Délibérations du Sous-comité des Anciens combattants
Fascicule 6 - Témoignages du 9 décembre 2009
OTTAWA, le mercredi 9 décembre 2009
Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 12 h 16 pour examiner les services et les avantages sociaux offerts aux anciens combattants et à leur famille (sujet : mise en œuvre de la nouvelle Charte des anciens combattants).
Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bon après-midi honorables sénateurs. Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Comme nous le savons tous, le sous-comité étudie depuis quelques semaines la mise en œuvre de la nouvelle Charte des anciens combattants que le ministre lui-même a décrit comme un document évolutif, appelé à être modifié au fil du temps de manière à ce qu'il réponde aux besoins des anciens combattants.
Selon les témoignages que nous avons entendus jusqu'ici indiquent qu'il pourrait exister quelques iniquités, anomalies et lacunes dans les indemnités versées en vertu de la nouvelle Charte des anciens combattants comparativement à celles que stipule la Loi sur les pensions. Il semble aussi que bien qu'elle soit en vigueur depuis déjà trois ans, la nouvelle Charte des anciens combattants n'a pas encore subi d'examen approfondi, ni subi la moindre modification.
Nous allons nous concentrer aujourd'hui sur un aspect particulier du système de prestation de service aux anciens combattants. J'aimerais néanmoins, avec l'indulgence des membres du comité, régler d'abord une chose. Il s'agit d'une réponse que nous avons reçue de M. Patrick Stogran, l'ombudsman des anciens combattants. Ces documents ont été distribués aux membres du comité le 16 juin 2009, mais nous souhaitons recevoir une motion, si c'est possible, pour qu'ils soient déposés comme documents officiels de nos délibérations.
Le sénateur Banks : Je le propose.
Le président : C'est proposé par le sénateur Banks. Qui est d'accord?
Des voix : D'accord.
Le président : Est-ce que quelqu'un s'y oppose? C'est adopté à l'unanimité. Je vous remercie beaucoup. Maintenant, revenons à nos moutons.
Le sénateur Dallaire : Quand nous avons reçu le Chef du personnel militaire, il a dit qu'il travaillait sur un plan de campagne pour le programme amélioré de soins aux militaires blessés et à leur famille. J'ai pu m'en procurer une copie. Cependant, je me demande si le comité a reçu officiellement ce document du Chef du personnel militaire.
Le président : Je ne le crois pas. Peut-être la greffière pourrait-elle nous le dire.
Le sénateur Dallaire : C'est ce document-ci. Il renferme d'importants renseignements sur l'évolution des soins dont il a parlé. Cependant, il n'était pas sûr que nous l'ayons demandé. C'est pourquoi, je le demande, et je pense, qu'il vaudrait la peine que nous nous le procurions.
Le président : Merci, sénateur Dallaire. Peut-être pourriez-vous assurer un suivi de cette question. Quand vous l'obtiendrez, une fois qu'il sera dans les deux langues officielles, s'il ne l'est déjà, veuillez le distribuer.
Le sénateur Dallaire : Il n'est qu'en anglais.
Le président : Nous allons tourner notre attention sur la question à l'étude. Nous sommes très heureux d'accueillir le colonel (à la retraite) Donald Ethell, qui est le président du Comité consultatif conjoint ACC/MDN/GRC sur la santé mentale. Vous vous rappelez certainement que le colonel Ethell a témoigné devant ce sous-comité sur d'autres sujets en d'autres temps, et vous n'aurez pas oublié aussi qu'il est l'ancien combattant des opérations de maintien de la paix le plus décoré du Canada.
Le sénateur Banks : C'est aussi un fier Albertain.
Le président : Oui, c'est un fier Albertain. Il revendique la responsabilité de ce vent froid bien albertain qui vient battre à nos fenêtres. Le colonel Ethell est aussi membre du Comité consultatif sur la nouvelle Charte des anciens combattants, dont nous avons entendu la présidente, Mme Westmorland, il y a quelques semaines.
Je pourrais parler longtemps des exploits du colonel Ethell, mais il suffit de dire que c'est un Canadien très distingué et que nous sommes heureux qu'il soit avec nous aujourd'hui.
[Français]
Permettez-moi d'ajouter ceci; le colonel Ethell, gardien de la paix le plus décoré, comme je viens de le dire, est Officier de l'Ordre du Canada. Entre 1987 et 1990, le colonel Ethell a occupé le poste de directeur des opérations de maintien de la paix au quartier général de la Défense nationale. À ce titre, il coordonnait les activités des Forces canadiennes en Afghanistan, au Pakistan, en Iran, en Iraq et en Namibie. Le colonel Ethell a pris sa retraite de l'Armée canadienne en juillet 1993, après 39 années de services distingués.
[Traduction]
Colonel Ethell, je crois que vous avez préparé des observations préliminaires, après quoi j'espère que vous voudrez bien répondre à nos questions.
Le colonel (à la retraite) Donald Ethell, président, Comité consultatif sur la santé mentale (ACC/MDN/GRC) : Je vous remercie beaucoup, sénateurs et monsieur le président. J'ai effectivement préparé quelques observations et je me concentrerai pour commencer sur le Comité consultatif sur la santé mentale. J'essaierai de ne pas prendre trop de votre temps, parce que je sais que vous voulez parler du Groupe consultatif sur la nouvelle Charte des anciens combattants, et les deux sont liés.
Comme on l'a dit plus tôt, quatre comités ont été créés sous les auspices du ministère des Anciens Combattants du Canada. Il y a le Conseil consultatif de gérontologie, dont le président est le professeur Victor Marshall. L'année dernière, ce comité a soumis son rapport, intitulé Parole d'honneur, qui traite surtout, mais pas exclusivement, des anciens combattants traditionnels — ceux de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée. Le deuxième est le Comité sur la nouvelle Charte des anciens combattants, et je n'ai pas besoin d'en dire plus sur lui puisque Mme Westmorland, sa présidente, a témoigné devant votre sous-comité avec le Chef du personnel militaire. Le troisième est le Groupe consultatif ad hoc sur les besoins spéciaux, dont le président est le major (retraité) Bruce Henwood, un double amputé; un explosif lui a fait perdre les jambes alors qu'il était en service en Croatie. Il dirige un petit groupe composé de plusieurs membres — leur nombre fluctue — qui souffrent d'invalidité à au moins 80 à 85 p. 100, de la perte de membres ou de TSPT et de BSO. De fait, deux d'entre eux sont cotés à 100 p. 100. C'est un groupe tout à fait particulier.
Je parle de ces trois personnes parce que je suis le président du Comité consultatif sur la santé mentale, qui comporte trois sections, donc c'est un peu différent. On nous a dit qu'il y aurait une espèce de restructuration des autres comités l'année prochaine pour réduire certaines choses, dont les coûts ne sont pas la moindre.
J'ai parlé de ces trois comités parce que selon les arrangements pris, le président de chaque comité doit assister aux réunions des autres. Cela a été très fructueux. Ils sont tous intéressés à la nouvelle Charte des anciens combattants, et ont fourni un apport, ce qui prévient le chevauchement.
Dans le cas du Comité consultatif sur la santé mentale, vous avez devant vous une liasse. Je ne lirai pas chaque page parce que je suis sûr que vous aurez le temps de l'étudier. Cependant, j'aimerais en expliquer quelques-unes pour établir le contexte, puis j'exposerai les points essentiels des trois rapports. J'y reviendrai dans un moment.
Pour ce qui est du contexte, il était évident que les programmes et services relèvent du MDN et d'ACC et maintenant de la GRC. La GRC a finalement adhéré à ce comité particulier parce qu'elle éprouve d'énormes problèmes avec les BSO. Les BSO ne sont pas rien que du domaine de l'armée. Je suis sûr que vous pouvez comprendre que la GRC, les forces policières, le SMU et le grand public, n'importe quelle victime d'un accident de la route grave peut souffrir d'une BSO. Ce n'est pas réservé à l'armée.
Le président : Est-ce que nous savons ce que signifie BSO?
Col Ethell : C'est une blessure de stress opérationnel, pardonnez-moi.
Le président : Faites attention aux acronymes, si vous voulez bien.
Col Ethell : J'y veillerai, sénateur. Des généraux qui sont ici m'ont conditionné à l'emploi d'acronymes. L'autre que j'emploierai est TSPT, pour trouble de stress post-traumatique, un autre des aspects des BSO.
Les membres et leur famille doivent constamment subir des examens et recevoir des approbations afin que l'on puisse s'assurer qu'ils soient intégrés, et parvenir de façon efficace et positive à favoriser la santé mentale et à prévenir la maladie mentale, et aussi à réduire les symptômes et la durée de la maladie.
