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Délibérations du Sous-comité des Anciens combattants

OTTAWA, le mercredi 3 novembre 2010

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 12 h 3 pour étudier les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants, aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et à leurs familles.

Le sénateur Roméo Antonius Dallaire (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, chers collègues, mesdames et messieurs. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude de la nouvelle Charte des anciens combattants. Nous recevons le colonel Pat Stogran, ombudsman des vétérans sortant.

Le colonel Stogran n'en est pas à sa première visite; il a témoigné récemment devant le comité de la Chambre des communes, qui a fait sa propre étude.

Nous sommes heureux de vous revoir. Colonel, ferez-vous une déclaration préliminaire?

Colonel (à la retraite) Patrick Stogran, ombudsman des vétérans : Oui.

Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de me donner la chance de me présenter devant vous une dernière fois. Tout au long de mon mandat à titre d'ombudsman des vétérans, j'ai appris à reconnaître les efforts du Sous-comité sénatorial des anciens combattants. J'ai également trouvé très informatifs les rapports du comité, qui démontraient, selon moi, une véritable intention de faire ce qu'il faut pour nos vétérans et leurs familles. Par conséquent, c'est un honneur et un privilège d'avoir été en mesure de contribuer au processus.

La semaine dernière, j'ai comparu devant le Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes. À cette occasion, j'ai présenté une liste de 11 recommandations qui peuvent et qui doivent, selon moi, être mises en œuvre de façon urgente afin d'abolir la culture de refus et, souvent, de mauvais traitement de nos anciens combattants et de leurs familles qui est, selon moi, fermement implantée au sein du ministère des Anciens Combattants et du Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

Dix des recommandations peuvent être mises en œuvre plutôt facilement. Toutefois, ma grande priorité, soit qu'une loi encadre le poste d'ombudsman des vétérans, sera le véritable test qui permettra de déterminer la sincérité de notre gouvernement au sujet de son engagement à améliorer le traitement des anciens combattants qui l'ont servi et qui ont si bien servi le pays. À mon humble avis, c'est une façon dont les parlementaires peuvent, à court terme, faire preuve d'un engagement durable et important envers nos anciens combattants et leurs familles, un engagement qui est à la hauteur de celui démontré quotidiennement aux parlementaires par les membres des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada dans des pays comme l'Afghanistan.

Des membres des Forces et de la GRC sacrifient leur vie pour le programme du gouvernement. Malgré ça, les anciens combattants ont très peu d'influence sur le système qui prend soin d'eux. Les relations avec les principaux organismes d'anciens combattants sont tout au plus superficielles. Les anciens combattants méritent une représentation dévouée dans les rouages du gouvernement. Par conséquent, le Bureau de l'ombudsman des vétérans devrait faire l'objet d'une loi pour que les parlementaires ne puissent exercer une influence indue et que les bureaucrates ne puissent plus le manipuler ni y faire obstacle.

Je vais passer en revue les recommandations que j'ai soumises. Premièrement, la norme de preuve attendue par le ministère et le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) de la part des anciens combattants est interprétée selon la prépondérance des probabilités comme dans les cas de délit civil, et c'est injuste. La loi prévoit une norme beaucoup plus souple dans le principe qu'on appelle le « bénéfice du doute ». Le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) est le seul tribunal fédéral qui ne rend pas ses décisions publiques. On devrait obliger le tribunal à rendre publiques ses décisions immédiatement, et les décisions antérieures devraient être admissibles comme preuve en appel.

Le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) compte à l'heure actuelle sur les mêmes personnes pour les révisions et les appels. Cette approche collective peut donner lieu à des cas d'influence indue et de partialité. Le tribunal devrait être tenu d'avoir parmi ses membres des personnes qui ne s'occupent que des révisions et d'autres qui ne s'occupent que des appels.

Les anciens combattants qui veulent interjeter appel des décisions du tribunal en Cour fédérale doivent le faire à leurs frais. Le Bureau des services juridiques des pensions devrait être habilité à représenter des cas choisis en Cour fédérale lorsqu'on considère que ça pourrait servir le bien commun.

C'est le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) qui choisit actuellement s'il adhérera aux décisions de la Cour fédérale, et la manière dont il le fera. Il devrait être tenu de se conformer aux décisions qui sont favorables aux anciens combattants.

La capacité de recherche du ministère est très limitée et n'a que peu d'incidence sur la façon dont nos anciens combattants sont traités. On devrait inciter le ministère des Anciens Combattants à être plus proactif, à faire des recherches qui profiteront à la collectivité des anciens combattants en établissant des partenariats avec d'autres organisations et en adoptant les conclusions des recherches menées par des pays alliés.

Le manque d'engagement du gouvernement à tenir à jour et à un niveau pertinent les programmes et les services destinés aux anciens combattants est déplorable. Le ministère doit être mis dans l'obligation de mettre à jour activement et fréquemment ses programmes et, au besoin, de presser le gouvernement en place d'y apporter des modifications afin qu'ils traduisent les connaissances les plus récentes, les pratiques exemplaires et les leçons apprises qui favorisent les anciens combattants et leurs familles. L'aversion pour le risque du ministère est excessive, et les mesures de contrôle qu'il prend font en sorte que les anciens combattants sont servis d'une façon inacceptable. Le ministère devrait être tenu de décentraliser ses processus de prise de décisions à des niveaux et à des endroits qui seraient dans le plus grand intérêt des anciens combattants et des demandeurs.

Les arbitres du ministère ne communiquent pas directement avec les anciens combattants et les demandeurs pour voir à ce que les demandes soient remplies correctement et intégralement, ce qui entraîne des retards inacceptables dans les délais d'exécution, de la confusion et des efforts inutiles. Il faudrait ordonner au ministère des Anciens Combattants de communiquer directement avec les anciens combattants et les demandeurs, comme le font d'autres fournisseurs de services gouvernementaux.

Enfin, les inefficacités du système peuvent faire en sorte que le processus décisionnel s'étale littéralement sur des années, mais la rétroactivité est toujours limitée une fois l'approbation donnée. Le gouvernement devrait voir à ce que la rétroactivité remonte jusqu'à la date de la première demande.

Ce n'est qu'un début, mais je crois que ces recommandations constituent des étapes positives vers l'élimination de la culture actuelle au sein du ministère des Anciens Combattants, qui, trop souvent, ne réussit pas à honorer l'obligation prise par la population et le gouvernement du Canada envers les anciens combattants qui ont si bien servi ce pays et leurs familles. Cependant, il importe davantage qu'une loi encadre le mandat de l'ombudsman des vétérans. Par conséquent, je vous demande d'user de toute votre influence pour que ça se réalise.

L'engagement de nos militaires actuels est aussi important que l'engagement de nos anciens combattants de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale lorsqu'ils ont abandonné les mines, les camps de bûcherons, les fermes et les usines il y a tant d'années pour servir leurs pays sans condition. Malheureusement, il m'est devenu douloureusement évident, au cours de mes trois années comme ombudsman des vétérans, que notre engagement envers nos vétérans et leurs familles n'est pas aussi profond qu'il l'a déjà été.

Depuis de nombreuses années, le ministère des Anciens Combattants et les gouvernements fédéraux successifs se sont de plus en plus, et de façon délibérée, je dirais, dérobés aux obligations envers nos anciens combattants et leurs familles, des obligations qui étaient autrefois considérées comme un devoir. L'époque où les anciens combattants participaient vraiment à la prise de décision des pouvoirs fédéraux pour que l'engagement pris envers eux reste fort et vrai est révolue. L'établissement du poste d'ombudsman des vétérans dans la loi pourra redonner aux anciens combattants un certain niveau de représentation dans les processus du gouvernement dont dépend l'avenir de ceux qui font tant de sacrifices pour notre pays.

