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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

OTTAWA, le mercredi 9 février 2011

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui à 16 h 15 pour étudier les faits nouveaux en matière de politique et d'économie au Brésil et les répercussions sur les politiques et intérêts du Canada dans la région, et d'autres sujets connexes.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, je déclare ouverte la présente réunion du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Je souhaite la bienvenue aux membres du comité et à nos invités.

Le comité poursuit son étude spéciale sur les faits nouveaux en matière de politique et d'économie au Brésil et les répercussions sur les politiques et intérêts du Canada dans la région et d'autres sujets connexes. Il s'agit de notre septième réunion à ce sujet.

Nous entendrons ce soir deux groupes de témoins. Le premier témoin, Federico Burone, est en Uruguay et sera avec nous par vidéoconférence. Il est le directeur du Bureau régional de l'Amérique latine du Centre de recherches pour le développement international, le CRDI, que nous connaissons bien. Il occupe ce poste depuis 2001, à partir de Montevideo. Il a aussi travaillé pendant deux ans comme conseiller technique en gestion des ressources naturelles en Amérique du Sud dans le cadre du Programme des Nations Unies pour le développement. Il possède un doctorat en économie et une maîtrise en sciences de l'environnement de l'Université de Valencia, en Espagne.

Je vous souhaite la bienvenue au comité, monsieur Burone. Nous savons que vos commentaires nous seront utiles pour notre étude. Une fois que vous aurez fait votre déclaration d'ouverture, les sénateurs vous poseront des questions. Allez-y.

Federico Burone, directeur, Bureau régional de l'Amérique latine et les Caraïbes, Centre de recherches pour le développement international (CRDI) : Je vous remercie de m'avoir invité à venir vous parler aujourd'hui du développement politique et économique du Brésil et de ses conséquences pour les politiques et les intérêts du Canada dans la région.

L'étude du Sénat tombe vraiment à point nommé. Au cours de vos audiences, vous avez entendu de nombreux intervenants bien informés vous décrire différents aspects de la croissance rapide du Brésil et de sa transformation en un pays dont les décisions déterminent de plus en plus l'avenir de l'Amérique latine, de l'hémisphère, voire de la planète. Cela apporte une toute nouvelle dimension aux relations de longue date de ce pays avec le Canada.

Je veux me concentrer sur le rôle que peut jouer la recherche pour favoriser le développement et sur l'importance de continuer de soutenir la recherche à cette fin. C'est là une facette de la coopération internationale, de la diplomatie moderne et de l'aide au développement que l'on oublie souvent. Le soutien à l'innovation scientifique et technologique est essentiel à l'atteinte d'un développement durable au Brésil et ailleurs. Cela revêt un grand intérêt pour le Canada et, de fait, pour chacun d'entre nous.

Le Centre de recherche pour le développement international est une société d'État qui subventionne les chercheurs locaux qui tentent de résoudre les problèmes urgents de leur société. Pour nous, une solide capacité scientifique et technologique est indispensable au développement économique et social et, j'ajouterais, au développement démocratique des pays en développement. À titre de directeur du Bureau régional de l'Amérique latine et des Caraïbes du CRDI, établi à Montevideo, en Uruguay, j'ai eu la chance d'être étroitement associé à ces efforts et d'administrer le portefeuille de projets du CRDI au Brésil et dans la région.

Le CRDI soutient la recherche au Brésil depuis 1972. Depuis ce temps, nous avons financé des activités de recherche qui ont porté sur un vaste éventail de sujets, notamment l'économie, la santé, les services sociaux, la foresterie et la gestion de l'eau.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, le soutien de la démocratie nous préoccupe aussi. Par exemple, quand le Brésil a voulu mettre à contribution le dynamisme de ses 34 millions de jeunes il y a quelques années, des chercheurs subventionnés par notre organisme ont organisé des dialogues novateurs sur les politiques, par le truchement desquels la jeunesse a pu faire connaître ses préoccupations en ce qui concerne la sécurité, la pauvreté, l'éducation et d'autres questions urgentes d'ordre national. Cela a fait éclater l'image stéréotypée du jeune apathique et a donné lieu à d'importants changements. Il y a eu, notamment, la création du conseil national de la jeunesse, qui relève de la présidence du Brésil, où jeunes, politiciens et fonctionnaires s'assoient à la même table pour discuter des politiques. En outre, les centres de recherche qui reçoivent le soutien du CRDI offrent aussi un soutien technique dans le cadre de ces débats politiques.

Il y a lieu de souligner que le processus de recherche avait été lancé au Canada par des chercheurs canadiens qui collaboraient avec leurs homologues brésiliens. En raison de la réussite de ce projet, le CRDI a appuyé d'autres recherches dans toute l'Amérique latine, et le processus a par la suite été reproduit au Canada.

La collaboration des chercheurs canadiens et brésiliens se poursuit dans le cadre d'initiatives, comme l'Initiative internationale des chaires de recherche du CRDI. Des universitaires chevronnés de l'Université d'État de Campinas, près de la ville de Sao Paulo et de l'Université fédérale de Rio Grande, dans le Sud du Brésil, collaborent avec des chercheurs canadiens de l'Université du Manitoba et de l'Université McMaster dans le but d'améliorer les moyens de subsistance des pêcheurs dans l'État de Rio de Janeiro en élaborant, par exemple, des stratégies de contrôle de l'augmentation de la pollution dans les zones côtières de cette partie du Brésil et de contrôle de ses répercussions.

Le CRDI a également apporté une aide précoce et soutenue à la recherche en macroéconomie à l'Université catholique pontificale de Rio de Janeiro dans les années 1980. Ces travaux ont contribué à la conception des politiques sur lesquelles s'est appuyé le Plano Real, le meilleur plan de stabilisation économique qu'ait connu le Brésil. La mise en application de ce plan en 1994 a été orchestrée par Fernando Henrique Cardoso, le ministre des Finances, qui allait par la suite devenir président du Brésil. Il est intéressant de souligner que M. Cardoso était au nombre des chercheurs que nous avons appuyés sous la dictature, qui a pris fin en 1985 au Brésil.

Aujourd'hui, nous soutenons aussi, par l'entremise des travaux des centres de recherche, les autorités sanitaires du Brésil pour qu'elles élargissent l'accès aux soins de santé, les collectivités urbaines pour qu'elles produisent de l'énergie propre, et les gouvernements pour qu'ils mettent en valeur les ressources naturelles de façon plus durable, notamment. Notre but est d'éclairer la conception des politiques et d'accroître leur efficacité. L'objectif à plus long terme est de réduire la pauvreté et de créer, au pays, des conditions favorables à un développement durable et inclusif.

Des réseaux de recherche régionaux en Amérique latine se chargent d'une bonne partie des travaux que nous appuyons. Par exemple, le Réseau latino-américain sur le commerce, à la création duquel nous avons contribué en 1998, aide les pays d'Amérique latine à s'adapter à l'évolution des échanges commerciaux internationaux. Il a notamment permis à la Confédération nationale des industries du Brésil d'obtenir, à l'échelle nationale, des meilleures conditions de commerce. Aujourd'hui, le réseau compte plus de 120 partenaires dans 19 pays.

Si le Brésil s'intéresse à des ententes régionales comme le Mercosur et, plus récemment, l'Unasur, ce n'est à coup sûr pas uniquement pour le commerce et la circulation des biens, des services et des personnes. Tout cela a des répercussions sur nos travaux au CRDI. Étant donné que le Brésil est un chef de file régional, ces ententes régionales intéressantes doivent s'étendre à des enjeux comme l'importance de la pauvreté qui perdure dans la région, la qualité des services publics de base, la vulnérabilité des jeunes et la pérennité des ressources naturelles. Le pays doit également tenter de trouver des façons de coordonner les investissements et les choix en matière de politiques.

Le Brésil reconnaît que, pour relever ces défis, il est grandement tributaire des autres pays de la région et de la capacité de ses voisins d'envisager de modifier leurs politiques et leurs institutions afin de s'adapter à l'évolution du contexte mondial.

Le Brésil reconnaît également l'importance que revêt le soutien aux chercheurs œuvrant dans les universités et les établissements publics du pays. Il a récemment haussé le financement destiné à la recherche sur des sujets prioritaires régionaux et nationaux. Par exemple, de 2002 à 2009, les dépenses intérieures brutes consacrées à la recherche et au développement ont augmenté de 10 p. 100. Elles représentent maintenant environ 1,1 p. 100 du PIB national, le produit intérieur brut.

Selon des indicateurs récents, il y a eu une amélioration considérable de la capacité des établissements scientifiques du Brésil d'exécuter des recherches fondamentales et appliquées et d'administrer et d'orienter la politique scientifique du pays.

De toute évidence, il y a eu des progrès, mais il reste beaucoup à faire. C'est pourquoi la coopération internationale avec des organismes comme le CRDI est importante pour le Brésil et pour le développement de la région. Évidemment, le développement du Brésil a aussi une importance pour le Canada, puisqu'un Brésil plus sûr et plus prospère signifie des conditions plus favorables pour nos engagements à l'échelle des Amériques.

Le Brésil collabore déjà avec le Canada dans le secteur de la science et de la technologie par le truchement de l'Accord-cadre de coopération Canada-Brésil en matière de sciences, de technologie et d'innovation conclu en 2008. Ce type de partenariat prévoit un modèle pour les initiatives avantageuses pour les deux parties.

Par ailleurs, le Brésil collabore maintenant avec d'autres pays, comme des pays d'Afrique. De fait, la société brésilienne de recherche sur l'agriculture, EMBRAPA, a établi un bureau au Ghana, en Afrique, pour échanger des connaissances scientifiques et techniques. Le Brésil investit également dans des projets, et il appuie un nombre croissant de chercheurs qui se penchent sur des questions reliées au Mercosur.

En dépit des progrès réalisés, le Brésil a encore bon nombre de défis à relever. Entre autres, rien ne semble inciter le Brésil à réagir rapidement à des questions urgentes sur le plan du développement social, notamment l'emploi, la décentralisation, le développement rural et la sécurité. Le développement et la croissance économique du Brésil ont engendré la prospérité et des occasions de mobilité sociale, mais tous n'en ont pas profité : le pays affiche encore l'un des taux d'inégalité entre les riches et les pauvres les plus élevés au monde.

Le Brésil a également besoin que l'on investisse dans les petites entreprises et les petits producteurs. Le manque d'investissements freine l'entrepreneuriat et limite les possibilités officielles d'emploi. Par conséquent, le Brésil se retrouve avec un énorme secteur non structuré. La recherche peut aider à régler ce problème. C'est un aspect des plus importants, puisque la recherche et le développement qui sont effectués au Brésil traversent les frontières du pays et ont une incidence sur toute la région de l'Amérique latine et des Caraïbes.

Par l'entremise du CRDI et d'autres organismes, le Canada a contribué à la transformation du Brésil grâce à des réseaux et à des alliances voués à la recherche scientifique, à l'innovation et à la production. Ce soutien doit se poursuivre. Comme je l'ai souligné, il est dans le propre intérêt du Canada de faciliter une plus grande collaboration entre les chercheurs brésiliens et les chercheurs canadiens.

