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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

OTTAWA, le jeudi 9 décembre 2010.

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 10 h 35, pour étudier les faits nouveaux en matière de politique et d'économie au Brésil et les répercussions sur les politiques et intérêts du Canada dans la région, et d'autres sujets connexes.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Nous continuons notre étude des faits nouveaux en matière de politique et d'économie au Brésil et de leurs répercussions sur les politiques et intérêts du Canada dans la région, ainsi que d'autres sujets connexes.

Nous accueillons aujourd'hui deux témoins d'Exportation et développement Canada, Todd Winterhalt, vice- président, Développement des affaires, Marchés internationaux, et Jean Cardyn, vice-président régional, Amérique du Sud. Bienvenue devant le comité, messieurs. Je sais que vous avez une déclaration liminaire et que vous connaissez notre procédure. Nous aimons avoir suffisamment de temps pour la période des questions.

Je ne sais pas qui va faire la déclaration mais je vous donne la parole.

Todd Winterhalt, vice-président, Développement des affaires, Marchés internationaux, Exportation et développement Canada : Je vous remercie d'avoir invité EDC à comparaître devant le comité. Nous apprécions votre intérêt pour les activités que mène EDC en appui au programme du gouvernement du Canada en matière de commerce extérieur.

Quand EDC a commencé à établir une présence sur des marchés étrangers, le Brésil faisait partie de ses premiers choix. C'était il y a 10 ans.

Nous ne faisions que le soupçonner alors, mais le Brésil était déjà en train de devenir ce que certains experts qualifiaient dernièrement de « principal moteur de la position de force des marchés émergents ».

Aujourd'hui, je souhaite prendre quelques minutes pour montrer en quoi nos deux pays ont une chance unique de renforcer les relations commerciales et d'investissement qui les unissent, et comment EDC travaille en étroite collaboration avec les entreprises canadiennes, avec d'autres institutions financières et avec notre gouvernement pour aider à faire en sorte que cela se produise.

Étant donné l'instabilité actuelle aux États-Unis et en Europe, il est d'autant plus nécessaire pour les Canadiens de faire des affaires sur les marchés émergents, non seulement pour trouver de nouveaux clients à l'exportation, mais aussi pour investir dans les chaînes d'approvisionnement mondial pour survivre à long terme. Il existe entre le Brésil et le Canada de nombreuses affinités qui peuvent nous aider à renforcer nos relations commerciales.

Je parle fort de la longue expérience d'EDC dans la région. En plus d'avoir un représentant sur place à São Paulo depuis 2000 et un autre à Rio de Janeiro depuis 2004, nous travaillons depuis plus de 40 ans avec des entreprises qui font des affaires au Brésil.

Aujourd'hui, c'est l'investissement qui est le clou des relations commerciales entre le Canada et le Brésil. Depuis 2000, l'investissement canadien direct au Brésil a fait un bond de 70 p. 100, pour dépasser les 11 milliards de dollars en 2009. Quant aux investissements brésiliens au Canada, ils ont explosé, passant de millions à près de 15 milliards de dollars. Le Canada figure maintenant parmi les 10 premiers investisseurs au Brésil et le Brésil se classe au septième rang des investisseurs au Canada.

Les meilleures possibilités pour les Canadiens sont dans le secteur des infrastructures et dans celui de l'extraction. En l'état actuel, les infrastructures brésiliennes représentent un goulet d'étranglement pour la croissance économique. Le secteur brésilien des infrastructures pourrait donc connaître une croissance de près de 7 p. 100 par an entre maintenant et 2014, ce qui se traduit par plus de 500 milliards de dollars US de dépenses publiques prévues. Au Canada, quelques 4 300 entreprises canadiennes participent à des exportations et des investissements en rapport avec les infrastructures.

La situation est semblable dans le secteur brésilien du pétrole et de gaz naturel. La société pétrolière et gazière nationale brésilienne, Petrobras, qui fait partie des 10 plus grandes sociétés du monde, compte investir près de 200 milliards de dollars US dans son industrie dans les cinq prochaines années.

Là aussi, EDC joue un rôle important, aux côtés des délégués commerciaux canadiens, pour ce qui est d'aider à mettre des entreprises canadiennes en contact avec Petrobras.

De moins de 8 en 2000, les entreprises canadiennes sont aujourd'hui plus de 60 à faire des affaires avec Petrobras. EDC comprend également les problèmes que rencontrent les entreprises canadiennes au Brésil. Pour être respectées sur le marché, les entreprises canadiennes doivent être présentes sur place et elles doivent montrer qu'elles entendent y rester durablement. L'incertitude persistante dans l'économie mondiale signifie que les marchés du crédit risquent de continuer de stagner et il est donc plus important que jamais de trouver de nouvelles sources de financement.

Nous croyons que les partenariats sont essentiels pour surmonter ces risques et ces problèmes, et les partenariats entre les entreprises et les acteurs financiers — publics et privés, étrangers et nationaux — augmentent les chances de succès des projets et des transactions. Les banques de développement, les organismes multilatéraux et les organismes de crédit à l'exportation tels qu'EDC continueront de jouer un rôle accru afin de garantir une plus grande capacité financière. Le Canada et EDC sont des partenaires solides et de confiance au Brésil.

Permettez-moi de parler brièvement de deux transactions intéressantes cette année dans lesquelles EDC a aidé des entreprises canadiennes à prendre plus solidement pied au Brésil.

Premièrement, du point de vue des petites et moyennes entreprises, les PME, EDC a financé en 2010 un projet d'énergie éolienne au Brésil, ce qui a aidé une PME de la Gaspésie, au Québec. Cette année également, EDC a fourni un prêt global de 1 milliard de dollars US à Vale, géant du secteur minier brésilien, en appui à des dépenses d'investissement pour ses deux projets canadiens et pour l'achat d'équipement et de services canadiens destinés au Brésil. En tout, EDC s'attend à faciliter pour plus de 3 milliards de dollars d'exportations et d'investissements canadiens au Brésil cette année, soit au moins 30 p. 100 de plus qu'en 2009.

De même, l'an dernier, notre clientèle au Brésil est passée à quelque 280 entreprises canadiennes, soit 160 p. 100 de plus qu'il y a cinq ans.

Pour accroître le commerce entre le Canada et le Brésil, nous mettons l'accent sur les quatre stratégies suivantes : premièrement, nouer et développer des relations avec des acheteurs et des emprunteurs de bonne réputation au Brésil; deuxièmement, élargir et renforcer nos partenariats financiers dans la région; troisièmement, aider à mettre en adéquation les capacités canadiennes et les débouchés brésiliens, en particulier pour les petites et moyennes entreprises qui ne sont pas de taille à être influentes toutes seules; et, finalement, offrir des services qui encouragent davantage l'investissement direct canadien dans les secteurs clés brésiliens.

En conclusion, j'aimerais souligner trois points. Premièrement, le Canada et le Brésil ont une occasion exceptionnelle de travailler ensemble comme jamais auparavant, dans des positions de force et avec des affinités uniques dans de nombreux secteurs industriels.

Deuxièmement, les exportations ne suffisent pas. Nous devons aider les entreprises canadiennes à investir directement dans des activités brésiliennes ou à participer aux chaînes d'approvisionnement mondiales de grandes entreprises au Brésil.

Troisièmement, une présence sur le marché et des relations à long terme sont essentielles, car nos services des Affaires étrangères et du Commerce international et EDC aident à établir des liens indispensables et à faciliter des marchés concrets.

EDC croit que le Canada peut jouer un plus grand rôle que jamais au Brésil, alors que ce pays se prépare à accueillir la Coupe du monde en 2014 et les Jeux olympiques en 2016.

Je vous invite à nous poser des questions, à moi-même et à mon collègue, Jean Cardyn.

La présidente : Je vous demande une précision. Vous dites que les entreprises doivent avoir une présence locale ainsi qu'un plan à long terme d'établissement dans le pays. Vous n'avez pas parlé de la langue. Vous n'avez pas dit si c'est un obstacle. Y a-t-il un passage vers des systèmes qui sont internationaux, qui vont plus vers l'anglais?

M. Winterhalt : Quand je parle d'une présence locale, je pense que la connaissance du portugais est essentielle si l'on veut investir sur ce marché. La structure financière et les systèmes en place dans les grands centres ont beaucoup d'affinités avec l'anglais, et les structures sont bien connues mais, pour vraiment réussir, notamment en dehors des grands centres, le portugais reste essentiel.

La présidente : Voulez-vous dire être canadien et parler le portugais ou avoir un partenaire lusophone au Brésil?

