique et d'un point de vue économique. Outre des visites ministérielles, le premier ministre du Canada et le président du Brésil se sont rencontrés lors d'une visite officielle. Nous cherchons à renforcer ce débat et à trouver des possibilités de coopération mutuelle. Nous sommes heureux de vous accueillir et de connaître votre point de vue. Comme c'est la tradition de notre comité, nous sommes là non seulement pour vous écouter, mais pour engager avec vous un dialogue sous la forme de questions et réponses. Bienvenue.

Son Excellence Piragibe Dos Santos Tarragô, ambassadeur, Ambassade du Brésil : Je vous remercie, madame le sénateur Andreychuk, pour cette aimable introduction. Je suis très heureux d'être ici, avec mon collègue de l'ambassade, pour vous donner un bref aperçu du Brésil, dans l'espoir de vous aider à mener vos délibérations, à préparer votre voyage au Brésil, comme vous l'avez dit, et à établir des relations plus étroites avec le Parlement du Brésil. Nous accordons beaucoup d'importance à ces échanges avec le Canada, non seulement par la voie de rencontres entre les chefs de nos gouvernements, mais aussi de rencontres avec les membres du Parlement.

Je vous parlerai brièvement dans mon exposé de la situation politique, de l'économie et du commerce extérieur du Brésil, de notre politique étrangère et de nos relations avec le Canada.

La situation politique récente du Brésil se caractérise par la stabilité ainsi qu'une grande liberté d'expression et de participation. Le retour au pouvoir des civils en 1985, la promulgation de la nouvelle Constitution fédérale en 1988, l'expérience de six élections réussies pour choisir un président, des gouverneurs, des sénateurs et des députés sont autant de preuves du niveau élevé de maturité politique atteint et de la consolidation de la primauté du droit.

Le 1er janvier dernier, Dilma Rousseff, candidate du Parti des travailleurs, a accédé à la présidence du pays après avoir recueilli 56 p. 100 des voix de l'électorat, qui s'élevait à près de 100 millions de personnes.

La situation politique et économique du Brésil a connu trois processus graduels de transformation. Premièrement, il y a eu la normalisation politique avec le retour au pouvoir des civils et l'amnistie politique générale, l'édiction de la nouvelle Constitution fédérale ainsi que le renforcement des institutions politiques et des valeurs démocratiques. Deuxièmement, il y a eu la stabilisation économique atteinte grâce à des mesures énergiques pour maîtriser l'inflation et jeter les bases d'une croissance durable. Troisièmement, les profonds déséquilibres qui ont caractérisé la structure sociale du Brésil pendant très longtemps ont été corrigés grâce à un ensemble de programmes destinés à éliminer la faim et à faire reculer la pauvreté.

La présidente Dilma Rousseff s'est montrée déterminée à bonifier ces programmes en visant l'éradication de l'extrême pauvreté. L'objectif consiste à réduire les grossières inégalités qui existent encore dans la société brésilienne. Ces disparités sociales sont aussi considérées comme l'une des principales causes de l'insécurité qui sévit particulièrement dans les grandes agglomérations.

La présidente a été élue en s'appuyant sur une coalition composée de 16 partis qui représentent une grande variété de courants, quoique de centre et de gauche pour la plupart. Cependant, la configuration politique du Brésil se caractérise de façon générale moins par des considérations idéologiques que par le pragmatisme et la défense d'intérêts régionaux.

Somme toute, on peut dire qu'après 10 mois au pouvoir, le gouvernement de la présidente Dilma Rousseff s'en tire relativement bien. La coalition gouvernementale au Congrès est demeurée unie en approuvant des décisions importantes. Mais elle n'est pas restée à l'abri de la désagrégation des forces activée par des intérêts régionaux ou particuliers, dans l'examen de mesures législatives sujettes à controverse.

Quoi qu'il en soit, la coalition s'est montrée forte après que la présidente Dilma Rousseff a démis de leurs fonctions plusieurs ministres soupçonnés de corruption.

Les fondements de l'économie brésilienne se sont solidifiés après l'adoption du Plano Real en 1994 et l'instauration d'un système fondé sur un taux de change flottant, des cibles de maîtrise de l'inflation et des excédents du budget primaire. Mis en œuvre sous la présidence de Fernando Henrique Cardoso, le système a été maintenu et renforcé au moyen de politiques destinées à accroître l'inclusion sociale adoptées successivement par les gouvernements Lula et Rousseff.

De tout temps, le développement économique du Brésil a été rapide, mais très inégal. Toutefois, à en juger par le dernier cycle de croissance économique, les politiques d'inclusion sociale ont grandement contribué à réduire la pauvreté et les écarts de revenus. Les facteurs clés de cette réussite sont, entre autres, un meilleur accès à l'éducation, des augmentations réelles du salaire minimum, un accès plus facile au crédit pour les consommateurs, l'universalité des soins de santé, l'octroi de prestations de sécurité sociale à tous les travailleurs ruraux et des transferts de fonds conditionnels, comme ceux de la Bolsa Família, pour ceux qui sont au bas de la pyramide des revenus.

Ces mesures ont permis d'extraire des millions de personnes de la pauvreté, lesquelles, à leur tour, ont alimenté la consommation intérieure. L'élargissement du marché interne a permis au Brésil de traverser la crise financière internationale sans subir trop de dommages.

Afin de maintenir sa stabilité macroéconomique, le Brésil a appliqué un certain nombre de mesures, la principale étant celle de fixer le taux d'intérêt nominal à un niveau élevé. Ce dernier, établi par la banque centrale, est actuellement de 11,5 p. 100 annuellement, avec une erreur systématique par défaut. Cela s'est avéré essentiel pour atteindre la cible annuelle d'inflation de 4,5 p. 100 avec une possibilité de variation de l'ordre de 2 points de pourcentage. La baisse du taux d'inflation a à son tour permis la constitution d'excédents annuels du budget primaire correspondant à environ 3,1 p. 100 du PIB.