Compte tenu de l'intérêt que le Canada porte à la sécurité et à la prospérité de l'Amérique latine, nous devons prêter attention au Brésil et veiller à ce que l'on remédie aux problèmes continus du pays, comme la pauvreté, l'inefficacité de l'État et la gestion des ressources naturelles.

Grâce à nos travaux de développement, nous créons aussi d'importants liens qui font augmenter la valeur des efforts diplomatiques du Canada, et nous confirmons la réputation internationale du Brésil à titre de pays d'innovation et de développement.

De toute évidence, le mandat du CRDI met l'accent sur le développement. Notre soutien a joué, et continue de jouer, un rôle essentiel dans le développement du Brésil et de la région. Il est essentiel d'accroître les capacités des centres de recherche au Brésil pour surmonter les défis liés au développement du pays et pour que la transformation du pays se poursuive et que la stabilité et les débouchés augmentent partout dans les Amériques.

C'est ainsi que se conclut ma déclaration. Je serai heureux de discuter avec vous de tout point qui vous préoccupe et de répondre à vos questions. J'invite aussi les membres du comité à se rendre au Brésil, comme vous l'avez fait pour la Russie, l'Inde et la Chine. Je serai heureux de vous faire visiter certains de nos projets et rencontrer certains de nos partenaires de recherche sur le terrain.

La présidente : Merci.

Le sénateur Downe : Pouvez-vous nous parler des niveaux de financement? À votre avis, est-ce que les niveaux de financement ont été suffisamment conséquents dans la région — pas seulement au Brésil, mais dans toute la région — et, à votre avis, que pourrions-nous faire d'autre pour accroître notre capacité de recherche dans cette région?

M. Burone : Le financement offert par le CRDI aux activités et aux centres de recherche au Brésil est demeuré constant, mais les projets que nous avons financés ont certainement évolué pour refléter les nouvelles réalités. Nous choisissons des enjeux stratégiques. Nous offrons à des centres de recherche du Brésil l'occasion de s'occuper de ces enjeux de façon à innover dans le contexte national. Cependant, comme je l'ai mentionné plus tôt, nous créons aussi pour les Brésiliens des occasions de travailler au sein de réseaux régionaux et de participer aux discussions sur divers modèles de développement que nous observons en Amérique latine.

Le niveau du financement que nous versons pour permettre aux Brésiliens de travailler dans le cadre de réseaux régionaux et pour soutenir des projets au Brésil est le même que le niveau des investissements effectués au cours des cinq dernières années, mais nous adaptons nos programmes en fonction, par exemple, des discussions que nous avons avec des organismes subventionnaires nationaux qui financent la recherche scientifique, avec lesquels nous établissons des partenariats afin d'exercer une influence sur leur programme de recherche, y compris sur les enjeux en matière de développement. Nous nous servons de nos ressources, y compris de nos capitaux de démarrage, pour élargir les capacités des établissements nationaux afin qu'ils puissent collaborer avec le CRDI et pour favoriser les discussions essentielles sur les problèmes de développement au Brésil et dans la région.

Le sénateur Downe : En ce qui concerne les partenariats, le CRDI a-t-il établi des liens avec d'autres pays, en plus des partenaires au pays? Avez-vous des ententes de collaboration avec, par exemple, quatre ou cinq pays qui se réunissent, de façon à créer une grande source de financement commune et d'avoir accès à des recherches plus détaillées? Avez- vous tenté de conclure de telles ententes?

M. Burone : Évidemment, nous invitons d'autres pays qui participent à des recherches ou à des activités connexes ou qui les soutiennent à collaborer avec nous. Je pense, par exemple, à nos partenariats actuels avec des établissements comme le DFID, le département de développement international du Royaume-Uni, et avec des pays comme les Pays- Bas, la Suisse et d'autres pays. C'est un rôle que nous jouons habituellement. Nous participons à un forum international qui permet la coordination des efforts des pays et des établissements qui soutiennent la recherche et les capacités de recherche. Le CRDI a déjà joué un rôle essentiel en agissant à titre de chef de file, en partageant ses connaissances, en créant des possibilités de partenariat, et en transférant son savoir en matière de recherche et de gestion de la recherche.

Le sénateur Downe : Pouvez-vous étoffer? De toute évidence, il y a des avantages pour le Brésil. D'après vous, quels sont les avantages pour le Canada? Avez-vous des exemples précis d'avantages récents?

M. Burone : Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, dans bon nombre de nos projets, nous créons des possibilités de collaboration pour les chercheurs canadiens, qui peuvent participer aux recherches que le CRDI finance au Brésil. Il y a l'exemple de la jeunesse, et de la participation des jeunes aux discussions sur les politiques. Les jeunes perçoivent des difficultés en ce qui concerne la façon dont les partis politiques intègrent leurs préoccupations, et c'est une chose qui, à nos yeux, est un facteur essentiel si l'on veut soutenir la démocratie à l'échelle locale.

Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons fait participer des chercheurs du Canada, qui ont travaillé au Brésil pour élaborer une méthode particulière visant à aider le pays à comprendre pourquoi les jeunes, la prochaine génération de travailleurs au Brésil, n'étaient pas intéressés par les nouvelles politiques créées dans le but de stimuler l'emploi. Nous avons constaté que les jeunes avaient beaucoup de difficulté à comprendre, par exemple, la dynamique interne des partis politiques, et la façon dont les politiques étaient conçues et mises en œuvre. Nous avons créé des possibilités d'engagement et de dialogue.

Un exercice du même type a été élaboré et mis en place il y a quelques années au Canada; il utilisait la même méthode et visait à comprendre pourquoi nous observons les mêmes difficultés, dans certains contextes. Nous sommes maintenant prêts à appliquer ce que nous avons appris à ce sujet à d'autres réalités dans le monde.

Il y a de nombreux exemples de cas où nos méthodes de recherche sont envisagées.

Je peux aussi parler de notre soutien à la création de nouveaux centres de recherche dans de nombreux pays de l'Amérique latine qui mettent l'accent sur la reconstruction d'Haïti. Comme vous le savez, de nombreux pays d'Amérique latine, dont le Brésil, ont joué un rôle clair et actif dans le soutien des efforts qui ont eu lieu en Haïti, en plus d'y prendre part, mais il est difficile de trouver des centres de recherche qui sont en mesure d'interagir avec les décideurs et d'autres acteurs sociaux pour créer un climat propice aux discussions concernant l'avenir de cette collaboration.

Le CRDI soutient la création, dans divers pays de l'Amérique latine, du premier groupe de centres de recherche qui se concentrent sur la reconstruction d'Haïti, une initiative qui, j'en suis sûr, sera profitable pour le Canada, dont un des objectifs est de contribuer à l'avenir de ce pays en particulier, lequel est l'un des pays de la région qui connaissent les plus grandes difficultés.

Le sénateur Downe : Pourrions-nous, madame la présidente, obtenir une liste que fourniraient le témoin ou les chercheurs et qui contiendrait les projets menés par le CRDI au Brésil au cours des cinq dernières années, et auxquels des Canadiens ont participé?

La présidente : Je suppose que le témoin ou le CRDI pourrait nous fournir une telle liste. Je crois qu'il y a des représentants de l'organisme parmi nous aujourd'hui. Nous avons pris en note la requête, et s'il est possible d'y répondre, ou s'il est difficile pour vous de fournir certains éléments, nous aimerions que vous nous remettiez ce que vous pouvez dès maintenant et que vous vous occupiez du reste.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur Burone, tout d'abord, j'aimerais vous remercier de nous avoir fait parvenir votre mémoire d'avance. Cela m'a permis de pouvoir l'avoir en français.

J'ai vu, en page 1 de votre présentation, que vous souteniez la recherche au Brésil depuis 1972 et que 241 activités ont été subventionnées pour un montant de 60 millions de dollars. C'est vraiment un beau succès, je suis impressionnée.

Avant de poser ma première question, j'aimerais tout d'abord faire un petit commentaire. À la page 4, vous mentionnez que la Société brésilienne de recherche sur l'agriculture et l'élevage, Embrapa, a établi un bureau sur le continent africain, et a des relations avec le Ghana afin d'échanger des connaissances scientifiques et techniques dans le but de favoriser le développement durable et la sécurité alimentaire.

On dit ceci dans votre mémoire : « Le Brésil investit également dans des projets et il appuie un nombre croissant de chercheurs se penchant sur les questions reliées au Mercosur. »

J'aimerais donc que vous élaboriez un peu plus sur le volet recherche et développement de l'industrie de l'agriculture au Brésil et sur votre rôle.

[Traduction]

M. Burone : Je vous remercie de votre question. Comme je l'ai mentionné, dans nos collaborations passées avec divers établissements de recherche et chercheurs au Brésil, nous nous sommes occupés de toute une gamme de priorités et de préoccupations d'un point de vue national.

Je dirais que notre participation a toujours porté sur les deux dimensions, mais notre point de vue ne jouit pas toujours d'une grande estime au sein des programmes nationaux qui visent à stimuler l'agriculture brésilienne et à l'aider à se démarquer sur le plan concurrentiel à l'échelle internationale.

Par exemple, il y a quelques années, le Brésil avait envisagé de détourner certaines de ses ressources en eau pour irriguer des parties des terres arides du pays. Les responsables avaient de la difficulté à comprendre les répercussions pour les petits producteurs et pour les pauvres gens qui vivent auprès des rivières qui seront détournées afin d'irriguer les régions en difficulté et à remédier aux plans nationaux qui visaient à renforcer la productivité agricole.

Le CRDI, en collaboration avec l'ACDI, a soutenu un projet qui consistait à examiner toutes les répercussions à prendre en considération dans des initiatives de développement comme celles-ci, y compris les répercussions pour les pauvres gens et les petits producteurs, qui doivent avoir des moyens de subsistance appropriés, mais aussi la possibilité d'obtenir les aliments essentiels et d'évaluer les répercussions sur la nutrition et la sécurité alimentaire. Il s'agit là d'un exemple de notre participation au Brésil.

Le CRDI a aussi, par exemple, contribué aux débats nationaux essentiels et très délicats au sujet de l'importance de l'agriculture familiale, dans le contexte de l'adoption de nouvelles politiques et de nouveaux règlements visant à améliorer l'accès à la terre. Encore une fois, en collaboration avec l'ACDI, nous mettons en place un appel de propositions pour stimuler la création de consortiums de recherche auxquels participeront des établissements canadiens — le Brésil fait partie de la liste des pays — et qui visent à comprendre en quoi la transformation de l'agriculture familiale peut avoir une incidence sur la sécurité alimentaire et la nutrition dans le contexte national du Brésil.

Ce sont là les dimensions que revêtent habituellement nos programmes en ce qui concerne les défis liés à l'agriculture au Brésil.

Vous avez mentionné un nouveau facteur, soit l'internationalisation de la société qui joue le rôle de chef de file au Brésil, EMBRAPA, que j'ai souligné dans ma déclaration préliminaire. Il s'agit d'une énorme société nationale qui dirige la recherche mondiale sur l'agriculture et la production alimentaire. Elle s'occupe maintenant activement des nouveaux plans de collaboration internationale, qui suppose une représentation dans des pays comme le Ghana, en Afrique. Pour nous, au CRDI, cela signifie une nouvelle stratégie ou un nouveau volet stratégique de notre façon d'organiser nos discussions et nos partenariats éventuels avec le Brésil. De cette façon, nous pouvons diriger et intégrer certains des efforts que déploie le Brésil pour régler les problèmes auxquels les établissements de recherche et les établissements africains sont confrontés en Afrique, et collaborer avec le Brésil à ce sujet.