J'aimerais profiter de cette occasion pour attirer votre attention sur une autre question alarmante qui a été portée à mon attention : la perception des anciens combattants de la GRC de la façon dont ils sont traités. De nombreux membres qui ont subi des blessures en service dans des missions dites de maintien de la paix outre-mer avec les Forces canadiennes ont dit se heurter à des obstacles de taille lorsqu'ils présentent après leur libération une demande relative aux blessures découlant du service. Ils disent recevoir très peu de soutien au cours du processus de libération, ne pas pouvoir profiter des services de gestionnaires de cas ni de conseillers d'expérience en soutien par les pairs comme dans le cadre du SSBSO, ni avoir accès aux programmes d'aide à la réintégration dans la vie civile. D'après ce que j'ai pu constater jusqu'à maintenant, notre façon de traiter les anciens combattants de la GRC ayant des limitations fonctionnelles est loin de la façon dont on traite leurs homologues militaires. Très semblable à la relation qui existe entre la Force régulière et la Force de réserve, la GRC compte un groupe croissant de policiers municipaux et provinciaux qui ont été déployés dans des opérations internationales. Malheureusement, s'ils souffrent plus tard des suites de blessures liées au service, ils doivent souvent se défendre eux-mêmes dans des systèmes provinciaux ou régionaux plutôt indifférents. Ils méritent eux aussi un ombudsman des vétérans qui ait le pouvoir d'examiner leurs problèmes.

La prestation des avantages et des services aux anciens combattants doit être traitée comme une question de sécurité nationale, plutôt que comme un programme social. Pour que le recrutement, l'engagement et le déploiement des Forces canadiennes et de la GRC soient efficaces, leurs membres doivent avoir une confiance absolue dans le « système » qui prend soin d'eux pendant leur service et après. Lorsque le rythme et l'intensité des opérations augmentent, les répercussions sur ceux qui servent augmentent aussi. Par conséquent, les décideurs en matière de sécurité nationale doivent commencer à tenir compte dans leurs calculs de la capacité requise pour répondre aux besoins des vétérans.

Je crois qu'il est important de reconnaître les démarches faites par le gouvernement du Canada ces derniers mois pour que les anciens combattants et leurs familles soient traités de manière juste et équitable. J'apprécie notamment le leadership du premier ministre, qui est intervenu personnellement dans le cas de Brian Dyck. D'après moi, le cas de Brian Dyck représente tout ce qui va mal dans le système actuel. C'est de leadership dont les anciens combattants ont besoin. Je dois toutefois insister sur le fait que les démarches annoncées ne sont qu'un premier pas, que d'autres changements seront nécessaires pour que les anciens combattants et leurs familles soient desservis comme ils le méritent. L'heure est venue de passer à l'action. Nous sommes tous responsables de nos anciens combattants et de leurs familles; nous ne devons pas les laisser tomber.

En terminant, j'aimerais vous remercier du travail que vous accomplissez et de l'honneur que vous me faites en m'invitant à comparaître devant vous. C'est avec un réel plaisir que j'ai servi comme premier ombudsman des vétérans du Canada. Je remercie aussi les membres de mon équipe qui ont persévéré même dans des moments très incertains et ambigus. Je remercie également les employés subalternes d'Anciens Combattants Canada et les membres du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), qui travaillent si fort au service de nos anciens combattants et de leurs familles, mais qui sont frustrés par un système qui fonctionne mal. Je remercie tous les Canadiens qui ont exprimé leur indignation à la suite des révélations qui ont été faites depuis ma conférence de presse du 17 août dernier, au cours de laquelle j'ai révélé combien le système était déficient. J'affirme qu'un ombudsman des vétérans soutenu par un mandat inscrit dans la loi est essentiel à la résolution de cette situation alarmante.

J'attends vos questions avec impatience.

[Français]

Le président : Merci énormément, colonel. Tous les membres ont reçu votre présentation dans les deux langues officielles.

Pour ne pas perdre de temps, nous irons donc immédiatement à la période de questions.

[Traduction]

Le sénateur Manning : Merci, colonel Stogran, pour vos trois années de loyaux services et pour votre déclaration préliminaire. Il ne fait aucun doute qu'il existe de graves lacunes dans le traitement de nos anciens combattants. Des annonces ont été faites par le ministre des Anciens Combattants et le ministre de la Défense nationale dans les dernières semaines. Selon vous, ces annonces permettront-elles de régler certains des problèmes que vous avez soulevés et que des anciens combattants de partout au pays ont révélés?

Col Stogran : Le fait d'avoir vu ensemble les ministres des Anciens Combattants et de la Défense nationale est positif. Concernant le déploiement à l'étranger de nos troupes, nos décideurs devraient travailler en étroite collaboration. Je vous rappelle que la planification de la réintégration des vétérans de la Deuxième Guerre mondiale a commencé en 1939, au moment de l'envoi des troupes outre-mer.

Concernant les mesures prises, je félicite le gouvernement. Cependant, à titre de correctifs à court terme apportés à une culture si déficiente, je ne crois pas que l'argent, 2 milliards de dollars, une somme considérable qui correspond au soutien du programme à long terme, se rendra jusqu'aux personnes qui en ont besoin et qui le méritent.

Selon moi, trop de conditions y sont rattachées, mais je ne connais que ce que les médias ont rapporté. Je n'ai pas reçu d'autre information du ministère sur la manière dont les choses vont se passer. Je crois qu'il y a un trop grand jeu entre l'annonce des fonds affectés aux troupes et les fonds qui arriveront effectivement jusqu'à elles. À mon avis, le problème se situe dans le système, et, d'échelon en échelon, le système devient de plus en plus radin, jusqu'à ce que les anciens combattants se voient refuser ce qui leur revient de droit.

Je crains qu'il s'agisse d'une approche décousue. Il y a trois ans, quand j'ai commencé à poser des questions sur le paiement forfaitaire et sur les autres programmes qui semblaient problématiques, on m'a répondu qu'il fallait les considérer dans leur ensemble, et non un à un. À titre d'ombudsman des vétérans, je recommande de les examiner comme un tout et de manière transparente, car ceux qui ont un intérêt direct dans cette loi sont nombreux.

La rétroactivité est une autre source de préoccupation. Le gouvernement a adopté une loi pleine de lacunes en toute connaissance de cause. Ça fait cinq ans, et on parle de se retirer de l'Afghanistan, mais il n'y aura pas de rétroactivité si j'ai bien compris l'annonce faite récemment. Ça veut dire que la majorité des anciens combattants qui ont servi à l'étranger et qui ont fait d'énormes sacrifices ne pourront pas profiter de l'amélioration du programme, si le programme survit à l'appareil gouvernemental au cours de la prochaine année. Ça va prendre du temps.

Le sénateur Manning : La nouvelle Charte des anciens combattants de 2005 est dans sa cinquième année. Les problèmes qui ont été soulevés semblent accentués en ce moment. J'ai travaillé avec le ministre des Anciens Combattants à trouver des solutions à quelques-uns d'entre eux. À titre de premier ombudsman des vétérans, quels conseils donneriez-vous au prochain ombudsman sur la façon de faire connaître les préoccupations des anciens combattants?

Col Stogran : Mon plus grand conseil serait que la bureaucratie soit tenue de rendre des comptes au ministre. En ce moment, je crois que de nombreux problèmes ne remontent pas la voie hiérarchique au sein du ministère, qu'ils ne sont pas présentés de façon impartiale et objective au ministre pour qu'il puisse prendre des décisions éclairées. J'ai eu le sentiment qu'il était de mon devoir de surveiller le fonctionnement de la bureaucratie et de faire part au ministre de mes observations à ce chapitre.

En ce qui a trait à la nouvelle Charte des anciens combattants, au cours des trois ans de mon mandat, j'ai constaté très peu d'activités visant la mise en œuvre de l'ensemble de cette charte au sein du ministère, en dehors du travail et du rapport du comité et du rapport du Groupe consultatif sur les besoins spéciaux.

