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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

OTTAWA, le jeudi 5 décembre 2013

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie- Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Chers collègues, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international poursuit aujourd'hui son étude sur les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.

Ce matin, nous entendrons le témoignage de M. Todd Winterhalt, vice-président du Développement des affaires, marchés internationaux, à Exportation et développement Canada.

Comme d'habitude, les sénateurs vous poseront des questions après votre exposé préliminaire.

Nous poursuivons notre examen des questions d'ordre général en Asie-Pacifique. Nous demandons conseil pour cerner les aspects sur lesquels nous devrions nous concentrer et que n'ont peut-être pas examinés le comité de la Chambre des communes ou d'autres intervenants tels que les universitaires.

Nous allons réduire la portée de notre étude sur certains aspects. Pour l'instant toutefois, nous aimerions connaître votre point de vue sur l'Asie-Pacifique par rapport au Canada. Nous vous souhaitons la bienvenue au comité.

Todd Winterhalt, vice-président, Développement des affaires, Marchés internationaux, Exportation et développement Canada : Merci beaucoup, madame la présidente, mesdames et messieurs. Je vous remercie d'avoir invité EDC à parler devant ce comité. Nous vous sommes reconnaissants de l'intérêt que vous portez aux activités d'Exportation et Développement Canada visant à développer le programme commercial entre le Canada et la région Asie-Pacifique, en particulier l'ANASE.

La part de l'ANASE dans les exportations de marchandises totales du Canada est à peu près la même depuis cinq ans, soit environ 1 p. 100, en ayant augmenté très légèrement à 1,1 p. 100 à la fin de 2012. En effet, les exportations canadiennes vers l'ANASE étaient de 4,4 milliards de dollars en 2008, puis elles ont décliné en 2009-2010 en raison de la conjoncture économique mondiale chancelante, pour enfin s'établir à 5 milliards de dollars à la fin de 2012. L'Indonésie demeure la destination de choix avec un peu plus d'un tiers du total des exportations du Canada vers cette région, soit 1,6 milliard de dollars, l'année dernière en volume total.

Les proportions du commerce bilatéral avec cette région sont également restées semblables : le Canada a importé de l'ANASE deux fois plus que ce qu'il y a exporté. En 2012, les échanges bilatéraux ont atteint près de 16 milliards de dollars, dont 10,8 milliards de dollars d'exportations de l'ANASE, contre 5 milliards de dollars d'exportations canadiennes.

Même s'il a fallu 10 ans pour que le Canada double la valeur de ses exportations vers l'ANASE, certains signes encourageants s'étant manifesté récemment laissent présager une croissance potentielle. En effet, les exportations des trois premiers trimestres de 2013 sont en hausse de plus de 15 p. 100. Cette augmentation est attribuable aux plus grands volumes de production des industries traditionnelles du secteur des produits de base du Canada, soit les industries forestières, minières, surtout l'or et les métaux recyclés, et agroalimentaires, particulièrement le blé et le porc.

Heureusement, je pense que les entreprises canadiennes de haute technologie qui ont signé de nouveaux contrats de vente ont aussi quelque chose à voir dans cette croissance. Bombardier et Bell Hélicoptère, en particulier, ont décroché des ventes d'aéronefs dans des marchés à forte croissance comme l'Indonésie. Ce marché est d'ailleurs l'un des plus lucratifs pour BlackBerry, puisque 15 millions de personnes se sont procuré cet appareil, représentant plus de 20 p. 100 des utilisateurs de BlackBerry dans le monde.

En outre, la majorité des segments des technologies de pointe ont connu une croissance dans les deux chiffres l'an dernier, alors que l'expansion de la classe moyenne contribue à la création de nouvelles technologies. Le transport et le commerce de détail ont aussi connu une croissance dans de nombreux marchés de l'ANASE.

En tant que région, le PIB a connu un taux de croissance de 5,7 p. 100 l'an dernier, ce qui est nettement supérieur aux marchés d'exportation traditionnels du Canada. Par exemple, l'année dernière les États-Unis ont connu une croissance du PIB de 2,2 p. 100. L'Union européenne, en tant que région, a vu son PIB reculer de 0,5 p. 100.

En raison de son fort taux de croissance, de l'évolution des habitudes de consommation et du recul de la Chine où les coûts de production sont de plus en plus élevés, les entreprises étrangères s'intéressent à l'Asie du Sud-Est.

Les exportateurs et les investisseurs sont aussi attirés par l'ANASE en raison de l'intégration progressive de la région à l'issue de laquelle ces 10 marchés en formeront un seul, énorme, de 620 millions de personnes, avec un PID de plus de 2 billions de dollars américains. Ce marché deviendrait alors le sixième ou le septième marché le plus grand au monde, selon les données qu'on utilise.

Ce processus d'intégration devrait s'accélérer grâce aux politiques de libéralisation des échanges et aux accords de coopération économique mis en œuvre à l'échelle de l'ANASE.

[Français]

La part canadienne en investissements directs étrangers dans l'ANASE a atteint 7,7 milliards de dollars en 2011, soit plus de l'investissement combiné en Inde et en Chine. L'Indonésie obtient presque la moitié de l'investissement total, suivie par Singapour, avec plus ou moins 30 p. 100. Les segments d'investissement les plus prisés sont les services professionnels, par exemple, les services-conseils, ainsi que le TIC, le pétrole et le gaz naturel, les services financiers, le secteur de la fabrication et celui de l'environnement.

La Fondation Asie-Pacifique du Canada a récemment publié les résultats de son sondage 2013 sur les entreprises canadiennes en Asie du Sud-Est. Ce sondage démontre une forte présence canadienne dans cette région, mais cela ne date pas d'hier. Dans de nombreux cas, les entreprises sondées ont affirmé avoir une présence physique dans cette région depuis plus de 10 ans. La majeure partie des entreprises canadiennes présentes offrent des services de financement et d'autres services professionnels ou font affaires dans les secteurs de la fabrication ou du pétrole et du gaz naturel. Fait notable, la plupart sont des petites et moyennes entreprises qui se disent généralement très satisfaites d'avoir investi dans l'ANASE.

Plus de 60 p. 100 d'entre elles ont augmenté leurs investissements dans cette région au cours des deux dernières années, et 81 p. 100 croient avoir de bonnes ou d'excellentes perspectives d'investissements dans les marchés potentiels.

La Thaïlande, l'Indonésie, Singapour et le Viêtnam arrivent en tête des marchés potentiels des répondants, et c'est l'Indonésie qui occupe le premier rang des régions où les entreprises déjà présentes dans l'ANASE visent une croissance de leurs affaires.

[Traduction]

Cependant, le contexte commercial de l'ANASE représente toujours un défi pour les Canadiens. Il s'agit d'une région de marchés très variés et complexes, où règne une forte concurrence au plan des coûts. L'environnement réglementaire est très variable, de Singapour, considéré par la Banque mondiale comme le pays où il est le plus facile de faire des affaires, au Myanmar, qui occupe le 182e rang sur 189 et donc l'un des pays où c'est le plus difficile de faire des affaires. En comparaison, le Canada arrive 19e au classement de la Banque mondiale.

Dans le sondage mené par la Fondation Asie Pacifique du Canada, 49 p. 100 des répondants ont affirmé qu'il était plus difficile de commercer dans l'ANASE que n'importe où ailleurs, malgré l'optimisme qu'ils ont exprimé par rapport à cette région dans le cadre du même sondage.

Les plus grands défis sont notamment : la corruption, qui a été qualifiée d'obstacle le plus important dans cinq des dix marchés de l'ANASE, y compris l'Indonésie, les Philippines et le Vietnam, des pays à forte croissance; le traitement de faveur accordé aux entreprises nationales dans certains pays, comme le Brunei, la Thaïlande et la Malaisie; l'application irrégulière des règlements, notamment au Vietnam, en Indonésie et aux Philippines, et enfin, le risque de violation de la propriété intellectuel, que nous voyons dans plusieurs marchés émergents.