En passant, je vais parler du trouble de stress post-traumatique. Je ne suis pas clinicien. Cependant, tout comme le sénateur Dallaire, je souffre. C'est chronique; c'est pour la vie. C'est ce qu'en disent bien des cliniciens. Une fois qu'on se rend à cette évidence et qu'on a surmonté tous les obstacles que posent la médication, le counselling et tout le reste, on peut vivre une vie normale, quel que soit le sens que l'on donne au terme « normale ».
C'est une répercussion du Conseil consultatif pour le soutien social aux victimes de stress, le Comité consultatif sur le SSVSO. Le comité a été formé après que le lieutenant-colonel Stephan Grenier ait créé le SSVSO il y a environ six ans, avec l'aide du sénateur Dallaire et du général Couture, qu'il repose en paix. C'est un regroupement de pairs qui travaillent efficacement dans la mesure où ils sont 40 dans tout le pays. Ce ne sont pas des cliniciens ou des conseillers, mais ils peuvent orienter les gens — des membres des FC en service, de la GRC, des retraités et leurs proches — vers les instances pertinentes.
Ce comité a connu beaucoup de succès, par la sensibilisation aux troubles de santé mentale et aux blessures de stress opérationnel, aidant ainsi le MDN et ACC à améliorer les moyens des membres et de leur famille. J'insiste ici sur « et de leur famille ».
Je fais une autre petite digression. On met un fort accent sur les familles. J'y reviendrai quand nous parlerons de l'un des comités, ici, et de la Charte des anciens combattants. Ce sont les familles, les familles et encore les familles.
C'est sur elles que nous avons mis l'accent en grande partie quand nous nous sommes assis autour de la table, il y a 10 ans. Le conseil consultatif des Forces canadiennes a évolué et a abouti au rapport Neary, qui a été remis à ACC et qui a été le catalyseur de la rédaction de la nouvelle Charte des anciens combattants. La première chose que nous avons dû décider — ou qui a été décidée pour nous — était à savoir si on allait créer une nouvelle charte, ou modifier l'ancienne. Nous avons décidé en faveur de la nouvelle charte. Nous avions une feuille blanche, et il nous a fallu en créer une sans enfreindre les droits et privilèges des anciens combattants de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale ainsi que de la guerre de Corée, les anciens combattants traditionnels visés par la loi sur les anciens combattants.
Au fil de nos démarches, pour bon nombre d'entre nous, y compris certains qui sommes de la vieille école — qui pensions dans le temps que, si l'armée voulait que vous ayez une épouse, elle vous en aurait attribué une — les familles sont venues au premier plan. La famille était importante.
De fait, je me rappelle un vote à notre conseil, visant à déterminer qui devait avoir la priorité : les anciens combattants ou les familles. Nous étions 21, et un membre seulement a répondu « les membres ». Devinez qui c'était, et devinez qui s'est retrouvé président du comité sur les familles? C'était moi. Le général s'en souvient probablement.
Les travaux de comité ont été très fructueux. Le ministère des Anciens combattants et le MDN, toutefois, ont décidé qu'il nous fallait aller encore plus loin. Le programme de SSVSO se poursuivra et est très efficace, et il a des retombées sur les membres qui assurent le soutien des personnes en deuil : ceux qui vont parler aux proches et aux conjoints des membres qui ont fait le sacrifice ultime. Dans le cas du Comité consultatif sur la santé mentale, ils voulaient inclure non seulement les BSO et le TSPT, mais aussi les autres aspects de la santé mentale. Les troubles de dépendance est un gros problème. De fait, Edgar Kaiser Jr., de la fondation Kaiser de Vancouver, a dit qu'il aimerait ne pas se concentrer que sur la santé mentale mais aussi sur les troubles de dépendance. Nous ne le ferons pas pour diverses raisons. Les troubles de dépendance, c'est par exemple le jeu, l'alcoolisme, le tabagisme et toutes ces autres choses que certains d'entre nous avons connues dans notre carrière militaire parce que c'était la norme, malheureusement.
Pour ce qui est du Comité consultatif sur la santé mentale, notre mandat est de fournir de l'information, de l'expertise et des conseils au MDN, à ACC et à la GRC sur les tendances, les nouvelles idées, la recherche, les programmes, les modèles, les stratégies et les pratiques exemplaires dans le domaine de la santé mentale et des soutiens sociaux. C'est un mandat assez vaste. Si vous regardez tous ces aspects, nous ne faisons qu'égratigner la surface.
Nous avons eu trois réunions, dont les deux premières ont été consacrées à l'organisation et l'information. Si vous regardez la liste des membres, que vous a distribuée la greffière, vous constaterez que c'est un groupe émérite.
Des hauts fonctionnaires d'Anciens combattants et du MDN sont allés solliciter le soutien d'un grand nombre de cliniciens de haut niveau et bien placés pour siéger au comité.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples de l'effectif du comité. Le Dr Dan Bilsker est le président de l'un de nos comités. C'est un psychiatre de l'hôpital général de Vancouver et il enseigne à l'Université Simon Fraser. Peter Collins est capitaine de corvette dans la Force de réserve, et il est actuellement en Afghanistan. C'est un psychiatre judiciaire à l'Université de Toronto, qui fournit des services à la Police provinciale de l'Ontario et à d'autres services policiers. Il a fallu lui tirer l'oreille pour qu'il nous dise ce qu'était un psychiatre judiciaire. Nous avons aussi Nick Kates de l'Université McMaster et le Dr Taylor Alexander, PDG de l'Association canadienne pour la santé mentale. Nous sommes en train d'établir une relation avec l'ACSM. Cheryl Regehr est la doyenne du département de travail social de l'Université de Toronto. Elle est la présidente de notre comité sur la famille et a produit un rapport exceptionnel, auquel je reviendrai tout à l'heure. J'ai déjà parlé d'Edgar Kaiser. Allan English enseigne l'histoire à l'Université Queen's. Pourquoi avons-nous un historien au comité, me demanderez-vous? Il a été membre du comité consultatif sur le SSVSO et il a beaucoup écrit sur les blessures de stress opérationnel. Il a lui-même été dans l'armée. Lui et le général Joe Sharpe, mon adjoint, font souvent des conférences au Collège d'état-major et de commandement des Forces canadiennes.
Je ne vais pas diminuer la valeur des 11 à 14 autres personnes qui coordonnent l'entraide et l'aide à la famille. L'évolution de ce nouveau comité comprend non seulement de nouveaux aspects, mais elle a également un effet d'entraînement sur le comité consultatif de SSVSOI. La première chose dont nous nous sommes enquis, c'est où se trouvait le comité consultatif sur le terrain. Nous les appelons les gens de la base, les gens au visage noirci, avec tout le respect que nous leur devons. Les autres personnes au visage noirci sont les directrices de district, Kim Ray et Anne Marchand. Malheureusement, Anne Marchand n'a pas pu assister à notre réunion la semaine dernière en raison d'une tragédie familiale. Kim Ray est la directrice de district de l'Est de l'Ontario, et elle dit les choses telles qu'elles sont. Elle comprend facilement non seulement ce qui a trait à la santé mentale, mais aussi toutes les facettes de l'armée. Nous sommes évidemment enthousiastes au sujet de Petawawa, qui fait partie de son rayon d'opération, de même que Pembroke et Ottawa. Elle est un membre clé de l'équipe.
Le comité consultatif comprend également des représentants du MDN. Nous avons la chance de compter parmi les membres du comité le commandant de la base de Petawawa et son adjudant-chef. Malheureusement, ils ont dû partir à la dernière minute. L'adjudant-chef, Kit Charlebois, qui est le sergent-major de régiment du Centre d'instruction au combat de la BFC Gagetown, nous a parlé. C'est une personne dynamique qui fait fonction de champion des Forces canadiennes pour les personnes ayant des déficiences. Tous les sergents-majors de régiment sont à l'affût, mais celui-ci, en particulier, se déplace tout le temps et présente des rapports à ses supérieurs. Nous comptons d'autres psychiatres dans l'armée, un religieux et des représentants de la GRC.
