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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 2 - Témoignages du 3 mars 2009

OTTAWA, le mardi 3 mars 2009

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui à 17 h 20 pour étudier, afin d'en faire rapport, le Rapport de l'examen législatif d'Exportation et développement Canada de 2008, déposé au Sénat le mardi 10 février 2009.

Le sénateur Consiglio Di Nino ( président ) occupe le fauteuil.

[ Traduction ]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international

Le comité examine présentement le document intitulé Rapport de l'examen législatif d'Exportation et développement Canada — Décembre 2008.

L'examen législatif avait pour but d'évaluer la façon dont évolue, et devrait continuer d'évoluer, EDC pour faire face à la dynamique concurrentielle et aux exigences du commerce international au nom de sa clientèle, et de formuler, s'il y a lieu, des recommandations, notamment sur d'éventuelles modifications à la Loi sur le développement des exportations.

Le comité accueille aujourd'hui comme témoin Mme Diana Smallridge, présidente de la firme International Financial Consulting Ltd., poste qu'elle occupe depuis juin 2000. Mme Smallridge est une experte bien connue dans le domaine des banques export-import, des organismes de crédit à l'exportation et des banques de développement. Elle compte une vingtaine d'années d'expérience dans ce domaine. Mme Smallridge était co-leader du projet avec Malcolm Stephens.

Bienvenue au Sénat. Nous allons d'abord entendre la déclaration liminaire de Mme Smallridge, et ensuite, nous passerons aux questions des membres du comité.

Diana Smallridge, présidente, International Financial Consulting Ltd. : Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis peut-être une experte bien connue dans le domaine, mais je ne suis pas très bien connue des membres du comité. Je suis très heureuse et honorée d'être ici.

Je tiens à souligner l'importance de cet examen. Dans une perspective de politique publique, il est important, au plan de la responsabilisation, que des sociétés de la Couronne comme EDC fassent périodiquement l'objet de tels examens. De plus, Exportation et développement Canada joue un rôle crucial en tant qu'institution propriété du gouvernement du Canada qui soutient les entreprises canadiennes.

Comme vous l'avez mentionné dans votre aimable introduction, il existe des organismes de crédit à l'exportation et des banques export-import partout dans le monde. Pratiquement tous les pays ont un organisme analogue à EDC, et c'est ce qui me permet de gagner ma vie. Dans cette sphère internationale, EDC se démarque; elle fait l'envie de plusieurs autres pays; sa souplesse, mais aussi son expertise, lui valent beaucoup de respect.

Cet examen rétrospectif couvre les 10 dernières années, soit la période depuis le dernier examen. L'objectif est de voir si la loi, sous sa forme actuelle, est suffisamment souple, et sa formulation appropriée, pour permettre à EDC de répondre aux besoins des entreprises canadiennes.

Dans un monde où le commerce international est en rapide évolution, il est crucial qu'EDC dispose des pouvoirs, assortis d'une responsabilisation adéquate, dont elle besoin pour aider les compagnies canadiennes à livrer concurrence aux entreprises étrangères et qu'elle ait accès à des instruments financiers concurrentiels.

Comme vous l'avez mentionné en introduction, nous avons articulé cette étude, amorcée en février dernier, autour des intervenants. Le principal intervenant est évidemment la communauté d'affaires canadienne, mais les contribuables jouent également un rôle de premier plan. Les concurrents du secteur privé d'EDC sont aussi des intervenants clés, de même que la société civile. Nous avons organisé des rencontres un peu partout au pays, des assemblées publiques. Nous avons aussi mis sur pied un site web spécialisé et nous avons mené des entrevues personnelles à la demande de certains intervenants. Nous avons eu une très bonne rétroaction et recueilli une foule de renseignements détaillés.

Nous voulions savoir précisément ce dont les compagnies canadiennes ont besoin pour assurer leur compétitivité sur la scène internationale. La liste de nos recommandations est longue, mais la plupart ne nécessitent pas de modifications à la loi existante; nous n'avons relevé que quelques points mineurs. En résumé, nous avons conclu que, sous sa forme actuelle, la loi qui gouverne Exportation et développement Canada a remarquablement bien traversé l'épreuve du temps au cours de la décennie qui vient de s'écouler. Pour ce qui est des 10 prochaines années, très peu de changements sont nécessaires.

Depuis le dépôt de notre rapport, le monde est aux prises avec certains défis que je refuse de qualifier de « crise » parce qu'à mon avis, cela a pour effet de perpétuer les problèmes. Le budget 2009 a accordé des pouvoirs additionnels à EDC, mais cela n'avait rien à voir avec notre examen. Nos recommandations nous permettront de bien traverser cette difficile période économique et financière. Je répondrai maintenant volontiers aux questions des sénateurs.

Le sénateur Downe : Je m'intéresse aux séances de consultations que vous avez organisées un peu partout au Canada. Dans les provinces atlantiques, il semble que vous ayez tenu une seule assemblée publique, à Halifax. À la lecture de la liste des participants, je constate que le tiers d'entre eux représentaient des organismes ou des ministères du gouvernement fédéral. Certains porte-parole, notamment ceux de la Banque de développement du Canada et d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, en étaient à leur deuxième participation. D'aucuns avaient assisté à plus d'une assemblée publique et, dans bien des cas, à la totalité d'entre elles. Vos consultations au Canada atlantique m'inquiètent car, comme vous le savez, 95 p. 100 des entreprises des provinces atlantiques sont des PME, que l'on définit comme ayant moins de 500 employés et un revenu annuel inférieur à 50 millions de dollars. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous n'avez pas fait davantage de consultations dans cette région où les exportations revêtent tellement d'importance?

Mme Smallridge : Je vous remercie de cette question. Dans le contexte de ces consultations, notre démarche a consisté à nous rendre disponibles. Nous avons informé les communautés d'affaires et d'exportation de notre examen. Nous avons rendu publique cette information et nous avons placé des avis dans les journaux pour annoncer les assemblées publiques.

Dans le Canada atlantique, nous avons tenu la séance de consultation à Halifax, mais nous étions aussi disponibles pour des entrevues privées. Nous avons pris la décision d'organiser des conférences vidéo en ligne pour permettre aux gens de participer de cette façon. Notre démarche a surtout consisté à informer les gens de notre venue et à laisser aux parties intéressées le loisir de s'exprimer. Les gens avaient le choix de participer ou non; cela ne relevait pas de notre contrôle. Les employés régionaux de EDC et de la BDC nous ont apporté une aide formidable pour ce qui est de diffuser l'information.