De plus, des lacunes observées dans les infrastructures de bon nombre de ces marchés représentent un défi pour les entreprises : de l'alimentation à l'électricité à l'entrée des marchandises par voie maritime et leur distribution subséquente.

En dépit de ces obstacles, ce marché présente d'excellentes occasions d'affaires et possibilités d'investissement pour les entreprises canadiennes dans un vaste éventail de secteurs. Dans le secteur des technologies de l'information et des communications, l'expertise du Canada en télécommunications peut répondre aux besoins variés des marchés de l'ANASE, que ce soit la construction de réseaux de communication essentiels dans les marchés frontaliers, les services de données de pointe ou les applications qui alimentent l'industrie de la téléphonie mobile, comme c'est le cas à Singapour.

Dans le secteur agroalimentaire, alors que les consommateurs dépensent de plus en plus et que l'urbanisation progresse, la demande de transformation plus efficace des aliments et de produits alimentaires occidentaux augmente. L'ANASE, qui cherche à multiplier les sources alimentaires, investit aussi largement dans la machinerie et les technologies d'emballage liées aux aliments et aux boissons.

Le secteur de l'automobile est un autre secteur pour lequel nous voyons d'excellentes possibilités pour les fournisseurs canadiens. La Thaïlande, plus particulièrement, compte plus de 50 p. 100 de la production automobile de l'ANASE et sert de plaque tournante pour la fabrication régionale de la plupart des grands équipementiers. En fait, les ventes d'automobile de la région ont augmenté de plus de 7 p. 100 cette année, et ce, chaque année, et des marchés comme le Vietnam, l'Indonésie et les Philippines connaissent tous une croissance d'au moins 10 p. 100.

Les industries extractives, que ce soit le pétrole, le gaz ou l'exploitation minière, connaissent aussi un certain nombre de possibilités, grâce à des compagnies comme Petronas en Malaisie, PTTEP en Thaïlande et Pertamina en Indonésie. Ce sont déjà des acheteurs clés de matériel et de fournitures canadiens pour l'exploitation des hydrocarbures et les besoins croissants de l'ANASE en matière d'énergie ainsi que l'émergence d'autres compagnies pétrolières et gazières dans la région, comme PetroVietnam, continueront d'offrir des débouchés aux compagnies canadiennes.

Du point de vue de l'EDC et pour contribuer à l'accroissement des possibilités canadiennes en Asie du Sud-Est, nous avons mis l'accent sur quelques stratégies.

Tout d'abord, développer et approfondir nos relations avec des acheteurs et des emprunteurs du secteur privé réputés et solvables dans l'ensemble de l'ANASE. Je pourrais vous citer comme exemples PLDT, SingTel à Singapore et San Miguel Corporation dans les Philippines.

Deuxièmement, continuer de renforcer nos partenariats financiers dans la région en mettant l'accent sur l'amélioration de notre gamme de services financiers à l'appui des petites et moyennes entreprises.

Troisièmement, consacrer plus de temps pour aider à jumeler les capacités canadiennes avec les occasions liées au marché de l'ANASE grâce à des jumelages ciblés et planifiés dans le cadre des relations stratégiques qu'EDC entretient avec des acheteurs des secteurs public et privé.

[Français]

Poursuivre les efforts en matière de sensibilisation des investisseurs et des exportateurs canadiens afin de discuter de leurs intérêts stratégiques dans l'ANASE et de promouvoir des occasions viables. Fournir alors les services nécessaires aux partenaires du secteur bancaire afin de créer une capacité financière auprès des sociétés canadiennes affiliées dans l'ANASE à maintenir l'engagement étroit auprès de ce risque de délégués commerciaux du Canada, des partenaires du secteur bancaire, de la Chambre de commerce ANASE Canada, en ce qui a trait à la prestation de ce risque, soit-il utile aux entreprises canadiennes cherchant à exercer des activités dans l'ANASA.

[Traduction]

Et finalement, faire fond sur les projets et l'expérience financière d'EDC auprès d'organismes multilatéraux, comme la Banque asiatique de développement et la Société financière internationale pour aider à stimuler davantage de possibilités d'approvisionnement pour les exportateurs canadiens.

En conclusion, je mettrais l'accent sur trois points principaux.

D'abord, malgré les défis inhérents au commerce en Asie du Sud-Est, la croissance continue de cette région offre des occasions d'affaires considérables pour le Canada en matière d'exportations.

Deuxièmement, les partenariats et avoir une présence locale pour les compagnies canadiennes sont les clés de leur succès.

Troisièmement, enfin, les entreprises canadiennes qui font les efforts nécessaires afin de bien comprendre les besoins des marchés et qui adaptent leurs produits et leurs processus en conséquence sont celles qui ont le plus de chance de réussir à plus long terme dans ce marché.

Je vous remercie de votre aimable attention et de nous avoir donné la possibilité de témoigner aujourd'hui.

La présidente : Merci, monsieur Winterhalt.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Monsieur Winterhalt, soyez le bienvenu devant notre comité. C'est toujours avec plaisir qu'on reçoit les gens d'EDC parce qu'ils sont vraiment très aux faits de tout ce qui se passe un petit peu partout dans le monde, alors c'est vraiment intéressant.

Dans une brève vidéo sur le site web du Financial Post, qui a été diffusée en mai dernier, vous avez mentionné l'Indonésie comme possibilité intéressante. Vous en parlez encore aujourd'hui avec beaucoup d'intérêt, et j'aimerais peut-être que vous élaboriez un petit peu plus sur les possibilités en Indonésie.

Je voudrais savoir aussi si vous avez entendu parler d'histoires d'horreur, parce que quand nous sommes allés en Chine, on a pris connaissance, si vous voulez, d'une compagnie qui avait fait faire un produit en Chine et le produit avait été mal fait, donc le Canadien avait retardé son paiement.

Celui qui produisait l'équipement a invité le Canadien. Aussitôt que le Canadien a été rendu là-bas, il a été emprisonné parce que, quand ce cas a été devant la justice, le juge s'était laissé acheter. Alors ce qui fait que notre Canadien est encore en prison actuellement.

Je voudrais savoir si, au niveau de l'Indonésie, parce qu'à un moment donné vous avez mentionné qu'il y avait aussi de la corruption là-bas, je veux savoir si c'est le même type de corruption qu'on a vu en Chine ou ailleurs et qu'est-ce qu'on peut faire pour ça?

[Traduction]

M. Winterhalt : Je remercie madame la sénatrice de cette question et du fait qu'elle se souvienne de cette vidéo. J'avais même oublié son existence.

Je vais commencer par l'Indonésie. Pour ce qui est des possibilités, elles sont en fonction de la taille du pays. Ce pays compte aujourd'hui près de 250 millions d'habitants et son PIB a un pouvoir d'achat paritaire qui s'approche de 1,2 billion de dollars. C'est presque un monolithe dans la région et, très certainement, le marché qui selon moi attire bon nombre d'entreprises canadiennes et occidentales, mais qui constitue aussi une plaque tournante pour faire d'autres affaires dans l'ensemble de la région. Comme je l'ai dit, le positionnement géographique de l'Indonésie fait en sorte qu'il favorise largement les affaires avec le reste de l'Asie du Sud-Est.

Nous avons constaté que des entreprises commencent à quitter Singapore, qui était traditionnellement la plaque tournante, parce qu'il est maintenant plus facile, comme je l'ai mentionné, de faire des affaires dans des marchés qui présentent un peu plus de défis, comme l'Indonésie, en raison des débouchés qui s'offrent tant dans ce pays que dans la région.

Cela étant, je dirais que parallèlement et pour tout marché émergent, les entreprises canadiennes ainsi que toutes les autres d'ailleurs font face à des risques élevés de diverses natures dont la corruption, le déficit d'infrastructure et des différences relativement à l'environnement réglementaire par exemple. Ainsi, l'Indonésie ne serait pas différente à cet égard.