Selon moi, ce n'est pas à l'ombudsman de faire des recommandations. Beaucoup de personnes chèrement payées travaillent actuellement à faire la lumière là-dessus. C'est à nous de veiller à ce que la sous-ministre agisse de manière proactive et, s'il y a lieu, de sommer les élus en place de respecter l'engagement de faire de la charte une charte vivante.

Le sénateur Manning : Dans une de vos récentes allocutions à la tribune de la presse, vous avez dit, en gros, que si vous aviez été au courant de certaines choses que le gouvernement ou le ministre allaient corriger, vos propos auraient été différents. Quels sont les points dont vous avez parlé qui devraient être réglés et quels sont les principaux problèmes qui subsistent?

Col Stogran : Je ne peux pas répéter de l'information que je ne connais pas. Une des recommandations que je formulerais concernant l'encadrement du mandat par une loi est que la bureaucratie et le gouvernement soient forcés d'établir avec l'ombudsman des relations qui relèvent moins de la confrontation.

Je crois profondément qu'il faut dire la vérité. Au cours des deux ans et demi que j'ai passés à travailler avec le ministère, à tenter d'élaborer une doctrine qui s'harmoniserait avec les processus du ministère au lieu de leur nuire, nous nous sommes surtout fiés à l'information qu'on nous a fournie par courtoisie. J'ai été très clair sur le fait qu'il m'est impossible d'adoucir ou d'interpréter la réalité de ce je constate à l'inspection des troupes « sur le terrain », dans les établissements de soins prolongés, les refuges pour les sans-abri et les hôtels de ville. Toutefois, j'invite le ministère à me donner son avis pour que je sache si les intérêts supérieurs des anciens combattants ont été bien servis, pour me faire une opinion plus juste de la situation.

Si je ne connais pas les impératifs qui guident le ministre et le ministère, je deviens en quelque sorte un militant qui, comme un perroquet, répète les préoccupations des anciens combattants. Ces préoccupations sont immenses et nombreuses. Vers la fin de mon mandat, j'ai constaté que les interactions avec les anciens combattants me démoralisaient, car j'entendais toujours les mêmes choses, et le ministère ne faisait que me transmettre des infocapsules et des documents d'information. Par conséquent, ce que je disais n'était pas du tout nuancé.

Le sénateur Manning : J'ai entendu dire certaines choses concernant les contraintes budgétaires à votre bureau, et que ces contraintes avaient nui à votre travail d'ombudsman. Je ne connais pas votre budget. Pouvez-vous nous parler des contraintes que vous avez constatées? Votre budget a-t-il été épuisé chaque année? Manquiez-vous d'argent chaque année?

Col Stogran : Si je ne me trompe pas, le budget directement affecté au bureau est d'environ 5,3 millions de dollars par an. Je crois que 1,2 million va au ministère pour les frais généraux liés aux services ministériels qu'il nous fournit. C'est là le problème : le manque de réceptivité concernant les services ministériels et les services de ressources humaines que le ministère fournissait au bureau.

Selon le dernier rapport annuel de la commissaire sortante à l'intégrité du secteur public du Canada, les petits organismes ont les mêmes engagements que les ministères en matière de rapports, de processus, et cetera. Mais, très souvent, le personnel s'occupant de ces services est très réduit.

Par conséquent, nous dépendions largement du ministère, et, de ce point de vue, je crois que les délais étaient le plus gros problème.

Le sénateur Wallin : J'aimerais revenir sur certains points soulevés par mon collègue. Selon les notes de la Bibliothèque du Parlement, votre budget annuel est de 5,8 millions de dollars, dont 1,2 million va au ministère. Bien que ce que vous avez dit ensuite ne soit pas mentionné dans les notes, je vais vous croire sur parole.

Vous avez 30 employés, vous relevez directement du ministre et vous avez, selon la description qui en a été faite, des pouvoirs d'influence et de divulgation. Étant donné que, aux yeux de la plupart des gens, ça semblerait une situation plutôt raisonnable, qu'auriez-vous pu faire de mieux, que conseilleriez-vous à votre successeur? Je sais que vous avez invoqué le pouvoir législatif — c'est dans le compte rendu —, mais, rétrospectivement, qu'auriez-vous pu faire de mieux?

Col Stogran : Rétrospectivement, je n'aurais pas une si grande confiance dans le système. J'ai sincèrement cru au discours qu'on m'a servi sur l'engagement envers les anciens combattants, que nous étions tous là pour eux et que je pouvais être celui qui fait du bruit pour le ministère si on avait besoin d'un coup de pouce supplémentaire pour les anciens combattants. Bref, je foncerais davantage, plus rapidement, pour m'attaquer aux problèmes importants que j'ai découverts six mois avant la fin de mon mandat, des problèmes que la sous-ministre n'était pas prête à voir révélés.

Le sénateur Wallin : La Charte des anciens combattants a été mise en œuvre par le gouvernement précédent, alors elle est là depuis un moment et les anciens combattants ont exprimé leurs préoccupations. Est-ce que vous dites avoir constaté certains problèmes seulement dans les six derniers mois?

Col Stogran : Non, je ne parle pas spécifiquement de la nouvelle Charte des anciens combattants. Comme je l'ai dit, mon travail est de faire en sorte que la bureaucratie fonctionne et de la presser de soumettre les recommandations du Groupe consultatif sur la nouvelle Charte des anciens combattants et du Groupe consultatif sur les besoins spéciaux au ministre d'une façon qui réglera quelques-uns des problèmes auxquels sont confrontés les anciens combattants.

Je parle de façon générale.

Le sénateur Wallin : Pourquoi n'avez-vous pas réussi à le faire?

Col Stogran : D'abord, le ministère me donne de l'information par courtoisie. La sous-ministre a été très claire dès le premier jour; elle m'a dit qu'elle contrôlerait l'information fournie au Bureau de l'ombudsman des vétérans d'une façon qui n'entraverait pas ma capacité à m'exprimer en public.

Le sénateur Wallin : Vous avez dit que vous glaniez en grande partie l'information auprès des anciens combattants, lors des assemblées publiques, et cetera.

Col Stogran : En effet.

Le sénateur Wallin : Vous interdisait-on de transmettre cette information?

Col Stogran : Je l'ai transmise. Les procès-verbaux des assemblées publiques ont été soumis au gouvernement. Le Bureau de l'ombudsman des vétérans rend deux grands services à la haute direction : je peux parler avec les anciens combattants en utilisant leur langage, et toutes mes discussions avec eux sont rapportées à la haute direction.

Par conséquent, l'information ne circulait que dans un sens : vers le ministère. Comme je l'ai dit, la sous-ministre était résolue à contrôler mon message en retenant l'information qui, selon elle, entraverait ma capacité à m'exprimer en public.

Le sénateur Wallin : Mais qu'est-ce qui peut bien motiver quelqu'un à agir ainsi? Nous connaissons tous un ancien combattant. Il y a des anciens combattants dans nos villes, dans nos familles. Je n'ai jamais entendu quiconque dire qu'il ne fallait pas aider les anciens combattants, qu'il fallait être méchants envers eux, refuser leurs demandes et ignorer leurs besoins.

Est-ce qu'un groupe de personnes en particulier qui, d'une façon ou d'une autre, ne pense pas comme le reste de la population a réussi à infiltrer le ministère des Anciens Combattants?

Col Stogran : Je suis de votre avis, et c'est aussi l'impression que j'avais lorsque je suis entré en fonction. Comme je l'ai dit, j'étais naïf, la réalité m'échappait. Je ne peux pas comprendre pourquoi quelqu'un travaillerait à l'encontre des intérêts des anciens combattants.

Le sénateur Wallin : Quel serait leur but? Pourquoi voudrait-on faire vivre l'enfer à quelqu'un?