Le sénateur Downe : Je ne comprends pas pourquoi vous avez tenu une assemblée publique à Kanata, et une autre à Ottawa, alors que vous n'en avez tenu qu'une seule pour l'ensemble du Canada atlantique. Je ne comprends pas pourquoi vous avez tenu une seule assemblée publique, dans une seule province, et qu'à cette occasion, le tiers des personnes participantes provenait d'organismes et de ministères fédéraux. Lors de cette rencontre, vous n'avez entendu personne des trois autres provinces atlantiques. Je considère que c'est une lacune de votre rapport.

Le sénateur De Bané : J'appuie sans réserve ce que mon collègue vient de dire. L'une des caractéristiques fondamentales de notre pays, c'est sa nature fédérale. Il me semble insuffisant d'avoir tenu une seule réunion au Canada atlantique.

Ma question porte sur un commentaire qui figure au début de votre volumineux rapport. Vous déclarez que les activités d'exportation sont aujourd'hui moins prévisibles et beaucoup plus complexes. Pouvez-vous nous donner des explications? Cette situation est-elle attribuable à l'entrée en scène de nouveaux concurrents, ou d'autres facteurs entrent-ils en jeu?

Mme Smallridge : Merci de votre question. Ce que nous voulions surtout faire comprendre, c'est que les entreprises opèrent dans des chaînes d'approvisionnement mondiales. L'activité d'exportation ne consiste plus simplement à exporter un produit vers un autre pays dans le cadre d'une transaction transfrontière unique. En général, le produit en question est exporté vers un autre pays, qui y ajoutera une certaine valeur, après quoi, il sera réacheminé vers un pays tiers. La complexité tient à la multiplication des éléments de la chaîne de valeur ajoutée. Par conséquent, les entreprises qui participent à une chaîne d'approvisionnement mondiale sont mieux placées pour être l'importateur des produits de quelqu'un d'autre. Elles les modifient en y ajoutant leur propre signature et en les exportant ailleurs, l'utilisateur final étant passablement éloigné de leur créneau d'action.

Le message que nous avons tenté de transmettre, c'est que dans les chaînes d'approvisionnement mondiales, la granularité de l'opération d'exportation est beaucoup plus intense qu'elle ne l'était antérieurement.

Comme vous l'avez précisé avec justesse, la concurrence a augmenté énormément. Les marchés émergents que sont l'Inde, la Chine, le Brésil et la Russie signifient qu'un grand nombre d'autres acteurs offrent une qualité et des prix compétitifs.

Le sénateur De Bané : Madame Smallridge, pourriez-vous nous expliquer la dynamique de la fragmentation et son incidence pour les exportateurs et leurs besoins. Pourriez-vous nous donner des précisions sur le phénomène que vous abordez à la page 12?

Mme Smallridge : Auparavant, le soutien accordé à des organismes comme EDC dans le monde était étroitement lié au contenu national. L'exportateur était tenu de remplir une formule et de déclarer que 80 p. 100 des marchandises avaient été assemblées à l'aide de pièces canadiennes, ce qui les rendait admissibles au soutien d' EDC. Cette philosophie est en train de changer à l'échelle mondiale. La notion de « fabriqué dans tel ou tel pays », ou même « fabriqué par » est de moins en moins pertinente. On préférera la formule « conçu par ». Autrement dit, la propriété intellectuelle des entreprises et la valeur de création s'articulent autour de la conception. La fabrication a lieu dans le pays local, mais elle s'inscrit aussi dans cette chaîne d'approvisionnement mondiale.

Cela a modifié quelque peu la façon dont les organismes de crédit à l'exportation, comme EDC, fonctionnent à l'échelle mondiale, et ils s'adaptent à cette nouvelle réalité.

Le sénateur De Bané : J'ai écouté récemment une entrevue avec le directeur général de l'Organisation du commerce mondial, Pascal Lamy. D'après ce qu'il a dit, certaines sociétés d'importation envoient des lettres de crédit de banques cotées AAA à certains exportateurs, comme la Chine, mais on leur oppose un refus. Même si la lettre de crédit est émise par une banque de la plus haute réputation, ils ne l'accepteront pas. Est-il vrai qu'une telle attitude existe?

Mme Smallridge : Nous faisons présentement une étude sur ce sujet précis. Cela n'a rien à voir avec EDC, mais je répondrai volontiers à cette question. Ce qui rend cette crise inhabituelle, comparativement aux crises survenues antérieurement en Asie, en Amérique latine ou en Russie, c'est qu'elle met en cause les banques des pays industrialisés. On entretient maintenant des doutes à l'égard des banques des pays de l'OCDE. Auparavant, un importateur chinois, par exemple, aurait été très satisfait de la qualité de cet engagement. Ce n'est plus le cas. Je ne dis pas que c'est une tendance généralisée. Il y a des cas qui suscitent certaines préoccupations, et l'OMC se penche sur cette question.

Le sénateur Andreychuk : Vous avez déclaré d'entrée de jeu que EDC est un modèle qui fait l'envie de bien des pays. Vous avez aussi signalé cela dans votre rapport. Vous avez également relevé certains changements, de plus en plus rapides à mesure que le monde se transforme. Vous avez fait un commentaire et une recommandation en faveur d'une transparence accrue.

Dans mes voyages, j'ai rencontré des dirigeants d'entreprise qui se plaignent de la lenteur d'intervention de EDC. Parfois, s'il s'agit d'une petite entreprise, ils ne savent pas trop quel levier utiliser. Il leur faut trop de temps pour trouver l'information et lorsqu'ils la dénichent enfin, la concurrence a déjà frappé et prélevé le profit au passage.

Je voudrais savoir de quelle façon la transparence haussera notre capacité d'améliorer notre position à l'étranger. On semble affirmer, en filigrane, que les priorités du gouvernement ne sont pas toujours en synchronisme avec l'action d'EDC et qu'une collaboration plus étroite s'impose. Je me demande quel volet devrait peaufiner son travail pour que le succès soit au rendez-vous. Est-ce le gouvernement ou EDC? Je n'ai pas compris où vous vouliez en venir, sauf dans vos recommandations, qui sont très claires.

Mme Smallridge : Permettez-moi de répondre d'abord à votre seconde question. Cet aspect est important dans le contexte où EDC est une société de la Couronne relevant de la Loi sur la gestion des finances publiques, indépendante du gouvernement. Le défi tient à un équilibre délicat : d'une part, le gouvernement peut dicter ce qu'il convient de faire et, d'autre part, EDC doit disposer de suffisamment de latitude, au plan commercial, pour être en mesure de réagir rapidement.