C'est quelquefois difficile de faire des comparaisons directes. On aime beaucoup faire cela avec la Chine, encore une fois en raison de la taille de ce marché et de l'expérience que nous avons eue. Cependant, l'Indonésie a suivi selon moi une voie tout à fait différente pour ce qui est de son évolution en tant que marché : bien sûr l'influence communiste est moins présente mais il n'en demeure pas moins que certains problèmes continuent d'exister.

Le conseil que nous donnons souvent aux exportateurs et aux investisseurs canadiens intéressés par l'Indonésie ou tout autre marché émergent, c'est d'être diligent. Dans ces marchés-là, ils ne peuvent avoir recours qu'au service du délégué commercial, des organisations commerciales provinciales ou bien des services d'EDC, qui grâce à de l'aide financière peut aider à atténuer certains de ces risques.

Les entreprises canadiennes doivent vraiment avoir les yeux grands ouverts avant de viser ces marchés. En quelques mots, l'Indonésie, ce n'est pas Singapour. Il y a des risques élevés, mais il existe aussi des façons d'en atténuer une partie.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Pouvez-vous me dire s'il y a un bureau d'EDC en Indonésie?

[Traduction]

M. Winterhalt : Non, il n'y en a pas à l'heure actuelle. Dans l'Asie du Sud-Est, notre base se situe à Singapour. Nous sommes présents dans ce pays depuis 2008. Nous sommes d'abord entrés en Asie du Sud-Est par la Malaisie en 2004, mais encore une fois nous avons trouvé que le flux d'échanges commerciaux et d'investissements canadiens passent véritablement par Singapour. Par conséquent, après avoir passé quatre ans en Malaisie, nous avons réinstallé notre bureau à Singapour pour être plus au centre des activités canadiennes.

Mais l'Indonésie reste envisageable pour ce qui est des possibilités à moyen terme. Encore une fois, je pense que comme la plupart des gens, nous aimerions que l'environnement réglementaire se développe davantage et que certains risques soient atténués.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Est-ce que vous avez déjà fait des interventions auprès du gouvernement pour qu'il y ait un bureau là-bas?

[Traduction]

M. Winterhalt : À l'heure actuelle non, nous ne l'avons pas fait.

La sénatrice Ataullahjan : Merci, monsieur Winterhalt, pour votre exposé.

L'EDC relie des entreprises canadiennes à des marchés internationaux. Lorsque vous jouez ce rôle à l'échelle mondiale, et plus particulièrement dans cette région, quelle considération accordez-vous aux droits des travailleurs, et avez-vous constaté des problèmes liés aux droits des travailleurs dans cette région?

M. Winterhalt : Je vais répondre, du moins initialement, en disant qu'il s'agit d'un problème auquel nous faisons face dans tous les marchés émergents, qu'il s'agisse de problèmes liés au travail ou aux travailleurs, cela correspondrait en gros à ce que nous appellerions les responsabilités sociales des entreprises et aux questions de type environnemental ou autre. Bon nombre de ces marchés émergents sont tous nouveaux et, dans certains cas, ils n'ont pas encore établi les règlements ou les processus qui existeraient dans d'autres pays du monde et dans les pays occidentalisés. Bien sûr, c'est quelque chose que nous avons à l'esprit lorsque nous aidons un investisseur ou un exportateur canadien à faire affaire dans ces marchés.

En fait, dans bien des cas, selon la nature du projet, EDC aurait des exigences législatives pour garantir que les risques environnementaux sont convenablement évalués afin de respecter soit les normes de la Banque mondiale ou de rendements internationaux relativement au travail que nous effectuons. Cela comprend à la fois les droits des travailleurs et des normes environnementales.

Cette question est une priorité pour nous et pour la plupart des entreprises canadiennes, d'ailleurs. C'est bien d'avoir des occasions, mais il faut respecter nos valeurs.

La sénatrice Johnson : Bonjour, je vous remercie d'être avec nous. Votre exposé m'a vraiment plu.

Dans l'ensemble, le Canada a un grand déficit commercial avec les pays de la région Asie-Pacifique. En 2012, la valeur des marchandises canadiennes exportées dans la région Asie-Pacifique était de 47 milliards de dollars, tandis que la valeur des importations était d'environ, à ce qu'on me dit, 94. Qu'est-ce qui explique le déficit entre la région Asie- Pacifique et le Canada?

M. Winterhalt : Oui, c'est intéressant. J'ai donné l'exemple de l'Indonésie. Nous constatons que même au niveau de chaque pays, le ratio est de deux pour un dans la région Asie-Pacifique. Alors que les entreprises cherchent des occasions de réduire leurs coûts de production, nous voyons des occasions d'investissements canadiens supplémentaires ou IDCE — investissements directs canadiens à l'étranger — dans des régions et moins d'exportations. Voilà ce qui prime.

Dans de nombreux marchés émergents, on voit souvent des Canadiens qui établissent des opérations pour contribuer essentiellement à la réduction de leurs coûts de production soit pour miser sur ces marchés soit pour revenir au Canada. Donc, il s'agit presque d'une tendance : avec l'évolution des marchés, les investissements atteignent un premier sommet, puis la valeur des exportations augmente avec le temps.

De l'autre côté, lorsque les coûts de production sont plus bas, comme c'est le cas dans de nombreux marchés du Sud- Est de l'Asie, ces biens et services deviennent très compétitifs, alors comme consommateurs, il y a un intérêt à se battre pour ces marchandises à prix inférieurs. Voilà ce qui explique de façon générale la différence, mais le marché a tendance à suivre un phénomène qui veut que, à mesure que ces marchés se développent et que le pouvoir d'achat augmente, on s'intéresse davantage aux produits occidentaux ou aux produits de technologie de communication et d'information, voire même aux produits agricoles. Dans ce cas, les niveaux d'exportation commencent à augmenter.

La sénatrice Johnson : Vous avez parlé des produits occidentaux. Quels sont les principaux produits d'importation et d'exportation de cette région?

M. Winterhalt : Je vais commencer par les exportations. Aujourd'hui, nous voyons surtout ce qu'on pourrait qualifier de produits traditionnellement canadiens, qu'il s'agisse de produits de base ou de produits manufacturés où nous avons un avantage compétitif distinct.

Du côté des produits de base, comme je l'ai dit, il y a beaucoup de blé, de céréales, de légumineuses. Les produits porcins en particulier ont de larges débouchés en Asie du Sud-Est.

Du côté des produits transformés ou à valeur ajoutée, il y a certainement notre industrie aérospatiale qui a un bon bilan là-bas. Bombardier obtient toujours du succès avec ses avions de transport régional et ses avions à turbopropulseurs. Bell Hélicoptère est très actif en Asie du Sud-Est également. Comme je l'ai dit, BlackBerry et de nombreuses autres entreprises de technologie des communications et de l'information, y compris Mitel, ont un marché solide là-bas. Voilà ce qui fait le tour des exportations.

À l'inverse, de nombreux secteurs sont concernés par les importations. Il peut s'agir de textiles ou de machineries, en passant par de l'équipement manufacturier léger et des ressources, quoique en moins grande quantité que dans l'autre direction. La délocalisation de la prestation de services est de plus en plus commune, puisqu'on voit des centres de télémarketing ou autres établis ailleurs. Une bonne partie de cette délocalisation se fait dans le marché de l'Asie du Sud-Est.

La sénatrice Johnson : Ainsi, on comprend de mieux en mieux — et vous avez soulevé trois arguments — les besoins de ces marchés. Selon vous, faisons-nous des progrès appréciables malgré le déficit commercial dont nous venons de parler?

M. Winterhalt : Oui. Encore une fois, à mes yeux, ça fait partie de ce qu'on pourrait appeler la chaîne du commerce d'intégration. Les lieux de fabrication et de vente ont radicalement changé au cours des 10 ou 20 dernières années. Ce que nous avons remarqué, par exemple, il y a disons 10 ou 15 ans, la Chine et l'Inde étaient perçues comme les deux seuls principaux lieux d'investissement et d'exportation pour les Canadiens, et une bonne partie de la production a été délocalisée dans ces pays. À mesure que ces marchés continuent d'évoluer et de se développer et que leur propre pouvoir d'achat augmente, leur propre coût de production augmente. Ce phénomène est en fait en train de se déplacer, passant de la Chine et l'Inde à des pays comme le Vietnam, les Philippines, et la Thaïlande, où les coûts de production sont inférieurs.