Col Stogran : Je ne peux pas me risquer sur ce terrain-là. Ce que je peux dire, c'est que j'ai rencontré la sous-ministre pour défendre la cause des veuves des anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale, et c'est à ce moment-là que j'ai compris. Je lui ai expliqué qu'à mon avis, le gouvernement trompait les veuves des anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale. J'ai utilisé ces mots. J'ai même fait une analogie avec les films westerns, où le banquier met la veuve à la rue et saisit ses biens.

J'ai été stupéfié et consterné de me faire répondre que je ne pouvais pas demander d'autres fonds au Conseil du Trésor pour le programme. Il m'est apparu clairement, alors, que le message n'allait pas sortir du ministère.

Le sénateur Wallin : Il y a des réalités auxquelles on n'échappe pas. Je ne suis pas certaine qu'on puisse affirmer que ceux qui disent « je n'ai pas les fonds » ou « je ne crois pas pouvoir obtenir les fonds » souhaitent vraiment... J'essaie simplement d'y voir clair. C'est une chose de dire que la bureaucratie est insensible. Peu de gens vous contrediraient, même à Ottawa. Vous leur attribuez des intentions, et je me demande si on peut le prouver.

Col Stogran : Je crois que je viens de prouver que le ministère n'était pas prêt à agir. À mon avis, et selon mon expérience du leadership, le leadership commence au sommet. C'est le devoir des dirigeants de contester le système et de lutter pour les troupes qui sont sur le terrain. Visiblement, et comme je l'ai constaté, ce n'était pas ce qui se passait.

Le sénateur Wallin : Alors, c'est une question d'argent?

Col Stogran : Il vous faudra le demander aux cadres supérieurs du ministère des Anciens Combattants, qui savent très bien que les programmes ne répondent pas aux besoins des anciens combattants. Ce sont eux qui devraient répondre à cette question.

Le président : Si je peux me permettre, une précision pour le compte rendu. La nouvelle Charte des anciens combattants a été adoptée par le gouvernement précédent, mais mise en œuvre par l'actuel gouvernement un an plus tard, après son interprétation et la formulation de règles. La charte est appliquée depuis trois ans, au mieux.

Vous revenez sur l'information, que vous n'obtenez pas ou qui est filtrée par la sous-ministre. Il me semble qu'en tant qu'ombudsman, vous avez le pouvoir d'aller là où se trouve le bureau de première responsabilité visé et de demander directement l'information voulue, pour que l'information vous soit transmise sans passer par la voie hiérarchique. C'est le cas ou pas?

Col Stogran : On pourrait le penser, mais ce n'est pas le cas. Le décret dit ce que je peux faire et ne peux pas faire en tant qu'ombudsman, mais il n'exige rien du ministère. L'information provenant du ministère ne m'était fournie qu'à titre de courtoisie. Je pense que c'était déjà problématique lorsque j'ai comparu pour la première fois devant le comité.

Le président : Donc, vous me confirmez qu'aucun processus n'a été établi entre l'ombudsman et le ministère pour qu'il vous communique de l'information, un processus qui vous permettrait d'informer le ministre d'une éventuelle divergence ou de quoi que ce soit du genre. Est-ce exact?

Col Stogran : Nous avons tenté d'établir un processus auquel nous référer, un processus d'observations formelles, au fur et à mesure que nous prenions connaissance des problèmes des anciens combattants. Nous aurions soumis par écrit au ministère des observations afin de favoriser la communication d'information qui nous permettrait de nuancer le point de vue que nous lui présentions.

Un processus du genre était prévu dans un protocole d'entente sur la communication de l'information que nous avons soumis au ministère. Lorsque nous avons reçu le protocole modifié, ce passage avait disparu. Par conséquent, à l'heure actuelle, nous n'avons aucun processus officiel touchant la transmission d'information.

Le président : Ça veut dire que vous conseillez le ministre, comme le précise votre mandat, et que vous recevez des conseils directement des anciens combattants, mais que vous ne pouvez pas comparer l'information fournie au ministre avec les mesures officielles prises par le ministère.

Col Stogran : Exactement. C'est bien ça.

Le président : Merci de la précision.

Le sénateur Plett : J'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées que le sénateur Manning concernant le financement. Vous avez laissé entendre que vous doutiez que les 2 milliards de dollars annoncés par le ministre Blackburn se rendent jusqu'aux anciens combattants. Une partie de l'annonce précise qu'un ancien combattant blessé recevra, grâce à ces nouvelles mesures, au moins 58 000 $ par année en prestations, sans compter les avantages non pécuniaires, et un montant forfaitaire pouvant atteindre 276 000 $. Il existe donc des directives précises concernant ces 2 milliards.

Qu'est-ce que le gouvernement peut faire de plus que l'annoncer? Si vous dites simplement que vous ne croyez pas que l'annonce sera bénéfique, nous pourrions annoncer le versement de 4 milliards de dollars et vous auriez les mêmes doutes. À quel stade l'annonce devient-elle bonne? Ne croyez-vous pas que ces changements représentent un progrès pour les anciens combattants?

Col Stogran : Monsieur le président, beaucoup d'eau passera sous les ponts avant que les 2 milliards de dollars aient force de loi, d'après ce que je sais. Un changement de gouvernement ou autre chose, que sais-je, pourrait perturber l'échéancier.

Par ailleurs, depuis ma conférence de presse du 17 août, je dis que les 2 milliards de dollars — c'est-à-dire, si j'ai bien compris, 50 millions de dollars par année sur cinq ans, car les 2 milliards de dollars couvrent toute la durée du programme — devront passer par la bureaucratie. Il ne s'agit pas d'argent qui sera directement versé aux anciens combattants blessés. Ces personnes devront passer par tout un processus et soumettre une demande au ministère. Certains cas devront être renvoyés au Tribunal des anciens combattants (révision et appel), et c'est déjà problématique.

Le sénateur Plett : Merci d'avoir adressé la réponse à ma question au président; je vais quand même poursuivre avec une autre question.

Durant vos échanges avec les ministres Blackburn et Thompson, est-ce qu'un d'eux a déjà refusé de vous rencontrer? Vous avez laissé entendre que la bureaucratie ralentissait le processus et que les sous-ministres nuisaient aux progrès. Avez-vous demandé à rencontrer directement les ministres pour leur faire savoir que la bureaucratie ralentissait de bons programmes? Ont-ils refusé de vous rencontrer?

Col Stogran : Non, ils n'ont jamais refusé de me rencontrer. Cependant, je dois préciser qu'à ma première rencontre avec le ministre Blackburn, je lui ai dit ce que j'ai dit au comité aujourd'hui. En fait, je lui ai dit que le système trompait les anciens combattants, et qu'il était si déficient que ça en était scandaleux. Je lui ai fait savoir que le gouvernement actuel pourrait devenir un héros en m'accordant le pouvoir de déterminer l'ampleur du problème et en obligeant le ministère et le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) à collaborer avec moi à ce chapitre. J'ai expliqué ça au ministre dans sa première langue officielle, et pour être certain d'avoir bien utilisé le verbe « tromper » et l'adjectif « scandaleux », j'ai appelé le lendemain son chef de cabinet, qui est à l'aise dans les deux langues, pour lui dire qu'à mon avis, la façon dont la bureaucratie traite les anciens combattants est scandaleuse.

Le sénateur Plett : Qu'avez-vous fait? Vous êtes allés rencontrer des anciens combattants aux quatre coins du pays. Avez-vous pris le temps de leur expliquer les programmes positifs que notre gouvernement essaie de mettre en œuvre? Vous dites que vous avez assisté à de nombreuses assemblées publiques. Avez-vous principalement écouté les plaintes ou avez-vous aussi essayé de faire de la promotion?