Nous avons eu des commentaires sur ce qu'il convient de faire au sujet des deux aspects de cette relation, les intervenants ayant reconnu que l'équilibre est difficile à atteindre. On ne veut pas d'une organisation dont toutes les transactions seraient soumises à l'agrément du gouvernement. Cela entraverait totalement son travail. Toutefois, le gouvernement doit énoncer plus clairement ses priorités. Pour ce qui est du processus de planification générale, il incombe au gouvernement de prendre l'initiative d'énoncer les priorités gouvernementales relevant de la responsabilité ministérielle.

S'agissant de la transparence, deux choses entrent en ligne de compte. Premièrement, la transparence en tant que société de la Couronne, mais si j'ai bien compris votre question, elle portait surtout sur le degré de sensibilisation des entreprises canadiennes sur le marché. Chose certaine, nous avons retenu de nos séances un peu partout au pays qu'il existe une certaine confusion parmi les petites entreprises entre EDC et BDC, et qu'une meilleure coordination s'impose. C'est un monde complexe. Il devrait y avoir une personne chargée de diriger la circulation et d'orienter les petits entrepreneurs. Il existe une certaine compréhension au sujet des divers rôles que jouent les gens, mais j'avoue qu'elle n'est pas uniforme dans tout le pays. Nous avons rencontré à Calgary une personne fantastique qui travaillait au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Elle faisait office d'agent de la circulation et elle savait précisément où envoyer les gens. C'est un modèle que l'on pourrait reprendre à l'échelle nationale.

Le sénateur Andreychuk : Le volet provincial a-t-il lui aussi besoin de coordination?

Mme Smallridge : Oui.

Le sénateur Andreychuk : Les choses fonctionnent-elles bien?

Mme Smallridge : Encore là, le bilan est mitigé. Dans certains cas, la collaboration est très bonne, et dans d'autres, elle l'est moins. Le groupe de travail fédéral-provincial-territorial déploie des efforts pour assurer la coordination. J'ai été à même de le constater, mais les résultats ne sont pas cohérents. Cela tient moins à des problèmes d'organisation qu'aux personnes concernées.

Le sénateur Grafstein : Je veux vous poser certaines questions d'ordre cosmique et ensuite, des micro-questions. Combien d'argent dépensez-vous chaque année?

Mme Smallridge : Combien d'argent je dépense personnellement?

Le sénateur Grafstein : Je parle d'Exportation et développement Canada. Quel est votre budget?

Le président : EDC est la société qui a retenu les services de la firme dont notre témoin est la présidente.

Le sénateur Grafstein : Je veux simplement savoir combien dépense Exportation et développement Canada.

Mme Smallridge : Je vais laisser les représentants d'EDC répondre spécifiquement à cette question lorsqu'ils comparaîtront devant vous la semaine prochaine, mais je peux vous dire précisément que EDC ne coûte pas cher au contribuable. C'est une entité autonome qui a versé des dividendes au cours des deux dernières années. J'ignore quelle est sa situation cette année.

Le sénateur Grafstein : Ce sont des questions que je leur poserai aussi, mais j'étais curieux de savoir à combien s'élèvent ces dépenses. Quelle est l'ampleur du problème? Dépensons-nous suffisamment? La coordination est-elle adéquate?

Je m'inspire de l'expérience de ma soeur, maintenant décédée. Elle a lancé, depuis sa cuisine, une petite société d'exportation qui est devenue une entreprise mondiale. Elle passait le plus clair de son temps à essayer d'obtenir l'aide de l'organisme approprié, que ce soit pour le volet financement ou pour le volet exportation.

La question fondamentale est de savoir combien EDC et la BDC dépensent, conjointement. Existe-t-il un guichet unique à l'intention du petit exportateur? Peut-il s'adresser à une personne en disant : « J'ai tel ou tel problème. Il me faut ce type de crédit et de garantie. Comment dois-je m'y prendre pour l'obtenir?'' Comme on le sait, le temps, c'est de l'argent. Je voudrais mettre au point mon produit et le commercialiser, mais dans l'intervalle, j'ai besoin d'aide.

Compte tenu de tout ce que m'ont raconté d'autres entrepreneurs qui ont vécu la même chose, je suis frappé par le profond sentiment de frustration qu'ils ressentent. En effet, il semble qu'ils passent plus de temps et d'énergie à chercher du soutien qu'à en obtenir. Vous êtes une personne de l'extérieur. Que pensez-vous de cela?

Mme Smallridge : Je suis non seulement une personne de l'extérieur, je dirige aussi une petite entreprise d'experts- conseils. Je suis un petit exportateur de services, et il se trouve que je connais bien le problème. Je vous concède que c'est effectivement un défi. Je peux aussi vous dire — et vous le savez — que les dirigeants de petites entreprises ont à peine le temps de signer les chèques, et encore moins celui de chercher à quelle personne ils devraient faire appel. C'est un problème. Cela nous a certainement été rapporté.

EDC fait du bon travail. Cet organisme pourrait peut-être faire mieux, mais chose certaine, il est très bien connu dans le milieu de l'exportation. Nous avons reçu des mémoires très fouillés des Manufacturiers et exportateurs du Canada et d'autres associations. Il y a très peu de choses que nous aurions pu reprocher à EDC à cet égard; nous n'avons guère entendu de critiques. Peut-être parce que les chefs de petites entreprises sont tout simplement trop occupés.

Le sénateur Grafstein : Nous avons examiné d'autres modèles. Celui que je connais le mieux est Ex-Im, l'Export- Import Bank of the United States et sa Overseas Private Investment Corporation.

Mme Smallridge : Appelée l'OPIC. Il s'agit de la régie pour les investissements privés à l'étranger.

Le sénateur Grafstein : Dans leur cas également, nous avons observé le même problème de coordination avec les petites entreprises exportatrices, avec les entrepreneurs qui veulent pénétrer dans un marché, qui savent qu'ils ont un client potentiel. La question est de savoir comment faciliter le versement de l'argent dont ils ont besoin pour couvrir les comptes débiteurs, plus les garanties, et cetera.

D'après votre expérience, quel pays se tire le mieux d'affaire et pourrait nous servir de modèle?