On voit presque la chronologie de l'évolution dans le marché, et c'est ce à quoi je fais référence lorsque je parle de la compréhension des flux commerciaux. Encore une fois, il y a de grandes occasions pour les fournisseurs canadiens de pièces d'automobile en Thaïlande afin de mieux servir les marchés chinois et indiens à l'avenir.

La sénatrice Johnson : C'est très instructif.

J'aurai d'autres questions.

Le sénateur D. Smith : Hier, nous avons entendu deux témoins, John Curtis et Colin Roberston. Vous les connaissez probablement tous les deux. Colin nous faisait valoir que la Chine est un peu comme un modèle.

Lorsque notre comité a fait son étude sur les pays BRIC, nous sommes allés à Shenzhen, qui à une certaine époque était un village. La ville a maintenant une population supérieure à celle de Hong Kong. Lorsqu'on voit toutes ces usines, et nous avons visité celle de Honda, on se demande quel niveau d'éducation en haute technologie la société a besoin pour combler tous les emplois de fabrication nécessaires en haute technologie. Lorsque vous avez parlé des pays de l'ANASE, je n'ai pas remarqué qu'on ait porté une attention particulière à l'éducation.

Je présume que Singapour a le niveau le plus élevé, mais les coûts de la main-d'œuvre seraient plus élevés également. Pourriez-vous nous parler du niveau d'éducation en haute technologie nécessaire et comment ces pays se comparent à cet égard, en tenant compte de leurs coûts de main-d'œuvre respectifs.

M. Winterhalt : Certainement.

Le sénateur D. Smith : Le potentiel de fabrication.

M. Winterhalt : Je suis d'accord pour dire qu'il y a un besoin absolu d'augmenter le niveau d'éducation dans l'ensemble des pays de l'ANASE, en particulier dans les plus petits marchés. Je dirais qu'ils accusent un certain retard par rapport au niveau d'éducation en Chine ou en Inde, par exemple.

Il y a certainement un désir de rattrapage, qui est d'ailleurs aussi une nécessité. Chaque pays, et l'ensemble de la région, a certainement illustré la nécessité d'augmenter le niveau d'éducation, soit de façon générale ou dans le secteur manufacturier de la haute technologie plus précisément, afin que la région puisse attirer ce genre d'emplois.

La situation démographique joue largement en leur faveur. La population a tendance à être beaucoup plus jeune qu'en Chine ou en Inde, elle semble davantage à l'affût des nouvelles façons d'apprendre, elle s'adapte et fait preuve de souplesse relativement à l'utilisation de la technologie et de la compréhension de sa valeur.

Ce qui est très intéressant, et c'est ce que mes collègues délégués commerciaux me disaient, ce sont les possibilités qui s'offrent au Canada d'exporter l'éducation, si j'ose dire. Il y a toujours des occasions considérables d'exporter nos programmes et nos systèmes d'éducation à bon nombre de ces marchés et, inversement, d'inviter une bonne partie de la jeune population de ces pays au Canada pour qu'ils obtiennent des diplômes et apprennent à connaître un peu mieux la dynamique canadienne. Il y a non seulement un développement social qui permet d'attirer des investissements supplémentaires, mais aussi de réelles occasions commerciales pour le Canada dans ces marchés.

Le sénateur D. Smith : Il est intéressant que vous souleviez cette question parce que lorsque nous travaillions à la rédaction du rapport sur la Turquie, nous en avons entendu parler. Il était intéressant de noter que les écoles de génie n'étaient pas toutes d'un calibre élevé. Un des collèges communautaires a littéralement un employé à temps plein à Istanbul qui profite de toute une dynamique. Croyez-vous qu'il y a des occasions semblables dans la région de l'Asie pour le Canada et les établissements d'enseignement?

M. Winterhalt : Oui, absolument. Nous pourrions miser sur nos forces. En général, le système d'éducation canadien est perçu comme très solide — un système qu'on cherche à émuler. L'Université de Toronto, par exemple, ouvre une école des affaires en Inde. On a fait quelques pas à cet égard dans la région.

Le sénateur D. Smith : Oui.

M. Winterhalt : Ces démarches se multiplieront et nous serons perçus comme des modèles.

Le sénateur Oh : Quelle est l'ampleur de notre présence à Singapour, depuis 2008? J'ai rencontré l'ambassadeur de Singapour au Canada il y a quelques mois. Il me disait que la présence canadienne dans les pays de l'Asie est encore de loin inférieure à celle de l'Australie et des États-Unis.

M. Winterhalt : Du point de vue d'EDC, nous avons choisi Singapour comme plaque tournante dans la région. Mon vice-président pour l'Asie est posté à Singapour non seulement en raison des occasions qui s'y trouvent, mais aussi en raison des liens que l'on peut nouer avec le reste de la région et des occasions de partenariats bancaires à Singapour, qui est un centre financier très solide dans la région. Singapour est un site d'implantation critique pour EDC.

Nous sommes colocalisés avec notre haut-commissariat à Singapour, comme c'est le cas à nos autres bureaux. On voit une très forte tendance à la hausse pour ce qui est de la présence canadienne dans le marché.

Je crois aussi que vous avez raison de dire qu'il faut remettre les choses en perspective dans cette discussion. Il est certain que le Canada n'a pas la même présence que l'Australie et les États-Unis. L'Australie mise sur la proximité et les Américains, sur la diversification des secteurs et la présence de longue date dans la région.

Nous voyons un taux de croissance très élevé, en particulier du côté des investissements, ce qui pour nous, mènera à davantage de commerce et d'exportation vers le marché. Il s'agit d'une bonne nouvelle et notre situation s'améliore sans cesse.

Le sénateur Oh : Formidable.

Vous avez récemment parrainé le Forum commercial Canada-ANASE. Comment s'est-il déroulé?

M. Winterhalt : Le premier s'est tenu cette année. EDC est un commanditaire fondateur. Le gouvernement a qualifié l'initiative de grande réussite, tout comme le secteur privé qui représentait la région et le Canada. L'activité a été financée par les membres du conseil d'administration du Conseil commercial Canada-ANASE. La formule de partage des coûts a été adoptée au sein du groupe.

Le sénateur Oh : Notre délégué commercial à Singapour a-t-il une présence solide dans les divers pays?

M. Winterhalt : Oui, le Canada a une très forte présence dans les pays de l'ANASE. Je ne peux répondre à votre question de façon plus précise étant donné que je ne suis pas un employé du ministère des Affaires étrangères. Toutefois, je remarque que cette semaine, le gouvernement a publié son Plan d'action sur le commerce mondial, une nouvelle stratégie à laquelle de nombreux marchés asiatiques sont désormais associés à titre prioritaire. Je sais qu'on a accordé une grande priorité à ces marchés.

Le sénateur Downe : Je veux bien comprendre votre présence dans la région. Vous avez votre plaque tournante à Singapour. Combien de gens avez-vous à Singapour?

M. Winterhalt : Les opérations d'EDC sont assez modestes. La plupart des bureaux n'ont que deux employés. Étant donné que Singapour est un centre régional important, notre bureau a cinq employés : deux Canadiens et trois recrutés sur place.

Le sénateur Downe : Dans les autres pays de la région, y aurait-il une ou deux personnes?

M. Winterhalt : EDC a un modèle qui diffère quelque peu du Service des délégués commerciaux. Comme vous le savez, le Service des délégués commerciaux est présent dans 160 villes du monde, y compris au Canada. EDC est présent dans 33 villes dont 16 à l'étranger. Dans la région de l'Asie, nous avons des bureaux à Singapour, deux bureaux en Inde et deux bureaux en Chine. Dans la région de l'ANASE, nous avons actuellement un seul bureau à Singapour.