Pourquoi est-ce que je mentionne les représentants et les membres? C'est parce que nous pensons que les experts externes — les psychiatres, les cliniciens, et cetera — donneront des conseils aux représentants des trois ministères. Tout cela est bien. Toutefois, au cours des deux ou trois premières réunions, j'ai parlé à un certain nombre de psychiatres, dont un à Calgary, et à deux membres du comité, et ils m'ont dit que les soins de santé mentale au Canada étaient plutôt désastreux. Le psychiatre de Calgary a déclaré que les soins de santé mentale dans le Sud de l'Alberta étaient un fouillis. Des cliniciens civils se présentent dans les cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel et les Centres de soutien pour trauma et stress opérationnels, les CSTSO, et demandent des conseils sur la façon dont nous traitons les soldats et les anciens combattants. Dans le cas des anciens combattants, environ 70 p. 100 des clients ou des pairs des cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel sont des anciens combattants. Leur nombre s'est accru parce que de nombreux anciens combattants — des anciens combattants qui ont quitté récemment les Forces canadiennes, qui ont combattu durant la guerre de Corée ou, dans certains cas, durant la Seconde guerre mondiale — se présentent finalement dans les cliniques après s'être regardés dans le miroir et avoir admis qu'ils ont un problème, et demandent ce qu'on peut faire pour les aider. Ils s'adressent à Anciens Combattants dans certains cas, par l'intermédiaire de l'armée.
Je saute un peu les étapes, mais les cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel d'Anciens Combattants et les cliniques des CSTSO du MDN ont fini par tomber d'accord et par admettre que leur mandat était légèrement différent. Cependant, un ancien combattant peut maintenant se rendre dans un CSTSO militaire et un soldat peut visiter une clinique de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel d'Anciens Combattants.
Le président : Si 70 p. 100 des clients sont des anciens combattants, de quoi sont composés les autres 30 p. 100?
Col Ethell : Ce sont des membres des Forces canadiennes en service actif et des membres de la GRC. Le SSVSO n'a pas pour mandat d'offrir des services à la GRC. Comme vous le savez probablement, la GRC n'a pas signé la nouvelle Charte des anciens combattants. À son avis, certains de ses avantages sont supérieurs à ceux de la nouvelle Charte des anciens combattants. Anciens Combattants Canada et la GRC ont noué un dialogue à ce sujet. L'armée y participe dans une certaine mesure.
Un certain nombre d'agents de police, à la retraire ou non, sont venus rencontrer les coordonateurs de l'entraide et de l'aide à la famille du SSVSO, leur ont dit qu'ils avaient un problème et leur ont demandé s'ils pouvaient leur venir en aide. Théoriquement, nous ne pouvons pas les aider, mais voici ce que nous faisons pour eux. La plupart des bureaux des coordonateurs se trouvent dans des Tim Hortons et des endroits de ce genre. Ainsi, les gens ne sont pas forcés de se rendre au quartier général et de croiser des gens en uniforme. Ils veulent simplement parler à quelqu'un. Tôt ou tard, ils suivent toutes les étapes du programme.
Le président : À ce propos, il y a un certain nombre d'années — le sénateur Downe était peut-être avec nous —, nous sommes allés visiter une clinique dans un centre commercial de Calgary? Est-elle toujours ouverte?
Col Ethell : Je la connais bien. Elle fonctionne tellement bien qu'ils l'ont agrandie deux fois et qu'ils ont embauché du nouveau personnel. C'est un endroit idéal. Pourquoi un centre commercial? Parce que c'est loin de la circulation. Ce n'est pas sur une base ou dans un bureau d'Anciens Combattants. Lorsqu'un coordonnateur de l'entraide et de l'aide à la famille découvre que quelqu'un a un problème, il le rencontre dans l'aire de restauration, ils prennent un café ensemble, ils parlent du problème, et cetera. À l'heure du dîner, les coordonnateurs amènent les gens à l'étage, leur font visiter la clinique et les présentent plus tard à l'infirmière clinicienne, qui leur exposera le programme, les évaluations, et cetera.
Au bout de deux semaines — c'est la période habituelle pour les cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel d'Anciens Combattants —, ils auront terminé l'évaluation, établi un programme et commencé à traiter la personne. Cette clinique est une réussite, car c'est un PPP.
Le président : Qu'est-ce qu'un PPP?
Col Ethell : Un partenariat public-privé. Le personnel est embauché par Carewest, une entreprise qui s'occupe de nombreuses questions de santé dans le Sud de l'Alberta, et Anciens Combattants paie le fret. L'avantage, c'est que leur échelle salariale, qui figure dans le sommaire de la nouvelle Charte des anciens combattants, leur permet de recruter du personnel. L'armée est assujettie aux lignes directrices du Conseil du Trésor et ne peut pas offrir les mêmes salaires. Cela est très avantageux pour les cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel qui se trouvent partout au pays. Les CSTSO sont toujours confrontés au même problème occasionné par le Conseil du Trésor, car leurs échelles salariales sont différentes.
Le sénateur Banks : L'autre avantage en ce qui concerne la question du président, c'est le caractère relativement anonyme des cliniques et les lieux non institutionnels où elles se trouvent. On nous a dit à l'époque que ces endroits étaient moins intimidants pour les membres et les anciens combattants qui veulent s'y rendre. Est-ce vrai?
Col Ethell : Vous avez absolument raison. Au début, on avait tendance à vouloir afficher les mots « santé mentale » au-dessus de la porte. Si on inscrit santé mentale au-dessus de la porte, les soldats ne la franchiront pas.
Nous avons eu le même problème à Petawawa lorsque nous avons demandé aux soldats de monter à bord d'un autobus pour recevoir leurs traitements dans des cliniques d'Ottawa. Ils ont été forcés de prendre des dispositions différentes, parce qu'ils déposaient d'abord les soldats qui allaient à l'Hôpital Civic et conduisaient ensuite les « fous » à la clinique. Une fois que les gens ont découvert où ils allaient, croyez-vous que les soldats montaient toujours dans l'autobus? En aucun cas.
Ils ont apporté des changements pour essayer d'atténuer le problème. Au cours des 10 dernières années, nous avons accompli beaucoup de progrès sur le plan de la santé mentale. Malgré cela, à un certain stade, bon nombre de soldats ne veulent pas avoir affaire à l'armée, voir un uniforme, et cetera. Dans certains cas, ils ne veulent certainement pas franchir l'entrée d'un bureau de district d'Anciens Combattants Canada.
C'est l'avantage des coordonnateurs de l'entraide et des autres personnes de ce genre. Ils sont passés par là; ils ont été évalués, ils ont tous été malades, ils ont été traités et ils savent à quoi cela ressemble. Ce qu'il y a de formidable chez eux, c'est qu'une fois qu'ils vous ont pris en charge, vous n'êtes plus seul. Vous aurez toujours quelqu'un auprès de vous.
Le président : Je vais suggérer que nous fassions quelque chose d'un peu inhabituel, c'est-à-dire de permettre au sénateur Downe de poser sa question pendant votre exposé, car il doit partir tôt.
Le sénateur Downe : Le colonel a abordé une question que je voulais soulever, à savoir pourquoi la GRC n'a pas signé la nouvelle Charte des anciens combattants. Il y a des membres de la GRC à l'étranger. Vous avez mentionné que la GRC vous avait informé qu'elle jouissait d'avantages supérieurs dans certains secteurs. Est-ce la raison pour laquelle elle ne l'a pas signée?
Col Ethell : Je ne peux pas vous donner leurs raisons. C'est simplement ce que les membres de la GRC m'ont dit. Il y a une semaine, lorsqu'au cours de la réunion du Comité consultatif sur la santé mentale, je leur ai demandé pourquoi ils n'avaient pas adhéré à la Charte, ils m'ont répondu que c'était en raison de certaines prestations, mais ils ne les ont pas citées.
Rappelez-vous que la GRC, que Dieu la bénisse, est en train de vivre un changement de mentalité à propos des traumatismes liés au stress opérationnel, comme celui que le ministère des Anciens Combattants a vécu avec l'armée. Il y a encore des durs à cuire qui croient que les gens devraient, comme on dit, serrer les dents et endurer; ils ne veulent pas entendre parler de ces questions.
Je repense à un très haut gradé chirurgien qui, juste avant qu'une personne se présente devant le Comité consultatif de SSVSO, me disait sans détours : « Je préférerais mettre mes mains dans le torse d'un blessé plutôt que de parler de santé mentale. Je n'y connais rien et cela ne m'intéresse pas. »
Depuis ce temps, nous avons parcouru beaucoup de chemin pour arriver là où nous sommes aujourd'hui. En revanche, la GRC est encore en train d'évoluer. Je ne parle pas en son nom mais, comme j'ai déjà négocié avec elle — par moi-même ou par l'entremise du secrétariat au ministère des Anciens Combattants à Charlottetown —, j'ai pu constater qu'elle était très cloisonnée, comme vous le savez probablement. C'est bien d'avoir des croisements de compétences, mais parfois la main gauche semble ignorer ce que la main droite fait.