Mme Smallridge : Le croiriez-vous? Je suis dans le pays qui se tire le mieux d'affaire. Je sais que je suis Canadienne, et qu'à cause de cela, ma déclaration manque sans doute de crédibilité, mais j'ai discuté avec la plupart des dirigeants des organismes de crédit à l'exportation dans le monde, et ils aimeraient bien être à la tête d'un EDC.

Le sénateur Grafstein : Sommes-nous les meilleurs au monde?

Mme Smallridge : Oui. À mon avis, ce sentiment est universel.

Le sénateur Grafstein : Vraiment?

Le président : Madame Smallridge, je peux vous assurer que votre opinion a du poids.

Le sénateur Grafstein : Cette information est stupéfiante.

Le président : Je suis heureux que, pour une fois, le sénateur Grafstein ait été étonné par une réponse.

Le sénateur Grafstein : Absolument. C'est stupéfiant.

Le président : J'ai lu votre rapport, et vous y affirmez clairement que le monde entier pense que nous sommes tout simplement les meilleurs dans ce domaine.

Le sénateur Segal : Je veux poser au témoin la question à laquelle, en un sens, elle n'est pas autorisée à répondre dans son rapport.

Par définition, s'agissant d'un instrument comme EDC, vous l'analysez en fonction des critères normatifs applicables aux organisations de soutien aux exportations dans le monde entier. Votre mandat ne consiste pas à déterminer s'il y aurait une façon plus appropriée ou efficiente d'accomplir ce travail advenant la disparition d'EDC.

Par exemple, si le gouvernement disait simplement ceci : chaque fois qu'une banque canadienne prête des fonds à un exportateur dans un domaine où cela se justifie du point de vue de la solvabilité, l'État indemniserait la banque pour un tiers du risque; point à la ligne. Autrement dit, le gouvernement fédéral démantèle tout le processus d'évaluation du risque, les mécanismes de rapport des gestionnaires et les instruments autosuffisants, en un sens, et il laisse le marché financier faire son travail, et fournit une indemnisation pour aider les exportateurs relativement à la question cruciale du risque.

Comme nos amis de l'extrême droite avaient l'habitude de le dire, toute intervention de l'État est une mauvaise chose, et il est préférable de laisser le marché jouer son rôle en tout temps. L'histoire a prouvé qu'ils se trompaient lourdement, mais je crains que si nous ne sommes pas vigilants, le pendule oscille dans l'autre direction, et qu'on en vienne à croire que seul l'État peut faire certaines choses. Étant donné que certaines institutions du secteur privé — qui, je m'empresse de l'ajouter, n'étaient pas pour la plupart au Canada, mais ailleurs — ont complètement bousillé leur gestion du crédit, il s'ensuit que le gouvernement est la seule solution.

Si ma question vous semble déraisonnable, n'hésitez pas à le dire. Compte tenu de votre vaste expérience dans le domaine, qui va au-delà de votre évaluation d'EDC dans le cadre de l'examen législatif, pensez-vous qu'éventuellement, il pourrait y avoir une formule selon laquelle le secteur privé, avec un soutien et une indemnisation appropriés, puisse être une force aussi positive que EDC? D'un autre côté, ce genre d'instrument est-il la seule réponse pour un pays de la taille du nôtre à long terme?

Mme Smallridge : C'est une question difficile, mais je vais essayer d'y répondre, je l'espère, à votre satisfaction.

Il y a plusieurs années, nous avons été invités en Nouvelle-Zélande pour nous familiariser avec son système de crédit à l'exportation, lequel avait été entièrement privatisé au début des années 1980, ainsi que la plupart des mécanismes gouvernementaux.

Dans le cadre de cette analyse, notre approche a consisté à nous demander s'il y avait des lacunes. En d'autres mots, y avait-il des écarts de marché qui entravaient la capacité des entreprises néo-zélandaises d'être compétitives sur la scène internationale parce que des entreprises concurrentes pouvaient compter sur un organisme de crédit à l'exportation?

Notre recommandation a été la suivante. Les entreprises néo-zélandaises avaient besoin de services, mais fallait-il pour autant que le gouvernement mette sur pied une toute nouvelle institution, avec des bureaux et du personnel? Au bout du compte, nous avons créé un organisme de crédit à l'exportation virtuel qui, par voie d'impartition, avait confié la totalité de la souscription et de l'évaluation des risques à une compagnie danoise. Essentiellement, par l'entremise de Trade NZ, nous avons ouvert un guichet auquel les entreprises pouvaient accéder et ainsi obtenir une assurance crédit à l'exportation. Toute l'administration se faisait à l'étranger. Ce modèle s'est avéré fort intéressant.

Dans un monde axé sur la concurrence, si EDC n'existait pas et que le Canada devait retourner à la case départ et se doter d'un organisme de crédit à l'exportation, étant donné que les États-Unis ont des banques export-import et que pratiquement tous les autres pays ont un organisme semblable — la question serait d'ailleurs légèrement différente si personne n'en avait —, serait-il nécessaire de se doter d'un tel instrument? C'est une question à laquelle je ne peux envisager de répondre immédiatement. Cela mérite réflexion.

Le sénateur Segal : Par définition, EDC est confronté à une lourde tâche, qu'elle assume de façon exemplaire, soit dit en passant, soit promouvoir l'intérêt public associé à la multiplication des exportations canadiennes dans le monde, tout en prenant en compte une panoplie d'intérêts contradictoires et, à l'occasion, privés, puisque des entreprises différentes se livrent concurrence pour faire la même chose dans différentes régions du monde, de diverses façons.

Selon votre évaluation, compte tenu de votre mandat spécifique dans le cadre de l'examen législatif, comment gère-t- on, à votre avis, ce conflit potentiel, et comment s'emploie-t-on à atteindre un équilibre? En tant qu'entrepreneure qui oeuvrez dans d'autres secteurs, estimez-vous que cet équilibre est atteint? Pensez-vous que certaines pratiques pourraient améliorer ce processus d'une façon quelconque? Je suis certain que les gens qui travaillent à EDC se posent eux-mêmes cette question constamment.

Mme Smallridge : Oui, en effet. Il en est question dans une section technique du rapport. C'est dans le domaine de l'assurance crédit, où l'on retrouve la gamme de produits la plus dynamique d'EDC, qu'il existe une véritable compétition avec le secteur privé. Nous avons fait des recommandations vigoureuses en faveur d'une meilleure coopération et d'une transparence accrue au niveau de la reddition de comptes.