La combinaison de ces deux variables et le taux de change flottant ont joué un rôle central dans le rétablissement de la confiance dans l'économie brésilienne et la reprise de la croissance. Conséquence : le pays a attiré d'importants investissements étrangers directs qui devraient atteindre les 60 milliards de dollars américains en 2011.

En 2010, le PIB du Brésil a progressé de 7,5 p. 100, après un léger recul de 0,7 p. 100 en 2009 en raison de la crise internationale. La croissance devrait se poursuivre en 2011, mais à un rythme moins soutenu. Cette croissance devrait être de l'ordre de 3,5 à 4 p. 100 en 2011 et en 2012.

Le PIB par habitant tourne autour de 11 800 $ US. Le taux de chômage, à 6 p. 100, est descendu à son plus bas niveau en 10 ans. Les salaires moyens réels ont atteint des sommets inégalés depuis 2002.

L'économie du Brésil est maintenant axée sur les services. Il n'en demeure pas moins que le pays est l'un des plus gros producteurs agricoles au monde et qu'il a un potentiel industriel très diversifié. Les services représentent 67 p. 100 du PIB, l'industrie, 27 p. 100 et l'agriculture, 6 p. 100.

L'importance de l'agriculture transcende sa part du PIB, car ce secteur est aussi celui qui crée le plus d'emplois; il exporte aussi énormément et génère d'importants excédents commerciaux.

Les principaux produits agricoles sont le soja, le sucre, les oranges, le café, le coton, le tabac, la viande rouge et la volaille. Les industries agricoles sont bien développées, entretenant des liens solides avec les producteurs et l'industrie alimentaire. Ce secteur attire les investisseurs étrangers, qui voient le pays comme une base solide dans leurs stratégies visant à percer des marchés étrangers et à s'établir sur le marché brésilien en pleine expansion.

L'agriculture familiale a aussi gagné en importance, car elle est la principale source de denrées de consommation courante. Elle a fortement contribué à réduire la pauvreté de manière radicale. Les petites exploitations brésiliennes, qui occupent 24 p. 100 des terres agricoles, génèrent 38 p. 100 de la production alimentaire nationale et 74 p. 100 des emplois ruraux.

Avec un niveau record de 384 milliards de dollars américains en 2010, le commerce extérieur représente moins de 20 p. 100 du PIB, ce qui témoigne, à mon avis, de cette tendance pour le marché intérieur brésilien. De janvier à septembre, le flux des échanges commerciaux a augmenté de 30 p. 100 pour s'établir à 357 milliards de dollars américains. La balance commerciale affiche un excédent de 23 milliards de dollars américains, en augmentation de 85 p. 100. Les produits primaires constituent 50 p. 100 des exportations. Le minerai de fer, le pétrole et le sucre représentent à eux seuls un tiers de toutes les exportations.

Le commerce extérieur du Brésil est géographiquement diversifié, puisque les 10 principaux partenaires commerciaux du pays ne totalisent que 55 p. 100 de l'ensemble des échanges. La Chine est devenue le plus grand partenaire commercial du Brésil, avec 16 p. 100 des échanges bilatéraux, suivie par les États-Unis, avec 12 p. 100. Les échanges bilatéraux avec le Canada ne représentent que 1,5 p. 100.

Le flux des échanges commerciaux entre le Brésil et le Canada a un grand potentiel de croissance. En 2010, les exportations brésiliennes au Canada se sont chiffrées à 2,3 milliards de dollars américains, et les importations à 2,7 milliards. Il s'agit de chiffres brésiliens, légèrement différents des chiffres canadiens, mais le commerce bilatéral a augmenté en 2011 et devrait dépasser allègrement les 6 milliards de dollars américains. Pour la période comprise entre janvier et septembre, le flux des échanges avait déjà dépassé le total enregistré pour toute l'année 2010.

Les exportations brésiliennes au Canada sont essentiellement composées d'oxydes d'aluminium, de pétrole brut et de sucre non raffiné; ces produits représentent environ 60 p. 100 du total des exportations. Quant au Canada, il exporte des engrais potassiques, du charbon et du papier journal; ces produits représentent à peu près 60 p. 100 des importations brésiliennes en provenance de votre pays.

Dans son discours inaugural, la présidente Rousseff a réaffirmé que le Brésil continuera d'accorder la priorité à l'intégration des Amériques et de l'Amérique latine, à la coopération Sud-Sud, surtout avec l'Afrique et le Moyen- Orient, ainsi qu'aux pays lusophones. De même, le Brésil poursuivra son travail avec les pays émergents et les nouveaux regroupements, comme IBSA et BRICS, ainsi qu'avec les États-Unis et l'Union européenne, dans le contexte d'un monde multipolaire en pleine effervescence. Le Brésil demeurera ouvert aux affaires et au commerce, et sera enclin à resserrer ses liens avec tous les pays, en particulier les pays développés comme le Canada, car ceux-ci représentent une source importante et diversifiée d'échanges commerciaux, d'investissements et de technologies.

La présidente a aussi réitéré que le respect des droits de la personne sera au cœur de la politique étrangère de son pays. Le Brésil continuera d'appuyer la réforme des organisations internationales en vue d'accroître la participation des pays émergents dans les principaux organismes décideurs, comme le Conseil de sécurité de l'ONU, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Le Brésil est d'avis qu'il peut contribuer de façon notable au règlement des conflits touchant différentes parties du monde. Il est prêt à offrir ses compétences sur les plans diplomatique et technique chaque fois qu'on estimera qu'elles peuvent être utiles et apporter une perspective positive aux belligérants.

L'intégration de l'Amérique du Sud continuera de reposer sur des projets concrets d'infrastructures. Le Brésil entend poursuivre, avec ses voisins, des projets communs dans les domaines de l'énergie, des communications, des routes et des aéroports, en plus de renforcer les relations commerciales et économiques. La présidente Rousseff a promis de donner un nouvel élan à cette initiative, car celle-ci cadre avec son plan pour attirer les investissements, brésiliens et étrangers, en vue de mettre en valeur l'arrière-pays brésilien et les zones frontalières. Les projets d'intégration devraient tirer parti du potentiel économique de ces nouvelles zones en matière de développement.