Parmi les cadres supérieurs, je crois savoir que le sous-commissaire Peter Martin prendra bientôt sa retraite. En juin, il a donné un exposé au Comité consultatif sur la santé mentale et a souligné que, finalement, la GRC allait se joindre à nous, mais qu'elle devait d'abord franchir toutes les étapes. Comme de nombreux ministères, elle fait l'objet de restrictions budgétaires, et cetera. Quel est le premier groupe qu'on sacrifie dans une organisation — un gouvernement ou un gouvernement provincial? C'est celui qui s'occupe de la santé mentale.
Le sénateur Downe : Vous êtes très diplomate, mais il y a évidemment une sorte de fossé à ce sujet entre les hauts gradés et les membres de la GRC. Comme vous l'avez mentionné, les militaires et le ministère des Anciens Combattants ont traversé ces étapes il y a plusieurs années déjà.
Le fait que la GRC siège maintenant au Comité consultatif de soutien social aux victimes de stress opérationnel est une bonne nouvelle. Cependant, j'ai remarqué qu'en 2006, la GRC avait rédigé un rapport intitulé L'avenir des programmes et des services d'invalidité des membres de la GRC et de leur famille : évaluation des besoins, que vous connaissez, j'en suis certain. Le rapport indiquait que la GRC devait commencer à travailler en partenariat avec Anciens Combattants. Ce processus est en cours, mais il est très lent.
Monsieur le président, il serait peut-être bon de demander à nos analystes de comparer les prestations que les membres de la GRC reçoivent à celles que prévoit la nouvelle Charte des anciens combattants. Si les membres de la GRC bénéficient de prestations plus avantageuses, nous devrions peut-être améliorer celles des anciens combattants ou, dans le cas contraire, exercer des pressions sur la GRC pour qu'elle adhère à ce qui pourrait être un programme bonifié.
Le sénateur Dallaire : Ce que le sénateur Downe a dit est non seulement tout à fait exact, mais il l'a exprimé fort courtoisement. La GRC éprouve de nombreuses difficultés relativement à la santé mentale de ses troupes et à son commandement. Ce fossé ne nous est pas étranger, car nous l'avons connu dans les années 1990.
Nous devrions voir comment l'organisation comprend son évaluation de la nouvelle Charte des anciens combattants, comment elle gère aussi le stress opérationnel de ses membres et les recommandations que nous pourrions formuler. Cela cadrerait avec le mandat de la nouvelle Charte des anciens combattants puisque celle-ci a été conçue en tenant compte des membres de la GRC. L'association et le haut commandement ont refusé de la signer, mais les troupes sur le terrain sont exposées à un stress énorme.
Enfin, j'aimerais mentionner que 600 agents de police canadiens travaillent à l'étranger en ce moment, dont 200 membres de la GRC et 400 membres de tous les autres corps policiers au pays. Que faisons-nous pour eux? Comment pouvons-nous continuer d'inciter les municipalités à envoyer ces hommes et ces femmes en mission? Et pendant que nous examinons la nouvelle Charte des anciens combattants, ne devrions-nous pas envisager le meilleur moyen de leur venir en aide? Bien que cette responsabilité n'incombe pas directement au gouvernement fédéral, ces agents de police travaillent pour lui lorsqu'ils sont déployés.
Le président : Qu'en est-il des diplomates et du personnel de soutien qui se trouvent dans un théâtre de guerre?
Le sénateur Dallaire : Monsieur le président, une des raisons principales pour lesquelles les efforts de développement en Afghanistan ne mènent à rien et notre corps diplomatique ne tient pas tellement à être envoyé en mission à cet endroit insécuritaire, c'est que la fonction publique n'a pas de processus relatif à ces missions. Les gens restent donc dans la zone sécuritaire, et c'est ce que les SM leur ordonnent de faire, car sinon, ils seraient emprisonnés parce qu'ils les auraient envoyés dans une zone à risque. La stratégie des trois D employée actuellement relativement aux zones de conflit doit être évaluée et incluse dans le processus.
Vous avez tout à fait raison, et il vaudrait la peine que nous nous penchions sur les autres ministères dans le cadre de notre étude sur la Charte.
Col Ethell : Le sénateur Dallaire soulève de bons points. La question nous ramène à l'époque où j'étais directeur des opérations de maintien de la paix, de 1987 à 1990, pendant que sévissait ce qu'on appelle « l'épidémie du maintien de la paix » en raison du fait qu'une mission n'attendait pas l'autre. La GRC participait à certains de nos projets. La première question qu'on posait, c'est : « Que se passe-t-il si l'agent de la Police provinciale de l'Ontario se fait tuer? » Eh bien, il doit se débrouiller.
Vous savez qu'un sergent de la GRC a été gravement blessé en Afghanistan. À ma connaissance, la GRC comme Anciens Combattants s'occupent bien de lui. Toutefois, des préoccupations persistent. Les soldats et les membres de la GRC servent tous leur pays; leur uniforme est le même, à l'exception de leur insigne d'épaule. Ils devraient donc avoir droit aux mêmes prestations.
Le président : Je pense que vous nous avez inspirés à considérer la possibilité de convoquer un représentant de la GRC comme témoin après le congé de Noël.
Col Ethell : Je vais vous donner un bref aperçu du CCSM, du Comité consultatif sur la santé mentale, car je sais que vous voulez passer à la nouvelle Charte des anciens combattants.
J'attire votre attention sur la deuxième feuille, sur laquelle sont notées les cinq priorités. Initialement, j'avais assigné différentes priorités à chacun des trois sous-comités : questions familiales et sociales, questions cliniques et méthodes novatrices. Depuis que nous avons reçu les recommandations, j'ai éliminé cette séparation, et tous les membres peuvent travailler à toutes les priorités. Vous pouvez voir la façon dont les forces ont été réparties.
Les comités nous ont remis leur rapport. J'avais fixé l'échéance au 1er octobre, mais je les ai seulement reçus il y a deux semaines. Je vais faire un bref survol des faits saillants relevés par les trois comités.
Dans le premier cas, questions familiales et sociales, je l'ai déjà dit, nous avons une présidente remarquable en la personne de Mme Regehr. Elle s'est penchée sur trois questions : les programmes déjà en place; la correction des lacunes — les mesures vraiment utiles; et les relations avec les familles — les programmes axés sur les enfants et les jeunes.
Le sous-comité recommande entre autres « un accès amélioré à des mesures de soutien pratique pour la famille de membres et d'anciens combattants blessés ou décédés ».
Lorsqu'un membre des Forces armées canadiennes est blessé ou tué, les membres de sa famille ressentent beaucoup de stress lié aux questions pratiques dont ils doivent s'occuper, par exemple : la pension et les prestations, les droits des enfants (comme les bourses) et le renvoi des effets personnels. Les questions que les familles ont soulevées précisément incluent le fait que les sommes liées au déploiement militaire des soldats morts au combat ne sont pas exonérées d'impôt et qu'il n'y a pas de mesures de sécurité adéquates en place pour faire en sorte que les effets personnels ne soient pas manipulés ou perdus en cours de route.
En repensant à notre participation, je pense au fait que Mme Westmorland a peut-être mentionné qu'un des membres du Groupe consultatif sur la nouvelle Charte des anciens combattants est Gwen Mandeville, qui fait partie du troisième comité, celui de la famille. Mme Mandeville est la veuve du lieutenant Saunders, qui a été tué lors d'un incident lié à un sous-marin; son arrivée a beaucoup enrichi le Groupe consultatif sur la nouvelle Charte des anciens combattants. Elle a associé un visage aux délibérations non seulement du comité de la famille, mais aussi de la commission plénière, car elle relevait de l'ancienne Charte. Elle s'est remariée et elle participe toujours à diverses activités liées aux anciens combattants. Elle a épousé un agent de la GRC à Halifax, ce qui m'a poussé à lui dire : « Félicitations! Vous ne pouviez pas vous trouver un commis de banque? »
Elle nous a dit que lorsque son mari a été tué, elle aurait adoré que quelqu'un s'occupe de ses enfants — un bébé et un enfant de deux ans —, mais le règlement ne contenait pas de disposition à cet effet. Une modification a finalement été apportée au règlement, et, bien entendu, la nouvelle Charte des anciens combattants et nos recommandations contiennent des dispositions à cet effet.
Deuxièmement :
Le comité recommande une révision des politiques et procédures en matière d'avis et de communication qui tiendrait compte des dispositions législatives relatives à la protection des renseignements personnels et dont le but serait d'améliorer l'opportunité et la qualité des renseignements fournis aux familles. Nous recommandons d'améliorer les processus employés pour envoyer des avis et communiqués, et ce, sur le plan de l'humanité, de l'inclusion et du respect.