M. Winterhalt : Tant qu'on peut communiquer avec l'acheteur final, par exemple, ou avec les clients, ce peut être la deuxième option dont vous parlez. Avoir un partenaire ou un représentant sur le marché qui connaît la langue est aussi efficace, tout comme avoir une relation d'investissement là-bas.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, soyez les bienvenus ici à notre comité. Je voudrais vous féliciter de tout le travail qu'EDC a fait depuis de nombreuses années. On peut voir que dans votre présentation, il y a eu des résultats positifs.

Personnellement, je crois que le secteur manufacturier continuera à jouer un rôle prépondérant pour l'économie canadienne. Le secteur de la fabrication se transforme dans le monde entier. Il est donc clair que le Canada doit revoir ses modèles commerciaux et la signification réelle des activités manufacturières afin de pouvoir bien appuyer les entreprises canadiennes, qui font des affaires sur les marchés mondiaux.

Ma question est la suivante. Le gouvernement du Canada et ses organismes, Exportation et développement Canada, par exemple, pourraient-ils faire davantage pour appuyer les sociétés canadiennes voulant faire des affaires au Brésil et dans d'autres pays? Est-ce que vous êtes capable de faire plus, que ce que avez mentionné à la page trois de votre présentation, pour accroître le commerce entre le Canada et le Brésil mettant l'accent sur les stratégies suivantes.

Est-ce que vous prévoyez faire encore plus que ce que vous mentionnez dans les quatre points de la stratégie que vous avez énumérés?

Jean Cardyn, vice-président régional, Amérique du Sud, Exportation et développement Canada : Je suis basé à São Paulo depuis le mois de juillet. La stratégie qui a été présentée par mon collègue présente les quatre lignes principales; au-delà de tout cela, beaucoup peut être fait aussi et nous investissons là-dedans, conjointement avec le service du commerce extérieur. Par exemple, augmenter les connaissances, la familiarité avec le marché brésilien, c'est très important. Il y a une croissance en ce moment, qui a été vécue au cours des cinq dernières années, du nombre d'entreprises qui s'intéressent au Brésil. On est passé d'une centaine, il y a environ cinq ans, à 280 l'année dernière. Il y a une croissance à ce niveau, mais le marché est beaucoup plus vaste. Il y a beaucoup à faire pour rendre le Brésil plus connu aux entreprises canadiennes et mettre ces dernières à l'aise pour aller investir là-bas. Le Brésil n'est pas un marché facile, et, comme dans tous les marchés, il faut investir, il faut apprendre à le connaître, développer des contacts, des partenaires locaux.

Nous faisons beaucoup d'activités avec les Affaires étrangères au niveau de la familiarisation et pour augmenter la connaissance du Brésil. Nous offrons notre expertise du marché; nous avons cinq personnes au Brésil, un bureau à Rio, un bureau à São Paulo. Nous sommes en contact avec toutes les missions qui explorent le marché. C'est un aspect.

Un autre aspect, c'est d'investir pour faciliter les opérations des petites entreprises. On a mentionné quelques grandes opérations avec Vale, mais il y a aussi beaucoup de petites entreprises, qui ont besoin de notre appui, et nous les aidons beaucoup à ce niveau, en les accompagnant en leur offrant des conseils sur le marché brésilien, et en essayant de développer des solutions adaptées à leurs besoins : des financements à court terme, des contacts avec les banques pour faciliter ces financements. Nous avons regardé, par exemple le développement de financement en devise locale. C'est beaucoup plus facile lorsqu'on offre un financement en devises locales; c'est quelque chose que nous avons fait et nous investissons encore là-dedans pour rendre cela plus accessible.

Voilà quelques exemples et il y en a d'autres.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Quelles sont les plus grandes difficultés que rencontrent les entreprises canadiennes qui veulent investir au Brésil?

M. Cardyn : C'est une excellente question. Le marché brésilien, comme bien des marchés, n'est pas un marché facile. Il y a tous les aspects légaux pour établir une entreprise là-bas; il y a des aspects de comptabilité; il y a la connaissance des lois. Les lois sont en révision constante, il y a beaucoup d'améliorations à faire à ce niveau-là. Il faut connaître les lois brésiliennes et réussir à s'y retrouver. Il y a beaucoup de réglementations qui, souvent, ne sont pas très claires. On peut aller voir un avocat, un conseiller, il va nous dire une chose, mais il y a peut-être d'autres aspects aussi. C'est un aspect qui est difficile. Il faut connaître le marché, développer des contacts.

Au Brésil, comme dans bien des pays, le contact personnel est extrêmement important, il faut développer la relation personnelle. Aller faire du tourisme commercial au Brésil, ça ne peut pas rapporter grand-chose à long terme. Il faut que les entreprises soient réellement intéressées et le démontrent en développant des contacts et en étant sur place, non pas ponctuellement avec une mission, mais en revenant régulièrement, et si possible il faut investir. Le Brésil n'est pas seulement un pays, on parle souvent du Brésil comme étant un continent; en soi c'est un continent.

Pour revenir à la question de tantôt, concernant la langue, quand on va au Brésil, et moi-même la première fois que je suis allé, j'ai été surpris, tout se passe en portugais. Dans les conférences internationales les gens parlent anglais. Ils comprennent l'anglais, mais tout se passe en portugais dans la mesure du possible et les gens font l'effort de l'apprendre. C'est apprécié, cela aide à développer les relations personnelles, ce qui est critique pour mener, en fin de compte, à des relations d'affaires et à des contrats.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Pour ce qui est des relations avec le gouvernement pour les industries canadiennes, est- ce que c'est difficile? Est-ce que le gouvernement fait seulement affaire avec des compagnies ou des choses comme ça? Comment sont les relations avec le gouvernement? Est-ce que vous avez vu des choses négatives ou très difficiles?

M. Cardyn : Je ne dirais pas vraiment de choses négatives, non. Le Brésil est un grand pays. Il y a des infrastructures, il y a un contexte juridique; il y a des organismes d'état qui jouent des rôles extrêmement important dans le développement économique, et il faut travailler avec ces gens et ces organismes. Je ne dirais pas que ce sont des organismes qui sont extrêmement difficiles. Ce sont des gens d'affaires.

On dit souvent que le Brésil est très bureaucratique. Il y a la bureaucratie, oui, mais si on regarde le Brésil, avec les besoins d'investissement qu'ils ont, les pressions qu'ils ont pour soutenir leur développement économique, on voit que les décisions se prennent. Les événements dont on parlait récemment au niveau des Jeux olympiques et de la Coupe du monde de soccer, cela augmente la pression pour prendre les décisions plus rapidement et faire que les choses avancent. Il y a de grands projets d'infrastructure, qui existaient avant même les besoins pour les olympiques, et qui sont accélérées un peu à cause de ces évènements. Cela met une pression et amène une attention. Je ne dirais pas que c'est difficile de transiger avec le gouvernement brésilien, non. Je pense que ce sont des gens d'affaires.

C'est compliqué de s'y retrouver dans la réglementation et la juridiction brésilienne, mais je ne dirais pas qu'il y a des barrières, que c'est difficile, que les gens ne sont pas coopératifs ou quoi que ce soit comme ça.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Vous avez dit qu'il y a cinq représentants d'EDC au Brésil actuellement. Combien y en avait-il il y a cinq ou six ans? Les représentants et le financement de l'opération brésilienne ont-ils augmenté et, si oui, de combien?

M. Cardyn : Notre activité au Brésil a augmenté au cours des 10 dernières années, surtout depuis l'ouverture de notre bureau là-bas en 2000. Nous avons d'abord ouvert un bureau à São Paulo, avec deux personnes puis, en 2004, nous en avons ouvert un autre à Rio de Janeiro, également avec deux personnes. Cette année, nous avons ajouté une personne à São Paulo.

Nous sommes maintenant mieux à même de couvrir tout ce que nous avons à couvrir pour appuyer les entreprises canadiennes, ainsi que les différents secteurs, parce que c'est un marché énorme. C'est un continent en soi. Pour mieux nous familiariser avec ce marché et mieux le connaître, afin de mieux aider les entreprises canadiennes, nous devons assurer une meilleure couverture et il était donc amplement justifié d'ajouter une personne là-bas.

Qui sait, dans un an ou deux nous devrons peut-être créer encore un autre poste pour étendre cette couverture.

Le sénateur Downe : Ces cinq personnes sont-elles des citoyens canadiens ou des personnes recrutées localement?

