LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU
COMMERCE INTERNATIONALTÉMOIGNAGES
[Traduction]
OTTAWA, le mardi 5 mai 2009
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui à 17 h 30 pour étudier l’émergence de la Chine, de l’Inde et de la Russie dans l’économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes.
Le sénateur Di Nino (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président: Bienvenue à tous à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.
[Traduction]
Le comité poursuit son étude spéciale sur l’émergence de la Chine, de l’Inde et de la Russie dans l’économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes.
Le comité accueille aujourd’hui David Malone, président du Centre de recherches pour le développement international. Beaucoup de membres de notre comité connaissent déjà M. Malone. Il a fait carrière dans le service extérieur et, à l’occasion, il lui arrive de faire des recherches universitaires. Monsieur Malone, j’aimerais d’ailleurs en savoir un peu plus long à ce sujet.
Entre 2006 et le milieu de l’année 2008, il a été haut-commissaire du Canada en Inde. Avant cette nomination en Inde, il a été sous-ministre adjoint au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, de 2004 à 2006, chargé au départ de l’Afrique et du Moyen-Orient et par la suite des enjeux mondiaux, une responsabilité qui l’a amené à superviser les relations diplomatiques du Canada dans le domaine multilatéral et économique.
Nous accueillons également aujourd’hui John M. Curtis, associé distingué du Centre for International Governance Innovation. Avant de devenir associé distingué du CIGI, en septembre 2006, M. Curtis occupait les fonctions de premier économiste en chef au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Il a été aussi conseiller principal et coordonnateur, Politique commerciale et économique; et directeur de l’Analyse commerciale et économique au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Bienvenue au Sénat.
Avant d’inviter nos témoins à présenter leurs commentaires — qui seront suivis d’une période de questions — je crois que le sénateur Downe souhaite faire un rappel au Règlement.
Le sénateur Downe: Merci, monsieur le président. Mon rappel au Règlement concerne notre étude du rapport d’Exportation et développement Canada. Le 10 mars 2009, j’ai demandé au président d’Exportation et développement Canada, M. Siegel, si son organisme finançait des entreprises faisant des affaires en Birmanie ou avec le gouvernement birman. M. Siegel m’a dit qu’il ne pouvait répondre à cette question.
Je lui ai ensuite demandé de nous faire parvenir l’information: « Je ne cherche pas à savoir les noms de ces sociétés, si cela pose problème pour des raisons de protection des renseignements personnels, mais ce que j’aimerais savoir, c’est si vous financez des entreprises canadiennes qui ont des activités là-bas. »
Il m’a dit qu’il répondrait à ma demande. Le 27 mars 2009, il a ensuite fait parvenir une lettre à l’attention du président, dans laquelle il ne répond pas à ma question. J’aimerais obtenir une réponse à cette question avant que le comité approuve le rapport.
Je tiens à signaler la situation au comité pour que le greffier puisse communiquer avec cette personne afin d’obtenir des éclaircissements.
Le président: Merci, monsieur le sénateur. Nous allons prendre contact avec lui pour obtenir une réponse. Nous étudions le rapport demain. Je ne sais pas si je serai en mesure d’obtenir une réponse avant demain, mais nous ferons de notre mieux pour obtenir ces informations avant d’approuver le rapport.
Le sénateur Downe: Merci.
[Français]
Nous commencerons avec la présentation de M. Malone qui sera suivie par celle de M. Curtis.
[Traduction]
Monsieur Curtis, je vais essayer de faire ça en français, mais le résultat n’est pas très bon.
[Français]
Les présentations seront suivies de questions des membres du comité.
[Traduction]
Vous voulez changer l’ordre de vos interventions? M. Curtis aura donc l’honneur de commencer.
John M. Curtis, associé distingué, Centre for International Governance Innovation: Merci, monsieur le président. Comme je ne suis pas président, j’étais prêt à céder la place à mon collègue. Nous venons de la même famille du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et je crois que le personnel comme nous qui n’appartient pas au service extérieur a toujours appris à céder le pas aux employés du service extérieur.
Je suis ravi d’être parmi vous ce soir. Je sais que nous allons présenter nos remarques générales avant de passer aux questions. Pour des raisons de clarté, je vais essayer de résumer mes remarques sous quatre rubriques. Pour commencer, je vais présenter quelques remarques en guise d’introduction. Ensuite, je vais aborder le contexte plus large de la politique économique étrangère afin de mettre en relief cinq ou six aspects importants afin de vous aider à mieux comprendre le contexte dans lequel nous abordons les relations commerciales et économiques de manière plus générale. En troisième lieu, je parlerai brièvement de l’incidence que la Chine, l’Inde et les plus grandes économies « émergentes » ou « réémergentes » peuvent avoir sur le Canada. Enfin, j’aborderai les perspectives macroéconomiques dans la situation de ralentissement économique qui frappe pratiquement l’ensemble du monde.
Si vous me permettez de procéder ainsi, je vais le faire sans délai.
Permettez-moi de présenter quelques commentaires en guise d’introduction. Je dirai tout d’abord qu’une quantité incroyable de mythes circulent dans les médias, chez les autorités officielles, ainsi que chez les intellectuels. Il semble que les analyses dont nous aurions besoins font cruellement défaut. C’est pourquoi je vais essayer de combler ce besoin en tentant d’expliquer le « pourquoi » plutôt que de me contenter de décrire tout simplement la situation.
Toujours dans l’introduction, je vais aborder un point qui est bien documenté et bien compris, mais qui est loin d’avoir été épuisé: l’économie mondiale subit une importante transformation. Nous vivons une période de transition. Celle-ci n’est pas aussi dramatique que certains le prétendent, mais elle existe bel et bien. Nous assistons à un lent transfert des activités des régions septentrionales de l’hémisphère occidental — du Canada et des États-Unis en particulier — et d’Europe, en particulier l’Europe occidentale, vers des régions situées à l’Est de l’Europe, et dans la zone du Pacifique et de l’Asie. Ce transfert est un processus à long terme, ralenti légèrement par la crise économique que nous vivons actuellement. Mais cette évolution est en train de s’accomplir lentement.
En fait, il s’agit, comme l’ont expliqué l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, et d’autres organismes, il s’agit d’une régression économique qui va nous mener à l’état du monde tel qu’il existait en 1820.
Troisièmement, lorsqu’on parle de transfert du pouvoir, il est toujours important de définir ce qu’on entend par « pouvoir ». Souvent, il se limite à la taille du produit national brut et les observateurs se demandent si le Canada devrait appartenir ou non au G7. Il est environ de la taille du PIB, mais c’est en même temps beaucoup plus que cela. Selon ma définition, le « pouvoir » est la volonté d’exercer une influence et/ou la capacité à influencer le comportement des autres. Voilà ce qu’est le pouvoir et voilà un secteur où le Canada peut jouer un rôle important en exerçant ce qu’on appelle souvent le « pouvoir discret », c’est-à-dire le pouvoir d’influencer et d’orienter les autres et la volonté d’agir en ce sens.
Dans le cas de l’Asie en particulier et des pays que vous nous avez demandé d’examiner, ainsi que dans le cas du Brésil et de l’Afrique du Sud, deux questions se posent.
Premièrement, que se passe-t-il dans ces pays? Deuxièmement, comment devrions-nous nous adapter à ces changements? Voilà des questions sur lesquelles se penchent les groupes de réflexion et que nous pourrions peut-être aborder plus tard au cours de la période des questions.
Enfin, toujours dans l’introduction, j’aimerais préciser que le ralentissement économique mondial actuel contribue de plusieurs façons à accélérer les changements en cours et à creuser le fossé entre les pays et les régions. C’est un point qu’il faut toujours garder à l’esprit dans notre démarche.
La deuxième rubrique portait sur les relations économiques étrangères plus vastes. Je ne vais pas non plus m’y attarder. En revanche, je vais les replacer dans un contexte que le comité trouvera peut-être utile aujourd’hui ou au moment de la rédaction de son rapport.
Voici les changements à plus long terme qui se produisent. Le premier est d’ordre démographique: c’est l’exode rural que nous pouvons constater dans notre pays — les populations migrent vers les villes et les centres locaux, délaissant les provinces, les États et les régions. Ce changement important signifie que les gens se sentent tout aussi à l’aise à Toronto, New York, Londres, Paris, Shanghai et Singapour que dans les régions rurales de n’importe quel pays.
Cette évolution touche les pays auxquels vous vous intéressez, par exemple la Russie. La Russie européenne se tourne vers l’ouest, tandis que la Russie asiatique est de plus en plus attirée dans l’orbite chinoise. Cette évolution a d’énormes conséquences pour l’avenir. Il faut absolument tenir compte de l’évolution démographique.
Le deuxième point se rapporte à l’importance d’Internet et à la révolution dans le secteur des communications. Bien entendu, la politique est sensible à ces deux phénomènes, comme nous l’avons vu aux États-Unis au cours de l’année écoulée. Cela nous rend plus vulnérables face aux infrastructures. Toutefois, j’aimerais souligner un élément important: les Chinois cherchent actuellement à créer leur propre version d’Internet utilisant des idéogrammes. S’ils y parviennent, cette version aura un impact beaucoup plus profond que le mur de protection que les autorités chinoises ont érigé pour contrôler l’information qui pénètre en Chine. Si les Chinois parviennent à mener à terme ce qu’ils appellent leur projet IPv6 qui consiste à faire du mandarin la langue d’Internet, cela aura des conséquences énormes.
