Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
OTTAWA, le mercredi 7 mars 2012
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 28, pour étudier et en faire rapport la création d'une « charte du Commonwealth » tel que convenu par les chefs de gouvernement des pays du Commonwealth à la réunion tenue à Perth, en Australie, en octobre 2011, ainsi que les implications de cette charte pour le Canada.
Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
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La présidente : Nous avons eu un retard parce que nos témoins sont des députés de la Chambre des communes et qu'il y a eu un vote. On me dit qu'il y aura un autre vote à la Chambre, de sorte que nos témoins ont très peu de temps. Avec l'accord du comité, je propose de commencer la séance. Les témoins feront leurs exposés et répondront au plus grand nombre de questions possible.
J'aimerais que les témoins me fassent signe lorsqu'ils devront quitter la salle. Faites-nous savoir à quel moment vous devrez vous rendre à l'autre endroit. Nous ne pouvons pas prolonger la séance, parce que nous recevons un autre groupe de témoins à distance, par vidéoconférence, de sorte que nous devons respecter notre horaire.
Nous sommes le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Nous avons été mandatés pour faire une étude ainsi qu'un rapport sur la création d'une charte du Commonwealth, tel que convenu par les chefs de gouvernement des pays du Commonwealth à la réunion tenue à Perth, en Australie, en octobre 2011, ainsi que les implications de cette charte pour le Canada.
Le ministre responsable nous a demandé de faire une consultation sur la faisabilité et l'opportunité de cette entreprise et de fournir tout autre conseil que nous pourrions formuler respectivement à une proposition de charte du Commonwealth.
Comme témoins aujourd'hui, nous recevons M. Russ Hiebert, député et président de la section canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth, ainsi que M. Joe Preston, député siégeant à l'exécutif qui représente la région canadienne à l'Association parlementaire du Commonwealth.
L'Association parlementaire du Commonwealth n'est pas une entité inconnue de nos membres, puisque bon nombre d'entre nous ont été des membres à long terme du comité exécutif et de la section canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth.
On nous dit qu'une charte pourrait présenter certains avantages à l'APC, mais vous voudrez certainement nous présenter votre point de vue là-dessus en fonction du travail que vous faites, à savoir s'il est opportun de créer une charte du Commonwealth, sous quelle forme, et quelle en serait l'utilité pour les parlementaires que vous représentez. Je vous souhaite la bienvenue au Sénat.
Russ Hiebert, député, président, Association parlementaire du Commonwealth — Parlement du Canada : Honorables sénateurs, je vous remercie d'avoir demandé à mon collègue qui est membre de l'APC et à moi-même de témoigner devant le comité dans le cadre de l'étude sur la création d'une charte du Commonwealth et des implications de cette charte pour le Canada.
D'abord, j'aimerais vous donner un peu de contexte sur l'APC et parler de l'intérêt que nous aurions à créer une charte du Commonwealth. Comme vous êtes nombreux à le savoir, l'Association parlementaire du Commonwealth, ou l'APC, date de 1911, année à laquelle elle a été fondée sous le nom de l'Association parlementaire de l'Empire. Depuis ce temps, l'APC a connu divers changements. Elle a adopté son nom actuel en 1948, et le nombre de ses membres s'est élargi pour inclure 175 corps législatifs à l'échelle du monde, ce qui représente environ 17 000 parlementaires au niveau fédéral, provincial et territorial.
L'APC offre une tribune précieuse grâce à laquelle des législateurs des pays du Commonwealth peuvent se consulter à intervalle régulier, promouvoir la collaboration et une entente mutuelle et faire la promotion de bonnes pratiques parlementaires. L'APC œuvre à la promotion et à l'amélioration de la démocratie parlementaire en favorisant la connaissance et la compréhension de la gouvernance démocratique parmi les pays du Commonwealth. L'APC organise des conférences, des séminaires et des ateliers, et elle publie et diffuse de l'information parlementaire, elle œuvre à la promotion de la gestion efficace des assemblées législatives et encourage l'échange de connaissances et des compétences parmi ses membres.
Les parlementaires canadiens jouent un rôle important dans la réalisation de ce mandat éducatif. En tant que l'une des plus vieilles démocraties parlementaires du Commonwealth, relativement parlant, nous avons la capacité de partager nos expériences, nos succès et nos défis avec les démocraties émergentes et en voie de développement.
La richesse de l'expérience du Canada en tant que démocratie parlementaire permet à nos législateurs de faire part de leurs connaissances sur toute une variété de questions, aidant ainsi d'autres parlements à prendre des décisions efficaces et bien réfléchies. Je voudrais maintenant vous parler de l'élaboration de l'ébauche de charte que nous étudions à l'heure actuelle.
La dernière réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth s'est tenue à Perth, en Australie, en octobre 2011, et j'y ai accompagné le premier ministre. À Perth, on a convenu de la création d'une charte de Commonwealth. Le Commonwealth ne dispose pas de constitution en tant que telle, par conséquent, ses principes et ses valeurs de base ont été consignés dans une série de documents différents. Il y a 40 ans, l'objectif du Commonwealth a été décrit dans la déclaration de Singapour de 1971 comme suit : promouvoir la paix et l'ordre dans le monde à l'appui de l'action des Nations Unies, l'égalité des droits et la liberté individuelle, l'opposition au racisme, l'opposition au colonialisme, l'éradication de la pauvreté, de l'ignorance, des maladies et de l'inégalité économique; favoriser le libre-échange, la coopération institutionnelle, le multilatéralisme et rejeter la coercition internationale.
Vingt ans plus tard, la déclaration Harare de 1991 réaffirmait une bonne partie de la déclaration de Singapour, et dans vingt ans, nous réexaminons encore une fois ce que représente le Commonwealth.
Je pense que le fait que le Commonwealth veuille bien se poser cette question primordiale relativement à sa raison d'être reflète sa maturité en tant qu'organisation. De notre point de vue, nous accueillons la recommandation visant la création d'une charte du Commonwealth par le Groupe de personnalités éminentes. Cette initiative visant à créer un document unificateur pour l'organisation ainsi que le projet plus vaste de renouvellement au sein du Commonwealth sont des activités extrêmement importantes. L'ébauche de charte qui nous est présentée présente les valeurs et les aspirations du Commonwealth. Ces valeurs comprennent notamment : la paix et la sécurité, la croissance et le développement économique, des relations mondiales multilatérales, la démocratie, la bonne gouvernance et la primauté du droit, l'égalité des sexes et les droits de la personne, le renforcement de la société civile et des médias.
Il s'agit de principes fondamentaux, et nous croyons que les parlementaires canadiens et qu'en fait les parlementaires de l'ensemble des pays du Commonwealth peuvent jouer un rôle important pour mettre en application et faire respecter ces principes. Les parlementaires canadiens sont déjà des chefs de file dans la promotion des valeurs et des aspirations exprimées dans la charte proposée. Je pense que des articles de la nouvelle charte permettent au Commonwealth de progresser, et j'aimerais vous en présenter quelques-uns.
L'ébauche de la charte soulève dans l'article 10 le « partage de documents juridiques », tandis que l'article 15 porte sur l'entraide lorsque « des efforts de consolidation de la paix sont nécessaires. » Les parlementaires canadiens assistent déjà d'autres membres du Commonwealth en partageant leurs connaissances et leur expérience avec eux. L'ébauche de la charte rend explicite la nécessité d'une telle coopération, et je pense qu'elle ne pourra que croître dans l'avenir. Il y a ensuite l'article 23 de l'ébauche qui stipule que :
... face à des violations graves et persistantes des valeurs énoncées aux présentes, le silence du Commonwealth n'est pas une option.
Reste à savoir quelle sera la réaction à cet article au cours de la période de consultation. Telle qu'il est rédigé, il semblerait imposer au Canada, à titre de pays membre du Commonwealth, une obligation positive de prendre la parole lorsque la charte du Commonwealth fait l'objet de violation. Un certain nombre de questions se posent à cet égard. Le Canada doit-il parler conjointement avec le Commonwealth en tant qu'organe collectif ou bien doit-il parler de son propre chef? Serait-ce important que le pays du Commonwealth visé ait accepté ou non les termes de la charte? Et comment définira-t-on une violation grave et persistante?
Comme dans d'autres secteurs des relations internationales, il peut s'écouler un certain temps avant que des précédents dans ce secteur s'accumulent. Le Groupe de personnalités éminentes a également recommandé qu'un commissaire à la démocratie, à la primauté du droit et aux droits de la personne soit nommé pour fournir, de façon simultanée, de l'information documentée et fiable au secrétaire général et au président du Groupe d'action ministériel du Commonwealth sur les violations graves et persistantes des principes de la démocratie, de la primauté du droit et les droits de la personne dans les États membres et à proposer des mesures correctives.
Jusqu'à maintenant, ce rôle a essentiellement été joué par le secrétaire général, mais il est clair qu'un agent indépendant — semblable à notre vérificateur général ou au commissaire à l'information — serait mieux placé pour faire enquête sur les violations et formuler des recommandations. Manifestement, ce nouveau commissaire devra se doter d'un code de conduite, et la charte proposée est le document logique où devrait figurer ce code et auquel devront adhérer toutes les nations membres.