Nous participons à des discussions avec des sociétés comme EMBRAPA dans le but de combiner les ressources techniques et financières dont nous disposons afin d'améliorer la collaboration transrégionale Nord-Sud, qui fait partie de notre vision de l'avenir. Le CRDI veut jouer un rôle clé et essentiel à ce sujet.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je voudrais savoir si le résultat de la recherche en agriculture est mis au profit des petits agriculteurs dont vous nous avez parlé, ceux qui bénéficient peu de l'irrigation de l'eau pour la culture, ou si les résultats de la recherche qui s'est faite au Brésil a été seulement concentrée sur les grands agriculteurs ou les grands producteurs?

[Traduction]

M. Burone : Je dois dire que nous mettons l'accent sur les personnes qui ont été laissées de côté par les initiatives et les plans nationaux. Par conséquent, les producteurs et agriculteurs pauvres, les petits producteurs et agriculteurs, sont ceux qui bénéficient principalement de notre analyse et de la façon dont nous distribuons l'information.

Je crois toutefois qu'il faut examiner la situation d'un point de vue général. Au bout du compte, nous améliorons évidemment la capacité du Brésil à intégrer et à concevoir une nouvelle stratégie de production et à adopter des initiatives qui prennent en considération divers acteurs sociaux et qui font bien plus que simplement mettre l'accent sur le rôle que l'agriculture peut jouer pour répondre à la demande nationale ou sur le rôle qu'elle peut jouer au sein des marchés internationaux. Une partie de notre contribution est liée aux stratégies nationales et à la façon dont le Brésil a joué un rôle essentiel dans la production alimentaire. Nous avons comme but et comme principal objectif d'élargir le rôle des petits agriculteurs — de tous les agriculteurs, de leur offrir des débouchés, pour qu'ils participent à la mise sur pied de politiques nationales et aient leur mot à dire à ce sujet, ce qui leur permet, au bout du compte, de jouer un rôle dans la mise en place de stratégies nationales de développement.

Le sénateur Johnson : Monsieur Burone, en ce qui concerne vos activités au sein du CRDI, en quoi vos priorités et vos activités concernant le Brésil ont-elles changé en raison de la croissance économique récente du pays et de ses aspirations à l'échelle mondiale? On ne peut pas dire que ce soit actuellement un pays du tiers monde, pas plus que nous le sommes, d'une certaine façon.

M. Burone : Notre approche, au Brésil, et notre apport aux centres de recherche brésiliens se sont adaptés, d'abord, parce que nous avons constaté que nous devions stimuler l'intérêt, selon nous, des points d'entrée essentiels pour les priorités en matière de développement. Il faut stimuler l'intérêt des établissements nationaux.

Nous collaborons avec les centres de recherche pour les aider à discuter avec les établissements nationaux qui soutiennent la recherche. Comme je l'ai mentionné plus tôt, l'organisme national qui subventionne la science et les grandes sociétés publiques du Brésil, qui soutiennent aussi la recherche, dans une certaine mesure, ont joué un rôle important.

Nous mettons l'accent sur les enjeux essentiels et les priorités en matière de développement qui permettront au Brésil d'aller de l'avant et de mettre sur pied une solide stratégie de développement, ce qui est important compte tenu de son influence actuelle à l'échelle régionale, mais nous tenons aussi compte du fait que le Brésil est un participant actif à bon nombre de forums mondiaux et internationaux.

Notre approche vient s'appuyer sur le dialogue qui existe entre le Brésil, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud — tous ces nouveaux accords. Nous essayons d'avoir une idée du rôle que jouent ces pays émergents quand ils collaborent avec des pays du tiers monde.

La recherche, l'importance du développement, l'importance des capacités nationales et l'importance de l'ouverture à la discussion sur des points de vue différents sont tous des éléments que nous voulons mettre de l'avant et inclure dans nos discussions avec le Brésil. C'est notre façon de nous adapter aux centres de recherche brésiliens et de collaborer avec eux, dans le but d'entretenir des relations avec des pays d'autres régions pour mieux connaître les modèles de développement dont on fait la promotion surtout dans le cas de l'Amérique latine.

Le sénateur Johnson : Le Brésil collabore grandement, et nous fournissons notre expertise, au besoin, en fonction de ce que nous faisons là-bas, maintenant. Est-ce exact?

M. Burone : Quand nous décrivons, par exemple, le nombre d'activités qui font partie de notre portefeuille de soutien ou de collaboration avec le Brésil, nous décrivons tout un groupe de projets distincts. Certains sont clairement définis comme des projets de recherche, ce qui veut dire que nous soutenons la recherche, nous facilitons le travail des chercheurs pour qu'ils aient accès à diverses données, pour analyser, par exemple, pourquoi le chômage non structuré, si important, ne figure pas dans les statistiques que nous recevons et selon lesquelles le Brésil progresse, et n'a qu'un très faible taux de chômage. Quels sont les véritables éléments dont nous devons tenir compte?

Nous stimulons l'analyse et le débat, et nous améliorons la qualité des données prises en considération pour des discussions nationales. Cependant, nous faisons aussi la promotion de séminaires et d'ateliers, auxquels nous collaborons et auxquels nous amenons des partenaires de diverses parties de l'hémisphère dans le but de mieux comprendre la réalité du Brésil, la façon dont le pays évolue, ce que signifie une transformation, où se situent les faiblesses, et comment nous pourrions intervenir. Encore une fois, nous avons l'impression que le Brésil jouera un rôle essentiel dans l'avenir de toute la région.

Le sénateur Johnson : Au sujet des scientifiques du Manitoba qui travaillent dans l'État de Rio de Janeiro, pouvez- me dire comment se déroule ce projet? C'est un projet qui touche la pêche et les pêcheurs.

M. Burone : Deux États collaborent au projet, celui de Rio de Janeiro et celui de Rio Grande do Sul, au sud du Brésil. En raison de l'augmentation de la consommation dans ces deux États, nous assistons à un agrandissement extraordinaire des régions urbaines ou métropolitaines des principales villes du Brésil. Cette situation vient s'ajouter à la pollution ou accroître celle-ci, ce qui a des répercussions sur les moyens de subsistance de certains de ces pêcheurs. La pêche est l'une des rares activités à ne pas avoir été touchées, à ce jour, par la présence de réseaux illégaux au Brésil, ni associés à de tels réseaux. Sur le plan de la sécurité, il est extrêmement important que nous soutenions le maintien de leurs emplois et de leurs moyens de subsistance.

Il s'agit d'un objectif clé, et c'est pourquoi des chercheurs de différentes régions du Canada s'occupent des problèmes de gestion côtière au Brésil. Quand je parle de la gestion côtière, je parle non pas nécessairement de la seule gestion du bord de mer, mais aussi de la gestion des bassins fluviaux et de secteurs riverains de tous ces réseaux hydrographiques. Ils jouent un rôle essentiel dans notre façon de voir certains des défis auxquels le Brésil est confronté.

Le sénateur D. Smith : Le Brésil n'est pas l'un des 20 pays ciblés par l'ACDI. Je suis d'accord avec l'idée de dresser une liste de pays ciblés; qu'elle contienne 20 pays, ou plus, ou moins, c'est une autre question, tout comme le choix des pays qui en font partie, mais il n'en demeure pas moins qu'il y avait là encore 14,5 millions de dollars l'an dernier.

Ce que je pense que certaines personnes vont se demander à propos des économies émergentes fortes, comme la Chine et l'Inde — la Russie est dans une catégorie un peu à part — à mesure que le temps passe au Brésil et que l'économie devient plus forte, certains Canadiens vont se demander pourquoi nous avons des projets d'aide en Chine. Nous n'envisagerions jamais de tels projets aux États-Unis — je ne pense pas —, mais si vous prenez la dette des deux pays connexes, lequel est le plus dans l'embarras?

J'aimerais savoir si vous pensez qu'il y a certains critères qui font que, à un certain moment, l'accent est mis davantage sur des pays comme Haïti et la Bolivie, où le besoin d'aide n'est pas remis en question, plutôt que sur des pays émergents forts, avec lesquels vous pouvez établir un rapport intéressant, mais comment pouvez-vous expliquer rationnellement aux contribuables canadiens où va l'argent, quand l'économie de ces pays continue de croître? C'est une question générale. Avez-vous un point de vue à ce sujet?

M. Burone : Pour moi, il s'agit d'une question extrêmement importante. Pour y répondre, je vais commencer par donner au comité l'exemple de l'augmentation des maladies transmissibles. Je parle des maladies à transmission vectorielle, comme la malaria, la dengue et de la maladie de Chagas. Ces maladies sont associées et liées à la mobilité des personnes dans la région et dans le monde.

Pour comprendre les éléments sociaux et culturels qui donnent un caractère urgent à ces maladies, nous devons collaborer avec les pays qui tentent de s'attaquer aux mêmes problèmes que ceux auxquels sont confrontés des pays comme le Honduras, la Bolivie et Haïti, mais qui ont, comme c'est le cas du Brésil, une certaine capacité à l'interne de trouver des solutions, de les mettre à l'essai et de comprendre ce qui permet à ces maladies transmissibles de se propager.

De plus, nous devons tenir compte de la mobilité des habitants du Brésil, dont certains peuvent transporter ces maladies transmissibles. C'est un enjeu important et essentiel. C'est pourquoi nous collaborons avec des sociétés de pays comme le Brésil, et je pourrais ajouter aussi le Chili et le Mexique, et pas seulement avec les pays qui souffrent le plus.

Aujourd'hui, nous recevons des renseignements concernant la présence d'une nouvelle forme de malaria, qui touche une partie du Pérou. Nous devons nous associer à ces pays et collaborer avec eux puisqu'ils peuvent multiplier nos ressources pour nous permettre de comprendre rapidement ce qui se passe et de trouver des façons de régler certains des problèmes compte tenu du fait que les gens de ce pays voyagent de plus en plus à l'étranger et pourraient exposer toute la région au risque.

C'est pourquoi, dans certains cas en particulier, quand vient le temps de s'occuper de certaines préoccupations essentielles, nous devons absolument collaborer avec des pays comme le Brésil et utiliser leurs capacités existantes. Je pourrais mentionner des situations semblables en Chine ou en Inde, concernant les façons d'intervenir en cas de pandémie. Le CRDI persévère dans sa volonté de collaborer — en adaptant peut-être ses méthodes —, de collaborer constamment avec des pays qui disposent de certaines capacités, comme le Brésil.

C'est comme ça que nous prenons en considération ces pays, qui sont ciblés sur le plan de la coopération internationale et de l'aide au développement. Nous mettons l'accent sur des thèmes en ce qui concerne notre collaboration avec des pays comme le Brésil et ses établissements, et ce, dans le but de comprendre les moteurs des enjeux urgents.

Cet exemple me permet de répondre à votre question concernant la façon dont nous réussissons à tenir compte des intérêts de ces pays, ciblés par l'ACDI sur le plan de la coopération internationale, dans le cadre de notre approche de la recherche, des enjeux thématiques et des enjeux problématiques.

