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Délibérations du Comité sénatorial permanent des 
Affaires étrangères et du commerce international

OTTAWA, le jeudi 30 mars 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, auquel a été renvoyé le projet de loi C-30, Loi portant mise en œuvre de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne et ses États membres et comportant d'autres mesures, se réunit aujourd'hui, à 10 h 33, pour examiner la teneur du projet de loi.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui pour examiner le projet de loi C-30, Loi portant mise en œuvre de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne et ses États membres et comportant d'autres mesures.

Nous accueillons aujourd'hui l'honorable François-Philippe Champagne, ministre du Commerce international. Il est accompagné de ses collaborateurs, et je vais lui laisser le soin de les présenter. Je sais qu'il y a aussi d'autres fonctionnaires dans la salle, au cas où nous aurions besoin de leur expertise.

Monsieur le ministre, je vous remercie d'être ici aujourd'hui, et je vous félicite pour votre nomination. Nous vous avions fait parvenir une lettre, mais nous tenons à vous féliciter officiellement pour votre nomination à ce poste clé au sein du gouvernement — le commerce international — qui est particulièrement important pour le comité, car nous nous intéressons aux enjeux commerciaux depuis plusieurs années. Nous sommes impatients d'entamer notre étude du projet de loi C-30.

Je vous remercie également de comparaître pendant une semaine où la Chambre ne siège pas. Je sais que vous aviez d'autres engagements, mais vous avez répondu à ma demande. Nous voulons étudier ce projet de loi rapidement et efficacement, et vous avez gentiment accepté de venir aujourd'hui.

Je vous souhaite la bienvenue au sein du comité. Je ne vais pas m'étendre davantage. Comme nous avons peu de temps en compagnie du ministre, je veux m'assurer que nous pourrons l'entendre et lui poser nos questions.

Monsieur le ministre, soyez le bienvenu. La parole est à vous.

[Français]

L'honorable François-Philippe Champagne, C.P., député, ministre du Commerce international : Je vous remercie, madame la présidente, de m'accueillir aujourd'hui.

[Traduction]

C'est réellement un honneur pour moi d'être devant vous aujourd'hui. J'apprécie les travaux que le Sénat a effectués sur ce que je considère être un grand moment pour le Canada. En fait, il s'agit d'un moment historique, surtout en ce qui concerne l'AECG. Ayant été sur la route pendant près de 30 jours consécutifs, madame la présidente, je dois dire que le Canada se démarque sur la scène internationale, et pour les bonnes raisons. Notre programme commercial progressiste fait du commerce une réalité pour les gens de partout dans le monde. Il a été salué, et je suis honoré d'être ici aujourd'hui. Il s'agit vraiment d'un effort pancanadien, et je suis très heureux de pouvoir vous en parler.

[Français]

M'accompagnent ce matin Mme Louise Laflamme et Mme Sandra LaFortune.

[Traduction]

Steve Verheul, qui n'a probablement pas besoin de présentation. Denis Martel et Matthew Smith m'accompagnent également.

Comme vous l'avez dit, madame la présidente, il y a quelques autres représentants qui sont ici pour répondre à vos questions. L'objectif, évidemment, est de pouvoir répondre à toutes vos questions en vue de procéder en bonne et due forme et rapidement à la ratification de l'accord, parce que chaque jour compte lorsqu'il s'agit d'accroître le commerce. Commerce rime avec croissance, et croissance rime avec emplois. C'est donc un excellent instrument pour stimuler le commerce.

Si vous me le permettez, madame la présidente, je vais faire quelques observations, après quoi je serai heureux de répondre à vos questions.

[Français]

Je suis heureux d'être entendu aujourd'hui devant le comité pour discuter de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne. Le gouvernement croit fermement que l'économie mondiale devrait permettre la libre circulation des produits, des services et des investissements, et nous sommes fiers de jouer un rôle de chef de file pour promouvoir un programme commercial progressiste.

[Traduction]

Non seulement c'est la bonne chose à faire, mais c'est essentiel pour notre prospérité et notre bien-être économique dans l'immédiat et à long terme. Étant donné que notre marché intérieur est relativement petit, la prospérité de notre économie et de nos entreprises de calibre mondial est étroitement liée à notre capacité à commercer avec d'autres pays.

Le Canada a toujours été une nation commerçante, et le commerce a permis d'en faire l'une des 10 grandes économies mondiales, même s'il n'occupe que le 30erang dans le monde au chapitre de la population. Autrement dit, partout où je vais, je dis que le Canada abrite 0,5 p. 100 de la population mondiale et qu'il représente 2,2 ou 2,3 p. 100 du commerce mondial. Cela dit, le commerce est essentiel pour la prospérité du Canada.

Nous savons que le commerce permet d'améliorer les niveaux de vie et d'accroître la prospérité, ce que le comité comprend très bien, étant donné que les échanges commerciaux représentent 60 p. 100 du produit intérieur brut annuel du Canada. Nous savons aussi que le commerce aide les entreprises à prospérer et que les entreprises prospères en pleine expansion créent de nouveaux emplois. Ces emplois, madame la présidente, se trouvent partout au pays. Évidemment, le Sénat représente les régions. Je viens d'une circonscription rurale, et je dois dire que lorsque je regarde l'AECG, je considère que c'est un instrument qui va aider toutes les régions du pays à prospérer et à créer les emplois dont nous avons grandement besoin au pays.

En effet, un emploi canadien sur six est lié aux exportations. Toutefois, il ne faut pas nous reposer sur nos lauriers; nous devons redoubler d'efforts pour les gens dont la subsistance et la prospérité dépendent du commerce. Nous devons nous assurer que les retombées des dernières années ne se reflètent pas seulement dans les statistiques, mais qu'elles profitent également à la classe moyenne et aux personnes qui travaillent fort pour en faire partie. Autrement dit, le premier ministre du Canada m'a demandé de faire du commerce une réalité pour les gens, ce qui signifie des débouchés pour les exportateurs, des produits meilleurs et plus diversifiés pour les consommateurs et, évidemment, des emplois pour les Canadiens. Par conséquent, ensemble, nous devons faire en sorte que les gens bénéficient concrètement du commerce.

[Français]

C'est aussi la raison pour laquelle nous avons besoin d'accords comme l'AECG. Avec l'AECG, nous avons trouvé l'approche commerciale idéale, car elle favorise la croissance inclusive au moyen d'échanges commerciaux progressistes. L'AECG s'appuie sur des consultations menées auprès d'un large éventail d'intervenants et comprend des dispositions rigoureuses dans le domaine du travail et de l'environnement. L'accord reconnaît le droit des gouvernements de continuer à réglementer dans l'intérêt public.

En bref, l'accord sert les intérêts tant des entreprises que des citoyens et fait en sorte qu'un plus grand nombre de gens peuvent profiter des avantages d'un contexte commercial mondial plus ouvert.

[Traduction]

L'AECG permettra de resserrer nos liens avec un partenaire ayant des valeurs communes. C'est un accord qui convient au bon moment, et je dois féliciter les visionnaires qui ont cru, il y a plus d'une décennie, que nous pourrions réaliser un tel objectif. C'est facile à dire, et je l'ai dit à maintes reprises : cet accord arrive à point nommé. Il nous permettra de créer les emplois dont on a grandement besoin, de favoriser la croissance de la classe moyenne et d'aider les personnes qui travaillent fort pour en faire partie.

L'AECG est l'accord commercial le plus ambitieux et le plus progressiste jamais négocié par le Canada ou l'Union européenne. Les avantages économiques de l'accord pour le Canada sont — vous en conviendrez — indéniables.

Je dois vous dire, madame la présidente, ayant voyagé partout dans le monde, que l'AECG est l'étalon-or des accords commerciaux. Partout où je suis allé, les gens m'ont parlé de l'AECG, de ses dispositions, de ses éléments progressistes, de notre approche et des consultations que nous avons menées comme étant la voie de l'avenir pour les pays.

[Français]

L'Union européenne est le deuxième partenaire commercial en importance du Canada et le deuxième marché importateur en importance au monde en ce qui concerne les marchandises. La valeur des importations annuelles de l'Union européenne est supérieure au PIB du Canada. Grâce à l'AECG, les exportateurs canadiens de produits et de services auront un accès préférentiel sans précédent à un marché de plus de 500 millions de consommateurs. C'est aussi un marché important dans la chaîne d'approvisionnement mondiale qui compte plus d'entreprises du groupe Fortune 500 que n'importe où ailleurs dans le monde. Voilà donc un important débouché qui peut répondre aux ambitions d'envergure mondiale d'un grand nombre de petites et moyennes entreprises canadiennes.

[Traduction]

Lorsque l'accord sera entièrement mis en œuvre, 99 p. 100 des quelque 9 000 lignes tarifaires de l'Union européenne seront libres de droits pour les produits canadiens. C'est le message, madame la présidente, que je répète aux petites et moyennes entreprises de partout au Canada. Il y a d'importants débouchés qui se présenteront à elles.

Grâce à l'AECG, les fournisseurs de services canadiens et les entreprises qui soumissionnent à des appels d'offres gouvernementaux auront le meilleur accès que l'Union européenne n'a jamais accordé à un partenaire commercial.

L'accord renferme également les plus ambitieuses dispositions sur l'entrée temporaire jamais consenties par l'Union européenne auparavant. Il procure aux gens d'affaires canadiens une plus grande liberté de circulation entre les pays, ce qui facilite la vie à ceux qui font des affaires dans les pays de l'UE. Nos entreprises profitent ainsi d'incroyables débouchés et d'un réel avantage concurrentiel, parce que plusieurs de nos principaux concurrents n'ont pas d'accord de libre-échange avec l'Union européenne.