À l'avenir, la charte pourrait servir de feuille de route innovatrice pour aider les pays du Commonwealth à cibler des secteurs d'amélioration, à canaliser notre histoire et notre patrimoine communs vers un avenir partagé où règnera une gouvernance démocratique efficace. Je crois également que cet exercice représente pour nous une importante possibilité non seulement de renouveler et de redynamiser l'organisation, mais également de développer une vision de ce que devrait entreprendre le Commonwealth dans l'avenir. Les objectifs énumérés précédemment dans l'ébauche de la charte — comme un respect accru pour les droits individuels et la construction de nos démocraties — ont toujours été des objectifs louables du Commonwealth et ils continueront de l'être dans l'avenir, comme il se doit.
Toutefois, comme l'a signalé un membre du Groupe de personnalités éminentes, le fait de tout simplement réaffirmer les objectifs et les aspirations du Commonwealth ne constitue pas en soi une valeur ajoutée. Si la charte doit porter une véritable valeur et pertinence, elle doit embrasser une vision qui fait avancer les nations membres dans des secteurs qui n'ont pas déjà été ciblés.
Le rapport du Groupe de personnalités éminentes stipule que des consultations nationales comme celles-ci — c'est- à-dire comme celles menées actuellement par le comité — devraient examiner les recommandations proposées aux chefs de gouvernement du Commonwealth.
Par conséquent, j'aimerais proposer comme recommandation que nous mettions davantage l'accent sur deux objectifs économiques qui sont énumérés dans une certaine mesure dans la déclaration de Singapour, que j'ai déjà mentionnés, mais qui n'ont pas reçu autant d'attention qu'ils l'auraient méritée dans les récentes discussions et initiatives du Commonwealth.
Les deux objectifs sont le libre-échange et, selon le principe de la primauté du droit, la protection des droits de propriété, et surtout des droits d'auteur, des brevets et des marques de commerce. La promotion et la protection des droits de propriété dans l'ensemble des pays du Commonwealth faciliteront l'investissement dans les pays membres et la prospérité de toutes ces nations membres. Le fait de mettre l'accent sur la libéralisation du commerce à l'échelle du Commonwealth pourrait se traduire par des résultats positifs pour le Canada et les nations sœurs du Commonwealth qu'il nous serait impossible d'atteindre par l'entremise de nos modèles de négociation bilatérale actuels. Un nouvel accent sur le libre- échange et les droits de propriété se traduira par de plus amples possibilités économiques pour l'ensemble du Commonwealth et un meilleur avenir pour tous nos peuples.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
La présidente : Merci.
Monsieur Preston, avez-vous quelque chose à ajouter?
Joe Preston, député, membre, Association parlementaire du Commonwealth — Parlement du Canada : Je vais brièvement prendre la parole. M. Hiebert a couvert la plupart des conversations sur la création d'une charte. Je vous remercie pour le travail que vous faites en examinant l'élaboration d'une charte.
Il a été signalé dans les documents que nous devons faire tout ce qui est possible de faire du point de vue des consultations pour élaborer la charte. M. Hiebert a évoqué la Déclaration de Singapour et la Déclaration de Harare. Toutefois, il n'a pas mentionné les principes Latimer, mais il en a toutefois mentionné d'autres que le Commonwealth a mis de l'avant au fil du temps pour mesurer nos progrès et, si l'on veut, nous doter d'un code de conduite. Il ne faut pas rejeter ces principes.
Cependant, en tant que membre de l'Association parlementaire du Commonwealth, je crois que la charte énoncera l'ensemble de valeurs qui définira le Commonwealth. En tant que parlementaire membre de cette association, il nous appartiendra de collaborer avec d'autres parlementaires qui énoncent les valeurs d'autres nations, nations qui seront visées par cette charte, pour les aider à le faire à titre de nouvelle démocratie et de nouveaux parlements; nous continuerons aussi à les aider grâce à la démarche d'éducation que l'Association parlementaire du Commonwealth favorise depuis 100 ans.
Nous avons aussi un rôle d'arbitre à jouer, en quelque sorte, pour signaler les améliorations que nous pouvons apporter nous-mêmes et que d'autres parlementaires peuvent apporter. Nous procédons par jumelage, car il s'agit à notre avis de la meilleure méthode pédagogique, et ce rôle incombe véritablement aux parlementaires membres de cette association.
Je répondrai volontiers à vos questions.
La présidente : Monsieur Hiebert, d'après certaines critiques émanant d'autres pays, il ne s'agirait pas vraiment d'une charte, mais plutôt d'un énoncé de valeurs et de droits. Si c'est bien le cas, est-ce que tous les pays du Commonwealth y adhéreraient? Sinon, comment pourrait-on la mettre en application sans l'adhésion de certains membres?
Le sénateur Segal nous a dit que la charte pourrait servir pour l'admission de nouveaux candidats. Mais d'autres se posent la question suivante : Qu'arrivera-t-il si nous ne respectons pas les valeurs énoncées dans la charte? Comment pourra-t-on l'appliquer? Par le passé, la mise en œuvre de tels énoncés n'a pas toujours été à la hauteur des attentes.
Dans ces conditions, comment la charte que vous avez décrite pourrait-elle voir le jour? Avec les ajouts que vous avez mentionnés et je vous remercie pour vos éclaircissements qui sont très instructifs et nous aident. Néanmoins, comment pourrait-on mettre en application la charte si elle se limite à une déclaration d'intention et ne peut pas être mise en œuvre?
M. Hiebert : Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, il existe déjà des documents historiques du même genre : la Déclaration de Singapour et la Déclaration de Harare. Dans une certaine mesure, la charte les actualiserait. Mais finalement, il ne s'agit pas d'une constitution assortie de mécanismes contraignants, mais bien d'une charte. Elle réitère les valeurs qu'à notre avis toutes les nations doivent respecter.
En proposant cette charte au moment où on envisage de nommer un commissaire chargé de faire respecter ces valeurs, nous reconnaissons qu'il faudra peut-être nous doter d'un « agent de police » qui veillera au respect de ces valeurs. Toutefois, nous devons aussi nous doter d'un « code criminel » qui nous obligera à respecter certaines normes. Au lieu de nous reporter à la Déclaration de Singapour ou à la Déclaration de Harare, nous conviendrons de nous conformer à un code de conduite commun, sur lequel le commissaire se fondera pour évaluer nos actes.
C'est là, outre les arguments que j'ai déjà fait valoir, l'un des avantages de la charte à mon avis. Même si elle n'est pas contraignante en soi, elle le sera du fait que nous nous engagerons à la respecter en la signant, ce qui est une bonne chose. Il est utile de réitérer les principes sur lesquels nous sommes tous d'accord.
La présidente : Cela augmente le poids moral de ce document.
M. Hiebert : En effet, et cela permettra aux citoyens du Commonwealth de rappeler leurs élus à l'ordre, en leur disant : « Vous avez signé ce document qui affirme que j'ai droit à la liberté d'expression, à la liberté d'association, à la liberté de participer à cette démocratie, mais vous ne me permettez pas de le faire en l'occurrence. » En effet, la charte pourrait donner du poids à ces arguments.
La présidente : J'ai une longue liste de sénateurs qui ont demandé à intervenir. Savez-vous quand on risque de vous rappeler?
M. Preston : Dans dix minutes.
Le sénateur Downe : Je cède la parole aux autres sénateurs étant donné la longue liste d'intervenants et le peu de temps dont nous disposons.
La présidente : Je ne vous en demande pas tant.
Le sénateur Downe : Ils n'ont que dix minutes, à moins qu'ils reviennent. Je passe mon tour.
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Le sénateur Fortin-Duplessis : J'ai trois brèves questions qui sont importantes. D'abord, quelle est la mesure de comparaison entre les parlementaires du Commonwealth et le Secrétariat du Commonwealth?
Ensuite, comment cette nouvelle charte proposée peutelle faciliter une coopération plus étroite entre les deux? Et enfin, comme députés canadiens, êtes-vous satisfaits du niveau d'efficacité du Commonwealth à titre d'organisation mondiale?
[Translation]
M. Preston : La relation entre le Commonwealth et l'Association parlementaire du Commonwealth est simple : le Commonwealth regroupe des chefs d'État et de gouvernement, tandis que l'association a un rôle complémentaire et se compose de parlementaires de ces différents États, dont certains siègent même dans l'opposition.
C'est une différence fondamentale. S'il y avait une charte, nous serions beaucoup plus à même de collaborer parce qu'à l'heure actuelle, en tant que membre d'une Association parlementaire du Commonwealth, je ne représente aucun gouvernement; je représente notre Parlement. Grâce à cette pression morale, à cette force de persuasion, je peux discuter des questions éthiques en tête à tête avec d'autres parlementaires, mais je ne peux pas parler au nom de notre gouvernement.
Voilà ce que je pourrais faire.