Le sénateur D. Smith : Je pensais davantage au développement économique qu'à ce dont vous avez parlé, mais je comprends ce que vous voulez dire.

Le sénateur De Bané : Monsieur Burone, ai-je raison de dire, en un mot, que la mission du CRDI est d'aider à réduire la pauvreté et les obstacles au développement grâce à la recherche? Est-ce que c'est l'idée générale?

M. Burone : Vous avez raison. Notre mission consiste à accroître et à soutenir la création ou l'élargissement de la recherche dans le but de comprendre les moteurs de la pauvreté, d'éliminer la pauvreté et de fournir de l'information pour l'élaboration des politiques afin que celles-ci permettent de lutter contre la pauvreté et l'inégalité.

Le sénateur De Bané : Je trouve que tous les projets auxquels vous avez participé, plus particulièrement au Brésil, sont très utiles. Toutefois, le problème le plus grave, et de loin, pour le Brésil, c'est la distribution inéquitable de la richesse. Comme c'est écrit dans le document publié par le CRDI que vous nous avez remis, le Brésil affiche encore l'un des taux d'inégalité les plus élevés au monde.

Quel est le PIB du Brésil et quel est celui du Canada, à l'heure actuelle?

M. Burone : En 2010, le PIB du Brésil était de 2 billions de dollars américains.

Le sénateur De Bané : Quel est le PIB du Canada? Est-ce que je me trompe si je dis qu'il est d'environ 1,4 billion de dollars américains?

M. Burone : Je vois où vous voulez en venir.

La présidente : Quelle est la question?

Le sénateur De Bané : Je demande que l'on compare le PIB du Brésil à celui du Canada.

La présidente : On vous pose une question de fait. Si vous ne connaissez pas la réponse de mémoire, nous pouvons obtenir l'information plus tard.

Avez-vous une question pour le témoin?

Le sénateur De Bané : Vous avez reconnu que la principale mission du CRDI est d'aider à éliminer la pauvreté par la recherche. Je constate la grande diversité des projets auxquels vous participez, et je vois que le CRDI reconnaît que le Brésil a l'un des taux d'inégalité les plus élevés au monde. Pensez-vous vraiment que le Brésil, avec toute sa richesse économique, a besoin de l'aide du CRDI pour tous ces projets utiles auxquels vous participez, tandis que son problème le plus grave réside dans le fait que, dans certaines régions du pays, le revenu par habitant est le même qu'au Canada, tandis que, dans d'autres régions, les gens sont plus pauvres qu'en Haïti. Le CRDI ne devrait-il pas plutôt se servir de ses ressources pour réduire cette inégalité, qui est l'un des plus grands défis que ce pays dynamique doit relever? Ne pensez-vous pas que ce devrait être la priorité?

La présidente : C'est une question très vaste. Je vais demander au témoin de résumer sa pensée parce que nous allons manquer de temps, et c'est mon plus gros problème pour l'instant.

M. Burone : Je sais bien que le Brésil fait face à des difficultés fondamentales, et que l'une d'entre elles est, comme vous l'avez dit, le niveau d'inégalité. L'inégalité est associée à d'autres aspects que nous constatons dans le pays, comme le manque de sécurité. La sécurité et l'extrême pauvreté sont des facettes d'un même problème, qui nous semble lié au mandat du CRDI.

Le sénateur Finley : Le sénateur David Smith et le sénateur De Bané ont posé l'une de mes questions, de façon probablement plus claire que ce que j'aurais fait. Compte tenu du PIB du Brésil par rapport à celui du Canada, n'est-il pas temps, pour le Canada, de mettre fin à sa contribution à la recherche au Brésil? Est-ce que le Brésil soutient des recherches semblables dans d'autres pays moins développés et, le cas échéant, dans quelle mesure?

M. Burone : Comme vous le savez sûrement, le Brésil est en train de mettre sur pied un nouvel organisme de promotion de la coopération internationale, et, pour certains projets, il collabore avec les organismes nationaux qui subventionnent la recherche. Comme je l'ai dit plus tôt, sa planification soutient certaines activités dans des groupements régionaux comme le Mercosur. Nous collaborons avec des chercheurs au Brésil en créant des débouchés et des mécanismes pour susciter l'intérêt des sociétés nationales en croissance, qui viendront soutenir la recherche, comme l'a fait le CRDI.

Cela fait partie de nos objectifs stratégiques, et, comme je l'ai dit plus tôt, pour nous, notre rôle est de tirer profit de la volonté politique pour que ce secteur en vienne à faire ce que le CRDI fait depuis plus de 40 ans partout dans le monde, y compris au Brésil.

Le sénateur Finley : Dans votre exposé, vous avez dit que vous avez touché 34 millions de jeunes au Brésil. Je pense qu'une partie du travail consistait à les inciter à participer sur le plan politique. Comme vous le savez sûrement, nous avons le même problème, ici, au Canada, et je ne suis pas certain de la quantité de recherche que nous effectuons pour changer la situation.

Pouvez-vous me dresser un profil général de ces 34 millions de jeunes — ceux qui ont un emploi et ceux qui sont au chômage, ceux qui sont instruits et ceux qui ne le sont pas?

M. Burone : Les recherches que nous avons appuyées faisaient probablement partie des premiers projets de recherche visant à comprendre la réalité des jeunes dans les principales régions métropolitaines du Brésil, ce qui représente environ 80 p. 100 du nombre de jeunes que j'ai mentionnés dans ma déclaration d'ouverture. La recherche a révélé qu'environ 70 p. 100 des jeunes de 15 à 24 ans avaient seulement obtenu le premier diplôme de l'enseignement primaire. Ils ont donc très peu de chance de progresser, de trouver un emploi et de participer à l'économie officielle.

Des statistiques nationales révèlent que le taux de chômage est en baisse au Brésil, mais nous avons constaté que cette baisse n'a pas nécessairement été équivalente à une croissance de la demande de participation à l'économie officielle. La majorité de ces personnes, y compris les jeunes Brésiliens, emploient des mécanismes non structurés pour avoir accès à un moyen de subsistance. C'est une question urgente. C'est un aspect essentiel de la réalité brésilienne, associé à des difficultés fondamentales, comme le manque de sécurité et la présence accrue du crime organisé. C'est pourquoi nous nous attaquons à certains de ces enjeux. Nous fournissons de l'information aux décideurs et créons des occasions de réfléchir à l'éducation et de l'améliorer, et d'élargir la portée des enjeux habituellement associés à l'éducation. Nous voulons comprendre pourquoi le système d'éducation n'attire pas la nouvelle génération de Brésiliens. Il y a aussi la question des répercussions à l'échelle régionale, puisque nous constatons que ces réseaux illégaux, dirigés par des jeunes, ont une incidence et sont associés à d'autres réseaux illégaux en activité dans la région.

C'est un problème très complexe qui exige ce type de collaboration externe et de soutien si l'on veut qu'il y ait, à l'échelle nationale, une discussion sur les solutions éventuelles.

Le sénateur Finley : Pouvez-vous me dire, si vous avez ces chiffres avec vous, quel pourcentage du PIB du Brésil est consacré à l'éducation?

M. Burone : Malheureusement, je n'ai pas cette information. Mais, je vais faire un suivi et vous transmettre les chiffres exacts.

La présidente : Vous faites valoir, depuis 40 ans, au sein du CRDI, qu'il y a, dans notre hémisphère, un pays qui s'attaque présentement à ses problèmes, qui se développe, qui est un acteur multilatéral. Ce n'est donc pas le Brésil que nous avons connu par le passé. Bon nombre de ces signaux sont positifs, mais certains sont encore négatifs.

Nous sommes conscients des avantages associés au fait que le Brésil est un acteur multilatéral et un acteur dans l'hémisphère. Nous ne sommes pas certains que ce soit avantageux pour le Canada, mais nous pensons que cela peut l'être, à long terme.

Pouvez-vous nous dire où se trouvent les avantages bilatéraux? Des témoins nous ont dit que, si la relation n'est pas négative en tant que telle, elle n'est pas, non plus, aussi positive qu'elle pourrait l'être. Si nous avons eu cette incidence sur les fonctionnaires, les hommes et les femmes politiques, la société, les chercheurs et les décideurs, en quoi cela a-t-il renforcé les relations bilatérales?

M. Burone : Selon notre expérience, notre collaboration et notre interaction avec les Brésiliens et les centres de recherche au Brésil, de même que notre participation aux débats nationaux, quand ils visent à influencer et à mobiliser les décideurs dans le but d'améliorer les décisions en matière de politique grâce à la recherche, le Brésil est, de toute évidence, un pays qui a un rôle essentiel à jouer et qui participe activement à tous les forums internationaux. Il souhaite toutefois, d'abord et avant tout, continuer à renforcer son sentiment national et sa cohésion sociale. Cela signifie que toutes les décisions sont prises en fonction de leurs répercussions et de la façon dont les personnes vivant dans diverses parties du Brésil pourraient les percevoir. Si l'on compare avec le Canada, on constate que le Canada est probablement à l'autre extrême, ou qu'il a déployé d'énormes efforts pour accroître la cohésion sociale au pays.

Le Brésil en est aux premières étapes de ces efforts, et les décisions bilatérales et internationales sont prises en fonction de cette réalité, soit le besoin de maintenir la cohésion sociale nationale. Ce n'est pas un facteur mineur dans le contexte actuel, puisque bon nombre de modèles et d'initiatives de développement sont comparés et mis à l'essai dans la région.

C'est donc un pays qui a de la difficulté, à l'interne, à s'engager dans des conversations ou des négociations bilatérales. Un exemple concret : le Brésil commence à peine à discuter d'un accord commercial avec l'Union européenne, après avoir manifesté peu d'intérêt pour toute forme de bilatéralisme, si je peux dire, pendant plus de 10 ans. Le Brésil dirige maintenant les discussions au nom de tous les pays du Mercosur. De fait, cette semaine, nous accueillons dans la région des délégués de l'Union européenne qui discutent avec les Brésiliens pour mettre sur pied un programme. C'est la première fois que le Brésil a indiqué qu'il souhaitait prendre part à de telles discussions.

Évidemment, nous devons tenir compte de notre expérience. Dans le cas des relations bilatérales avec le Chili, un accord a été signé, mais il a fallu du temps et de la persévérance de la part du Canada pour que nous obtenions les résultats escomptés. Je sais que la patience est parfois rare, mais nous devons faire preuve de persévérance si nous voulons maintenir une voie de collaboration avec le Brésil, collaborer avec les Brésiliens et le Brésil, et offrir des possibilités de plus grande prospérité à un pays de la région afin que l'on profite aussi de ce que nous observons à l'échelle régionale.

La présidente : Monsieur Burone, nous n'avons plus de temps. Merci de nous avoir présenté un point de vue tout à fait différent de ce que nous avons entendu par le passé. Cela nous aide dans le contexte de notre étude du Brésil, tout en mettant plus particulièrement l'accent sur la politique étrangère canadienne. Je vous remercie d'avoir participé par vidéoconférence. Nous nous trouvons à Ottawa, et nous vous envions d'être dans une si belle ville que Montevideo, surtout quand nous regardons à l'extérieur et que nous constatons l'écart de température.