Le sénateur Downe : Vous n'avez personne en Indonésie, qui est donc desservie par le bureau de Singapour.

M. Winterhalt : C'est exact.

Le sénateur Downe : Est-ce que les trois employés recrutés sur place voyagent aussi dans la région?

M. Witerhalt : Bien sûr. Chaque employé est responsable d'un certain nombre de marchés pour lesquels il doit élaborer des plans d'affaires, voyager et prendre des contacts.

Le sénateur Downe : Est-ce que le soutien administratif est inclus dans ces cinq employés?

M. Winterhalt : Oui.

Le sénateur Downe : Cet individu-là ne voyagerait pas.

M. Winterhalt : C'est exact.

Le sénateur Downe : Donc il y aurait trois ou quatre personnes au maximum qui seraient responsables de tous les pays de la région, à l'exception de la Chine et de l'Inde.

M. Winterhalt : C'est exact. En plus du personnel de soutien qui de temps à autre se déplace du Canada dans ces marchés, notre personnel local est chargé de la mise en valeur commerciale. Au niveau financier, nous aurions des souscripteurs et autres agents, notamment des analystes de risque, qui se rendraient dans ces marchés.

Le sénateur Downe : Quel pourcentage du budget du développement du commerce international est alloué aux pays de l'ANASE, à l'exception de la Chine et de l'Inde?

M. Winterhalt : Nous divisons le budget en tiers, un pour chaque composante.

Le sénateur Downe : Un tiers pour l'Inde, un tiers pour la Chine, et un tiers pour le reste.

M. Winterhalt : L'ANASE, oui.

Le sénateur Downe : Vous avez parlé tout à l'heure de l'importance de l'Indonésie, qui a 250 millions d'habitants et une économie en croissance. Pourquoi n'aurions-nous pas des gens là-bas de façon permanente? Est-ce pour des raisons budgétaires?

M. Winterhalt : Je dirais que c'est en raison de divers facteurs, monsieur le sénateur.

Au début, lorsque nous nous sommes penchés sur le marché, nous avons tenu compte de la facilité de faire les affaires. En 2004 et 2008, lorsqu'on était en train de choisir des lieus d'implantation, l'Indonésie était un pays très différent. Depuis, la gouvernance, et les cadres réglementaires et législatifs se sont beaucoup renforcés. Donc, lorsqu'il a fallu prendre une décision il y a environ six ans, le choix de Singapour s'est imposé compte tenu de la possibilité de voyager facilement et fréquemment dans les marchés qui étaient en croissance et en expansion au niveau politique ainsi qu'au niveau économique.

De plus, compte tenu du fait qu'on parlait l'anglais à Singapour et qu'il y avait certaines traditions, qu'il y avait déjà un secteur bancaire, c'était plus facile pour EDC en tant que fournisseur de services financiers d'ouvrir un bureau à Singapour plutôt qu'à Djakarta, par exemple.

Le sénateur Downe : Vous avez dit que votre budget pour l'ANASE est divisé en trois. Quel pourcentage de votre budget total est consacré à la région de l'Asie, à part l'Inde et la Chine?

M. Winterhalt : Si vous regardez le budget total pour l'Asie, mon équipe est divisée en quatre...

Le sénateur Downe : Non, je veux parler de votre budget général pour le développement du commerce international.

M. Winterhalt : Nous avons un certain nombre de régions, dont l'Asie, l'Afrique, l'Europe, le Moyen-Orient, l'Amérique du Nord et l'Amérique. L'Asie reçoit la plus grande partie du budget et des ressources humaines à cause des occasions de croissance que nous y constatons. Plutôt que d'un quart du budget, il s'agit plutôt de 30 à 32 p. 100.

Le sénateur Downe : Étant donné les chiffres que vous avez présentés dans votre exposé, où se situe la croissance?

Le sénateur Downe : À l'échelle mondiale ou en Asie?

Le sénateur Downe : En Asie. Avec ce pourcentage du budget, je ne vois pas la croissance correspondante.

M. Winterhalt : La croissance à l'avenir sera la plus forte dans la région de l'ANASE. La Chine ralentit, l'Inde est en deuxième place dans la liste des trois plus importantes plaques tournantes. Bien que nous n'ayons pas de présence physique en Asie à l'extérieur de Singapour, nous avons la capacité de réaffecter des fonds et des ressources humaines supplémentaires là où l'on constate de la croissance.

Nous avons aussi tendance à être un peu comme un indicateur précurseur. Nous croyons que nous devons aider les exportateurs et les investisseurs canadiens à se préparer pour les occasions à venir plutôt que les occasions actuelles. Nous avons déjà commencé à investir une plus grande partie de nos ressources humaines et financières dans la région de l'ANASE.

Le sénateur Downe : Depuis combien de temps?

M. Winterhalt : Depuis environ deux ans maintenant.

Le sénateur Housakos : Nous connaissons tous les difficultés que peut avoir une entreprise canadienne pour faire affaire dans la région de l'Asie-Pacifique, étant donné la distance, la langue, la barrière culturelle et les réflexes de gouvernance très différents entre les entreprises canadiennes et celles de cette région. Je pense qu'il est normal que des entreprises comme SNC et Bombardier aient les ressources financières pour intervenir sur ce marché. Pourriez-vous nous donner une idée du pourcentage de vos partenaires commerciaux qui font affaire dans la région de l'Asie- Pacifique qui sont des multinationales ou de grandes sociétés nationales comparativement à des moyennes entreprises ici au Canada? En fin de compte, les petites et moyennes entreprises au Canada constituent l'épine dorsale de la croissance économique et nous fournissent les bons résultats à la fin de l'année lorsque l'on calcule le PIB et les échanges avec nos partenaires.

Voilà ma première question, pourriez-vous nous présenter cette répartition?

Deuxièmement, quels sont les défis que connaît actuellement l'industrie canadienne des services en Extrême-Orient? Encore une fois, c'est un secteur où nos échanges avec les États-Unis, l'Union européenne et les autres zones commerciales ont crû rapidement et qui étaient sous-estimées il y a une décennie ou deux. Maintenant, c'est devenu un pilier de notre croissance économique.

La troisième question fait suite à celle du sénateur Downe. Pourriez-vous nous dire combien vous dépensez dans l'Union européenne pour appuyer vos partenaires et être présent là-bas comparativement à la région de l'Asie- Pacifique?

M. Winterhalt : Je vais commencer par la première question, la différence entre les grandes sociétés et les petites et moyennes entreprises. Il y a deux façons d'envisager la situation. On peut parler de montant en dollars bruts, de volume comme on le fait souvent, mais on peut aussi regarder le nombre de transactions, de partenariats et de dollars investis dans ce marché. Je pense que cela présente un tableau différent. Ce que je veux dire, c'est que si le Canada appuie, financièrement ou par d'autres moyens, les activités et les efforts de nos champions mondiaux comme Bombardier et peut-être même Hatch et les autres que vous avez mentionnés, les montants d'argent seront plus importants, comme vous pouvez l'imaginer, et ce sont souvent eux qui feront les manchettes.

Cependant, d'après moi, ce qui est plus intéressant, c'est le nombre de transactions et la variation du nombre de dollars investis. Il s'agit habituellement d'un signe d'une plus grande présence des petites et moyennes entreprises.

Par exemple, il peut y avoir 20 entreprises qui font leur première exportation à l'extérieur de marchés classiques comme les États-Unis ou l'Union européenne vers l'Asie, mais elles peuvent être de taille relativement petite — 1 million, 2 millions ou 5 millions de dollars. Il faut peut-être 20 de ces transactions pour représenter une commande d'aéronefs qu'une autre entreprise reçoit, d'où l'importance du nombre des transactions. Vue sous cet angle, la majorité des entreprises qu'EDC appuie vers l'Asie et les marchés de l'ANASE en particulier sont des petites et moyennes entreprises.