M. Hiebert : Vous avez bien expliqué la différence. Permettez-moi de répondre à la deuxième question qui faisait référence à des relations plus étroites. Je suis persuadée sans l'ombre d'un doute que tout ce qui obligera les gouvernements à respecter davantage les valeurs qui nous sont communes nous aidera en tant que parlementaires. Faut-il rappeler qu'il incombe aux parlementaires d'adopter les lois et de demander des comptes à leur gouvernement respectif. Or, si les parlementaires pouvaient invoquer ces documents, cette charte ou cet énoncé de valeur actualisée, je suis convaincu que cela les aiderait à mieux faire leur travail
[English]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Et vous, en tant que députés canadiens, est-ce que vous êtes satisfaits du niveau d'efficacité du Commonwealth à titre d'organisation mondiale?
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M. Preston : Oui, j'ai vu différents genres de démocraties dans le monde depuis que je suis membre de cette organisation qui est à mon avis, une organisation d'avant-garde et tournée vers l'avenir.
M. Hiebert : Je suis d'accord. À l'Association parlementaire du Commonwealth (APC), nous faisons beaucoup de choses. En plus de nous rendre dans différents pays, nous invitons de nombreux parlementaires au Canada pour les aider à mieux comprendre le rôle d'un parlementaire. Nos invités nous sont toujours extrêmement reconnaissants de notre travail.
Je crois que ce sont des organisations efficaces. Pourraient-elles en faire plus? Absolument. Elles pourraient faire beaucoup plus et ce document les aiderait à le faire.
Le sénateur D. Smith : Je fais aussi partie du bureau de l'APC. La semaine dernière, nous avons reçu M. Schabas, un spécialiste du droit international à l'Université de Middlesex, au Royaume-Uni. Il est spécialisé dans le domaine des droits de la personne et a vécu au Canada. En commentant le projet de charte, il a vanté les références qu'on y fait à des démocraties véritables caractérisées par des élections libres et le respect des droits de la personne garanti par la primauté du droit. Il a également signalé trois choses qui manquent dans ce document à son avis. Je vais les énoncer et vous pouvez si vous le souhaitez les noter.
La première lacune était l'absence de la doctrine onusienne de la responsabilité de protéger, énoncée en 2001. Il s'agit essentiellement de l'obligation qu'ont les États de protéger les populations vulnérables et les minorités contre le nettoyage ethnique et des actions de genre.
La deuxième omission est le fait qu'il n'y a aucune référence aux droits des Autochtones.
La troisième omission est qu'on ne souligne pas l'existence d'organisations internationales de justice devant lesquelles les auteurs d'atrocités seront tenus de rendre des comptes. Il a donné comme exemple la Cour pénale internationale.
Voilà les trois choses qui manquaient à son avis. Vous voulez peut-être les commenter.
La présidente : Je pense que nos témoins n'ont que cinq minutes, si bien que je vous invite à répondre brièvement.
M. Hiebert : La première recommandation, relative à la doctrine onusienne de la responsabilité de protéger est tout à fait valable. Ce serait un ajout justifié qui s'insérerait bien dans le document.
La troisième lacune, la responsabilité des atrocités, posera plus de difficulté. Nous voulons élargir les pouvoirs du Commonwealth et nommer un commissaire, ce qui serait un progrès important par rapport au passé. Dans toutes les années d'existence de cette organisation, il y a eu peu de cas où les ministres des Affaires étrangères du Groupe d'action ministériel du Commonwealth ont essayé d'exclure des gens de l'organisation ou d'exiger des comptes de leur part. Je ne crois pas qu'il soit réaliste, dans un premier temps, d'adopter la norme de la Cour pénale internationale. Ce serait aller un peu trop loin.
M. Preston : Tous ces ajouts seraient admirables. Au fur et à mesure que le processus avancera, d'autres personnes proposeront d'autres ajouts qui pourraient rester en marge de la charte. Voilà la solution. Si nous examinons attentivement ce projet de charte, c'est pour y insérer des éléments compatibles avec sa nature. Tous ces éléments seraient-ils compatibles avec l'esprit de la charte? Je n'en suis pas absolument sûr, mais je crois que nous devons continuer à fouiller la question. On peut aussi chercher des réponses dans d'autres sources.
La présidente : Je vais céder la parole au sénateur De Bané et au sénateur Johnson. S'il reste du temps, les témoins pourront y répondre, mais, sinon, je leur demanderais de nous les faire parvenir par écrit.
Le sénateur De Bané : Monsieur Hiebert, les chefs des pays du Commonwealth ont accepté la recommandation de charte du Groupe de personnalités éminentes. Dans un communiqué de la Réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth en 2011, les dirigeants du Commonwealth ont déclaré, avec bien sûr l'aval du Canada, qu'il devrait y avoir une charte du Commonwealth comme l'avait proposé le Groupe des personnes éminentes; cette charte reprendrait les principes contenus dans les déclarations antérieures et les regrouperait dans un seul document non contraignant. Par la suite, on a invité les différents pays intéressés à étudier la question, comme nous le faisons aujourd'hui.
Votre position s'écarte beaucoup de ce que j'ai lu, ce sur quoi il y a consensus.
Par ailleurs, vous savez sans doute que le premier ministre Mulroney a été un des principaux fondateurs de la Francophonie en 1986. Il a joué un rôle capital dans la création de cette entité. On a établi la Francophonie, on l'a dotée de nombreuses structures et d'une charte disant que l'Association des sections nationales de la Francophonie serait l'organisme consultatif des chefs d'État.
Ne croyez-vous pas que si l'Association des parlementaires du Commonwealth reposait sur ce fondement juridique et était reconnue comme l'organe consultatif du Commonwealth, cela lui donnerait plus d'importance?
Le sénateur Johnson : Qu'en est-il de la consultation au sujet du projet de charte? L'avez-vous amorcée? Quand sera-t- elle lancée au sein des pays du Commonwealth? Où en est-on? Qu'arrivera-t-il si on ne s'entend pas sur une charte?
M. Preston : Je vais répondre au nom du comité exécutif de l'Association parlementaire du Commonwealth. Nous avons également amorcé la discussion au niveau international, et il y aura à Tongo en avril une autre rencontre du comité exécutif où on en discutera.
À l'heure actuelle, nous pouvons avoir deux types de discussion, d'abord entre nous et l'organisation, ou, comme c'est le cas maintenant, au sein de chacun de nos pays. Comme vous avez été nombreux à le constater, les meilleures discussions ont souvent lieu à l'extérieur des salles de ces réunions, avec les parlementaires d'autres pays, pour savoir où ils en sont au niveau de leurs consultations et leur rappeler qu'ils doivent aller de l'avant dans ce projet également. Nous ne sommes pas les seuls en cause, nous devons nous assurer de discuter du processus de consultation relatif à cette charte sur la scène internationale également.
M. Hiebert : En plus des consultations qui se font ici, il y a aussi des consultations au Royaume-Uni, en Australie et dans d'autres pays. Merci encore de nous avoir invités à vous parler de ce sujet. Merci beaucoup de votre attention.
La présidente : Merci, monsieur Hiebert et monsieur Preston. Je ne vous prie pas de nous excuser pour le temps des questions, puisque vous faites de même de l'autre côté. Vous en sentez simplement les effets en tant que témoins plutôt que de députés. Merci de votre indulgence. Vous pouvez ajouter d'autres éléments à votre témoignage, tout comme je demanderai aux sénateurs de vous envoyer d'autres questions afin de poursuivre ce dialogue.
Nous aurons maintenant le plaisir d'entendre deux témoins par vidéoconférence et un autre en personne, ici à Ottawa. Nous avons une heure pour les entendre, et je vais donc demander à nos témoins de faire de brèves déclarations préliminaires afin que nous puissions avoir du temps pour les questions et réponses.
Nous sommes ravis d'accueillir M. Richard Bourne, boursier principal, Institut des études du Commonwealth, École des études supérieures, à l'Université de Londres. Monsieur Bourne, vous avez occupé de nombreux autres postes et votre relation avec le Commonwealth est bien connue tant des membres du comité que d'autres organisations. Vos collègues de partout au monde et au sein du Commonwealth parlent encore de votre initiative en matière de droits de la personne.
Nous accueillons également M. Arthur Donahoe, ancien secrétaire général de l'Association parlementaire du Commonwealth. Devrais-je leur dire que vous nous présentez votre témoignage à partir de la Floride? Comme je l'ai dit, M. Donahoe est l'ancien secrétaire général, il a été président de l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse à une certaine époque et il a admirablement servi pendant de nombreuses années notre association parlementaire du Commonwealth à titre de secrétaire général.
Je puis affirmer de par mon expérience personnelle au sein du Commonwealth et de l'APC, monsieur Donahoe, que vous avez travaillé avec beaucoup de diligence pour réunir les deux organisations dans des consultations et des dialogues. Cela nous sera très utile.
Nous avons avec nous ici, à Ottawa, M. Nick Hare, ancien sous-secrétaire du Commonwealth (Coopération au développement). Il a en outre occupé de nombreux postes au Canada et à l'étranger — au sein de l'ACDI et du MAECI. Est-ce exact? Oui.