Le troisième point porte sur les changements climatiques, sujet sur lequel votre comité et d’autres organismes se sont penchés. Je ne m’étendrai pas sur ce sujet qui a une incidence sur la croissance économique intérieure et sur la coopération internationale.
En quatrième position, il y a ce que j’appelle les questions relatives « aux valeurs et à la démocratisation ». Je ne peux que constater malheureusement que les valeurs, les droits de la personne et les droits universels, les droits relatifs à chacun des sexes et autres progressent lentement au sein des relations de pouvoir. C’est particulièrement vrai dans le cas des relations entre les États-Unis et la Chine. La Chine a l’argent et les États-Unis en ont besoin. À cause de cet état de chose, je pense que les États-Unis seront désormais beaucoup plus prudents dans la façon dont ils utiliseront leur puissance militaire. À l’avenir, les valeurs auront moins d’importance.
Sixièmement, tournons-nous vers les intervenants autres que les États. Je ne consacrerai pas beaucoup de temps à ce sujet, si ce n’est pour souligner l’importance des entreprises multinationales, de la société civile et des villes-États et notre attitude à l’égard de ces pays qui émergent sur la scène mondiale.
En dernier lieu vient la question de la sécurité que nous avons tendance à considérer comme une question de sécurité frontalière ou de sécurité militaire. À mon avis, il faudra plutôt à l’avenir se soucier de la sécurité alimentaire et de la sécurité énergétique. Par exemple, la construction d’un barrage en amont sur une rivière pourrait être considérée à l’avenir comme un acte de guerre tout à fait différent de l’envoi de troupes afin de restaurer l’ordre dans divers pays.
C’était ma deuxième rubrique générale.
Je vais maintenant vous proposer quelques pistes de réflexion plutôt que des questions appelant une réponse immédiate aujourd’hui.
Quelle incidence la croissance de ces pays aura-t-elle sur le Canada? Il faut absolument souligner que l’emplacement géographique et physique du Canada dans l’économie mondiale est important relativement au volume commercial que nous attendons — le volume des investissements que nous prévoyons. C’est pratiquement comme dans le secteur de l’immobilier: l’emplacement est absolument primordial. Compte tenu de l’éloignement géographique, le Canada obtient d’assez bons résultats en Asie, contrairement au mythe voulant que notre performance soit plutôt médiocre.
Nous affichons des résultats relativement médiocres dans le secteur des services, à cause de la distance et de la taille de notre économie par comparaison aux autres qui sont toutes différentes. Nous affichons un retard sérieux, surtout dans l’ensemble des services commerciaux, y compris le tourisme et autres activités.
Dans le domaine des services, nos résultats sont nettement inférieurs à ceux de l’Asie, du Brésil et de l’Afrique du Sud. Même dans les relations entre le Canada et les États-Unis, nous sommes loin derrière les autres pays de l’OCDE.
Dans une certaine mesure, l’analyse démontre que cela est imputable au fait que le premier Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et ensuite l’Accord de libre-échange nord-américain, l’ALENA, mettaient l’accent sur les produits et non pas sur les services. Nous avons libéralisé et ouvert les marchés aux produits, mais nous sommes loin d’avoir fait de même pour les services. Or, c’est un problème grave, car la plupart des économies se développent dans ce secteur.
Avec quelques collègues, j’ai entrepris une étude comparant les liens que l’Australie et le Canada entretiennent avec la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud. Contrairement au mythe voulant que nous ayons de mauvais résultats par comparaison avec l’Australie, nous ne nous en tirons pas si mal dans le secteur des services, sauf dans le domaine des services éducatifs.
Je vous rappelle que je ne souhaite pas que le comité saute trop rapidement aux conclusions. Vous devez prendre en compte les réalités actuelles, les modalités économiques qui sont les nôtres et tenir compte de l’importance de la géographie et de la taille qui ont finalement une incidence déterminante sur le flux des produits, des services et des investissements.
J’aimerais faire quelques remarques sur l’économie dans une perspective plus large, des commentaires d’ordre macroéconomique. Je pense en particulier que la croissance actuelle de la Chine, qui sera suivie par d’autres pays, aura une influence sur le prix des ressources beaucoup plus rapidement que sur le prix des produits manufacturés. Le rétablissement de l’économie canadienne commencera probablement grâce au secteur des ressources. Dans une certaine mesure, ce rétablissement sera dû à l’augmentation de la demande chinoise en matière de ressources.
La question plus importante est d’évaluer avec quelle rapidité la Chine et l’Inde vont gravir les échelons de la technologie. M. Malone aura peut-être un point de vue sur la question. Combien de temps ces pays mettront-ils à offrir une valeur ajoutée à leur production nationale et quelle part de cette production sera écoulée dans le pays et quelle proportion vendue à l’étranger?
Toutes ces questions sont importantes. Si les Chinois, les Indiens et les Brésiliens — et dans une moindre mesure les Russes et les Sud-Africains — gravissent rapidement les échelons technologiques, ce mouvement aura des conséquences importantes pour le Canada. Cela signifie que les normes qu’ils adopteront dans le secteur de l’alimentation, de la santé et de la fabrication joueront un rôle beaucoup plus important dans l’économie mondiale.
Nous serons amenés à faire des choix. Devons-nous suivre les modèles d’organisation économique des États-Unis et de l’Europe de l’Ouest, y compris les normes que suivront le secteur manufacturier et les autres secteurs, ou devons-nous adopter les normes qui s’imposent de plus en plus sur le plan international?
Si nous décidons de suivre les normes internationales, cette décision aura des conséquences pour nous. De la même manière, toute décision de suivre les normes américaines ne sera pas sans conséquence. Nous ne savons pas quelle décision prendre face à cette alternative à laquelle nous sommes confrontés.
Enfin, nous devons, dans le cas des États-Unis, tenir compte d’un certain nombre de facteurs. Seront-ils en mesure, au cours des prochaines années, de retrouver un équilibre économique intérieur? Autrement dit, les ménages cesseront-ils d’être endettés comme maintenant? Les États-Unis pourront-ils reprendre le contrôle de la dette nationale et remettre en ordre leurs comptes internationaux? Seront-ils capables, grâce à une saine gestion économique, de redonner au dollar américain son rôle de monnaie de réserve mondiale? Il y a encore beaucoup d’incertitudes à ce sujet.
Le Canada se trouverait dans une position beaucoup plus confortable si la Chine, l’Inde et le Brésil gravissaient l’échelle technologique plus lentement qu’ils ne semblent le faire actuellement. Si toutes ces situations s’améliorent, le Canada peut continuer, comme il l’a fait depuis 20 ou 30 ans, à rester dans l’ombre des États-Unis qui bénéficient d’un statut prééminent et qui demeurent le G1.
En revanche, si ce n’est pas le cas et si les États-Unis prennent des années à retrouver leur santé économique, le Canada souffrira de cette situation plus que tout autre pays, étant donné que nous sommes en première ligne. Si nous sommes forcés de choisir entre les normes chinoises ou indiennes et d’autres normes — par exemple les normes de réglementation — le Canada se retrouvera dans une position beaucoup moins enviable.
Nous devrons alors décider si nous souhaitons adopter pleinement les normes nord-américaines, y compris une monnaie commune et tout ce que ce choix implique pour un petit pays comme le Canada. L’autre option consistera à relever le défi, comme nos prédécesseurs l’ont fait après la Seconde Guerre mondiale, et à dire que nous devons rebâtir le système international et que le Canada doit jouer un rôle important dans l’élaboration de règles internationales qui s’appliqueront à tous.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Curtis. La parole est maintenant à vous, monsieur Malone.
[Français]
David M. Malone, président, Centre de recherches pour le développement international: Monsieur le président, je vous remercie de nous accueillir tous deux.
[Traduction]
Permettez-moi de souligner que je ne parle pas au nom du gouvernement lorsque je m’exprime sur des questions de politique étrangère. Mes responsabilités sont très éloignées de la formulation de la politique canadienne. J’espère que les membres du comité feront preuve d’indulgence à mon égard.
Je suis fier d’avoir servi mon pays dans les fonctions de haut-commissaire en Inde pendant quelques années, comme l’a fait remarquer le président. Je suis actuellement en train d’écrire un livre sur la politique étrangère indienne et la rédaction de cet ouvrage m’a permis et même contraint d’observer le reste du monde à travers les yeux des Indiens plutôt que les nôtres. Ce processus a, bien entendu, été très enrichissant pour moi.
J’ai lu les remarques présentées par le haut-commissaire de l’Inde et les échanges animés qu’il a eus avec les membres du comité. Je crois que le dialogue a été remarquable. Je ne vais pas revenir sur des sujets que le haut-commissaire a si bien couverts.
Je vais plutôt tenter de décrire brièvement comment les Indiens considèrent le Canada à ce moment de leur histoire. L’Inde traverse actuellement une période de transition qui va l’amener à exercer un rôle plus grand sur le plan des relations internationales, mais ce rôle restera mal défini tant que l’Inde fera face à des défis intérieurs. Le haut-commissaire de l’Inde vous en parlé.
Il est important de comprendre que notre histoire est différente de celle de l’Inde. Nos deux pays sont dans une large mesure des produits de l’empire britannique. Cependant, si les rapports du Canada avec l’empire britannique ont été relativement heureux, ce ne fut pas le cas pour l’Inde.