M. Cardyn : Je suis le seul Canadien établi au Brésil, à São Paulo, au consulat, où je collabore étroitement avec le service commercial. Les autres sont des recrutés locaux, des professionnels, très solides.

Le sénateur Downe : J'aimerais parler du prêt de 1 milliard de dollars consenti par EDC à la société brésilienne Vale. Dans le passé, EDC ne prêtait normalement pas d'argent à des entreprises étrangères. Est-ce une tendance que vous avez l'intention de continuer?

M. Winterhalt : En général, nous avons un programme assez actif de prêt direct à des entités étrangères. Cette fois, le montant dépasse peut-être un peu la norme habituelle pour EDC. Ce prêt a été consenti sur la base d'une série claire d'opportunités que nous voyons dans l'avenir immédiat avec Vale, une société géante de la communauté minière ayant des investissements importants au Canada par son rachat d'Inco il y a un certain temps. Le prêt, qui peut atteindre 1 milliard de dollars, est basé sur son activité et sur son achat de produits et services canadiens.

Il est essentiellement réparti en deux tranches, la première moitié étant destinée à appuyer son activité au Canada, comme les investissements à Long Harbour, par exemple, et l'autre moitié, de l'ordre de 500 millions de dollars US, concernant une perspective d'approvisionnement de Vale au Brésil, pour stimuler des exportations canadiennes supplémentaires et appuyer la participation à la chaîne d'approvisionnement au Brésil.

Le sénateur Downe : D'aucuns ont dit que la société n'a pas tenu certaines des promesses qu'elle avait faites lors de son achat d'Inco. Cette situation a-t-elle été un facteur et une préoccupation pour EDC?

M. Winterhalt : Nous étions au courant de ces commentaires au moment de la signature du contrat. C'est une question que nous avons examinée en profondeur. Nous étions à l'aise avec le milliard de dollars car il s'agissait d'une excellente occasion pour les exportateurs et investisseurs canadiens, à la fois dans l'opération brésilienne et aussi pour appuyer les investissements de Vale au Canada.

Nous avions la conviction de pouvoir ainsi stimuler des entreprises canadiennes et leur prêter un appui sans lequel elles n'auraient pas accès à ces occasions.

Le sénateur Di Nino : Merci. C'est intéressant. C'est probablement l'un de nos défis les plus intéressants et probablement l'une des meilleures occasions que nous ayons d'accroître notre présence en Amérique du Sud.

Nous avons parlé un peu des obstacles que nous pourrions rencontrer sur notre route, et il y a eu un sérieux irritant entre Bombardier et Embraer. Cette situation est-elle maintenant complètement réglée, selon vous?

M. Winterhalt : À nos yeux, c'est une question du passé, à certains égards, et elle n'empêche pas EDC d'être optimiste au sujet des possibilités futures, plus d'un point de vue prospectif. Je laisserai mon collègue vous donner plus de détails à ce sujet dans un instant, mais nous avons depuis longtemps des relations avec Embraer, par exemple, dans l'appui à des entreprises canadiennes comme Pratt & Whitney pour la fabrication et l'exportation de moteurs d'avion pour Embraer.

Cette relation a de nombreuses facettes. Le litige passé, qui est allé devant l'Organisation mondiale du commerce à la fin des années 1990 et au début des années 2000, n'est que l'une de ces facettes. Il y en a manifestement beaucoup d'autres.

Au cours des cinq dernières années, nous nous sommes concentrés sur les occasions positives d'engagement, non seulement avec Embraer mais aussi avec d'autres fabricants brésiliens du secteur aérospatial. Nous voyons là d'excellentes occasions d'apparier fournisseurs canadiens et clients brésiliens.

Je pense que nous sommes maintenant au-delà de ce litige.

M. Cardyn : En ce qui concerne la relation avec le Brésil et le secteur aérospatial, je suis tenté de dire que les problèmes du passé à l'OMC sont des problèmes du passé, mais qu'il est normal dans toute relation commerciale de garder un oeil sur la concurrence. C'est ce que fait le Canada, tout comme le Brésil. Un nouveau modèle d'avion est en cours de construction au Canada. Le Brésil s'intéresse évidemment à la manière dont il a mis au point, et il se demande s'il y a là un élément de subventions.

Du côté du crédit à l'exportation, je n'ai aucune hésitation à dire que la « guerre des subventions », comme on disait autrefois, est une chose du passé. Nous sommes passés à une autre étape dans notre relation. Il y a trois ans, à l'Organisation de développement et de coopération économiques, l'OCDE, il y avait une entente du secteur de l'avionique qui régissait les conditions pouvant s'appliquer au crédit à l'exportation.

Il y avait une entente pour le secteur de l'avionique. Elle était un peu vieillotte et avait besoin d'être modernisée et renouvelée. Nous avons invité le Brésil sous la tente pour négocier. Le Canada a vivement appuyé et réclamé la participation du Brésil. Il y a eu beaucoup de questions et de préoccupations autour de la table : le Brésil sera-t-il vraiment un partenaire? Comment évoluera ce partenariat? Quel genre d'influence exercera-t-il?

Le Brésil est venu et nous l'avons fermement appuyé. Ce fut une expérience unique. Le Brésil est venu avec certaines attentes, comme tous ceux qui se trouvaient autour de la table, et nous avons forgé avec lui une bonne relation au niveau institutionnel et gouvernemental. Le Canada et le Brésil ont été de solides partenaires durant ces négociations. Il y avait une bonne concordance d'intérêts. Nous financions le même type d'avion.

Nous sommes parvenus à un niveau élevé de confiance vers la fin des négociations. Par exemple, il y a eu à un certain moment une transaction dans laquelle on a allégué que le Canada faisait ceci, ou le Brésil faisait cela. Grâce à la relation qui s'était établie, il nous a suffi d'appeler nos homologues au Brésil et de dire : « Nous entendons dire que le Brésil offre certaines choses pour cette vente d'avions dans notre pays. Pouvez-vous nous dire si c'est vrai? »

Nous avons eu une franche communication. Nous sommes passés à une autre étape. Maintenant, nous offrons les mêmes conditions que le Brésil. Il n'y a plus de soupçons au niveau du crédit à l'exportation. La relation avec le gouvernement et avec les institutions gouvernementales du Brésil est bonne.

Comme l'a dit mon collègue, nous avons aussi de bonnes relations avec Embraer. En septembre, notre président est allé rendre visite à Embraer. Nous avions une mission au Brésil et nous avons eu une bonne discussion avec elle pour étudier les possibilités d'expansion des affaires. Nous faisons la même chose que le service des délégués commerciaux pour développer les affaires avec Embraer; nous faisons venir des missions au Canada pour familiariser les brésiliens avec les fournisseurs canadiens qui pourraient participer à la mise au point du nouvel avion d'Embraer.

Nous sommes passés à une autre étape.

Le sénateur Di Nino : C'est une bonne information. Nous avons à l'évidence appris à ajuster certaines choses, ce qui sera peut-être utile dans d'autres situations.

Par exemple, je rencontre ce matin des représentants du secteur agricole. L'agriculture est aussi un sujet délicat, notamment avec le Brésil. Y a-t-il des leçons que nous avons apprises et qui pourraient être appliquées à nos négociations dans ce secteur, dans l'intérêt de nos exportateurs? Comme vous le savez, les exportations agricoles du Canada sont volumineuses.

M. Winterhalt : Au niveau le plus élevé, il y a des leçons que nous pouvons tirer de l'interaction sur le dossier des avions ou le dossier aérospatial, mais c'est à un niveau élevé. Elles ont tendance à porter sur la valeur de communications précoces et sur le maintien d'un dialogue ouvert entre toutes les parties des deux côtés de l'équation.

Par exemple, EDC a participé au financement d'exportations agricoles au Brésil, en mettant plus l'accent sur des produits à valeur ajoutée du secteur de la fabrication. En revanche, les denrées de base restent en tête des exportations de chaque pays. Si vous voulez, je pourrais envoyer d'autres informations à ce sujet au greffier. Toutefois, notre axe central a tendance à être la fabrication ou les produits à valeur ajoutée.

Le sénateur Di Nino : Y a-t-il des obstacles sérieux, comme des limites à la propriété étrangère, des exigences réglementaires, et cetera, dont vous pourriez nous parler?

M. Cardyn : Le Brésil est un marché qui accueille les investissements étrangers parce qu'il a besoin de technologie et d'investisseurs et qu'il a besoin de nourrir sa croissance. Bien que ce soit un pays avancé avec des entreprises de pointe au niveau mondial, il a beaucoup besoin de croissance économique et cherche donc des investissements et de l'expertise étrangère. Il est très accueillant à ce chapitre.