Nous avons donc trois témoins très importants auxquels nous devrions consacrer à chacun une heure de notre temps, mais notre temps est limité et nous devons livrer un rapport. Veuillez nous excuser de comprimer vos comparutions. Compte tenu de votre longue expérience, je sais que vous saurez gérer la situation.
Je vais donner la parole à M. Bourne, pour sa déclaration, puis à M. Donahoe et à M. Hare.
Bienvenue messieurs.
Richard Bourne, boursier principal, Institut des études du Commonwealth, École des études supérieures, Université de Londres, à titre personnel : Merci beaucoup, sénateur. C'est un honneur pour moi d'être invité à témoigner par vidéoconférence devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Je vous dirai d'emblée que je ne suis pas très enthousiaste à l'égard de la charte proposée — de l'ébauche qui a été distribuée — surtout parce qu'elle ne semble pas aller beaucoup plus loin que l'affirmation de la République de Trinité-et- Tobago signée par les chefs de gouvernement du Commonwealth en 2009. À certains égards, ce projet de charte constitue même un recul. La charte ne contient aucune mention de la liberté de parole, non plus que de la liberté de presse et des médias. Elle est également plus faible en ce qui concerne la préoccupation de démocratie locale relativement aux administrations locales de nos pays membres.
Le danger, c'est qu'on risque de consacrer beaucoup de temps à rédiger des recommandations ambitieuses. Contrairement à la Charte des Nations Unies, le projet de charte ne contient pas de liste d'obligations ni de structure organisationnelle. Par exemple, on ne précise pas que les dirigeants du Commonwealth se réunissent normalement tous les deux ans; que les ministres de l'Éducation et de la Justice — par exemple — se réunissent régulièrement, de même que les ministres des Affaires étrangères; qu'il existe des structures, dont un Secrétariat pour les pays du Commonwealth, pour répondre aux besoins d'ordre politique et économique; qu'il existe une Fondation du Commonwealth au service de la société civile; et qu'il existe d'autres organismes importants du Commonwealth, dont l'Association parlementaire du Commonwealth, et le Conseil des entreprises du Commonwealth.
Par conséquent, je ne trouve pas que le document soit particulièrement clair pour les lecteurs, et plus particulièrement pour les membres plus jeunes du Commonwealth. En outre, je m'inquiète un peu des pressions qui sont exercées pour que ce document soit produit rapidement. Votre pays et le mien y accordent certes une certaine attention, mais je crains que ce ne soit pas le cas dans de nombreux pays en développement du Commonwealth. Il y a donc un léger risque qu'un document soit imposé à un nombre important de membres, tant populations que nations, au sein du Commonwealth.
Enfin, pour être bref, je dirais qu'on semble confondre un document issu des populations du Commonwealth et un document qui reçoit simplement l'aval des gouvernements. Ce sont deux choses bien différentes, et il y a un manque de clarté dans le libellé, de sorte qu'on pourrait comprendre qu'il s'agit d'un document adopté par la population. Certaines parties du libellé imitent le texte de la Constitution des États-Unis, ce qui ne correspond pas à la réalité. Dans l'ensemble, il s'agit d'un document qui a été préparé initialement par le groupe de personnalités éminentes, puis par les gouvernements. En outre, le document ne permettra pas à mon avis au Commonwealth de réaliser de grands progrès en tant qu'institution internationale assez mal comprise.
Je préférerais un document très bref qui pourrait être utilisé auprès des jeunes. Il y a quelques années, la Fondation du Commonwealth avait préparé un document intitulé CommonGround à l'intention des adolescents. Il n'y a pas suffisamment de documents faciles à comprendre au sujet du Commonwealth. Toutefois, le projet de charte m'inquiète un peu.
Arthur Donahoe, ancien secrétaire général de l'Association parlementaire du Commonwealth, à titre personnel : Honorables sénateurs, on m'a demandé de présenter mon point de vue sur la recommandation de créer une charte du Commonwealth et sur les conséquences d'une telle charte pour l'Association parlementaire du Commonwealth, dans la perspective du Canada. Certaines de mes observations feront écho au témoignage que vous a présenté M. Hiebert cet après-midi.
Comme vous le savez tous, l'APC a célébré l'an dernier son centième anniversaire. Le Parlement du Canada a été un membre important de cette organisation depuis sa création, et les assemblées législatives des provinces et des territoires du Canada ont été et continuent d'être des participants actifs. À l'échelle intergouvernementale, le Canada est le deuxième contributeur en importance au Commonwealth.
Je n'ai certes pas l'intention de dresser un historique de l'APC, si ce n'est pour dire que malgré des débuts modestes, cette organisation compte maintenant plus de 17 000 membres et des filiales dans plus de 170 parlements et assemblées législatives dans la plupart des pays du Commonwealth.
L'association est financée par ses membres et fonctionne de façon indépendante du Secrétariat pour les pays du Commonwealth, de la Fondation du Commonwealth et des autres organisations du Commonwealth, mais en collaboration avec ces organismes.
Le bureau principal de l'APC est situé à Londres. C'est de là que les activités internationales de l'organisation sont planifiées, coordonnées et exécutées. J'ai eu l'énorme privilège d'être le secrétaire général, ou PDG, de l'APC de 1992 jusqu'à la fin de 2001. À ce jour, je suis encore le seul Canadien à avoir occupé ce poste.
Durant mes années à Londres, j'ai souvent été appelé à parler du Commonwealth et de l'APC à des parlementaires ou des groupes étrangers en visite. Je commençais généralement mes remarques comme suit : le Commonwealth est une association volontaire d'États indépendants et souverains qui sont responsables de leurs propres politiques et qui se consultent et collaborent pour le grand bien de leurs populations et dans l'intérêt de la compréhension internationale et de la paix dans le monde.
Vous reconnaîtrez là la première phrase de la Déclaration de Harare que les chefs de gouvernement du Commonwealth avaient signée un an à peine avant que je devienne secrétaire général de l'APC.
J'ajouterai que le Commonwealth n'a pas de charte, mais que ses membres promettent d'adhérer à certains principes fondamentaux énoncés dans diverses déclarations adoptées au fil des ans par les chefs de gouvernement du Commonwealth, surtout les déclarations de Singapour de 1971 et de Harare de 1991.
J'ai souvent entendu certaines critiques voulant que les pays membres du Commonwealth ne respectent pas tous les principes auxquels ils sont supposés adhérer. L'une des lacunes de la Déclaration de Harare est qu'elle ne comprenait aucun mécanisme pour sanctionner les manquements des membres. Cette lacune a été corrigée à la réunion de 1995 des chefs de gouvernement du Commonwealth, à Auckland, où on a adopté le programme d'action Millbrook du Commonwealth et créé le Groupe d'action ministérielle du Commonwealth. Plus récemment, on a adopté les directives de Latimer House sur les relations entre le Parlement, l'exécutif et le judiciaire, dans lequel on insiste aussi sur l'importance de l'égalité des sexes et le rôle des femmes dans la vie publique.
Quelque 20 années après l'adoption de la Déclaration de Harare, le Groupe de personnalités éminentes a maintenant recommandé la création d'une charte du Commonwealth. J'ai eu l'occasion de lire le projet de charte du Groupe de personnalités éminentes, et j'estime que, pour bon nombre des raisons énoncées dans le rapport du groupe, l'adoption d'un tel document serait à l'avantage du Commonwealth et de ses pays membres. Je vais aborder brièvement deux de ces raisons.
Premièrement, la charte aurait pour effet de codifier les principes fondamentaux énoncés dans bon nombre des déclarations du Commonwealth et constituerait le point culminant de l'évolution de ses travaux depuis au moins 1971.
Deuxièmement, comme l'a fait remarquer le Groupe de personnalités éminentes, une telle charte permettrait au Commonwealth d'être davantage axé sur le peuple et accroîtrait la pertinence d'une organisation qui n'est pas suffisamment comprise et appréciée par les citoyens de ses pays membres.
En outre, il vaudrait peut-être la peine d'envisager une option mentionnée par le GPE relativement à une charte plus élaborée, afin qu'elle devienne un document plus constitutif, dans lequel seraient énoncés les objectifs du Commonwealth, ses principes fondateurs, ses critères d'admissibilité et de maintien de l'adhésion, ses organes, sa structure bureaucratique et ses processus décisionnels, de même que ses relations externes. Mes remarques font sans doute écho au témoignage que mon collègue Richard Bourne vient de présenter.
Comme l'a reconnu le Groupe de personnalités éminentes, ce travail exigerait des consultations aussi étendues que possible, mais l'inclusion de ces sujets permettrait d'obtenir, à mon avis, un document plus global et unifiant. Le temps est peut-être venu d'aller jusqu'au bout. De toute façon, l'adoption d'une charte permettrait de guider et de cibler plus efficacement le travail de l'organisation et de l'amener plus près de l'atteinte de son objectif, comme l'a dit l'ancien secrétaire général du Commonwealth Don McKinnon :
[...] être un partenaire de confiance pour toutes les populations du Commonwealth, un moteur de la démocratie et de la bonne gouvernance, une tribune en vue d'un consensus global et une source d'aide pratique pour le développement durable.