En Inde, l’empire servait uniquement les intérêts de la Grande-Bretagne. L’Inde ne bénéficiait que des avantages marginaux. Au moment de l’indépendance de l’Inde, en 1947, les dirigeants du Congrès indien étaient profondément méfiants à l’égard de l’impérialisme et disons-le, de l’Occident dans son ensemble. La politique étrangère indienne n’était pas mue au départ par un projet particulier, mais l’impression d’avoir été le perdant dans l’aventure coloniale était naturellement forte.
Cela avait amené l’Inde à sympathiser à l’époque — à tort, selon moi et selon de nombreux Indiens aujourd’hui — avec des modèles communistes en matière de relations internationales. L’Inde s’est montrée beaucoup plus tolérante que nous et que nous l’attentions de sa part, à l’égard de l’invasion de la Hongrie par les Soviétiques. Toutefois, cette attitude était essentiellement dictée par des principes anti-impérialistes. De façon plus positive, l’Inde a participé dès le départ, pleinement et avec enthousiasme aux activités de maintien de la paix de l’ONU et continue à le faire de nos jours.
Au Canada, nous n’avons pas compris à quel point les liens bilatéraux entre le Canada et l’Inde ont été touchés par l’anti-impérialisme des premiers dirigeants indiens. M. Nehru entretenait des relations cordiales mais pas étroites avec M. St-Laurent et les autres premiers ministres canadiens.
Comme l’a indiqué le haut-commissaire de l’Inde, deux éléments ont contribué à la dégradation des relations entre nos deux pays. Le premier fut la coopération nucléaire. L’Inde s’est livrée en 1974 à des essais nucléaires rendus possibles en grande partie grâce à la technologie que le Canada lui avait vendue à d’autres fins. Le Canada et d’autres pays de la communauté internationale ont vivement protesté contre l’Inde pendant de nombreuses années.
De leur côté, les Indiens avaient bientôt à se plaindre eux aussi du Canada en raison de l’appui considérable que certains éléments marginaux de la communauté indo-canadienne accordaient au mouvement de « Libération du Khalistan », au Penjab, que les Indiens considéraient comme une épée plantée en plein cœur de la fédération indienne.
Cette perception a culminé avec l’explosion en vol de l’avion d’Air India que nous considérons tous comme une tragédie canadienne. À l’échelle humaine, ce fut aussi bien entendu en grande partie une tragédie indienne puisque tant de ressortissants indiens y perdirent la vie.
Ces rancœurs se sont envenimées de part et d’autres pendant longtemps — jusqu’à une période récente, il y a huit ou neuf ans. C’est alors que, paradoxalement, après une deuxième série d’essais nucléaires en Inde, suivie par des essais analogues au Pakistan, je crois que les Canadiens se sont peut-être dits que le mal était fait et qu’il ne servait à rien de s’entêter. Les Indiens ont également compris qu’il était temps d’adopter une attitude plus positive à l’égard du Canada.
Ce changement intervint alors que l’économie indienne se libéralisait et que les contacts de l’Inde avec le reste du monde, en particulier l’Occident, se multipliaient rapidement.
Il y a toujours eu plusieurs liens positifs entre l’Inde et le Canada. Le premier est la population indo-canadienne: environ un million de personnes, soit près de 3 p. 100 de notre population, dont l’apport au Canada est énorme et composé d’éléments dont notre pays a besoin, en l’occurrence l’esprit d’entreprise, le dynamisme, le goût du travail, les valeurs familiales, et cetera. Ces contributions sont positives et ont eu elles-mêmes une incidence en Inde. Les Indo-Canadiens parlaient de manière positive de leur vie au Canada, contribuant ainsi à créer une image positive du Canada dans la population indienne.
Le deuxième lien est l’éducation, comme l’a mentionné M. Curtis. Depuis très longtemps, de nombreux Indiens viennent étudier dans les universités canadiennes et rapportent chez eux des souvenirs positifs de leurs années passées au Canada. Ils répandent ces souvenirs positifs autour d’eux. Cependant, comme l’a souligné M. Curtis, l’engagement du Canada dans le domaine de l’éducation n’est plus ce qu’il était.
Où en est l’Inde aujourd’hui? Depuis plusieurs années maintenant, l’Inde connaît une grande croissance économique et cette croissance a modifié la perception que les Indiens ont d’eux-mêmes et la perception du reste du monde. Il y a 20 ans, l’Inde était perçue essentiellement comme un pays où les masses pauvres et arriérées étaient peut-être mal servies par leur gouvernement. Aujourd’hui, l’Inde est considérée comme un moteur économique, ralenti peut-être par une population extrêmement nombreuse qui continue à vivre dans la pauvreté, surtout dans les régions rurales.
L’Inde est courtisée par tous, étant donné que c’est un énorme marché d’avenir que les Américains ont été les premiers à découvrir. C’est la raison pour laquelle ils ont négocié un accord de coopération nucléaire avec l’Inde. Si l’Inde n’avait pas été un des grands marchés de l’avenir, je doute que les Américains auraient pris la peine de faire de l’accord de coopération nucléaire indo-américain un des éléments essentiels de sa politique étrangère au début du XXIe siècle.
Comment les Indiens perçoivent-ils le monde? Tout d’abord, leur voisinage est extrêmement important pour eux et leurs voisins sont turbulents: le Pakistan se passe de commentaire; le Népal vit actuellement une grande crise gouvernementale; le Bangladesh vient de sortir d’une crise gouvernementale; et le Sri Lanka vit une situation inquiétante où les civils sont pris en étau entre les opposants de la guerre civile.
Les Indiens ont grandement raison de s’inquiéter de leurs pays voisins. Leur région est très instable. L’Inde est l’élément stable de l’Asie du Sud. Aurait-elle pu construire des relations plus positives avec ses voisins? Probablement. Il faut reconnaître tout de même que depuis environ une dizaine d’années les Indiens ont redoublé d’efforts pour engager des relations plus ouvertes et plus positives avec les pays voisins de leur région.
Deuxièmement, les grandes puissances: l’Inde se considère comme une grande puissance en émergence. Elle a toujours été consciente de l’ampleur de la pauvreté dans sa population. Elle reconnaît le manque d’infrastructures, les lacunes dans le domaine de l’éducation publique, mais elle est confiante de devenir un jour une grande puissance. Elle est convaincue de devenir une grande puissance car, jusqu’à l’arrivée de l’empire britannique, elle avait toujours été une grande puissance. Par conséquent, il est tout naturel pour l’Inde de se considérer comme une entité importante dans le monde.
Dans un monde qui voit l’émergence de l’Inde et d’autres pays en développement — nous pensons au Brésil et à la Chine, mais il y en a plusieurs autres — le Canada n’est pas la priorité la plus importante pour un pays comme l’Inde. Le Canada est un pays qui bénéficie d’une image plutôt positive que négative. C’est un pays qui intéresse l’Inde en tant que composante d’un marché nord-américain plus vaste. C’est un pays qui l’intéresse parce qu’il est riche en ressources naturelles et que l’Inde a une énorme population qui a besoin de ressources naturelles. Notre secteur des services suscite beaucoup d’admiration. D’ailleurs, l’industrie des services indienne est active sur le marché canadien, dans l’industrie pharmaceutique et dans les services bancaires de détail en Ontario, et cetera.
Cependant, nous ne devons pas nous leurrer et croire que le Canada est l’objectif principal des responsables indiens des orientations en matière de politique étrangère et d’économie. Le Canada est un interlocuteur respecté mais peut-être pas privilégié à leurs yeux.
Enfin, j’aimerais ajouter quelques précisions techniques relativement à des commentaires présentés antérieurement à votre comité au sujet des chiffres économiques dans les relations bilatérales. Lorsque j’étais en Inde, j’ai compris par exemple que les chiffres concernant le commerce et les investissements entre nos deux pays étaient extrêmement déformés.
Prenons par exemple le cas des exportations canadiennes en Inde. Beaucoup de ces exportations ne parviennent pas directement en Inde; elles passent d’abord par des pays avec lesquels l’Inde a des ententes de libre-échange: l’île Maurice, le Sri Lanka et Singapour, par exemple. Par conséquent, les chiffres concernant ces exportations figurent au dossier des échanges avec ces pays intermédiaires plutôt que dans celui de l’Inde, même si cette dernière est la destination ultime.
Deuxièmement, au chapitre des investissements — M. Curtis serait plus apte que moi à vous en parler — le rachat d’entreprises, curieusement, n’est pas considéré comme un investissement et n’entre pas dans les chiffres concernant les investissements. Lorsqu’une société canadienne achète une entreprise indienne, la transaction n’est pas considérée comme un investissement. Lorsqu’une société indienne, comme cela arrive souvent, achète une entreprise canadienne, même une grosse entreprise comme Algoma, on n’en trouve aucune trace dans les chiffres concernant les investissements, même si rien ne saurait mieux correspondre à un investissement.
En fait, les investissements indiens au Canada ont été importants au cours des trois ou quatre dernières années, ce qui signifie que les Indiens apprécient le marché économique canadien pour sa stabilité et le jugent digne de confiance. Les investissements canadiens en Inde sont demeurés plutôt négligeables.
Il faut examiner les chiffres concernant le commerce et l’investissement avec un certain scepticisme et, si vous décidez de vous y intéresser d’un peu plus près, je vous invite, si vous en avez le temps, à faire appel à un véritable expert des relations économiques, afin de vous faire une idée plus juste de la situation que l’examen des chiffres bruts ne peut pas faire ressortir.