Nous avons reçu quelques témoignages faisant état d'une concurrence déloyale. En conséquence, nous avons fait certaines recommandations à cet égard, et je sais pertinemment que EDC cherche à renforcer sa coopération avec le secteur privé. Pareille situation n'aide personne. Les exportateurs canadiens ne profitent pas nécessairement de ce genre de comportement, quoiqu'ils puissent peut-être être avantagés ponctuellement.

Comme vous l'avez fait remarquer, il y a un équilibre délicat qu'il faut rechercher entre, d'une part, être concurrentiel et offrir des services de première qualité et, d'autre part, ne pas être injuste.

Le président : Je pensais que l'intervention du sénateur Segal allait déboucher sur le partenariat, la coassurance, la coentreprise, et ainsi de suite. Il peut arriver qu'à certains moments, en raison du risque ou d'autres facteurs, de telles options puissent nous permettre d'atteindre certains objectifs difficiles, ou peut-être serait-il plus facile qu'EDC fasse cavalier seul.

EDC fait-il cela? Quelle est l'expérience dans ce domaine dans le monde?

Mme Smallridge : Oui, EDC est présent dans le domaine de la coassurance et de la réassurance. À l'échelle internationale, la coassurance et la réassurance de comptes importants sont des marchés actifs.

EDC se démarque. Non seulement est-il un chef de file reconnu dans le secteur, mais tout comme son homologue japonais, il est actif dans le marché de l'assurance-crédit.

En Europe, la Commission européenne a mis un frein à cette activité. Comme nous ne sommes pas membres de l'Europe, le Canada n'aurait pas été assujetti à cette décision. C'est en raison de problèmes législatifs que l'Europe a dû se retirer du domaine. Évidemment, dans les circonstances actuelles, les pays européens sont en quête de nouvelles solutions en matière d'assurance crédit soutenue par l'État.

Il n'y a pas de réponse précise à votre question, sinon pour dire qu'EDC semble vouloir en faire plus au plan de la coopération, d'après ce que l'on peut observer.

Le président : EDC collabore-t-elle avec d'autres entités publiques ou d'État plutôt qu'avec d'entités privées, ou retrouve-t-on un mélange de partenariats publics-privés? Mon autre question est la suivante : EDC collabore-t-elle avec des compagnies privées canadiennes ou d'autres assureurs au Canada?

Mme Smallridge : C'est un domaine d'assurance spécialisé. Les principaux acteurs mondiaux sont au Canada, et je sais que l'un d'eux a un représentant dans l'auditoire derrière moi.

Le président : C'est là où je voulais en venir pour demain soir ou pour plus tard.

Mme Smallridge : Oui, EDC collabore. Nous le constatons. Il serait injuste de dire que les témoignages que nous avons entendus de la part des deux parties affirment la même chose. Nous avons entendu dire que la relation n'était pas très bonne. Elle pose certains défis que nous avons évoqués dans notre rapport.

Le sénateur Stollery : D'après ce que je comprends, Exportation et développement Canada est essentiellement une entreprise d'assurance à l'intention des exportateurs, qui permet à ces derniers d'être payés. Bien entendu, c'est important. Cette question s'adresse en réalité à EDC : dans le contexte actuel, combien de demandes sont soumises à EDC? Toutefois, je comprends que vous n'êtes pas ici pour cette raison.

Je pense toujours à Exportation et développement Canada comme une société essentiellement axée sur les exportations, mais je crois comprendre qu'elle veut pénétrer, ou qu'elle a déjà pénétré, le marché national également. Cette situation est plutôt litigieuse pour les gens qui oeuvrent dans le secteur de l'assurance privé qui, après tout, sont ses concurrents.

Je sais que la Chambre des communes a examiné la question, mais j'aimerais en savoir plus long sur les motifs qui justifient qu'Exportation et développement Canada soit présente sur le marché intérieur, qu'elle devienne la société d'exportation et de développement national du Canada. Qu'en est-il exactement? Ce changement d'orientation me semble plutôt bizarre. Pouvez-vous m'éclairer, je vous prie?

Mme Smallridge : Merci, sénateur. Notre première recommandation porte que EDC ne réintègre pas le marché intérieur de l'assurance crédit à l'exportation, à moins que ne surviennent des changements considérables dans le marché débouchant sur des lacunes d'envergure au niveau de la disponibilité de l'assurance crédit intérieur.

Nous avons soumis ce rapport. Depuis lors, il y a eu un budget et une analyse a été effectuée à ce sujet, ce qui n'est pas de notre ressort. Au moment où nous avons effectué notre analyse, nous n'avons pas estimé que cela était nécessaire. Toutefois, d'autres personnes à Ottawa ont pris la décision, par l'entremise du budget, de s'engager dans cette voie.

Le sénateur Stollery : Comme vous le savez, nous sommes présentement saisis du projet de loi C-10, le projet de loi sur le budget. Je suppose qu'au moyen du projet de loi C-10, le gouvernement élargira temporairement le mandat de Exportation et développement Canada pour inclure le marché intérieur.

Voyons ce que cela signifie. Une compagnie A au Canada vend quelque chose à une compagnie B au Canada; or, la compagnie B se trouve dans l'incapacité d'obtenir une majoration de sa ligne de crédit, par exemple, ce qui semble poser problème. Comme nous le savons tous, les réserves des banques canadiennes sont inférieures à ce qu'elles étaient, par rapport à la valeur de leurs actifs, et une banque peut décider de ne pas majorer la ligne de crédit d'une entreprise canadienne qui achète des biens d'une autre entreprise canadienne. Selon moi, ce mandat ne relève pas de Exportation et développement Canada; c'est autre chose. Qu'en pensez-vous?

Mme Smallridge : Sénateur, je ne pense pas devoir faire un commentaire à ce sujet. Avec votre permission, je m'en tiendrai à la teneur de notre rapport.

Le sénateur Stollery : Vous avez évoqué ce problème dans votre rapport. Comme vous l'avez dit, vous avez fait des recommandations. J'essaie de cerner ces recommandations. Si je ne m'abuse, votre recommandation allait dans le sens contraire.

Mme Smallridge : Oui.

Le sénateur Stollery : Je suis d'accord avec vous. Je ne connais pas ce domaine aussi bien que vous, mais il me semble que c'est une autre organisation, si elle garantit les ventes de produits canadiens entre des compagnies canadiennes.