Je suis prêt à répondre à toutes les questions des membres du comité.
Nick Hare, ancien sous-secrétaire du Commonwealth (Coopération au développement), à titre personnel : Je vais essayer d'être assez bref, et j'ai retiré cinq paragraphes de mon exposé. Néanmoins, je m'en tiendrai à mon texte à certains moments. Voilà 12 ans que je suis arrivé à Marlborough House, où se trouve le secrétariat. Mes opinions peuvent sembler désuètes, mais je suis sûr qu'elles seront encore acceptables pour le Sénat.
J'ai été très impressionné par le travail entrepris par le Groupe des personnalités éminentes. Le résultat en est un document exceptionnel et visionnaire. Je pense depuis longtemps qu'une telle étude s'est trop fait attendre. Il est important que les contribuables comprennent clairement quel est l'avantage d'appartenir au Commonwealth et pour cela, ils doivent savoir et comprendre ce que représente le Commonwealth, quels sont ou devraient être ses objectifs et ses priorités et quels services il offre. Le GPE a abondamment discuté de ces questions.
Toutefois, il est très important que cette charte soit bien rédigée. Les témoignages que vous entendrez vous aideront, mais je suis sûr que lorsque le Commonwealth réunira les points de vue de ses différents membres, nous nous retrouverons avec une charte bien différente.
Le projet de charte, dans sa version actuelle, est un excellent document pour ce qui est de réunir les inspirations, les valeurs et les aspirations découlant des grandes réunions successives auxquelles ont participé les chefs de gouvernement. Mais dans sa forme actuelle, ce n'est pas le document convivial dont on a besoin à l'heure actuelle, dans le contexte de l'esprit de la réforme que préconise le GPE.
Tout comme d'autres, je reconnais que du point de vue pratique, un document de huit pages est trop long pour obtenir l'attention qu'il mérite dans le contexte de la revitalisation du Commonwealth. Notre propre charte, si souvent citée, ne contient que deux pages de grand format, et c'est peut-être pour cette raison qu'on en fait si souvent mention.
Il ne faut pas oublier que le consensus doit regrouper les 54 États membres. D'après mon expérience personnelle, un document court est toujours plus utile pour réussir une négociation.
Pour ce qui est d'opposer l'inspiration à l'aspiration — et je sais que votre comité en a discuté —, pourquoi ne pas maximiser l'art de ce qui est possible au Commonwealth en usant de juste assez d'inspiration pour formuler la promesse de l'aspiration? L'énonciation claire d'aspirations réalistes pourrait également susciter un intérêt dans un débat trop attendu sur la raison d'être du Commonwealth, qui bénéficie à des organisations internationales mieux connues et de plus grande taille.
J'ai deux propositions précises.
Vous pouvez me demander de rédiger la formule qui pourrait apparaître dans le document final. La première proposition porte sur une pratique du Commonwealth qui est à la fois un bien et un mal. Vous aurez remarqué que dans le document de huit pages que vous avez entre les mains, on trouve de multiples citations tirées de diverses réunions. Ce que cela signifie, en fait, c'est que le Commonwealth essaie de satisfaire tous ses membres. C'est une sorte de syndrome du fait qu'une organisation qui compte 54 membres — et qui se réunit par consensus — ne peut pas continuer d'ajouter d'autres éléments, car sinon il sera impossible d'obtenir le consensus. Cela m'amène à ma recommandation. Puisque l'art du possible dépend des ressources, le Commonwealth pourrait faire bien davantage si les gouvernements membres veillaient au financement de leurs résolutions.
La charte, aussi grossière qu'elle puisse paraître, pourrait apporter une solution à ce problème qui touche régulièrement le travail du secrétariat et peut-être la crédibilité du Commonwealth. Elle comprend, à titre d'aspiration, une promesse par laquelle les membres s'engagent à fournir les moyens et l'appui nécessaires aux valeurs et aux aspirations que les chefs de gouvernement ont juré solennellement de faire respecter.
Je dis cela pour une raison pratique. Chaque fois qu'une nouvelle décision est prise par les chefs, aucune proposition n'est transmise au secrétariat, il faut les ressources nécessaires pour la mettre en œuvre. Tout le monde regarde ailleurs et présume que ces ressources viendront de quelqu'un d'autre, ou d'une autre partie. Ce système mène donc à un grand nombre de promesses non tenues.
Assurons-nous que pour faire toutes ces merveilleuses choses, on promet également, lorsque le temps est venu, les ressources nécessaires pour que le secrétariat puisse accomplir ce à quoi il s'est engagé.
Pour ma deuxième suggestion, j'ai été vraiment frappée par la citation de sa Majesté qui a été choisie par le Groupe des personnalités éminentes dans l'introduction du rapport et qui va ainsi :
Le Commonwealth n'est pas une organisation avec une mission. C'est plutôt une occasion pour que les peuples travaillent ensemble afin d'arriver à des solutions pratiques aux problèmes.
Cette définition utilisée par sa Majesté concerne directement la nature de résolution des problèmes des mandats des programmes fonctionnels de coopération du Commonwealth, comme celui dont j'ai été chargé, le Fonds du Commonwealth pour la coopération technique. C'est un mécanisme très souple qui prévoit toute une gamme de mesures d'aide technique ciblée ou ponctuelle, financé entièrement de façon volontaire par tous les membres à hauteur d'environ 40 millions de dollars par année.
Pour de nombreux pays du Commonwealth, surtout les plus petits, les programmes fonctionnels de coopération sont considérés comme l'un des plus importants, sinon le plus important, avantages d'être membre, et l'expression la plus utile du partenariat du Commonwealth. J'ai été ravi de constater que le GPE reconnaissait cet état de fait, comme on peut le voir dans l'extrait suivant du rapport provenant de la charte sur la coopération fonctionnelle :
Avec une part aussi importante de ses membres provenant de pays en développement, le Commonwealth est bien placé, d'après nous, pour placer au cœur de ses activités le développement au sens le plus large.
On peut lire un peu plus loin :
Le potentiel du Commonwealth à ce sujet est inégalé.
Eh bien, bravo au GPE, vous avez absolument raison. Puisque les programmes fonctionnels de coopération sont perçus comme étant un avantage si important par tant de pays et appuyé directement par ceux-ci, ma suggestion serait de songer à leur donner une plus grande place dans la charte, plutôt que de seulement y faire référence en passant au paragraphe 21de l'ébauche actuelle qui aspire simplement à fournir de l'aide pratique et technique, et cetera. De plus, cela plairait à sa Majesté.
Je serai ravi de répondre à vos questions.
Le sénateur Downe : Monsieur Bourne, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Vous avez dit que les consultations au sujet de la charte ont peut-être seulement lieu dans quelques pays. Je vois que vous êtes chargé de cours principal sur les études du Commonwealth; évidemment, vous êtes au courant; mais pourquoi est-ce le cas, d'après vous? Est-ce une question de ressources pour les pays qui ne consultent pas leurs citoyens, ou est-ce un manque d'intérêt?
M. Bourne : Il y a deux raisons, vraiment. Ces deux-là sont vraies. L'un des problèmes est le peu d'information sur le Commonwealth, alors les gens ne savent pas où débuter. Aussi, dans les très grands pays — je pense à l'Inde en particulier —, il y a le risque de tenir de petites consultations à Delhi, alors que la population est répartie sur un très grand territoire. Je pense qu'il peut y avoir un problème aussi important et opposé dans les très petits États. Comme vous le savez, la majorité des pays membres du Commonwealth ont des populations de moins de 1,5 million de personnes, parfois réparties sur des archipels dans l'océan. Je pense que cela présente des problèmes techniques considérables.
Bien que l'aspiration de faire de vastes consultations soit bonne et démocratique, et corresponde aux valeurs souvent mises de l'avant par le Commonwealth, en réalité, je suis très préoccupé que cela n'ait pas lieu. Dans certains pays, peut-être que le gouvernement ou même la société civile n'ont pas une assez forte présence pour que les consultations aient lieu. Il est évidemment très utile que des parlementaires décident de consulter leurs commettants à ce sujet, mais je m'inquiète qu'il n'y ait pas beaucoup de consultations et qu'un échéancier assez serré pousse peut-être à prendre une décision, en septembre de cette année, comme il a été suggéré, alors qu'on n'a peut-être pas le temps de faire de réelles consultations et d'en arriver à des compromis et à un nouveau document, un document plus court ou d'un type différent.
Le sénateur Downe : J'ai une autre question. Vous avez dit qu'il s'agissait peut-être d'un manque d'information de la part des citoyens au sujet du rôle du Commonwealth. Est-ce que les chefs du Commonwealth essaient simplement d'améliorer l'organisation ou est-ce qu'ils essaient de définir un rôle pour celle-ci dans un monde en transformation?