L'AECG est aussi un outil important qui nous permettra de créer des emplois bien rémunérés grâce à des investissements accrus au Canada. Le Canada sera plus que jamais en mesure de devenir un carrefour international pour les producteurs, les fabricants et les exportateurs de produits et de services.

Comme l'AECG est l'accord commercial le plus moderne et le plus progressiste jamais négocié par le Canada, les avantages qu'il procurera iront bien au-delà de l'élimination des droits de douane et de l'amélioration de l'accès aux marchés. L'accord permet d'enchâsser dans la loi les droits liés au travail, aux consommateurs et à l'environnement, le rôle des services publics ainsi que le droit des gouvernements de réglementer dans l'intérêt public. L'AECG propose aussi une nouvelle approche indépendante pour la protection des investissements et le règlement des différends.

Les éléments progressistes sont importants, car le commerce essentiel à notre économie est ainsi inclusif, et les échanges commerciaux ne se font pas au détriment des valeurs canadiennes. Avec l'AECG, le Canada et l'Union européenne établissent la norme pour les accords de libre-échange de l'avenir.

En conclusion, madame la présidente, j'espère que tous les membres du comité appuieront cet accord, qui nous permettra de favoriser la croissance de notre économie, de maintenir nos normes rigoureuses pour les travailleurs, les consommateurs et l'environnement et de créer de bons emplois pour les Canadiens.

En terminant, madame la présidente, je dirais que l'accord aura des répercussions à l'échelle du Canada. Que vous travailliez dans le secteur des pêches sur la côte Est, dans le secteur manufacturier au Québec ou en Ontario ou bien dans le secteur des ressources naturelles dans l'Ouest ou en Colombie-Britannique, tous en bénéficieront. Cet accord va changer la donne pour notre économie.

Je vous remercie du temps que vous m'avez consacré ce matin. Je serai heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre déclaration. Je sais que votre temps est limité. Je ne suis toutefois pas certaine du temps exact que vous nous allouez.

M. Champagne : Je sais que je dois aller faire une annonce à Montréal par la suite, madame la présidente, alors je ne suis peut-être pas la meilleure personne pour vous le dire. On m'avait demandé de serrer les mains avant, ce que j'ai fait, plutôt qu'après, pour m'assurer de ne pas faire attendre trop longtemps mes homologues provinciaux. Je ne suis pas certain, mais je pense que les représentants doivent le savoir. On m'a dit que c'était une heure au total.

La présidente : Nous allons donc viser une heure. J'ai une longue liste d'intervenants. Cela dit, ma question visait en partie à demander aux sénateurs de poser des questions concises et directes, de sorte que tout le monde ait l'occasion de poser ses questions.

Si j'ai bien compris, les fonctionnaires resteront plus longtemps pour discuter des aspects plus techniques. Évidemment, les questions à l'intention du ministre porteront davantage sur les politiques et d'autres enjeux.

Le sénateur Downe : Je vais essayer d'être concis et de ne pas être trop dur, à la fois.

Monsieur le ministre, il y a eu des critiques par rapport aux accords commerciaux que nous avons signés. En fait, notre balance commerciale s'est détériorée après que nous les ayons signés, si on compare la situation à l'année précédente. Comme vous le savez, les avis sont très partagés sur la question. L'ancien codirecteur général de BlackBerry, Jim Balsillie, a fait une déclaration publique récemment dans les médias, et je vais le citer. J'aimerais d'ailleurs avoir votre avis là-dessus. Il a dit :

Nos oracles économiques continuent de proposer des stratégies sans rapport avec l'économie du XXIe siècle. En 2016, le gouverneur de la Banque du Canada a réclamé la suppression, jugée par lui prioritaire, des tarifs commerciaux. Jusqu'ici, le Canada a conclu 14 accords de libre-échange, 10 de plus qu'il y a une décennie et, pourtant, le volume de ses exportations diminue. Dépourvu de propriété intellectuelle exportable, il continue donc de vendre des ressources et des marchandises agricoles à faible marge tout en important des produits de la propriété intellectuelle à forte marge. Si nos dirigeants veulent impulser une croissance économique durable au Canada, leur stratégie doit miser sur l'exportation de produits recherchés de la propriété intellectuelle, à forte marge et non gratuits.

Quelle est, pour vous, l'importance de cet accord commercial?

M. Champagne : Tout d'abord, je dois vous remercier. Je suis heureux que vous fassiez allusion à au moins un accord en particulier, celui avec la Corée, je crois. J'ai vu la chute récente des statistiques et j'en ai parlé à mes homologues, pour leur dire que, visiblement, nous avons besoin de changer la dynamique.

J'apprécie beaucoup les remarques de M. Balsillie, puisque, comme vous le savez, nous consultons beaucoup de milieux, mais je ne suis pas d'accord. Aujourd'hui, la différence traditionnelle entre les marchandises et les services s'estompe, en raison de la dématérialisation des marchandises et parce que, de plus en plus, ce sont des produits de la propriété intellectuelle. Je suis donc bien au courant des idées de M. Balsillie, que j'accueille volontiers, lui qui a connu une belle réussite.

Cependant, dans la mobilisation prochaine des petites et moyennes entreprises du Canada, que nous avons décidée, j'ose espérer que le Sénat aura un rôle en expliquant l'avantage de l'accord à tous les Canadiens. Mais l'existence d'un marché de 510 millions de consommateurs et d'un budget des marchés publics de 3,3 mille milliards de dollars par année m'amène à réfléchir, et je crois que les entreprises canadiennes paient le prix fort. Nous devons rediriger nos efforts. Vous avez vu que le dernier budget annonce des mesures favorables à nos PME, l'objectif étant d'augmenter les exportations.

Si vous avez bien compris, notre budget de 2017 privilégie la formation et l'innovation. Voilà les deux facteurs indispensables. Quand je sillonne le pays, les Canadiens me parlent de capital humain. Nous y avons pourvu en prodiguant la bonne formation aux Canadiens, puis en insistant sur l'innovation et en faisant tous confiance dans la capacité d'innovation des entreprises canadiennes.

Cet après-midi, j'irai en visiter une très innovante du secteur de l'aérospatiale, le genre d'entreprise qui profitera d'un accès préférentiel aux marchés européens. Nous sommes sensibles à toutes les opinions, et vous serez en gros d'accord avec moi, les habitants de la région que vous représentez profiteront de l'accord.

Le sénateur Downe : Merci, monsieur le ministre. Vous avez raison au sujet de la Corée. L'année avant celle de la signature de l'accord de libre-échange, notre déficit commercial se chiffrait à 3,1 milliards de dollars. L'année dernière, il était de 6,2 milliards. Dans l'année ayant précédé celle de la signature d'un accord de libre-échange avec le Honduras, notre déficit commercial, qui était de 191 millions, est passé, en 2016, à 313 millions. Avec le Costa Rica, il était de 126 millions avant et de 364 en 2016. Et, avec le Mexique, de 2,9 milliards avant, et, l'année dernière, de 2,25 milliards. Je pourrais continuer. Ce sont les chiffres d'Industrie Canada.

Ma dernière question porte sur une autre partie de l'accord. Comme nous le savons tous, les accords commerciaux résultent de compromis, et l'une des concessions du Canada aurait été de laisser tomber ses exigences en matière de visa pour la Bulgarie et la Roumanie. Je me demande seulement quels risques accrus courent les Canadiens en raison de ces concessions en matière de sécurité. Je le sais, ce n'est pas votre rayon, mais quelqu'un de votre suite pourrait répondre à cette question.

M. Champagne : Je comprends. Merci.

Je vois bien où vous voulez en venir au sujet des accords commerciaux, mais je ne suis pas sûr qu'on puisse les corréler avec vos chiffres. Dans mon rôle de promotion des échanges commerciaux, je dois en réfuter beaucoup. Des journalistes m'ont surnommé le mercaticien en chef du Canada, et, effectivement, je consacre beaucoup de temps à promouvoir les marchandises et les services canadiens. Dans les pays que vous avez énumérés, nous pouvons améliorer notre bilan. Croyez-moi, tous les matins, je m'interroge devant mon miroir pour y trouver une solution.

Comme vous l'avez dit, le ministre de l'Immigration serait le mieux placé pour vous renseigner sur les visas. Mais je vous l'affirme, aucun lien direct n'existe entre ce dossier et celui de l'accord. La politique des visas, vous le savez, n'a rien à voir avec cet accord. Deux dossiers distincts!

Avec ces deux pays, les visas faisaient l'objet de discussions depuis quelque temps, et nous sommes heureux qu'ils soient disposés à collaborer avec les agents de l'immigration pour apporter les corrections nécessaires à leur propre politique pour nous permettre à nous de laisser tomber nos exigences.

Une partie de mes tâches, et vous le savez bien, est d'aplanir les relations commerciales entre le Canada et d'autres pays, et c'était certainement un vieux différend entre eux et nous. Il faut se réjouir de ce déblocage dans nos relations bilatérales.

Madame la présidente, je tiens à le dire, ce dossier n'a jamais concerné la sécurité. Il s'agissait, pour nous, d'éviter de surcharger notre système d'immigration de demandes d'asile. Inutile de soulever la question de sécurité, parce que toutes les mesures et dispositions sont en place pour autoriser, à compter de mai 2017, l'abandon partiel des exigences et, à compter du 1er décembre 2017, leur abandon complet, pour autant que les autres pays satisfassent aux conditions, ce qu'ils comprennent très bien. Que les Canadiens comprennent que ça n'a jamais été une question de sécurité, mais d'immigration et d'intégrité du processus canadien d'octroi de l'asile.

Je suis sûr que vous saluez l'embellie dans nos relations commerciales, ce à quoi je veille tous les jours, tout comme les Canadiens peuvent se réjouir des conditions qui, dans notre système, sont favorables aux deux nations.