Je suis d'accord avec vous, colonel. Malheureusement, les rouages du gouvernement tournent lentement. Je pense que nous en convenons tous. Cela dit, les annonces sont positives. Espérons que leur contenu va atteindre la base. Peut- être que, dans un an, vous pourrez dire « je vous l'avais bien dit », et peut-être que c'est le ministre Blackburn qui pourra dire ça. J'espère que c'est lui qui aura raison.

Qu'avez-vous fait pour promouvoir les annonces positives qui ont été faites?

Col Stogran : La réponse, en bref, est « rien ». Nous avons essayé, autant que possible, de rester neutres et impartiaux. Tout d'abord, je ne me considère pas comme un expert des mécanismes de tous les programmes, mais j'emmène avec moi un membre de mon équipe, comme je l'ai fait aujourd'hui, aux assemblées publiques pour répondre aux questions techniques. En tant qu'ombudsman, mon rôle n'est pas de faire de la promotion ni de présenter des excuses pour les faiblesses du ministère. Mon travail est d'écouter les anciens combattants. Nous fournissons des explications lorsque nous le pouvons sans devenir une partie du problème, puis nous relayons le message au ministère, qui doit promouvoir ses programmes et régler les problèmes rapportés par l'ombudsman.

Le sénateur Plett : Je ne dis pas que vous ne devriez pas être neutre. Par contre, je suis désolé, colonel, mais j'ai vraiment du mal à voir en quoi vous avez été neutre dans ce cas-ci. Je pense que vous avez été tout sauf neutre. Vous avez été extrêmement critique par rapport à ce qui se passait, tout comme cet après-midi, dans votre déclaration. Je ne vois ici aucune neutralité, mais je vous remercie pour votre sincérité et vos réponses.

Col Stogran : Je vous en prie.

[Français]

Le sénateur Pépin : Dans le document que nous avons reçu, vous nous dites que le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) est composé et formé des mêmes personnes, celles qui font la révision et les appels. Vous ajoutez que le tribunal devrait être tenu d'avoir parmi ses membres un groupe de personnes qui s'occupent de la révision et un autre groupe pour s'occuper des appels. Est-ce que vous pouvez élaborer un peu là-dessus?

[Traduction]

Col Stogran : Avant l'établissement du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), il y avait un tribunal d'appel distinct, puis ils ont été fusionnés. Des membres du tribunal qui jugent qu'il y a des conflits nous ont exposé le problème, qui, selon moi, se résume ainsi : un membre qui a traité une demande de révision ne peut s'occuper de l'appel de cette révision, mais il y a tout de même des discussions informelles et des tentatives d'influence.

De mon point de vue, il n'est pas seulement important de rendre justice, il est aussi important qu'on ait l'impression que ce soit fait. En ce moment, certains ont l'impression qu'une influence indue est exercée au sein du Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Évidemment, il s'agit d'une opinion partiale puisqu'on ne me tient pas informé, et que l'échange d'information avec le tribunal et le ministère n'est pas optimal. Donc, bien évidemment, je ne peux pas être impartial ni objectif. Je transmets les préoccupations de mes mandants et de mes intéressés.

[Français]

Le sénateur Pépin : Est-ce que ça fait longtemps que vous faites ces demandes?

[Traduction]

Col Stogran : Oui, madame, tout à fait.

Le sénateur Pépin : Après ça, on mentionne que les anciens combattants doivent payer lorsqu'ils font appel au tribunal. Quelle solution voyez-vous à cette façon de faire?

Col Stogran : Comme je l'ai suggéré dans une de mes recommandations, le Bureau des services juridiques des pensions devrait être habilité à représenter des cas choisis lorsqu'on considère que ça pourrait servir le bien commun. Il devrait pouvoir retenir des cas qu'il aimerait défendre. Je pense que l'ombudsman pourrait aussi jouer un rôle dans le règlement des différends, rôle dont le ministère pourrait en fait profiter lorsqu'il estime qu'un ancien combattant tient des propos injurieux ou qu'il se montre injuste envers le système.

Le sénateur Downe : Lorsque le premier ministre Stephen Harper a lancé, le 6 avril 2006 au Parlement, la nouvelle Charte des anciens combattants avec le ministre des Anciens Combattants, il a mentionné que le gouvernement travaillerait à établir un ombudsman des vétérans, ce qu'il n'a pas fait, à mon avis. Ils ont mis en place un défenseur des anciens combattants, qu'ils ont appelé ombudsman des vétérans. En effet, si vous comparez votre indépendance à celle, par exemple, de l'ombudsman du MDN, vous vous rendrez compte qu'elles sont complètement différentes.

De toute évidence, vous avez comparé votre autorité à celle de l'ombudsman du MDN. Ne trouvez-vous pas qu'il est beaucoup plus indépendant que vous?

Col Stogran : Je préfère ne pas me prononcer sur l'indépendance de l'ombudsman du MDN. J'ai parlé avec l'équipe de projet qui a établi le Bureau de l'ombudsman des vétérans avant mon arrivée. Ils ont examiné notamment les études et le rapport du comité sur le poste, puis ont soumis des recommandations à qui de droit, mais le résultat n'a pas été ce qu'ils attendaient, c'est-à-dire une directive ministérielle au ministère correspondant au poste de l'ombudsman du MDN. C'est plutôt ma nomination par décret qui a eu lieu, et c'est en fonction de ça que je travaille.

C'est un des facteurs sur lesquels je me suis appuyé pour, disons, accuser la bureaucratie d'être injuste envers nos anciens combattants. Lorsque le premier ministre a annoncé, le 3 avril 2007, l'établissement du Bureau de l'ombudsman des vétérans, il a déclaré qu'il serait indépendant. Je me suis souvent servi de cette déclaration du premier ministre pour préserver notre indépendance.

J'ai été convoqué au Bureau du Conseil privé par le sous-ministre adjoint des nominations à des postes de haut fonctionnaire pour me faire dire que je travaillais pour le sous-ministre. J'ai contesté cette affirmation en soulignant que j'étais un conseiller spécial du ministre et en citant la déclaration du premier ministre sur mon indépendance, et on m'a répondu qu'il y avait plusieurs degrés d'indépendance.

J'en conclus que des efforts honnêtes ont été déployés au début en vue d'établir un Bureau de l'ombudsman des vétérans sérieux, mais la bureaucratie a volontairement tenté de miner ces efforts pour faire de l'ombudsman des vétérans un simple gestionnaire des plaintes du ministère.

Le sénateur Downe : C'est pour cette raison que votre première recommandation est de rectifier ce problème pour la personne qui prendra la relève?

Col Stogran : Oui, sénateur.

Le sénateur Downe : Des vétérans disent qu'ils sont satisfaits des annonces qui ont été faites au cours des dernières semaines, mais ils craignent que, comme pour les annonces précédentes, le résultat final ne se rapproche pas du tout de ce qui a été annoncé.

On rappelle souvent l'annonce concernant l'agent Orange. Le gouvernement devait indemniser tous ceux qui y avaient été exposés entre 1956 et 1984. Par la suite, on a annoncé que seules les personnes exposées en 1966 et en 1967 étaient visées, et que le gouvernement allait y consacrer 96 millions de dollars.

Or, le programme a pris fin, et plus de 33 millions de dollars n'ont pas été distribués, même dans le cadre de ce programme restreint. Selon moi, c'est sur ça que sont fondées les inquiétudes entourant les annonces des dernières semaines. Le montant, élevé, ne représente pas vraiment ce qui finira par atteindre la base.

Avez-vous d'autres nouvelles sur l'agent Orange? Je continue d'entendre des plaintes. Savez-vous si le ministère a écouté les demandes? Savez-vous s'il prévoit prendre d'autres mesures?