Le sénateur Stollery: J’ai quelques questions à poser. J’ai écouté une entrevue de sir Nicholas Stern hier soir et j’ai obtenu la transcription de cette entrevue. Ma question s’adresse plutôt à M. Curtis, mais n’importe lequel d’entre vous peut répondre.
Mes collègues sénateurs savent que sir Nicholas Stern a rédigé un rapport sur les changements climatiques lorsqu’il était économiste en chef à la Banque mondiale. Il est probablement la personne la mieux renseignée dans ce domaine en ce moment. M. Stern nous dit que nous devrions réfléchir au type d’économie que nous voulons mettre en place pour l’avenir. Au cours des deux ou trois prochaines décennies, c’est l’économie à faibles émissions de carbone qui connaîtra la plus grande croissance.
Afin de situer le contexte, M. Stern évoque l’effet des changements climatiques sur les économies. Vers la fin de notre siècle ou au début du siècle suivant, la température aura augmenté de cinq degrés Celsius par rapport au milieu du XIXe siècle. C’est la première fois que cela arrive depuis 30 millions d’années. Les humains n’existent que depuis à peu près 100 000 ans.
Ma question s’adresse à l’un ou l’autre des témoins. Avez-vous réfléchi à cela?
Comme l’a dit M. Curtis, le Canada sortira peut-être de la récession grâce à ses exportations de matières premières. On peut facilement imaginer que la Chine qui connaîtra une croissance de 9 ou 10 p. 100, sera une grande consommatrice de matières premières. L’Alberta en particulier et aussi la Saskatchewan, sont deux provinces dont la prospérité dépend beaucoup des exportations de pétrole. Il me semble qu’il ne faut pas compter sur les exportations de pétrole. Cela poserait problème dans une économie à faibles émissions de carbone. Il ne fait aucun doute qu’il faudra réfléchir à ces questions au cours de la présente génération ou de la suivante. Qu’avez-vous à dire à ce sujet?
M. Curtis: Je serai bref.
L’enjeu des changements climatiques est aussi important à notre époque que l’abolition de l’esclavage le fut au XVIIIe siècle. C’est probablement la question de politique publique la plus grave à laquelle sont confrontés les citoyens du monde, si je peux m’exprimer ainsi.
On dit que la position de sir Nicholas Stern est un peu extrême, mais il a l’appui de nombreux scientifiques. Vous avez parlé de l’augmentation de la température de l’ordre de cinq degrés Celsius. Il s’agit d’une estimation scientifique.
Quelle que soit l’augmentation de la température, il reste que cela entraînera un changement des perspectives économiques à court terme, à moyen terme — disons au cours de la prochaine décennie — et bien au-delà. Les changements climatiques auront des incidences différentes sur les divers pays. C’est un des grands défis qui se posent au monde entier, pas seulement aux pays développés comme le nôtre, mais surtout à la Chine et l’Inde. M. Malone pourrait mieux que moi vous parler de l’Inde.
À mon avis, le grand défi de la Chine est de trouver le juste équilibre entre l’ordre social et la croissance économique. Depuis les réformes de 1978 qui sont à l’origine de la vigueur actuelle du Parti communiste chinois, cet équilibre constitue selon moi le problème et l’enjeu important de la Chine.
Nous sommes tous concernés par cet enjeu. On peut l’examiner de toutes parts, mais il s’agit probablement de l’enjeu du siècle.
M. Malone: L’Inde et le Canada font face à un phénomène fâcheux: la fonte des glaces. Le Nord canadien fond, tout comme les glaces de l’Himalaya, avec des conséquences négatives et importunes pour les deux pays.
Cependant, ce phénomène présente aussi certains aspects positifs. Lors d’un désastre, les Indiens recherchent toujours les côtés positifs. Ils savent très bien que l’Inde devra prendre elle-même ses propres mesures en fonction de sa situation particulière, quels que soient les résultats des négociations multilatérales sur les changements climatiques. L’écoulement des eaux en provenance de l’Himalaya sera probablement réduit. Les Indiens ont bien compris que les changements climatiques auront sans doute des conséquences fâcheuses dans tout le pays.
Ils savent aussi que le Canada est un pays avancé dans le domaine de la haute technologie et que nous mettons l’accent depuis quelques années sur les technologies de l’environnement. Je peux vous raconter, sans crainte de transgresser mon obligation de confidentialité, une anecdote que j’ai vécue au cours de ma carrière. Lorsque j’ai présenté mes lettres de créances au président de l’Inde, en 2006 — il s’appelle Abdul Kalam et c’est un des grands scientifiques de l’Inde qui a visité le Canada l’an dernier — il m’a parlé immédiatement des techniques canadiennes de l’environnement, me disant combien il était impressionné par notre compétence dans le domaine.
Dans le cadre des relations bilatérales entre le Canada et l’Inde, les défis que les changements climatiques présentent à nos deux pays peuvent offrir au Canada une occasion de collaborer avec l’Inde sur le plan économique et en matière de recherche-développement. Il y a deux ans environ, le Canada s’est associé a un groupe de pays que l’on appelait alors les Six de l’Asie-Pacifique — ils sont désormais sept, avec le Canada — afin d’examiner les questions environnementales. Nous avons là des débouchés intéressants. Je suis convaincu qu’au cours des années à venir, la communauté scientifique canadienne et le secteur de la haute technologie qui commercialise les découvertes scientifiques seront une ressource précieuse pour l’économie canadienne et contribueront à étendre son rôle sur la scène internationale.
Le sénateur Zimmer: Avant de poser mes questions, je vais présenter un préambule.
Les changements climatiques contraignent tous les pays du monde à adapter leurs méthodes agricoles et leur utilisation des ressources aquatiques. En Inde, par exemple, le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) a soutenu des recherches qui ont observé de grands écarts en termes de participation, dans les niveaux des cours d’eau et des eaux souterraines. En plus des changements climatiques, on assiste aussi couramment à des changements rapides sur le plan de la concurrence et des investissements commerciaux, de la dégradation de l’environnement et de l’utilisation des ressources. Cependant, lorsque les communautés font face à l’incertitude et au changement, les scénarios traditionnels de planification ne sont plus utiles.
Les chercheurs de l’Institut international du développement durable, dans ma propre province du Manitoba, et de l’Energy and Resources Institute à New Delhi recensent les pratiques adaptatives des agriculteurs dans deux provinces canadiennes — le Manitoba et la Saskatchewan — et dans six villages de l’État du Maharashtra, en Inde.
L’assurance-récolte, le lessivage des terres, la migration temporaire engendrée par la recherche d’emplois et la déscolarisation des enfants pour leur permettre de travailler dans les exploitations agricoles, sont quelques-unes des pratiques adaptatives. La recherche visait également à aider les responsables des orientations de politique à comprendre quels sont les liens entre la politique et cette adaptation à l’échelle des communautés ainsi que la façon dont les politiques peuvent s’adapter à des circonstances inattendues.
À votre avis, quelles sont les ressources de base indispensables pour soutenir l’économie en Inde? Quelles mesures prend-on pour contrer les effets négatifs qui se sont manifestés à la suite de la récente croissance économique, en l’occurrence l’augmentation de la population vivant dans la pauvreté? D’après vous, peut-on appliquer de telles sources de développement économique durable à d’autres pays comme la Chine qui connaissent une croissance économique rapide identique?
M. Malone: Merci, monsieur le sénateur pour vos remarques et votre question.
L’Inde fait face à d’énormes défis en matière de développement. Certains ont été mis en relief par la croissance rapide de divers secteurs de l’économie, parce que d’autres secteurs étaient en retard. Le secteur agricole indien, que beaucoup de Canadiens connaissent bien, n’a pas suivi, après la révolution verte en Inde, le progrès dans le secteur des services et, dans une certaine mesure, dans le secteur industriel.
Les liens entre les exportations agricoles de l’Inde et du Canada sont anciens. De nombreuses universités ayant de dynamiques programmes de recherche agricole, notamment l’Université de la Saskatchewan, l’Université de Guelph et d’autres institutions — dont certains au Québec — sont en contact avec l’Inde depuis de nombreuses années. Voici une petite anecdote historique: Sharad Pawar, ministre de l’Agriculture de l’Inde, un des politiciens les plus puissants du pays, a commencé sa carrière à Ottawa, dans le bureau du premier ministre, dans le cadre d’un programme d’échange du Commonwealth, en 1965.
Le Canada exporte régulièrement de grandes quantités de blé et de légumineuses à grain en Inde. Quand on parle de l’Inde et du Canada, on ne mentionne pas beaucoup les liens agricoles, parce qu’ils ont connu un si grand succès. Ils constituent une bonne base de départ pour assurer le succès d’autres échanges à l’avenir.
Vous avez parlé des nappes d’eau souterraines. En Inde, le problème est terrible. L’usage excessif ou le gaspillage d’eau en agriculture, combiné avec l’utilisation excessive d’engrais est à l’origine de problèmes graves. Les engrais utilisés de manière abusive deviennent toxiques pour les nappes d’eau souterraines.
Après avoir cessé d’investir pendant longtemps dans l’agriculture, l’Inde reprend ses investissements et, à mon avis, cela ouvre de nombreuses possibilités que le Canada pourrait exploiter.