Merci d'avoir participé, et nous attendons avec impatience les renseignements que vous avez promis de nous fournir.

Honorables sénateurs, nous poursuivons notre étude sur les faits nouveaux en matière de politique et d'économie au Brésil et les répercussions sur les politiques et intérêts du Canada dans la région, et d'autres sujets connexes.

Nous poursuivons avec notre second groupe de témoins, et nous accueillons Louise Carrière, directrice des Relations bilatérales et de l'accès au marché, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, et Blair Coomber, directeur général, Direction des relations bilatérales des questions commerciales et techniques, d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Ce sont deux très longs titres.

Nous sommes heureux de vous accueillir parmi nous. Vous avez été informés de notre étude, et peut-être, des aspects au sujet desquels vous pourriez nous être utiles dans le cadre de notre étude de nos relations avec le Brésil et avec l'Amérique du Sud, de façon plus générale. Qui commence? Monsieur Coomber, essayez, si possible, de faire une courte déclaration préliminaire. Nous avons un peu de retard, et je veux que tous les sénateurs puissent poser leurs questions et que nous libérions la salle à temps pour le prochain comité, ce qui n'est pas une mince tâche.

Blair Coomber, directeur général, Direction des relations bilatérales et de la politique commerciale sur les questions techniques, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Merci de m'avoir invité à m'adresser de nouveau à votre comité afin de discuter de ce partenaire agricole et commercial important que constitue pour nous le Brésil.

Comme vous le savez certainement, l'agriculture joue un rôle essentiel dans l'économie brésilienne, puisqu'elle représente 6,5 p. 100 du PIB et 36 p. 100 de la valeur des exportations brésiliennes.

En 2003, le Brésil a remplacé le Canada à titre de troisième exportateur de produits agricoles en importance au monde.

[Français]

Le Brésil est le plus important producteur mondial de sucre, de jus d'orange et de café, et également un important producteur de soya, d'éthanol, de bœuf et de volaille. Le Brésil exporte plus de bœuf, de volaille et d'éthanol que tout autre pays.

Les principales importations canadiennes des produits agroalimentaires et des produits de la mer brésiliens sont le sucre brut, le café, le jus d'orange congelé, les cous de poulet congelés et le beurre de cacao.

[Traduction]

En 2010, le Brésil a importé 9,2 milliards de dollars de produits agricoles et agroalimentaires, principalement de l'Argentine, de l'Uruguay, du Paraguay, du Chili et des États-Unis. Le Canada était le 15e fournisseur en importance de produits agroalimentaires et de produits de la mer du Brésil, avec 1,7 p. 100 des parts de marché.

Tout particulièrement, les importations d'aliments transformés ont continué à croître au cours des dernières années, pour représenter 4,6 milliards de dollars en 2009. Les principales importations brésiliennes d'aliments transformés étaient le malt, la farine de blé, le vin embouteillé, le riz blanchi et les préparations alimentaires. L'Argentine, l'Uruguay et les États-Unis étaient les principaux fournisseurs d'aliments transformés, avec plus de 48 p. 100 des importations, alors que le Canada a fourni moins de 1 p. 100 des produits alimentaires transformés importés par le Brésil.

En 2009, les exportations canadiennes de produits agroalimentaires et de produits de la mer vers le Brésil ont représenté 147,9 millions de dollars. Nos exportations les plus importantes comprenaient le blé, l'orge, les lentilles, les graines à canaris et les préparations alimentaires. Toujours en 2009, le Canada a accumulé, en matière de produits agroalimentaires et de produits de la mer, un déficit commercial de 642,2 millions de dollars avec le Brésil.

Dans le contexte du système de commerce multilatéral, le Brésil joue, comme on l'a dit plus tôt, un rôle particulièrement important au sein des négociations agricoles de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, à titre de leader de fait du groupement des pays en développement du G20 qui participent aux négociations agricoles de l'OMC et qui réclament un accès élargi au marché des pays industrialisés, avec l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud. De plus, le Brésil est membre du Groupe de Cairns, un regroupement de pays exportateurs de produits agricoles de petite et moyenne tailles, qui s'efforcent de réformer le commerce agricole, et qui font également partie des pays du G11 qui font la promotion d'une approche constructive pour les négociations au sein de l'OMC.

À titre de membre du G20 qui participe aux négociations agricoles de l'OMC, le Brésil réclame l'élimination de toutes les subventions à l'exportation, ainsi qu'une importante réduction des subventions intérieures faussant les échanges, qui sont actuellement utilisées par les pays industrialisés, tout particulièrement les États-Unis et l'Union européenne.

Bien qu'il aimerait privilégier un accès plus étendu à tous les marchés, le Brésil a adopté une approche moins ambitieuse à l'égard de l'accès aux marchés des pays en développement, en partie en raison de son alliance avec certains membres davantage protectionnistes du G20, notamment l'Inde.

Au cours des deux dernières années, les négociations générales de l'OMC n'ont pas progressé, malgré un engagement répété des pays chefs de file à en arriver à une conclusion à la fois ambitieuse et équilibrée. En novembre 2010, le Sommet du G20 à Séoul semble avoir donné lieu à une reprise des efforts importants en vue de conclure le programme de développement de Doha en 2011. Des négociations intensives sur les questions agricoles ont repris à Genève au cours de la semaine du 17 janvier 2011, en vue de concilier les divergences entre certains membres importants de l'OMC. Il n'y a pas encore eu d'entente.

[Français]

Le Canada et le Brésil sont tous deux intéressés à continuer la réforme du commerce agricole mondial entreprise à l'occasion du cycle d'Uruguay. Un résultat substantiel consisterait à éliminer toutes les subventions à l'exportation, à réduire considérablement les subventions intérieures faussant les échanges et à obtenir un meilleur accès aux marchés de tous les membres de l'OMC. Un tel résultat serait avantageux pour les deux pays et contribuerait à la réalisation d'un dénouement ambitieux pour le cycle de Doha.

[Traduction]

Sur le plan bilatéral, le Canada s'efforce de maximiser sa relation avec ce producteur agricole qui prend de plus en plus d'importance. En 2005, le sous-ministre canadien de l'Agriculture a visité le Brésil à l'occasion d'une mission de collecte d'informations. En 2009, le sous-ministre s'est rendu de nouveau au Brésil, soulignant encore davantage l'importance accordée par le Canada à ce marché.

Si l'on analyse le besoin de renforcer les relations bilatérales entre le Brésil et le Canada, il importe d'examiner ces relations selon trois points de vue distincts. D'abord, le Brésil est un concurrent, et il faut donc s'assurer de comprendre parfaitement le raisonnement du gouvernement et de l'industrie du Brésil sur le plan concurrentiel.

Ensuite, le Brésil est un partenaire important, et le Canada doit renforcer ses relations avec ce pays de manière à pouvoir influer sur ses positions et actions, à la fois sur les plans national et international.

Enfin, le Brésil constitue un marché et une destination pour les investissements canadiens. Les entreprises canadiennes peuvent donc tirer profit des besoins découlant de l'expansion du secteur agricole ainsi que des débouchés potentiels découlant de la demande suscitée par les ménages à revenu élevé, qui recherchent normalement des produits à valeur ajoutée.

En fonction de ces trois piliers, j'aimerais profiter de l'occasion pour vous présenter certaines des principales initiatives mises de l'avant par Agriculture et Agroalimentaire Canada, AAC, en vue de renforcer ces importantes relations bilatérales.

Tout d'abord, le Comité consultatif Canada-Brésil sur l'agriculture, établi dans le cadre d'un protocole d'entente en 2006, se réunit chaque année. Sa dernière réunion a eu lieu en septembre 2010 à Ottawa. Le Comité consultatif est présidé par Agriculture et Agroalimentaire Canada pour le Canada. Des représentants de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'ACIA, et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international sont aussi présents aux réunions.

[Français]

Le comité consultatif Canada-Brésil soutient les intérêts canadiens en s'efforçant de résoudre les problèmes de commerce bilatéral et en participant à des discussions sur les politiques et la coopération avec le Brésil. Nos objectifs consistent à préserver les niveaux actuels du marché brésilien et obtenir de nouveaux accès significatifs à ce marché pour les exportateurs Canadiens.

En plus de promouvoir les intérêts du Canada en matière d'exportation, le forum permet les échanges d'information en vue de cerner les nouvelles possibilités de développement des marchés.

[Traduction]

Le Brésil a fait preuve d'un degré d'engagement élevé dans le cadre de ce forum. Le Canada et le Brésil sont actuellement engagés dans un dialogue visant à définir de nouvelles activités de recherche, ainsi que dans des discussions visant à cerner des possibilités de renforcement des liens entre les universités canadiennes et brésiliennes et les entreprises de biotechnologie des deux pays.

La coopération en matière de sciences et d'innovation dans le secteur de l'agroalimentaire constitue un élément très important des relations bilatérales Canada-Brésil. En 2009, un protocole d'entente en matière de coopération scientifique et technique a été conclu entre AAC et EMBRAPA, l'agence de recherche du ministère brésilien de l'Agriculture. Ce protocole d'entente établit un cadre pour la collaboration Canada-Brésil en matière de formation et d'échange de chercheurs, d'échange de matériel génétique et d'autres collaborations avantageuses pour les deux pays. Le protocole d'entente décrit six domaines de coopération de recherche : le partage et la conservation des ressources génétiques, les pratiques agricoles durables, le développement de cultures céréalières écoénergétiques, la dynamique des microorganismes des sols, les technologies à utiliser après la récolte, la salubrité et la qualité des aliments, et enfin, la traçabilité. Le Canada et le Brésil explorent actuellement de nouvelles initiatives envisageables dans le cadre de ce protocole d'entente.

Enfin, mentionnons que le Canada et le Brésil ont en commun de nombreux défis et possibilités en ce qui concerne les enjeux agroenvironnementaux, et que les deux pays ont récemment pris des mesures pour accroître leur collaboration dans ces domaines à des fins mutuellement bénéfiques.

L'un des domaines qui feront l'objet d'une collaboration est celui de la réduction des gaz à effet de serre. Récemment, les deux pays ont participé activement à la création de l'Alliance mondiale de recherche sur les gaz à effet de serre en agriculture, et ils ont convenu de trouver des occasions de collaborer à la recherche de solutions qui permettront de réduire les gaz à effet de serre, tout en accroissant l'efficacité et la productivité des systèmes agricoles.

Le Brésil et le Canada ont un intérêt commun à collaborer pour l'observation de la Terre à des fins agroenvironnementales, par exemple pour la surveillance de l'état des cultures en temps quasi réel et pour l'orientation des programmes et politiques vers les régions où ils auront la plus grande incidence. Les deux pays ont contribué de façon importante au réseau mondial de satellites d'observation terrestre, et lorsque l'on considère le chevauchement considérable des intérêts et des champs d'expertise des deux pays, on peut convenir que nous avons tout avantage à mettre en commun nos efforts de surveillance axés sur l'observation terrestre. La plus récente réunion du Comité consultatif Canada-Brésil sur l'agriculture était consacrée à la détermination de ces champs d'activité et d'autres champs qui pourraient profiter d'une collaboration accrue en matière d'enjeux agroenvironnementaux.