Le sénateur Downe : Vous n'êtes pas le ministre responsable. Je le comprends. Mais une relation directe existe. Le premier ministre a personnellement promis aux dirigeants de ces deux pays de ne plus exiger de visas s'ils appuyaient l'accord. Le lien est direct. Des parlementaires roumains et bulgares me l'ont confirmé. Des médias européens en ont aussi parlé. Ces pays ne répondaient pas aux exigences pour l'abandon des mesures de visa. Mais voilà que, tout à coup, ces exigences tombent alors que l'accord est en cause. Ça fait partie du compromis, ce que je comprends, mais nous allons vider la question avec les ministres compétents.

La présidente : J'insiste : les questions doivent être courtes.

Le sénateur Housakos me l'assure, pour sa question supplémentaire.

Le sénateur Housakos : Le sénateur Downe tend à évaluer la réussite d'un accord commercial par l'existence d'un excédent commercial pour nous. Monsieur le ministre, existe-t-il d'autres baromètres que le surplus ou le déficit?

M. Champagne : Voilà une excellente question.

Manifestement, on peut employer beaucoup d'autres baromètres. Alors que nous nous engageons dans ce processus pour l'accord économique et commercial global et dans de véritables échanges commerciaux à l'avantage de la population, vous verrez que, manifestement, le nombre d'emplois compte. Mais je pense que ça devient vrai pour les consommateurs, que c'est un meilleur choix pour eux, pour qui ça devrait se traduire par des prix avantageux.

Ça veut dire que nous devons nous diversifier. Je suis sûr que vous avez compris que, en ce moment de l'histoire de nos échanges commerciaux, la diversification est la recette de la réussite pour les Canadiens.

Parfois, dans mes déplacements, je me représente le Canada comme le pont entre l'Atlantique et le Pacifique. Pendant ma promotion de la marque Canada, j'invite les étrangers à considérer ainsi le Canada. Nous avons visiblement fait des envieux par ce coup fumant avec l'Union européenne. Cet accès préférentiel au marché change tout pour notre pays.

Comme vous le savez, nous dépendons beaucoup des échanges avec notre voisin et nos amis du Sud. Je pense que nous pouvons nous réjouir de l'occasion à saisir, mais c'est le fruit d'un effort collectif de tout le Canada, avec la Chambre et le Sénat. En notre qualité d'élus ou de sénateurs et de Canadiens, nous avons tous un rôle pour expliquer aux Canadiens les avantages qui découleront des échanges commerciaux, lesquels commencent par des rapports personnels. Avec l'Europe nous n'avons pas seulement des valeurs en commun mais une histoire aussi, sous de nombreux rapports. C'est ainsi, je pense, que nous allons montrer au processus de ratification en Europe que les échanges commerciaux ont été bénéfiques pour les populations.

C'est ce que j'ai toujours dit, et je pense que le commissaire de l'Union européenne vous dira qu'il privilégie beaucoup la concrétisation des effets des échanges commerciaux pour la population.

Le sénateur Marwah : Merci, monsieur le ministre, de votre visite. Je dois admettre que je suis un fervent partisan de l'accord. Je vous félicite pour les résultats que vous avez obtenus jusqu'ici. C'est un très grand pas en avant. Mais, comme vous le savez, chaque accord commercial fait des gagnants et des perdants. Visiblement, des secteurs sont lésés, ce qui nous oblige à appliquer des mesures de transition, pour les dédommager, peut-on dire.

Je voudrais connaître votre point de vue sur les mesures et les garanties que vous prévoyez avec eux et savoir comment vous prévoyez qu'elles seront convenables et efficaces?

M. Champagne : Je vous remercie pour cette question. Comme notre gouvernement est transparent, qu'il favorise la consultation, et que, manifestement, nous avons consulté l'industrie, je pense particulièrement à deux secteurs : le secteur laitier, parce que je viens d'une circonscription rurale et que certains producteurs laitiers sont mes voisins; l'industrie de la pêche sur la côte Est.

Pour le secteur laitier, un autre ministre a mis sur pied un programme de 350 millions de dollars pour l'aider à innover et à devenir plus efficace, étant entendu que des possibilités commerciales se présenteront en Europe, que nous voulons que nos producteurs laitiers saisissent.

Du fromage nous proviendra d'Europe, si c'est sur ce terrain que vous vouliez m'entraîner. Nous savons que les quotas que nous avons accordés s'appliqueront graduellement sur une période de cinq ans et que la croissance du marché est d'environ 1 p. 100 par année. Cette croissance absorbera une grande partie des quotas qui entreront au Canada.

Pour la pêche à Terre-Neuve-et-Labrador, vous savez qu'un fonds existe dans la région de l'Atlantique, pour les problèmes de pêche. Encore une fois, il s'agit d'être efficace, de moderniser le secteur et de préparer nos exportateurs à profiter des occasions qui se présenteront.

De passage à Londres, je me suis servi de l'exemple du homard, que, d'une façon ou d'une autre, certains journaux ont médiatisé. Le Sun y a consacré sa une. Je disais que le homard, qu'on consomme invariablement dans le temps de Noël en Europe, y était frappé d'un droit à l'importation de jusqu'à 25 p. 100. Dès le premier jour de la mise en vigueur de l'accord, ce droit disparaîtra. J'essayais de montrer aux consommateurs européens l'avantage du libre-échange et de l'accord économique et commercial global pour eux.

Nous avons mis ces mesures en place pour nous assurer que l'industrie peut innover, qu'elle peut être efficace et qu'elle peut bien saisir les occasions qu'offre un marché de consommation en croissance, le premier de ce genre pour les produits alimentaires, l'Europe.

Le sénateur Marwah : Des mécanismes sont-ils prévus pour s'assurer que, au fil du temps, ce sera efficace, que les bénéficiaires visés en profiteront? Je crains que nous ne mettions ces programmes en place en pensant que tout ira bien, plutôt que de faire un suivi, de mesurer et de s'assurer que ces garanties aident bien les bonnes personnes.

M. Champagne : Nous continuerons d'être à l'écoute de tous les acteurs. Nous l'avons fait au point où nous marchons de pair avec les provinces et les territoires dans le dossier de l'accord. Comme vous pouvez bien vous y attendre, ils comptent sur moi, notamment, pour toujours les écouter.

Comme je le dis, je viens d'une région laitière. J'y rencontre les producteurs laitiers presque toutes les fins de semaine, quand je me retire chez moi. Ils me rappellent leurs sujets de préoccupation et les occasions à saisir qu'ils perçoivent dans l'accord. Nous resterons en contact.

Comme vous dites, il faut s'assurer que tous les Canadiens y gagneront. Nous les écouterons. Ces programmes ont été annoncés. Ils restent à définir, mais nous nous assurerons qu'ils produiront les résultats visés, essentiellement donner à notre industrie les moyens de réussir et d'affronter avec succès la concurrence dans ce marché rendu plus accessible.

Le sénateur Munson : Toutes mes félicitations, monsieur le ministre, pour votre nomination. Je tiens à en savoir davantage à ce sujet. Vous avez parlé trois ou quatre fois de vos origines rurales, dans une circonscription qui a déjà été représentée par un premier ministre. Il ne faut pas négliger le Canada rural. Vous avez dit rencontrer des producteurs laitiers toutes les fins de semaine. Nous discutons de chiffres très importants.

Au lieu de vous adresser aujourd'hui à des politiciens, parlez à vos électeurs ruraux et à ceux d'autres circonscriptions de votre perception des résultats de l'accord économique et commercial global, particulièrement pour citer des exemples, éventuellement, des emplois qui seront créés dans le Québec rural et dans le reste du pays. Avez- vous une vision, un plan qui permettra d'augmenter le nombre d'emplois dans le secteur laitier? Parce que, il faut le dire, les gens ont peur. Les conséquences imprévues de ce qui peut être bon pour l'Europe peuvent ne pas être bonnes pour le Canada. Après un examen sérieux, pouvez-vous dire aux populations rurales qu'elles en profiteront et de quelle manière?

M. Champagne : Je vous remercie de cette question.

Vous avez absolument raison. Dans ma circonscription rurale, on compte un certain nombre de producteurs laitiers, par exemple la fromagerie F.X. Pichet, qui a remporté de nombreux prix au Canada et à l'étranger. Comme vous savez, les 350 millions de dollars annoncés par mon collègue MacAulay ont été répartis en un montant de 250 millions destiné à l'équipement agricole et aux technologies laitières et de 100 millions pour la transformation laitière innovante. J'espère pouvoir collaborer avec eux pour m'assurer que ces investissements dans les installations et le matériel permettront de percer ce principal marché de consommation qu'est l'Europe.

J'arrive de Dubaï, où j'ai assisté au salon Gulfood, l'un des plus importants du monde. Je peux vous dire que la marque Canada ne s'est jamais mieux portée dans le monde. La salubrité des produits canadiens dispose très bien les clients en leur faveur. Ce salon a attiré 35 000 personnes. Le nombre à lui seul dit tout. Il paraît que le stand du Canada n'a jamais attiré autant de curieux. La salubrité des aliments, on en parle beaucoup dans le monde, et j'espère que nos mesures permettront à nos fromagers d'exporter en Europe et de percer ce marché, ce que, aujourd'hui, les droits d'importation interdisent.

Vous nous mettez au défi de collaborer avec les collectivités agricoles de petite et de moyenne taille pour veiller à ce que ces programmes donnent les résultats escomptés. Je compte relever ce défi, car ce que nous voulons, c'est leur donner l'occasion d'accroître leurs activités. C'est pour cette raison précise que nous avons négocié un accès libre au marché européen.

J'ai des statistiques. On m'a informé, par exemple, que la croissance du marché du fromage est estimée à 1 p. 100 par année. Comme vous le savez, l'accès que nous avons accordé à l'Europe est valable pour plus de cinq ans.