La stratégie de diversification des relations étrangères du Brésil, qui met l'accent sur les pays en développement, a produit des retombées économiques concrètes. Par exemple, les échanges commerciaux entre les pays membres du Mercosur se sont multipliés par dix depuis la création de ce groupe, il y a 20 ans.

Ces réalisations n'auraient pu avoir lieu sans une stratégie active de création de nouveaux partenariats. Les regroupements comme IBSA, BRICS, Mercosur et Unasur procurent les cadres politiques et institutionnels au sein desquels le commerce et les investissements peuvent s'épanouir.

Pour ce qui est de ses relations avec le Canada, le Brésil est heureux de la priorité que le Canada a donnée à son engagement dans les Amériques et, dans ce contexte, de l'attention spéciale qu'il accorde au Brésil.

La visite récente au Brésil du premier ministre Stephen Harper a été un succès, car elle a ouvert de nouvelles possibilités pour l'intensification des relations bilatérales sur une multitude de sujets.

Aux yeux du Brésil, le Canada est une source éventuelle de coopération dans de nombreux domaines, dont les sciences et la technologie, le commerce, les investissements, l'éducation, la défense. La visite du premier ministre a marqué le lancement de deux mécanismes importants, soit le dialogue sur les partenariats stratégiques et le Forum des PDG.

Grâce au dialogue, le Brésil et le Canada ont désormais un mécanisme par lequel ils pourront évaluer, aux plus hauts échelons, les principaux points à l'ordre du jour des rencontres internationales et régionales pour mieux s'y préparer, et approfondir leur compréhension des perspectives brésiliennes et canadiennes sur les relations bilatérales ainsi que sur les enjeux mondiaux.

Au cours du Forum des PDG, les chefs de file de nos secteurs privés respectifs pourront explorer entre eux et avec nos ministres des façons d'encourager les interactions entre les principales entreprises des deux pays et de lancer de nouvelles initiatives qui seront mutuellement profitables. Le dialogue et le Forum des PDG seront aussi l'occasion de collaborer sur le plan des sciences et de la technologie. L'avenir est prometteur dans ce domaine. Un protocole d'entente bilatéral a été signé et il ouvre la voie à la collaboration entre les universités et les centres de recherche scientifique de nos deux pays. Des projets sont à l'étape des discussions ou des préparatifs dans des secteurs comme les technologies de l'information, les énergies renouvelables, les technologies écologiques, la nanotechnologie, les sciences biologiques et l'étude des océans. La coopération entre les établissements d'enseignement du Brésil et du Canada a débuté. Le gouverneur général dirigera une délégation d'universités canadiennes au Brésil en avril 2012.

Par ailleurs, le Brésil a besoin d'investissements considérables pour résoudre ses problèmes d'infrastructures, ce qui signifie que les possibilités d'affaires pour les entreprises canadiennes sont elles aussi prometteuses. Le gouvernement brésilien a lancé un ambitieux programme pour accélérer les investissements dans des secteurs comme le logement, le développement urbain, la santé, l'éducation, l'énergie et les transports. Cette initiative devrait se solder par des investissements de 575 milliards de dollars américains au cours des quatre prochaines années.

Comme vous le savez, le Brésil sera l'hôte de deux grandes manifestations sportives : la coupe du monde de la FIFA en 2014 et les Jeux olympiques de 2016 à Rio de Janeiro. Par conséquent, le pays aura besoin d'investissements substantiels dans son infrastructure et ses services afférents. Le Canada ayant déjà acquis une expertise considérable dans l'organisation de manifestations sportives d'envergure internationale, les entreprises canadiennes trouveront sûrement l'occasion de participer aux projets entourant ces événements sportifs.

Le secteur pétrolier pourrait aussi intéresser les entreprises canadiennes. En effet, le Brésil est en voie d'établir des champs pétroliers en mer, dits « antésalifères ». Des entreprises étrangères ont été invitées à participer à l'exploration de ces champs pétroliers et à fournir de l'équipement, des navires, des plates-formes, des canalisations, et cetera.

Bref, il existe de nombreuses possibilités à explorer pour favoriser l'épanouissement des relations bilatérales. Toutefois, des obstacles demeurent. Ainsi, au Brésil, l'image du Canada est encore associée à des problèmes qu'ont connus les deux pays dans le passé : le conflit Embraer-Bombardier et l'interdiction d'importer du bœuf brésilien en raison d'allégations de maladie de la vache folle. Il reste donc encore beaucoup de travail à faire pour redorer le blason du Canada aux yeux des Brésiliens. Je crois personnellement que le Canada pourrait y parvenir s'il participait à des projets d'envergure qui se traduisent par des retombées positives au Brésil.

Le Brésil a réalisé des projets avec d'autres pays du même calibre que le Canada. Ces projets se sont distingués et ont suscité chez les Brésiliens une réaction positive. Ce fut le cas du projet Cerrado avec le Japon, un important projet de développement agricole; des projets de défense avec la France; de la coopération nucléaire avec l'Allemagne; du Mercosur avec l'Argentine, et ainsi de suite.

En outre, sur le plan des enjeux politiques internationaux, le Canada et le Brésil pourraient trouver des moyens de collaborer. Haïti est un bel exemple d'expérience positive où les deux pays ont conjugué leurs efforts pour faciliter la reconstruction socioéconomique de ce pays. Mais les gouvernements brésilien et canadien peuvent faire davantage. Ils pourraient, à titre d'exemple, se concerter pour améliorer les organisations internationales, favoriser la coopération dans notre hémisphère et insuffler une nouvelle vie dans l'Organisation des Nations Unies, en particulier dans le Conseil de sécurité.