Je vous remercie de cette occasion de discuter avec vous aujourd'hui, et je serai heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Je cède maintenant la parole à Louise Carrière, qui parlera au nom de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Louise Carrière, directrice, Relations bilatérales et accès aux marchés, Agence canadienne d'inspection des aliments : L'ACIA est un organisme de réglementation à vocation scientifique qui veille à préserver la salubrité des aliments, la santé des animaux et la protection des végétaux, de façon à améliorer la santé et le bien-être des Canadiens, de même que de l'environnement et de l'économie du pays. Les Canadiens comme la communauté internationale ont confiance en notre travail et le respectent.

Je suis heureuse d'avoir l'occasion de présenter aujourd'hui au comité le point de vue de l'ACIA sur les relations bilatérales entre le Canada et le Brésil et les enjeux commerciaux en ce qui concerne la salubrité des aliments, la protection des végétaux et la santé des animaux.

Le gouvernement du Canada accorde la plus haute importance à la salubrité des aliments. L'ACIA joue un rôle essentiel en s'assurant que les produits importés au Canada répondent aux mêmes normes élevées de salubrité que les produits de l'industrie canadienne. Il s'agit là d'un élément essentiel pour protéger la santé du grand public, et pour éviter de placer notre industrie nationale en situation économique ou concurrentielle désavantageuse.

L'ACIA entretient une collaboration de longue date avec son homologue brésilien, avec qui elle échange des pratiques exemplaires concernant, par exemple, l'évaluation des risques et la traçabilité.

Il est tout à l'avantage du Canada, par exemple, de constater que les risques pour la salubrité des aliments et la santé des animaux sont éliminés à la source, avant que les produits n'arrivent au Canada. L'ACIA peut transmettre son expertise à ce sujet. Si l'on peut déterminer que les programmes d'inspection et de test sont équivalents à la source, par exemple, on obtient des normes plus élevées, une plus grande qualité et une plus grande confiance envers les aliments importés au Canada. À ce sujet, l'ACIA a accueilli, en décembre 2009, une délégation de spécialistes techniques du Brésil dans le cadre d'un séminaire sur les nouveautés en matière de méthodes d'échantillonnage et de tests concernant les résidus présents dans la viande.

L'ACIA encourage activement une solide collaboration et des relations à vocation scientifique avec le Brésil, à l'échelle tant bilatérale que multilatérale, elle copréside le sous-comité sanitaire et phytosanitaire du Comité consultatif Brésil- Canada sur l'agriculture, en collaboration avec Agriculture et Agroalimentaire Canada et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Notre directeur exécutif est le coprésident du comité, au nom de l'ACIA.

L'an dernier, en septembre, le Comité consultatif sur l'agriculture s'est réuni à Ottawa. L'ACIA a discuté des enjeux dont elle est responsable. Parmi les questions d'ordre sanitaire et phytosanitaire qui ont fait l'objet de discussions, il y a eu l'accès pour le bétail canadien, de même que l'accès pour le bœuf et le porc brésiliens, afin de lutter contre la fièvre aphteuse, ainsi que les enjeux liés à la volaille.

Sur la scène internationale, le Canada et le Brésil sont tous deux membres de l'Organisation mondiale de la santé animale et de la Convention internationale pour la protection des végétaux, la CIPV. Dans le cadre de ces tribunes, les deux pays contribuent activement à l'élaboration de normes internationales axées sur des principes scientifiques dans des domaines d'intérêt commun, comme la lutte contre les maladies animales et leur déclaration, ainsi qu'à l'établissement d'un paramètre concernant la présence d'une faible concentration de produits végétaux issus de la biotechnologie.

Il est intéressant d'examiner les points communs entre le Canada et le Brésil. Les deux pays jouissent d'une grande superficie de terre arable et d'un accès à de l'eau saine pour la culture. L'élevage occupe aussi une place importante dans les deux pays.

De même, le Canada et le Brésil exportent tous deux leurs produits sur les marchés mondiaux, et nous produisons bon nombre de produits agricoles et agroalimentaires destinés au marché international, dont des produits végétaux et animaux, comme le bœuf, le porc, la volaille et le soya. Les deux pays se font donc concurrence sur le marché de l'exportation de ces produits, mais cette expérience fait en sorte que les deux pays voient l'accès aux marchés du même œil et le vivent de la même façon. Le Brésil, tout comme le Canada, doit répondre à de rigoureuses exigences en matière d'importation pour pouvoir exporter ses produits dans des pays comme la Russie et la Chine, par exemple.

L'ACIA souhaite en savoir plus sur les défis et les réussites du Brésil sur ces marchés d'exportation, car nous pourrions ainsi améliorer notre façon de desservir ces mêmes marchés. Nous pourrions également faire « front commun » afin d'améliorer et de changer nos façons de faire.

Il est important de souligner que, à l'heure actuelle, des pays comme le Canada, le Brésil, les États-Unis et l'Australie collaborent en discutant de leurs expériences et des défis qu'ont posés les marchés d'exportation d'intérêt commun, comme la Russie, encore une fois. Une telle approche donne de bons résultats.

Lorsque des spécialistes canadiens prennent le temps de partager leur savoir et les pratiques exemplaires avec un pays comme le Brésil, il y a un effet d'entraînement, surtout dans des domaines comme la salubrité des aliments, parce que le Brésil a une grande influence dans la région et qu'il peut transmettre son savoir concernant la salubrité des aliments, la protection des végétaux et la santé des animaux.

Le fait d'échanger de l'information sur les questions et les défis que pose l'accès à des marchés d'exportation d'intérêt commun apporte des avantages supplémentaires. Cela permet d'uniformiser les règles du jeu à l'échelle internationale, de façon à ce que les industries mettent l'accent sur leurs domaines d'expertise et offrent des prix concurrentiels.

On trouve, au Brésil, d'imposants cheptels de bovins. En effet, le Brésil compte environ 200 millions de bovins, alors que le Canada en compte tout juste un peu plus de 13 millions. Cependant, le Brésil est aux prises avec la présence occasionnelle de certaines maladies animales, comme la fièvre aphteuse, une maladie que l'ACIA surveille activement afin d'empêcher son introduction au Canada.

À l'heure actuelle, le Canada n'a pas reconnu le Brésil comme pays exempt de cette maladie. Par conséquent, le Brésil exporte au Canada seulement du bœuf cuit, principalement du bœuf salé en conserve.

Le Brésil voudrait augmenter ses exportations de bœuf et, maintenant, de porc, au Canada. Nous collaborons donc avec le Brésil pour examiner les données sur la surveillance et les mesures de lutte contre la maladie afin d'évaluer les risques et les mesures de contrôle requises, notamment les répercussions comme le risque d'une possible introduction de la fièvre aphteuse.

Par ailleurs, l'ACIA participe activement à une organisation appelée PANAFTOSA et la soutient. Il s'agit d'une organisation panaméricaine ayant pour mandat d'éradiquer la fièvre aphteuse en Amérique du Sud. Des vétérinaires de l'ACIA collaborent déjà avec la PANAFTOSA. Nous collaborons également avec l'organisation du point de vue des analyses en laboratoire. Le Centre national des maladies animales exotiques de l'ACIA, à Winnipeg, et le laboratoire de la PANAFTOSA au Brésil effectuent conjointement des recherches sur les méthodes de diagnostic et les vaccins.

L'ACIA offre aussi de l'aide dans d'autres domaines d'expertise. Le Brésil est un important fournisseur de bœuf, et il a demandé conseil au Canada en ce qui concerne la traçabilité des bovins. En mars 2010, l'ACIA a participé à une visite technique qui porte sur la traçabilité, visite à laquelle ont participé le Brésil tout autant que des représentants d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et d'Agri-Traçabilité Québec.

Cette collaboration jette des bases solides pour la création d'un solide système de gestion et de production du bétail.

L'exportation au Canada de viande de volaille en provenance du Brésil est une autre question qui intéresse particulièrement l'ACIA. Avant 2002, seuls les États-Unis étaient autorisés à exporter au Canada de la viande de volaille fraîche. L'aspect très intéressant de cette relation avec le Brésil est l'évolution de l'accès au marché. Le Canada exporte des œufs d'incubation au Brésil. La qualité de la génétique des poulets et des dindons canadiens favorise une croissance rapide et la production de viande maigre. Le Brésil exporte ensuite cette viande de volaille sur le marché canadien. Ainsi, nous diversifions, dans une certaine mesure, l'offre de viande de volaille pour les Canadiens, tout en gardant le contrôle sur l'amélioration génétique de nos élevages.

J'ai mentionné précédemment les qualités de chef de file du Brésil dans le domaine des sciences et de la technologie, qui présentent un grand intérêt pour l'ACIA. Le Brésil réalise de nombreux travaux en génétique, en plus d'élaborer de nouvelles cultures et de nouvelles variétés de végétaux. Les visées du Brésil sont essentiellement en accord avec celles du Canada en ce qui concerne l'utilisation de la biotechnologie et des organismes génétiquement modifiés à des fins de production.

En outre, le Brésil fait montre de générosité en partageant ces nouvelles découvertes scientifiques. Par exemple, il a élaboré des cultivars de légumineuses à grains résistant à la sécheresse qu'il partage maintenant avec des pays d'Afrique et d'autres pays du monde confrontés à la sécheresse. Un tel geste apporte des avantages à bon nombre de personnes.

Le Brésil a démontré qu'il est un bon citoyen du monde. Il est aussi un participant important à de nombreuses tribunes auxquelles l'ACIA participe elle-même, notamment la Convention internationale pour la protection des végétaux, mentionnée plus tôt, l'Organisation mondiale de la santé animale, la Commission du Codex Alimentarius pour les aliments, et le Comité de l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires de l'Organisation mondiale du commerce.

Le Canada et le Brésil adoptent des méthodes semblables dans bon nombre de dossiers. Nos pays sont situés sur des continents différents, mais en raison de l'ordre alphabétique des sièges, les représentants du Canada et du Brésil sont souvent côte à côte dans ces réunions internationales. Nous entretenons des partenariats constructifs parce que nous travaillons ensemble, côte à côte, à de nombreuses occasions.

En raison de son industrie de l'importation et de l'exportation florissante et de son influence sur d'autres pays de l'Amérique latine, le Brésil prend de plus en plus d'importance sur la scène internationale. Comptant plus de 191 millions d'habitants, le Brésil fait partie des « pays BRICS », qui sont considérés comme des pays ayant récemment atteint un niveau semblable de développement économique. Les « pays BRICS » sont le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud.

Dans l'ensemble du Canada, le Service des délégués commerciaux du Canada fait la promotion du Brésil à titre de partenaire clé dans le domaine des sciences et de la technologie, auquel l'ACIA s'intéresse vivement, bien sûr.

Je vous remercie de nouveau de m'avoir donné l'occasion de discuter avec vous. Je vais maintenant répondre à toutes vos questions.

Le sénateur Downe : Madame, pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont votre organisme protège les Canadiens contre les importations? Vous avez parlé, par exemple, de la volaille et des envois en provenance du Brésil. De toute évidence, il est impossible de les vérifier tous. Est-ce que vous vous fiez aux dossiers du Brésil? Effectuez-vous une vérification au hasard au Canada? Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne le système?