Il y a un grand chevauchement de responsabilités. Nous avons une association qui comprend surtout d'anciennes colonies du Royaume-Uni. Parce que la plupart de ces rencontres nécessitent la présence d'un chef de gouvernement, dans le cas du Canada, il est étonnant que le premier ministre puisse y assister, il doit participer au forum Asie-Pacifique, aux réunions de l'OTAN, de l'ONU, du G8, du G20, de la Francophonie et du Commonwealth. La plupart du temps, on ne peut y déléguer un ministre.
Aurait-on l'occasion de réduire le nombre de ces organisations? Dans de nombreux domaines, le Commonwealth fait la même chose que d'autres organisations.
M. Bourne : Oui et non. Évidemment, le Commonwealth et la Francophonie sont deux organisations assez différentes qui comprennent des membres différents. Il y a un peu de chevauchement, mais il est assez petit.
Quant à l'OTAN, évidemment la grande majorité des États du Commonwealth étaient des pays non alignés durant la guerre froide, et il n'y en a que quelques-uns qui appartenaient à l'OTAN.
Vous avez raison; vous mettez le doigt sur un point très important, c'est-à-dire le nombre croissant d'organisations internationales de type diplomatique. Dans les années 1950, le Commonwealth était presque la seule organisation internationale. Les Nations Unies étaient à leurs balbutiements, et bien que l'OTAN était en train de naître, il n'y avait pas toute cette série d'organisations qui demandaient l'attention des chefs de gouvernement. D'après moi, le Commonwealth s'est fait éclipser. Vous avez raison de dire que le Groupe des personnalités éminentes voulait faire deux choses. Il voulait redynamiser le Commonwealth et l'aider à trouver un nouveau rôle plus impressionnant et utile pour le XXIe siècle, tout en essayant de mobiliser des ressources. Je ne parle pas que de l'argent, mais aussi de l'intérêt public, de l'intérêt politique, de l'intérêt des grands journalistes et des faiseurs d'opinions à la télévision.
L'effort du GPE visait à faire correspondre le Commonwealth aux objectifs du XXIe siècle. Il serait très triste que ce projet s'écrase dès les premiers obstacles.
Près de la moitié des recommandations du GPE avaient été remises à plus tard lors de la réunion de Perth. J'espère qu'il se passera quelque chose avec la plus controversée, celle au sujet du commissaire à la démocratie, à l'état de droit et aux droits de la personne, parce que si elle n'est pas adoptée, la charte du Commonwealth semblera assez vide et hypocrite.
Le Commonwealth souffre d'un manque d'intérêt de la part des chefs de gouvernement, peut-être d'un manque d'énergie au niveau institutionnel — le Secrétariat du Commonwealth, la Fondation du Commonwealth — et aussi du nombre croissant d'autres organisations, qui forment une concurrence directe dans la diplomatie mondiale moderne.
Le sénateur Downe : Vous avez parlé d'un commissaire à la démocratie. Je suppose que ce mandat ressemble à celui du commissaire du Conseil de l'Europe, à savoir la primauté du droit, la démocratie et les droits de la personne.
Le sénateur D. Smith : Je pense que certains d'entre vous ont entendu notre discussion avec les membres de l'Association parlementaire du Commonwealth. J'ai passé en revue certains de ces points. Lorsque j'ai lu le projet de charte pour la première fois, je me suis dit qu'il contenait toutes sortes de choses intéressantes. Pour nous, les aspects les plus importants sont la définition d'une véritable démocratie dans le cadre de laquelle il y a des élections libres, la protection des droits de la personne et la primauté du droit.
J'ai l'impression qu'il y a tout de même beaucoup de platitude. Par conséquent, j'aimerais que le texte soit remanié. Un de nos témoins, a fait des remarques très pertinentes, que j'ai prises en note; il a dit notamment qu'on ne retrouvait rien dans le document sur la responsabilité de protéger, concept établi par l'ONU en 2001, selon lequel les États ont l'obligation de protéger leurs populations vulnérables contre le nettoyage ethnique et autres types de crimes. Il est vrai que le Commonwealth n'a rien fait quand Idi Amin a fait ce qu'il a fait dans les années 1970, et ce n'était pas très reluisant. Il n'a pas été éjecté non plus. Au moins, l'Afrique du Sud a eu la décence de se retirer du Commonwealth à l'époque de l'apartheid.
Il y a également la question des droits des peuples autochtones. Je n'aborderai pas la question de la Cour pénale internationale, parce que je pense que je ferais face à trop de réticence, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez de l'inclusion du concept de la responsabilité de protéger et de la protection des droits des peuples autochtones.
M. Bourne : Cette question s'adresse-t-elle à moi ou aux autres témoins?
Le sénateur D. Smith : Tous ceux qui le désirent peuvent y répondre.
La présidente : Monsieur Donahoe, je pense que la question vous est adressée. En effet, il s'agit d'une réaction à des expériences soulignées par le témoin. Vous avez sans doute servi de liaison entre l'Association parlementaire du Commonwealth et le Commonwealth. Je vous demanderais de répondre en premier, puis les autres pourront intervenir s'ils le désirent.
M. Donahoe : Cela ne fait qu'une semaine environ que je pense à cette question de charte, mais j'ai eu le temps de m'apercevoir que le document est lacunaire à bien des égards.
Le sénateur Smith a soulevé Idi Amin. De nos jours, si un chef d'État se comportait comme Idi Amin, il se ferait éjecter du Commonwealth. Le pays en question aurait été traduit devant le Groupe d'action du Commonwealth et son adhésion aurait été suspendue. Les choses se sont bien améliorées avec le temps.
Comme j'ai essayé de le dire dans mes remarques précédemment, le Commonwealth ne cesse d'évoluer. L'adoption d'une charte, c'est un pas dans la bonne direction, mais il faut comprendre que le document devra être amélioré de diverses façons, notamment comme l'a indiqué le sénateur, en y ajoutant le concept de la protection des pays membres et celui de la protection des droits des peuples autochtones, question qui est importante dans un grand nombre de pays.
[English]
Le sénateur Fortin-Duplessis : J'ai une question pour M. Donahoe et une autre pour M. Bourne. Je vais poser mes deux questions et chacun aura le loisir de penser à sa réponse.
D'abord, ma question pour M. Donahoe : dans les 26 pays qui constituent le Commonwealth, il y a des pays qui sont bien développés et d'autres qui le sont un peu moins. À votre avis, que peuvent faire les parlementaires de ces pays développés pour favoriser l'entraide et contribuer à ce que tous les pays deviennent égaux?
Ma question pour M. Bourne est la suivante : si la charte du Commonwealth n'est pas créée parfaitement et adoptée, pensezvous que la survivance du Commonwealth peut être mise en jeu?
[Translation]
M. Donahoe : Lorsque je travaillais pour l'Association parlementaire du Commonwealth, j'ai eu l'occasion d'aller en Namibie. Là-bas, nous avons visité une école professionnelle. Moi, je portais un insigne sur lequel était inscrit : Arthur Donahoe, APC, Londres.
Le directeur de l'école nous faisait visiter les installations et nous discutions. C'est alors qu'il m'a demandé si je venais de Londres. Je lui ai répondu que je vivais à Londres, mais que j'étais en fait un Canadien. Quand il a appris que j'étais un Canadien, il m'a dit qu'il avait quelque chose à me montrer. Il m'a conduit dans une des salles de classe qui était remplie d'ordinateurs. Il m'a dit qu'il s'agissait de cadeaux du gouvernement du Canada donnés par le biais du Commonwealth.
Son attitude a changé du tout au tout. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Bourne, je dois vous préciser qu'il pensait que j'étais Britannique. En tout cas, je n'ai fait que vous citer un petit exemple du type d'aide que peuvent offrir les pays développés du Commonwealth à ceux qu'ils le sont moins. Je suis sûr que M. Hare pourrait vous raconter des centaines d'anecdotes du même genre, qui datent de l'époque où il travaillait pour le Secrétariat du Commonwealth.
M. Bourne : Permettez-moi d'intervenir. Je suis tout à fait d'accord avec M. Donahoe. Ce sentiment de mutualité et de solidarité au sein du Commonwealth est bien réel, particulièrement en ce qui à trait aux questions pratiques d'aide au développement.
Par contre, il faut se poser la question suivante : le Commonwealth pourrait-il survivre sans une charte? Bien évidemment, puisque l'association a perduré pendant toutes ces années sans charte. Comme a dit M. Donahoe, quand il parlait du Commonwealth il y a un certain nombre d'années, il tenait toujours à préciser qu'il s'agissait d'une association sans charte à laquelle on adhérait volontairement. Je suis conscient du fait qu'une charte, ce n'est pas un traité et que le Commonwealth continuera de n'être assujetti à aucun traité. Mais il y a des gouvernements, particulièrement précautionneux en la matière, qui s'inquiètent du fait que la charte pourrait ressembler de trop près à une charte onusienne, assortie d'obligations, d'engagements et d'arrangements structurels, ce qui, selon eux, changerait de façon trop marquée les arrangements évolutifs et plutôt souples qui caractérisent le Commonwealth aujourd'hui.