La présidente : Merci. Vous avez abordé de nombreux points. J'ai quelques questions à vous poser, mais je vais d'abord me tourner vers les autres membres.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, Votre Excellence, je tiens à vous dire que cela me fait vraiment plaisir que vous ayez accepté notre invitation. Je veux aussi vous dire qu'avec le mémoire que vous venez de présenter, vous brossez un portrait assez complet de ce qui se passe au Brésil.

Ma première question : vous avez mentionné, dans votre rapport, que Mme Rousseff, votre présidente, était en train de faire un ménage. Elle a démis de leurs fonctions plusieurs ministres. La démission forcée jeudi dernier d'Orlando Silva en fait foi.

Il y a un autre fait d'actualité qui doit aussi retenir notre attention, c'est le vote, mardi, au congrès brésilien sur la Loi d'accès à l'information publique. Cette loi vient compléter la Loi de transparence de 2009, qui oblige toutes les administrations publiques à publier en ligne l'utilisation qu'elles font des ressources publiques.

Est-ce que vous pourriez nous parler un peu plus du contenu de cette loi? Est-ce la corruption au Brésil qui a augmenté ces dernières années ou est-ce la qualité du contrôle, la visibilité des accusations et l'accès aux informations révélatrices qui se sont accrus?

J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet et j'aurai une deuxième question qui concerne un tout autre sujet par la suite.

M. Tarragô : Merci, madame le sénateur, de votre question. Je crois qu'il est très important de toucher cet aspect de la vie politique brésilienne.

Effectivement, la présidente Dilma Rousseff a établi dans sa politique de faire un gouvernement efficace qui serve bien le peuple brésilien et dont les désirs et les ambitions correspondent à ceux des citoyens brésiliens. Elle a fait exprès de ne laisser planer aucun doute sur la conduite éthique ou morale de ses ministres.

C'est pour cette raison qu'elle a accepté les allégations qui ont été publiées dans les médias et la presse brésilienne. Elle a fait les enquêtes nécessaires pour éclaircir les accusations de corruption.

Oui, je crois qu'il y a un lien entre la corruption et l'accès à l'information.

La presse brésilienne aujourd'hui a un accès presque total aux informations du gouvernement. Les comptes du gouvernement sont ouverts. Ils sont accessibles par Internet. Il est relativement facile de prendre connaissance des travaux du gouvernement, de ses rapports et des dépenses gouvernementales par Internet.

Il est toutefois difficile de dire si la corruption au Brésil a augmenté ou non au cours des dernières années. La corruption a toujours existé. Ce problème n'est pas propre au Brésil, il y en a dans tous les pays. Ce qui s'est amélioré, c'est l'accès à l'information. Étant donné cet accès accru à l'information, il est désormais plus difficile pour ceux qui pratiquent la corruption de continuer à le faire sans être observés par le public. Il est donc fondamental de garantir non seulement l'accès à l'information mais aussi que la presse soit toujours libre. Au Brésil, nous tenons à ce qu'il en soit ainsi. D'ailleurs, la présidente, dans son discours du 1er janvier dernier, a insisté sur le fait qu'elle allait garantir la liberté de presse dans le pays. Je crois que c'est un signe de ses intentions et aussi un avertissement à ceux et celles du secteur public, au Brésil, qui désireraient continuer de mener des affaires louches. Le message est clair.

Je conclurai sur la question du vote sur le projet de loi sur l'accès à l'information publique. Ce projet de loi fait l'objet de discussions dans la société brésilienne. La société brésilienne insiste pour que l'accès à l'information soit le plus répandu possible. Je crois que cette question va se solder sans problème cette semaine.

Le sénateur Fortin-Duplessis : On pourrait dire que la situation s'est améliorée?

M. Tarragô : Non, ce n'est pas le cas.

Le sénateur Fortin-Duplessis : La situation ne s'est pas améliorée?

M. Tarragô : Qu'est-ce qui s'est amélioré?

Le sénateur Fortin-Duplessis : Étant donné que les journalistes ont accès plus facilement à l'information, on en parle sans doute plus dans les journaux et on a l'impression qu'il y a plus de corruption. Toutefois, dans le fond, il n'y en a peut-être pas plus.

M. Tarragô : Non, c'est vrai. Les choses se sont améliorées. Jusqu'à tout récemment, il existait des barrières à l'accès à l'information selon différentes catégories, soit l'information confidentielle, l'information secrète et autres. On imposait un certain délai avant que le public puisse avoir accès à l'information. Aujourd'hui, avec la nouvelle loi, on verra une diminution de ce délai. L'accès sera ainsi plus facile, le délai sera plus raisonnable avant d'avoir accès aux informations confidentielles ou très privilégiées.

Le sénateur Fortin-Duplessis : J'aurais une autre question, mais d'un tout autre domaine.

J'ai lu qu'au Brésil certains postes techniques et technologiques sont très difficiles à pourvoir. Selon les statistiques, vous formez 40 000 ingénieurs et architectes, alors qu'il en faudrait 60 000.

Dans votre mémoire, vous avez mentionné que, lors de la visite du premier ministre, des accords bilatéraux furent signés pour ouvrir la voie à une collaboration entre les universités, les centres de recherche scientifique et autres institutions. Il ne fait aucun doute que cette initiative peut mener à la formation de personnes plus qualifiées. Toutefois, est-ce suffisant? Devrez-vous signer des ententes avec d'autres pays pour combler ces 20 000 postes par année?

M. Tarragô : Nous sommes conscients du problème. La présidente Rousseff a lancé un programme intitulé Le Brésil sans frontière, qui vise à envoyer à l'étranger des étudiants brésiliens pour compléter leur formation surtout dans les domaines techniques comme le génie et autres. Ce programme démarrera dès maintenant et durera quatre ans. Le but est d'envoyer 75 000 étudiants brésiliens à l'étranger. Un nombre considérable de ces étudiants viendront au Canada poursuivre leurs études.