Une des stratégies qu'EDC utilise pour favoriser ce développement, ce sont des partenariats avec des grandes sociétés présentes dans ces marchés. Il y a une entreprise nommée San Miguel dans les Philippines qui est présente dans plusieurs secteurs, a une très bonne réputation, est solvable, solide, et c'est une entreprise familiale très bien connue dans les Philippines. Grâce à un partenariat entre EDC et San Miguel, nous pouvons ouvrir des portes pour les plus petites entreprises afin qu'elles aient accès aux agents d'approvisionnement. Une société comme San Miguel peut appuyer les activités de plus petites entreprises plutôt que de chercher une plus grande société qui fera une grande vente. Comme vous le dites, nous consacrons une grande partie de notre temps et de nos efforts pour aider cette épine dorsale de l'économie canadienne que sont les petites et moyennes entreprises. Nous croyons que c'est là qu'il y a le plus grand potentiel de croissance, étant donné ce que les entreprises canadiennes de ce secteur font.

En ce qui concerne l'industrie des services, nous y constatons d'assez bonnes occasions. Mais, à cause des défis que vous avez mentionnés plus tôt concernant les différences culturelles, linguistiques, réglementaires et dans les méthodes d'affaires, la croissance est plus lente qu'en Inde, par exemple. Dans ce pays, il y a une langue commune, il y a des ressemblances dans les pratiques commerciales à cause de l'ancienne structure coloniale. Il reste des défis en Inde, mais du côté des services, il y a une meilleure correspondance.

Alors je répondrais oui à la question du sénateur qui demandait s'il y avait des possibilités de mieux informer les entrepreneurs pour combler les lacunes et créer de nouvelles occasions en matière d'investissement, de croissance et d'exportation pour l'industrie des services, mais présentement la croissance est plus lente que ce que l'on a vu dans les deux autres grands centres de la région, c'est-à-dire la Chine et l'Inde.

Enfin, si j'ai bien compris votre question, sur une comparaison entre l'Union européenne et l'Asie, et en particulier les marchés de l'ANASE, je ne peux présenter que le point de vue d'EDC, et nous nous sommes toujours concentrés sur les marchés émergents. C'est notre mandat depuis plus de 10 ans.

Nous desservons les marchés développés d'Ottawa, mais le groupe international se concentre seulement sur les marchés émergents en général, à l'exception de la chaîne d'approvisionnement ou de valeur des entreprises européennes que l'on peut utiliser.

Par un partenariat en Europe avec des entreprises Comme Siemens, Deutsche Telekom ou Vodafone, comment pouvons-nous influencer l'offre canadienne pour qu'elle se rende dans les marchés émergents? Voilà comment nous avons par le passé travaillé sur les marchés émergents comme l'Union européenne. Je sais que ma réponse ne vous satisfait pas, mais en bref, je dirais que nos ressources financières sont fortement concentrées dans les marchés émergents et non les marchés développés.

Le président : J'ai quelques questions à poser. Vous dites qu'il est conseillé d'avoir un partenaire local qui comprend la culture, et peut-être même la langue, et cetera. Nous avons fait beaucoup d'études géographiques et il semble qu'il s'agisse d'un thème récurrent, alors ce n'est pas surprenant que vous disiez cela à propos du marché de l'ANASE. C'était la même chose au Moyen-Orient, en Russie, en Amérique latine et dans toutes les régions sur lesquelles nous nous sommes penchés.

Est-ce que ce manque de connaissance ou ces fausses perceptions de la part des entrepreneurs qui veulent faire affaire à l'étranger sont typiques des Canadiens, ou est-ce que c'est la même chose dans les autres pays? Voici où je veux en venir : favorisons-nous au Canada une culture pour bien comprendre comment faire affaire à l'étranger? Est-ce qu'il y a des lacunes dans notre système d'enseignement ou nos regroupements commerciaux qui ne préparent pas bien les gens afin que ce soit évident, pour que cela ne soit plus un obstacle pour les entreprises canadiennes?

M. Winterhalt : Je ferai deux observations. Je dirais que c'est un thème récurrent. Chez EDC, c'est quelque chose que l'on voit chaque année, presque dans tous les marchés, et certainement dans le monde émergent. Dès le départ, les entrepreneurs comprennent peut-être mal les défis auxquels les entreprises canadiennes feront face lorsqu'elles sortiront, très souvent pour la première fois, des marchés classiques.

Les affaires se font aux États-Unis de façon très semblable au Canada, c'est un peu différent dans l'Union européenne, et même avec un partenaire comme le Mexique, je pense que les entreprises sont assez à l'aise avec le fonctionnement du système. C'est un faux sentiment de confiance de croire que si l'on peut réussir aux États-Unis ou au Mexique ou en Allemagne, ça sera la même chose où que l'on aille. Ce n'est généralement pas le cas, et pour en venir à ce que vous disiez, les marchés émergents dont vous avez parlé en sont tous d'excellents exemples.

Je pense que le Canada a fait quelques progrès dans la compréhension des différences. Un des obstacles, c'est la génération Internet, la technologie qui est maintenant devant nous, car les gens croient qu'ils peuvent faire les recherches nécessaires en ligne devant leur ordinateur en deux jours et que ça sera suffisant.

En fin de compte, rien ne remplace le fait de se rendre sur place ou sur le terrain, comme on dit, et communiquer avec des avocats de l'endroit pour bien comprendre les normes environnementales et du travail et s'assurer d'avoir un représentant qui comprend les méthodes commerciales. D'après moi, les entreprises qui veulent sortir des marchés classiques et entrer dans les marchés émergents pour la première fois ont encore des lacunes de ce côté.

Je sais qu'il y a de nombreux établissements d'enseignement au Canada qui changent leur façon de faire à ce sujet. Plus particulièrement, j'ai travaillé récemment avec l'Université Queen's sur la façon qu'elle structure, non pas un programme de diplôme, mais un cours de deux jours visant à aider les petites et moyennes entreprises canadiennes à mieux comprendre les défis et comment ils diffèrent de ceux auxquels elles font face aux États-Unis et dans les autres marchés occidentaux. On pourrait absolument en faire plus dans ce domaine.

Enfin, je dirais que ce n'est pas différent de ce que vivent nos homologues en Europe occidentale ou aux États-Unis. Nombre de ces entreprises qui exportent pour la première fois vers ces marchés vivraient les mêmes défis, et je pense que l'on verrait les mêmes thèmes là-bas.

La présidente : Nous avons étudié la Chine dans le contexte de l'expansion des pays BRIC dont tout le monde parlait. Récemment, nous avons entendu dire que les occasions en Chine ont déménagé ailleurs à cause des coûts, comme vous l'avez mentionné. Est-ce que vous faites un suivi de la situation pour savoir où se présenteront les prochaines occasions? Les gens disaient d'aller en Chine à cause de la croissance des marchés et du coût de la main- d'œuvre. Mais récemment, on nous a dit que ces occasions étaient rendues plus au Sud, et si c'est le cas, en faites-vous le suivi? Quels seront les prochains pays qui présenteront de bonnes occasions?

M. Winterhalt : Nous suivons certainement l'évolution de cette croissance et, je le répète, c'est très commun. On ne le constate pas qu'en Asie, on l'a vu il y a une décennie plus près de chez nous, en Amérique latine et du Sud. Par le passé, les entreprises allaient au Brésil, par exemple, pour s'installer afin de desservir le marché sud-américain. Mais avec la croissance économique et l'augmentation du pouvoir d'achat au Brésil, cela coûtait plus cher pour produire de là-bas. Alors les entreprises ont commencé à quitter le Brésil et à se tourner vers d'autres pays d'Amérique du Sud, que ce soit le Pérou ou la Colombie, ou même d'autres, pour les mêmes raisons.

Nous constatons cela en Asie. Vous avez raison : le déplacement se fait vers le Sud, donc de l'Inde et de la Chine vers les marchés de la Thaïlande, du Vietnam et des Philippines où les usines de production s'installent pour desservir le reste de l'Asie ou même l'ensemble du globe.