La réduction pourrait probablement être plus rapide que la croissance qu'on observe dans le marché. Pour ce qui est de l'augmentation des importations de fromage, cela ne devrait pas vraiment poser problème. Pour nous, l'essentiel c'est que nos producteurs puissent saisir l'occasion qui leur est maintenant offerte d'exporter leurs produits en Europe.

Le sénateur Munson : Hier, diverses préoccupations et inquiétudes ont été soulevées par rapport au Royaume-Uni. Cet accord de libre-échange menace-t-il d'une quelconque façon les solides relations commerciales que nous entretenons avec l'un de nos partenaires commerciaux traditionnels comme le Royaume-Uni? Les entreprises canadiennes craignent de ne pas avoir accès aux deux.

M. Champagne : Pas du tout. J'ai déjà eu trois rencontres avec M. Liam Fox depuis que j'ai été nommé. De toute évidence, le Royaume-Uni est le plus important partenaire commercial du Canada au sein de l'UE, et l'application provisoire se traduira par un accord de libre-échange entre le Canada et le Royaume-Uni. Le pays était l'un des plus ardents promoteurs de l'AECG en Europe. M. Fox a réitéré l'engagement du pays à l'égard de la ratification de l'accord par le Parlement britannique au cours des prochains mois. Donc, il y aura un accord de libre-échange avec le Royaume-Uni.

J'ai affirmé publiquement que nous voulons le maintien de cette relation commerciale. Même s'ils ne peuvent négocier officiellement, nos représentants respectifs ont tenu des discussions. J'ai récemment rencontré M. Fox lors de la rencontre des ministres du Commerce des pays du Commonwealth, à Londres, pour rappeler que nous voulons maintenir ce qui fonctionne bien.

Nous voulons assurer prévisibilité et stabilité, car nous sommes conscients que c'est dans l'intérêt des deux pays. Nous avons des valeurs communes et, à certains égards, une histoire commune. Nous avons donc l'intention, comme le premier ministre l'a réitéré hier, de les laisser terminer leur processus. Nous voulons que nos bonnes relations commerciales se poursuivent au terme de leur processus avec l'Europe. Je peux vous assurer, sénateur, que nous suivons la situation de très près.

Le sénateur Woo : Merci de comparaître, monsieur le ministre. Je voulais vous poser une question pointue sur l'aspect politique de l'accord, en particulier par rapport à l'UE. Comme vous le savez, on laisse entendre que nos amis de la Belgique — de la Wallonie — pourraient bloquer l'accord du côté de l'Union européenne. À cela s'ajoute l'enjeu plus important des élections en Europe. Des élections ont déjà eu lieu en Hollande et il y aura bientôt des élections en France et en Allemagne. Pourriez-vous nous parler de l'importance de cet accord pour la promotion de la libéralisation du commerce que prône le Canada et qu'il souhaiterait étendre à l'échelle mondiale, et nous dire en quoi cela pourrait ou non contribuer à l'avancement de cette cause, tant au sein de l'Union européenne que dans la communauté commerciale internationale en général?

M. Champagne : Merci, sénateur. C'est une excellente question. En Europe, comme vous le savez, le processus de ratification est déjà commencé. La Lettonie a été le premier pays à le faire. J'ai promis aux divers ambassadeurs des pays de l'UE présents à Ottawa que je visiterais les trois premiers pays à le ratifier. Il y a donc un petit concours. On me dit que l'Estonie s'apprête à emboîter le pas et qu'elle sera peut-être suivie, bientôt, de la Lituanie et du Danemark, entre autres. Nous suivons les progrès au quotidien pour nous assurer que tout se passe bien.

Je communique régulièrement avec la commissaire européenne afin de jouer un rôle le plus utile possible, au nom du Canada. Nous avons évidemment nos propres processus, mais nous voulons nous rendre utiles, pas seulement auprès des politiciens, mais aussi auprès de la chambre de commerce et de divers acteurs en Europe.

Sénateur, dans un monde incertain et imprévisible caractérisé par la remise en question du système commercial fondé sur des règles que nous avons mis en place depuis la Deuxième Guerre mondiale, ce que je perçois dans les commentaires que j'entends lors de mes voyages, où je représente le Canada, c'est que la communauté internationale est soulagée de voir que le Canada et l'Europe peuvent être une voix forte dans le monde, une voix différente, une voix qui prône la stabilité, la prévisibilité, la mise en place d'un système fondé sur des règles, un système qui accorde une grande valeur à la diversité et à l'inclusion et qui comporte des éléments progressistes pour les questions liées à l'environnement, aux droits des travailleurs, au droit des États de légiférer dans l'intérêt public, ainsi que des approches novatrices pour les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États.

Sénateur, le monde s'attend maintenant à ce que nous soyons des chefs de file. Je peux vous assurer que l'AECG... J'ai déjà participé à diverses rencontres. Les gens ont tendance à dire qu'ils doivent s'inspirer de l'AECG et utiliser les mêmes dispositions pour d'autres accords. Ils se demandent s'il ne conviendrait pas de prendre l'AECG comme modèle et d'examiner ce que nous avons accompli.

C'est le meilleur moyen pour le Canada de jouer un rôle de chef de file mondial. Notre programme commercial reflète nos valeurs, et c'est ce qui incite les gens à faire affaire avec le Canada, à mon avis. Notre pays est de toute évidence un acteur important sur la scène mondiale. Beaucoup de gens estiment que ce que le Canada et l'Europe ont accompli est sans précédent. Ils veulent que cette voix se fasse entendre. Le Canada croit en l'ouverture des échanges commerciaux, et c'est précisément ce que j'ai déclaré récemment sur une autre tribune, au Chili. Nous sommes convaincus que le commerce peut être un vecteur positif dans le monde et qu'il peut aider à rehausser les normes.

Les mesures que nous avons mises en place dans l'AECG ont été accueillies très favorablement. J'ai accompagné le premier ministre en Europe. Nous sommes allés à Strasbourg, puis à Berlin et à Hambourg, et nous avons reçu des félicitations pour cet accord. Si nous pouvons être un chef de file mondial en mettant en place un système d'échanges commerciaux à la fois positif et axé sur les valeurs, c'est bien. La communauté internationale espère que le Canada et l'Europe pourront le ratifier le plus tôt possible.

Le sénateur Woo : J'aimerais avoir vos commentaires sur ma question précise sur la possibilité que la Wallonie bloque le processus de ratification de l'Union européenne.

M. Champagne : Comme vous le savez, il y a deux applications provisoires. Nous nous attendons à ce qu'elles entrent en vigueur au printemps. Cela toucherait 90 p. 100 des lignes tarifaires et tous les aspects importants pour nos deux pays, sur le plan économique. Certains éléments de l'accord n'entreraient pas en vigueur.

L'Union européenne, c'est 28 pays et 10 entités infranationales, pour un total de 38 participants au processus de ratification. Cela prendra du temps. Vous vous souvenez sans doute que la ratification de l'accord de libre-échange entre l'UE et la Corée du Sud a pris environ quatre mois, si je ne me trompe pas.

Je pense que l'établissement de relations commerciales avec la Wallonie et d'autres est la meilleure façon de démontrer l'importance de cet accord. Lorsque les gens verront les chiffres, qu'ils constateront que les petites entreprises ont un meilleur accès aux marchés, que les consommateurs auront plus de choix et que cela favorise la création d'emplois et la prospérité, je pense que nous gagnerons leur adhésion. L'enjeu est que le commerce se traduise par des résultats concrets, pour les gens.

Donc, malgré les discours politiques, cet accord est essentiellement pour les gens, soit les travailleurs, les consommateurs et les exportateurs. En somme, nous nous engageons à démontrer qu'il est avantageux. Je suis certain que nous pourrons convaincre les gens que c'est la chose à faire.

La présidente : J'ai une longue liste d'intervenants. La parole est maintenant au sénateur Mockler.

[Français]

Le sénateur Mockler : Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre. Je suis du Nouveau-Brunswick. J'aimerais revenir à la question soulevée par le sénateur Munson.

[Traduction]

L'une des rares choses que l'on sait, depuis hier, c'est que le processus est commencé, mais que l'article 50 n'a jamais été appliqué auparavant, ce qui entraîne son lot d'incertitudes et d'inquiétudes. Au cours de la fin de semaine, des représentants d'entreprises du Nouveau-Brunswick m'ont posé la question, monsieur le ministre, et j'aimerais que vous nous donniez une mise à jour sur la situation entre le Royaume-Uni et l'Europe, ainsi que sur des pays comme le Canada qui font affaire tant avec le Royaume-Uni que l'UE. La principale préoccupation des entreprises canadiennes qui ont utilisé ou qui utilisent toujours Londres comme porte d'entrée au marché britannique et au marché continental est liée à la nature de notre statut avec l'UE et aux règles applicables aux relations commerciales du Canada avec le Royaume-Uni et avec les autres pays de l'Union européenne. Les Canadiens et les entreprises canadiennes veulent le savoir maintenant.

[Français]

M. Champagne : Je vous remercie de cette question. Pour ce qui est de nos relations avec l'Union européenne et l'Angleterre, comme je l'ai mentionné, j'ai rencontré M. Liam Fox à trois reprises. Notre position a toujours été qu'il y aura un accord de libre-échange entre le Canada et l'Europe et, évidemment, l'Angleterre, lors de l'application provisoire de l'accord. Nous reconnaissons qu'il s'agit d'une relation commerciale qui est avantageuse des deux côtés. C'est notre plus grand partenaire commercial en Europe. Ce que nous pouvons faire présentement, nous le faisons, c'est-à-dire que nos représentants ont entamé des discussions informelles avec nos collègues britanniques. Je crois que c'est la meilleure chose à faire pour l'instant. Il y aura un accord de libre-échange, et nos entrepreneurs, nos petites et moyennes entreprises doivent être rassurées. Ce que j'ai dit, et que le premier ministre a répété hier, c'est que nous sommes très conscients de la relation commerciale entre le Canada et l'Angleterre, et nous voulons que cette relation commerciale se poursuive, et même qu'elle fleurisse, dans un sens. Nous allons prendre les mesures, le moment venu, pour nous assurer qu'il y aura une stabilité et des règles prévisibles.