Cela dit, ce n'est pas un marché facile. Quand je dis qu'il y a des obstacles particuliers à l'entrée au Brésil, je ne peux pas dire que ce soit particulièrement différent des autres pays. Les entreprises doivent faire le chemin dans le labyrinthe bureaucratique, obtenir des permis et savoir quelles sont leurs obligations quand elles veulent s'installer localement.

Pour les entreprises canadiennes exportant au Brésil, il y a un incitatif pour celles qui veulent y investir à cause de la taille du marché. Toutefois, les droits à l'importation sont élevés, et la bureaucratie peut être lente. S'agit-il là d'obstacles susceptibles d'entraver le commerce entre les deux pays? Je ne sais pas mais je ne pense pas.

Le sénateur Di Nino : Merci, c'est utile.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé brièvement, suite à la question du sénateur Downe, d'un engagement d'EDC de 1 milliard de dollars, qui était divisé en deux tranches. Est-ce que j'ai bien compris que la deuxième tranche de 500 millions de dollars était pour encourager cette compagnie à acheter des exportateurs canadiens?

M. Cardyn : Oui, effectivement. Il y a une tranche à cet effet. Vale est un gros joueur dans le monde. Ils ont des investissements non seulement au Canada mais aussi en Afrique. Cette entreprise a un gros programme d'investissements et de besoins d'équipements.

Il y a une partie de cette facilité de crédit, qui est destinée à faciliter les achats d'équipement et de services canadiens par Vale.

Dans des situations comme celles-là, nous coopérons avec l'entreprise pour les familiariser avec les capacités canadiennes. Le financement les encourage à acheter au Canada. Ce n'est pas tout; il faut que les entreprises soient aussi familières avec les besoins des entreprises canadiennes, qu'elles connaissent les besoins de Vale et soumissionnent sur les appels d'offres. Nous organisons avec le Commerce extérieur, le consulat, les gouvernements provinciaux au Canada, des missions commerciales de familiarisation. En anglais, on appelle cela du « match making ».

Nous amenons au Canada des représentants des services des achats, des services techniques de l'entreprise et nous les faisons visiter des régions où il y a le plus d'affinités du côté de leurs besoins en équipements et en services. Nous les faisons rencontrer des clients canadiens. Ils viennent ici et ils présentent leur plan d'achat. Nous sommes en train de regarder pour Vale. Il s'agit de la prochaine étape une fois le financement signé. On discute présentement avec leur groupe de financement et leur groupe des achats pour voir quelle est la meilleure approche pour diriger les entreprises canadiennes, les sous-traitants vers eux, vers les opportunités et ensuite, organiser des missions au Canada pour développer ces liens. On l'a fait avec d'autres entreprises comme Petrobras l'an dernier. On a travaillé avec les gouvernements de la Nouvelle-Écosse, de l'Alberta et le gouvernement fédéral. On a organisé une mission avec les gens du financement et des achats de l'entreprise, qui sont venus au Canada avec une trentaine de sous-traitants brésiliens qui sont en fait des acheteurs pour Petrobras. On avait une mission considérable d'entreprise brésilienne qui parle affaires. Ils viennent présenter leur plan d'achat et ils développent des liens. C'est une des meilleures façons pour encourager les exportations, la familiarisation avec le pays et l'identification d'opportunité et développer ce niveau de confiance. Ce sont des missions où on fait un premier contact et ensuite, on poursuit. On présente notre produit rapidement. Ils apprennent à nous connaître et on poursuit avec d'autres rencontres plus tard avec l'entreprise, les sous-traitants et l'acheteur directement.

Le sénateur Robichaud : Vous parlez de missions. Mais quels fruits cela a-t-il portés? Y a-t-il, actuellement, des exportateurs canadiens qui ont réussi à vendre leurs produits après toutes ces missions?

M. Cardyn : Je prends l'exemple de Petrobras. Mon collègue a parlé de l'évolution sur le plan de la croissance des entreprises canadiennes, qui font affaire avec eux. Il y a cinq ans, on parlait d'une dizaine d'entreprises et cela a augmenté à 60 l'an dernier.

Avec Vale, on va faire la même chose. On est en discussion au Brésil avec l'entreprise pour voir comment amorcer tout cela. On fait aussi un suivi pour ce qui est du volume. On ne fait pas que donner le financement; régulièrement, l'entreprise Vale va nous déclarer ce qu'ils ont acheté au Canada. Alors, on va analyser et s'assurer qu'avant de faire une nouvelle facilité, s'il y a eu lieu, si on voit de la croissance, d'autres besoins, d'autres potentiels, on va regarder si effectivement cela a porté fruits. On travaille étroitement avec eux. Ce n'est pas une relation seulement où ils sont intéressés à notre financement. C'est plus que cela. Ils sont intéressés à développer des liens parce qu'il y a de la technologie au Canada, qui peut être offerte de façon très compétitive. Cela les aide et cela ouvre la porte à bien des entreprises canadiennes.

Le sénateur Robichaud : Je comprends que cela ouvre la porte. Mais j'aimerais savoir combien d'exportateurs canadiens ont réussi à traverser le seuil de cette porte. Combien du 500 millions de dollars a déjà été utilisé? Comprenez-vous où je veux en venir?

M. Cardyn : Je comprends très bien. La relation avec Vale, après la signature du financement, est récente. Cela a été signé au mois de septembre. Il y avait un niveau d'achat passé; on a regardé l'historique et le potentiel. Des entreprises ont gagné des contrats, des contrats d'ingénierie, et il y en a d'autres. C'est peut-être trop tôt aujourd'hui pour dire si on a vu une croissance. Cela vient d'être signé et on est en discussion avec eux pour entamer un programme de développement de ces liens. Toutefois, il est certain qu'on fait un suivi assez serré dans toutes les opérations de ce genre pour nous assurer que cela donne des résultats. Il y a des entreprises qui nous appellent et on les aiguille vers leur service des achats, et cela aide.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : Le témoin peut-il commenter le fait que le Brésil se trouve au 129e rang du classement de la Banque mondiale des pays où il est facile de faire des affaires, après des pays comme les îles Fidji, l'Azerbaïdjan, la Mongolie, le Kazakhstan et le Botswana? Un autre pays de la région, le Mexique, est au 35e rang. Si l'on en croit ce classement, il est difficile pour une entreprise de faire des affaires au Brésil et elle sera très hésitante. Que concluez-vous de ce classement?

M. Winterhalt : Comme l'a dit mon collègue, le Brésil est incontestablement un marché difficile. C'est un pays où les chances de succès sont plus élevées pour les exportateurs et investisseurs canadiens chevronnés, ceux qui ont acquis une expérience sur d'autres marchés avant de choisir le Brésil comme destination, que ce soit pour l'investissement ou pour l'exportation de biens et de services.

En revanche, nous sommes fermement convaincus que la familiarité avec le marché et l'utilisation du service des délégués commerciaux et de mes collègues d'EDC présents sur le marché peuvent atténuer considérablement les difficultés qui subsistent. Certaines d'entre elles sont un peu des séquelles du passé. Depuis cinq à 10 ans, le Brésil fait des progrès considérables en termes de facilité d'accès au marché pour les investisseurs et aussi pour les entreprises étrangères qui cherchent simplement à y vendre leurs produits et services.

Y a-t-il encore des progrès à faire et espérons-nous les stimuler? Absolument, oui. En même temps, si l'on examine la tendance des cinq dernières années, en particulier, on constate qu'il y a eu beaucoup de mouvement pour faciliter les affaires sur ce marché.

Je conclus en disant que l'investisseur ou l'entrepreneur qui réussit est celui qui a une solide relation locale et une présence dans cette partie du Brésil où il veut s'implanter. Nous pouvons même aller jusqu'à dire qu'il ne suffit pas d'avoir un bureau à São Paulo, par exemple, si l'on veut aussi faire des affaires ailleurs au Brésil. Le marché est énorme et a beaucoup de composantes. L'investisseur ou l'exportateur avisé sera capable d'exploiter les ressources du gouvernement canadien, lesquelles comprennent EDC et aussi le service des délégués commerciaux, afin d'atténuer ces risques.