Le ministère des Anciens Combattants participe aux séances au cours desquelles nous rédigeons les rapports et en discutons. À son honneur, il examinera les recommandations et il les mettra en œuvre s'il est d'accord et s'il le peut.
Le rapport sur la nouvelle Charte des anciens combattants a été présenté en juin. Il vient d'être officiellement traduit et peut maintenant être publié, quoique les comités du Sénat et de la Chambre des communes en avaient déjà une copie dans les deux langues officielles.
Le sénateur Dallaire : Parlez-vous du rapport Westmorland?
Col Ethell : Le rapport du Groupe consultatif sur la nouvelle Charte des anciens combattants a été déposé en juin.
Le président : Nous l'avons reçu de façon informelle.
Col Ethell : Soit dit en passant, j'étais ébahi quand j'ai entendu Mme Westmorland et le major-général Semianiw présenter le rapport — y compris une traduction officielle — au comité. La situation était la même avec le Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes. Je leur ai demandé pourquoi ils le faisaient traduire alors qu'il avait déjà été traduit deux fois, et ils ont répondu qu'ils devaient le faire eux-mêmes. La bureaucratie est efficace. Je n'aurais pas dû dire cela, mais voilà, je l'ai dit, et c'est officiel.
Troisièmement :
Le comité recommande d'améliorer les services offerts aux familles : en multipliant les services offerts aux familles au sein du MDN et d'ACC (par exemple, relativement aux cliniques de traitement des BSO et des ressources pédagogiques portant sur les BSO); en déployant davantage d'efforts pour bâtir des partenariats communautaires et les bonifier; en renforçant les capacités des fournisseurs de services; en améliorant la communication avec les membres, les anciens combattants et leur famille en ce qui a trait aux services offerts en matière de questions sociales et de santé mentale.
C'est là une lutte difficile, car il y a des conséquences juridiques pour la famille d'un ancien combattant qui reçoit les services d'une clinique de traitement des BSO. À une certaine époque, l'ancien combattant ou le membre devait accepter que la famille reçoive des soins et il devait déterminer qui paierait. Beaucoup croient qu'on ne devrait pas avoir à se poser la question, et des progrès ont été accomplis. S'il n'en est pas ainsi, nous continuerons à travailler le dossier. Depuis le début de ce processus de 10 ans, j'ajoute : « et les familles ».
Quatrièmement :
Le comité recommande que toutes les bases offrent des options de logement aux victimes de violence entre partenaires intimes, et ce, tant sur le plan de services d'urgence que de services à long terme.
La cinquième recommandation est la suivante :
Le comité recommande la création de services et de programmes axés sur les enfants de soldats et d'anciens combattants. Étant donné le dispersement de ces enfants et de ces jeunes partout au pays et le cyberespace dans lequel ils vivent, on recommande que les recherches et les projets pilotes portent sur la consultation, la programmation pour les groupes et les forums dirigés effectués en ligne. Il faudrait aussi se pencher sur des ressources externes telles que le camp de deuil, dans le but de bâtir, de partager et d'augmenter le savoir et les connaissances dans ce domaine spécialisé avec l'aide des enfants et des jeunes.
Nous avons accueilli le fils de 16 ans d'un pilote qui a été tué. Sa mère est l'un des membres de notre comité. Elle a demandé d'inviter Adam, un jeune homme qui s'exprime très bien, à une séance du comité. Nous avons entendu de première main ce que veut dire perdre son père ou sa mère. Ce jeune homme nous a parlé de ce qu'il avait vécu. Pensons aux traumatismes dans les écoles locales. Je prends l'exemple de Petawawa et de la période pendant laquelle de nombreuses vies ont été perdues; les écoles locales ont subi les conséquences de ces événements terribles sur l'état mental des enfants. Les enseignants ont dû intervenir auprès d'enfants qui étaient terrassés par le fait que leur père était là-bas et qu'il y avait eu deux autres morts. La seule chose à laquelle les enfants pensaient, c'était : « Est-ce que mon père sera le prochain? » Les enfants sont devenus très importants pour nous.
Je vais passer au deuxième comité, qui est simple.
Le président : Je ne sais pas si nous avons déjà un exemplaire des recommandations que vous nous avez lues, mais sinon, nous en obtiendrons un. S'agit-il essentiellement des mesures que le comité suggère de prendre pour pouvoir fonctionner le mieux possible?
Col Ethell : Ce sont seulement les recommandations d'un des trois sous-comités. Je vais aussi faire un survol des deux autres. Ces rapports ont été présentés le 3 décembre. Je les ai avec moi. Je vous parle d'abord des recommandations. Ma prochaine tâche est de faire un rapport à Brian Ferguson, sous-ministre adjoint principal, Anciens Combattants Canada; au major-général Semianiw, Chef du personnel militaire; et à Peter Martin, sous- commissaire, de la GRC. Il y a aussi un comité de gouvernance, surnommé « l'escouade de Dieu » et formé des directeurs de la santé mentale des trois organismes, en plus du secrétariat. Toutefois, le mandat exige que je fasse un rapport aux trois chefs, comme je viens de le dire; je le ferai au cours des deux ou trois semaines à venir. En vérité, il s'agira d'un résumé. À noter aussi qu'il y a des documents à l'appui des renseignements que le comité de la famille a relevés et que je viens de lire.
Le deuxième rapport est simple. Le groupe qui étudiait les questions cliniques a évalué l'efficacité des services fournis par les cliniques du MDN qui traitent les BSO. Le MDN et AAC ont apporté des changements, et il est maintenant possible de passer de l'un à l'autre pour obtenir des services. La différence, c'est que les CSTSO offrent davantage de services aux membres, y compris ceux de médecins de famille. Le ministère des Anciens Combattants n'offre pas ce genre de services.
Ils en ont donc évalué l'efficacité. Les disparités géographiques et la façon dont les cliniques et les services sont liés rendent les défis évidents. Le ministère des Anciens Combattants a neuf cliniques de traitement des BSO, mais je ne me rappelle plus combien il y a de CSTSO au pays. Les gens doivent donc se déplacer pour s'y rendre. J'en ai mentionné quelques-uns. Les gens de Cold Lake, nos collègues de la force aérienne, doivent se rendre à Edmonton pour obtenir ce service. Le ministère des Anciens Combattants tente de corriger la situation. Cela semble simple : ils font plus de 200 kilomètres en voiture pour se rendre à Edmonton, sur la route la plus ennuyeuse au monde; les demandes sont satisfaites lentement; et il faut près de six mois pour trouver un remplaçant pour la personne. Je crois comprendre que Keith Hillier, sous-ministre adjoint du ministère des Anciens Combattants, s'occupe de la situation, qui est due à un manque de personnel au sein du ministère. En fait, le ministère a embauché 1 200 nouveaux employés à la suite de l'adoption de la loi, en préparation à la mise en œuvre de la nouvelle Charte des anciens combattants. En outre, ils ont lancé un programme de formation énorme. Toutefois, il leur manque encore des gens, en raison, par exemple, de l'attrition. Certaines personnes relèvent de l'ancienne Charte des anciens combattants, d'autres, de la nouvelle, et d'autres encore, des deux, ce qui rend la situation difficile.
L'accès des réservistes à des programmes offerts près de leur collectivité d'origine est aussi une difficulté continue. Nous en avons parlé il y a 10 ans. La question de ce que nous savons au sujet des réservistes revient presque chaque mois — lorsqu'ils rentrent chez eux, ils retournent à leur unité et vont en Saskatchewan ou peu importe. Soit ils ne veulent pas être trouvés, soit on n'arrive pas à les trouver. Ils ont terminé leur service et ils ont un problème. Or, il vient de se produire quelque chose. L'armée, sous le leadership du général Semianiw, a réussi à mettre en place des services de soutien. En avez-vous été informé?
Le président : Oui.
Col Ethell : Dans ce cas, je n'entrerai pas dans les détails à nouveau. Cela donne de grands résultats, car les réservistes appartiennent maintenant à une « unité » où ils sont suivis de près. Par exemple, ils participent à des défilés. On ne leur dit pas de rentrer chez eux et de revenir dans un an parce que l'unité opérationnelle a d'autres chats à fouetter.
Il répugne encore à certains anciens combattants de profiter de ces services. Cette affirmation ne s'applique pas vraiment aux cliniques de traitement des BSO en raison du fait, comme vous l'avez dit, qu'elles sont situées dans des centres commerciaux ou des endroits du genre. Toutefois, vous n'arriverez probablement pas à convaincre des anciens combattants de se rendre dans un CSTSO situé au sein d'une installation militaire, car ils ne veulent pas être associés à l'armée.