M. Donahoe m'a taquiné gentiment parce que je suis Britannique. Je dois préciser que je suis ressortissant d'un des deux États du Commonwealth n'ayant pas de constitution sur papier. Certains Néo-Zélandais et Britanniques vous diront qu'il est avantageux de ne pas avoir de constitution écrite notamment parce qu'il est alors possible de changer les choses en tout temps et parce qu'il est plus aisé pour le Parlement d'adopter des lois. Par exemple, dans notre cas, nous avons décentralisé au profit de l'Écosse et du Pays de Galles, ce qui aurait sûrement été très difficile si nous avions eu une constitution sur papier.
Par conséquent, le fait que le Commonwealth devrait se doter d'une charte, ce n'est pas une évidence. Mais je dirais que si c'est la voie qu'on désire emprunter, il faudrait apporter des améliorations au document.
[English]
M. Hare : J'ai l'impression que oui, le Commonwealth survivrait sans cette charte, précisément pour les raisons qui viennent d'être données, c'est-à-dire que nous n'en avions pas au début du Commonwealth. Peut-être que si on ne fait pas notre travail comme il faut, on n'en aura pas une autre.
En ce qui concerne la vocation du Commonwealth d'établir une égalité parmi les pays, il existe un programme relativement important pour une petite organisation comme le Commonwealth. Il s'agit de l'assistance technique pour les petits pays les plus pauvres, ceux qui sont en développement. Vous verrez que dans toutes les réunions, pratiquement, comme il s'agit du seul fonds vraiment dédié à cela, cette question est mise sur la table. Il y a des experts à l'intérieur du secrétariat qui ont cette tâche d'aider les pays les plus démunis à recevoir de l'aide ponctuelle, là où les grandes institutions comme la Banque mondiale ne sont pas en mesure de le faire, parce que pour elles, un projet qui n'est pas de 2 ou 3 millions de dollars n'est pas un vrai projet. Notre spécialité est surtout de fournir de l'aide ponctuelle à ceux qui ne peuvent pas l'avoir facilement.
[Translation]
Le sénateur Johnson : Monsieur Bourne, j'ai trouvé vos commentaires très utiles. Vous avez dit que la charte devrait être renforcée pour prendre en compte vos préoccupations par rapport aux jeunes. C'est une question qui est critique pour les nations du Commonwealth.
Mon fils a fait ses études dans un pays du Commonwealth, en Angleterre, à la London School of Economics. Là- bas, il a rencontré plein d'étudiants du Commonwealth. Je sais, grâce à l'expérience de mon fils, ce que ça voulait dire, pour les jeunes de cette époque-là, de faire partie du Commonwealth, mais je pense que pour chaque nouvelle génération, il faut cultiver ce sentiment d'appartenance. Ce qui m'amène à votre autre commentaire sur les peuples du Commonwealth et non les gouvernements.
M. Bourne : Je pense qu'il est vital pour la pérennité du Commonwealth que les jeunes d'aujourd'hui en comprennent le rôle au sein de notre monde tant axé sur les capacités. À l'heure actuelle, ce n'est que dans peu d'écoles dans le monde qu'on parle aux élèves du Commonwealth. Par conséquent, il serait très utile d'avoir un document court et facile à comprendre qu'on pourrait donner aux jeunes dans le but notamment de susciter de l'enthousiasme par rapport à l'organisation.
Comme je l'ai déjà dit, il y a trois ans environ, la Fondation du Commonwealth a publié un document comme celui que je viens de décrire, intitulé CommonGround. Malheureusement, il n'a pas été distribué à assez grande échelle, mais l'idée, c'est bel et bien d'enthousiasmer les jeunes.
Pour ce qui est de la visibilité de l'organisation, et là nous nous écartons un peu de la question de la Charte à proprement parler, il existe un certain nombre d'activités, comme les Jeux du Commonwealth. Très franchement, ils sont plus populaires et font l'objet de plus de médiatisation que les réunions des chefs de gouvernement du Commonwealth et peuvent servir de vitrine pour inciter les gens à se renseigner sur le rôle du Commonwealth d'aujourd'hui.
Il y a d'autres activités également. Au Canada, je sais qu'on a déjà organisé des sommets du Commonwealth fictifs. Ça s'est fait au Royaume-Uni également. Mais on ne peut pas dire que les pays du Commonwealth sont nombreux à entreprendre ce genre de choses.
Il est important de permettre aux jeunes d'en apprendre davantage sur le Commonwealth pour qu'ils comprennent à quel point il est différent d'être premier ministre du Canada et premier ministre du Vanuatu ou de Kiribati, deux très petits États. Théoriquement parlant, ces États sont égaux au sein du Commonwealth, et ce n'est qu'en prenant connaissance de l'énorme disparité en matière de ressources qui existe entre certains États du Commonwealth qu'on peut réellement comprendre ce qu'est la diversité.
Le sénateur Johnson : Ne serait-il pas possible de prendre le temps qu'il faut? Ma question s'adresse aux trois témoins. Pourquoi faut-il agir de façon si précipitée, comme l'a fait remarquer M. Bourne?
M. Hare : La raison pour laquelle il faut agir rapidement, ce n'est un secret pour personne. Non? Il vaut mieux que je pose la question avant de tenter de répondre à Mme le sénateur.
La présidente : Vous faites allusion à notre étude? Notre étude sera remise au ministre. Les ministres des Affaires étrangères ont décidé de se rencontrer à une date précise. Mais cette réunion des chefs d'État ne constitue en aucun cas une date butoir. Nous réagissons, comme le ministre. Les pressions ne viennent pas de nous; nous facilitons le processus. Je ne sais pas si MM. Hare, Donahoe ou Bourne pourront répondre. Pourquoi est-ce qu'il faut que ça se fasse au cours de la prochaine année? Pourquoi n'a-t-on pas opté pour une période de trois ans, par exemple? Il est facile de spéculer, mais je n'ai aucun fait à vous transmettre. Bon, il n'y a personne qui lève la main.
M. Donahoe Je ne suis pas du tout au courant de ce qu'il y a de nouveau au sein du Commonwealth. En effet, cela fait plus de 10 ans que j'ai pris ma retraite de l'Association parlementaire du Commonwealth. Pour tout vous dire, j'ai appris un petit peu plus tôt cet après-midi que l'exercice qui se soldera peut-être par l'adoption d'une charte était assorti d'une date butoir.
La présidente : Ce n'est pas là-dessus que nous allons nous attarder. Ils peuvent choisir d'établir des échéanciers s'ils le désirent; c'est une façon efficace de faire les choses. En tout cas, il faudra que ce soit fait avant la prochaine réunion des chefs de gouvernement. C'est à partir de cette date-là que nous organisons notre travail. On a accordé un certain laps de temps au ministre des Affaires étrangères; à nous aussi on a donné du temps pour mener notre étude. Certains diront peut- être qu'il faudrait consacrer plus de temps au débat parlementaire, mais j'estime que nous sommes assez privilégiés, car nous sommes le seul comité parlementaire au monde à étudier la question. Nous sommes avantagés en ce sens. Ce sera la réponse.
Le sénateur Wallin : J'aimerais m'adresser brièvement à M. Bourne, qui a fait un merveilleux petit commentaire. Je me suis dit que si vous étoffiez ce commentaire, ça nous permettrait de mieux cerner la question qui nous intéresse. Vous avez dit qu'il était important de déterminer si la charte du Commonwealth répond bien à l'objectif visé. Pourriez-vous aller au fond de votre pensée?
M. Bourne : L'idée, c'est de cerner l'objectif qui est visé, et c'est vrai qu'il y en a plusieurs. Pour l'ancien premier ministre de Malaisie, qui présidait le Groupe des personnalités éminentes, il s'agissait de fournir une description du Commonwealth. Pour d'autres, il s'agissait plutôt de formuler de nouvelles aspirations. D'autres encore estiment qu'il s'agit plutôt de l'énumération d'engagements qui ont déjà été pris, même si c'est ce qu'on disait en 2009 au sujet de l'affirmation des valeurs et des principes du Commonwealth faite à Trinité-et-Tobago.
Pour que la charte respecte ses objectifs, comme je l'ai dit, il a fallu qu'elle soit perçue par le GPE comme faisant partie d'un effort global de modernisation du Commonwealth. Je crois qu'il espérait également susciter davantage d'intérêt au sein des 54 États membres et, par conséquent, encourager non seulement les gouvernements, mais également la population à participer davantage au Commonwealth à une époque où les institutions internationales se livrent une grande concurrence.
Le sénateur De Bané : Le plan stratégique du secrétariat comprend le volet des valeurs et le volet du développement. Quels sont les budgets du secrétariat pour le volet du développement ainsi que tous les autres programmes, soit les chercheurs, l'aide au développement, les experts, et cetera? Quel est le budget du secrétariat nécessaire à la mise en œuvre du volet de développement?