Cela a mené EDC, ainsi que d'autres, à repenser le terme BRIC. Il a changé et il y a toutes sortes de nouveaux termes, comme le CIVETA, les Onze prochains, et toutes sortes d'autres listes.

La plus intéressante que j'ai entendue jusqu'à maintenant, et qui se tient très bien debout d'après moi, s'appelle TIMBI. Elle a été proposée par un professeur qui s'appelle Jack Goldstone dans un article du Foreign Affairs il y a un an. La liste comprend la Turquie, l'Inde, le Mexique, le Brésil et l'Indonésie. Ce que je trouve intéressant, c'est que c'est un mélange de certains des pays BRIC avec des nouveaux marchés émergents. Nous croyons que l'Indonésie aura un rôle à jouer dans ces marchés principaux, tout comme l'Inde dans la même région, et le Brésil. Ils demeureront les moteurs de la croissance mondiale à l'avenir.

La présidente : Dans le cadre de la plupart de nos études, on finissait par parler des Canadiens qui viennent de ces régions et qui sont une très bonne ressource que l'on devrait appuyer davantage. Collaborez-vous avec les Canadiens d'origine indonésienne ou chinoise, par exemple? Savez-vous s'il y a des tendances à la hausse concernant les investissements vers les pays d'où les gens viennent?

M. Winterhalt : Pas particulièrement. Il s'agirait plutôt d'expériences anecdotiques. Cependant, lorsque nous communiquons avec des entreprises canadiennes qui veulent pour la première fois explorer de nouveaux marchés, nous constatons un lien entre la réussite et le fait d'avoir des expatriés ou des représentants de la diaspora dans leur conseil d'administration ou leur équipe de gestion — ils comprennent mieux comment les affaires se font dans les marchés comme l'Indonésie ou le Vietnam. Nous voyons une explication du taux de réussite, mais en matière de tendance et d'analyse, je laisserais mes collègues de Citoyenneté et Immigration Canada répondre.

La sénatrice Johnson : En 2012, EDC a publié un document sur les crimes financiers et y avertissait les propriétaires d'entreprise du fait qu'ils pourraient être à leur insu impliqués dans des crimes financiers. Je sais que cela inquiète bon nombre de gens d'affaires qui travaillent dans d'autres marchés. Qu'en est-il de l'Asie? Quelles sont les plus grandes menaces au monde des affaires et à la capacité de s'établir sur le terrain? Est-ce qu'EDC offre aux entreprises canadiennes un certain type d'aide ou des renseignements? Y a-t-il beaucoup de renseignements qui se trouvent dans vos rapports, ou doivent-ils vous approcher? Je connais personnellement des gens qui ont été touchés par ce type de manigance. Manifestement, c'est difficile d'y brasser des affaires et d'y implanter une présence.

M. Winterhalt : Il ne fait aucun doute qu'il s'agit de l'un des risques pour lesquels la plupart des entreprises seront averties dans des marchés émergents, y compris les marchés en Asie dont nous avons parlé aujourd'hui.

Qu'il s'agisse de brasser des affaires ou non, nous pensons que la corruption est probablement le principal risque dans les marchés de l'ANASE

Le deuxième grand risque serait l'application inégale de la réglementation ou des lois régissant les sociétés dans un marché. Par « inégale », j'entends le fait que souvent des sociétés locales auront droit à un traitement préférentiel en ce qui a trait au taux d'imposition ou aux droits de douane, notamment, traitement auquel n'a pas droit la société étrangère implantée dans un marché donné.

Nous avons certainement connu assez d'exemples pour être bien au fait de ce type de risques. EDC, à titre de fournisseur de services financiers, doit particulièrement être assez prudent. Manifestement, nous sommes très respectueux de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers relativement à la définition de pots-de-vin, du point de vue de l'exportateur et de l'investisseur. Dans la mesure du possible, nous adressons nos clients au Service des délégués commerciaux, au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, aux associations d'affaires locales, aux programmes de gouvernement à gouvernement, comme le Conseil commercial Canada-ANASE ou encore, à l'industrie, pour avoir l'heure juste. Bien que cela dépasse un peu notre mandat, nous conseillerions aux clients de s'assurer qu'ils ont entièrement compris ces risques et que, dans tous les aspects, ils les ont atténués.

La sénatrice Johnson : Donc, l'aspect réglementaire est essentiel pour comprendre le risque, tout comme ce fut le cas lorsque nous étions au Brésil et que l'on se faisait dire constamment qu'il fallait avoir quelqu'un sur le terrain pour nous représenter avant de se lancer dans quelque situation que ce soit.

M. Winterhalt : Oui, je suis d'accord. Je crois que c'est également une question d'attentes que l'on peut avoir. L'entreprise canadienne qui dispose à l'avance de ce type de renseignements comprendra quels sont les défis auxquels elle sera confrontée et quel est le coût qui s'y rattache, tant sur le plan financier que non financier, car le temps est également un facteur. Ainsi, les choses seront plus faciles pour la société canadienne. Le partenaire local constitue également un élément essentiel, mais c'est parfois cette disparité et la hauteur des attentes qui créent le plus de préoccupations.

Le sénateur Oh : Je veux juste formuler quelques observations. Vous avez pris une très bonne décision lorsque vous avez choisi de déménager à Singapour, car Singapour fait partie du Commonwealth tout en étant une cité jardin. Cette ville est la plus sûre de toutes. Tous les pays de l'Union européenne et les Américains ont installé des sièges sociaux à Singapour. Singapour est assez similaire à Toronto et elle est à une heure de vol de Kuala Lumpur, en Indonésie, et du Vietnam. C'est une véritable plaque tournante.

L'Union européenne établit son suivi de façon similaire au système implanté dans notre Commonwealth.

Autre point, j'ai un ami qui est le plus grand fabricant de produits Nike dans le domaine de vêtements athlétiques. Son entreprise a déménagé ses installations de fabrication de la Chine vers le Vietnam et le Cambodge, mais elle fait face à de graves problèmes. Le Vietnam et le Cambodge présentent des problèmes en matière de compétence et de corruption grave.

Il faut trois travailleurs vietnamiens ou cambodgiens pour abattre le même travail qu'un employé chinois. Son entreprise a eu des problèmes à cet égard. Il croyait pouvoir économiser de l'argent, mais les coûts ne sont pas beaucoup différents.

La présidente : J'en arrive à la conclusion qu'il n'y a pas de question de posée.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Monsieur Winterhalt, j'imagine que vous et vos collègues avez participé au forum des gens d'affaires Canada-ANASE, une initiative du Conseil commercial Canada-ANASE, qui s'est tenu pour la première fois en octobre 2013. Selon vous, quelles en seront les retombées pour les gens d'affaires canadiens, à court et à long termes?

[Traduction]

M. Winterhalt : Pourriez-vous me préciser si vous faites référence au fait de participer à cette association d'affaires ou à une participation plus élargie?

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Quand vous avez participé à ce forum, en octobre 2013, j'imagine que des représentants de EDC y étaient?

M. Winterhalt : Oui.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Selon vous, quelles sont les retombées auxquelles les compagnies canadiennes pourraient s'attendre à court et long termes?

[Traduction]

M. Winterhalt : Je crois certainement qu'il y a un avantage considérable pour les sociétés canadiennes qui participent à des associations telles que le Forum ou le Conseil commercial Canada-ANASE. À mon avis, c'est presque un peu surprenant qu'il s'agisse de la première occasion de faire quelque chose. Je suis ravi de dire qu'EDC était l'un des membres fondateurs de cette association. Mon collègue, le vice-président régional pour l'Asie, a été président de ce comité cette année. Nous estimons certainement que la participation à ce type de forum a de la valeur, tant à court qu'à long terme.