Mme Smallridge : Nous avons recommandé à EDC de s'abstenir d'intervenir, à moins que n'apparaissent d'importants écarts de marché. Je ne suis pas en position de répondre car j'ai passé les deux derniers mois à l'étranger. J'ai passé six semaines en Nouvelle-Zélande à Noël. Je ne sais pas. Il faudra que vous posiez la question au gouvernement et à EDC. À l'évidence, on a dû faire valoir que des écarts de marché étaient apparus étant donné que nous avons mentionné dans notre rapport que cela justifiait un engagement temporaire dans le marché national de l'assurance crédit.

Le président : Il s'agit là d'une question de politique publique que nous aborderons avec les fonctionnaires compétents lorsqu'ils comparaîtront devant nous. Je vous remercie de votre opinion.

Le sénateur Wallin : Comme vous l'avez dit, pour reprendre vos propos, votre examen prévoyait une mutation de l'environnement mondial et concurrentiel. Personne n'aurait pu prédire le caractère radical de ce changement, pas plus que sa rapidité et sa gravité.

Je voulais faire suite à la question du sénateur Stollery, mais vous avez fait un commentaire à ce sujet. Peut-être n'avez-vous pas d'opinion sur ce qui justifierait une reprise des activités, notamment la non-disponibilité d'assurance sur le marché canadien.

Selon les recommandations 13 et 14, à la page 88, EDC et son personnel devraient continuer « activement de veiller à ce que de nouvelles opérations soient souscrites à l'aide des capitaux de risques stratégiques ». Et, « en outre, que l'on examine sérieusement la possibilité d'accroître les capitaux de risques stratégiques... ». Pouvez-vous nous en dire plus long au sujet des recommandations 13 et 14?

Mme Smallridge : Oui. EDC a une réserve de capitaux de risques stratégiques qu'elle aurait pu remettre au gouvernement sous forme de dividende. L'organisme conserve cette réserve pour financer des initiatives à haut risque. On nous a fourni une liste des transactions de ce type entreprises par EDC, mais à notre avis, il y aurait pu y en avoir davantage. Des capitaux plus considérables auraient pu être investis dans ce domaine, surtout dans la conjoncture actuelle.

EDC est tenue d'effectuer sa propre évaluation de risque typique pour son propre compte et, selon notre recommandation, compte tenu des capitaux dont elle dispose, elle devrait être en mesure d'assumer des risques plus élevés; non pas des risques injustifiés ou indûment dangereux, mais soutenir des entreprises à haut risque dont le rendement pourrait être plus faible que la norme.

Le sénateur Wallin : Voulez-vous dire qu'EDC souffre d'une aversion au risque ou que les circonstances ont changé tellement radicalement que cela n'est pas dans la mentalité de ses dirigeants?

Mme Smallridge : Probablement un peu des deux.

Le sénateur Dawson : J'ai quatre questions. Dans son dernier rapport, le comité avait affirmé qu'EDC n'avait pas présenté d'argument convaincant justifiant qu'il demeure, en fait, le seul fournisseur de prêts consensuels au Canada. À tout le moins, on devrait accorder aux banques la possibilité de livrer concurrence à armes égales.

Ce rapport remonte à 10 ans. Pensez-vous que des progrès ont été réalisés au cours de ces 10 ans, ou qu'à la fin du présent rapport, nous ferons des recommandations qui resteront sur les tablettes?

Deuxièmement, vous avez évoqué le manque de transparence à EDC. Il s'agit essentiellement d'une société de la Couronne qui bénéficie de la protection d'une entreprise privée, sans assumer la responsabilité d'une entreprise privée, étant donné qu'elle n'est pas tenue de rendre des comptes à un véritable conseil d'administration. EDC ne fait pas rapport au Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, alors que la plupart de leurs concurrents doivent lui présenter régulièrement des rapports. Y a-t-il un déséquilibre entre leur rôle et le rôle d'EDC dans le domaine privé? EDC reçoit une cote tripe A parce que tous ses prêts sont garantis par l'État. Lorsqu'EDC livre concurrence à des entreprises privées, encore une fois, cette concurrence est-elle déloyale, si on ajoute les deux autres facteurs que j'ai mentionnés au début?

Enfin, une dernière observation au sujet du projet de loi sur le budget et la notion de chevauchement entre EDC et la Banque de développement du Canada, la BDC. Si le capital est majoré de 1,5 milliard de dollars et que le fonds d'urgence d'EDC, le Fonds du Canada, bénéficie d'une augmentation de l'ordre de plusieurs milliards, EDC ne fera-t-il pas concurrence à la BDC sur le marché national, et n'est-ce pas là précisément ce que vous avez recommandé de ne pas faire dans votre première recommandation?

Mme Smallridge : J'espère qu'on me permettra de passer outre à cette question car je n'ai pas la réponse concernant le projet de loi sur le budget. Il vous faudra poser la question à EDC et BDC. Nous avons souligné le chevauchement et le risque de chevauchement. J'ignore comment les choses se déroulent dans les circonstances actuelles.

Pour revenir en arrière, à la question sur la transparence, je n'aurais pas utilisé des termes aussi forts que vous, mais nous avons fait des recommandations au sujet du BSIF, de rapports comme ceux qui sont présentés au BSIF. Cette recommandation est importante en ce sens que EDC serait forcée de diffuser publiquement la même information que ses concurrents du secteur privé. Il s'agit d'une question de reddition de comptes et de responsabilité.

En ce qui concerne le rapport précédent du comité concernant les prêts consensuels, à l'époque, il y a 10 ans, les banques canadiennes ne recevaient pas le type de services de garantie que d'autres organismes de crédit à l'exportation offraient à leurs banques pour soutenir leurs exportateurs. EDC a élaboré un programme de garantie similaire à celui d'autres organismes.

Les banques continuent d'avoir quelques problèmes associés au programme. Dans notre rapport, nous avons dit qu'il est nécessaire d'examiner ces questions et de les régler. EDC a exprimé la volonté de fournir aux banques des services concurrentiels, mais c'est sans doute là la recommandation la moins enthousiasmante de notre rapport.

[ Français ]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Bonjour madame, soyez la bienvenue. La question que j'ai à vous poser concerne la cote AAA que Standard & Poor's accorde à Exportation et Développement Canada. Cette cote tient au fait que la société est une société d'État à 100 p. 100, c'est-à-dire que sa provision pour dette constitue un passif direct pour le gouvernement canadien et une imputation sur le Trésor. Cependant, EDC finance généralement sa dette à même ses ressources. J'imagine que les dettes de EDC proviennent des exportateurs ou de ceux qui font du développement et qui ne remboursent pas les fonds qui ont été prêtés.

Mme Smallridge : Est-ce votre question?