La présidente : Il est un peu injuste de poser cette question aux témoins, comme vous le savez, ils ont déclaré officiellement où ils travaillent et depuis combien de temps. M. Hare peut peut-être tenter d'y répondre parce qu'il travaille dans le domaine du développement. Il pourrait donc assurer un suivi des sommes dépensées, sinon, nous essaierons d'obtenir ces renseignements à titre de données conceptuelles.
M. Hare : Le budget global pour le développement au secrétariat est d'environ 40 millions de dollars par année, et la moitié de cette somme provient du Canada. Par ailleurs, les dépenses du secrétariat sont d'environ 25 millions de dollars par année. J'estime ces données exactes. Est-ce que vous permettez que je consulte un expert assis dans la salle?
Les dépenses du Canada pour les activités officielles, soit les coûts du secrétariat, sont d'environ 13 millions de dollars.
Le sénateur Mahovlich : Nous avons reçu plus tôt un autre témoin, M. Ross Hiebert, président de l'Association parlementaire du Commonwealth, qui a déclaré souhaiter que la charte comprenne un projet de loi sur le droit d'auteur et la propriété intellectuelle. Cela fait 14 ans que je suis sénateur, et nous avons essayé de modifier la loi sur le droit d'auteur, en vain. Je ne suis pas si familier avec votre pays, monsieur Bourne, mais j'imagine que même là-bas, cela prend du temps avant de pouvoir modifier le droit d'auteur. N'est-ce pas?
M. Bourne : Oui monsieur le sénateur. Honnêtement, il y a des choses qui sont trop difficiles à réaliser par consensus quand 54 États doivent prendre une décision. L'un des problèmes rattachés à la charte, c'est la difficulté d'obtenir un consentement sur des sujets tangibles, voilà pourquoi la charte présente actuellement un ensemble de déclarations vagues qui ne se rattachent pas à des mesures vraiment concrètes. C'est l'un des problèmes rencontrés.
La présidente : D'ailleurs, nous avons entendu l'une des personnes éminentes et nous en entendrons d'autres. Nous avons également entendu des représentants du gouvernement, et il semble qu'il y ait divergence d'opinion sur la définition de la charte. S'adresse-t-elle aux nouveaux adhérents? Établit-elle les règles à respecter? S'agit-il d'une constitution autogérée qui régit ce qu'on doit faire? A-t-elle comme objectif l'inspiration?
Peut-être que le comité devra avoir pour tâche dans le cadre de cette étude de se concentrer sur les chefs de gouvernement, en particulier par l'entremise de notre ministre, et ainsi sonder leurs objectifs. Une charte ne peut pas en faire autant.
J'ai une autre question à poser. Certains pays bien engagés, excluant certainement le Canada, l'Australie, ou le Royaume-Uni, ont l'impression qu'il s'agit en fait d'une charte des droits déguisée. C'est ce qui a fait en sorte que certains pays n'ont pas eu le même degré d'enthousiasme quant à la rédaction efficace d'une constitution. Quel conseil devrions-nous donner à notre ministre des Affaires étrangères pour faire avancer le projet de façon à ce que tous les pays se sentent inclus? Nous ne voulons pas donner l'impression que c'est un Australien qui a rédigé la charte et qu'un Canadien l'a appuyé, mais plutôt que Vanuatu, la Zambie et le Kenya ont eu un rôle à jouer et que la charte les interpelle également? C'est une question assez large. Quel conseil peut-on leur donner pour qu'ils aient une approche pratique permettant des réalisations concrètes à partir de leurs bonnes intentions?
M. Bourne : C'est assez difficile. J'ai participé à une consultation à Londres il y a une semaine et il était clair qu'un certain nombre de participants estimaient que le document était ou devrait être une charte des droits, mais en réalité, je ne crois pas que ce soit l'un des objectifs clés. J'ai néanmoins mentionné que par comparaison avec le document précédent, il y avait en fait un certain recul au regard de l'affirmation de Trinité-et-Tobago de 2009 sur les valeurs et les principes.
Je la perçois davantage comme une déclaration des principales aspirations du Commonwealth. On ne dit pas grand- chose sur la façon dont on entend réaliser ces aspirations. Par exemple, l'existence fort importante du Groupe d'action ministérielle du Commonwealth, le GAMC, à titre de comité réglementaire, n'est pas vraiment indiquée dans l'ébauche. Le rôle d'autres entités du Commonwealth n'est pas indiqué non plus.
Pour en arriver à une entente, il faudra tenir une négociation assez serrée. Toutefois, j'imagine que s'il y avait davantage de temps accordé au processus et que si l'on n'était pas si pressé de s'entendre d'ici septembre de cette année, un document plus solide serait rédigé, voire probablement plusieurs documents. J'envisage un document court que les jeunes pourraient comprendre ainsi qu'une version plus longue qui correspondrait à la définition proposée par M. Donahoe, par exemple. Pourtant, pour l'instant, on se retrouve le bec à l'eau.
M. Donahoe : Je suis tout à fait d'accord avec les propos que M. Bourne vient de tenir.
Le sénateur Downe : Au sujet du financement, j'aimerais obtenir des précisions. Vous avez indiqué que le Canada payait environ la moitié du financement destiné au développement, si je ne m'abuse, cela correspond à 20 millions de dollars. Nous contribuons à hauteur de 13 millions de dollars au Secrétariat du Commonwealth. Donc, au total, notre contribution est de 33 millions de dollars.
M. Hare : Je n'ai que les données partielles en main qui portent sur la coopération et le développement uniquement. Toutefois, je pourrais me renseigner et...
Le sénateur Downe : J'étais simplement curieux de savoir quel était le financement total accordé par le Canada au Commonwealth.
M. Hare : Ce serait environ 20 millions de dollars.
La présidente : Monsieur Hare, ce n'est pas la façon dont nous aimerions procéder.
Le sénateur Downe : J'ai posé la question parce que nous avons entendu un chiffre plus tôt qui était...
La présidente : Non, je crois que nous devrions obtenir ces données, mais je ne crois pas que le ministère devrait nous les transmettre par l'entremise de M. Hare.
Le sénateur Downe : Tant que nous obtenons les données, ça me va, parce que nous avons obtenu différents chiffres jusqu'à présent.
La présidente : M. Hare connaît le portefeuille du développement et il assure un très bon suivi, mais nous allons obtenir les données demandées. Peut-être que nous pourrions obtenir toutes les statistiques pour mémoire, soit le financement, son objet et sa forme. Ce serait utile que le ministère nous transmette ces renseignements.
[English]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Ma question s'adresse à M. Hare. Cela fait 12 ans que vous avez quitté le Secrétariat du Commonwealth, j'imagine que quand on passe une bonne partie de sa vie à travailler quelque part, on doit avoir un œil, on doit surveiller. Est-ce que vous avez remarqué, lors de ces 12 années, s'il y a eu une amélioration ou une détérioration au niveau du Commonwealth?
M. Hare : Il y a toujours une évolution. Tout à coup, nous avons une charte à discuter, et c'est une certaine forme d'évolution. J'étais fort surpris, lorsque j'ai lu ceci, que plusieurs des questions qu'on abordait il y a 12 ans sont toujours présentes aujourd'hui. Il semble y avoir une volonté assez précise d'y remédier ou de trouver une autre façon de travailler.
Cependant, je ne suis pas sur place. Mon petit guide maintenant c'est ceci, qui est un énorme avancement. Cela réunit pratiquement tout ce qu'il y a comme issu à l'intérieur du Commonwealth, tant au niveau de la coopération qu'aux autres.
Un de mes problèmes, c'est que si on regarde le nombre de recommandations qui sont contenues là-dedans, cela peut vous indiquer jusqu'à quel point on pourrait changer le Commonwealth si on le voulait. Mais au fond, cela demeure la même institution qui fait à peu près le même travail et qui est toujours aussi utile. À mon avis, c'est un joyau parce que le Commonwealth fait les choses différemment des autres grandes institutions internationales.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Ma toute dernière question peut s'adresser à chacun des témoins. Selon vous, quelles sont les forces et les faiblesses du projet de charte?
[Translation]
La présidente : Il reste environ une minute pour répondre avant que nous ne mettions fin à la séance. Quelqu'un veut-il présenter une observation concise? Monsieur Hare, je vois que vous avez levé la main.
[English]
M. Hare : C'est trop long.
[Translation]
Voilà mon observation concise.
[English]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Ce serait trop long à répondre?
Le sénateur Nolin : Non, le document est trop long.
[Translation]
La présidente : C'est tout le temps dont nous disposions. Nous avons ratissé presque aussi large que le Commonwealth. Nous avons discuté de Londres, d'Ottawa, en passant par la Floride, et avons abordé trois perspectives et expériences très différentes. Je suis certaine que les membres du comité seront d'accord avec moi pour affirmer que votre compréhension collective du Commonwealth nous a été très utile dans notre étude. Il se peut que nous communiquions avec vous pour obtenir davantage de renseignements, mais pour l'instant, nous vous remercions du temps que vous nous avez consacré. Nous vous remercions chaleureusement d'avoir partagé vos connaissances avec nous.
(La séance est levée.) |