Le sénateur Dallaire : Je ne veux pas vous interrompre plus qu'il n'est nécessaire, colonel Ethell, mais ce point a été soulevé deux fois, par vous et le sénateur Downe. Le comité de la Chambre des communes qui a fait l'examen de la question du stress opérationnel, le TSPT, a publié un rapport important dont j'ai pris connaissance. Je sais qu'il pourrait être inapproprié pour le Sénat d'examiner les travaux de la Chambre, mais j'ai trouvé qu'il présentait des lacunes considérables. Il y avait une question de point de vue, nommément, celle de déterminer si les Forces canadiennes, qui ont 30 p. 100 de tous les cas dont vous avez fait mention plus tôt, devraient avoir des cliniques sur les bases ou dans les villes. Le rapport indique qu'elles devraient être sur les bases et qu'elles devraient le rester, et ainsi de suite. Toutefois, de plus en plus de données indiquent que ces cliniques devraient se trouver dans les villes. J'aimerais que le colonel réagisse. Au fur et à mesure que nous acquerrons de l'expérience avec ces programmes, peut-être que ces installations pourront revenir sur les bases, mais elles ne devraient pas y être en ce moment, car bien des clients ne reçoivent pas de traitements. Ai-je raison?
Col Ethell : Vous avez tout à fait raison. J'ai donné l'exemple du bureau du SSVSO à Gagetown. Certains membres du personnel partagent des locaux avec Anciens Combattants Canada, d'autres se trouvent dans les immeubles Tim Hortons, et d'autres encore se trouvent sur les bases. Dans le cas de Petawawa, le commandant du groupe de soutien leur a accordé, entre autres, un logement résidentiel rénové. Toutefois, il a été éloigné de façon à ne pas être près de la clinique ou de l'hôpital de la base.
Je suis d'accord avec vous, mais c'est aussi une question d'argent; c'est la question des espaces qu'ils peuvent se permettre d'avoir à l'extérieur de la base.
Le sénateur Dallaire : Anciens Combattants Canada et le MDN ont tous les deux déclaré qu'ils n'avaient pas de problèmes d'argent, c'est-à-dire que le manque d'argent n'a pas fait obstacle à l'établissement de ces bureaux. Il sera intéressant d'y revenir. Peut-être qu'ils ont de la difficulté à embaucher les bonnes personnes, mais on n'a aucunement déclaré que le manque d'argent faisait obstacle à la mise en œuvre d'un de ces programmes. Je propose que nous en reparlions plus tard.
Col Ethell : Je suis certain que vous allez revenir à la question. Dans l'une de mes autres fonctions pour les six associations d'anciens combattants, nous nous rencontrons à tous les trimestres. À cette occasion, et pendant les séances d'information à l'intention des quatre comités et d'Anciens Combattants Canada, on s'est dit grandement préoccupés par les questions financières. Cela dit, ils tentent de mettre en œuvre ce qu'ils peuvent en respectant les règles en vigueur; c'est- à-dire avec le financement dont ils disposent. Ils essaient de l'utiliser au meilleur escient possible en ayant recours, comme me l'a indiqué l'un des mes anciens contrôleurs, à des techniques de financement créatives pour qu'il fonctionne.
Il y a quelques années, un certain commandant de l'armée a dit que l'argent n'était pas un problème au MDN, comme vous l'avez peut-être entendu. C'est un problème maintenant, par contre, si je comprends bien. Les deux ministères ont des préoccupations.
La mise en œuvre des recommandations de la nouvelle Charte des anciens combattants — et, d'ailleurs, lorsque nous aborderons le Comité consultatif sur la santé mentale — engagera évidemment des coûts.
Je vais passer au numéro trois, qui porte sur les méthodes innovatrices de l'examen de la prestation des services et les technologies innovatrices d'appoint recommandées pour les troubles mentaux. La cyberconsultation a été bien accueillie par ceux qui l'ont essayée, notamment ceux qui vivent en région éloignée et doivent parler à quelqu'un par arrangement avec un psychologue, un psychiatre ou un infirmier clinicien. Dans ce domaine, on offre également la cyberthérapie, l'exposition prolongée et d'autres éléments qui aideront, comme les simulateurs de télésanté; un site Web pour les enfants endeuillés et un accès accru à la télésanté d'une juridiction à l'autre; le rehaussement de la diffusion des outils d'autogestion de la santé mentale; et l'utilisation de méthodes d'apprentissage fondées sur le Web.
Vous devez vous rappeler que les gens avec qui nous faisons affaire, dans une certaine mesure, connaissent les ordinateurs, ils sont désireux de poursuivre et ils le feront. Je vais vous donner un exemple.
J'ai demandé au colonel Stogran, l'ombudsman des Anciens Combattants, pourquoi les anciens combattants de l'Afghanistan n'avaient pas formé d'association. Il m'a répondu qu'ils l'avaient fait, que cela s'appelait Facebook. La question n'est pas de rassembler les gens, mais plutôt qu'ils parlent tout le temps. Je ne sais toujours pas ce que signifie « Twitter », mais je m'améliore.
Je crois que vous voulez passer à la nouvelle Charte des anciens combattants. J'ai écouté l'exposé de notre président du comité sur la nouvelle Charte des anciens combattants, du professeur Westmorland et du général Semianiw, chef du personnel militaire. Je n'ai pas besoin de revoir tout cela. J'ai présidé le comité de la famille pour ce groupe, et nous avons formulé les recommandations, comme vous le savez, j'en suis persuadé.
Nous avons suivi ce processus à la demande du MDN, qui voulait savoir si nous classerions les recommandations par ordre de priorité. Je crois que le professeur Westmorland vous a indiqué que cela avait fait l'objet d'une longue discussion au sein du comité, et que l'on avait finalement décidé de ne pas le faire. On a estimé qu'il reviendrait aux Anciens Combattants de classer les 16 recommandations par ordre de priorité.
Il est évident pour certains d'entre nous qui participons au processus que certaines priorités passeront avant les autres. Au risque de déplaire à notre président, la réadaptation en fait partie, de même que la sécurité financière. Dans mon esprit et avec mes antécédents, la question qui figure en haut de la liste est celle des familles et du renforcement des groupes de soutien des familles. Je parle peut-être mal à propos, mais ces trois sujets seront à l'avant-plan. Les trois sujets en question peuvent se diviser en sous-catégories.
Je m'arrête ici, à moins que vous ne vouliez que j'entre dans les détails au sujet de l'économie familiale et de la réadaptation, et que je fasse une comparaison entre le tableau des familles des FC et des Anciens Combattants. Parce que le temps nous presse, je crois qu'il ne nous reste que quelques minutes seulement pour poser des questions. Je m'excuse d'avoir parlé pendant si longtemps du Comité consultatif sur la santé mentale, mais il est cher à nombre d'entre nous. Comme bien de mes collègues qui portaient un uniforme, c'est une passion. Ces choses vous l'inspirent.
Le président : Merci beaucoup, colonel Ethell. Cela intéresse aussi beaucoup notre sous-comité. Nous l'avons montré au fil des ans. Nous savons que nous avons beaucoup à apprendre et nous apprécions le point de vue que vous nous avez donné aujourd'hui.
Il est possible que vous ayez le temps, à la fin de la réunion, d'ajouter quelque chose que vous avez peut-être oublié. Nous passerons aux questions et verrons s'il y a des points que vous aimeriez approfondir. Le sénateur Downe a malheureusement dû partir.
Le sénateur Wallin : Je tiens simplement à clarifier un point : les agents de police, la GRC et les civils, qui s'exposent à des dangers, ne peuvent pas s'en prévaloir. C'est bien cela?
Col Ethell : Ils ne peuvent pas se prévaloir de quoi?
Le sénateur Wallin : Ils ne peuvent pas se prévaloir des services offerts en vertu de la charte. Il n'y a aucune façon, compte tenu de leurs affectations précises en Afghanistan, qu'ils soient couverts par la charte?
Col Ethell : Rappelez-vous que nous parlons du Comité consultatif de la nouvelle Charte des anciens combattants. La nouvelle Charte des anciens combattants en tant que telle est vraiment une question pour les Anciens Combattants. Comme je l'ai indiqué il y a quelques instants, si Anciens Combattants peut faire en sorte qu'elle fonctionne, il le fera, dans le cadre de la réglementation en vigueur. Il doit obéir à la loi comme tout le monde. Il est très conscient de cette question des frères d'armes de la GRC. Quand vous les voyez à la télévision; vous ne pouvez pas les différencier à moins de regarder l'insigne d'épaule.