Col Stogran : Je ne suis pas au courant, sénateur. Je ne me suis pas penché sur le dossier de l'agent Orange depuis environ un mois. Nul besoin de vous dire qu'il s'agit assurément d'une priorité pour moi, puisque je pense que le problème est beaucoup plus grave que ce qu'on a laissé entendre aux Canadiens. Nous avons demandé au cabinet du ministre, au ministère, de prolonger le décret sur l'allocation des indemnités, qui expirait en octobre, mais la date est passée. Nous estimons qu'il a été sous-utilisé, pour les raisons que vous avez mentionnées, comme c'est le cas pour tant de programmes. Je ne dispose pas de chiffres là-dessus.

Le président : Colonel, vous êtes responsable d'un dossier complexe et vous avez des employés avec vous. N'hésitez pas à leur demander de vous fournir les renseignements techniques nécessaires pour pouvoir nous répondre rapidement.

Col Stogran : Avez-vous des renseignements sur le nombre de plaintes que nous avons reçues récemment en ce qui concerne l'agent Orange?

Charles Cue, conseiller principal en politiques, Bureau de l'ombudsman des vétérans : Pas récemment. Je sais seulement que nous nous sommes battus pour la prolongation, en raison de l'injustice du processus de demande, mais ça n'a pas fonctionné.

Le sénateur Downe : Je ne veux surtout pas me mêler de votre vie privée, donc, si vous ne voulez pas répondre à cette question, n'hésitez pas à le dire. D'après certains reportages, vous avez demandé que votre mandat soit reconduit. Je sais que des anciens combattants des quatre coins du Canada ont lancé une pétition en votre faveur parce que c'est à vous qu'ils attribuent l'action soudaine du gouvernement dans les dernières semaines.

Est-ce qu'on vous a dit si votre mandat serait renouvelé?

Col Stogran : Non, monsieur, on ne m'a rien dit à ce sujet.

Le président : La nouvelle Charte des anciens combattants devait, en fait, être un instrument, non pas pour créer une dépendance chez les anciens combattants, mais un processus grâce auquel les anciens combattants pourraient graduellement retrouver leur indépendance et occuper une place, peu importe laquelle, au sein de la société, en tenant compte de leurs blessures. Autrement dit, les contrats sociaux de ce genre dépendront toujours des circonstances, comme le spécifiaient les recommandations préalables à la loi. Est-ce que c'est ce qu'on pense sur le terrain, que c'est un instrument permanent grâce auquel les anciens combattants ne seront jamais laissés à eux-mêmes, qu'ils pourront toujours retourner au ministère des Anciens Combattants pour obtenir de l'aide?

Col Stogran : C'est une question assez vaste, monsieur. Ce n'est certainement pas l'impression que j'ai eue lors des assemblées publiques. Beaucoup d'anciens combattants se sentent abandonnés par la nouvelle Charte des anciens combattants. Je pense que c'est en grande partie à cause de l'inactivité des trois années antérieures. De l'extérieur, la charte prétendument bien vivante est plutôt morte raide.

Le président : Je m'intéresse aux modifications qu'a apportées le tribunal d'appel aux définitions de la « norme de preuve » et du « bénéfice du doute ». S'agit-il de termes juridiques qui ont des connotations différentes? Si c'est le cas, l'un avantage-t-il plus les anciens combattants que l'autre?

Col Stogran : Oui. La définition du « bénéfice du doute » est inscrite dans la loi. Toutes les lois importantes qui concernent les services et les avantages offerts aux anciens combattants comprennent une disposition sur le « bénéfice du doute ». La Cour fédérale a déclaré qu'il s'agissait d'un fardeau de preuve moins exigeant que celui fondé sur la prépondérance des probabilités, mais des documents du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) montrent que le niveau de preuve attendu des anciens combattants est, en réalité, fondé sur la prépondérance des probabilités.

La liasse contient une interprétation et, brièvement, il y a deux passages très importants sur le « bénéfice du doute ». Le premier se trouve dans le premier sous-alinéa, qui précise que l'arbitre doit se baser sur toutes les circonstances d'une demande et toutes les inférences raisonnables pour résoudre la question en faveur de l'ancien combattant.

Le troisième alinéa dit que tout doute associé à la demande d'un ancien combattant doit être levé en sa faveur.

Le rapport de 1968 de la commission Woods — dont je n'ai malheureusement pas apporté d'exemplaire — est un document faisant autorité de 800 pages qui décrit en détail la manière dont ont été traités nos anciens combattants au fil du temps. Le huitième chapitre est consacré au « bénéfice du doute ». On y énonce clairement que la loi a été pensée de manière à ce que la prépondérance de la preuve puisse indiquer une autre cause à l'invalidité. Une inférence est une mesure de la justesse, de la logique et du raisonnement; elle n'est pas une mesure de la vérité. Si on peut raisonnablement inférer que la cause défendue par un ancien combattant est plausible, elle devrait être résolue en sa faveur.

Autrement dit, les doutes, comme d'autres causes possibles de l'invalidité, des informations manquantes qui peuvent être vérifiées par ouï-dire ou appuyées par des preuves circonstancielles, devraient être levés en faveur de l'ancien combattant.

Enfin et surtout, comme le souligne Woods — et la loi émane de ses recommandations — il ne s'agit pas d'un procès. Il n'est pas question d'un affrontement entre deux parties opposées. Il s'agit essentiellement de l'approbation d'une demande.

Le président : Merci pour cette clarification.

Le sénateur Manning : Colonel, je ne contesterai certainement pas ce que vous avez dit à propos de la bureaucratie, non seulement au sein du ministère, mais dans l'ensemble du gouvernement. Elle ralentit beaucoup de choses que nous tentons de faire.

Je reviens à un commentaire que vous avez fait plus tôt et j'aimerais, si vous le pouvez, que vous nous en disiez un peu plus sur le sujet. Lorsque j'étais député, je travaillais avec des gens qui comparaissaient devant le tribunal d'appel. Ils étaient toujours un peu inquiets. Vous avez parlé d'influence indue au sein du Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Vous avez laissé entendre que vous aviez éprouvé de la frustration envers certains employés du ministère.

Je pense que c'est un problème très grave. Nous avons un tribunal des anciens combattants prétendument indépendant qui doit prendre une décision fondée sur les preuves soumises par l'ancien combattant ou la personne qui le représente. J'aimerais vous donner l'occasion de nous dire d'où vient, selon vous, cette influence indue, et comment elle joue à ce niveau.

Col Stogran : J'ai rencontré des membres haut placés du tribunal qui m'ont parlé d'un document dont le tribunal se sert, et que les employés appellent le « tableau des pourcentages de décisions favorables ». J'en ai eu connaissance parce que des employés du tribunal sont venus me voir en toute confidence pour se plaindre de l'utilisation de ce document. En fait, ils font le suivi du nombre de décisions favorables que prend chaque membre. J'ai demandé au président du tribunal et aux cadres supérieurs à quoi leur servent ces renseignements. Ils m'ont répondu qu'ils s'en servent pour assurer la cohérence. Je leur ai donc demandé comment ils procédaient. Je pensais que les membres devaient prendre une décision en se basant sur le bien-fondé du cas qui leur était présenté, alors comment pouvaient-ils influer sur la cohérence de cette manière?

Au sein du tribunal, cette question est liée à un autre problème concernant l'influence indue. En effet, toutes les décisions sont confidentielles. Dans un tribunal normal, la cohérence est assurée par les décisions antérieures, qui établissent la jurisprudence. J'ai suggéré de rendre toutes les décisions publiques pour qu'elles puissent être utilisées en appel. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Le sénateur Manning : Tout à fait. Vous avez dit que les décisions devraient être rendues publiques. Je suis porté à dire que ça situe le contexte. Qui s'oppose à la diffusion des décisions? S'agit-il des personnes participant au processus ou des personnes de la haute bureaucratie du ministère? Où se situent les obstacles?