Vous pouvez rassurer les gens du Nouveau-Brunswick. Nous travaillons de concert et dans le respect des règles établies en fonction des règles européennes. Cependant, nous avons des discussions informelles avec nos partenaires britanniques, parce que c'est dans leur intérêt, mais également dans celui des entreprises canadiennes.

Le sénateur Gold : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre.

[Traduction]

Les dispositions sur le règlement des différends ont suscité beaucoup de discussion et de controverse, en particulier celles sur les relations avec les investisseurs. Êtes-vous certain que les innovations de cette mesure législative vont assez loin pour protéger le droit légitime du gouvernement canadien de légiférer dans l'intérêt public?

M. Champagne : La réponse est oui. Sénateur, je pense que le monde entier porte attention aux mesures novatrices que nous avons incluses quant au droit légitime du gouvernement de légiférer pour les questions liées à la santé et à la sécurité.

Il y a deux aspects. Il y a des dispositions de fond qui reconnaissent les aspects qui sont d'une importance capitale pour le Canada et l'Union européenne, ainsi que des éléments de procédure concernant la création d'un organe d'appel et l'indépendance des membres qui seront appelés à y siéger. Je crois qu'il reste du travail à faire à cet égard. Nous avons informé nos homologues européens de notre volonté de maintenir notre collaboration. Cela dit, c'est une question de transparence, d'efficacité, de résolution impartiale, de justice et d'apparence de justice. Je pense que nous avons apporté d'importantes améliorations par rapport aux mécanismes de règlement des différends existants.

Sénateur, je vous assure que c'est l'une des dispositions qui suscite beaucoup d'attention à l'échelle mondiale. Nous nous sommes engagés auprès de l'Union européenne à discuter, partout dans le monde, du tribunal d'investissement multilatéral qui pourrait être créé. Nous faisons des progrès. J'ai discuté de ce concept avec des représentants de divers pays. Je pense que cela suscite de plus en plus d'attention.

Je dirais que je suis satisfait. À mon avis, au fil du temps, ce genre de choses sera de plus en plus fréquent dans les accords commerciaux internationaux.

La sénatrice Bovey : Merci, monsieur le ministre, d'être venu au comité. Je vous félicite de veiller à ce que cela soit une réussite pour tous les Canadiens, quelque chose qui reflète les valeurs canadiennes — que vous affirmez défendre —, ce qui englobe évidemment la culture. Nous sommes tous conscients du succès qu'ont connu les programmes Routes commerciales pour l'exportation de biens et de services culturels.

Mon intérêt pour cet accord est lié à l'aspect de la culture. Je sais qu'à l'instar du Canada, l'Union européenne protège la culture de ses États membres. Je me demande si cette similarité des points de vue facilitera, des deux côtés, les négociations concernant cet aspect, surtout lorsqu'on tient compte du document d'information du gouvernement canadien sur la culture et l'AECG, dans lequel on indique que « ce chapitre ne s'applique pas à certains types de marchés publics liés aux industries culturelles ». J'aimerais savoir de quels types de marchés publics il s'agit.

M. Champagne : Je vous remercie de la question. Madame la présidente, je vais faire un bref commentaire, question de concision, puis je demanderai à Steve de parler du point qui a été soulevé.

La présidente : Je suis consciente du temps dont vous disposez. Donc, je pense que si vous pouvez donner une réponse par rapport aux politiques, les fonctionnaires du ministère pourront nous donner des détails sur les contrats, étant donné qu'ils demeureront ici pour la prochaine heure. Plutôt que de céder la parole aux fonctionnaires, vous pourriez nous donner votre point de vue, ce qui nous serait utile. Cela me permettrait de donner à tous les sénateurs l'occasion de poser des questions.

M. Champagne : Avec plaisir, madame la présidente.

Je dirais, du point de vue des politiques, qu'il y a une reconnaissance de la diversité culturelle. Comme vous l'avez indiqué, l'AECG comporte diverses exclusions qui en témoignent, car il s'agit là d'une des valeurs chères aux Canadiens. Il y a en outre des dispositions d'exclusion concernant d'autres sphères de la politique sociale, mais puisque nous avons peu de temps, je vais laisser aux fonctionnaires le soin de vous parler des éléments précis qui nous procurent ces protections. Je suis heureux que vous ayez soulevé ce point, car je crois que c'est un aspect important que les Canadiens comprennent. Lorsque je dis que le commerce peut être un vecteur de bien, cela englobe la protection de choses auxquelles le Canada accorde de l'importance. Je pense que la diversité est l'un de ces aspects.

La sénatrice Bovey : Et faire connaître la culture canadienne à l'étranger.

M. Champagne : Tout à fait. Le virage numérique du contenu s'intensifie, comme nous le savons, et nous pourrions prendre des mesures à cet égard. Je dirais, sénatrice, que c'est un aspect dont nous sommes très conscients.

La sénatrice Bovey : Incluant la propriété intellectuelle?

M. Champagne : Incluant la propriété intellectuelle.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Vous avez fait valoir, à juste titre, que l'accord présente, dans l'ensemble, beaucoup plus d'avantages que d'inconvénients. On sait que certains secteurs et industries sont particulièrement touchés. Des lectures que j'ai faites me sont venues des interrogations qui concernent spécifiquement l'industrie pharmaceutique et ses produits en général.

Ma question plus courte est la suivante. On importe au Canada, en général, des produits pharmaceutiques de marque et on produit davantage de produits génériques. Différents enjeux sont liés à la propriété intellectuelle des produits pharmaceutiques. Pouvez-vous nous parler de l'incidence que vous voyez sur la fabrication des produits pharmaceutiques au Canada et des impacts éventuels sur le prix des médicaments pour les citoyens?

M. Champagne : C'est évidemment un enjeu important, et je suis heureux que vous souleviez la question. Rendre les médicaments abordables pour les Canadiens et Canadiennes est un enjeu important.

Ce à quoi vous faites allusion est le fait qu'une des dispositions sur la propriété intellectuelle comporte trois éléments, dont l'un augmente la période de protection de deux ans pour certains médicaments admissibles. Cette période additionnelle de deux ans a été ajoutée, car elle tient compte du temps que Santé Canada prend pour octroyer des licences d'approbation pour le marketing de ces produits. Si vous regardez ce qui se passe dans l'Union européenne et aux États-Unis, vous verrez que la prolongation est de cinq ans. Nous avons été en mesure de négocier une prolongation de deux ans.

On ne peut pas faire de corrélation directe entre la prolongation et le prix des médicaments. Depuis les cinq dernières années, on remarque que le prix des médicaments est plus élevé chez nous qu'il ne l'est en Europe et aux États-Unis. On ne voit pas de corrélation, mais on veut s'assurer qu'il y a tout de même une part d'innovation. On veut aussi s'assurer de continuer de prendre des mesures en collaboration avec la ministre de la Santé à ce sujet. J'aimerais être clair, pour les Canadiens et Canadiennes, en précisant qu'il n'y a pas de corrélation avec la prolongation de deux ans que nous avons établie. D'autres mesures doivent être prises en compte. Si c'était le cas, on pourrait se demander pourquoi le prix des médicaments au Canada est plus élevé qu'ailleurs. Nous allons continuer de travailler sur ce dossier, car c'est un enjeu important pour les Canadiens et les Canadiennes.

Je répète que je ne crois pas qu'on puisse faire de corrélation entre la prolongation de deux ans et ce qui existe à l'heure actuelle et qui a été négocié dans le cadre de l'AECG.

La sénatrice Saint-Germain : C'est tout de même un domaine qui sera suivi dans la mise en œuvre de l'accord, car il existe des risques à la fois pour l'industrie et, éventuellement, pour le consommateur.

M. Champagne : Tout à fait. C'est un enjeu important pour le Canada. On travaille avec les provinces et les territoires à ce sujet. Cet enjeu est aussi fort important pour l'ensemble du gouvernement. À titre de ministre, j'ai été rassuré de voir que, dans d'autres pays, la prolongation est de cinq ans. Toutefois, il n'y a pas de corrélation entre la prolongation et le prix des médicaments. Je pense qu'on peut rassurer les Canadiens et les Canadiennes sur ce point. Cette section de l'accord ne devrait pas engendrer une augmentation du prix des médicaments.

La sénatrice Saint-Germain : Je vous remercie de votre réponse précise sur une question assez pointue.

Le sénateur Pratte : Monsieur le ministre, j'aimerais vous amener à clarifier quelque chose, qui est peut-être parfaitement clair pour vous, mais qui ne l'est pas pour tout le monde, c'est-à-dire l'application provisoire de l'accord et ce qui arrivera après sa ratification. La ratification est un processus très long, qui nécessite l'accord de tous les parlements en Europe. L'application provisoire est ce qui arrivera une fois qu'on approuvera l'accord et qu'il y aura échange de lettres entre le Canada et l'Europe. Une fois que l'accord aura été conclu par le Canada, et le Sénat, et une fois l'échange de lettres, qu'arrive-t-il? En d'autres termes, une fois que nous aurons fait notre travail, que pourra-t-il arriver rapidement? Que nécessitera, à ce moment-là, la ratification, qui est le processus beaucoup plus long?