Le sénateur Raine : Je trouve cette discussion intéressante. Merci de votre présence. Je m'intéresse au tourisme. Je sais qu'il y a probablement peu de tourisme entre le Canada et le Brésil, et je m'intéresse en particulier à l'image que le Canada projette au Brésil. Est-ce une image forte? Sommes-nous connus? Ne sommes-nous connus que pour nos orignaux, nos montagnes et notre neige? Qu'est-ce qui pourrait amener un Brésilien à venir passer ses vacances au Canada?

M. Winterhalt : Comme mon collègue, j'ai vécu quatre ans au Brésil à la fin des années 1990, lorsque j'étais délégué commercial pour le gouvernement du Canada, et on me posait souvent cette question. À cette époque de l'année, en particulier, quand la température plonge, des Brésiliens se posaient la question : « Qu'est-ce qui nous attire au Canada? Qu'est-ce qui en fait une destination touristique attrayante? » Très franchement, ce qui attire, c'est l'immensité du pays et ses atouts naturels. Je dirais que le Canada a une image de pays jeune pour la plupart des Brésiliens. Ils le voient un peu comme un paradis naturel, même en comparaison avec notre voisin du sud. Le ski et l'activité sportive sont sportive extrêmement attirants.

Dans l'ensemble, cependant, le gros défi à surmonter est celui de la distance et du climat. Je crois pouvoir dire que les Brésiliens sont cosmopolites, pour une population sud-américaine ayant une classe moyenne émergente de près de 100 millions de personnes. Elle a explosé au cours des 10 dernières années. Elle a manifestement du revenu disponible à dépenser et nous pouvons donc envisager ce revenu comme possibilité de collaboration future entre les deux pays. À mon avis, il y a de la marge pour polir cette image.

Le sénateur Raine : Cette année, les Jeux olympiques ont beaucoup fait parler de nous. Comme le Brésil les accueillera en 2016, je pense que nous avons acquis en la matière une expertise que nous devrions exporter au Brésil. Pensez-vous qu'il y a des possibilités à cet égard?

M. Cardyn : Ça suscite à l'évidence de l'intérêt là-bas, et le Canada a beaucoup d'expertise à offrir.

Pour revenir à la question précédente sur le tourisme, quand un Canadien croise un Brésilien, aujourd'hui, ils parlent des Jeux olympiques d'hiver. Beaucoup de gens les ont regardés et ont été émerveillés par leur succès.

À un niveau plus institutionnel concernant la tenue des Jeux olympiques de 2016, il y a actuellement des missions de gens ayant participé à l'organisation des Jeux olympiques de Vancouver qui vont au Brésil. Nous-mêmes avons organisé une mission à Rio et São Paulo en septembre avec nos collègues du secteur commercial. Elle était axée sur le secteur de l'infrastructure et visait à établir des contacts avec des membres clés du comité olympique de Rio. Il y a donc des contacts qui s'établissent et des Canadiens qui offrent leur savoir-faire.

Les Brésiliens sont heureux d'apprendre comment nous avons fait un tel succès de nos Jeux olympiques. Ils s'intéressent à l'organisation, à la gestion de l'événement et aux questions de sécurité, d'infrastructures, de télécommunications, et cetera. Leur intérêt est indéniable.

Le sénateur Raine : Finalement, au sujet du tourisme, y a-t-il une taxe à la valeur ajoutée au Brésil, et est-elle remboursée? Le tourisme est-il traité comme un produit d'exportation au Brésil? L'une des frustrations du secteur du tourisme au Canada est qu'il n'est pas correctement défini comme un produit d'exportation. Quand un étranger achète un séjour touristique au Canada, il devrait être exonéré de la taxe de vente harmonisée, la TVH, ou de la taxe sur les produits et services, la TPS, mais ce n'est pas le cas. Quel est le traitement fiscal, au Brésil, des produits touristiques vendus à l'étranger?

M. Cardyn : Je ne connais pas la réponse à cette question, mais je l'obtiendrai avec plaisir afin de vous la communiquer.

La présidente : La Commission canadienne du tourisme a demandé à comparaître devant le comité au printemps. J'espère que vous vous souviendrez alors de votre question, pour la lui poser.

Le sénateur Jaffer : Votre témoignage est intéressant. Ma première question portera sur la langue. Est-il facile pour les gens d'affaires de naviguer au Brésil, surtout s'ils ne connaissent pas le portugais?

M. Cardyn : Le portugais est une belle langue. Je suis là-bas depuis cinq mois et je ne parlais pas le portugais avant d'arriver. J'ai suivi quelques cours, mais pas beaucoup. Heureusement, je parle l'espagnol, ce qui m'aide.

Le portugais est facile à apprendre quand on s'intéresse aux langues, et les Brésiliens sont très accueillants. Si vous témoignez du moindre intérêt à l'égard de leur langue, ils réagissent avec beaucoup de sympathie et sont prêts à vous aider.

Bon nombre des Brésiliens avec qui nous traitons parlent l'anglais mais, à part les gens d'affaires, peu parlent l'anglais. Il est beaucoup plus facile d'apprendre la langue. Ce n'est pas insurmontable si on s'y intéresse vraiment et qu'on a un minimum d'aptitude.

Le sénateur Jaffer : Vous avez dit qu'il est plus facile aux investisseurs chevronnés de faire des affaires au Brésil que si l'on est un Canadien cherchant de nouveaux marchés à l'étranger. D'après vous, quels sont les quatre ou cinq choses essentielles qu'il faut avoir en place pour investir au Brésil?

M. Winterhalt : D'abord et avant tout, faire preuve de patience, et je relie cela à une compréhension et une connaissance solide du secteur, en particulier, mais aussi de la région envisagée. Au Brésil, on dit qu'il n'y a pas un Brésil mais plusieurs. C'est un pays qui se définit par ses régions, et cette définition englobe la langue.

Dans certaines des grandes régions, on parle facilement l'anglais et l'espagnol mais, selon l'investissement que l'entreprise canadienne essaye de faire, il est crucial de connaître et de comprendre la région envisagée, ainsi que le secteur, et cette compréhension suppose aussi une certaine dose de patience.

Nous avons mentionné plusieurs fois cette exigence mais je pense que l'élément-clé est la relation avec le partenaire local pour s'assurer que les entreprises non seulement renforcent leur recherche pour bien connaître le marché, mais aussi la présence de quelqu'un sur le terrain pour se tenir au courant des derniers changements, qu'il s'agisse de réglementation ou de fiscalité. Comme nous l'avons vu récemment, les changements à la structure politique au Brésil ont souvent des répercussions ailleurs, comme dans beaucoup de pays bien sûr. Le partenaire local sera en mesure de fournir des informations qu'on ne pourrait pas obtenir autrement.

Je prêche peut-être pour ma paroisse, mais il est également essentiel d'avoir un solide partenaire financier. Comprendre la nature de l'acheteur, sa solvabilité et ses propres relations bancaires locales est également essentiel pour les Canadiens, tout comme avoir un solide partenaire local. Une entreprise qui réunit tous ces atouts et qui connaît bien le marché sera en bien meilleure position pour réussir dans ce pays.

Nous l'avons déjà dit, et il vaut la peine de le répéter, il faut voir à long terme. Nous entendons souvent dire par nos acheteurs et partenaires brésiliens, ce qui est positif, que les Canadiens semblent être plus disposés que d'autres à investir pour le moyen terme et le long terme. L'investissement est la clé parce qu'il assure l'établissement d'une relation avec un partenaire brésilien. Les entreprises qui sont prêtes à planifier pour plusieurs années, à envoyer leurs propres représentants sur le marché et à développer cette relation auront un taux de succès beaucoup plus élevé. Ces éléments sont trois ou quatre élément-clés.

Le sénateur Jaffer : Je suis sûre que vous êtes aussi au Mexique. L'un de mes collègues a posé une question sur le classement du Mexique, qui se trouve au 35e rang, alors que le Brésil se trouve au 129e. Je sais que nous voulons investir dans le plus grand nombre de marchés possible mais pourquoi est-il plus attrayant d'investir au Brésil en ce moment?

M. Winterhalt : Tout simplement, parce que c'est un marché trop gros pour le laisser de côté. Il est énorme. Au cours des cinq prochaines années, il y aura là-bas plus d'un demi-billion de dollars d'investissement rien que dans les infrastructures, et c'est un investissement qui est pratiquement indépendant de la Coupe du monde et des Jeux olympiques. Même s'il n'y avait pas ces deux grands événements, les possibilités offertes par le Brésil sont gigantesques.

La tendance est également importante.

Nous constatons souvent qu'on reste focalisé en Amérique du Nord sur les événements du passé et qu'on ne tient pas nécessairement compte des améliorations déjà réalisées, et qui continuent d'ailleurs.