Le sénateur Wallin : Ils portent des tenues de corvée militaires.
Col Ethell : C'était la même chose en Haïti. Il y avait plus d'une centaine d'agents de la GRC en Haïti, et ce n'était pas l'endroit le plus sécuritaire au monde; il y avait aussi des agents des forces policières nationales, de la Police provinciale de l'Ontario, de la police métropolitaine de Toronto, de la police de Montréal, et cetera.
Le sénateur Wallin : J'en reviens tout juste et je crois comprendre que les civils qui sortent maintenant avec la police et l'armée et qui sont exposés à des dangers sont, en quelque sorte, à l'abri maintenant. Peut-être que nous pouvons en faire le suivi.
Cela ne se rapporte probablement pas directement aux rapports et aux recommandations que vous avez présentés, mais parce que nous examinons cette question depuis les deux ou trois derniers mois, je veux connaître votre opinion, compte tenu de votre propre expérience, de votre passion et de votre dévouement. Lorsqu'il est question de troubles ou de traumatismes liés au stress opérationnel donnant lieu plus tard à des comportements inadmissibles, comment pouvons-nous faire la distinction entre ceux qui sont causés par le service et ceux qui ne le sont pas? Est-il possible de faire la distinction?
Col Ethell : Oui, c'est possible. Et je vais répondre à votre question de deux façons. Au début du processus, quand j'ai perçu ce traumatisme de stress opérationnel et trouble de stress post-traumatique, j'étais au Missouri; j'ai dit « Mais qu'est-ce que c'est que ce truc? Je crois que c'est ridicule ». J'ai changé d'idée lorsque j'ai parlé à quelques psychiatres mis en service au sein de notre comité et leur ai demandé « Pouvez-vous me dire si quelqu'un en souffre? » et la réponse a été « Donnez-moi une heure ou deux avec eux, probablement avec des tests, et je peux vous dire s'ils ont ou non un trouble de stress post-traumatique ». Pour moi, c'était évident.
Pour en revenir à votre question au sujet de l'endroit où cela est arrivé, les psychiatres qui servent en Afghanistan sont maintenant intégrés. En Croatie, on les envoyait pour deux semaines : « J'arrive du QGDN et je suis ici pour vous aider. » Cela ne fonctionnait simplement pas avec les soldats; ils refusaient de leur parler. Les psychiatres intégrés là-bas, comme Peter Collins et bien d'autres, sont sur place, avec les soldats, et ils sont exposés à des dangers. C'est déjà assez difficile lorsqu'un dispositif explosif de circonstance fait exploser un véhicule et tue une ou deux personnes et qu'on exige des soldats qu'ils aillent parler à ceux qu'ils appellent, affectueusement, les contrôleurs mentaux. Ils parleront aux cliniciens là-bas et les écouteront. Lorsqu'ils retournent au pays, ils indiquent que ce n'est pas nécessairement l'incident en Afghanistan. Ce pourrait être à cause du Rwanda, des camps de guerre à Beyrouth, de la poche de Medak, ou de l'invasion de Chypre par le Turcs lorsque les Canadiens ont défendu l'aéroport de Nicosie. Cela peut même remonter jusqu'au Congo alors que nous avons combattu avec les forces armées belges. C'est déclenché par un incident.
L'autre point est celui de l'accumulation. Je parle d'expérience pour avoir noté les choses qui sont remontées à la surface et qui pouvaient me déranger cinq ans après avoir quitté les forces. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à écouter des gens comme le général Dallaire, le général Couture et d'autres, et que je me suis dit que j'avais peut-être un problème. C'était cumulatif; cela ne veut pas nécessairement dire qu'un incident particulier était en cause. J'ai toujours une aversion contre les bruits soudains. Une certaine odeur qui peut rappeler le site d'un massacre est un problème réel pour nombre d'entre nous. Nous en tenons compte. Ce n'est pas nécessairement l'incident en Afghanistan. Est-ce que cela répond à votre question?
Le sénateur Wallin : Nous essayons de nous débattre avec cette question, car elle pourrait être si vaste avec le nombre de gens qui jouent tous ces différents rôles, surtout maintenant que nous avons parlé de la GRC et des civils. Je comprends exactement ce que vous dites, et je ne crois pas que quelqu'un la remette en question. Il faut maintenant savoir si dans 20 ans, une personne qui a quitté les forces, mais qui entre toujours dans la catégorie des anciens combattants, affiche un comportement inadmissible, comment faisons-nous le lien ou devrions-nous le faire? S'agit-il de circonstances atténuantes? Si je cambriole une banque dans 20 ans, était-ce parce que j'étais sénateur? Si j'ai un problème d'alcoolisme ou je fais preuve de violence à l'égard de ma famille, est-ce parce que j'ai servi en Afghanistan? Comment savoir? Êtes-vous d'avis que cela n'est simplement pas important? Si c'était un membre des forces et qu'un problème survenait, alors il devrait être couvert par la charte.
Col Ethell : C'est toujours important. La question est de savoir comment cela se saura. Si la personne a des problèmes avec la loi, par exemple, et son avocat est à son affaire et sait que son client est un ancien combattant, alors il peut demander conseil à Anciens Combattants Canada. Rien ne sert de parler aux forces parce qu'elles le renverront à Anciens Combattants. Il peut parler à l'un des coordonnateurs du soutien par les pairs du SSVSO. Il est arrivé, dans un certain nombre des cas, qu'un ancien combattant se retrouve en prison. Je vous donne un exemple. À Halifax, Dave McArdle est un remarquable coordonnateur du soutien par les pairs qui a pris une entente avec les forces policières. Si un ancien combattant est détenu ou a un problème, il demande qu'on lui passe un coup de fil, en particulier s'il s'agit d'une question de santé mentale. Ce n'est pas seulement à Halifax, mais partout au pays. Cela fait partie du processus de sensibilisation. Cela fait partie des tâches du Bureau des conférenciers conjoint, du MDN et d'ACC, qui font connaître les traumatismes de stress opérationnel et la solidité du programme du SSVSO et maintenant le Comité consultatif sur la santé mentale. La question pour les autorités est de savoir si le particulier est un ancien combattant et si son comportement pourrait être attribuable à son service militaire.
Le sénateur Wallin : Y a-t-il des précédents? Un organisme judiciaire a-t-il déterminé que ce comportement répréhensible ne découle pas de son expérience militaire? Que ce n'est qu'une personne qui aurait agi de la sorte d'une façon ou d'une autre? Il aurait pu être caissier de banque. À votre connaissance, est-ce que quelqu'un a déjà fait une déclaration à cet égard?
Col Ethell : Je ne peux pas vous donner de chiffre, mais je sais que le fait d'avoir un traumatisme lié au stress opérationnel dans les forces n'est pas une excuse pour contrevenir au Code de discipline militaire. Je vous donne un exemple : le jeune homme qui a traversé le quartier général de la BFC Edmonton avec son véhicule souffrait d'un traumatisme lié au stress, mais il n'a pas échappé au Code de discipline militaire.
Le sénateur Dallaire : Cette affaire a soulevé la controverse. Votre question est très appropriée. Premièrement, ils ne demandent même pas s'il s'agit d'anciens combattants. C'est un fait que vous pouvez faire un lien, mais ce n'est pas absolument nécessaire. Nous constatons que les cliniciens essaient, plus souvent qu'autrement, de trouver toute une série de raisons, pas seulement la raison opérationnelle. S'ils en trouvent d'autres, qu'il s'agisse de l'éclatement d'une famille ou autre, cela soulage le gouvernement fédéral d'un tas de prestations et d'aide qu'il aurait à accorder.
Il arrive que les cliniciens n'accordent pas sa pleine importance au stress opérationnel dans leur analyse; ils ne font que l'ajouter à une série d'autres points et affirment qu'il est impossible d'appuyer suffisamment leur analyse dessus. Je soutiens que cela a eu une incidence très négative sur leur efficacité auprès des soldats, car ils ont essayé de diminuer l'importance du stress opérationnel.
À titre d'exemple, un de mes collègues s'est suicidé l'an dernier, 14 ans après la mission. Il est possible de mal faire, puisque j'ai aidé un colonel, après qu'un guide sur les traumatismes liés au stress opérationnel m'a averti de sortir de la prison, et c'était un colonel. Bien que le clinicien ait dit que son traumatisme était un problème parmi tant d'autres, au bout du compte, c'est vraiment son stress opérationnel qui était en cause. Ce n'est pas clair, mais cela existe. Nous ne posons même pas la première question, ce que le colonel essaie de diffuser par l'intermédiaire d'ACC, qui est de savoir si vous êtes un ancien combattant et si vous avez été envoyé en mission, et de partir de cette information. Les Américains ont le même problème.