M. Champagne : Merci de votre question. Comme tous les éléments du processus législatif européen ont été complétés, le seul élément qui reste est l'approbation du Sénat canadien, d'où ma présence ici aujourd'hui. Après quoi, il y aura la sanction royale. Il y aura aussi cet échange de lettres, comme vous l'avez dit, parce que l'accord devrait entrer en vigueur le premier du mois. J'ai déjà parlé avec mon homologue européen pour préciser que, si la date tombait au milieu du mois, on pourrait s'entendre. Vous savez, l'intérêt est d'obtenir l'application provisoire le plus rapidement possible. Chaque jour compte, pour moi, en termes de balance commerciale. Nous nous sommes même entendus de façon informelle pour que ce soit peut-être le 15e jour du mois, pour éviter de perdre 15 jours.

Des dispositions réglementaires devront être mises à jour à l'échelle fédérale et provinciale à la suite de la sanction royale. Par la suite, 99 p. 100 des lignes tarifaires, c'est-à-dire les éléments importants économiques de l'accord, comme pour le homard, tomberont de 25 p. 100 à zéro. Les bénéfices économiques vont donc se faire sentir dès le premier jour.

Différents comités devront être créés entre le Canada et l'Europe. Par exemple, on a créé des comités sectoriels pour suivre certains éléments de l'accord. Certains de ces éléments doivent être examinés quant au régime de résolution de conflits entre le Canada et l'Europe. Un code de déontologie doit être mis en place. Bref, il y a du travail administratif à faire.

Ce qui est important pour les Canadiens et Canadiennes, c'est le fait que cet accord entrera en vigueur au point de vue économique.

Je continue de travailler avec notre ambassadeur Dion en Europe pour suivre le processus dans chacune des juridictions européennes. Nous avons déjà conclu avec la Lettonie, mais il reste 37 autres pays qui doivent ratifier l'accord. Je suis en contact avec mes homologues. Nous pensons qu'il est important de créer un certain élan vers la ratification, pour que l'ensemble de l'accord puisse être mis en œuvre. Il reste surtout la section sur le règlement des différends à traiter. Toutefois, je dirais qu'elle ne touche pas principalement les entreprises canadiennes qui vont exporter en Europe.

[Traduction]

La présidente : Permettez-moi de faire mon discours habituel, monsieur le ministre. Il nous est arrivé d'apprendre l'existence de délais vers la fin du processus, ce qui nous a posé problème. L'un des problèmes récurrents, au Sénat, est lié au fonctionnement : le gouvernement entreprend son processus, puis il en saisit la Chambre, qui prend alors son temps. Le Sénat en est ensuite saisi, et ce n'est qu'à l'étape de l'étude au comité que nous apprenons l'existence de délais. Je tiens à vous assurer que nous avons compris votre point de vue à cet égard, mais je veux aussi que vous sachiez que nous devons faire preuve de diligence raisonnable en examinant ce projet de loi, et c'est exactement notre intention. S'il faut tenir compte de cet aspect dans notre étude, il faut vraiment que nous soyons avisés beaucoup plus tôt.

Donc, étant donné que vous êtes un nouveau ministre, je vous demanderais, lorsque vous serez saisi d'autres accords et d'autres contrats, de discuter des délais avec les fonctionnaires de votre ministère, les dirigeants de la Chambre et les leaders du Sénat afin que nous n'en entendions pas seulement parler à l'étape de l'étude au comité. Je n'ai aucunement l'intention d'obliger les membres à travailler sous pression. C'est ce qui s'est produit pour le dernier projet de loi. Vous n'étiez pas le ministre responsable à l'époque; donc, c'est tout nouveau pour vous.

Je comprends que vous respectez le Sénat; je tiens à vous dire que nous travaillerons avec la plus grande célérité possible. Cependant, nous tenons à entendre tous les témoins qui ont demandé à comparaître. Nous procéderons le plus rapidement possible, mais nous voulons aussi faire preuve de diligence raisonnable.

Monsieur le ministre, j'ai fait mon travail. Je m'étais engagée à vous libérer après une heure, et pas une minute de moins. Comme vous le voyez, le comité est très efficace. Je vous remercie d'être venu. Nous avons réussi à tout couvrir en une heure. Cela dit, je tiens à préciser que si nous avons d'autres questions, il est possible que nous vous invitions à revenir ou à fournir des réponses écrites.

Nous considérons que cet accord revêt une grande importance pour le Canada et nous tenons à avoir une compréhension exhaustive de l'accord de mise en œuvre et de l'AECG. Je vous remercie de nous avoir aidés à entreprendre ce processus aujourd'hui. Nous vous souhaitons du succès à titre de ministre de ce portefeuille d'une grande importance pour le Canada.

M. Champagne : Je tiens simplement à vous remercier, madame la présidente. Le message est bien reçu. Je précise que j'espère être ministre du Commerce international pendant longtemps afin de pouvoir collaborer avec vous de façon proactive.

Madame la présidente, vous l'avez dit : cela concerne tous les Canadiens. J'ai la ferme intention de collaborer avec les sénatrices et les sénateurs. C'est ce que les Canadiens et nos partenaires européens attendent de nous. Je vous suis reconnaissant de faire preuve de diligence; notre collaboration s'annonce prometteuse. Cette mesure est évidemment dans l'intérêt des Canadiens. On parle d'un instrument qui, nous l'espérons, nous permettra d'offrir aux Canadiens les occasions, les emplois et l'avenir meilleur qu'ils recherchent. Nous sommes certains que votre aide nous permettra d'y arriver plus rapidement. Je vous en suis reconnaissant. Merci.

Sénatrice, ma porte est toujours ouverte, pour vous et pour les membres du comité, évidemment, car je pense que nous travaillons tous dans l'intérêt de tous les Canadiens, partout au pays.

La présidente : Je vous remercie de nous en assurer. Votre aide nous est précieuse.

Les fonctionnaires sont ici pour nous aider à examiner l'accord de façon plus détaillée. Nous commençons les questions avec la sénatrice Bovey, car elle a préparé des questions qui exigent des réponses.

Quel fonctionnaire agit à titre de représentant du ministère?

Steve Verheul, négociateur commercial en chef (Canada-Union européenne), Affaires mondiales Canada : C'est moi; je m'appelle Steve Verheul. Je suis le négociateur commercial en chef pour l'AECG.

La présidente : Merci. Nous poursuivons la séance avec les fonctionnaires. Ils sont ici pour répondre aux questions précises que vous pourriez avoir.

Sénatrice Bovey, vous aviez des questions précises. Je crois que c'est le moment idéal de les poser. Quelqu'un est disposé à y répondre? Monsieur Verheul?

La sénatrice Bovey : Madame la présidente, permettez-moi de préciser que je suis déçue de ne pas avoir l'occasion de discuter de ces aspects avec le ministre. Je pense que ce sont des enjeux extrêmement importants. Il convient de se rappeler l'ampleur des discussions sur l'industrie de l'édition lorsque le gouvernement canadien participait aux négociations de l'ALENA. J'espère que les gens sont conscients que je ne considère pas cet aspect comme frivole. À mon avis, les enjeux relatifs à la culture et au droit d'auteur sont des aspects très importants de l'AECG. C'est avec grand intérêt que j'ai constaté la place prépondérante qu'on accordait aux questions relatives au droit d'auteur et à la propriété intellectuelle dans le document d'information européen que j'ai eu l'occasion de consulter il y a quelques mois.

Étant donné, comme je l'ai indiqué, que l'Union européenne protège la culture de ses États membres, à l'instar du Canada — du moins je l'espère —, cela simplifie-t-il les négociations à cet égard dans le cadre de l'AECG? J'aimerais savoir quels sont les types de marchés publics liés aux industries culturelles auxquels l'AECG ne s'applique pas.

M. Verheul : Merci beaucoup de la question. La culture a évidemment été au centre des négociations d'entrée de jeu. Notre approche à cet égard, pour l'AECG, découle d'une étroite collaboration avec les acteurs de la communauté culturelle.

Je peux vous assurer que l'AECG comporte des mesures de protection de la culture beaucoup plus rigoureuses que l'ALENA. La culture est beaucoup mieux protégée. Cela découle en partie de l'intérêt de notre partenaire de négociation pour ces questions. L'Union européenne a, comme nous, un intérêt à l'égard de la culture, de la protection de la culture et de la diversité culturelle. La capacité de subventionner et de promouvoir la culture est également protégée.

Ce qui nous distingue de l'UE, sur ces enjeux, c'est que l'UE ne pouvait protéger qu'un éventail restreint d'aspects culturels, soit les aspects liés aux services audiovisuels, tandis que le Canada pouvait protéger presque la totalité des activités culturelles. Les contraintes de l'UE à cet égard découlent de ses engagements antérieurs auprès de l'OMC. Donc, nous avons réussi à protéger pratiquement toutes nos activités culturelles.

En ce qui concerne les marchés publics, seuls certains aspects sont liés à la culture, comme vous le savez. À cet égard, nous avons protégé certaines pratiques, notamment celles du Québec, et certaines dispositions portent sur la construction d'immeubles et d'installations à vocation culturelle. On parle de projets qui ont un volet culturel, qui sont entièrement protégés. À cela s'ajoutent deux ou trois autres éléments, principalement liés au Québec. À notre connaissance, aucune autre province n'a ce genre de critères culturels précis relativement aux marchés publics.

La sénatrice Bovey : Merci.

La présidente : Y a-t-il d'autres questions? Sénatrice Bovey?

La sénatrice Bovey : Je vais réserver mes questions pour une autre fois. Je vous remercie.

Le sénateur Woo : J'ai une petite question d'ordre technique sur le pourcentage des activités commerciales visées par l'AECG. Le ministre a parlé de 98 p. 100 des lignes tarifaires. En valeur, est-ce aussi 98 p. 100?

M. Verheul : Oui. On entend souvent parler de pourcentage de la valeur. Dans le cas de l'AECG, nous sommes allés bien plus loin. Nous avons obtenu 98 p. 100 des lignes tarifaires, 98 p. 100 de la valeur, et ce, dès l'entrée en vigueur de l'accord. À la fin de la période transitoire, on parle de 99 p. 100, tant pour la valeur que pour les lignes tarifaires.