Il y a également de belles occasions au Mexique, et dans certains des mêmes domaines, comme les ressources naturelles. Tout dépend de la nature des activités de l'exportateur ou de l'investisseur canadien. À mon avis, le Brésil offre une vaste gamme de possibilités qui n'ont pas encore été autant exploitées que celles du Mexique.

La présidente : Comme le temps passe vite, je vous pose deux brèves questions. La première concerne le fait que vous avez une ligne de crédit substantielle en Angola et que le Canada est depuis longtemps lié à l'Afrique sur le plan du développement économique, mais aussi de l'activité minière, de l'investissement et du commerce, même si ce commerce est minime. Quand on parle de développement à long terme en Afrique, tout le monde songe à l'Angola, pays immense et doté de ressources énormes mais manquant singulièrement d'infrastructures. Certains parlementaires m'ont accompagnée là-bas au sein d'une délégation et nous avons constaté une activité incroyable du Brésil en Angola. Évidemment, il y a l'histoire et la langue, mais nous ne faisons pas aussi bien.

Y a-t-il des possibilités pour le Brésil et le Canada d'agir en partenariat en Angola, et des possibilités de maximiser notre présence dans les deux pays en vertu de ce lien?

M. Winterhalt : De manière générale, je dirais qu'il y a effectivement des possibilités qui vont au-delà de la relation bilatérale et que nous devrions peut-être envisager une approche quasi multilatérale en matière de commerce, non seulement en Angola mais aussi sur d'autres marchés africains.

Pour EDC, l'Angola est un marché intéressant depuis longtemps et nous constatons que les entreprises canadiennes s'y intéressent, essentiellement dans le secteur des ressources. Certes, c'est un marché qui pose aussi ses propres défis et, quand EDC envisage d'appuyer les entreprises et les investisseurs du Canada, nous avons toujours en tête nos normes internationales rigoureuses et nous veillons à respecter les règles du jeu, et les bonnes règles.

Une fois que nous faisons entrer d'autres partenaires dans la partie, en essayant de faire les choses de manière multilatérale, nous voyons parfois apparaître d'autres défis. À mon sens, nous n'en sommes qu'à l'étape préliminaire, mais il existe incontestablement une volonté de chercher de nouvelles méthodes pour faire des affaires en Angola et sur les autres marchés africains, et EDC, du point de vue de l'appui aux exportateurs et investisseurs canadiens, est toujours prête à examiner des solutions supplémentaires pour essayer de faire avancer les affaires sur ce continent.

M. Cardyn : Le Brésil est actif en Angola. C'est juste de l'autre côté de la mare, pour lui. Certaines grandes entreprises multinationales brésiliennes sont actives en Afrique, notamment en Angola, dans le pétrole et le gaz naturel, et dans les mines. Le Brésil exploite des projets gigantesques là-bas, et pas seulement en Angola, d'ailleurs. Ce que nous essayons de faire maintenant, c'est d'établir des relations avec ces entreprises et de les mettre en contact avec d'éventuels fournisseurs canadiens pour les projets qu'elles réalisent en Angola et ailleurs en Afrique.

À mesure que nous développons nos relations avec ces grandes entités, nous constatons qu'il y a là beaucoup de potentiel. Nous agissons directement avec les entreprises pour les aider mondialement. Le Canada étend son empreinte mondiale, tout comme le Brésil. Il n'y a rien de mieux qu'établir des partenariats pour découvrir de nouvelles possibilités.

Il y a des affinités entre le Brésil et l'Angola. Il y a de solides liens politiques. Le président actuel, le président Lula, dirige des missions commerciales en Afrique. Le Brésil s'intéresse à ce continent et à ces pays pour y investir et s'y implanter solidement. Cela offre des possibilités de collaboration au Canada, peut-être comme fournisseur pour des projets dans lesquels nous pouvons investir ensemble. Ce sont les entreprises qui doivent déterminer les possibilités qui les intéressent.

Du point de vue de la chaîne d'approvisionnement, il y a des possibilités que nous essayons de développer.

La présidente : Vous avez parlé des régions, et le Brésil est presque un continent à lui seul. Que pouvez-vous nous dire des différences entre les États? Où vous concentrez-vous? Où y a-t-il du potentiel, selon vous? Y a-t-il des obstacles importants, comme il semble y en avoir d'après les études disponibles, du point de vue du travail d'État à État avec les variations, au lieu de cette mentalité que nous avons d'aller au Brésil? Devrions-nous dire que nous allons dans un État donné, tout comme nos provinces se font parfois concurrences ici, ou travailler ensemble, dépendant de ce qu'ils offrent?

M. Winterhalt : C'est dans une certaine mesure analogue à la dynamique canadienne. Au Brésil, avec plus de 25 États dans un district fédéral, il y a aussi ce niveau de gouvernement et de bureaucratie auquel l'investisseur ou l'exportateur est confronté. Tout dépend des occasions qui s'offrent. À l'heure actuelle, la majeure partie de l'activité économique au Brésil est concentrée dans la partie sud du pays, dans l'État de São Paulo, le coeur industriel, et l'État de Rio de Janeiro, qui a tendance à être le foyer de la majeure partie de l'activité pétrolière et gazière de l'économie.

Avec le temps, je crois que nous verrons une migration vers les possibilités du nord et du nord-est du pays, qui sont encore en grande mesure fondées sur les ressources naturelles. Des grappes d'entreprises manufacturières commencent à s'implanter dans le reste du pays mais, du point de vue d'une stratégie à court terme, je dirais que le sud et le sud-est restent les régions-clés à envisager, et ensuite les villes et les États du nord-est, comme Fortaleza, Salvador — une ville du nord-est — et le Pernambouc, doté d'énormes réserves de pétrole et de gaz. Petrobras, dont nous avons parlé tout à l'heure, a récemment annoncé la découverte d'énormes gisements de pétrole et de gaz naturel avant la couche de sel.

Ces occasions sont presque annuelles. Je pense que la taille du pays signifie que nous devons suivre attentivement cette situation mais, à notre avis, c'est dans les régions du sud, du sud-est et du nord-est que nous devrions concentrer notre activité.

La présidente : Nous avons un peu dépassé l'heure prévue et vous pouvez constater que nous commençons à explorer un pays complexe. Nous vous remercions de votre contribution.

Si vous avez d'autres rapports à nous communiquer, ou certains des manuels que vous employez avec les entreprises, vous pouvez les envoyer au greffier du comité. Cela nous serait très utile pour la suite de notre étude et pour la formulation de recommandations à l'intention du gouvernement et, peut-être, des investisseurs et autres qui désirent entrer sur le marché brésilien.

Merci de votre contribution et j'espère que nous continuerons ce dialogue.

Honorables sénateurs, le témoin suivant est Mme Cristina Rojas, professeure, Affaires internationales, Norman Paterson School of International Affairs, à l'université Carleton. Elle a un long titre et connaît très bien le Brésil. Mme Rojas fera déclaration liminaire pour contribuer à notre étude, après quoi nous ouvrirons une période de questions. Bienvenue devant le comité, madame.

Cristina Rojas, professeure, Affaires internationales, Norman Paterson School of International Affairs, Université Carleton, à titre personnel : Je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée à témoigner. C'est un grand honneur. Je suis originaire de la Colombie et ma spécialité est surtout la région andine. Comme l'a dit quelqu'un, le Brésil est encore un continent et je parlerai donc principalement des relations étrangères du Brésil à l'intérieur de la région.

Durant cet exposé, j'insisterai sur ce que j'estime être le moteur le plus important de la politique étrangère en Amérique latine au Brésil. Je le résume en trois mots : autonomie avec collaboration, au niveau régional et mondial.

La collaboration des pays latino-américains est un vieux rêve de l'Amérique latine, datant de l'époque de Simón Bolívar, qui a été rendu possible en partie par l'expérience d'un programme d'ajustement structurel. La montée de la pauvreté et de l'inégalité dans la région durant cette époque a engendré pour les pays d'Amérique latine la nécessité de poursuivre des politiques plus autonomes et de collaborer.

Le président Lula s'est clairement exprimé à ce sujet lorsqu'il a dit que :

[...] nous voulons être des protagonistes, pas de simples spectateurs, sur les théâtres où se décident les perspectives de bien-être et de prospérité de nos peuples.

Cette autonomie a guidé les politiques sociales et économiques internes du Brésil, avec des résultats positifs. La plupart des statistiques touchant la réduction de la pauvreté et la répartition des revenus sont bonnes pour le Brésil ainsi que pour l'ensemble de l'Amérique latine.