Le gouvernement est en train de créer des liens à cet égard avec d'autres pays comme la France, le Royaume-Uni et les États-Unis pour justement faire face à cette nécessité de former de nouveaux ingénieurs pour notre industrie. Je suis sûr que cette initiative ouvrira les portes du Brésil à des techniciens d'autres pays pour l'industrie brésilienne.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Votre Excellence, je vous remercie infiniment d'avoir eu la gentillesse de répondre à mes questions.

Le sénateur De Bané : Monsieur Dos Santos Tarragô, le groupe de la Banque mondiale a classé le Brésil au 127e rang sur 183 pays pour ce qui est de la facilité à y faire des affaires. Il se situe derrière des pays comme l'Afrique du Sud, le Mexique, le Pérou, la Colombie, la Turquie et l'Argentine. La Chine vient au 79e rang et la Russie au 123e rang.

Que pensez-vous de ce classement relativement faible du Brésil comparativement à celui d'autres pays de la région? À votre avis, ce classement est-il valable? J'aimerais beaucoup entendre vos commentaires, monsieur l'ambassadeur.

M. Tarragô : Je suis d'accord avec vous. C'est un problème sérieux au Brésil. Il faut trouver moyen de faciliter les affaires commerciales en général. Cette question fait aussi l'objet d'une discussion publique au Brésil. Ce que nous appelons au Brésil « le coût Brésil », c'est le coût de faire des affaires avec le Brésil non seulement à l'étranger mais surtout au pays.

Il existe une foule de règlements dans toutes les sphères gouvernementales, que ce soit au niveau fédéral, au niveau des États ou au niveau municipal, qui rendent difficile pour les citoyens brésiliens de démarrer une entreprise et faire des affaires. C'est une accumulation de réglementations qui n'ont pas fait l'objet d'une révision profonde pour rationnaliser tout le processus.

Je crois que si nous étions mieux classés, nous serions un autre pays aujourd'hui.

[Traduction]

Le sénateur De Bané : Je comprends que les membres du Mercosur ne sont pas autorisés à négocier de façon bilatérale avec un autre pays — que cela doit être fait sous l'égide de l'accord de commerce du Mercosur. Étant donné le programme commercial actuel du Mercosur, qui comprend des accords commerciaux possibles avec l'Union européenne, l'Inde, l'Union douanière de l'Afrique australe et la Corée du Sud, à quel point est-il réaliste de croire que l'accord potentiel avec le Canada puisse devenir, comme cela est le cas pour les pays que j'ai mentionnés, une priorité pour les négociateurs commerciaux du Mercosur? Est-ce que nous pouvons avoir une attente réaliste sur ce front, puisque nous faisons tous deux partie des Amériques et que nous partageons les mêmes valeurs fondamentales?

M. Tarragô : Autant que je sache, bien que le Canada n'ait pas été jugé prioritaire pour le Mercosur, il occupe une bonne position parmi les partenaires avec lesquels les pays du Mercosur tiennent à entamer des négociations de libre- échange. Nous sommes engagés dans des entretiens exploratoires. Je pense que nous avons déjà eu deux ou trois séries d'entretiens exploratoires. On ne peut pas en faire plus cette année en raison des élections argentines, mais une autre série de pourparlers est prévue pour le début de l'année prochaine.

Sur cette question du libre-échange, je pense que nous devons voir l'ensemble de la forêt, et pas seulement un arbre. L'ensemble de la forêt renvoie à la situation financière internationale et à l'évolution de ces crises internationales. Cela va certainement influer sur la capacité des pays à s'engager dans des négociations commerciales.

Le sénateur De Bané : Vous avez dirigé au nom du Brésil des négociations économiques dans de nombreux forums.

M. Tarragô : C'est exact, en différentes occasions. Nous avons raté l'occasion qui s'offrait à nous pendant le cycle de Doha. Si nous avions conclu une entente il y a cinq ans, des mesures seraient déjà en place aujourd'hui, et peut-être que nous aurions pu intervenir pour parer à la crise financière internationale.

Le Brésil accorde une grande importance aux négociations multilatérales. Nous préférons les négociations multilatérales aux négociations bilatérales. Nous pensons que la plupart des obstacles qui surviennent dans les échanges bilatéraux peuvent être résolus seulement au niveau multilatéral parce qu'ils sont transversaux — ils touchent différents domaines.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Votre Excellence, vous avez parlé d'agriculture. Vous avez dit que les petites exploitations brésiliennes occupaient 24 p. 100 des terres, par contre, qu'elles procuraient 74 p. 100 des emplois dans les régions rurales. Quels sont les défis majeurs auxquels font face ces petites exploitations afin de pouvoir survivre sur une longue période?

M. Tarragô : Les petites exploitations font partie du plan qui avait été amorcé par le président Lula et que la présidente Roussef entend poursuivre. Ce plan s'insère dans le contexte de la réduction de la pauvreté et l'amélioration du niveau de vie des familles rurales. Il s'insère aussi dans le contexte des grands programmes sociaux du gouvernement. Je vous donne un exemple : une grande partie de la production de l'agriculture familiale est achetée par les agences du gouvernement qui sont responsables de fournir la nourriture aux enfants, aux écoliers et aux hôpitaux publics. C'est une garantie d'achat que l'agriculteur familial reçoit de la part du gouvernement. Cette condition représente une garantie à long terme de la poursuite de cette activité.

Aussi, le gouvernement offre des prêts aux agriculteurs familiaux à des conditions favorables et à un taux d'intérêt plus faible de manière à favoriser l'agriculture familiale qui, bien; qu'elle soit considérée comme une petite agricultrice, est déjà assez mécanisée. En conséquence, cela assure une productivité élevée. Soixante-dix p. 100 de l'alimentation des Brésiliens provient de l'agriculture familiale dans notre pays.

Le sénateur Robichaud : Je vous remercie.