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je vous pose cette question entre autres mais j'en ai d'autres. Je voudrais savoir d'où provient la dette.

Mme Smallridge : Est-ce que je peux répondre en anglais?

Le sénateur Fortin-Duplessis : Oui.

[ Traduction ]

Mme Smallridge : Je pense que je serai plus claire en anglais que je ne pourrais l'être en français. Comme n'importe quelle autre institution financière, EDC emprunte de l'argent au nom du gouvernement sur la base d'une cote de crédit triple A, et ensuite rétrocède ce prêt à des acheteurs étrangers qui se procurent des biens canadiens. L'obligation est entre l'acheteur étranger et EDC, et EDC a emprunté cet argent en vue de le rétrocéder. En vertu de sa cote de crédit triple A, EDC a accès à des coûts de financement moindres que ceux d'une institution dont la cote de crédit serait inférieure à triple A.

Pour en revenir à la question des prêts consensuels, EDC peut fournir à des acheteurs étrangers des prêts à des taux concurrentiels; ainsi, lorsqu'un entrepreneur chinois décide d'acheter une centrale électrique de l'Allemagne, du Canada et de la France, les taux sont les mêmes. C'est ainsi que les choses fonctionnent au Canada, et c'est normal. L'obligation correspond à l'actif. J'espère que cela répond à votre question.

[ Français ]

Le sénateur Fortin-Duplessis : À votre avis, est-ce que cette cote AAA procure à EDC un avantage injuste sur ses concurrents?

[ Traduction ]

Mme Smallridge : Cette question porte — et quelqu'un a mentionné Pascal Lamy — sur l'utilisation des subventions du gouvernement en vue de conférer un avantage. Il s'agit de savoir si le coût du financement se traduit par des taux moindres pour l'emprunteur. D'après le portefeuille de prêts, il n'y a pas de preuve de cela. Rien ne prouve qu'EDC casse les prix et, par conséquent, crée une subvention qui soit injuste et inéquitable en faveur du Canada. Ce point est très important.

On a soulevé tout à l'heure un autre point, soit la qualité du produit d'assurance d'EDC, en tant que compagnie d'assurance cotée triple A, comparativement à ses concurrents, qui auraient une cote inférieure à triple A. La question est de savoir de quelle façon les banques considèrent cette police d'assurance à titre de garantie et si elle préfère la police d'assurance d'EDC par rapport à celle offerte par le secteur privé. Nous avons abordé cet aspect dans le rapport. À notre avis, on ne peut pas vraiment reprocher à EDC que les banques préfèrent ses produits à ceux du secteur privé. Certains représentants du secteur bancaire avec lesquels nous nous sommes entretenus n'avaient pas de préférence. La question se pose pour le volet assurance aussi bien que pour le volet prêt, mais nous n'avons vu aucune preuve qu'EDC utilise sa cote de crédit triple A de façon déloyale.

[ Français ]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Le capital dont dispose actuellement EDC lui permet-il de remplir correctement son mandat?

[ Traduction ]

Mme Smallridge : Je suppose que vous faites référence aux nouveaux capitaux annoncés dans le budget. Je ne me sens pas apte à faire des commentaires à ce sujet. Je peux seulement supposer que cet argent sera utilisé à bon escient, mais il vous faudra poser la question à EDC.

Le président : Avant de donner la parole au sénateur Corbin, j'ai une brève question. Est-ce qu'EDC prend des risques que ne prennent pas le secteur privé et d'autres investisseurs? À votre avis, ses dirigeants acceptent-ils des risques plus élevés que le secteur privé?

Mme Smallridge : Nous avons parlé des capitaux de risques stratégiques. Ce volet mis à part, s'agissant des risques que prend EDC, on peut dire qu'EDC est susceptible de rester dans un marché plus longtemps que le ferait le secteur privé. EDC peut garder une limite de crédit ouverte pour un acheteur plus longtemps que le secteur privé. Cette question est légitime.

Quant à savoir si cette décision est un avantage ou non, nous ne l'avons pas vu de cette façon. Nous avons considéré cela comme une décision commerciale. En plus d'être la propriété du gouvernement, EDC accorde la priorité au Canada. On prend la décision d'appuyer un acheteur peut-être plus longtemps que le secteur privé.

Le sénateur Corbin : J'ai quelques questions inoffensives. Est-ce la première fois que vous effectuez ce type d'examen législatif?

Mme Smallridge : Au Canada, oui. Nous avons mené à bien des projets similaires ailleurs dans le monde.

Le sénateur Corbin : Est-ce la première fois que vous devez effectuer un examen législatif pour Exportation et développement Canada?

Mme Smallridge : Oui.

Le sénateur Corbin : Qui s'était acquitté de l'examen précédent?

Mme Smallridge : Je crois que c'était la firme Gowlings.

Le sénateur Corbin : Avez-vous discuté de quoi que ce soit avec ces gens-là au cours de votre examen?

Mme Smallridge : Non.

Le sénateur Corbin : Cela aurait-il été utile?

Mme Smallridge : Je suppose. Nous aurions certainement été ravis d'avoir la possibilité de leur parler.

Le sénateur Corbin : Avez-vous pris connaissance de leur rapport?

Mme Smallridge : Oui. Nous le connaissions bien.

Le sénateur Corbin : Comment avez-vous été choisie pour effectuer un examen comme celui-là? À la suite d'un processus d'appel d'offres?

Mme Smallridge : Oui.

Le sénateur Corbin : Je suis sûr que ce genre de travail est bien payé, mais cela n'a rien à voir.

Parmi vos nombreuses recommandations, laquelle est la plus importante ou la plus lourde de conséquences, celle qui devrait être notre point de mire, à votre avis? Vous êtes l'auteur du rapport.

Mme Smallridge : Il y en a sans doute plus d'une, mais nous avons déjà discuté de celle qui vient au premier rang à mes yeux, l'assurance crédit à court terme. J'ajouterais la transparence, la nécessité pour EDC d'être plus ouverte quant aux résultats de ses opérations et de présenter des rapports, comme le font les assureurs du secteur privé relevant du BSIF. Il n'y a aucune raison d'avoir des doutes sur la probité d'EDC, mais la transparence est un excellent moyen de se gagner la confiance du marché.

Le sénateur Corbin : Vous n'avez pas fait d'audit?

Mme Smallridge : Non.

Le sénateur Corbin : Cela fait toute la différence du monde. Il appartient à quelqu'un d'autre de s'en charger.