L’Inde doit se préoccuper de certains secteurs afin de préparer l’avenir. Le premier est l’éducation. Les Indiens sont fiers de leur démographie et d’être le pays possédant le profil le plus jeune de tous les grands pays du monde. Cette caractéristique démographique pourrait tourner à son avantage si tous ces jeunes devenaient une main-d’œuvre qualifiée ou très éduquée. En revanche, si cette jeunesse n’est pas suffisamment éduquée, cette explosion de la population pourrait bien se transformer en bombe à retardement.
Selon moi, on ne sait pas encore de quel côté penchera la balance, car le secteur de l’éducation en Inde ne donne pas d’aussi bons résultats qu’il le devrait, bien qu’on ait noté certains progrès depuis 1947. L’éducation supérieure en particulier n’a pas progressé en Inde, même si elle produit chaque année de grandes quantités de diplômés. Reste à savoir si bon nombre de ces diplômés sont employables. Le secteur privé indien exprime régulièrement des opinions négatives à ce sujet.
L’éducation supérieure est un grand défi qui se pose à l’Inde et le prochain gouvernement constitué par quelques-uns des divers partis qui émergeront des élections en cours, devra s’atteler à ce problème.
Le deuxième défi est l’infrastructure. En Chine, le premier volet des réformes économiques a porté d’abord sur l’agriculture, puis sur l’infrastructure. L’Inde a plutôt négligé ces deux secteurs et la négligence de l’infrastructure commence à devenir un handicap réel pour l’expansion du renouveau économique du pays. Dans son plan économique actuel, l’Inde prévoit des investissements indispensables de 500 milliards de dollars dans l’infrastructure du pays. Il est clair que la crise économique mondiale qui touche également l’Inde — quoique dans une moindre mesure que notre pays — signifie que l’infrastructure demeurera un grand défi pour l’Inde et pourrait même prendre de l’ampleur à mesure que le temps passe.
Selon moi, les trois plus grands défis de l’Inde sont l’éducation, l’infrastructure et le renouveau agricole — des secteurs dans lesquels le Canada peut se montrer utile.
M. Curtis: J’aimerais souligner certains points évoqués par M. Malone et rappeler aux sénateurs le grand succès du Plan Colombo et des politiques d’aide à l’étranger mis en œuvre à l’origine par le Canada dans les années 1950 et 1960. Pour certaines raisons, nous avons eu tendance à négliger ce plan, comme l’a dit M. Malone. De temps à autre, il est important de faire un retour en arrière pour s’en souvenir.
Deuxièmement, pour revenir à la question du sénateur et surtout à ses commentaires, il sera intéressant à l’avenir de voir quelle attitude nous adopterons à l’égard de la propriété intellectuelle dans les secteurs de l’agriculture et de la recherche. Dans une certaine mesure, il s’avère difficile pour nous, pour l’Inde et pour tous les pays du monde, de trouver, lors des négociations internationales, une façon d’encourager les innovations utiles en agriculture et dans d’autres secteurs — tout en y intégrant les connaissances traditionnelles, y compris celles qui se rapportent à l’agriculture. Nous n’en sommes pas tout à fait encore là.
Au cours des négociations commerciales actuelles dans le cadre du cycle de négociations commerciales multilatérales de Doha, le Canada et l’Inde ne se sont pas véritablement entendus sur la protection de certains aspects de l’agriculture. Cela ne concerne pas spécialement la propriété intellectuelle, mais nous devrions être bien conscients que le tableau n’est pas complètement rose.
Le président: Monsieur Malone, j’ai une brève question. Je me suis rendu en Inde plusieurs fois et j’y étais encore récemment, en particulier dans l’État de Gujarat. Vos commentaires illustrent bien les disparités régionales que j’ai pu constater en Inde. Cependant, les problèmes ne touchent pas nécessairement l’ensemble du pays. Gujarat en est la preuve. Qu’en pensez-vous?
M. Malone: Vous avez tout à fait raison. L’État de Gujarat est une belle réussite sur le plan économique et a su en particulier comment s’organiser. De manière générale, tous les Indiens ont l’esprit d’entreprise et sont doués dans ce domaine. Les gouvernements de certains États, surtout dans le sud de l’Inde, mais l’État de Gujarat est un exemple nordique, ont su fournir une infrastructure permettant d’encourager le secteur privé à prendre son envol et à faire ce qu’il fait le mieux. Le gouvernement soutient le secteur privé mais ne tente pas de s’immiscer dans ses activités.
Le secteur public indien est tentaculaire et cherche à s’immiscer partout au pays. Nous avons vu que le grand fabricant automobile indien Tata Motors s’est heurté à l’État du Bengale de l’Ouest. La politique locale s’est mêlée de son projet de production de sa nouvelle mini-voiture, la Nano, si bien que M. Tata a décidé de s’installer dans le Gujarat. Ce n’était pas son premier choix, mais son plan de rechange, parce qu’il savait que son projet était économiquement viable.
Vous avez tout à fait raison de souligner que certaines régions de l’Inde, surtout le Sud, mais aussi certains secteurs du Nord comme l’État du Gujarat et d’autres filent sur une vague de prospérité alors que d’autres régions de l’Inde, en particulier les États tribaux — comme le Bihar, à la frontière du Népal — obtiennent de moins bons résultats. À mon avis, cela s’explique par le fait que le secteur public de ces États pêche par manque d’organisation.
Le sénateur Andreychuk: Merci à tous les deux de nous éclairer par vos commentaires nouveaux et pratiques.
Monsieur Curtis, vous avez parlé de valeurs et de démocratie. Je crois que vous pensiez à ce moment-là à la Chine et vous avez dit que les États-Unis accorderaient peut-être moins d’attention aux valeurs à une époque où le commerce et la reprise économique sont les questions de l’heure.
À partir de là, vous avez également parlé des normes internationales: Devons-nous appliquer les normes occidentales ou adopter des normes plus internationales? Il n’y a pas si longtemps, j’aurais participé à un tel débat, mais je m’aperçois aujourd’hui que les Chinois veulent maintenant appliquer les mêmes normes que les nôtres. Par exemple, nous avons certaines exigences en matière de sécurité alimentaire. Les Chinois ne se préoccupaient guère de toutes les normes auxquelles nous avions consacré beaucoup de temps et d’effort, jusqu’à ce que leur propre marché intérieur commence à réagir.
Lorsque les normes internationales seront mises au point, quelles seront celles qui seront finalement différentes des normes que nous avons mis des années et des années à élaborer dans nos propres cultures? Souvent, le besoin d’établir des normes n’a pas pris sa source au sein du gouvernement, mais plutôt à la suite de problèmes rencontrés dans notre pays.
En quoi ces normes internationales seront-elles différentes si l’on fait exception de celles qui s’appliquent à la propriété intellectuelle, qui est une question différente?
M. Curtis: Voilà une bonne question, madame le sénateur. Je voulais justement lancer un débat à ce sujet. En gros, les normes resteront les mêmes. Cependant, notre façon de les interpréter, de les utiliser et de les appliquer pourrait être différente, comme nous le voyons aujourd’hui en Chine où les autorités réagissent par exemple au virus de la grippe en mettant de jeunes Canadiens en quarantaine. Les normes sont les mêmes, mais l’approche est différente.
De manière générale, je ne dis pas que les valeurs auront moins d’importance, mais que l’on assistera à un changement de l’équilibre entre les valeurs et le pouvoir qu’exerceront l’Inde, la Chine, les États-Unis et l’Europe dans son ensemble. En fait, il sera plus compliqué pour des petits pays comme le nôtre de préconiser et de travailler à l’application de normes internationales.
Par exemple, des normes internationales seraient commodes — et le sénateur Zimmer ou d’autres le savent certainement mieux que moi — dans le cas du porc, abstraction faite des problèmes actuels. Dans le cas du porc, nous appliquons les normes américaines, ce qui signifie que nous pouvons exporter cette viande au Japon, mais comme nous ne suivons pas les normes appliquées en Europe et dans le reste du monde, nous ne pouvons pas exporter en Chine, par exemple. Voilà un exemple particulier. Dans le cas des exportations de porc, c’est un exemple extraordinaire, et la question que je me pose est de savoir si le Canada sera finalement contraint de choisir. J’espère que ce ne sera pas le cas et que nous continuerons à insister pour l’adoption de normes internationales et mondiales.
Récemment, je revenais de Floride et je me suis arrêté pour prendre de l’essence en Caroline du Nord. À l’employé qui me servait, j’ai demandé s’il ne pensait pas qu’il serait temps que les États-Unis se mettent au goût du jour et adoptent le système métrique, ou tout au moins les litres, sans parler des kilomètres. Je me souvenais, bien entendu, qu’une des premières lois adoptées par le Congrès des États-Unis, après sa création en 1789, portait justement sur ce sujet, mais qu’elle ne fut jamais mise en pratique. Cet employé m’a répondu que c’était facile à comprendre: les Américains ne veulent pas que l’Armée de libération du peuple ou l’Armée rouge sache combien de kilomètres les séparent de Washington. L’affaire est classée.
Voilà l’Amérique et voilà le genre de choses auxquelles je faisais allusion; rien de plus sérieux.