Col Stogran : Ils sont au sein du Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Lorsque nous avons recommandé de rendre ces décisions publiques, ils ont soulevé trois points. Premièrement, ça leur coûterait 4 millions de dollars supplémentaires par année, deuxièmement, l'interprétation de toutes les décisions — qui serait alors nécessaire — ralentirait le processus, et, troisièmement, ces décisions contiennent des renseignements confidentiels. Ce qui est intéressant en ce qui concerne les renseignements confidentiels, c'est que lorsqu'un ancien combattant présente sa plainte devant la Cour d'appel fédérale, celle-ci publie ses conclusions et décisions.

Selon moi, c'est un cercle vicieux associé à la culture du déni. Effectivement, le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) a beaucoup de travail. Le ministère leur transmet une quantité énorme de plaintes. C'est là que repose le premier problème. Si le ministère prenait le temps d'appeler un ancien combattant pour vérifier si la demande est complète et s'assurer, avant de prendre une décision, qu'il comprend vraiment la situation, je pense que le taux de roulement de 60 p. 100 dont se vante le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) serait bien moindre. C'est très simpliste, mais si le ministère accordait plus souvent le bénéfice du doute aux anciens combattants et communiquait davantage avec eux, le tribunal aurait moins de problèmes.

Le sénateur Manning : La question de la protection de la vie privée que vous venez de soulever m'inquiète. J'essaie de déterminer exactement ce qui pose un problème dans la publication des décisions. La protection de la vie privée des anciens combattants est un sujet d'inquiétude. Dans vos discussions avec eux, vous ont-ils suggéré des façons de régler cette question? Vous avez dit qu'il y avait trois problèmes. Les deux autres ne m'intéressent pas outre mesure, car ce sont des problèmes d'argent. C'est d'anciens combattants dont il est question ici, et je veux m'assurer qu'ils sont traités de façon juste et honnête.

Que suggérez-vous pour contourner le problème de la protection de la vie privée? Si les décisions étaient rendues publiques, il faudrait s'en préoccuper.

Col Stogran : Bien sûr. Comme je n'ai pas étudié la question en profondeur — mais je pense que le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) l'a fait —, je ne peux pas vraiment me prononcer sur la façon de contourner le problème. Je me contenterai de dire que la Cour d'appel fédérale réussit à publier suffisamment de renseignements sans porter atteinte à la vie privée des anciens combattants.

Je ne crois pas me tromper en disant qu'une grande partie des renseignements se trouvant dans les décisions du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) ne sont pas intimement liés aux facteurs qui motivent les décisions.

Le président : Dans certains tribunaux, je pense qu'on supprime le nom des personnes et des lieux pour s'en sortir.

Le sénateur Manning : Dans votre témoignage, vous avez parlé de votre première rencontre avec le ministre Blackburn et du fait que vous aviez utilisé les mots « scandaleux » et « tromper » pour exprimer vos inquiétudes. Nous sommes tous au courant des annonces qui ont été faites, et nous espérons qu'il y en aura d'autres. D'après ce que je sais, c'est le dossier des vétérans qui a reçu le plus d'argent du gouvernement cette année. Je suppose que vous trouvez un certain réconfort dans le fait que, au cours des dernières semaines, certains des problèmes que vous avez soulevés, notamment lors de cette première rencontre, ont été mis en évidence et, dans une certaine mesure, réglés.

Col Stogran : Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, je suis très reconnaissant du leadership dont a fait preuve le premier ministre, qui est intervenu personnellement dans l'affaire Brian Dyck. En ce qui concerne le bénéfice du doute, ce cas représente tout ce qui ne va pas dans l'application de cette mesure législative.

Pour ce qui est des fonds promis et des fonds destinés aux troupes, je félicite le gouvernement. Les ovations étaient impressionnantes. En tant qu'ombudsman des vétérans, je souhaite depuis le début qu'on règle la question de la culture au sein de la bureaucratie, et c'est l'empreinte que je voulais laisser à mon départ. Beaucoup de recommandations ont été faites en vue d'améliorer la nouvelle Charte des anciens combattants. Compte tenu des ovations, j'ai bon espoir qu'en temps et lieu, le gouvernement mettra en œuvre ces recommandations. C'est la culture qu'il faut changer.

Le sénateur Wallin : J'aimerais revenir sur deux ou trois choses. J'ai moi aussi discuté en privé avec des anciens combattants, comme je suis sûre que vous l'avez fait, et un des problèmes en ce qui concerne la protection de la vie privée — et c'est une loi au Canada —, c'est que si un ancien combattant est partie à un cas, interjette appel ou demande l'aide d'un avocat, le gouvernement n'a pas le droit de lui parler. Est-ce que c'est exact selon vous?

Col Stogran : Certainement pas. Il y a le secret professionnel, mais je n'ai jamais entendu dire que, parce que quelqu'un avait eu recours à un avocat...

Le sénateur Wallin : Le ministère n'a alors pas le droit de communiquer directement avec cette personne.

Col Stogran : Je suppose que ça pourrait être le cas.

Le sénateur Wallin : La question de la protection de la vie privée est, comme vous le savez bien, délicate. Je suis d'accord avec vous, et j'espère que tous les sénateurs autour de cette table voteront en faveur de cette loi lorsqu'ils en auront l'occasion, et qu'ils le feront rapidement.

Vous avez suggéré plus tôt que cet argent devrait simplement être distribué aux anciens combattants, qui ne devraient pas avoir à demander des avantages ni à expliquer leur situation, ce qui va tout de même au-delà du bénéfice du doute que vous avez expliqué.

Vous avez dit ça en passant. Je suppose que vous ne le pensiez pas vraiment. Je suppose que tout le monde s'entend sur le fait que les anciens combattants doivent justifier leur demande d'une façon ou d'une autre.

Col Stogran : Je ne voulais pas donner cette impression. Notre système, qui exige une preuve prima facie pour toute demande — le bénéfice du doute étant censé compenser le fait que c'est ce système qui produit et conserve les preuves, auxquelles les anciens combattants n'ont pas accès —, est selon moi une excellente façon de faire. Je ne voulais certainement pas dire que nous devrions approuver toutes les demandes qui sont soumises.

Le sénateur Wallin : Donc, si nous laissons de côté la protection de la vie privée pour le moment, ce qui vous préoccupe, précisément, c'est la durée. Les gens doivent suivre la procédure. Aujourd'hui, vous avez utilisé des termes forts pour dire que certaines personnes essaient délibérément de corrompre le système. Ces termes sont provocateurs, mais nous essayons de déterminer ce qui doit changer.

Vous êtes d'accord sur le fait que les gens devraient et doivent remplir une demande pour obtenir des avantages, et qu'on devrait leur demander d'expliquer et de justifier leur demande. Vous avez parlé du fait d'accorder le bénéfice du doute. Qu'est-ce qui ne va pas? Où est le problème? Est-il question de corruption véritable, ou de paperasserie?

Col Stogran : De tout ça à la fois. Je n'ai même pas parlé de la bureaucratie ni du nombre de demandes que les anciens combattants doivent présenter.

Le sénateur Wallin : C'est ce qui me trouble, car vous avez dit à deux ou trois reprises que vous ne connaissiez pas vraiment tous les aspects de la question, soit parce que les renseignements ne vous sont pas communiqués, soit parce que vous ne pouvez pas parler aux bonnes personnes. Par contre, des membres du tribunal d'appel vous disent des choses en confidence. Si vous voulez condamner quelqu'un, il faut que vous puissiez prouver vos dires.

Col Stogran : Absolument. J'ai invité le ministère et le gouvernement à contester mes déclarations. J'ai des preuves documentaires, dans les décisions rendues par le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), qui montrent que la prépondérance des probabilités n'a pas été respectée.

Le sénateur Wallin : Avez-vous légalement accès à ces renseignements?

Col Stogran : Oui. Des anciens combattants nous les ont fournis.

Le sénateur Wallin : Ils vous parviennent, donc.

Col Stogran : Ils nous parviennent des anciens combattants. Lorsque j'ai demandé au président du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) un exemplaire du tableau des pourcentages de décisions favorables, il a carrément refusé de m'en donner un.