Le sénateur Woo : Y avait-il une différence importante entre le pourcentage des lignes tarifaires et celui de la valeur des échanges commerciaux?

M. Verheul : Pas dans ce cas-ci. Vous entendrez souvent dire que cela touche 99 p. 100 de nos exportations. Ce n'est pas la même chose, étant donné que les exportations sont parfois visées par un nombre restreint de lignes tarifaires. L'AECG est un accord très exhaustif, en ce qui concerne...

Le sénateur Woo : Je comprends cela. Je ne cherchais aucunement à semer la confusion.

Pouvez-vous nous dire, en général, en quoi consistent les 2 p. 100 des activités — des deux côtés, évidemment — qui ne sont pas visées par cet accord?

M. Verheul : Avec plaisir. Vous ne serez sans doute pas surpris d'apprendre qu'il s'agit essentiellement de produits agricoles. En fait, les deux seules exceptions, des deux côtés, sont la volaille et les œufs. Donc, les deux parties ont exclu tous les produits de volaille et les œufs. De notre côté, les seuls produits laitiers concernés sont le fromage et les matières protéiques du lait. Ce sont les deux produits que nous avons exemptés de l'élimination complète des droits de douane de notre côté. Du côté de l'UE, nous sommes visés par des contingents tarifaires pour des produits comme le bœuf et le porc, ce qui signifie que des droits s'appliquent pour toute quantité excédentaire.

Le sénateur Woo : Avons-nous obtenu des concessions concernant les tarifs hors contingent pour le bœuf et pour d'autres aspects pour lesquels l'UE était réticente à faire des concessions?

M. Verheul : Nous n'avons pas vraiment cherché à obtenir des concessions concernant les tarifs hors contingent. Ce qui nous intéressait, c'était de maximiser la valeur des concessions en franchise de droits. Dans le cas du bœuf et du porc, cela représente environ 1 milliard de dollars en exportations.

Le sénateur Woo : J'ai une question sur les dispositions relatives aux investissements, en particulier le processus d'examen de l'Union européenne. Pourriez-vous nous décrire le processus applicable aux investissements canadiens en Europe, notamment les seuils et les limites imposées aux entreprises, et les concessions que nous avons obtenues dans le cadre de l'AECG?

M. Verheul : Cela ne fonctionne pas vraiment avec des seuils. En ce qui concerne les investissements, nous avons retravaillé le chapitre habituel pour inclure divers éléments qui ont été ciblés afin d'améliorer différents aspects du système. Par exemple, nous voulions nous assurer que les protections évoquées dans le chapitre sur l'Accord étaient soigneusement décrites afin de fournir une certaine orientation pour tout examen des différends à venir. Nous avons donc expliqué avec moult détails ce à quoi les deux gouvernements voulaient en venir lorsque les accords ont été négociés. Il s'agit de dispositions qui s'appliquent à des choses comme l'expropriation indirecte, le traitement juste et équitable, et cetera.

À titre d'exemple, une fois que cela aura été mis en place, tout investisseur en présence de ce qu'il présume être une violation de l'Accord du côté de l'Union européenne — et, comme vous le savez, cela n'est pas sujet à une application provisoire —, bref, tout investisseur qui estimerait que l'Accord a été violé serait en mesure d'intenter une poursuite.

Le sénateur Woo : Du côté canadien, par exemple, nous avons effectivement relevé le seuil de ce qui justifierait un examen aux termes de la Loi sur Investissement Canada pour les sociétés européennes qui souhaiteraient investir ici. Je me demande si nous avons aussi apporté des modifications à l'exigence prévue dans cette loi en ce qui concerne la surveillance particulière qui pourrait s'exercer sur les sociétés d'État de l'Union européenne ou les sociétés qui sont liées à un État ou à un gouvernement de l'Union européenne.

M. Verheul : Je crois que je comprends un peu mieux votre question maintenant. Tout d'abord, il n'y a pas de seuils du côté de l'Union européenne. L'union n'a pas de seuil comme celui que nous avons.

Nous avons effectivement porté la limite pour les investissements en provenance de l'Union européenne à 1,5 milliard de dollars. Nous n'avons pas modifié cette politique autrement qu'en ce qui concerne certaines autres questions relatives aux investissements. C'est le cas, par exemple, de l'uranium. À cet égard, la politique a été légèrement modifiée pour permettre les investissements au Canada.

Le sénateur Woo : Donc, les sociétés de l'Union européenne que l'on pourrait considérer comme des sociétés d'État ou comme des sociétés étant liées à un État ou à un gouvernement continueront de faire l'objet d'une surveillance spéciale aux termes de la Loi sur Investissement Canada, c'est bien cela?

M. Verheul : Comme vous le savez, certaines modifications ont été apportées à la Loi sur Investissement Canada. En ce qui concerne les sociétés d'État, nous n'avons pas apporté d'autres modifications aux termes de l'Accord.

Le sénateur Downe : Vous avez indiqué que 98 p. 100 des produits pourront être exportés sans droits de douane une fois que l'Accord entrera en vigueur. À l'heure actuelle, quel est le pourcentage de produits qui peuvent être exportés en Europe sans droits de douane?

M. Verheul : Je crois que c'est 25 p. 100.

Le sénateur Downe : Pouvez-vous vérifier ce chiffre et nous le confirmer par écrit?

M. Verheul : Je peux vous le confirmer sur-le-champ.

Le sénateur Downe : Est-ce que c'est 25 p. 100?

M. Verheul : Oui.

Le sénateur Downe : Merci.

J'aimerais discuter des modifications apportées à la Loi sur le cabotage. Des fonctionnaires — de Transports Canada, si je ne m'abuse — ont dit que le fait de changer la définition de « owner » en anglais allait empêcher les expéditeurs qui ne sont pas de l'Union européenne de profiter d'une faille aux termes de la loi. En revanche, des intervenants de l'industrie du transport maritime m'ont dit que cela allait restreindre la définition de « owner » et ainsi faciliter les choses aux armateurs qui voudraient trafiquer la propriété de tel ou tel navire. Pourquoi cette modification a-t-elle été apportée?

M. Verheul : Je crois que je vais laisser mes collègues de Transports Canada répondre à cette question.

Louise Laflamme, chef, Politique maritime et affaires réglementaires, Transports Canada : Merci de cette question. En fait, la définition a été modifiée pour deux grandes raisons. Tout d'abord, il fallait la faire correspondre à la définition en français, dont le libellé est beaucoup plus précis. En effet, la définition en français indique clairement que le propriétaire est la personne qui, en vertu de la loi ou d'un contrat, jouit des droits du propriétaire quant à la possession ou à l'utilisation du navire. Le libellé actuel de la version anglaise de la loi parle d'une personne qui jouit, en vertu de la loi ou d'un contrat, de la possession ou de l'utilisation.

Ainsi, la version actuelle de la définition en anglais est plus large, et elle pourrait par conséquent permettre aux personnes qui ont la propriété effective d'un navire sans nécessairement en avoir le contrôle aux moments considérés de profiter des avantages que nous avons négociés aux termes de l'AECG. La modification fait en sorte que la définition est beaucoup mieux ciblée qu'avant. Nous veillons en cela à assurer que ce que nous avons négocié sera respecté.

Le sénateur Downe : L'industrie a-t-elle été consultée au sujet de cette modification?

Mme Laflamme : Nous avons demandé à l'industrie de nous dire ce qui avait besoin d'être modifié dans cette loi. Elle a été informée que des modifications allaient être apportées à la définition de « owner ». La plupart des intervenants de l'industrie consultés à ce sujet étaient des propriétaires de bâtiments canadiens.

La présidente : Permettez-moi de demander un éclaircissement, car je crois que beaucoup d'entre nous ont été approchés à ce sujet. Est-ce que l'on est en train de modifier la façon actuelle de traiter les propriétaires, qu'ils arrivent ici en tant que navire avec propriétaire unique, ou lorsque plusieurs propriétaires sont combinés dans un seul navire? Est-ce que cela aura une incidence sur l'entente? J'ai entendu dire qu'ils mettaient une cargaison en commun sur un navire. Si vous comptez utiliser le terme « propriétaire », vous auriez peut-être intérêt à exclure ceux qui se contentent de faire équipe avec le véritable propriétaire du navire. Auparavant, le propriétaire n'était pas le facteur déterminant et il était possible de faire des amalgames.

Mme Laflamme : Présentement, dans l'industrie, lorsqu'un navire est utilisé par plus d'une société, il y a habituellement un contrat de propriété pour une portion du navire, qui permet à son détenteur de transporter la cargaison qu'il souhaite transporter aux tarifs qu'il a négociés. En général, ces gens ont un contrat en droit qui leur permet d'utiliser le navire dans cette optique.

Comment cela peut-il avoir une incidence sur l'application de l'AECG? Eh bien, pour peu qu'il réponde à toutes les conditions de la Loi sur le cabotage visant la mise en œuvre de l'AECG, tout propriétaire admissible d'un certain espace à bord d'un navire pourra profiter de ce qui a été négocié aux termes de l'accord. Cela signifie donc que ceux qui possèdent une partie du navire, mais qui ne sont pas des entités de l'Union européenne et qui ne satisfont pas aux conditions de la Loi sur le cabotage visant la mise en œuvre de l'AECG seront exclus.

Alors, cela ne modifie pas notre façon de définir à quoi l'on reconnaît la propriété d'un navire. Ce n'est qu'une précision. La définition de la version française correspondait mieux à notre façon de voir et d'appliquer le cabotage. Il s'agit donc de la continuation de notre façon d'appliquer la loi.