M. Malone: Permettez-moi d’ajouter cependant que l’Inde et le Canada ont un atout énorme, celui de partager les mêmes valeurs politiques. Dans leurs échanges les politiciens canadiens et indiens parlent essentiellement le même langage politique, malgré d’énormes différences locales. Je suis convaincu que le président Bush est parvenu à faire passer l’entente nucléaire avec l’Inde malgré le scepticisme du Congrès relativement aux aspects de non-prolifération, en grande partie parce que de nombreux membres du Congrès se sentaient plus à l’aise de traiter avec une démocratie comme l’Inde, un pays qu’ils considèrent comme une nation dotée d’un système de freins et de contrepoids et qui se présente comme un acteur plus responsable que d’autres sur le plan des relations internationales.
Bien entendu, il ne faut pas se faire trop d’illusions quant aux valeurs qui nous rapprochent, mais je pense que les valeurs démocratiques communes sont un atout important dans les relations bilatérales et surtout entre le Canada et l’Inde.
Le sénateur Andreychuk: J’aimerais poser une autre question rapide concernant la démocratie en Inde. Ce qui me fascine, c’est la population, la pauvreté, la diversité et la quantité phénoménale de langues différentes. On parle beaucoup de la diversité canadienne. Quand on est allé en Inde, on se rend compte que c’est tellement plus simple au Canada. Beaucoup de Canadiens seraient sans doute choqués par mon commentaire.
Qu’est-ce qui donne à la démocratie indienne une résilience si grande qu’elle semble capable de résister à toutes sortes de bouleversements, se rapprochant du communisme sans toutefois y adhérer puis adoptant la libéralisation avant de faire un peu marche arrière actuellement? Qu’est-ce qui fait la résilience de ce système face à des événements incroyablement contraires dont on ne trouve aucun équivalent ailleurs au cours de l’histoire?
M. Malone: C’est une bonne question et les historiens ont tous des explications différentes. Je vais vous donner mon point de vue strictement personnel qui s’inspire toutefois des réflexions d’historiens indiens.
M. Nehru était un aristocrate, mais il avait des valeurs démocratiques. Il a toujours voulu que l’Inde soit une démocratie et pendant les 17 années qu’il a occupé le siège de premier ministre de l’Inde, il est parvenu, dès les premières années de l’indépendance, à ancrer dans le pays l’habitude de tenir des élections, l’habitude de négocier et s’il a eu des revers, il les a assumés avec sérénité dans un système démocratique.
Mais ensuite, sa fille Indira Gandhi, qui avait des idées beaucoup moins démocratiques et même une forte tendance autocratique, imposa l’état d’urgence en Inde, en 1975. L’échec de cette mesure fut un des événements les plus importants de la démocratie indienne au cours des 60 dernières années. Indira Gandhi perdit son siège aux élections qui suivirent, en 1977. Elle assuma cette défaite, poursuivit sa carrière politique et adopta une attitude démocratique lorsqu’elle occupa à nouveau par la suite le poste de premier ministre. À mon avis, l’état d’urgence ne sera plus jamais déclaré en Inde. Ce fut un échec qui conduisit à une défaite politique cuisante.
Je pense que désormais la démocratie est bien implantée en Inde. Les Indiens votent en grand nombre. En particulier, les pauvres votent. Le vote est une des rares choses qui soient gratuites dans ce pays. Les Indiens pauvres avaient l’habitude de voter en bloc selon leur ethnie, leurs convictions religieuses ou leur caste, mais ce type de vote semble avoir disparu au cours des 10 dernières années. Désormais, les Indiens, y compris les pauvres, votent en fonction de leurs propres intérêts. À l’occasion des élections qui se sont déroulées dans cinq États de l’Inde un mois après les attentats de Mumbai, tous les experts pensaient que ces événements l’emporteraient sur toutes les autres préoccupations. Ils avaient tort. L’électorat a voté pour donner son point de vue sur les enjeux locaux. Les électeurs ont appuyé les gouvernements qu’ils jugeaient compétents en les maintenant au pouvoir et ont renversé les gouvernements par lesquels ils ne se sentaient pas bien servis.
L’électorat indien change à mesure que le temps passe et je suis confiant quant à la survie de la démocratie indienne, bien que la fragmentation de la politie indienne en de nombreux petits partis ne soit peut-être pas une bonne chose pour l’Inde.
[Français]
Le sénateur Dawson: Monsieur Malone, vous avez parlé des chiffres qui nous ont influencés dans le passé. Vous n’êtes pas obligé de répondre, mais si vous aviez des recommandations à faire concernant des témoins qui pourraient nous donner l’heure juste afin qu’on soit à un niveau un peu plus réaliste, je l'apprécierais énormément.
Dans un deuxième temps, vous n’avez pas parlé des services et plus particulièrement du secteur financier. Est-ce parce que ce n’est pas assez important ou est-ce parce que cela va bien dans ce secteur?
Monsieur Curtis, avec le sénateur Andreychuk vous avez parlé de la question du dollar, à savoir si on adoptera le standard financier du dollar ou une autre valeur monétaire. D’après vous, quelle serait cette autre valeur monétaire?
[Traduction]
M. Curtis: J’aimerais répondre rapidement à la question concernant les statistiques, même si elle s’adressait à mon collègue. Le comité jugera peut-être utile de soumettre ces questions au sous-ministre adjoint, Commerce et économie, à Statistique Canada, puisque ces questions se rapportent à tous les pays et pas seulement à l’Inde et à la Chine. Nos statistiques commerciales avec l’Union européenne sont précises, mais elles ne sont pas aussi utiles qu’elles pourraient l’être. Surtout, nos relations commerciales avec les États-Unis ne sont pas parfaites, mais les raisons en sont compliquées.
Dans le cas des États-Unis, nous utilisons leurs statistiques et ils utilisent les nôtres et par conséquent, la qualité de ces chiffres dépend de l’employé qui demande, à la frontière américaine, d’où viennent ces exportations canadiennes, sans se préoccuper de savoir à quel pays elles sont destinées. L’agent de la frontière américaine ne veut pas savoir si ces marchandises qui transitent par les États-Unis sont destinées à l’Amérique du Sud, à Rotterdam ou à Shanghai: il considère que si elles entrent aux États-Unis, elles doivent figurer dans les statistiques relatives à notre commerce avec les États-Unis. En fait, nos statistiques commerciales avec les États-Unis sont surreprésentées alors que celles qui concernent nos échanges avec les autres pays du monde sont sous-représentées.
C’est différent pour les investissements. C’est une question de contrôle plutôt que de chiffres, comme l’a indiqué M. Malone.
Je regrette que ma réponse déborde un peu de notre sujet, mais je pense qu’il est important de savoir exactement sur quoi portent les statistiques. Seuls les médias aiment les chiffres, car ils leur permettent de montrer qu’ils sont bien renseignés, mais en fait il faut être très prudent dans l’utilisation de ces statistiques, afin d’éviter les excès.
Dans le cas des normes, tout d’abord et plus généralement dans le cas des services, nos statistiques ne sont pas aussi fiables. Dans l’ensemble, en matière de services environnementaux et de services financiers canadiens, nous obtenons d’assez bons résultats dans la plupart des pays auxquels nous nous intéressons ce soir. Cependant, nos résultats ne sont pas aussi bons que l’on pourrait espérer, compte tenu de la structure économique dont nous disposons. Par exemple, nos résultats ne sont pas aussi bons que ceux de l’Australie, un pays concurrent qui me paraît être semblable au nôtre. L’Australie obtient de meilleurs résultats, sauf dans le domaine des services financiers où nous nous en tirons bien — ce secteur réunit à la fois les banques et, en particulier, les compagnies d’assurance. La situation étant complexe, il faut l’examiner secteur par secteur afin de pouvoir se faire une idée juste.
Enfin, pour ce qui est des normes financières, elles sont élaborées de manière multilatérale sous l’égide du Groupe des 20. Il est intéressant de noter que nous n’avons pas encore parlé du groupe de travail chargé de la réglementation internationale des services financiers qui est coprésidé par un Canadien et par un Indien. Le Canadien vient de la Banque du Canada et l’Indien vient, je crois, de la Reserve Bank of India.
M. Malone: C’est le sous-gouverneur de la Reserve Bank.
M. Curtis: C’est exact, le sous-gouverneur. Si le Canada se montre suffisamment entreprenant, nous serons en mesure d’influencer la forme que prendra la réglementation financière internationale. Nous sommes fiers de notre réglementation et nous l’avons toujours été, mais cette conviction ne tardera pas à s’émousser si nous ne continuons pas à travailler à l’instauration de normes internationales et mondiales ainsi qu’à la stabilité et à la prévisibilité de ces normes en général. J’étais inquiet au sujet des normes concernant les biens et autres services, ainsi que les services financiers.
M. Malone: Je pense que c’est une excellente idée d’avoir suggéré Statistique Canada. Il est déconcertant pour ceux d’entre nous qui essayons d’évaluer quantitativement les relations économiques internationales du Canada de constater des écarts souvent importants entre les statistiques et ce que nous savons être la réalité.
M. Curtis: Ce que nous pensons être la réalité.
M. Malone: Parfois, nous savons vraiment ce qu’elle représente.
M. Curtis: C’est un ambassadeur qui vous parle.
M. Malone: Pour ce qui est du secteur financier, commençons tout d’abord par l’Inde. Les Indiens n’ont libéralisé leur secteur financier que récemment et encore, cette libéralisation n’est pas complète, si bien que les banques et les compagnies d’assurance canadiennes installées en Inde ne peuvent pas être entièrement propriétaires de leurs activités dans certains secteurs de l’économie. La société Sun Life a obtenu d’excellents résultants en tant que partenaire d’une société indienne, Birla, parvenant à faire revivre un nom qui était important dans le milieu indien des assurances à la fin du XIXe siècle. La Banque de Nouvelle-Écosse obtient également de bons résultats en Inde, en particulier dans le commerce de l’or; parce qu’elle a accepté de passer quelques années difficiles en Inde afin d’être sur place lorsque la prospérité reviendra.