Le sénateur Wallin : Quelqu'un a contourné le système et vous l'a remis?

Col Stogran : Oui, effectivement, et ça arrive souvent dans le cas des anciens combattants.

Le sénateur Wallin : Avez-vous publié ça?

Col Stogran : Non. J'irai en prison avant de révéler les confidences qui m'ont été faites de façon pratiquement illégale.

Le président : Sénateur Wallin, je pense que vous êtes ici sur la même voie. Pour m'assurer de bien comprendre, les renseignements que vous donnez et sur lesquels vous vous basez pour parler de la situation ou de l'atmosphère au sein du ministère des Anciens Combattants sont tirés d'information et de documents que vous avez obtenus d'anciens combattants, et non de l'institution?

Col Stogran : Oui, monsieur le président.

Le sénateur Wallin : Vous avez aussi dit que des membres du tribunal vous avaient approché et vous avaient remis des décisions tenues secrètes.

Col Stogran : Non, ils se sont plaints de choses auxquelles ils sont confrontés lorsqu'ils doivent prendre une décision, parce qu'ils sont mécontents du système.

Le sénateur Wallin : Je comprends, mais y avait-il des explications ou disaient-ils seulement « nous ne croyons pas que le système fonctionne bien »?

Col Stogran : Il y avait des explications.

Le sénateur Wallin : Voici l'ancien combattant A; voici les circonstances; voici ce qui s'est passé.

Col Stogran : Il y avait des explications. On m'a décrit en détail le tableau des pourcentages des décisions favorables. En fait, un membre, que je ne nommerai pas, nous en a même remis un exemplaire.

Le sénateur Wallin : J'aimerais vous demander si nous pouvons voir ça aussi. Je ne doute pas de vous, mais vous utilisez des termes très forts, et il nous serait donc utile de voir sur quoi vous vous appuyez ou pourquoi ça vous tient tant à cœur. Nous devons voir ces preuves nous aussi.

Col Stogran : Je me ferai un plaisir de vous les fournir. En fait, je pense que le comité peut m'obliger à le faire. J'aimerais croire qu'on peut obliger le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) à exposer certains de ces problèmes.

Le président : C'est ce que nous cherchons à établir, c'est-à-dire, si vous avez fait vos évaluations en vous fondant sur l'information que vous avez reçue des anciens combattants, ce qui est bien, c'est direct. De plus, vous avez reçu indirectement de l'information des membres ou des gens qui travaillent au ministère, et vous avez des documents. Vous êtes donc contraint d'agir en conséquence, peu importe comment vous avez obtenu l'information. La question est donc de savoir si nous pouvons obtenir cette l'information pour déterminer si vous pouvez justifier vos arguments. C'est une question sur laquelle nous pourrions revenir.

Le sénateur Wallin : Oui. Nous avons besoin d'un avis juridique avant d'aller plus loin.

Le président : C'est exactement ça. Assurons-nous de bien faire les choses. Nous examinons la nouvelle Charte des anciens combattants. Nous ne sommes pas ici pour demander à l'ombudsman de défendre son travail.

Le sénateur Wallin : Je comprends, mais ce que nous cherchons à savoir, c'est si la nouvelle Charte des anciens combattants est mise en œuvre.

Col Stogran : Si je peux me permettre, je dirais que j'ai utilisé des termes de plus en plus forts et même de plus en plus coercitifs. Je serai ravi d'être contraint par assignation à présenter les preuves à quiconque voudra les voir.

Le président : Je crains que vous soyez dans le mauvais pays. Nos voisins du Sud peuvent faire ça, mais ce n'est pas comme ça que nous procédons.

Col Stogran : Je dis simplement que j'aimerais que tout ça soit exposé au grand jour.

Le président : Je pense que nous avons compris.

Le sénateur Plett : Vous avez loué le premier ministre d'être intervenu dans l'affaire Brian Dyck, et je vous en suis reconnaissant.

Le 15 octobre, le ministère des Anciens Combattants a annoncé que les anciens combattants canadiens atteints de la SLA n'auraient plus à se battre pour recevoir des services de santé et des avantages financiers. Vous avez dit par la suite que l'annonce faite par le ministre le 15 octobre était égocentrique.

Encore là, vous semblez douter de l'intention du gouvernement, ou peut-être pas de son intention, mais vous doutez que l'argent soit versé lorsqu'il annonce un projet de loi de finances. Lorsque le ministre fait une annonce qui, selon moi, devrait vous satisfaire, vous dites qu'elle est égocentrique. À part le fait que le ministre aurait pu faire cette annonce plus tôt, qu'est-ce que vous trouvez égocentrique, et qu'aurait dû faire le ministre?

Col Stogran : Ce qui est égocentrique, c'est de s'attribuer le mérite d'avoir bonifié les avantages consentis aux anciens combattants atteints de la SLA. Le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) et le ministère auraient dû accorder ces avantages depuis le début. À ma connaissance, le ministère n'a pris aucune mesure concrète pour modifier cette mesure en particulier. À mon avis, c'est une tromperie. C'est du marketing rusé pour faire croire que plein de choses changent en faveur des anciens combattants.

Qu'en est-il des victimes du TSPT? Aux États-Unis, le même genre de preuves statistiques indiquent que l'apparition précoce de la démence chez elles est plus répandue, mais nous avons à Halifax un officier d'infanterie de 60 ans qui souffrait gravement du TSPT pendant son service actif, et il est maintenant totalement invalide à cause de la démence. Le ministère refuse d'accepter ça. Je prétends, comme je l'ai fait dans votre document, que si le ministère appuyait réellement l'intention sous-jacente au bénéfice du doute, beaucoup d'autres maladies seraient considérées de la même manière que le ministre prétend l'avoir fait en améliorant le sort des anciens combattants atteints de SLA.

Le sénateur Plett : Pour conclure, je crois que beaucoup de gens atteints de la SLA sont heureux que le ministre ait fait cette annonce. Ils ne sont peut-être pas de votre avis.

Le président : Quels renseignements recevez-vous quant à la façon dont la nouvelle Charte des anciens combattants répond aux besoins des familles? Y a-t-il des éléments précis qui ont été soulignés et qui, selon vous, méritent notre attention?

Col Stogran : Les renseignements qui nous sont parvenus sont limités.

Le président : Je veux dire du point de vue des anciens combattants.

Col Stogran : Les familles sont une source de préoccupation.

Le président : Vous dites qu'on s'en occupe ou que rien ne se passe. Quelle est votre position?

Col Stogran : Des membres des familles ont manifesté leurs inquiétudes lors des assemblées publiques, comme les conjoints de victimes de traumatismes cérébraux qui sont laissés à eux-mêmes. Je dirais qu'il s'agit d'une question importante soulevée aux assemblées publiques.

Le président : Il reste beaucoup à faire à ce chapitre.

Pour ce qui est de la recherche, comme le ministère des Anciens Combattants tente de prévoir les blessures et les besoins des anciens combattants, surtout maintenant que nous avons une nouvelle génération, pensez-vous que la nouvelle Charte des anciens combattants encourage le ministère des Anciens Combattants à fonder des cliniques de recherche sur le stress post-traumatique et d'autres blessures, y compris les blessures physiques?

Col Stogran : J'ai remarqué des efforts dans ce sens, mais je ne peux pas vraiment dire qu'il existe un lien direct de cause à effet avec la nouvelle Charte des anciens combattants, si je saisis bien votre question.

Le président : J'ai peur de devoir mettre fin à la séance. Vous avez parlé avec franchise. Merci de nous avoir fourni aujourd'hui dans votre témoignage de l'information qui nous sera peut-être utile. Nous vous souhaitons beaucoup de succès dans vos projets futurs, à compter du 11 novembre, si j'ai bien compris.

Merci, colonel Stogran.

(La séance est levée.)

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