En ce qui concerne l'économie et l'investissement direct, le Brésil a réussi à attirer des investissements importants d'autres régions. Durant la crise économique, l'Amérique latine, surtout le Brésil, a mieux résisté que dans le passé.

Le Brésil est un acteur clé en matière de lancement d'initiatives et d'intégration régionale en termes d'autonomie et de collaboration. Il joue un rôle à la fois régional et hémisphérique. Je vais en mentionner quelques aspects importants sur lesquels vous pourrez ensuite m'interroger.

Après 10 ans de négociations, le Brésil a dit non à la Zone de libre-échange des Amériques, la ZLEA. Il a joué un rôle clé dans le lancement de l'Union des nations d'Amérique du Sud, l'UNASUR, qui est un espace d'action et de décision autonome sans ingérence des États-Unis.

Le Brésil a aussi réclamé la fin des sanctions contre Cuba et la reconnaissance de Cuba dans les scénarios régionaux. Il a joué un rôle clé dans la condamnation du coup d'état du Honduras et dans les efforts de retour au pouvoir du président Zelaya. Sous le président Lula, le Brésil a joué un rôle de médiateur lorsqu'il y a eu des tensions entre la Colombie, le Pérou et le Venezuela. Le Groupe de Rio a participé comme médiateur.

Il importe de souligner que la collaboration de l'Amérique latine qui avait débuté comme une collaboration strictement sud-américaine s'est récemment étendue aux Caraïbes avec la création de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes, la CELAC, qui englobe tous les pays de la région sauf les États-Unis et le Canada. L'un des objectifs de la CELAC est de défendre les intérêts de l'Amérique latine et des Caraïbes dans les tribunes internationales. Soulignons aussi la collaboration entre le Brésil et le Mexique, car le Mexique fait partie de l'Accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA. Cette collaboration a été un facteur clé du succès de cette réunion dont l'objectif était d'accroître le dialogue avec les autres États et groupements de la région pour promouvoir la synergie entre les groupes régionaux. Entre 2000 et 2009, par exemple, le commerce du Brésil avec les pays du MERCOSUR a augmenté de 86 p. 100; avec la communauté andine, de 253 p. 100; et avec le Mexique, de 121 p. 100.

Au niveau mondial, le Brésil de M. Lula a été un porte-parole de la région aux Nations Unies, notamment pour la réforme du Conseil de sécurité, et il a joué un rôle important sur les dossiers du VIH-sida, de l'environnement et du commerce. Mondialement, la reconnaissance du Brésil comme l'un des pays du BRIC est également importante, tout comme sa participation au G20.

Je pense que les interventions précédentes ont clairement montré que les sociétés transnationales brésiliennes engrangent les succès en Amérique latine, en Afrique et au Moyen-Orient.

Une autre caractéristique importante de la politique étrangère du Brésil est qu'elle est fondée sur le pragmatisme, au sens où le Brésil entretient des relations actives avec de nombreux pays dont l'Inde, la Chine et l'Afrique, et a forgé des partenariats avec les États-Unis, le Canada, Israël et l'Iran. Finalement, le Brésil, l'Argentine et l'Uruguay ont pris position en faveur de la reconnaissance d'un État palestinien, se démarquant ainsi des politiques américaines.

Quelles sont les conséquences pour le Canada? L'une des questions que je veux porter à votre attention est que, si nous examinons la politique que je viens juste de mentionner et les politiques canadiennes, nous pouvons dire qu'il y a un manque de synchronisme entre les politiques canadiennes et les politiques latino-américaines et brésiliennes. Il y a l'appui du Canada à la ZLEA, l'alignement du Canada avec la Colombie sur le libre-échange, ce qui contraste avec ces initiatives régionales, ainsi que l'absence de soutien lors du coup d'état du Honduras.

En ce qui concerne l'environnement, problématique très importante pour l'Amérique latine, nous avons vu cette semaine ce qui s'est passé : le rejet par le Canada du projet de loi C-300, destiné à adopter un code d'éthique pour les sociétés minières canadiennes, ce qui va selon moi à l'encontre du souci de protection environnementale.

En ce qui concerne la position du Canada relativement à l'exigence de visa pour les touristes brésiliens, il sera intéressant de l'analyser dans le contexte de la question qui a été posée tout à l'heure au sujet de la promotion du tourisme brésilien vers le Canada.

L'une des questions importantes est de savoir comment le Canada synchronisera ses politiques avec ce qui se passe dans la région. Il est important, je tiens à le souligner, de noter que le Canada aurait tout à gagner d'un partenariat plus solide avec le Brésil. Je pense que le Brésil est un point d'entrée crucial, non seulement sur le marché brésilien mais aussi, comment on l'a déjà dit, en Afrique et dans d'autres parties du monde.

Il existe des possibilités de meilleure collaboration sur le plan de l'environnement et aussi de l'appui du Canada aux innovations dans la région et aux collaborations sud-sud.

L'un des domaines où le Canada fait bien, ce dont je me réjouis, est l'accroissement des possibilités dans l'enseignement supérieur et dans la collaboration avec le Brésil pour la recherche et le développement. Je crois comprendre qu'un protocole d'entente a récemment été signé entre le MAECI et le Brésil pour accroître la mobilité et la coopération scientifique.

Comme on a soulevé la question de la langue, je pense qu'il serait important de promouvoir le portugais dans les universités. Il est important de dire, du point de vue des études brésiliennes au Canada, qu'il y a des études mexicaines au Canada. Il est important de penser à ces liens universitaires avec le Canada.

En conclusion, je dirais que le Brésil est effectivement un partenaire clé et qu'il est important de renforcer les liens. Le Canada, comme dans le cas d'un dialogue de partenariat stratégique, commence à resserrer ses liens avec la région, mais je crois qu'il doit passer à la vitesse supérieure.

Le sénateur Johnson : Bienvenue devant notre comité. Je conviens avec vous que le Canada a une bonne relation à bâtir avec le Brésil.

Le Brésil a émergé, politiquement et économiquement, et devient très influent dans le monde. Vous l'avez mentionné mais pourriez-vous nous expliquer un peu mieux quelle incidence ses aspirations régionales et mondiales ont sur ses relations avec les autres pays de la région? Comment la Colombie et le Venezuela réagissent-ils à ses aspirations?

Mme Rojas : Je commence avec la Colombie, parce que c'est un pays que je connais bien mais aussi parce qu'il est intéressant.

Sous le gouvernement précédent, le Canada s'est surtout concentré sur sa relation avec la Colombie et, je dirais, contrairement à l'esprit de ce qui se passait dans la région. La Colombie était isolée à cause de ses problèmes avec l'Équateur et le Venezuela. Heureusement, les choses changent et je vais vous montrer le problème qu'a la Colombie avec le nouveau président Santos. Un des premiers gestes du président Santos a été d'inviter le président Chávez en Colombie. La Colombie a relancé une relation avec le Venezuela et a pris des engagements plus forts en termes de commerce.

La Colombie n'a pas de relations diplomatiques avec l'Équateur. Il y a eu des tensions entre les deux pays à cause de l'ingérence de la Colombie, qui a même bombardé un camp en Équateur. Les relations ont été tendues après cela. Les deux pays ont rompu leurs relations.

Maintenant, lors de la dernière réunion au Guyana, le président Lula, et ce fut l'un de ses derniers actes, a rétabli la relation entre l'Équateur et la Colombie. La Colombie s'est engagée à nommer un ambassadeur en Équateur dans les deux prochaines semaines. Le Brésil a été un acteur clé dans le rétablissement et le maintien de l'équilibre entre les deux pays. C'est un rôle qu'il n'avait plus joué depuis le Groupe de Rio.

Avec le Venezuela, je crois qu'il y a des tensions. Prenons, par exemple, les deux initiatives principales. L'ALBA est l'initiative bolivarienne. Le Brésil n'en fait pas partie mais le Venezuela et le Brésil font partie de l'UNASUR. On considère parfois que l'ALBA et l'UNASUR se font concurrence mais cette concurrence a été bonne.

Comme vous le savez, le Venezuela a demandé à faire partie du MERCOSUR. Il y a eu un dialogue et il est considéré comme un partenaire du MERCOSUR. C'est un exemple de ce que je disais en parlant du pragmatisme du président Lula, lequel continuera avec la présidente Dilma Rousseff.

Le sénateur Johnson : Il exerce actuellement une influence profonde, bien sûr.