Il arrive de temps à autre que les banques canadiennes tentent leur chance en Inde, mais elles sont souvent distraites par des événements qui se produisent plus près de chez nous, sur le marché américain ou ici même, au Canada. Je pense que l’avenir réserve d’extraordinaires possibilités aux services financiers canadiens la moindre n’étant pas de sortir de la crise actuelle qui a permis aux services financiers canadiens de se démarquer pratiquement de tous les autres comme des services stables et bien gérés. Le potentiel international devrait être, s’il est bien géré, extraordinaire pour les institutions financières canadiennes dans le monde entier. J’y vois une sorte de récompense d’une gestion prudente.
Le sénateur Wallin: Merci à tous les deux d’être venus. J’ai quelques questions compliquées à poser, mais la réponse devrait être facile dans un sens. Je veux revenir au commerce. Vous connaissez les statistiques qui sont publiées. Nos exportations vers l’Inde représentent 0,5 p. 100 du marché canadien et nos importations à partir de l’Inde représentent aussi 0,5 p. 100. Même si la Chine est le partenaire commercial avec qui nos échanges s’intensifient le plus, nous continuons à avoir plus d’échanges avec les États-Unis en une semaine qu’avec la Chine en un an. En termes de pourcentage, quel est à votre avis le degré d’inexactitude de ces chiffres que nous utilisons quotidiennement? Vous semblez dire tous les deux que ces statistiques ne reflètent pas l’ensemble de nos échanges commerciaux.
M. Curtis: Rapidement, madame le sénateur, ma réponse se présente essentiellement comme suit: compte tenu de la géographie et de la taille relative des économies avec lesquelles nous traitons bilatéralement, soit l’Inde, la Chine, la Corée, le Brésil, nos résultats sont assez moyens et méritent la note B. Ce n’est pas mal. Ce n’est pas un D. Ce n’est pas extraordinaire et le total des échanges avec chaque pays est légèrement différent, mais dans l’ensemble c’est à peu près ce qu’on pouvait espérer. Il ne faut pas oublier que notre pays a fait un choix fondamental en 1988, celui d’intégrer une grande partie de son secteur manufacturier après l’avoir fait dans le secteur automobile en 1965. C’était un choix politique et conscient.
En raison de l’intégration, pour le meilleur ou pour le pire, les chiffres que vous avez cités ne sont pas terriblement anormaux. Comme je l’ai dit, mes collègues et moi avons comparé les statistiques relatives à l’Australie et au Canada et ces chiffres, étonnamment, ne sont pas anormaux. Il faut examiner chaque secteur, mais ces résultats ne sont pas anormaux.
M. Malone: Je témoigne ici en mon nom personnel et je suis personnellement convaincu que notre relation commerciale avec les États-Unis est primordiale pour le Canada. Si cette relation n’est pas profitable, aucune autre n’a d’importance. Cela étant dit, le Canada peut bien faire deux choses à la fois et c’est pourquoi il est important de s’intéresser à d’autres grandes puissances économiques du monde afin de voir ce que nous pouvons faire et ce qui se passe d’important chez elles.
Il est intéressant de noter que le Canada ne se débrouille pas trop mal en Inde, puisque nos activités représentent environ 10 p. 100 des activités américaines dans ce pays. Et c’est exactement ce à quoi nous pouvions nous attendre. On est loin de la catastrophe et d’une mauvaise exploitation de notre potentiel commercial, puisque nos activités commerciales en Inde sont plutôt satisfaisantes.
Je pense que nous bénéficions d’un avantage comparatif dans certains secteurs, notamment en agriculture, en partie parce que les Indiens sont à l’aise avec les normes canadiennes dans le secteur céréalier. Ils sont actuellement en conflit avec les États-Unis relativement aux normes phytosanitaires que le gouvernement américain applique aux céréales américaines et ce différend laisse la porte grande ouverte aux exportations canadiennes. Je suis heureux de préciser que nous profitons pleinement de cet avantage.
Nous devons privilégier nos relations économiques avec les États-Unis et faire de ce pays notre premier partenaire économique. On peut remarquer que notre relation avec des pays comme l’Inde comporte un certain élément triangulaire. Pourquoi un pays comme l’Inde s’intéresserait-il au Canada? Pourquoi les sociétés indiennes investissent-elles autant au Canada? Je ne suis pas certain que l’intérêt de l’Inde serait le même si le Canada était situé quelque part au milieu de l’océan Indien. Je suis convaincu que le fait d’être voisin des États-Unis et membre de l’espace de libre-échange avec les États-Unis constitue un attrait important pour les autres pays qui se tournent vers le Canada pour investir, y compris dans le secteur des services.
Le sénateur Wallin: Je suis tout à fait d’accord avec vous et d’ailleurs, vous connaissez sans doute mon point de vue sur le sujet.
M. Malone: Je le partage.
Le sénateur Wallin: Exactement.
Vous savez sans aucun doute que je porte aussi un grand intérêt à l’Afghanistan. Je vais vous poser une question à laquelle vous pourrez presque répondre par oui ou par non. Pensez-vous que l’Inde pourrait nous aider, l’Occident en particulier, dans la lutte contre le terrorisme au Pakistan?
M. Malone: La question est délicate parce que, pour les Indiens et pour les Pakistanais, l’Afghanistan est un pays voisin. Les deux pays entretiennent une relation intense — très forte sur le plan émotionnel — avec l’Afghanistan. Le gouvernement indien a avec l’Afghanistan des relations analogues à celles des autres pays de l’OTAN, l’Organisation du traité de l’Atlantique-Nord, et se livre lui aussi à des activités analogues de développement — même si, dans le cas de l’Inde, il n’est pas question d’action militaire, sauf dans des cas d’autodéfense. Il sait cependant que si son intervention devait se transformer en action militaire, cela aggraverait considérablement les tensions avec le Pakistan.
Les Indiens eux-mêmes sont très conscients de la position délicate dans laquelle les place leur présence en Afghanistan, vis-à-vis de leurs voisins pakistanais. Je trouvais particulièrement utile que les politiciens canadiens en visite en Inde — et la situation s’est souvent présentée — prennent le temps de communiquer avec les Indiens afin de mieux connaître leur point de vue sur l’Afghanistan. Ils ont des réserves considérables vis-à-vis de l’Afghanistan sur le plan de la sécurité.
La menace la plus grave à la sécurité qui a marqué le monde politique indien fut le détournement d’un avion indien — au Népal par des Talibans — vers Kandahar, il y a quelques années. L’Inde avait alors renié tous ces principes et libéré plusieurs prisonniers pour répondre aux demandes des pirates de l’air. Le ministre indien des Affaires étrangères qui voyageait sur ce vol, fut emmené en otage à Kandahar. Ces événements sont gravés dans la mémoire politique de l’Inde. Tout ce qui concerne l’Afghanistan revêt une importante aiguë pour l’Inde, mais le gouvernement indien est suffisamment mûr pour savoir qu’aux yeux du Pakistan, ces activités en Afghanistan représentent un sujet délicat et c’est pourquoi il a décidé de concentrer ses activités uniquement sur le développement.
Le programme de développement indien en Afghanistan a récemment dépassé le milliard de dollars. Voilà une somme très importante pour un pays en développement qui compte lui-même beaucoup de pauvres. Le développement met principalement l’accent sur l’infrastructure, mais aussi, dans une certaine mesure, sur les écoles. L’OTAN et les Indiens ne sont pas intéressés à jumeler leurs activités. Ils se félicitent sans doute tous deux de la présence de l’autre pour des missions et des activités particulières, mais ils comprennent très bien que tout partenariat entre eux serait jugé trop menaçant pour le Pakistan.
M. Curtis: Je vais revenir au point soulevé par le sénateur Dawson et le sénateur Wallin afin de souligner pour les besoins du comité le concept triangulaire évoqué par M. Malone au chapitre des pratiques économiques. Il faut se souvenir que les échanges économiques ne sont pas nécessairement bilatéraux; en fait, beaucoup de ces échanges concernent plusieurs pays et la crainte des Canadiens de devenir trop tributaires des États-Unis n’est pratiquement pas fondée. Si les États-Unis ont des échanges multilatéraux et que nous sommes intégrés avec eux — tout au moins dans le secteur manufacturier — cette intégration nous fait participer également à ces échanges multilatéraux. Il est important de situer la relation économique du Canada avec le monde dans un contexte plus large. Ce qu’il est convenu d’appeler la chaîne de valeur mondiale est vraiment une réalité — malgré les pressions dont elle fait l’objet en ce moment à cause du ralentissement économique — et, lorsqu’on examine les statistiques, c’est un élément important à prendre en compte.
La relation ne se limite pas aux échanges entre le Canada et l’Inde; elle comprend aussi les échanges du Canada avec ses partenaires japonais, chinois et autres qui travaillent, commercent et investissent en Inde.
Le sénateur Zimmer: À la page 3 des notes d’information préparées à l’intention de notre comité, on peut lire que 10 p. 100 de la main-d’œuvre indienne travaille dans le secteur officiel; cela signifie que 90 p. 100 de la population se livre à des activités économiques non taxables et non contrôlées. Malgré ces chiffres, l’Inde est parvenue à afficher des taux de croissance extraordinaires.