[Traduction]

La présidente : Commençons par les questions délicates : les points de tension. Nous entendons toujours parler d'Embraer et de Bombardier, mais d'un autre côté, nous disons que les deux gouvernements sont passés à autre chose. Le Canada et le Brésil vivent dans des mondes différents, et pourtant ce point de vue persiste.

Quand vous dites « Brésiliens », parlez-vous des Brésiliens de Brasilia — le gouvernement, les entreprises? Je pense qu'il y a des millions de Brésiliens qui ne savent rien de l'altercation Embraer-Bombardier, comme au Canada. Cette affaire semble se limiter au gouvernement et au Parlement, où on continue à en parler, alors qu'en définitive, ce problème a été résolu en bonne partie. Est-ce le cas au Brésil, et que devons-nous faire?

Je sais que nous pouvons faire progresser nos relations bilatérales avec certains pays lorsque nous arrivons à amener suffisamment de parlementaires de ces pays à comprendre qu'il est contre-productif de parler des points de tension du passé plutôt que de l'avenir. Est-ce ce que nous devons faire au Brésil, ou y a-t-il d'autres solutions pour casser cette image, au-delà de ce que vous avez dit dans votre rapport? Je suis d'accord avec vous, mais nous parlons du long terme — il s'agit d'établir une meilleure relation, une nouvelle dynamique avec le Canada.

Nous avons eu de bons rapports commerciaux. Comment nous débarrasser de ce boulet qui semble revenir si souvent, ce point de tension?

M. Tarragô : Je partage entièrement votre point de vue. Je pense que la presse brésilienne est en grande partie responsable de cela. Les journalistes brésiliens, peut-être parce qu'ils ne sont pas bien informés sur les relations bilatérales, reviennent toujours à ce qu'ils ont dans leurs dossiers et ce qu'ils y trouvent, ce sont encore l'affaire Embraer-Bombardier et l'épisode de la maladie de la vache folle, qui ont eu beaucoup d'écho dans la presse au Brésil à ce moment-là. Ces incidents ont retenu l'attention de la télévision publique et de tous les médias. Ils ont laissé une empreinte forte dans l'opinion de la population brésilienne. À mon avis, s'ils menaient à bien quelque chose qui aurait un grand retentissement, le Brésil et le Canada pourraient faire oublier ces épisodes négatifs et donner à la presse des choses positives à dire sur les relations entre nos deux pays.

Je conviens également que soulever ces questions avec des parlementaires brésiliens peut être utile. Ils doivent être au courant des faits nouveaux dans nos relations bilatérales. Vous avez l'occasion de discuter avec eux et de montrer ce que le Canada est prêt à faire avec le Brésil. Je sens au Canada une grande ouverture à l'endroit du Brésil. Comme j'ai essayé de le faire comprendre aux autorités brésiliennes, il n'y a rien de mieux que les contacts personnels pour informer les parlementaires brésiliens de l'évolution de nos relations, et ces parlementaires pourront ensuite relayer l'information aux médias de leur pays.

Vous devez comprendre une chose, et c'est peut-être aussi vrai pour le Canada. Le Brésil est un pays qui se développe. Tout ce qui se passe partout dans le monde qui concerne notre pays trouve immédiatement écho dans les médias brésiliens, surtout si c'est négatif. Parfois, cela atteint des proportions qui sont bien loin de la réalité. Parfois, cela a un effet dissuasif dans nos relations bilatérales avec certains pays.

Dans le cas d'Embraer et de Bombardier, la population dans son ensemble a peu d'informations à sa portée. Cependant, cette affaire est encore très présente dans les dossiers des médias. Je pense que ce problème affecte l'image du Canada au Brésil. Nous voulons vraiment faire évoluer la situation.

Je crois que la visite du premier ministre Stephen Harper a aidé, mais elle a seulement permis aux deux pays de parler de leurs relations en termes généraux. Comme vous pouvez le voir dans mon mémoire, la création du dialogue stratégique et le forum des PDG sont des initiatives importantes, mais la population n'en comprend pas la véritable signification. La population comprendra les faits concrets, ou qui sont très visibles. Peut-être que les deux gouvernements devraient en parler davantage pour essayer de concevoir quelque chose ensemble.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Pour faire suite à la question de la présidente, j'aimerais savoir s'il y a d'autres irritants à part le dossier Embraer et celui de la vache folle. Est-ce qu'il y a d'autres irritants qui empêcheraient le Canada et le Brésil d'avoir des relations plus harmonieuses?

M. Tarragô : Non, je ne crois pas. Il y a des petites choses, mais ce sont des choses raisonnables.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur D. Smith : Avant de continuer — et j'espère bien que nous allons continuer — j'aimerais dire que nous sommes tous très positifs concernant le potentiel futur des relations commerciales et des relations d'affaires entre le Canada et le Brésil. En ce qui concerne Embraer, je ne comprends pas très bien pourquoi cette question dérange encore certains. Il y a un vieux dicton qui dit que les actes en disent plus long que les mots. Le fait est qu'Air Canada a acheté beaucoup d'avions Embraer. Je ne suis pas certain qu'une compagnie aérienne brésilienne ait acheté beaucoup d'avions Bombardier, mais je ne me plains pas à ce sujet. Étant donné qu'Air Canada est un important client d'Embraer, pourquoi certaines personnes sont-elles toujours irritées contre le Canada alors que nous achetons leurs appareils?

M. Tarragô : Je me suis posé la même question. Je pense que nous devrions faire plus de publicité sur le fait qu'Air Canada est l'un des principaux clients d'Embraer au Brésil. Lorsque vous allez au Brésil, dites-le à vos collègues, car ils ne le savent peut-être pas.

Le sénateur D. Smith : Certains d'entre nous ne comprennent absolument pas pourquoi nous avons encore ce nuage au-dessus de nos têtes.