L'effet de levier à court terme initialement envisagé, ou l'avantage pour les sociétés canadiennes, s'explique par le réseau auquel ces sociétés sont exposées. La cérémonie d'ouverture a attiré 400 représentants du secteur public et privé. Il s'agissait d'une véritable occasion pour les sociétés canadiennes de rencontrer des décisionnaires du gouvernement ainsi que certaines sociétés ciblées présentant un potentiel d'affaires en ayant accès à leur chaîne d'approvisionnement. Tous ces gens étaient rassemblés en un seul lieu et ont eu l'occasion de véritablement faire du réseautage. Ce réseautage est donc l'avantage à court terme que l'on constate.

Cette rencontre a surtout attiré des représentants des cinq grandes nations de l'ANASE, soit l'Indonésie, la Thaïlande, la Malaisie, les Philippines et le Vietnam. L'accent était surtout mis sur ces cinq pays, mais un certain nombre de plus petites économies, le Brunei par exemple, étaient également représentées. Tant les pays que les secteurs industriels étaient représentés en bon nombre.

À court terme, le réseau s'avère essentiel. Comme dans tout marché émergent, la réussite à long terme sera surtout tributaire de la persévérance et de la patience de la société canadienne qui assure un suivi auprès des relations qui au départ, peuvent être forgées grâce à un forum de cette nature. La société canadienne sera-t-elle prête à se rendre de façon continue dans ce marché pour solliciter ses contacts? La culture asiatique est assez similaire à la culture latine de bien des façons. En majeure partie, elle repose sur les relations personnelles. Par conséquent, assurer une présence à une première rencontre c'est utile, mais ce n'est que le point de départ. La société doit ensuite tirer avantage de ces présentations et doit continuer de se rendre sur le marché ainsi que d'adapter tant la présence de son personnel que sa ligne de produit en fonction de l'acheteur potentiel ciblé. C'est ainsi que je ferais.

Le sénateur Downe : Que pense EDC de la Birmanie?

M. Winterhalt : La Birmanie, c'est l'un des tout derniers marchés encore inexploités. Voilà comment je décrirais ce pays. Honnêtement, nous en sommes encore à l'étape de la cueillette de renseignements et d'analyse à bien des égards, car nous commençons à constater une lente ouverture du pays et un lent changement dans la position de notre gouvernement à l'égard de ce marché. Par contre, le climat d'affaires est absolument fascinant. Je crois que dans un avenir rapproché, et non pas à long terme, disons d'ici trois à cinq ans, ce marché éclipsera bon nombre d'autres marchés de l'Asie du Sud-Ouest en ce qui a trait au potentiel. On m'a dit par exemple que les prix de l'immobilier à Rangoon sont plus élevés qu'à Londres. Nous constatons un effet de levier formidable et un intérêt naissant de la part de multinationales qui seraient sans doute mieux placées pour atténuer le risque d'une implantation dans ce pays. Compte tenu de sa population de plus de 80 millions d'habitants, la Birmanie présente déjà certains débouchés. Il va sans dire que le pouvoir d'achat des habitants de la Birmanie est plutôt limité, alors cela prendra un peu de temps avant de susciter de l'attrait, mais c'est à court terme, et non pas à long terme.

Le sénateur Downe : Vous avez parlé de l'un des derniers marchés. Quel est l'autre pays?

M. Winterhalt : Il pourrait y en avoir d'autres, j'imagine. C'est l'un des « tout » derniers marchés.

Le sénateur Downe : Oh, « tout ». J'avais cru entendre « deux ».

[Français]

Le sénateur Robichaud : Vous aidez des compagnies canadiennes à trouver de nouveaux marchés pour exporter leurs produits. Aidez-vous également les gens qui veulent s'installer dans cette région et manufacturer les produits qu'ils exportent afin de profiter de la main-d'œuvre qui, nous dit-on, est bon marché? Est-ce que cela tombe aussi sous votre mandat?

[Traduction]

M. Winterhalt : Certainement. Je répète qu'à notre avis, le commerce d'intégration est un peu plus holistique que de simplement tenir compte de la relation traditionnelle d'exportation. Le monde a évolué et ne se contente plus d'appuyer un exportateur et un investissement d'un point à l'autre.

L'année dernière, pour la première fois de l'histoire du Canada, nous avons constaté qu'il y avait davantage d'activité économique générée par des filiales canadiennes à l'étranger qui exportaient vers d'autres marchés que de sociétés canadiennes établies au Canada qui exportaient à l'étranger. Cela ne s'est jamais produit auparavant, mais cette tendance avait été anticipée et continuera de s'accélérer. Donc, de la perspective d'EDC, nous évaluons que nous devrions accorder notre soutien en fonction de l'avantage pour le Canada. Cette définition légèrement élargie doit mener à la question suivante : y a-t-il de la valeur? Y a-t-il un avantage pour le Canada, qu'il s'agisse de hausse de recettes, de rapatriement de dividendes ou de possibilités additionnelles d'investissement rattaché à cette tendance à générer un plus grand avantage économique qu'une exportation directe vers un marché?

Donc, il est exact de dire que nous étudions la façon dont une filiale canadienne dans un marché tiers peut déplacer ses installations de fabrication pour profiter d'un ratio coûts-avantages plus élevé et passer à un marché tiers. Ce type de scénario présenterait à notre avis un grand avantage pour le Canada et nous appuierions cette activité.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Lorsque vous conseillez ceux qui veulent profiter de la main-d'œuvre bon marché, vous leur dites qu'ils doivent respecter les normes pour le milieu du travail. Mais est-ce qu'on y porte vraiment attention? On s'aperçoit qu'on n'a pas respecté ces normes seulement lorsqu'il y a un accident grave, comme celui qui s'est produit au Bangladesh. Est-ce qu'on met véritablement les gens en garde contre ce genre d'opération?

[Traduction]

M. Winterhalt : J'aurais peut-être une brève observation à formuler : EDC n'a pas pour mandat de donner des conseils ni des avis à une entreprise au sujet de son plan d'affaires. Si l'entreprise estime qu'il y aurait un avantage individuel à modifier ses coûts de fabrication, ce qui peut comprendre les salaires, EDC n'estimera pas qu'il relève de son mandat de donner des conseils à l'entreprise à cet égard. Si l'entreprise a déjà pris cette décision et qu'elle se tourne vers nous avec un plan d'affaires qui peut inclure une production dans un pays tiers, avant d'émettre tout type d'instrument financier ou de soutien, nous nous assurerions que du point de vue de la RSE, ce qui comprend les facteurs rattachés à la main-d'œuvre, l'entreprise répond aux normes canadiennes. Ceci étant dit, nous ne passons pas par un examen des programmes ou politiques d'exploitation marché par marché mais, dans le cadre du renouvellement d'un produit financier ou d'un service, nous nous assurons qu'à chaque étape, les règles sont absolument suivies et la réglementation est respectée ici au Canada avant que tout soutien additionnel financier ne soit accordé.

La présidente : Je crois que nous avons dépassé le temps imparti. Je vous remercie d'être resté, monsieur Winterhalt. Comme vous l'avez constaté, les questions ont porté sur tout un ensemble de sujets, mais vous nous avez certainement aidés à concentrer notre étude et à recenser les enjeux, en particulier relativement au commerce. Cela nous sera très utile pour circonscrire de façon stratégique la contribution que nous estimons pouvoir faire pour ajouter de la valeur au débat au sujet des affaires et de la politique étrangère dans les pays de la zone ANASE. Merci beaucoup d'être venu. Si nous avons besoin de renseignements additionnels, nous communiquerons peut-être avec vous plus tard.

Mesdames et messieurs les sénateurs, il reste un autre point à aborder. Le Comité des finances m'a entendue, j'y ai déposé votre rapport et j'ai défendu ce que nous avons dit. J'ai également formulé une observation informelle selon laquelle nous estimions qu'il était difficile de gérer des questions d'immigration dans un projet de loi omnibus. J'ai recommandé que cela soit inclus d'une façon ou d'une autre dans le rapport définitif. Par conséquent, je crois que nous nous sommes acquittés de notre tâche relativement au projet de loi C-4.

(La séance est levée.)

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