Mme Carrière : En ce qui concerne l'importation de viande de volaille au Canada, nous examinons deux aspects. D'abord, nous voulons empêcher l'introduction de maladies animales en provenance de l'étranger. Dans le cas de la volaille, il y a, par exemple, la grippe aviaire et d'autres maladies qui, si elles étaient introduites au Canada, auraient des répercussions négatives sur notre industrie.

Nous voyons aussi les choses du point de vue de la santé publique, et nous devons nous assurer que les aliments sont sûrs. Avant même d'accepter l'importation de viande de volaille, nous examinons la situation zoosanitaire du pays en question. Quelles sont les mesures qu'il prend concernant les maladies qui nous préoccupent? Y a-t-il des épidémies? Si c'est le cas, le pays est-il en mesure de contrôler l'épidémie et d'effectuer de la surveillance? Nous évaluons l'infrastructure vétérinaire pour nous assurer que le pays a la capacité de gérer la situation et qu'il dispose d'un bon système de surveillance. Nous évaluons aussi le système d'inspection de la viande. Le système d'abattage et de transformation, et les mesures de contrôle en place dans le pays correspondent-ils aux normes canadiennes?

Nous effectuons des examens sur dossier, et nous allons sur place. Nous rencontrons les gens, nous posons des questions. Nous visitons des exploitations agricoles et des usines d'abattage, nous nous rendons dans les bureaux du gouvernement central et nous examinons les dossiers. Si nous déterminons que les normes sont équivalentes, nous faisons place au commerce ouvert. Mais il faut d'abord nous assurer que les normes sont équivalentes.

Une fois que le commerce est ouvert, nous poursuivons évidemment la surveillance. Nous effectuons une surveillance à la frontière, en tenant compte du fait que nous nous sommes déjà assurés que le système d'inspection et que les mesures de contrôle des maladies en place dans le pays sont équivalents à ceux appliqués au Canada.

Le sénateur Downe : Faites-vous des tests ici, une fois que la volaille arrive au Canada?

Mme Carrière : Nous avons un programme d'échantillonnage des résidus. Sauf dans des situations particulières, nous effectuons une surveillance régulière des importations. Il s'agit d'un échantillonnage au hasard, ce qui signifie que le programme est en cours pendant toute l'année et que nous intervenons quand le système nous indique qu'il faut prélever un échantillon de viande de volaille dans un envoi en particulier. Nous faisons aussi une inspection visuelle pour nous assurer que le produit correspond bien à ce qui est écrit dans le certificat d'exportation. Nous examinons le produit pour nous assurer qu'il est en bon état.

Le sénateur Downe : Y a-t-il, par exemple, des restrictions en ce qui concerne la nourriture qui est donnée à ces animaux au Brésil? Pouvez-vous faire un suivi des injections qui leur sont données? Vous avez parlé de volaille à croissance plus rapide qui donne une viande plus maigre, ce qui serait un produit plus intéressant et plus facile à vendre. Effectuez-vous une surveillance des produits chimiques injectés à la volaille et de la mesure dans laquelle ces produits sont sûrs pour la consommation au Canada?

Mme Carrière : Cela fait partie du plan d'échantillonnage. Nous vérifions la présence de métaux lourds et de médicaments vétérinaires, le respect des normes microbiologiques, et les produits prêt-à-manger. C'est, essentiellement, à partir des résidus que nous pouvons trouver des résidus de médicaments qui ont pu être utilisés pendant la production. C'est ce que nous recherchons, et c'est l'objet de notre surveillance.

Le sénateur Downe : Il n'y a pas d'écart, je suppose, entre les normes qui s'appliquent à la volaille importée et les normes qui s'appliquent à la volaille élevée au Canada?

Mme Carrière : Non. Elles doivent respecter les mêmes normes canadiennes, celles qui sont fixées par Santé Canada. Santé Canada fixe les normes, et nous effectuons la surveillance.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Tout d'abord, monsieur Coomber et madame Carrière, soyez les bienvenus devant notre comité. J'ai beaucoup apprécié votre présentation.

De votre point de vue, quelle influence a la récente croissance économique du Brésil sur la création d'une zone élargie de libre-échange dans les Amériques? Quelles sont les répercussions pour le Canada?

[Traduction]

M. Coomber : Vous avez tout à fait raison de dire que le Brésil connaît une croissance importante depuis un certain nombre d'années, surtout dans le secteur de l'agriculture. Comme vous le savez, le Brésil fait partie des pays du Mercosur, qui regroupe le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay. À l'heure actuelle, le Canada exporte pour environ 162 à 163 millions de dollars par année dans ces quatre pays, ce qui signifie qu'il s'agit d'un marché plutôt important surtout, comme je l'ai dit plus tôt, pour les produits comme le blé, les lentilles, et d'autres produits.

En ce qui concerne un accord commercial, il y a actuellement, comme vous le savez, des discussions entre le Canada et les pays du Mercosur à propos de la possibilité d'entreprendre une négociation commerciale. Le Canada prend part à de nombreuses négociations bilatérales visant à élargir son accès au marché et à obtenir un accès préférentiel à un certain nombre de marchés. Évidemment, pour les exportateurs canadiens, il serait avantageux de voir les questions tarifaires et les autres questions liées à l'accès au marché réglées au sujet de bon nombre de produits agricoles que nous exportons dans la région des pays du Mercosur. Cela permettrait non seulement de faciliter la circulation des produits agricoles dans cette région, mais aussi, peut-être, d'avoir l'occasion d'accroître les exportations dans la région.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Comme on l'a vu dernièrement, la hausse des prix des aliments provoque une inflation mondiale, sans compter des troubles politiques. Prévoyez-vous une augmentation des prix cette année dans des secteurs tels le blé et la graine de soya?

Si oui, quel pourrait être le taux de cette augmentation et quels pourraient être les prix?

[Traduction]

M. Coomber : Je ne sais vraiment pas si je peux prévoir une augmentation des prix. Ils ont atteint des niveaux élevés. Je pense que j'ai lu, ce matin, que le prix du blé aux États-Unis a atteint un niveau record, à 9 $ le boisseau. Les prix pourraient augmenter, mais il est difficile de prédire l'avenir. Cela dépend de nombreux facteurs.

L'un des nombreux facteurs qui ont causé l'augmentation actuelle des prix, ce sont les problèmes de production dans un certain nombre d'importants pays exportateurs qui produisent du blé. Par exemple, la Russie a connu de graves problèmes et a mis fin à ses exportations. L'an dernier, en Saskatchewan — vous vous en souvenez — la production a dû être interrompue sur un grand nombre d'acres pendant toute l'année à cause d'inondations. La sécheresse en Australie a aussi entraîné des coûts de production très élevés. Quand la production diminue, les prix augmentent, évidemment. Il est difficile de prédire quels seront les facteurs qui auront une incidence sur les prix dans le monde au cours des deux prochaines années, mais on peut clairement voir, actuellement, que c'est le marché qui détermine ces prix.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je sais que pour vous, c'est très difficile mais sans me donner un pourcentage, est-ce qu'au Canada on doit s'attendre à une flambée des prix ou est-ce que la situation demeurera stable?

[Traduction]

M. Coomber : Au Canada, les prix sont déterminés en fonction des prix mondiaux pour la plupart de nos marchandises, ce qui signifie que la hausse ou la baisse des prix au Canada dépend beaucoup de ce qui se passe à l'échelle mondiale.

Le sénateur Wallin : J'ai une question pour vous deux, en ce sens que c'est la même question. Madame Carrière, vous parlez des relations qui existent maintenant, des normes communes et de ce genre de choses. Quand ces mesures n'existent pas — et, je déteste employer ce mot, mais des mesures protectionnistes permettent bel et bien d'empêcher des produits d'entrer au pays si cela doit entraîner des difficultés sur le plan économique ou en matière de concurrence. Encore une fois, monsieur Coomber, vous avez parlé des programmes en commun et de toutes ces mesures en cours. Pouvez-vous, chacun d'entre vous, nous conseiller ou nous déconseiller l'accord de libre-échange avec le Brésil en moins de 50 secondes, comme si nous étions dans l'ascenseur?

M. Coomber : Je ne peux probablement pas le faire en 50 secondes. Il y a des discussions en cours, mais nous pouvons discuter des avantages. Le travail d'analyse est une part importante de tout cela. Nous devons en faire plus en ce qui concerne l'agriculture. À première vue, comme je l'ai dit plus tôt, chaque fois que nous pouvons réduire les tarifs et les quotas et faire face aux mesures sanitaires qui limitent nos exportations dans le cadre d'un accord de libre- échange, nous réussissons habituellement à en tirer avantage.

Le sénateur Wallin : C'est ce qui m'intéresse. De votre point de vue privilégié, quand vous examinez ces questions, pensez-vous qu'il s'agit d'un plus?

M. Coomber : Si je pense que c'est un plus? Je pense que, du point de vue de l'exportation, c'est un plus. Le commerce se fait dans deux directions; il faudrait donc que j'examine toute la question.

Le sénateur Wallin : Madame Carrière?

Mme Carrière : Quand nous participons à des discussions sur les aspects sanitaires et phytosanitaires dans le cadre d'un accord de libre-échange, nous nous efforçons d'ouvrir les marchés pour le Canada et de participer sur le plan technique. Par exemple, au sujet des exportations de bœuf, et à cause de l'ESB, nous avons conquis de nombreux marchés, mais il y a encore du travail à faire. Les spécialistes techniques sont prêts à collaborer activement avec nos partenaires commerciaux, à se rendre à l'étranger pour expliquer notre système et les mesures que nous mettons en place, par exemple, le fait que nous avons reconnu qu'il existe un risque contrôlé lié à l'ESB et le fait que nous sommes capables de produire des aliments sûrs. Nous nous occupons très activement de certains dossiers, et il y a, du point de vue de l'ACIA, des histoires de situations dans lesquelles nous avons réussi à ouvrir les marchés.

M. Coomber : J'aimerais ajouter un autre élément pour répondre à cette question, parce que j'y ai répondu seulement à moitié.

En ce qui concerne les importations et les accords de commerce bilatéral, bon nombre de produits qui arrivent actuellement du Brésil et de la région des pays du Mercosur entrent au pays en franchise puisqu'ils sont visés par le Tarif de préférence général, le TPG, qui est, essentiellement, de zéro. Dans bien des cas, il s'agit de marchandises que nous ne produisons pas, ce qui fait que nous n'avons pas particulièrement d'intérêt à ce sujet.

Dans tous nos accords commerciaux, il y a toujours un intérêt pour notre secteur de la gestion des approvisionnements. Évidemment, comme vous le savez très bien, le gouvernement appuie ce secteur, et nous continuons à défendre l'importance de ces intérêts dans toutes nos négociations. Même en assumant cette position, nous avons été en mesure de conclure quelques accords commerciaux très fermes avec d'autres pays, comme le Pérou, la Colombie et le Panama.

Le sénateur Wallin : C'est bien; merci.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Docteur Carrière, vous avez parlé de recherches qui sont faites, tant au Canada qu'au Brésil, sur les OGM. Vous avez dit que l'influence des deux pays peut se compléter pour propager toutes les recherches qui sont menées.