Mr Tarragô : C'est peut-être parce qu'il n'y a pas de projet important pour sceller nos relations ou parce que les gens sont restés accrochés à un incident négatif du passé. Je pense que les relations entre le Canada et le Brésil sont excellentes. Nos deux pays font de plus en plus d'affaires ensemble et nos échanges culturels, scientifiques et technologiques vont bien, mais ils ne retiennent pas autant d'attention qu'un incident négatif comme celui d'Embraer.

Le sénateur D. Smith : Depuis plus de 30 ans, l'un des événements marquants de l'année à Toronto est le bal brésilien. J'y vais, certaines années; c'est un gala qui permet de recueillir beaucoup d'argent pour des œuvres de bienfaisance. Les Canadiens en sont très fiers. Peut-être qu'ils ne comprennent pas ou ne savent pas cela.

M. Tarragô : C'est vrai.

Le sénateur Finley : Merci pour cet excellent exposé. Je voudrais parler d'un aspect particulier de nos relations, à savoir la prochaine Coupe du monde de football et les Jeux olympiques. Les deux événements auront lieu au Brésil, et je suis certain que vous ferez un travail merveilleux. J'espère simplement que l'issue de la Coupe du monde ne sera pas la même que celle de la dernière fois où elle a eu lieu à Rio, en 1950, je pense. Je suis certain que vous gagnerez de toute façon.

La Coupe du monde 2014 est dans trois ans, et les Jeux olympiques de Rio de Janeiro, dans cinq ans. Tous ceux qui sont venus ici ont souligné l'importance des infrastructures pour ce genre d'événements. Je vois deux sortes d'infrastructures. Il y a d'abord les sites sportifs à proprement parler, les stades et autres et il y a ensuite tout ce qu'il faut pour appuyer ces événements : les routes, les moyens de transport et les hôtels. Comme seulement trois et cinq ans nous séparent de ces grandes rencontres, de manière réaliste, quelles occasions sont encore disponibles? On pourrait penser qu'il s'agit de contrats et de projets à long terme et la plupart d'entre eux ont sans doute déjà été accordés. Est- ce le cas? Existe-t-il réellement encore beaucoup d'occasions?

M. Tarragô : Dans le cas de la Coupe du monde, les stades sont en construction ou en rénovation. La construction d'une grande partie de l'infrastructure secondaire a déjà été entreprise, mais les processus ont toujours cours. Je l'ai dit à certaines entreprises canadiennes qui se posaient elles aussi la même question. Elles m'ont demandé s'il était encore temps de se rendre là-bas et d'avoir une partie de ces contrats? Je leur ai dit oui, parce que bon nombre des principaux entrepreneurs vont sous-traiter. Alors, selon leur spécialité, ces entreprises pourraient également obtenir une partie du contrat. Par exemple, des équipements de sécurité devront être installés dans tous les stades, dans les aéroports et dans de nombreuses régions du pays. Il y a là des possibilités pour les entreprises fournissant ce type de matériel.

Ne vous y prenez pas au dernier moment. Certes, il reste encore trois ans. Selon moi, il y a encore assez de temps pour que de nombreuses entreprises canadiennes trouvent leur place.

Le sénateur Finley : Pensez-vous que les entreprises canadiennes ont des possibilités acceptables pour essayer au moins de décrocher des contrats dans l'organisation de ces deux événements exceptionnels, ou diriez-vous, peut-être, que la situation est un peu décevante?

M. Tarragô : Je ne sais pas. Le ministre du Commerce international, M. Edward Fast, s'est rendu au Brésil en juin dernier dans le cadre d'une mission commerciale canadienne. L'un des objectifs concernait précisément cette question. Je n'ai pas eu de rétroaction sur l'issue de cette mission. Lorsque le premier ministre Harper est allé au Brésil, il était accompagné par quelques PDG; il s'est rendu à un événement commercial majeur au Brésil. Il a eu un déjeuner d'affaires, auquel ont participé plus de 300 sociétés brésiliennes, au cours duquel il a pu exposer et mettre en valeur l'expérience qu'a le Canada de ces événements sportifs. Toutefois, il appartient à chaque pays de suivre la situation et de tenter de cerner les niches où il pourrait offrir son expertise, ses produits et ses services. Je suppose que les entreprises canadiennes peuvent compter sur le soutien des bureaux commerciaux du Canada au Brésil. Ils sont tenus au courant des possibilités offertes par ces projets. Les bureaux commerciaux du Canada, les consulats, l'ambassade, la Chambre de commerce à São Paulo et bon nombre d'entreprises canadiennes ont déjà des bureaux au Brésil depuis un certain temps. Dans ce cas, je suppose qu'il appartient à chaque entreprise de faire sa place dans ce marché.

Le sénateur Finley : Je m'intéressais tout particulièrement au moment opportun pour décrocher des contrats et à l'avancement des travaux. Nous avons certaines décisions à prendre pour le rapport de notre comité et notre voyage au Brésil. Je vous remercie des renseignements que vous nous donnez.

Le sénateur Mahovlich : Lorsque les gens d'ici parlent du Brésil, ils parlent de Pelé. Pelé participera-t-il au tournoi? A-t-il son mot à dire dans ces événements?

M. Tarragô : Il a été nommé ambassadeur.

Le sénateur Mahovlich : Ah oui, vraiment?

M. Tarragô : Pour la Coupe du monde.

Le sénateur Mahovlich : Viendra-t-il au Canada faire de la publicité pour cet événement? Nous l'attendons avec impatience.

Le sénateur Finley : Nous n'avons pas d'équipe de soccer, monsieur le sénateur. C'est le problème.

Le sénateur Mahovlich : Nous avons une équipe de soccer, mais elle ne gagne pas souvent.

M. Tarragô : Vous pourriez l'inviter pour un match de hockey.

Le sénateur Mahovlich : Oui, c'est vrai.

Le sénateur Downe : Monsieur l'ambassadeur, je souhaite vous poser deux ou trois questions sur le programme dont vous a parlé plus tôt, concernant les 75 000 étudiants que le gouvernement espère envoyer étudier à l'étranger. Je crois comprendre que le gouvernement a demandé aux entreprises d'en subventionner encore 25 000, dans l'espoir d'envoyer 100 000 étudiants au total.