Monsieur Malone, en tant qu’ancien haut-commissaire du Canada en Inde, je suis certain que vous avez une idée de l’importance du secteur non officiel de l’Inde. Pouvez-vous définir, à l’intention de notre comité, quelques-unes des forces et des faiblesses de ce secteur non officiel indien? Avez-vous certains conseils à formuler relativement aux mesures que le pays devrait prendre pour accéder à un autre palier dans son développement?
M. Malone: Monsieur le sénateur, vous avez eu l’amabilité de mentionner plus tôt l’organisme qui m’emploie actuellement, en l’occurrence le Centre de recherches pour le développement international. Nous finançons en Inde des travaux qui portent précisément sur ces questions. Comment conjuguer au mieux les énormes qualités du capital humain indien afin d’obtenir un succès économique encore plus grand, mais aussi dans le but d’accroître les protections sociales? L’Inde n’a pas toujours eu un système de protection sociale comme celui que nous avons au Canada.
J’ai récemment eu l’occasion d’examiner le modèle chinois et le modèle indien de développement dans le secteur de l’agriculture. Ce sont des modèles totalement différents et c’est pourquoi les deux pays sont d’un grand intérêt pour les autres pays en développement. Ils sont considérés comme deux modèles radicalement différents dans lesquels on peut faire son choix.
Vous vous souvenez sans doute que les Chinois ont pratiquement tout privatisé à la fin des années 1970 et au début des années 1980, estimant qu’une forte croissance économique permettrait à la population de se dispenser de programmes sociaux et d’un système de protection.
En Inde, les 90 p. 100 de la population qui travaillent dans le secteur non officiel bénéficient souvent de programmes sociaux complets financés par le gouvernement. Par exemple, les populations les plus pauvres bénéficient d’un programme mis en œuvre par le gouvernement indien actuel et intitulé Plan de garantie d’emploi rural qui accorde à toute famille pauvre de l’Inde 100 jours de travail payés par le gouvernement. Le gouvernement garantit aux familles qui ne peuvent trouver de travail, un emploi pendant 100 jours. Le parti au pouvoir a annoncé dans sa récente plate-forme que la garantie serait étendue à tous les habitants de l’Inde et pas seulement aux familles. Cette garantie est une importante extension du filet de sécurité sociale offert en Inde qu’elle soit maintenue ou non.
La crise économique actuelle était une grande source d’inquiétude pour la Chine — essentiellement parce qu’il n’y avait plus de filet de sécurité sociale, ce qui soulève la crainte du retour massif de travailleurs urbains inactifs dans leur village d’origine — en Inde, il existe une multitude de programmes gouvernementaux pour venir en Inde aux pauvres. Ces programmes ne sont pas très efficaces et, malheureusement, une faible partie de l’argent parvient aux pauvres eux-mêmes, mais le gouvernement indien s’améliore, y compris sur un certain nombre de points préconisés par des Canadiens.
Nous avions préconisé la gouvernance électronique pour éliminer les intermédiaires et la corruption et cette approche commence à s’implanter en Inde. La population aura accès directement à l’argent du gouvernement qui lui est destiné.
Je suis optimiste au sujet des 90 p. 100 qui ne sont pas employés dans le secteur privé officiel. En Inde, le secteur privé se développe rapidement et si les besoins en main-d’œuvre n’augmentent pas aussi rapidement qu’on l’aurait espéré, les jeunes Indiens sont très confiants en leur avenir.
Lorsque je séjourne et que je voyage en Inde, j’ai le grand plaisir de pouvoir apprécier l’optimisme inné des Indiens, la télévision par satellite qui est disponible désormais partout en Inde, retransmet parmi les populations pauvres les échos de la prospérité du secteur privé. Le fait de voir que la situation de certains de leurs concitoyens s’améliore n’a pas pour effet de déprimer les Indiens pauvres. Ils réagissent plutôt comme les Américains et se disent qu’ils doivent eux aussi aller chercher leur part du gâteau.
D’après mon expérience, les Indiens ressemblent plus aux Américains qu’à n’importe quelle autre nationalité. Chez eux, l’esprit d’entreprise est inné. Ils sont optimistes. Ce sont de grands travailleurs, comme nous pouvons le voir chez nos compatriotes indo-canadiens.
C’est difficile de ne pas être optimiste pour l’Inde. On retrouve également bon nombre de ces qualités en Chine et c’est une des raisons de sa prospérité.
Le sénateur Stollery: C’est intéressant d’entendre parler de l’Inde. Je connais assez bien la région comprise entre la frontière afghane et Rangoon. Ce qui est intéressant au sujet de Rangoon, c’est le point de rencontre entre les Bengalis orientaux et les Chinois. Traditionnellement, les Chinois exerçaient le métier de cordonnier à Calcutta. À Rangoon, les Bengalis orientaux pratiquent le même métier.
Le comité est également saisi du dossier d’Exportation et développement Canada, un organisme que vous connaissez bien tous les deux. Certains d’entre nous remettent en question l’utilité de l’examen décennal confié à un consultant de l’extérieur. Le comité a été avisé il y a à peu près six semaines, que cette étude coûterait environ 1 million de dollars. Je pense que ce chiffre est exact, mais si je faisais erreur, j’aimerais qu’on le rectifie. Je ne remets pas en valeur la qualité du travail, mais je me pose la question, comme d’autres membres du comité, quant à l’utilité de cet examen décennal qui est ensuite soumis à un comité parlementaire. Il me semble que cet examen aurait dû être confié au comité parlementaire, soit à la Chambre des communes, soit au Sénat; je n’ai pas de préférence spéciale. Bien entendu, le comité serait libre de consulter des experts de l’extérieur.
Pourquoi avons-nous besoin de cet examen décennal à un moment où le secteur commercial bouge de plus en plus rapidement? Le Parlement pourrait-il effectuer cet examen au moment où Exportation et développement Canada dépose son rapport annuel au Parlement? Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?
M. Curtis: Je précise à nouveau que je n’ai pas participé à ce groupe d’activité, même si je suis les travaux économiques réalisés en ville depuis plus de 30 ans maintenant. Tout comme la Loi sur les banques, la Loi sur l’expansion des exportations qui a donné lieu à la création d’Exportation et développement Canada, contenait la même disposition d’examen décennal. Cette disposition a été adoptée par le Parlement dans les années 1950. Il me semble que le Parlement, la Chambre et le Sénat, ont la capacité de modifier cette disposition s’ils le jugent nécessaire.
Le financement du commerce extérieur est un domaine difficile, mais il ne change pas beaucoup d’année en année. On connaît plus ou moins son fonctionnement. Il est fort possible que l’on n’ait pas besoin d’effectuer un examen aussi approfondi des divers aspects comme on le faisait peut-être dans les années 1960, 1970 et 1980. Je ne peux pas vous dire exactement si cet examen devrait être effectué uniquement en comité ou vérifié par le comité. Je peux vous dire seulement que l’OCDE s’est penchée sur le financement du commerce extérieur; divers pays ont apporté des changements à leurs institutions afin d’appuyer le commerce international lorsque cela s’avérait nécessaire, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, l’assurance du financement. Je suggère que l’on s’adresse au gouvernement en place afin de recommander de modifier la loi suivant la procédure administrative en vigueur.
M. Malone: J’aimerais formuler quelques commentaires. Puisque j’ai des affinités spéciales avec l’Inde et que le sénateur a mentionné Exportation et développement Canada, j’aimerais préciser qu’EDC joue un rôle extrêmement positif en Inde. Les entreprises canadiennes étaient assez méfiantes au sujet de l’Inde et le sont encore dans une certaine mesure. La présence d’EDC, toujours prête à offrir garantie, assurance et encouragement, s’est avérée extrêmement importante. EDC est un intervenant respecté sur les marchés financiers indiens. Au haut-commissariat canadien travaillait un exceptionnel agent supérieur d’EDC qui est maintenant vice-président d’EDC pour l’Asie et qui est désormais à Singapour; c’était un atout important.
Deuxièmement, mais c’est une considération purement théorique, je pense que la société de la Couronne qui m’emploie doit, elle aussi, produire divers rapports d’examen. Vous avez noté à juste titre que nous présentons un rapport chaque année au Parlement. Chaque année, la vérificatrice générale se livre à la vérification de notre organisme et son rapport nous est utile, parce qu’elle détecte parfois une lacune qui nous avait échappé; et tous les cinq ans, elle effectue un examen en profondeur des programmes du CRDI. Cet examen quinquennal nous semble également utile.
Il est possible que l’examen décennal d’EDC soit utile pour Exportation et développement Canada. Je me pose tout simplement la question, puisque nous trouvons nous-mêmes fort utiles les examens dont le CRDI fait l’objet.
Le sénateur Stollery: C’est différent, puisque dans votre cas, c’est la vérificatrice générale qui effectue les examens.
M. Malone: En effet.
Le président: Merci beaucoup messieurs. Je suis sûr que mes collègues ont trouvé comme moi que votre témoignage a été éclairant et pertinent et qu’il sera utile pour notre rapport. En attendant d’avoir le plaisir de vous revoir, nous vous saluons et vous disons bonsoir.
Je remercie mes collègues d’être venus. Notre prochaine réunion aura lieu demain à 16 heures.
(La séance est levée.)
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