En Europe, on ne veut absolument pas entendre parler des OGM. Ce n'est pas seulement dans les produits de l'agriculture, parce qu'on en a entendu parler aussi dans les produits forestiers.

Mme Carrière : Définitivement nous sommes producteurs de cultures génétiquement modifiées et cela a créé des barrières non tarifaires. Pour le Brésil, c'est la même situation que nous. On tente de travailler ensemble et quand on parle de sécurité alimentaire et du fait d'ouvrir des marchés, on s'attend à ce que ce soit basé sur la bonne science et que ça ne soit pas des barrières non tarifaires.

Agriculture et Agroalimentaire Canada est très impliqué dans les OGM et mon collègue pourrait parler à ce sujet. Mais au Canada et au Brésil, nous sommes sur la même longueur d'ondes, ce qu'on appelle les « like-minded countries, » mais il y a encore beaucoup de travail à faire à ce niveau. Comme vous l'avez mentionné, pour l'Union européenne, c'est zéro tolérance. Dans un contexte de sécurité agroalimentaire, il y a un beaucoup de travail à faire.

Ce qui est important dans la santé publique, c'est de savoir s'il y a des risques. De nos jours, nos méthodes de détection sont tellement raffinées que la moindre petite particule est récupérée sans qu'il y ait nécessairement un risque pour la santé. Tout cela doit être géré et discuté activement, autant avec le Brésil qu'avec l'Union européenne où nous avons effectivement des positions divergentes.

[Traduction]

M. Coomber : C'est une bonne question. Je pourrais probablement y consacrer une heure parce qu'il s'agit d'un secteur particulièrement important pour notre industrie, surtout pour ce qui est de notre industrie des céréales et des oléagineux, qui s'est développée et a beaucoup prospéré grâce à l'innovation et aux produits de la biotechnologie.

Comme vous l'avez mentionné, ces produits ne sont pas les bienvenus dans un certain nombre de marchés. Il est toutefois intéressant de souligner — et nous avons travaillé à cette fin pendant longtemps — que nous commençons à voir un changement. Il y a environ 10 ans, les discussions avaient essentiellement lieu entre le Canada et les États-Unis parce que nous produisions les produits génétiquement modifiés et que nous les exportions. Même si d'autres produits n'exportent pas d'OGM, ils commencent à comprendre qu'ils ont besoin de ces produits à des fins de sécurité alimentaire et qu'ils vont devoir nourrir neuf milliards de personnes et qu'ils ne seront probablement pas capables d'y arriver à l'aide des technologies traditionnelles.

Quand nous examinons cette question, nous commençons à nous demander comment nous allons gérer tout cela. Chose intéressante, même l'Union européenne, qui était fermement opposée à l'arrivée sur leur marché de produits génétiquement modifiés et qui a porté la question devant l'OMC, commence à changer de position.

Selon les dernières nouvelles, on envisage maintenant une proposition au sein de l'Union européenne qui accepterait ce que l'on qualifie de « présence de faibles concentrations ». Vous savez probablement ce que c'est, mais pour ceux et celles qui ne le savent pas, c'est la façon de désigner la présence d'une quantité à l'état de trace de produits génétiquement modifiés non approuvés qui entrent sur le marché. Et si les traces sont détectées, on applique la tolérance zéro et l'expédition est arrêtée.

Dans notre système de manutention des grains, si du canola est envoyé par bateau ou passe par le système d'entreposage de la tête des Grands Lacs, il nous est tout à fait impossible de nettoyer chacun des grains, sans exception. Les méthodes de détection sont devenues si perfectionnées qu'elles sont capables de détecter de la poussière; c'est donc une mesure importante.

Tout cela pour dire que, même les pays de l'Union européenne se rendent compte qu'ils ne peuvent pas empêcher ces cultures d'entrer puisqu'ils en ont besoin à des fins de production agricole; ils en ont besoin pour les aliments pour animaux. Ils envisagent maintenant une politique selon laquelle la politique de tolérance zéro serait remplacée par une politique qui permettrait de tolérer jusqu'à 0,1 p. 100 des organismes non approuvés quand il s'agit d'aliments pour animaux.

Nous avons collaboré étroitement avec l'Union européenne au cours de la dernière année pour tenter d'influer sur cette politique et, essentiellement, d'élargir sa portée pour qu'elle ne couvre pas seulement les aliments pour animaux, mais aussi les aliments destinés aux humains. Il reste du chemin à parcourir, mais nous commençons à entrevoir une certaine ouverture, même en Union européenne.

Le sénateur Mahovlich : Vous êtes venu nous rencontrer en 2009, et vous avez dit que certains pays se servaient de normes techniques comme barrières protectionnistes. Vous avez parlé, par exemple, du fait que les producteurs de porc canadiens sont incapables d'exporter leur produit en Chine à cause de l'utilisation d'un produit de croissance interdit en Chine. Est-ce que le témoin est au courant d'exemples de ce genre avec le Brésil?

Mme Carrière : Nous exportons du porc en Chine. Il y a un produit en particulier, qui s'appelle Paylean, qui crée quelques remous parce que la Chine a une politique de tolérance zéro, et que le produit est utilisé ici et est approuvé par Santé Canada.

Le Brésil est dans la même situation que nous. Nous pouvons exporter de la viande de porc au Brésil. Je ne pense pas que nous en exportons beaucoup, mais ce n'est pas un problème important entre le Canada et le Brésil puisque nous sommes sur la même longueur d'onde en ce qui concerne ce produit en particulier. Quand nous participons, par exemple, au Codex Alimentarius, où on discute de ces normes, nous sommes sur la même longueur d'onde.

Le sénateur Mahovlich : Il était écrit, récemment, dans The Economist, que le Brésil avait vu la valeur de ses cultures augmenter de 365 p. 100 de 1996 à 2006. En quoi l'agriculture au Brésil a-t-elle changé au fil du temps, et quelles ont été les répercussions pour le Canada?

M. Coomber : C'est vrai, il y a eu une grande croissance. Quand on parle de la valeur des cultures, il y a deux éléments à prendre en considération. Une partie de l'augmentation de la valeur est attribuable à la production, mais l'augmentation de la valeur peut aussi être attribuable à l'augmentation des prix de certaines cultures.

Le sénateur Mahovlich : Qu'a fait le Brésil? A-t-il coupé ses forêts pour se lancer dans l'agriculture?

M. Coomber : C'est probablement en partie ce qu'il a fait; je ne veux peut-être pas m'engager dans cette voie, mais je pense que le Brésil a défriché une partie des terres. Il y a toutefois maintenant certaines mesures en place au Brésil pour mettre fin à cette pratique.

L'un des avantages du Brésil par rapport à un pays comme le Canada, c'est que les agriculteurs peuvent faire deux ou trois récoltes par année parce que le climat y est plus chaud. Ils ont aussi de très grandes exploitations agricoles, particulièrement dans les régions où on cultive le blé, ce qui leur permet de faire d'importantes économies d'échelle. Ils ont des coûts de production moins élevés, en général, que ceux des agriculteurs canadiens. Ils jouissent de certains avantages, ce qui représente un défi pour le Canada et les autres pays en concurrence avec le Brésil.

La présidente : Si je comprends bien, vous dites tous deux que, quand nous faisons du commerce à l'échelle internationale, nous sommes des partenaires — au sein du groupe de Cairns, et au sujet des questions de sécurité —, mais que nous évoluons parfois sur les mêmes marchés. Le message envoyé par les deux pays est donc plus fort.

La question que le comité étudie et qui a été posée ailleurs concerne le fait que, de façon générale, il y a peut-être un avantage net à l'échelle mondiale. Cependant, si vous vendez quelque chose en Saskatchewan, une province que nous connaissons bien, vous et moi, mettriez-vous l'accent sur le Brésil?

Est-ce que nous nous retrouvons avec le même type de produits, ce qui fait que nous ne pouvons pas vraiment optimiser les exportations au Brésil parce que le Brésil optimise les siennes, qu'il s'est servi de certaines technologies pour accroître ses exportations et pour corriger la situation parce que sa population augmentait, ou sommes-nous en train de manquer le bateau? Y a-t-il un message que nous devrions transmettre aux négociants dans notre rapport? Devrait-on leur dire qu'ils peuvent faire des affaires avec le Brésil, malgré la concurrence et certains obstacles?

M. Coomber : Par le passé, on pensait que le Brésil était un important producteur agricole et qu'il produisait essentiellement la même chose que nous, à un coût moins élevé. Par conséquent, avec l'arrivée de produits à valeur plus élevée au Brésil, ce n'est peut-être pas un endroit où nous voulons concentrer nos efforts. Le Brésil commence à délaisser les produits à coût inférieur et s'en va vers les produits haut de gamme.

Nous assistons aussi à une croissance de la classe moyenne, comme c'est le cas dans bon nombre de ces pays en développement. Les revenus augmentent, et les gens veulent obtenir des aliments de plus grande qualité et de plus grande valeur, ce que nous pouvons leur offrir.

Je ne connais pas la réponse définitive à la question, mais je crois qu'il y a des possibilités à long terme au Brésil et que c'est un endroit que nous devrions certainement envisager.

La présidente : Est-ce que le fait que le Brésil est une fédération, et qu'il y a, dans chaque région, une variété de produits et de capacités, est un autre inhibiteur? Comme le Brésil est une fédération, il a des États solides, et il y a un écart entre certains États industrialisés et d'autres États avec lesquels il est encore très difficile de collaborer — est-ce que cela ajoute à l'éventail des difficultés auxquelles sont confrontés les Canadiens qui souhaitent pénétrer ce marché?

M. Coomber : Je ne sais pas si cela entraîne plus de difficultés au moment d'entrer sur le marché. C'est un enjeu important pour le Brésil et sa politique agricole : le fait de reconnaître qu'il y a des écarts entre les régions. Le pays consacre une grande part de ses politiques agricoles et de ses investissements dans l'industrie agricole à tenter d'aider ces régions moins avantagées pour qu'elles soient sur un pied d'égalité avec les autres régions du pays.

En ce qui concerne les exportations vers le Brésil, je ne pense pas que nous nous attardons à la région où nos produits sont envoyés. Ils sont envoyés au Brésil puis envoyés un peu n'importe où à des fins de transformation ou d'alimentation, ou quoi que ce soit d'autre. Je crois que ce sont ces occasions que nous devons saisir.

Mon collègue vient de me remettre une note. Dans le cas du blé de force roux de printemps, l'Argentine n'en fournit pas assez au Brésil, ce qui fait qu'il se tourne davantage vers nous. Les pays du Mercosur agissent entre eux comme au sein d'un marché commun, ce qui permet la libre circulation — pas totalement libre — des marchandises entre les pays.

Cela dépend de la demande. S'ils n'arrivent pas à produire ou à obtenir des quantités suffisantes de produits de grande valeur et qu'il y a une demande de consommateurs, je pense qu'il y a là des occasions à saisir.

La présidente : Madame Carrière et monsieur Coomber, merci d'être venus encore une fois rencontrer le comité et de nous avoir fourni de l'information sur l'agriculture et la salubrité des aliments, qui font partie des enjeux qui ont été soulevés tout au long de notre audience. Merci beaucoup de votre témoignage.

Mesdames et messieurs les sénateurs, la séance est levée. À demain.

(La séance est levée.)

 

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