Si j'ai bien compris le programme, le gouvernement paie toutes les dépenses, sauf les frais de scolarité. Est-ce exact?

M. Tarragô : Je ne peux pas vous le dire exactement. Le gouvernement a alloué une somme de 3,4 millions de dollars pour financer les études de ces étudiants. Je crois comprendre que deux organismes sont responsables du programme. Ils sont en négociations avec les universités des pays concernés pour voir comment cela peut être organisé — à savoir s'il faudra payer l'intégralité, la moitié ou une partie des frais de scolarité.

Ce que je veux dire, c'est que nous sommes en train d'essayer de négocier le meilleur prix.

Le sénateur Downe : J'espère que vous pourrez intervenir s'il est décidé en fin de compte de ne pas financer les frais de scolarité, car les pays où les étudiants ne paient rien pour aller à l'université ont un avantage immense sur le Canada, où tout le monde doit payer pour aller à l'université. Peut-être pouvez-vous faire valoir ce point au gouvernement?

Mr Tarragô : Je le ferai.

La présidente : J'ai une dernière question. Vous avez indiqué que vous privilégiez les rapports Sud-Sud dans vos relations internationales. Vous vous tournez vers l'Afrique — l'Angola, le Mozambique, et cetera — et vers votre région. D'un point de vue historique, je peux le comprendre. Toutefois, il semble que notre hémisphère soit de plus en plus intégré. De nombreux facteurs positifs nous rapprochent, mais il y a aussi les facteurs négatifs, par exemple ce qui se passe au niveau de la sécurité. Les crimes et les organisations criminelles traversent les frontières dans un hémisphère. Par exemple, la contagion survient dans un pays d'Afrique, puis se déplace dans les deux directions le long de la côte, fait le tour du cap et remonte le long de la côte suivante. Je suis surpris de constater que le Canada et le Brésil n'ont pas vu plus tôt qu'ils avaient des intérêts communs. Parce que nous sommes dans le même hémisphère, nous avons l'avantage. Nous pouvons cesser d'envisager nos rapports par le prisme des États-Unis. Nous pouvons nous débrouiller sans eux, ou nous pouvons nous associer avec eux. Nous pouvons nous intéresser à l'Amérique centrale et aux Caraïbes. Nous le faisons en Haïti. Il y a beaucoup plus de possibilités. L'un des objectifs de cet examen est de trouver les raisons pour lesquelles nous nous sommes négligés mutuellement au cours des deux dernières décennies. Pourquoi n'avons-nous pas privilégié le renforcement de nos relations bilatérales?

M. Tarragô : C'est vrai. La situation est peut-être attribuable en partie à la distance géographique qui sépare nos deux pays. Pour ce qui concerne la lutte contre les crimes transnationaux dans notre région, nous nous tournons principalement vers les pays limitrophes. Nous développons une coopération bilatérale avec ces pays afin de renforcer la police et d'augmenter la sécurité à nos frontières, au travers desquelles transitent la plupart des produits de ces crimes, et plus particulièrement la drogue, les armes illégales et la contrebande.

Le Brésil s'est engagé à renforcer la sécurité dans sa région, mais il est également prêt à examiner la possibilité de joindre ses efforts à ceux du Canada et d'autres pays de l'hémisphère. Nous sommes prêts à examiner quel genre de mesures conjointes nous pourrions mettre en œuvre. En Haïti, c'était une situation particulière. Il n'était pas simplement question de la criminalité, c'est l'ensemble du pays qui a été dévasté. Nous y étions ensemble pour aider le pays à se remettre.

Chaque pays vit une situation particulière. Je vois que le Canada se tourne vers l'Amérique centrale. C'est naturel, parce que l'Amérique centrale est un passage vers le Mexique et vers l'Amérique du Nord.

Ce n'est pas tellement le cas pour le Brésil. Comme je l'ai dit, le Brésil est beaucoup plus préoccupé par les pays voisins qui affectent sa sécurité. Cependant, nous sommes prêts à examiner une coopération potentielle avec le Canada.

La présidente : Monsieur l'ambassadeur, votre temps est écoulé. En fait, nous avons même dépassé la limite fixée. Vos interventions ont toujours été extrêmement utiles. Je pense que nous comprenons la nouvelle réalité du Brésil, son importance dans le monde et ce qui en fait aujourd'hui un pays propice à la réalisation de nombreuses initiatives multilatérales d'un intérêt commun.

Notre comité cherche à comprendre pourquoi, dans notre hémisphère, un pays du calibre du Canada, sur le plan géographique et sur d'autres plans, et un pays du calibre du Brésil n'ont pas encore renforcé davantage leurs relations.

Vous nous avez donné quelques pistes de réflexion. Nous reprendrons le débat, probablement pour discuter de nouveau avec vous de quelques-uns de ces points. Ce sera à l'avantage de nos pays et de la continuation de nos relations bilatérales et multilatérales.

Merci de nous avoir indiqué que l'expérience des entreprises canadiennes leur ouvre des portes dans l'organisation de la Coupe du monde de football et des Jeux olympiques, mais qu'il faut agir vite. Lorsque vous dites qu'il reste trois ans avant la Coupe du Monde et cinq ans avant les Jeux olympiques, vous nous faites prendre conscience du fait qu'il reste certes encore du temps, mais que les entreprises canadiennes et le gouvernement du Canada doivent agir sans tarder. Il y a les visites des ministres et celle du premier ministre qui sont tombées à point nommé. Nous espérons participer à cet effort. Nous savons que votre contribution à ce dialogue a été extrêmement utile.

Nous vous remercions infiniment de votre visite. Nous espérons que vous demeurerez à Ottawa, et que nous aurons l'occasion de vous accueillir de nouveau à notre comité.

M. Tarragô : Merci beaucoup.

(La séance se poursuit à huis clos.)

 

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