Je vais maintenant vous poser une question encore plus étrange. Cet examen est imposé par la loi; il est incontournable. Je suis étonné qu'en anglais, on parle d'un examen législatif. On pourrait croire que les législateurs s'en chargeraient, mais ils confient cette tâche à une société d'experts-conseils. Par la suite, le Sénat doit se pencher sur le rapport de cette société et compléter son examen rapidement; c'est ce qu'on nous dit.

En toute sincérité — et mon attitude est des plus positives —, maintenant que vous avez terminé le rapport, que vous avez entendu des témoins, que vous avez discuté de diverses questions avec un certain nombre d'intervenants, dites-moi une chose : si cet examen mandaté par la loi n'avait pas eu lieu, le monde tournerait-il comme d'habitude? Autrement dit, existe-t-il des mécanismes ou des garanties suffisants qui font en sorte qu'EDC fonctionne de façon professionnelle? En somme, cet examen quinquennal que nous impose la loi est-il nécessaire? Je vous pose la question en toute sincérité.

Mme Smallridge : Fort bien, et je vous répondrai avec tout autant de sincérité. Dans la foulée d'un examen comme celui-là ou d'autres, lorsque des organismes sont scrutés à la loupe, ils savent où se trouvent leurs faiblesses et quels sont les domaines qui exigent leur attention. Ce rapport aurait pu tenir en une page. Le processus d'examen et de rapport accélère le changement et les améliorations. Je le crois sincèrement.

Le président : Ce sont des avantages préventifs.

Le sénateur Mahovlich : Dans la situation mondiale actuelle, combien de banques ou de banques d'exportation et de développement en Amérique ont fait faillite ces dernières années?

Mme Smallridge : Le modèle américain est très différent du modèle canadien. Les États-Unis ont une agence gouvernementale qui cautionne les banques commerciales Citibank, Bank of America, Wachovia, et cetera, toutes les grandes banques.

Le sénateur Mahovlich : Notre situation n'est pas similaire?

Mme Smallridge : Non, c'est un arrangement différent.

Le sénateur Mahovlich : Sont-elles toutes dans le pétrin?

Mme Smallridge : Ce n'est pas tellement qu'elles sont dans le pétrin, mais elles ont du mal à accéder au financement nécessaire pour assurer la poursuite de leurs opérations.

Le sénateur Mahovlich : Quels changements à cet examen recommanderiez-vous?

Mme Smallridge : À notre rapport?

Le sénateur Mahovlich : Oui.

Mme Smallridge : Il a résisté à l'épreuve de cette crise. Nous avons réexaminé le rapport en détail à la lumière des événements survenus au cours des deux derniers mois. Ce rapport est une rétrospective des 10 dernières années.

Le sénateur Mahovlich : Le gouvernement devrait-il resserrer la réglementation?

Mme Smallridge : Pas nécessairement. Tout dépend de ce que vous entendez par là; si c'était une question générale ou non.

Le sénateur Mahovlich : Le gouvernement devrait-il resserrer la réglementation pour s'assurer que les choses sont faites correctement? À mon avis, c'était le coeur du problème pour les Américains. De façon générale, en l'absence de règles, les institutions financières ont consenti des prêts à n'importe qui.

Mme Smallridge : Les articles de journaux ont été encourageants au sujet de l'état du secteur bancaire canadien. Le Canada est un modèle non seulement pour les organismes de crédit à l'exportation, mais aussi pour les institutions bancaires partout dans le monde.

Le président : Vous avez relevé le fait que depuis la rédaction du rapport, le monde a beaucoup changé. Si vous deviez le rédiger cette semaine, y apporteriez-vous des changements.

Mme Smallridge : Non; nous ne changerions pas notre rapport.

Le président : Deuxièmement, vous proposez dans votre rapport qu'EDC ouvre des bureaux à l'étranger. D'autres concurrents ont-ils des bureaux à l'étranger? Est-ce caractéristique de ce type d'organismes?

Mme Smallridge : EDC est plus qu'un organisme de crédit à l'exportation. D'autres pays ont d'autres types d'institutions qui remplissent des fonctions similaires, et ils ont des bureaux à l'étranger. L'Allemagne a un bureau au Brésil, et cela n'est pas inhabituel. La réponse à votre question est oui.

Le président : Le marché étant ce qu'il est aujourd'hui, avons-nous besoin d'un organisme comme EDC?

Mme Smallridge : Oui.

Le président : Pourquoi?

Mme Smallridge : Parce que les compagnies canadiennes doivent livrer concurrence sur la scène internationale. Ce besoin est encore plus criant avec l'émergence de la Chine, de l'Inde et du Brésil, dont les organismes sont beaucoup plus imposantes qu'EDC, et qui font concurrence aux entreprises canadiennes. À elle seule, la compétitivité internationale est une raison suffisante pour doter EDC de la puissance de feu qu'elle a. Au-delà de cela, il y a de nombreux enjeux et raisons d'ordre national qui justifient l'existence d'EDC, à mon avis.

Le président : Le rôle que joue EDC n'est pas assumé complètement par ses concurrents?

Mme Smallridge : Tout dépend de la façon dont vous définissez les concurrents car ils peuvent avoir des organismes qui mènent certaines activités analogues à celles d'EDC. Il est très avantageux que toutes les activités d'EDC se retrouvent sous un même toit et y soient coordonnées.

Le président : Y a-t-il d'autres questions pour nos témoins? Non? Dans ce cas, permettez-moi de vous remercier au nom de tous nos collègues. Comme vous le savez, votre rapport continuera d'être examiné en profondeur. Nous avons encore quelques séances à lui consacrer. Nous vous remercions d'avoir pris le temps d'être venue ici aujourd'hui.

Collègues, j'ai une annonce à faire. Je vous signale que le ministre est disponible pour nous rendre visite mardi prochain, à 16 heures. Je demanderai au Sénat de nous autoriser à siéger à une autre heure que d'habitude. Si ma requête est contestée, j'espère que vous m'appuierez lorsque je la présenterai au Sénat demain ou après-demain — je pense qu'il faut donner une journée de préavis.

Nous nous réunirons de nouveau demain à 16 heures et nous accueillerons des hauts fonctionnaires de Finances Canada. Certaines des questions qui ont été posées tout à l'heure pourront leur être posées. À 16 h 45, nous accueillerons l'une des plus grandes sociétés d'assurance crédit du monde, Atradius. Je peux dire à certains de nos visiteurs aujourd'hui que nous sommes impatients de leur parler demain à 16 h 45.

(La séance est levée.)

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