Ma question, si vous me le permettez, colonel Ethell, se rapporte à votre comité consultatif. Nous recevons beaucoup de questions au sujet des nouvelles méthodes, des situations familiales et des lacunes des programmes, de la friction entre les cliniciens et les non-cliniciens, par exemple les gens du SSVSO sont non cliniciens, et il y a des cliniciens, et l'un manipule l'autre.
Avez-vous des moyens qui vous permettent d'évaluer et de financer la recherche dans ces différents domaines? Par ailleurs, êtes-vous la personne à qui nous devons confier tous ces cas pour qu'ils soient examinés et évalués? Avez-vous ce mandat général?
Col Ethell : Je vais d'abord répondre à la seconde question. La plupart des membres du comité adoptent le même principe, même si ce n'est pas dans notre mandat. Nous allons veiller à ce que toute personne qui nous est recommandée soit orientée dans la bonne direction. C'est le mieux que nous puissions faire, général, car ce n'est pas dans notre mandat. À vrai dire, c'est également chronophage, entre autres choses.
Quant à la recherche, c'était l'un des aspects dont j'ai parlé tout à l'heure. Nous n'avons qu'effleuré la question. Nous avons entendu un certain nombre d'exposés de M. David Pedlar, l'expert de la recherche à Anciens Combattants Canada. Nous essayons de le mettre en contact avec le Dr Mark Zamorski du MDN, dont vous avez peut-être entendu parler, et de le faire travailler avec M. Bilsker à Vancouver, qui a un intérêt dans la recherche. Plusieurs de nos membres partagent ce même intérêt. Dan Bilsker souhaite également présenter un résumé à une rencontre internationale à la clinique de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel. Cet événement portant sur le suicide et organisé par le ministère des Anciens Combattants aura lieu à Montréal, en novembre prochain.
Comme vous le savez peut-être, le MDN a amélioré son programme de prévention du suicide. J'ignore ce que cela signifie, car je ne l'ai pas vu. Cette question suscite de vives inquiétudes. C'est Dan Bilsker, de l'hôpital Vancouver General, qui étudie la question du suicide.
Nous entendons parler de cas de suicides dans les médias, et nous savons tous les deux ce que c'est. J'ai raconté l'histoire de ce jeune garçon qui est rentré chez lui, est allé à l'étage et s'est fait exploser la cervelle. Comment pouvons- nous empêcher cela? C'est impossible. Nous avons beau faire de notre mieux, mais si quelqu'un est déterminé à en finir, rien ne l'arrêtera.
Le sénateur Dallaire : En somme, vous êtes en train de nous dire qu'il n'y a aucun fonds pour la recherche. Vous cherchez à mettre en place des moyens, n'est-ce pas?
Col Ethell : Notre comité ne dispose d'aucun fonds de recherche. Ce n'est pas moi qui tiens les cordons de la bourse. Si c'était le cas, les trois sous-comités seraient tous dans le rouge.
Vous vous rappellerez peut-être qu'à l'époque de la Conférence des forces armées centraméricaines, la CFAC, une personne à Anciens Combattants Canada envisageait de faire de la recherche. La situation a beaucoup changé, d'après ce que j'ai entendu des exposés du Dr Thompson et de M. David Pedlar, qui n'est pas médecin, même s'il a un doctorat.
Le sénateur Dallaire : J'ai lu un article du médecin-chef des FC dans la revue Frontline selon lequel — et c'était répété de nombreuses fois sur trois pages — nous avons le meilleur programme de stress opérationnel au monde et nous ne devrions pas entendre autant de commentaires négatifs pour seulement trois cas.
Samedi dernier, nous avons inhumé un bombardier-chef de mon régiment qui s'était suicidé. Il avait à peine plus de 30 ans. Il avait fait deux missions en Yougoslavie et trois en Afghanistan. Il venait de rentrer et avait averti son entourage qu'il passerait à l'acte. Apparemment, le régiment et tous les intervenants ont essayé de l'aider à remonter la pente, mais il s'est quand même tué dans les 10 jours qui ont suivi son retour. Avons-nous vraiment le meilleur programme au monde, au point que nous pouvons rester là sans rien faire, accepter la situation et refuser la critique?
Col Ethell : J'ai beaucoup de respect pour le commodore Jung, le médecin-chef. Il a fait d'énormes progrès depuis qu'il a pris le relais de son prédécesseur. Je crois me rappeler l'article dont vous avez parlé, dans lequel il affirmait que nous avions le meilleur système. Certes, il est cent fois mieux que ce que nous avions il y a cinq ou dix ans. Mais à quoi comparons-nous notre système lorsque nous disons qu'il est « meilleur »?
Comme vous le savez, le corps des Marines des États-Unis a emboîté le pas en ce qui concerne le soutien social aux victimes de stress opérationnel, ou SSVSO. Quant aux forces terrestres américaines — au demeurant très nombreuses —, elles ne se sont pas engagées dans cette voie. Les troupes australiennes et néerlandaises ont été informées sur le sujet et sont intéressées, car ce système donne des résultats.
Je trouve déconcertant que le médecin-chef ait fait ce genre de remarque, puisque le bien-être des troupes, dont la santé mentale, n'est pas du ressort des cliniciens. C'est une question de leadership, tel que l'a expliqué le chef d'état- major de la Défense il y a peu de temps. La responsabilité de tous les niveaux de commandement revient aux subordonnés dans tous les aspects, y compris la santé mentale. L'époque où la visite chez un médecin devait suffire à régler un problème est révolue. C'est bien de consulter un médecin, mais le patient veut avoir un suivi. Il ne faut pas se dérober. Nous sommes passés par là, et c'est assez. S'il y a un problème, la personne peut consulter un médecin. Les médecins sont là pour ça. Il est de la responsabilité des commandants à tous les niveaux d'assurer un suivi afin de voir comment évolue la situation.
Je me souviens d'une déclaration d'un clinicien haut gradé dans l'armée. Il ne s'agit pas du commodore Jung. Cette personne demandait ce que nous attendions de lui et si nous voulions qu'il appelle tous les patients chaque jour pour savoir comment ils se sentent. Évidemment, cela n'arrivera pas, mais ce n'est pas le genre d'observations que l'on diffuse publiquement.
Le président : Sénateur Banks, avez-vous des questions?
Le sénateur Banks : Non, je vais m'entretenir en privé avec le colonel à la fin de la séance.
Le président : Je vous remercie, colonel Ethell, d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Je tiens à rappeler à mes collègues qu'il s'agissait de notre dernière séance avant le congé des Fêtes. Je vous souhaite à tous un joyeux Noël ainsi qu'une bonne et heureuse année 2010; recevez également mes meilleurs vœux de santé et de prospérité.
Voici ce que je propose pour notre première séance à la fin de janvier, au retour du congé des Fêtes. Nous pourrions, avec l'aide des spécialistes de la Bibliothèque du Parlement, revoir les témoignages, cerner les points que nous n'avons pas couverts et décider de la suite.
Colonel Ethell, je vais vous laisser conclure. Il faut absolument que la séance se termine avant 13 h 30, sinon j'aurai de gros ennuis.
Col Ethell : Je tiens simplement à dire, comme vous l'avez entendu à maintes reprises, que la nouvelle Charte des anciens combattants est une charte évolutive; elle n'est pas parfaite. Un certain nombre d'aspects dont nous ne sommes pas satisfaits sont restés en suspens, comme l'allocation d'invalidité, le versement forfaitaire et les soins de longue durée, entre autres. La Charte n'est pas parfaite, mais on travaille à l'améliorer. C'est cent fois mieux que ce que nous avions avant, c'est-à-dire rien. Il existe un cadre stratégique en matière de santé mentale entre le MDN et ACC, approuvé par la haute direction, mais qui bloque au niveau du personnel, ce qui est très décevant.
Quant à la nouvelle Charte des anciens combattants, comme vous en avez peut-être entendu parler auparavant, en ce qui concerne les familles et l'intervention précoce, nous avons réussi à rapprocher le MDN et ACC, dont les vues étaient diamétralement opposées, pour parvenir à une approche quasi intégrée. Autrement dit, nous avons réussi à entrer dans une phase de transition. Cela exige un remaniement et un travail constants. Il y aura toujours des intérêts divergents.
Le président : Je vous remercie, colonel Ethell. Il ne nous restait que 30 secondes. Voilà qui met fin à cette séance.
(La séance est levée.) |