La présidente : Vous faites constamment référence à la version française et à la version anglaise, et vous dites qu'il n'y a pas de changement. Toutefois, vous semblez pencher en faveur de l'interprétation véhiculée par le libellé de la version française et non de celle du libellé de la version anglaise. Ce serait vraiment utile d'expliquer par écrit comment cela s'est fait et ce que cela changera aux termes de l'AECG, et de fournir une copie de cette explication au comité.

Mme Laflamme : Oui.

Le sénateur Downe : Cette modification du libellé était-elle une exigence de l'AECG ou une initiative de Transports Canada?

Mme Laflamme : C'était une initiative de Transports Canada. Nous voulions nous assurer que l'accord serait appliqué conformément à nos obligations.

Le sénateur Downe : Ce n'était donc pas une exigence de l'AECG, mais bien une initiative de notre part, c'est bien cela?

Mme Laflamme : Oui, mais l'objectif était d'éviter que des tierces parties puissent profiter des avantages de l'accord.

Le sénateur Downe : Mon autre question porte sur les services de cabotage assurés par des fournisseurs de l'Union européenne. Il n'y a que deux ports qui sont mentionnés, Halifax et Montréal. Pourquoi les autres ports du Canada ont-ils été exclus?

Mme Laflamme : Halifax et Montréal sont les deux seuls ports qui ont été évoqués durant les négociations. Il s'agit de certains des ports où il se fait le plus de trafic et de commerce avec l'Union européenne.

Le sénateur Downe : Soit, mais pourquoi les autres ports actifs à ce chapitre n'ont-ils pas été inclus?

M. Verheul : Nous avons eu une longue discussion à ce sujet avec les représentants de l'Union européenne. Au départ, leur intérêt était plus vaste que ce qui a finalement été conclu, mais voici les faits. À notre connaissance, il n'y a à l'heure actuelle aucun transporteur canadien qui fait la navette sur une base régulière entre Halifax et Montréal, et ça, les Européens le savent. Le transport se fait surtout par camion ou par train. Voyant cela, les Européens ont laissé entendre qu'ils pourraient s'investir là-dedans, étant donné que personne ne le faisait pour l'instant. Nous avons cependant refusé d'étendre ce privilège à d'autres axes de transport.

Le sénateur Downe : Pourquoi, par exemple, Sydney ou Cap-Breton ont-ils été exclus?

M. Verheul : Essentiellement, c'est à cause de ce que j'ai expliqué : les Européens étaient intéressés par d'autres axes de transport. Nous avons cru qu'il était approprié de donner l'accès à cet axe particulier, car personne au Canada ne s'en occupe.

Le sénateur Downe : Voilà pour leur intérêt, mais qu'en est-il du nôtre? Qui était là pour parler au nom de Sydney ou de Cap-Breton? Ces municipalités auraient voulu qu'on les inclue.

M. Verheul : Sydney ne nous a pas manifesté d'intérêt à cet égard.

Le sénateur Downe : Les avez-vous consultés?

M. Verheul : Nous avons mené des consultations générales. Je crois que Transports Canada a aussi sondé le terrain. Je ne peux pas parler pour Transports Canada, mais on ne nous a rien signifié de la sorte.

Le sénateur Downe : Nous avons bien hâte de voir leur présentation.

La présidente : Cela a peut-être à voir avec la façon que vous avez négocié. Vous semblez avoir négocié en mode réactif. Je me serais plutôt attendu à ce que vous anticipiez les changements en matière de circulation et d'occasions favorables, et cetera. Alors, nous avons dit que c'était les itinéraires qui allaient faire partie des négociations, et nous avons maintenant un accord qui est basé là-dessus. Or, d'ici cinq ans, le monde aura peut-être complètement changé et il y aura des convoitises ailleurs. Comment allons-nous modifier l'accord après cela?

M. Verheul : Il est toujours aisé de libéraliser davantage un accord commercial. Ce n'est habituellement pas difficile de renégocier, de modifier ou, tout simplement, d'aller de l'avant. Cependant, la plupart des pays sont très restrictifs lorsqu'il s'agit de cabotage, et c'est le cas du Canada. Nous ne sommes pas les plus restrictifs; les États-Unis le sont beaucoup plus que nous. Nous n'avions pas l'intention d'offrir un accès à notre marché du cabotage. Ce marché est en grande partie protégé au profit des fournisseurs canadiens.

L'Union européenne a effectivement manifesté un intérêt pour cet axe particulier. Nous y avons vu une occasion de répondre à certains de leurs souhaits, de leurs intérêts, d'autant plus qu'à l'heure actuelle, l'axe en question n'est pas desservi par les transporteurs canadiens. C'est ce qui a mené à ce dénouement particulier. Nous ne voulions pas leur donner plus que ce qu'ils demandaient.

Le sénateur Gold : Je pense que j'ai déjà soulevé cette question, mais je crois que la libéralisation du commerce entre le Canada et l'Union européenne et l'accès pancanadien aux produits de l'Union européenne constituent un dilemme pour les producteurs canadiens de toutes les provinces. En effet — et c'est regrettable —, le Canada ne dispose pas lui- même d'un accord de libre-échange aussi fluide pour son commerce interne.

Pouvez-vous nous dire où en sont les négociations à l'échelle du pays pour assurer que les fournisseurs et producteurs canadiens aient le même accès favorable partout au Canada que celui qu'auront leurs homologues européens une fois que l'accord entrera en vigueur?

M. Verheul : Lorsque nous avons terminé la négociation de l'AECG, il y avait un certain nombre de cas, principalement dans le domaine des marchés publics, où l'Union européenne avait effectivement un meilleur accès que les provinces au marché public d'une province donnée. Par la suite, il y a eu l'Accord sur le commerce intérieur, qui vise à supprimer les barrières commerciales entre les provinces. Je n'ai pas participé à cette négociation. On m'a dit qu'elle avait réussi à effacer la plupart des inégalités, mais c'est quelque chose qu'il faudra vérifier auprès de quelqu'un qui était là.

Le sénateur Gold : Cela nous aiderait beaucoup, merci.

La présidente : Nous nous attendons donc à ce que vous fassiez un suivi à ce sujet et que vous fassiez parvenir votre réponse par écrit à notre greffier.

M. Verheul : Oui, c'est ce que nous ferons.

Le sénateur Gold : Permettez-moi de changer de sujet. En ce qui concerne les mécanismes de règlement des différends, les modifications qui ont été proposées suscitent une foule de questions. L'un des principaux arbitres, l'honorable Yves Fortier, s'est inquiété tout haut du fait que la démarche pour l'instauration d'un tribunal plus permanent que ce qui avait été prévu initialement pourrait avoir l'effet indésirable de dissuader des arbitres aptes et expérimentés de se joindre au tribunal, car cela les forcerait à renoncer à leur intéressante — et assurément lucrative — pratique d'arbitrage dans d'autres dossiers. Est-ce une préoccupation bien concrète? Cette possibilité vous inquiète-t- elle? Est-ce que d'autres personnes vous ont dit la même chose?

M. Verheul : L'une des plaintes que nous avons entendues, surtout du côté européen, c'est que le nombre d'arbitres qui s'occupent de ce type de dossier est passablement limité. Il se pourrait qu'on se retrouve souvent dans la situation où l'arbitre dans tel ou tel dossier pourrait avoir été conseiller juridique ou plaideur pour tel autre. Étant donné que cela est arrivé assez souvent — et notamment en Europe où vous pouviez avoir un arbitre assis d'un côté de la table pour une affaire particulière, et de l'autre côté de la table pour une autre affaire —, cette possibilité suscite beaucoup de questions au sujet de l'indépendance, de l'impartialité et de l'absence de parti pris. C'est l'une des grandes raisons pour lesquelles nous avons rédigé le code de conduite, que nous nous sommes attaqués aux conflits d'intérêts et que nous poursuivons l'élaboration d'un code d'éthique. Le fait demeure que c'est l'une des principales préoccupations qui ont été cernées : les arbitres sont un très petit groupe, et nous avions besoin d'une approche qui ferait une plus grande place à l'impartialité et à l'indépendance.

Le sénateur Gold : Je suis heureux de vous l'entendre dire. J'ai essayé de m'incruster dans ce domaine et je peux vous dire qu'on y exerce un contrôle très serré. Quoi qu'il en soit, cela vous inquiète-t-il un peu que ces démarches que l'on pourrait croire salutaires puissent avoir comme conséquence de priver le mécanisme de règlement des différends de certains de ses praticiens les plus efficaces, les plus brillants et les plus expérimentés?

M. Verheul : Nous n'avons pas vu cela comme une source de préoccupation. Je crois qu'il y a suffisamment de gens pour trouver des arbitres qui voudraient s'engager sur cette voie particulière, des universitaires qui seraient prêts à siéger à un tribunal. Nous croyons en outre que des juges à la retraite seraient des candidats de premier choix pour ce genre de travail. Nous sommes d'avis qu'il y a un important bassin de gens suffisamment qualifiés sur le plan juridique pour assumer ces postes et s'acquitter de ces responsabilités de façon plus que convenable.

La présidente : Y a-t-il d'autres questions pour les représentants des ministères? Étant donné que nous sommes allés au bout de nos questions, je présume que les séances d'information à l'intention des sénateurs individuels ou des groupes de sénateurs ont dû être efficaces. Je tiens à vous remercier d'être resté. Il se peut que nous vous contactions pour répondre à d'autres questions.

Cela dit, nous faisons circuler la liste de personnes que les sénateurs et d'autres nous ont proposées comme témoins, ou qui ont demandé à comparaître. Alors, nous les avons regroupées et, comme je l'ai dit hier, j'espère que nous pourrons aller de l'avant en nous basant sur cette liste. Chemin faisant, je vous demanderai à un moment donné si vous souhaitez recevoir le ministre à nouveau afin qu'il réponde à des questions particulières avant la fin de la session.

(La séance est levée.)

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