Mme Rojas : Oui.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je vous félicite de comparaître devant notre comité pour nous donner votre point de vue. Vous êtes très intéressante et on voit que vous connaissez bien la région. Vous avez abordé plusieurs domaines. L'ex-président brésilien, Lula, a milité activement pour une intégration sud-américaine à l'ensemble des idéologies qui transcendaient de nombreux regroupements régionaux et infrarégionaux. En ce sens, une de ses plus grandes réalisations a été, en 2008, la création de l'Union des nations sud-américaines qu'on appelle UNASUR, dont l'objectif est de favoriser la stabilité régionale, la résolution de conflits et les différends ainsi que l'intégration économique et militaire. À tout cela s'est ajouté, en février 2010, l'accord entre le Groupe de Rio et la communauté des Caraïbes, qui a mené à la Communauté d'États latino-américains et caribéens, qui s'appelle CELAC, dont l'inauguration officielle est prévue pour juillet 2011.

Le CELAC se présente comme un représentant de tous les pays de l'hémisphère, exception faite du Canada et des États-Unis, et se veut une solution de rechange à l'Organisation des États américains. Quels enjeux peuvent freiner ou maintenir le progrès des accords et du résultat des accords?

[Traduction]

Mme Rojas : Selon certains spécialistes de la région, ces différents accords ne sont pas considérés comme mutuellement exclusifs. Il est probable que les pays suivront le traité. L'OEA ne disparaîtra pas, comme d'aucuns l'avaient prédit. Elle continuera au Canada et aux États-Unis, mais ce sera l'un des scénarios. L'UNASUR en sera un deuxième, et la Communauté des pays caribéens, un troisième.

Cela est important car, si vous examinez les relations avec les Caraïbes et l'Amérique latine, il y a des intérêts différents. Le Mexique, l'Amérique centrale et les Caraïbes sont plus proches des États-Unis, en termes de partenariat, alors que l'Amérique du Sud a des intérêts différents. Ils aborderont probablement les problèmes différemment, selon leurs intérêts. Certaines questions seront soulevées au niveau de l'UNASUR, d'autres au niveau de l'OEA, et d'autres encore au niveau de la Communauté des pays latino-américains et caribéens.

L'un des problèmes qu'ont tous ces groupes avec cette autre initiative, à l'exception de l'OEA bien sûr, est qu'elle n'est pas encore totalement institutionnalisée. Il y a beaucoup de bonnes intentions mais on voit encore mal comment tous ces accords seront mis en oeuvre, certains au détriment d'autres. Je pense qu'une des questions clés, spécialement dans le cadre de la relation avec les Caraïbes, est d'essayer de voir comment ils coordonnent les objectifs de ces différents groupes et comment ils stimulent le dialogue entre eux tous.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Quels sont les pays qui profiteront ou ne profiteront pas de ces initiatives?

[Traduction]

Mme Rojas : Il y a des disparités énormes dans la région, par exemple, entre le Brésil et la Bolivie ou le Brésil et Haïti. Les pays de la région sont très inégaux. Évidemment, j'ai tendance à croire que les pays les plus petits et les plus faibles, politiquement et économiquement, sont ceux qui ont le plus à y gagner. Exemple, la Bolivie. Lorsque les États-Unis ont mis fin au traitement préférentiel des exportations boliviennes, le Brésil est intervenu et a accordé un grand quota pour les produits manufacturés allant de la Bolivie au Brésil. Voilà un exemple clair du bienfait de ces accords.

Haïti est un exemple où la collaboration entre les régions sera importante. Lors de la récente tentative de coup d'état en Équateur, on a constaté une solidarité et une réaction très rapide de tous les pays, même de la Colombie, pour appuyer le président et la démocratie en Équateur. Je pense que cela a envoyé un message clair à la communauté internationale et, lors de la dernière réunion au Guyana, ils ont approuvé la nécessité d'appuyer les pays et de ne pas accepter d'intervention militaire. C'est un grand pas en avant pour la démocratie dans la région.

Le sénateur Smith : J'ai une question à vous poser concernant le fait que le Canada se concentre particulièrement sur le Brésil, parmi tous les pays d'Amérique latine, alors que nous avons déjà une relation particulière avec le Mexique grâce à l'ALÉNA. Je suppose que le Brésil est un candidat logique. Vous avez mentionné les pays du BRIC. J'examine régulièrement les bilans annuels de chaque pays publiés par The Economist. Évidemment, la taille de son économie est un tout petit peu supérieure à celle du Canada mais, par habitant, il n'y a aucune comparaison.

Ne croyez-vous pas qu'il eût été plus logique pour nous de nous concentrer sur la CELAC plutôt que sur le Brésil, ou au moins sur les deux, à moins qu'ils soient incompatibles?

Mme Rojas : C'est une bonne question. Pour l'heure, étant donné l'absence d'institutionnalisation de toutes ces initiatives, il y en a plusieurs. Je pense que le Brésil est un bon point d'entrée dans les différentes collaborations. L'ALBA a un leadership clair avec le président Chávez du Venezuela. En ce qui concerne les autres, on ne voit pas bien qui commande. Le Brésil est un bon point d'entrée pour un dialogue régional, parce qu'il a tendance à s'engager bilatéralement, pays par pays. En Amérique latine et centrale, il a plus de négociation et d'engagement avec les institutions, comme le fait le Canada avec l'initiative de l'Amérique centrale.

Le sénateur Smith : Dans notre cas, la certitude est meilleure que l'incertitude. Quand on traite avec le Brésil, on est dans la certitude. Ce n'est pas qu'ils soient incompatibles à certains niveaux, mais j'aime votre référence au point d'entrée.

La présidente : On a pensé pendant un certain temps que le Brésil était une sorte de porte-parole de bon nombre de ces pays lorsqu'ils ne partageaient pas les thèses des États-Unis. Considèrent-ils maintenant le Brésil comme un leader en soi, plutôt qu'un contrepoids des États-Unis? Est-ce que les initiatives qu'il a prises dans la région et internationalement l'ont confirmé comme poids lourd de la région? Le Brésil est-il perçu comme un leader ou encore comme un contrepoids des États-Unis?

Mme Rojas : Je crois que le point de vue qui domine au sujet de ces initiatives est encore qu'elles sont un contrepoids aux États-Unis. On peut le constater dans les journaux, aussi bien aux États-Unis qu'au Canada. On manque d'information au Canada sur ce qui se passe dans la région.

Du point de vue des États-Unis, ça commence à changer. On en a eu l'indication avec la rencontre de Hillary Clinton et l'UNASUR, qui a été une reconnaissance implicite d'un interlocuteur régional. Les étapes de ce genre sont importantes. Je ne pense pas que ce type de préjugé contre la région soit complètement disparu mais on fait des progrès.

La présidente : L'une des questions soulevées par bon nombre de nos témoins et par les sénateurs concerne ce leadership dynamique dont fait preuve le Brésil, et les nouvelles initiatives qui ont résulté directement de la stabilisation de l'économie par le président Cardoso, ainsi que de l'imagination politique du leadership du président Lula. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si cela continuera avec la nouvelle présidente.

Mme Rojas : Ce fut une excellente combinaison. Il ne fait aucun doute que le président Lula, avec ses antécédents syndicaux, est un excellent négociateur. C'est l'un de ses avantages, et on peut dire que la présidente Rousseff ne le possède pas.

Quand on voit ce qui se passe au Brésil et qu'on lit les différents rapports, on constate que son objectif est de maintenir les mêmes politiques, ce qui porte à croire qu'il n'y aura pas de grands changements en politique étrangère. La ligne de politique étrangère viendra du quartier général du Parti des travailleurs. Je pense qu'il y aura une continuité. Pour ce qui est du pétrole, la présidente Rousseff vient de ce secteur, et je pense d'ailleurs que c'est l'une des raisons pour lesquelles le président Lula l'avait choisie comme ministre de l'énergie.

La présidente : Ce qu'on dit, c'est que le président Lula a fait plus que ce qu'on pouvait en attendre sur le plan de la diplomatie. La question est de savoir si la présidente Rousseff développera un style aussi personnel en matière de relations diplomatiques.

Madame Rojas, je vous remercie d'être venue nous présenter ce survol du Brésil. Il est extrêmement utile pour nous de ne jamais oublier les liens étroits qui existent en Amérique latine et en Amérique du Sud. Vous avez fort bien attiré notre attention sur ces accords auxquels nous devrions prêter plus d'attention. Vous avez élargi notre horizon pour cette étude et je vous en remercie.

(La séance est levée.)

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